Séance du 16 décembre 1998







M. le président. « Art. 4. - L'article L. 346 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L. 346 . - Une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque liste de candidats avant chaque tour de scrutin.
« Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins.
« Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 5 % du total des suffrages exprimés. La composition de ces listes peut être modifiée pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 3 % des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour. En cas de modification de la composition d'une liste, le titre de la liste et l'ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés.
« Les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour ne peuvent figurer au second tour que sur une même liste. Le choix de la liste sur laquelle ils sont candidats au second tour est notifié à la préfecture de région par le candidat tête de la liste sur laquelle ils figuraient au premier tour. »
Par amendement n° 14, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L. 346 du code électoral :
« Une déclaration de candidature est obligatoire avant chaque tour de scrutin pour chaque liste, présentant les candidats répartis entre les différentes sections départementales. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. C'est un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 15, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 346 du code électoral, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle résulte du dépôt à la préfecture de région d'une liste comportant autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir dans la région divisée en sections départementales. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 16, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 346 du code électoral, d'insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Sur cette liste, chaque candidat doit mentionner son rattachement à un seul département de la région, dans lequel il est éligible au conseil général en application du deuxième alinéa de l'article L. 194.
« Toutefois, pour les sections départementales comportant un nombre de sièges à pourvoir égal ou inférieur à cinq, la liste comporte un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir augmenté de deux. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Même s'il entre un peu plus dans le détail que les précédents, cet amendement est également un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi, par M. Paul Girod, au nom de la commission, d'une motion n° 1 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à certaines dispositions de l'article 4.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant que les dispositions du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 du projet de loi pour l'article L. 346 du code électoral comportent une distinction entre candidats, en raison de leur sexe, contraire aux principes constitutionnels énoncés à l'article 3 de la Constitution et à l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, réaffirmés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 novembre 1982, le Sénat, en application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, déclare irrecevable le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux pour l'article L. 346 du code électoral. »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Paul Girod, auteur de la motion.
M. Paul Girod, rapporteur. J'ai l'impression que nous sommes en train d'utiliser pour la première fois une disposition qui figure au deuxième alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat et aux termes de laquelle la commission saisie au fond et le Gouvernement, et eux seuls, peuvent soulever l'exception d'irrecevabilité constitutionnelle partielle sur un texte. C'est ce que fait, en cet instant, la commission des lois à l'égard du deuxième alinéa de l'article du présent texte visant à assurer la parité entre hommes et femmes dans les listes de candidats aux élections de conseillers régionaux.
Il s'agit là d'un sujet important, qui agite beaucoup notre société en ce moment et qui va faire l'objet d'un débat d'ordre constitutionnel maintenant en instance devant le Sénat.
Je tiens en cet instant à m'élever contre des propos surprenants qui auraient été tenus à propos de l'alinéa en question, y compris en cette enceinte, et qui voudraient que, à partir du moment où l'Assemblée nationale aurait pris position, le problème constitutionnel ne se poserait plus.
Si c'était vrai, il y aurait lieu de se demander pourquoi il y a une Constitution, un Parlement, des procédures et, à la limite, un peuple qui vote.
Dans cette affaire, en introduisant cette notion de parité, l'Assemblée nationale a froidement ignoré le texte actuel de notre Constitution, et ce d'une manière maladroite dans la mesure où elle parle de la parité des candidats, ce qui n'assure nullement la parité des élus puisqu'on peut parfaitement concevoir que, même si les candidats étaient parfaitement répartis à parité entre les deux sexes, les élus ne le seraient nécessairement pas dans la même proportion.
Passons sur la maladresse et rappelons que la Constitution prévoit en son article 3 :
« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
« Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice.
« Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.
« Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. »
Déjà, en 1982, une disposition votée par le Parlement a été annulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 82-146 du 18 novembre 1982 au motif qu'une règle fixant pour l'établissement des listes soumises aux électeurs une distinction entre des candidats en raison de leur sexe était contraire aux principes constitutionnels. C'est la conclusion à laquelle a abouti le Conseil constitutionnel en procédant au rapprochement de l'article 3 de la Constitution et de la dernière phrase de l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Voilà pourquoi la commission des lois demande au Sénat de déclarer irrecevable le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux, pour l'article 346 du code électoral.
Mes chers collègues, je crois avoir apporté la démonstration que cet alinéa n'est pas conforme au texte actuel de notre Constitution, qui reste le texte fondamental régissant les principes que nous appliquons, pour notre part, à la vie républicaine. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Allouche contre la motion.
M. Guy Allouche. On ne peut que donner acte à M. le rapporteur des arguments qu'il a avancés et de son rappel de la loi fondamentale, dont on ne peut que reconnaître l'exactitude.
Mais peut-être nos collègues députés ont-ils voulu anticiper ! En effet, un texte dont nous allons débattre dans quelques semaines a été voté hier, à l'unanimité, à l'Assemblée nationale. Certes, je ne peux préjuger le vote qu'émettra la Haute Assemblée. Mais enfin...
Il n'en reste pas moins qu'en droit normatif, on ne peut pas encore intégrer cette mesure.
Après tout, c'est le Conseil constitutionnel qui peut trancher. Mais s'il n'est pas saisi de la question, il ne pourra le faire.
Je reconnais que les arguments avancés par le rapporteur sont fondés. Toutefois, en la circonstance, dans la mesure où une majorité importante semble se dégager en faveur de l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions et mandats électifs, je pense que nous aurions pu nous permettre le luxe d'anticiper.
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Je rappelle à M. Allouche que, en 1982, le Conseil constitutionnel n'avait pas été saisi sur ce point précis. C'est lui qui, examinant un texte comportant cette disposition, est allé débusquer l'anomalie qui s'y trouvait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Mesdames, messieurs les sénateurs, hier soir, l'Assemblée nationale a examiné la réforme constitutionnelle portant sur la parité entre hommes et femmes. Cette réforme a été votée à l'unanimité des quatre-vingt-deux députés présents, après qu'une exception d'irrecevabilité sur ce texte eut été repoussée à la quasi-unanimité, à l'exception de celui qui l'avait présentée.
Il est vrai que, à la lettre, le Conseil constitutionnel pourrait se prononcer comme en 1982, mais je pense qu'il pourrait prendre en considération les intentions du législateur et le fait que, en inscrivant ces dispositions dans la loi, on anticipe une réforme qui me paraît portée, au moins aujourd'hui, par l'Assemblée nationale et, je l'espère, dans quelques semaines, par le Sénat. (Murmures sur les travées du RPR.)
M. Michel Mercier. On n'a qu'à attendre !
M. Josselin de Rohan. Pour qui prenez-vous les législateurs ?
M. le président. Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre la motion d'irrecevabilité présentée par la droite sénatoriale, qui revêt de forts relents de machisme. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Le projet de loi anticipe, vous l'avez dit, monsieur le ministre, sur la réforme constitutionnelle qui doit introduire dans la Constitution le concept de parité entre les hommes et les femmes sur le plan des fonctions électives.
Cette anticipation constitue selon nous une très bonne chose. D'une certaine manière, le vote, dès maintenant, d'une loi intégrant la reconnaissance de la place des femmes dans la vie politique, ou du moins la volonté de cette reconnaissance, est un appel à tenir les engagements pris.
Nous savons que la majorité sénatoriale n'est pas toujours à l'avant-garde de la défense des droits des femmes, les débats sur l'interruption volontaire de grossesse intervenus ces dernières années sont malheureusement là pour le rappeler.
Voter contre la parité aujourd'hui - c'est de cela qu'il s'agit, en dépit de toutes les explications de M. le rapporteur - risque fort de confirmer l'aspect rétrogade que revêt le Sénat aux yeux de l'opinion publique.
Aussi, je lance un appel au Sénat, à toutes ses composantes, pour refuser, à l'aube du xxie siècle, un amendement qui se situe à contre-courant de l'évolution de notre société. (Très bien ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce qui vient d'être dit est absolument inacceptable !
M. Jean-Claude Gaudin. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin. La Haute Assemblée est tout aussi moderne que l'Assemblée nationale, et ce n'est pas le groupe communiste républicain et citoyen qui peut prétendre lui montrer le chemin du modernisme !
Que les choses soient bien claires : il s'agit simplement d'un problème de respect du législateur. Je ne suis pas dans cette assemblée depuis très longtemp, mais j'ai trop de respect pour le travail qui y a été réalisé pendant des années et des années pour considérer qu'un texte peut anticiper sur nos décisions.
C'est la raison pour laquelle je soutiens la position de M. le rapporteur. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je serai très bref ; je ne répéterai pas ce que j'ai déjà dit à propos de ce débat.
On ne peut pas préjuger ce que sera la révision constitutionnelle ni même si elle sera.
Je rappelle les dispositions de l'article 89 de la Constitution : « Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. »
Je déplore, monsieur le ministre, que vous agissiez comme la presse qui, trop souvent, semble dire que la loi est adoptée parce que l'Assemblée nationale l'a votée. Je rappelle que le Parlement est bicaméral, et heureusement ! car je ne sais pas très bien où en serait la démocratie s'il ne l'était pas. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. le président. Je vous remercie, monsieur Gélard, de rappeler l'intérêt du Sénat pour l'équilibre de nos institutions.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, je voudrais dire à M. le ministre et à nos collègues de la minorité sénatoriale que la question qui nous est posée est une question de fond.
Si le législateur, lui-même, ne respecte pas la Constitution, je me demande bien qui la respectera.
Le Gouvernement - on l'a rappelé à plusieurs reprises ces derniers jours - a la maîtrise de l'ordre du jour des assemblées. Rien ne l'empêchait d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et du Sénat la réforme constitutionnelle prévoyant un égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives. Nous aurions pu en débattre, réformer la Constitution et, ensuite, adopter éventuellement la disposition qui fait l'objet de la présente motion d'irrecevabilité.
Aujourd'hui, M. le ministre nous dit : la Constitution n'a pas beaucoup d'importance... on verra bien dans quelques jours ce qui arrivera... Pour l'instant, nous avons une loi fondamentale. Elle s'impose à nous et ce que nous a dit M. le rapporteur doit nous conduire à suivre l'avis de la commission. Demain, nous montrerons à tous nos collègues et à l'ensemble de nos concitoyens que le Sénat n'est ni « ringard » ni hostile à l'accès de qui que ce soit aux mandats politiques.
M. Claude Estier. Vous voterez pour la parité alors ?
M. Michel Mercier. Bien entendu !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 du projet de loi pour l'article L. 346 du code électoral.

(La motion est adoptée.)
M. le président. En conséquence, le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 du projet de loi pour l'article L. 346 du code électoral est rejeté.
Par amendement n° 17, M. Girod, au nom de la commission des lois, propose, dans la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 346 du code électoral, de remplacer le pourcentage : « 5 % » par le pourcentage : « 10 % ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Nous retrouvons le problème des seuils qui a déjà été traité tout à l'heure.
La commission des lois propose au Sénat de revenir aux seuils qui avaient été envisagés par le Gouvernement. Ils sont raisonnables. Ils permettent le maintien au second tour des listes ayant reçu un minimum d'adhésion populaire. Cela donnera une prime de 25 % et non pas de 50 %, comme pour les élections municipales, et permettra d'aboutir à une majorité stable. Par ailleurs, cela évitera l'éparpillement des suffrages et des listes, la confusion dans l'expression de la volonté populaire. Bref, nous aurons un scrutin raisonnable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Le Gouvernement avait initialement proposé un dispositif qui se rapprochait de celui que vient de présenter M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Non, c'était exactement le même !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. L'Assemblée nationale a souhaité modifier le seuil et le Gouvernement s'en est remis à sa sagesse. J'adopterai ici la même position, étant entendu que, s'agissant d'un scrutin régional, il convient de concilier le pluralisme et la diversité de la représentation, d'une part, la recherche d'une stabilité majoritaire, d'autre part.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Cet article 4 est bien l'article le plus ambigu du texte, pour ne pas dire le plus coupable.
Il est évident que, avec la question de la présence au second tour, nous sommes devant une manoeuvre visant à placer le Front national en position d'arbitre.
Souvenez-vous de l'argumentation du président Giscard d'Estaing sur ce sujet ! Deux présidents de la République vous ont demandé de chasser les arrières-pensées dans cette affaire. Réfléchissez : la situation est grave ! Pourquoi ne faites-vous pas confiance aux procédures démocratiques ?
Si l'amendement est adopté, l'électeur ayant voté pour le Front national au premier tour, dans un grand nombre de cas, n'aura plus de candidat Front national au second tour. Il devra donc faire lui-même l'arbitrage entre la gauche plurielle et la droite républicaine : ce ne seront pas les élus qui devront faire le choix et on n'assistera pas à toutes ces « magouilles » que vous avez dénoncées.
En fixant de nouveau le seuil à 10 %, l'amendement oblige l'électeur à sortir de l'ambiguïté et à arbitrer. Au premier tour, il proteste ; au second, il choisit et il assume une responsabilité démocratique. Ainsi, il n'y a plus de « magouilles » !
Puisque nous voulons tous lutter contre les « magouilles » et tous lutter contre l'influence du Front national, il faut accepter ce seuil de 10 %. J'avais proposé que ce soit 10 % des inscrits, mais je suis prêt à me rallier à un seuil de 10 % des suffrages exprimés. Ainsi, nous aurons au moins la même règle que pour les élections municipales.
Au demeurant, pour ma part, monsieur Allouche, je n'apprécie pas cette règle pour les élections municipales. Je pense d'ailleurs que, lors du prochain scrutin municipal, il y aura des problèmes. Cela permettra peut-être d'engager un débat pour revoir cette question.
En tout état de cause, j'ai noté que c'était là l'argument du Gouvernement pour justifier de sa bonne foi. Si le Gouvernement est vraiment sincère sur ce sujet, il doit prendre position - a fortiori, eu égard à l'actualité - en faveur d'un seuil de 10 %. Tout autre choix montrerait qu'il se satisfait de la situation.
Autrefois, du temps de M. Mitterrand, on parlait d'« instrumentalisation ».
M. Claude Estier. C'est vous qui en parliez !
M. Jean-Pierre Raffarin. Il semble que, sur cette stratégie, il n'y ait pas de rupture avec le passé.
Vraiment, monsieur le ministre, je vous invite à méditer ces propos de M. Giscard d'Estaing : « Si le Gouvernement s'accroche à son projet et refuse toute modification, le masque vertueux tombe. Il devient évident qu'il s'agit non d'assurer la prééminence des valeurs tolérantes et républicaines, mais de recourir à une manoeuvre tortueuse pour conquérir le pouvoir régional ». (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Claude Estier. Millon et Soisson ne sont pas chez nous !
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur Estier, vous n'avez rien à nous reprocher sur ce sujet ! J'ai pris très clairement position sur ce point, et je vous prie donc de ne me faire aucun reproche.
M. Josselin de Rohan. De qui Soisson a-t-il été ministre ?
M. Claude Estier. De Giscard, précisément !
M. Josselin de Rohan. Et de Mitterrand !
M. Jean-Pierre Raffarin. En ce qui concerne le dernier paragraphe de l'article, je reprendrai à mon compte les propos que tenait tout à l'heure M. de Rohan sur la « partitocratie ». Il y est indiqué que le candidat tête de liste est habilité à annoncer avec quelle autre liste la sienne va fusionner en vue du second tour. Il me paraît tout de même étrange qu'on donne un tel pouvoir aux têtes de listes, dans la mesure où il pourrait y avoir débat préalable entre l'ensemble des candidats inscrits sur la liste. En fait, on donne aux chefs de parti la possibilité de prendre seuls une décision extrêmement importante.
Il y a d'ailleurs là une contradiction avec l'article 8, qui prévoit que la déclaration de retrait est signée par la majorité des candidats de la liste. Ainsi, on considère que, pour fusionner, il suffit de l'avis de la tête de liste, c'est-à-dire de l'appareil politique, mais que, pour retirer la liste, la décision doit être prise à la majorité. Sur ce plan aussi, l'article 4 manque de sincérité. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Notre groupe ne peut que saluer la sagesse dont a fait preuve l'Assemblée nationale...
M. Josselin de Rohan. C'est pour vous sauver du désastre !
M. Robert Bret. ... en décidant d'abaisser ce seuil. Ainsi sont assurés à la fois une majorité stable et un véritable pluralisme. Or le pluralisme est un élément fort de la démocratie dans notre pays, et il va à l'encontre de la bipolarité que vous souhaitez trop souvent, messieurs de la droite.
Et vous, monsieur Raffarin, de quel Front national nous parlez-vous ? De celui de M. Mégret ou de celui de M. Le Pen ? Demain, quelle sera votre attitude, face à ce problème ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Avec 3 % chacun, ils pourront fusionner et être présents au second tour !
MM. Robert Bret et Claude Estier. Et avec qui vont-ils fusionner ?
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Je voudrais d'abord féliciter M. Raffarin pour la pertinence de son analyse. Nous sommes bien là au coeur du débat parce que c'est là qu'apparaissent le clientélisme sous-jacent, les « magouilles »...
M. Robert Bret. Vous vous y connaissez en magouilles !
M. Guy Fischer. Ce sont des spécialistes !
M. Josselin de Rohan. ... et l'intention totalement perverse des auteurs de cette superbe invention.
En effet, il s'agit évidemment de préserver, pour le second tour, un certain nombre de gens qui pourront gêner l'opposition républicaine. Car c'est bien dans ce but que cela a été inventé !
D'ailleurs, votre invention vous échappe : vous souhaitiez un Front national et, maintenant, vous en avez deux pour le prix d'un seul ! (Sourires.)
Je ne sais pas très bien comment vous allez débrouiller tout cela mais ce que je sais, c'est que, si vous aviez voulu empêcher le Front national d'exister, vous auriez pu le faire en l'interdisant au motif qu'il diffuse des idées contraires aux principes républicains,...
M. Claude Estier. Et vous, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Josselin de Rohan. ... ainsi que vous n'arrêtez pas de le dire !
En tout cas, vous avez voulu instituer dans la loi, avant que le Front national n'implose, les moyens de nous obliger à choisir entre la résignation et la compromission. Voilà ce qu'était votre démarche !
Cela dit, avec le dispositif que vous avez imaginé, vous nous avez beaucoup rajeunis !
Pendant la guerre, je n'étais pas très âgé, mais je me souviens que, lorsqu'on voulait se procurer une motte de beurre, il fallait aller chez le coiffeur. Là, on pouvait recevoir la motte de beurre que l'on ne trouvait pas à la crémerie, à condition de partir avec un lot de dix ou douze peignes en simili-mica. (Sourires.)
C'est très exactement le système que vous êtes en train d'essayer de nous « vendre », parce que, avec ces apparentements, vous allez fabriquer des majorités de bric et de broc, et cela dans une perspective purement électoraliste.
Il s'agit de sauver du naufrage un certain nombre de groupuscules, d'extrême gauche notamment, avec qui vous allez essayer de faire une majorité dite de la « gauche plurielle ». Et vous prétendez, avec cela, constituer des majorités cohérentes pour administrer les régions ? Mais c'est se moquer du monde !
Monsieur Queyranne, je voudrais que, pendant une seule seconde - une seule parce que je ne veux pas de mal à la région Rhône-Alples ! - vous ayez à vivre, en tant que président de région, le système que vous êtes en train d'essayer de nous faire avaliser : ce serait la juste punition de tous vos péchés ! Mais j'espère bien que nos amis feront en sorte que vous ne soyez jamais président d'une région. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Sur un sujet comme celui qui nous réunit aujourd'hui, je souhaite que la Haute Assemblée retrouve sa sérénité.
M. Serge Vinçon. Elle ne l'a pas perdue !
M. Hilaire Flandre. Une partie de la Haute Assemblée !
M. Guy Allouche. Je suis en effet frappé par la médiocrité des arguments qui sont avancés. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains indépendants.)
M. Jean Chérioux. C'est l'éternelle leçon !
M. Guy Allouche. Nous entendons parler de « magouilles », de manoeuvres.
M. Josselin de Rohan. Vous en êtes, bien sûr, incapables... (Sourires sur les travées du RPR.)
M. Guy Allouche. M. Raffarin ne peut pas expliquer un vote sans aussitôt évoquer le Front national. Avec M. de Rohan, c'est encore autre chose. Moi, je considère qu'il y a des faits incontestables.
M. Jean Chérioux. Alors, il ne faut pas qu'ils viennent de vous !
M. Guy Allouche. Monsieur Chérioux, prenez patience, et soyez beaucoup plus prudent.
J'ai souvenir - cela n'est pas si ancien - que celui qui a fait appliquer pour la première fois la proportionnelle à des élections européennes et qui a fait émerger, à près de 9 %, une formation extrémiste,...
M. Josselin de Rohan. C'est Mitterrand !
M. Guy Allouche. ... c'est M. Giscard d'Estaing, en 1979.
M. Philippe Marini. Mais c'est en 1983 que...
M. Jean-Pierre Raffarin. En 1981, Le Pen n'était pas au second tour !
M. Guy Allouche. En 1979, pour la première fois, les élections européennes étaient à la proportionnelle et une formation d'extrême droite a réalisé un score que chacun peut vérifier. Que je sache, nous n'étions, alors, ni au gouvernement ni à l'Elysée !
M. Gérard Cornu. Mais, après, vous avez étendu le mal !
M. Guy Allouche. Je vais maintenant m'arroger la qualité de porte-parole de la formation politique à laquelle j'appartiens pour vous dire que nous souhaitons ardemment la disparition politique tant des hommes que des idées de ce parti d'extrême droite.
M. Josselin de Rohan. Alors, prenez vos responsabilités !
M. Guy Allouche. Nous en souhaitons la disparition totale afin que la France républicaine redevienne complètement ce qu'elle doit être.
M. Josselin de Rohan. Alors, ne votez pas la loi !
M. Guy Allouche. Il y a ceux qui reprochent à la gauche, notamment aux socialistes, d'avoir favorisé un parti d'extrême droite,...
M. Philippe Marini. Parce que c'est la vérité !
M. Guy Allouche. ... et c'est une façon comme une autre de se dédouaner ou de se disculper.
Bien entendu, ce reproche est infondé, et l'on peut le prouver.
Il y a aussi ceux qui pactisent - et ils ne sont pas dans le camp de la gauche - et ceux qui ne pactisent pas mais qui ont récupéré les thèses et les idées. Ceux-là, vous le savez parfaitement, se trouvent dans votre camp.
Plusieurs sénateurs du RPR. Scandaleux !
M. Josselin de Rohan. Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Guy Allouche. Monsieur de Rohan, je vais vous rafraîchir la mémoire.
M. Gérard Cornu. Soixante et onze députés de gauche ont été élus grâce au Front national ! C'est scandaleux !
M. Jean Chérioux. C'est de la provocation, monsieur le président !
M. le président. Monsieur Allouche, n'interpellez pas vos collègues ! Adressez-vous au président.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, je m'adresse à vous et, à travers vous, à la majorité sénatoriale de droite.
En 1983, ce n'est quand même pas la gauche qui a fait alliance à Dreux avec le Front national pour battre une socialiste ! Cela aussi méritait d'être rappelé ! (Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Enfin, je voudrais dire à M. Raffarin que nous n'avons pas à nous lancer à la figure des leçons de morale et de vertu. (Rires sur les mêmes travées.)
M. Philippe Marini. Les leçons de morale, c'est vous qui les donnez, habituellement !
M. Guy Allouche. Je dis cela parce que M. Raffarin a parlé de vertu.
D'ailleurs, monsieur Raffarin, ce que je vais dire ne vous vise nullement, car je sais ce que vous pensez, et je vous félicite pour l'attitude que vous avez eue vis-à-vis de certains de vos amis qui ont pactisé.
M. Alain Joyandet. Des leçons, encore des leçons, toujours des leçons !
M. Guy Allouche. Car enfin, je ne peux oublier que l'ancien Président de la République que vous avez cité n'a pas manqué de recevoir M. Millon au lendemain de son élection ; et, à ma connaissance, il n'a pas désavoué son attitude. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan. C'est n'importe quoi !
M. Jean Chérioux. C'est scandaleux !
M. Jean Clouet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Je suis un paysan du Danube...
M. Robert Bret. De la Marne !
M. Jean Clouet. ... et je ne suis pas sûr d'avoir entendu M. Allouche évoquer l'expulsion des communistes par le gouvernement de Paul Ramadier (Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Il se peut que je me trompe !
M. Guy Allouche. Où étais-je, à ce moment-là !
M. Jean Clouet. Vous n'étiez pas né, monsieur Allouche ! (Sourires.)
Peut-être est-ce un événement qui ne s'est jamais produit !
Reste que, devant le texte qui nous est proposé, je me demande où en est arrivé le parti communiste qui, un temps, flirtait avec les 30 % et qui est aujourd'hui obligé de s'accrocher à 3 % !
C'est affligeant, messieurs ! Le « petit père des peuples » doit se retourner dans sa tombe : 3 % au parti communiste ! Mais personne n'aurait rêvé une chose pareille. Alors, j'ai du mal à comprendre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Robert Bret. Réglez les problèmes de l'Alliance, après, on verra !
M. Guy Fischer. Oui, laissez-nous gérer nos affaires ! Nous ne comptons pas sur vous pour le faire chez nous !
M. Claude Estier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Après tout ce que vient de dire mon collègue et ami Guy Allouche, je voudrais simplement répondre encore une fois à cette accusation insupportable...
M. Philippe Marini. Parce qu'elle vous gêne !
M. Claude Estier. ... que vous reprenez à chaque fois, à savoir que nous serions complices du Front national ! (Oui ! et vives exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) Mais, vous le savez très bien, il n'en est rien !
M. Josselin de Rohan. C'est votre complice objectif !
M. Claude Estier. Monsieur de Rohan, permettez-moi de vous livrer une information que je viens de lire sur le téléscripteur de l'Agence France-Presse ( Ah ! sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Ducarre, conseiller régional de la région Rhône-Alpes et qui appartient à votre parti, a déclaré aujourd'hui qu'il soutiendrait M. Millon, quand celui-ci serait de nouveau candidat. (Vives exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. Et alors ?
M. Hilaire Flandre. M. Millon n'est pas membre du Front national, que je sache !
M. Gérard Cornu. M. Ducarre fait ce qu'il veut !
M. Claude Estier. Je voudrais que vous vous expliquiez sur ce qui est bien un collusion au moins indirecte avec le Front national.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Tout de même, revenons un peu les pieds sur terre,...
M. Francis Giraud. Très bien !
M. Patrice Gélard. ... revenons au scrutin proportionnel et aux seuils.
Il est un devoir classique qui est proposé à tout étudiant de science politique ou de première année de droit et qui consiste à comparer les mérites respectifs de la proportionnelle et du scrutin majoritaire. Il en ressort généralement que la proportionnelle est un mode de scrutin impossible, sauf s'il existe des seuils.
Or les seuils que vous nous proposez sont les mêmes que ceux que la Pologne avait instaurés au départ et qui ont amené quarante-huit partis à la Diète polonaise, de sorte qu'il a fallu modifier le dispositif pour revenir à 5 %. Et tous les pays qui ont adopté récemment la proportionnelle se sont naturellement fixés sur des seuils raisonnables. Or, ni le seuil de 3 % pour la répartition ni celui de 5 % pour le maintien au deuxième tour ne sont raisonnables.
Non, vraiment, monsieur le ministre, tout cela ne tient pas la route, et vous le savez bien.
Si nous adoptons de tels seuils, les premiers à s'en mordre les doigts seront ceux qui n'auront pas de majorité ou qui verront apparaître une multitude de partis. Dès lors, j'en fais le pari, il faudra que l'on revienne devant nous pour modifier ces seuils, à moins qu'il ne faille modifier complètement la loi, tellement elle est mal faite et tellement, du reste, elle n'était pas à faire ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Bonnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bonnet. (M. Christian Bonnet s'avance tenant à la main un journal.)
M. le président. J'espère que vous n'allez pas nous lire le journal, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Christian Bonnet. Il s'agit d'un numéro d'un grand quotidien du soir, daté du 12 juin 1979, monsieur le président. J'y ai cherché trace du Front national, dont nous avons entendu dire à l'instant qu'il avait réalisé un score de 9 % aux élections européennes, et n'en ai trouvé aucune, et pour cause, puisque ce parti n'y figurait pas même ! (M. Guy Allouche s'exclame.) Je suis désolé de prendre la mémoire de notre collègue en défaut. J'ai couru à la bibliothèque, car je n'avais pas gardé le souvenir d'un tel résultat.
Je puis même vous donner les chiffres exacts, tels qu'ils ont été publiés par ce quotidien. Je lis, sous le titre : « Elections européennes du 10 juin 1979 », que l'extrême gauche obtient 622 506 voix, soit 3,09 %. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Claude Gaudin. Vive Arlette !
M. Christian Bonnet. Que le parti communiste obtient 4 148 276 voix, soit 20,59 %. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Philippe Marini. C'était avant Mitterrand, ça !
M. Christian Bonnet. Je poursuis ma lecture : pour le parti socialiste et le Mouvement des radicaux de gauche, 4 749 850 voix, soit 23,58 %.
Plusieurs sénateurs du RPR. C'est trop !
M. Christian Bonnet. Pour le RPR, 3 271 967 voix, soit 16,24 %.
Plusieurs sénateurs du RPR. Ce n'est pas assez ! (Rires.)
M. Christian Bonnet. Pour l'UDF et la majorité présidentielle, 5 543 287 voix, soit 27,52 %. Pour les écologistes, 866 819 voix, soit 4,40 %. Pour la Défense interprofessionnelle, 281 097 voix, soit 1,39 %. Et pour l'Eurodroite - je ne sais pas ce que c'est - 265 071 des voix, soit 1,31 %. C'est à peu près le score de M. Le Pen en 1981, avant d'être installé par François Mitterrand en 1983 !
Voilà les principaux résultats. Vous le voyez, mes chers collègues, il n'était pas question du Front national, et moins encore de 9 % ! (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Un sénateur sur les travées du RPR. M. Allouche se tait !
M. le président. Tout cela confirme que le Sénat possède de très bonnes archives ! (Sourires.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 39, M. Raffarin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, à la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 346 du code électoral, de remplacer les mots : « des suffrages exprimés » par les mots : « des inscrits ».
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je ferai part au président Valéry Giscard d'Estaing de cette mise au point de M. Bonnet, qui montre le manque de sincérité de notre collègue s'exprimant précédemment sur ce sujet. (Exclamations ironiques sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean Chérioux. C'est une erreur !
M. Robert Bret. Cela lui rappellera de bons souvenirs !
M. Hilaire Flandre. Ils ont la mémoire sélective, les socialistes !
M. Jean-Pierre Raffarin. C'était justement l'objet de l'amendement qu'a soutenu le président Valéry Giscard d'Estaing à l'Assemblée nationale que de prévoir, pour le maintien au second tour, un seuil de 10 % des « inscrits ». Si M. le rapporteur, qui a une plus grande expérience, pense préférable, de manière que l'Assemblée nationale soit devant un choix plus simple et plus acceptable, d'en rester à 10 % des suffrages « exprimés », j'accepte de retirer mon amendement. Je choisirai la formule recommandée par M. le rapporteur.
M. le ministre fonde son argumentation sur la loi municipale. Eh bien ! il serait tout à l'honneur du Gouvernement, pour montrer sa sincérité, d'accepter ce seuil des 10 % des suffrages « exprimés ».
Par conséquent, je me soumettrai à l'avis de M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod, rapporteur. Nous sommes dans la même situation que précédemment, quand je faisais appel à la sagesse du Sénat en général et à celle de notre collègue M. Jean-Pierre Raffarin en particulier. La commission des lois, dans sa majorité, ne considère pas que son argumentation soit mauvaise - en réalité, il a totalement raison - mais il s'agit, encore une fois, d'un problème de procédure : le Sénat en est à l'ultime lecture de ce projet de loi ; l'Assemblée nationale a voté un texte inacceptable dans lequel elle s'est enfermée elle-même car, en dernière délibération, elle ne peut plus le modifier qu'en acceptant des amendements votés par le Sénat.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que nous en restions à 10 % des votants et non pas à 10 % des inscrits. Le texte serait ainsi tout à fait identique à celui du Gouvernement et nous serions relativement proches d'une solution qui peut apparaître encore raisonnable et que l'Assemblée nationale ne pourrait donc refuser que pour des motifs purement idéologiques et de circonstance.
C'est pourquoi je souhaiterais que M. Jean-Pierre Raffarin retire cet amendement, comme il a retiré tout à l'heure le sous-amendement à l'article précédent, et ce pour les mêmes raisons.
Encore une fois, il s'agit non pas d'une question de fond, mais d'une question de procédure. C'est un ultime appel, une ultime mise en garde que nous adressons à l'Assemblée nationale, qui s'apprête, semble-t-il, à voter, contre toute logique, un texte d'une folle imprudence. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Monsieur Raffarin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Je le retire, monsieur le président. Un acte de sincérité est demandé au parti socialiste, cela vaut beaucoup de sacrifices ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Patrick Courtois. Vous êtes trop gentil !
M. le président. L'amendement n° 39 est retiré.
Par amendement n° 18, M. Paul Girod propose, au nom de la commission, dans la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 346 du code électoral, après les mots : « suffrages exprimés », d'ajouter les mots : « dans la région et 5 % du total des suffrages exprimés dans chacun des départements composant la région ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 37, présenté par M. Raffarin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, et tendant, dans le texte de l'amendement n° 18, à remplacer les mots « 5 % du total des suffages exprimés » par les mots : « 5 % du total des inscrits ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 18.
M. Paul Girod, rapporteur. Toujours sur la question des seuils, il s'agit cette fois du seuil de maintien, dont nous souhaitons qu'il soit fixé à 10 % des suffrages exprimés dans la région et 5 % des suffrages exprimés dans chaque département de la région.
D'ailleurs, monsieur le ministre, vous avez vous-même remarqué devant l'Assemblée nationale qu'étant donné les seuils adoptés par nos collègues, même des listes exclues du remboursement de leurs frais de campagne se retrouvaient avec des élus. Ce serait tout de même monumental !
C'est la raison pour laquelle nous cherchons à maintenir des seuils raisonnables, aussi bien pour la possibilité de maintien que pour la possibilité de fusion, comme nous le verrons.
M. le président. Monsieur Raffarin, en sera-t-il pour le sous-amendement n° 37 comme pour le sous-amendement précédent ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Tout à fait, monsieur le président !
M. le président. Le sous-amendement n° 37 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 18 ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Le Gouvernement maintient son avis défavorable sur un amendement qui tend à réintroduire une analyse des suffrages à l'échelon des départements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, tout à l'heure un de nos collègues a dit que je me taisais parce que je ne pouvais pas répondre à la mise au point de M. Christian Bonnet.
En effet, je n'ai pas pu reprendre la parole, parce que je m'étais déjà exprimé en explication de vote. J'attendais la prochaine occasion, et c'est chose faite.
Je fais donc amende honorable, monsieur Bonnet, pour l'erreur que j'ai commise. (Rires sur les travées du RPR.)
Nous sommes ici entre gens sincères, je l'espère.
M. le président. Faute avouée est pardonnée ! (Sourires.)
M. Jean-Patrick Courtois. A moitié !
M. Guy Allouche. J'attends l'autre moitié ! (Nouveaux sourires.)
Ce que je voulais dire, c'est que l'apparition réelle du parti d'extrême droite et de son leader a été le fait de l'introduction du mode de scrutin à la proportionnelle aux élections européennes.
M. Paul Girod, rapporteur. Aux législatives !
M. Guy Allouche. Monsieur Bonnet, je vous invite à aller vérifier qui a institué en France le mode de scrutin à la proportionnelle intégrale pour les élections européennes. Si c'est François Mitterrand, je ferai de nouveau amende honorable, mais si c'est M. Giscard d'Estaing, de grâce, dites-le !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas le problème !
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est de la mauvaise foi !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 19, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 346 du code électoral, de remplacer les mots : « 3 % des suffrages exprimés » par les mots : « 5 % des suffrages exprimés dans la région ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 38, présenté par M. Raffarin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, et tendant, dans le texte de l'amendement n° 19, à remplacer les mots : « 5 % des suffrages exprimés dans la région » par les mots : « 5 % des inscrits dans la région ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 19.
M. Paul Girod, rapporteur. Il s'agit cette fois du seuil de fusion, mais l'argumentation est la même que pour le seuil de maintien. Il faut toute de même un peu de sérieux dans l'expression du suffrage et ne pas organiser de petites manoeuvres de deuxième, troisième ou cinquième ordre entre les deux tours !
Le deuxième tour d'un scrutin à la proportionnelle est déjà difficile. Vouloir le compliquer à ce point-là, non !
M. le président. Monsieur Raffarin, par souci de cohérence, vous voudrez sans doute retirer le sous-amendement n° 38 ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Sensible à cet appel à la cohérence, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 38 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 19 ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Le Gouvernement s'est déjà exprimé sur ce sujet et maintient son avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 19.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. J'approuve M. le rapporteur et je tiens à dire combien accepter un tel seuil serait adopter une position coupable au regard du débat démocratique, une position qui, surtout, risque de fragiliser la région.
Alors que, dans une assemblée, il faut dégager des convictions communes, on rechercherait systématiquement l'émiettement ? Alors que, pour établir les listes du premier tour, on en appelle à des personnes susceptibles de partager les mêmes convictions, il faudrait entre les deux tours aller trouver à l'extérieur des listes des candidats n'ayant pas les mêmes convictions qui, une fois élus à l'assemblée, devraient participer, à des majorités ? Et l'on voudrait nous faire accepter cela ?
M. Jean-Claude Gaudin. C'est scandaleux !
M. Jean-Pierre Raffarin. Tout cela n'est pas sérieux au regard du fait régional.
Donc, vraiment, là encore, je dis qu'il y a manque de sincérité. D'un côté on dit que l'on défend le fait régional et, de l'autre, on organise sa dispersion. Vraiment, cet article 4 est une faute.
Mais je poursuis l'échange commencé avec M. Allouche. Monsieur Allouche, vous avez fait une deuxième erreur.
M. Guy Allouche. Ah !
M. Jean-Pierre Raffarin. En effet, pour l'élection au suffrage universel des membres au Parlement européen, le mode de scrutin retenu est la proportionnelle. C'est l'Europe qui a exigé que tous les scrutins soient à la proportionnelle...
M. Patrice Gélard. Il y a des délais !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... et nous avons des délais pour nous y conformer.
M. Claude Estier. En Grande-Bretagne, il n'y a pas de scrutin à la proportionnelle.
M. le président. Consultez nos archives ; elles sont en ordre. Vous trouverez l'explication.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

Article 5