Séance du 15 décembre 1998







M. le président. Par amendement n° 58, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les taux de majoration fixés à l'article 2 de la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères et pensions, tels qu'ils résultent de la loi de finances pour 1999, sont applicables, sous les mêmes conditions de date, aux rentes viagères constituées entre particuliers, conformément à la loi n° 49-420 du 25 mars 1949 révisant certaines rentes viagères constituées entre particuliers.
« II. - Dans les articles 1er, 3, 4, 4 bis et 4 ter de la loi n° 49-420 du 25 mars 1949 précitée, la date du 1er janvier 1997 est remplacée par celle du 1er janvier 1998.
« III. - Les dispositions de la loi n° 49-420 du 25 mars 1949 précitée s'appliquent aux rentes perpétuelles constituées entre particuliers antérieurement au 1er janvier 1998.
« Le capital correspondant à la rente en perpétuel dont le rachat aura été demandé postérieurement au 30 septembre 1998 sera calculé, nonobstant toutes clauses ou conventions contraires, en tenant compte de la majoration dont cette rente a bénéficié ou aurait dû bénéficier en vertu de la présente loi.
« IV. - Les actions ouvertes par la loi n° 49-420 du 25 mars 1949 peuvent être intentées pendant un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, ce dernier amendement vise, là encore, un sujet concret de la vie quotidienne : les rentes viagères.
Il a pour objet de prévoir, pour les rentes constituées entre particuliers, l'application des taux de majoration qui seront applicables en 1999 aux majorations légales.
Traditionnellement, vous le savez, cette disposition était inscrite en loi de finances. Toutefois, le Gouvernement avait lancé en cours d'année une réflexion sur les modalités de majoration applicables à ces rentes, et c'est pourquoi le projet de loi de finances initial pour 1999 ne comportait pas, comme les années précédentes, de dispositions à ce titre.
Cette réflexion n'est aujourd'hui pas entièrement achevée mais, bien évidemment, le Gouvernement ne veut pas pour autant pénaliser les crédits rentiers. C'est pourquoi il propose, par cet amendement, l'indexation de leurs rentes pour l'année 1999 encore, afin d'éviter d'éventuels contentieux qui pourraient naître, à défaut d'une telle disposition, de la situation de vide juridique dans laquelle nous pourrions nous trouver.
Cet amendement a donc pour objet de sécuriser les crédits rentiers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances voudrait rendre hommage à la clairvoyance d'un de nos collègues, qui, pour l'heure, n'en est pas membre.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il est estimable quand même !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit de M. Yves Fréville qui, le 28 novembre dernier, alors que nous examinions le projet de budget des charges communes, déclarait ceci : « Puisque l'indexation des rentes viagères prévue par l'article 77 ne portera plus sur les contrat entre particuliers, le Gouvernement a-t-il l'intention, lors de la présentation d'un autre projet de loi - il ne peut pas le faire à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances parce que le Conseil d'Etat verrait là un cavalier budgétaire - de proposer une mesure d'indexation identique, de manière que l'incertitude qui plane sur l'indexation de ces contrats soit levée ? »
Vous avez alors indiqué ceci, monsieur le secrétaire d'Etat : « Je répondrais simplement à M. Fréville que Mme le garde des sceaux réfléchit sur ce point. »
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Eh bien, voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement, en effet, vise à majorer en 1999 les rentes constituées entre particuliers d'un taux égal à celui qui est servi pour les rentes viagères tel que défini dans le projet de loi de finances pour 1999.
Le Conseil d'Etat avait estimé, dans son avis rendu sur le projet de loi de finances pour 1998, que cette disposition concernant la revalorisation des rentes entre particuliers n'était constitutive d'aucune charge pour l'Etat. Dès lors, elle ne pouvait figurer au sein de la loi de finances, pas plus dans la loi de finances rectificative que dans la loi de finances initiale, mais devait relever d'une disposition législative de droit commun.
Le rapporteur spécial des charges communes à l'Assemblée nationale a indiqué à ce propos que le Gouvernement se serait engagé à supprimer ce cavalier dans le projet de loi de finances pour 1999.
Cette disposition que vous nous soumettez, présentée tardivement sous la forme d'un amendement tendant à insérer un article additionnel, nous arrive au grand galop d'un cavalier sympathique, mais assurément budgétaire, monsieur le secrétaire d'Etat. (Sourires.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Oh !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est par ailleurs un peu étonnant de voir le Gouvernement revenir sur la position qui était la sienne il y a moins de deux semaines. Et j'ai cité l'échange qui est intervenu ici même entre vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, et M. Fréville.
Il appartiendra donc au Gouvernement de déterminer, pour l'avenir, le moyen le plus opportun et juridiquement satisfaisant de rendre cette disposition applicable pour ne pas pénaliser les particuliers qui se trouveraient, en raison des problèmes de méthode législative rencontrés par le Gouvernement, dans une situation de vide juridique à compter du 1er janvier prochain.
La commission des finances, favorable sur le fond, ne peut que relever la fragilité du véhicule législatif choisi. Elle s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce point.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je formulerai deux remarques.
Tout d'abord, monsieur le rapporteur général, vous avez souligné la sagacité de M. Fréville, qui s'inquiétait de l'absence de dispositions concernant les rentes viagères privées. Or l'article additionnel que je propose au Sénat d'insérer dans le projet de loi de finances rectificative a précisément pour objet d'apaiser l'anxiété de M. Fréville et des rentiers.
Par ailleurs, vous avez évoqué des cavaliers budgétaires ; or vous êtes un homme de tradition, et vous savez donc que, depuis 1949, la majoration des rentes viagères est inscrite dans des lois de finances. Cela fera bientôt cinquante ans qu'il en est ainsi, et jamais le Conseil constitutionnel n'a censuré une telle disposition. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi vous éprouveriez une inquiétude particulière à cet égard en cette fin de l'année 1998.
Ayant ainsi rassuré M. Fréville, M. le rapporteur général et l'ensemble des rentiers, je vous recommande, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 58.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Nous voterons l'amendement du Gouvernement. En matière de lois de finances, si le droit d'amendement est strictement limité par l'ordonnance organique, il existe, il doit jouer pleinement, et nous n'avons pas intérêt, les uns et les autres, à chercher à le diminuer.
Est-ce qu'on augmente les rentes ? Réponse : oui ! Est-ce que les rentes sont imposables ? Réponse : oui ! Est-ce qu'elles vont jouer sur les recettes de l'Etat ? Forcément ! Par conséquent, nous créons une recette, et l'article 42 de la loi organique prévoit que sont recevables aux lois de finances les amendements qui tendent à créer ou à augmenter une recette, à réduire ou à supprimer effectivement une dépense, ou à assurer le contrôle des dépenses publiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà ! Il a ramené le cheval à l'écurie !
M. Michel Charasse. Par conséquent, et à mon grand regret, monsieur le rapporteur général, je ne peux pour une fois - ce n'est en effet pas toujours le cas ! - aller dans votre sens : je considère qu'il s'agit là non pas d'un cavalier budgétaire mais d'un amendement créateur de recette !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et vous, vous êtes un créateur de raisonnements très brillants !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 25.

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