Séance du 15 décembre 1998







M. le président. La parole est à M. Cornu, auteur de la question n° 354, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Gérard Cornu. Madame la ministre, ma question a trait au financement de l'archéologie préventive.
Je ne nie pas l'importance de préserver la « mémoire du sol », donc notre patrimoine. Toutefois, je voudrais attirer votre attention sur les conséquences des opérations d'archéologie préventive pour les aménageurs, qu'ils soient privés, publics ou semi-publics.
Vous savez que le financement s'effectue par opérations. Or les aménageurs sont doublement pénalisés : ils le sont d'abord par la durée des fouilles, d'autant que l'on n'a jamais de certitude quant à cette durée ; ils subissent ensuite une pénalisation financière qui grève lourdement les opérations d'aménagement.
Je peux vous citer l'exemple très concret de communes rurales de mon département qui voulaient se lancer dans des opérations de lotissement pour favoriser le logement locatif ; elles ont dû malheureusement abandonner leurs projets, la pénalisation financière liée à la durée prévisible des fouilles ne leur permettant pas de financer ces opérations dans de bonnes conditions.
Il m'apparaît souhaitable de revoir le mode de financement actuel. Ne pourrait-on pas envisager une mutualisation des frais de l'archéologie préventive, sur le modèle de la taxe locale d'équipement ou de la taxe sur les espaces naturels sensibles ? Telle est ma question.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, la question du financement de l'archéologie préventive est au coeur des problèmes que connaît le secteur de la recherche archéologique, mais il n'en épuise pas toutes les facettes.
Il s'agit d'une préoccupation constante des élus des communes rurales qui, lorsqu'elles sont aménageurs publics, ont moins de moyens que d'autres communes à consacrer à la réalisation et au financement de fouilles importantes.
Une grande confusion caractérise en effet depuis des décennies toute l'organisation de cette discipline scientifique pourtant essentielle pour la connaissance et la transmission de la mémoire nationale.
Je m'attache à en clarifier les modes d'exercice.
Il manque à l'évidence un cadre juridique clair, puisque, comme dans la plupart des pays européens, la législation sur la préservation du patrimoine archéologique, qui date de 1941, a été adoptée avant le développement de l'archéologie préventive, née de l'essor des grands chantiers et des opérations d'aménagement.
Afin que ces fouilles soient néanmoins réalisées, l'Etat, les aménageurs et les archéologues, que ceux-ci appartiennent aux services régionaux d'archéologie, aux services des collectivités locales ou au CNRS, ont été conduits à improviser des solutions dont les limites étaient connues depuis longtemps.
Ces fouilles sont financées par les aménageurs, selon une pratique en vigueur dans la plupart des pays européens et confirmée par la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique adoptée en 1992 par le Conseil de l'Europe et ratifiée par la France en 1995, dite convention de Malte. Mais le ministère de la culture est amené ponctuellement à aider les opérateurs qui ne peuvent assumer le coût d'une fouille archéologique en totalité.
Par ailleurs, je tiens à souligner - les choses changeront peut-être avec le nouvel établissement public - que l'AFAN, l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, pratique des tarifs tenant compte de la nécessité d'intervenir dans des fouilles d'importance différente et dans des contextes financiers variés.
Depuis plusieurs années, la réforme de l'archéologie préventive a été annoncée à maintes reprises. Or celle-ci n'a pas connu le moindre début de concrétisation. L'intensité du débat actuel, vous l'avez peut-être constaté sur le terrain, monsieur le sénateur, résulte largement de cette situation et de la difficulté pour les archéologues d'exercer depuis des années des missions par nature contraignantes pour autrui sans véritable cadre d'intervention.
Du côté des collectivités ou des aménageurs privés, il y a aussi cette crispation liée au coût et à la durée des fouilles.
Il est certain que les contraintes induites par l'archéologie, notamment en termes financiers, peuvent être difficilement supportables par certaines communes et contrarier une politique d'équipement et d'aménagement du territoire essentielle pour le développement économique et social. A l'inverse, la destruction de vestiges archéologiques constitue une perte irréparable pour la connaissance de la mémoire du sol et pour notre patrimoine national.
J'ai donc décidé de traiter ce dossier au fond, et j'ai chargé M. Bernard Pêcheur, conseiller d'Etat, Bernard Poignant, maire de Quimper, et Jean-Paul Demoule, professeur d'université, d'une mission visant à formuler des propositions.
Ces trois personnes ont apporté leurs points de vue respectifs de scientifique, de juriste, mais aussi d'élu confronté aux problèmes posés par les centres-villes sensibles, les fouilles et les questions d'aménagement public.
Au terme d'une concertation approfondie avec toutes les parties intéressées, ils m'ont récemment remis leurs conclusions. Celles-ci se fondent sur l'affirmation de l'archéologie préventive comme science et comme service public national à caractère scientifique dont l'Etat est garant.
L'Etat assumera directement certaines des missions relevant de ce service public : établissement de la carte archéologique nationale, prescription scientifique, contrôle des opérations et évaluation des résultats.
Un établissement public national de recherche, se substituant à l'actuelle association des fouilles archéologiques nationale, assurera la réalisation des opérations de terrain. Il pourra faire appel, en tant que de besoin, à d'autres organismes publics disposant de compétences scientifiques en matière d'archéologie.
Logiquement, une meilleure organisation du service devrait permettre de ne plus connaître ces lenteurs ou ces délais dans la conduite des fouilles. La clarification des responsabilités entre l'Etat et les aménageurs devrait aussi amener - pas d'emblée, certes - des modifications, mais dans une logique à la fois de protection du patrimoine et de publication. J'ai d'ailleurs d'ores et déjà prévu, dans le budget 1999, une augmentation de crédits à cet effet. Tout le monde comprend la nécessité de fouilles afin de préserver la « mémoire du sol », mais encore faut-il ensuite que l'on exploite ce patrimoine. Un financement pour la publication est donc prévu.
J'approuve les orientations et les propositions des conclusions de ces spécialistes ; sur ces bases un projet de loi sera rapidement élaboré et soumis au Parlement. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler. Une fois cette loi définitivement adoptée, je pourrai en évaluer les conséquences financières.
M. Gérard Cornu. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir répondu très clairement à la préoccupation de tous les élus concernant l'archéologie préventive.
J'ai bien compris le problème de la durée des fouilles. J'appelle cependant votre attention sur le problème du financement car j'ai l'impression que la réflexion n'est pas encore parvenue à maturité. Or ce problème est fondamental pour l'avenir de l'archéologie préventive.

APPLICATION DE LA LOI DU 28 FÉVRIER 1997 RELATIVE
À L'INSTRUCTION DES AUTORISATIONS DE TRAVAUX
DANS LE CHAMP DE VISIBILITÉ DES ÉDIFICES CLASSÉS