Séance du 8 décembre 1998







M. le président. Par amendement n° II-70, MM. Amoudry, Faure, Hérisson, Lesbros et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 73, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa du 2 du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts est complété par la phase suivante : "Ces dispositions ne s'appliquent pas dans le cas des délégations de service public de remontées mécaniques prévues à l'article 47 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985."
« II. - Les pertes de recettes pour le budget de l'Etat, résultant des dispositions du I, sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. La mesure prévue au paragraphe VII, 3 a, de l'article 29 du projet de loi de finances diminuant les charges externes entraîne une augmentation de la valeur ajoutée et, en conséquence, du niveau de plafonnement de la taxe professionnelle.
Partant de ce constat, je dois souligner que, en montagne, les communes assurent souvent elles-mêmes les investissements dans les remontées mécaniques ou les pistes de ski - neige artificielle, engins de damage - avant, en application de l'article 47 de la loi du 9 janvier 1985 dite « loi montagne », d'en confier l'exploitation à un délégataire de service public. Il s'agit, le plus souvent, d'une société d'économie mixte, au sein de laquelle la commune est très majoritaire.
Les redevances d'affermage permettent alors de financer les lourdes annuités des emprunts contractés par les communes. C'est pourquoi ces redevances représentent souvent le principal poste de dépenses de la société gestionnaire, en même temps qu'un prélèvement conséquent sur ses recettes d'exploitation.
Les exploitants bénéficient généralement d'un écrêtement important de taxe professionnelle. Or la nouvelle mesure entraînerait une augmentation pouvant atteindre, pour certains, plus de 1 million de francs ou 1 % de leur chiffre d'affaires, sans pour autant apporter la moindre ressource nouvelle aux collectivités, compte tenu de la compensation par l'Etat des écrêtements.
J'ajouterai à cet argumentaire trois brèves considérations générales.
En premier lieu, les régies communales ne sont pas assujetties à la taxe professionnelle, et toute augmentation de celle-ci pour le secteur privé et les sociétés d'économie mixte tendrait à fausser la concurrence.
En deuxième lieu, l'investissement dans l'aménagement des domaines skiables par les collectivités, suivi d'une mise en affermage, est un très bon moyen de contrôle sur l'exploitant. Mais il est surtout l'expression de la maîtrise de son développement par la collectivité.
Exclure les redevances d'affermage des charges externes déductibles de la valeur ajoutée inciterait à faire réaliser les investissements par le concessionnaire, ce qui porterait atteinte au principe de maîtrise publique du développement local voulue par le législateur.
Enfin, en troisième lieu, ce secteur d'activité doit procéder à des investissements importants - cette année, il a investi 22 % de son chiffre d'affaires - afin d'assurer la pérennité de son parc de remontées mécaniques et de l'adapter en permanence aux exigences normatives imposées parr les impératifs de sécurité.
L'amendement proposé a donc pour objet de prévenir un alourdissement de fiscalité qui affecterait gravement l'équilibre économique et social de ce secteur d'activité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission considère que cet amendement soulève un problème très important, que nous avons évoqué dans le rapport écrit, au titre de l'article 29. Ce problème ne semble pas avoir trouvé, jusqu'ici, de solution satisfaisante.
En effet, l'article 29 portant réforme de la taxe professionnelle prévoit d'inclure, dans la valeur ajoutée des entreprises locataires, les loyers afférents à des biens pris en location pour une durée supérieure à six mois.
Pour les entreprises dont les loyers constituent une part importante des charges, une telle réforme a deux conséquences.
En premier lieu, celles qui bénéficient du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée verront diminuer le montant du dégrèvement que l'Etat leur rétrocède à ce titre ; tel est le cas des entreprises qui exploitent des remontées mécaniques en montagne.
En second lieu, les entreprises qui sont assujetties à la cotisation minimale de taxe professionnelle assise sur la valeur ajoutée subissent une augmentation de cet impôt.
En contrepartie, les entreprises bailleresses pourront passer en charges les dotations aux amortissements qu'elles effectuent sur les biens donnés en location, ce qu'elles ne pouvaient pas faire jusqu'à présent.
Je faisais valoir, dans mon rapport écrit, que cette réforme ne répond pas à une logique strictement comptable, les loyers constituant en principe des charges déductibles, mais qu'elle a pour objet de mettre les entreprises de location de longue durée à égalité de concurrence avec les entreprises de crédit-bail, lesquelles peuvent déduire les amortissements de leur valeur ajoutée.
La commission des finances ne s'est pas opposée à la réforme dès lors qu'elle estimait justifié, d'un point de vue économique, de supprimer cette distorsion de concurrence entre les locations de longue durée et le crédit-bail.
En l'absence d'une telle réforme, la distorsion de concurrence aurait pu atteindre des proportions démesurées compte tenu de l'augmentation du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle.
En outre, le Gouvernement a légitimement fait valoir que la possibilité de passer en charges les loyers afférents à des biens pris en location pendant plus de six mois a eu, jusqu'à présent, pour conséquence d'inciter les entreprises à louer certaines de leurs immobilisations plutôt qu'à les acquérir dans la mesure où, en cas d'acquisition, les amortissements ne sont pas déductibles de la valeur ajoutée. Ce faisant, ces entreprises accroissaient le montant du dégrèvement de taxe professionnelle qu'elles peuvent obtenir au titre du plafonnement. Vous voyez, mes chers collègues, que les choses sont simples et limpides.
Il n'en reste pas moins que le nouveau dispositif est pénalisant pour les exploitants de remontées mécaniques - et je crois comprendre que telle est la préoccupation de notre collègue M. Amoudry et des cosignataires de l'amendement n° II-70 - puisqu'ils devront désormais inclure dans leur valeur ajoutée le montant des loyers qu'ils versent aux communes délégantes.
Selon les informations que nous avons pu recueillir, il en résultera un accroissement d'environ 30 % de la cotisation de taxe professionnelle de certains redevables. Or, il s'agit non pas d'une ressource supplémentaire pour les communes, mais d'une moindre charge pour l'Etat au titre des dégrèvements de taxe professionnelle. L'Etat y gagne donc et les réactions des communes délégantes sont compréhensibles.
Toutefois, l'amendement n° II-70, qui soulève donc de véritables problèmes, n'a pas pu être étudié en temps utile lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances. Il est donc concevable de le voter en deuxième partie mais, au préalable, il faudra résoudre le problème posé au cours de l'année à venir en évaluant les conséquences de la réforme du mode de calcul de la valeur ajoutée, secteur d'activité par secteur d'activité.
Il m'a été dit, monsieur le secrétaire d'Etat, que vos services y travaillaient, mais il serait utile que vous nous le confirmiez et que vous puissiez exprimer vos réactions quant à l'exposé que je viens de faire, exposé qui, pardonnez-moi, était un peu long, mais la technicité et la réalité du problème posé par M. Amoudry le justifiaient.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Amoudry a effectivement posé une question très technique, mais aussi très importante pour les communes et les entreprises qui gèrent des remontées mécaniques.
Si j'ai bien compris, monsieur Amoudry - j'avance prudemment sur ce terrain qui est assez glissant (Sourires) - vous craignez que les redevances versées par les entreprises exploitantes aux communes au titre de la délégation de service public des fameuses remontées mécaniques ne puissent pas être déduites de la valeur ajoutée de ces entreprises et en conséquence, ne majorent la valeur ajoutée et, donc, ne réduisent le dégrèvement au titre du plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée.
Je tiens à vous rassurer : les redevances en question ne sont pas des loyers - c'est le point essentiel, et je vous prie de m'en excuser par avance, je ne serai peut-être pas aussi clair que M. le rapporteur général mais je serai aussi technique - parce que, dans le cadre d'une concession de service public, elles constituent la rémunération de la mise à disposition de l'ouvrage concédé - cela ressemble à un loyer - mais elles prennent également en compte la participation de la collectivité publique délégataire au résultat de la concession. La redevance n'étant pas un loyer, les entreprises pourront donc la déduire de leur valeur ajoutée et elles ne seront pas pénalisées.
J'espère ainsi, monsieur Amoudry, vous avoir rassuré.
M. le président. Monsieur Amoudry, l'amendement n° II-70 est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Amoudry. Non, monsieur le président, je le retire compte tenu des assurances et des précisions apportées par M. le secrétaire d'Etat. A la suite de l'exposé de M. le rapporteur général, cette mise au point était indispensable. En tout état de cause, nous devons maintenir par dessus tout la position première du domaine skiable français, que notre pays a su se forger au cours des dernières années, et aider nos communes à faire face aux très lourdes exigences en matière de sécurité.
A cet égard, la réponse apportée par M. le secrétaire d'Etat apporte toutes garanties et doit donc rassurer ce vaste secteur d'activité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons bien travaillé pour la montagne !
M. le président. L'amendement n° II-70 est retiré.

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