Séance du 3 décembre 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Emploi et solidarité

I. - EMPLOI (p. 2 )

MM. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi ; Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle ; Jean Clouet, Bernard Joly, Alain Gournac.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

3. Communication (p. 4 ).

4. Modification de l'ordre du jour (p. 5 ).

5. Loi de finances pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6 ).

Emploi et solidarité

I. - EMPLOI (suite) (p. 7 )

MM. Guy Fischer, Roland Huguet.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

M. André Jourdain, Mmes Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mme le ministre.

Crédits du titre III (p. 8 )

Amendement n° II-21 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme la ministre. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 9 )

Amendement n° II-22 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le ministre, MM. Roland Huguet, Guy Fischer, le rapporteur général, Alain Lambert, président de la commission des finances. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 10 )

Article 80 (p. 11 )

Amendements identiques n°s II-40 de la commission et II-46 rectifié de M. Souvet, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur spécial, Mmes Annick Bocandé, rapporteur pour avis ; le secrétaire d'Etat, MM. Adrien Gouteyron, Guy Fischer. - Adoption des amendements supprimant l'article.

Article 81 (p. 12 )

Amendements identiques n°s II-41 de la commission et II-47 rectifié de M. Souvet, rapporteur pour avis ; amendement n° II-100 du Gouvernement. - MM. le rapporteur spécial, Louis Souvet, rapporteur pour avis ; Mme le ministre, M. le rapporteur général. - Retrait des amendements n°s II-41 et II-47 rectifié ; adoption de l'amendement n° II-100 rédigeant l'article.

II. - SANTÉ ET SOLIDARITÉ (p. 13 )

MM. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité ; Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé ; Georges Othily, Lucien Neuwirth, Philippe Darniche, Mme Nicole Borvo, MM. François Autain, Jean-Pierre Cantegrit, Mme Anne Heinis, M. Marcel Vidal.

Suspension et reprise de la séance (p. 14 )

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Crédits du titre III (p. 15 )

Amendement n° II-23 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 16 )

Amendement n° II-24 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le secrétaire d'Etat, M. François Autain, Mme Nicole Borvo. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 17 )

Article 82. - Adoption (p. 18 )

Article 83 (p. 19 )

Amendement n° II-43 de M. Chérioux, rapporteur pour avis. - MM. Jean Chérioux, rapporteur pour avis ; le rapporteur spécial, Mme le secrétaire d'Etat, M. Alain Vasselle. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article additionnel après l'article 83 (p. 20 )

Amendements identiques n°s II-44 de M. Chérioux, rapporteur pour avis, et II-57 de M. Michel Mercier. - MM. Jean Chérioux, rapporteur pour avis ; Michel Mercier, le rapporteur spécial, Mmes le secrétaire d'Etat, Nicole Borvo, M. Guy Fischer. - Adoption des amendements insérant un article additionnel.

Article 84. - Adoption (p. 21 )

Suspension et reprise de la séance
(p. 22 )

Aménagement du territoire et environnement
(suite) (p. 23 )

II. - ENVIRONNEMENT (p. 24 )

MM. Jacques Oudin, en remplacement de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Alain Vasselle, Gérard Le Cam, Paul Raoult, Philippe Richert, Mme Anne Heinis, MM. Aymeri de Montesquiou, Daniel Eckenspieller, René-Pierre Signé, Bernard Joly, Serge Lepeltier.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Crédits du titre III (p. 25 )

Amendement n° II-4 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 26 )

Amendement n° II-5 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre V. - Adoption (p. 27 )

Crédits du titre VI (p. 28 )

Amendement n° II-7 rectifié de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

6. Dépôt d'une question orale avec débat (p. 29 ).

7. Transmission d'un projet de loi (p. 30 ).

8. Dépôt d'une proposition d'acte communautaire (p. 31 ).

9. Dépôt d'un rapport (p. 32 ).

10. Ordre du jour (p. 33 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures cinquante.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 (n° 65, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 66 (1998-1999).]

Emploi et solidarité

I. - EMPLOI

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi et la solidarité : I. - Emploi.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est la première fois que j'ai l'honneur de rapporter, au nom de la commission des finances, les crédits de l'emploi et de la formation professionnelle.
Permettez-moi, en cette qualité nouvelle, de saluer aux côtés de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, la présence de Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Je tiens également à saluer et à féliciter, pour la qualité et la très grande pertinence de leurs travaux, nos collègues de la commission des affaires sociales, Mme Annick Bocandé et M. Louis Souvet.
Dans le projet de loi de finances pour 1999, les crédits du ministère de l'emploi s'élèvent à 161,8 milliards de francs, en augmentation de 4,02 %, à structure comparable, par rapport à 1998.
Cette progression, supérieure à l'augmentation moyenne des dépenses de l'Etat, fixée pour 1999 à 2,3 %, correspond à la traduction budgétaire de « mesures phares » décidées par le Gouvernement - réduction du temps de travail, emplois-jeunes ou lutte contre l'exclusion - sur la pertinence et l'efficacité desquelles le Sénat avait tenu à émettre des doutes.
Par ailleurs, une refonte de la nomenclature budgétaire a intégré au sein de ce budget des crédits concernant des « mesures exceptionnelles en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle », qui étaient jusqu'alors inscrits au budget des charges communes pour un montant de 43 milliards de francs en 1998. Je me félicite d'une telle mesure, que la commission des finances avait appelée, en son temps, de ses voeux.
Compte tenu des délais qui me sont impartis, je limiterai mon intervention aux principales observations suivantes, vous renvoyant pour l'analyse détaillée des crédits, à mon rapport écrit.
Sur le plan des principes, il m'apparaît tout d'abord utile de relever que Mme le ministre a réalisé, lors de l'élaboration de son projet de budget, une part significative d'économies qualifiées pudiquement de « recentrages », et cela pour un montant de 11 milliards de francs.
Le Gouvernement a donc fait en partie financer ses priorités politiques par des économies budgétaires sur des dispositifs particulièrement sensibles.
Il s'agit principalement, pour 4,5 milliards de francs, de la diminution des crédits des préretraites, pour 3,6 milliards de francs, de la réduction de la dotation au profit des contrats initiative-emploi et pour 1,6 milliard de francs du « recentrage » des contrats emploi-solidarité. Ce montant d'économies est destiné notamment à financer la progression des emplois-jeunes ou des crédits consacrés aux 35 heures et représente plus de 7 % des 152 milliards de francs de crédits que le titre IV consacre aux aides à l'emploi.
En termes de méthode, même si, en l'espèce, ces économies sont mal ciblées, car elles sont destinées au financement de priorités contestées par la commission, cela démontre que les aides à l'emploi ne peuvent être financées à « guichet ouvert ».
Des économies budgétaires sont donc possibles, voire souhaitables, sinon indispensables.
Le Gouvernement l'a lui même démontré à nouveau dans la présentation du collectif budgétaire pour 1998. Il a annulé 7,7 milliards de francs sur les crédits de votre ministère dont une somme de 7,5 milliards de francs sur le chapitre n° 44-74 concernant les aides destinées « à l'insertion des publics en difficulté ». Or, madame le ministre, vous nous aviez indiqué à cette même tribune l'année dernière que vous, et je cite le Journal officiel, « comprendriez mal que l'on fasse des économies sur ce même chapite ».
Ces économies permettent en effet notamment de lutter contre la fraude, le détournement des dispositifs et, partant, contribuent à leur plus grande efficacité. Il n'est donc pas nécessaire, en matière sociale comme ailleurs, d'accroître inexorablement la dépense publique.
Je tiens à relever en outre que, pour la seconde année consécutive, le montant des crédits destinés au financement des primes à l'apprentissage a été réduit, en loi de finances, de 500 millions de francs.
Cette mesure m'apparaît d'autant moins justifiée que le Gouvernement n'indique pas précisément dans les documents budgétaires comment il entend remédier à cet état de fait. Il évoque seulement un « fonds de concours » abondé par un prélèvement de 500 millions de francs. En l'absence d'informations claires sur ce point, il est à craindre que ne se renouvelle le dispositif mis en place l'an passé consistant à prélever une nouvelle fois, « à titre exceptionnel », cette somme sur la trésorerie des organismes collecteurs des fonds de la formation en alternance.
La commission des finances ne peut donc qu'émettre les plus vives réserves devant la volonté affichée par le Gouvernement de procéder à nouveau, en 1999, à une ponction sur ces organismes afin de financer la réduction des crédits consacrés aux primes des contrats d'apprentissage.
Je souhaite également que soit rapidement publié le Livre blanc sur la formation professionnelle afin que la situation dans ce domaine puisse être clarifiée et que soit engagée la nécessaire mutation de ce secteur. Ce souhait est d'ailleurs partagé par l'ensemble des acteurs sociaux.
Dans ce contexte, je tiens à indiquer combien me semble inopportune la mesure de recentrage des primes à l'apprentissage prévue par l'article 80 de ce projet de loi de finances. Mais nous y reviendrons.
Sans évoquer à nouveau les circonstances dans lesquelles les crédits consacrés à la ristourne dégressive fusionnée avaient été réduits l'an dernier, je me félicite de la progression pour 1999 des crédits consacrés au financement de cette ristourne. Elle a fait ses preuves en permettant le maintien ou la création d'emplois dans le secteur marchand. Je tenais néanmoins à relever que figurent, dans le collectif pour 1998, 5,6 milliards de francs de crédits au titre du « rattrapage » sur ces exonérations. Ce chiffre n'apparaît pas totalement cohérent avec les indications précédentes fournies par le Gouvernement. Je souhaiterais donc connaître de façon précise les éléments de calcul de ce rattrapage.
Dans ce contexte, je tenais à rappeler la constance des positions du Sénat en matière d'allégement des charges sur les bas salaires. Cette constance s'est traduite notamment par l'adoption, le 29 juin 1998, de la proposition de loi, déposée par M. Christian Poncelet, tendant à élargir le champ de ce dispositif.
Je veux également souligner que la nécessité de réduire les charges sur les bas salaires avait été rappelée au cours de l'été dernier par le professeur Malinvaud dans son rapport remis au Premier ministre. Où en est la réflexion du Gouvernement sur ce point ?
Il m'apparaît également que les 3,5 milliards de francs de crédits figurant dans le projet de loi de finances pour 1999 et destinés au financement des 35 heures ne sont pas réalistes. Non seulement le Gouvernement n'indique pas précisément la manière dont ces crédits ont été calculés, mais ceux-ci apparaissent mal calibrés.
La commission s'étonne en effet des modalités selon lesquelles ce coût a été déterminé. Le coût brut budgétaire de cette mesure est estimé à 7 milliards de francs en 1999 par le Gouvernement. A cette somme, s'ajoutent 200 millions de francs au titre des aides au conseil.
Or il ressort des informations obtenues par votre rapporteur que la moitié de ce coût brut, soit 3,5 milliards de francs, a été mis par le Gouvernement à la charge des régimes de sécurité sociale, au titre du « recyclage des économies que feront les régimes sociaux », et cela sans fondement juridique précis et en contradiction avec les principes posés par la loi du 25 juillet 1994. Je souhaite obtenir des éclaircissements sur ce point de la part de madame le ministre.
Il serait donc « opportun » comme le relève très justement le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, que Mme le ministre indique « à quel niveau la compensation de l'Etat s'effectuera pour les organismes de sécurité sociale ».
Par ailleurs, cette dotation apparaît mal calibrée. Si ce dispositif devait produire des effets à la hauteur de l'ambition du Gouvernement, la charge budgétaire en serait accrue de manière très substantielle. La commission des affaires sociales en avait ainsi évalué le coût, sur la base de 450 000 emplois créés, à 13,5 milliards de francs la première année et à 36 milliards de francs la seconde année.
Or les premières indications fournies par le Gouvernement témoignent d'un succès mitigé de ce dispositif : 434 accords d'entreprise ont été signés concernant moins de 58 000 salariés et seulement 4 460 emplois ont été préservés ou créés. Il apparaît ainsi que la provision de 3 milliards de francs prévue pour 1998 n'a été utilisée qu'à hauteur de 10 % à 15 % des crédits inscrits, comme le reconnaît implicitement le Gouvernement lorsque vous évoquez, madame le ministre, des « reports importants de ces crédits de 1998 sur 1999 ».
Je peux, en outre, observer moi-même dans mon département les effets pervers et dramatiques des 35 heures. Plusieurs entreprises locales délocalisent l'emploi, vers la Roumanie et la République Tchèque pour le secteur de la chaussure et de l'habillement, vers le Luxembourg pour le transport.
Nos chefs d'entreprise sont de plus en plus démobilisés. Vous ne semblez pas le voir, madame le ministre.
A un moment où les frontières disparaissent et où les contraintes sont quasiment insignifiantes dans des pays situés à quelques kilomètres de la France, notre politique de l'emploi se doit d'échapper à toute crispation idéologique.
En conséquence, et eu égard au peu d'impact de ce dispositif, votre rapporteur vous proposera, mes chers collègues, de supprimer la dotation de 3,7 milliards de francs figurant dans le projet de loi de finances pour 1999. En effet, les crédits prévus en 1998 n'ont été utilisés que dans une très faible proportion.
Je tiens enfin à souligner la dérive prévisible du coût budgétaire des emplois-jeunes : 13,8 milliards de francs de crédits sont inscrits au titre du budget de l'emploi pour financer ces emplois-jeunes.
Par-delà les critiques quant à la porté d'un tel dispositif, qui consiste à accroître l'emploi dans le secteur non marchand et les risques de pérennisation, à terme, de ceux-ci au sein de la fonction publique, je souhaite présenter quelques remarques.
Le coût de ces emplois-jeunes pour 1999 me semble d'ores et déjà minoré. Les crédits figurant au budget de l'emploi pour 1999, soit 13,8 milliards de francs, ne permettent de financer que le « stock » qui existera au 1er janvier 1999, soit 150 000 emplois-jeunes, pour un coût annuel unitaire de 93 840 francs.
L'enveloppe budgétaire actuelle telle qu'elle figure dans le projet de loi de finances ne permettra donc pas de financer, à compter du 1er janvier prochain, le recrutement des 100 000 nouveaux emplois-jeunes, qui correspond à l'objectif que s'est fixé le Gouvernement pour 1999. Il y a, pour 1999, une sous-évaluation du coût de ce dispositif, que l'on peut estimer à près de 4,5 milliards de francs sur la base d'une montée en charge linéaire et progressive de ces 100 000 nouveaux emplois-jeunes.
Comme le Gouvernement entend-il y faire face ? Existe-t-il des reports au titre de 1998 ? Je vous remercie, madame le ministre, de nous apporter toute précision en ce domaine.
Je souhaite également rappeler à nos collègues que, compte tenu des objectifs que s'est fixés le Gouvernement, à savoir la mise en place d'ici à 2001 de 350 000 emplois-jeunes, le coût budgétaire en année pleine de ce dispositif sera de près de 32 milliards de francs par an.
Aussi, en ce domaine, la position de votre commission est-elle très claire. Si le Gouvernement tient à financer les 100 000 nouveaux emplois-jeunes qui figurent au sein du budget de l'emploi, il doit réexaminer les dispositifs préexistants et procéder par redéploiement au sein d'une enveloppe globale des aides à l'emploi qui atteint, je le rappelle, 152 milliards de francs.
En effet, votre commission ne souhaite bien évidemment ni remettre en cause le « stock » des emplois-jeunes existants, ni porter atteinte aux « flux » des nouveaux emplois-jeunes, toute autre présentation serait erronée, simpliste et malveillante. Elle entend simplement que leur coût soit financé par des économies réalisées sur l'ensemble des 152 milliards de francs de crédits du titre IV.
Pour que les choses soient claires, je rappelle que notre effort d'économie s'élève à 10,5 milliards de francs sur le budget de l'emploi et ne porte que sur les mesures nouvelles, c'est-à-dire sur les crédits supplémentaires de ce ministère. Par ailleurs, si nous réalisons 10,5 milliards de francs d'économies, le Gouvernement en a lui-même réalisé 11 milliards de francs, soit un montant supérieur à celui que nous préconisons !
Enfin, je m'interroge sur la date du dépôt et de l'examen de la seconde loi prévue par le Gouvernement et tendant à mettre en place des « emplois-jeunes » dans le secteur privé. Le Gouvernement n'a encore fourni aucune précision sur ce point. Qu'en est-il exactement ?
Je me permets à ce propos de vous rappeler que, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'emploi des jeunes, j'avais déposé un amendement visant à mettre en place un dispositif infiniment moins onéreux et certainement beaucoup plus efficace que le vôtre, puisqu'il incitait les PME à embaucher des jeunes grâce à des exonérations de charges. Vous m'aviez alors affirmé qu'un tel dispositif constituerait le deuxième étage de votre fusée pour l'emploi.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non !
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Cet engagement m'aurait alors amené à retirer mon amendement.
Or, je constate que la fusée est toujours au pas de tir, ce qui est très regrettable.
Deux articles sont rattachés pour leur examen au budget de l'emploi. Votre commission vous proposera de les supprimer.
Le premier, l'article 80, vise à recentrer les primes d'apprentissage sur les plus bas niveaux de qualification. Cela exclura du dispositif près du quart des apprentis, soit 50 000 jeunes. Cette disposition permet au Gouvernement de réaliser en 1999 une économie d'un montant de 60 millions de francs dans un secteur, celui de la formation en alternance, déjà touché par de telles économies. Cela ne peut être accepté par votre commission qui vous proposera en conséquence d'adopter un amendement de suppression de cet article. Je suis certain que cette proposition recueillera un très large assentiment de l'ensemble de nos collègues.
Cette position est en effet partagée par le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale pour les crédits de la formation professionnelle, qui a indiqué : « L'apprentissage est un maillon essentiel de notre dispositif de formation professionnelle. Il pourrait être possible de trouver ailleurs le financement nécessaire aux actions menées par le Gouvernement. »
Croyez bien, madame le ministre, que sur l'ensemble des bancs de notre hémicycle nous partageons cette péoccupation.
Le second article, l'article 81, visait initialement à supprimer une exonération spécifique de cotisations d'allocations familiales au profit de quatre catégories d'entreprises, notamment - et je me permets d'insister sur ce points - celles qui sont situées en zone de revitalisation rurale.
La commission des finances ne peut que marquer sa surprise devant une telle disposition, qui vient par ailleurs contredire la pérennisation de ce dispositif qui avait été votée lors de l'adoption de la précédente loi de finances et soutenue alors par le Sénat.
Par ailleurs, je tenais à relever que la rédaction de cet article 81 comporte, sur le plan juridique, des imprécisions dans la coordination et la modification des textes visés. Le dispositif juridique de cet article ne m'apparaît donc pas pleinement opérationnel, ce qui devrait inciter Mme le ministre à réexaminer ce dispositif.
Cette disposition nous paraît donc, inopportune et préjudiciable à la bonne marche d'entreprises qui créent des emplois dans le secteur marchand. En conséquence, la commission des finances vous demandera d'adopter un amendement de suppression de cet article.
En conclusion, permettez-moi de vous faire part de mes interrogations concernant le contenu de la dynamique actuelle de l'emploi.
Certes, le chômage, tel que le mesure le Bureau international du travail, a baissé de 5 % par rapport à l'année dernière. Il touche cependant encore 3 millions de personnes.
Par ailleurs, la progression de l'emploi, qui est indéniable sur le plan quantitatif, me paraît plus incertaine sur le plan qualitatif. Outre le fait que notre taux de chômage est toujours supérieur à la moyenne des grands pays industrialisés, cette baisse me semble reposer sur la création d'emplois non marchands financés par le budget de l'Etat, car elle résulte, pour l'essentiel, de la mise en place des emplois-jeunes.
En outre, un dossier paru dans un grand quotidien national, cette semaine, se montre particulièrement alarmant quant à la précarité croissante de l'emploi. Il souligne, en effet, que l'amélioration de l'emploi salarié est surtout due à une progression des contrats à durée déterminée et de l'intérim.
Quel constat redoutable !
Vous persistez cependant à nous présenter des textes qui, invariablement, accentuent la rigidité de l'emploi. Par conséquent, il est bien compréhensible que, face à une réglementation de plus en plus étouffante, nos patrons de PME soient contraints soit de recourir à l'emploi précaire, soit de s'abstenir d'embaucher ou, pire encore, de délocaliser leur activité.
Il me paraît donc indispensable que soit appliquée une autre politique, axée sur la création d'emplois productifs au sein de l'économie marchande, en introduisant, entre autres, davantage de flexibilité et en réduisant les charges en faveur des PME.
Une telle dynamique, comme l'a rappelé M. le rapporteur général, est en effet la seule qui puisse résoudre durablement le problème du chômage en France.
Compte tenu de ces éléments, la commission des finances vous proposera d'adopter les crédits du budget de l'emploi modifiés par deux amendements de réduction.
Elle vous proposera également de supprimer les deux articles rattachés. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les moyens du ministère de l'emploi devraient atteindre 161,8 milliards de francs en 1999, soit une hausse des crédits de 3,9 % par rapport à 1998. Compte tenu du niveau très élevé du chômage dans notre pays, vous comprendrez que mes remarques ne portent pas, pour l'essentiel, sur le niveau des crédits, lequel nous semble correspondre globalement à l'importance de l'enjeu.
La commission a plutôt essayé d'examiner dans quelle mesure ces moyens budgétaires considérables pouvaient permettre d'obtenir des résultats tangibles, et surtout durables, sur le front du chômage.
Par ailleurs, un an après le vote de la loi sur les emplois-jeunes, la commission des affaires sociales a souhaité faire le point sur ce dispositif.
Le budget du ministère de l'emploi comporte quatre priorités : les allégements de charges sociales, l'incitation à la réduction du temps de travail, le plan emplois-jeunes et le volet emploi de la lutte contre les exclusions.
Les allégements de charges constituent toujours le socle de la politique de l'emploi en France. Ils représenteront environ 80 milliards de francs en 1999. Le projet de budget reconduit le dispositif de la « ristourne dégressive » dans la configuration adoptée en 1998. Cette politique est largement responsable de l'enrichissement du contenu en emplois de la croissance. Elle doit être absolument poursuivie pour qu'elle donne de bons résultats.
A cet égard, je rappellerai que le Sénat a adopté, le 29 juin dernier, une proposition de loi de M. Christian Poncelet, qui était alors président de la commission des finances, visant à porter à 1,4 fois le SMIC, le seuil des exonérations de charges sociales.
J'aurai l'occasion de revenir sur l'article 81, modifié par l'Assemblée nationale.
Je ne partage pas tout à fait les propos de notre excellent rapporteur spécial, M. Ostermann, et je fais remarquer que cet article était entaché, et est toujours entaché, d'une erreur matérielle et que son exposé des motifs ne semble pas correspondre aux motivations réelles du Gouvernement.
J'ai appris au moment où je montais à la tribune que, par le dépôt d'un amendement, le Gouvernement revenait sur cette erreur matérielle que j'avais signalée dans mon rapport écrit aux pages 38 et 39. La nouvelle rédaction sera donc désormais correcte, ce qui ne m'empêche pas de constater que la loi du 13 juin 1998, dans son article 3, alinéa 10, comportait une erreur qui a introduit le cumul des exonérations.
Nous avons dressé un constat : la loi du 13 juin 1998 relative aux 35 heures peine à créer des emplois.
Selon le dernier bilan effectué par le ministère, 434 accords d'entreprise ont été signés concernant 57 851 salariés ; 4 460 emplois auraient été créés ou préservés.
Ces résultats, modestes au demeurant, s'expliquent par les incertitudes qui demeurent quant au contenu de la seconde loi, notamment sur les heures supplémentaires et la rémunération mensuelle minimale. Ils illustrent également le défaut d'adhésion de nombreux chefs d'entreprise et les doutes de certains syndicats.
Un peu plus d'un an après le vote de la loi du 16 octobre 1997, la commission des affaires sociales a souhaité faire un premier bilan du plan emplois-jeunes.
A la fin du mois de novembre 1998, 151 926 emplois avaient été créés et 109 014 jeunes avaient été embauchés.
Sur le plan quantitatif, le dispositif constitue indubitablement un succès. Doit-on d'ailleurs s'en étonner compte tenu du fort taux de chômage des jeunes dans notre pays ? Ces emplois, payés au SMIC, ont constitué une véritable aubaine pour les jeunes en panne d'emploi. Par ailleurs, nombre d'entre eux sont apparus, à juste titre, comme une possibilité d'entrer par la petite porte dans la fonction publique.
Le coût budgétaire de ce dispositif devrait représenter environ 20 milliards de francs pour 250 000 emplois fin 1999, compte tenu de la dotation budgétaire de 13,8 milliards de francs, des reports de crédits de 1998 et de la participation à hauteur de 20 % des différents ministères d'accueil.
Les entreprises publiques ont été fermement invitées à accueillir des emplois-jeunes. On ne peut parler d'une démarche volontaire de leur part.
La SNCF a ainsi saisi l'opportunité de l'aide de l'Etat pour renforcer la présence en personnels dans les gares. Il s'agit pour elle d'un pur effet d'aubaine.
La RATP, quant à elle, a créé des associations qui emploient les jeunes avant de les mettre à sa disposition pour occuper des fonctions qui relèvent, à l'évidence, de son métier : nettoyage, orientation, accompagnement, « présence », etc. Cette pratique constitue également un effet d'aubaine.
Je m'interroge : ce procédé n'est-il pas contraire au droit du travail, qui prohibe la mise à disposition de personnels ? La commission souhaite être éclairée sur ce sujet, madame le ministre.
Les emplois-jeunes à l'éducation nationale constituent le gros des troupes, puisque 40 000 d'entre eux ont déjà rejoint les écoles élémentaires, les collèges et certains lycées. L'utilité de ces emplois n'est généralement pas contestée, leur présence est même considérée aujourd'hui par certains syndicats comme indispensable.
Toutefois, il serait excessif d'attribuer le bénéfice de ce progrès seulement aux vertus du dispositif en lui-même, car ces personnels auraient fait preuve du même entrain s'ils avaient été l'objet d'un recrutement statutaire.
On observe bien au contraire que le mode de recrutement employé - des contrats de droit privé - est une source majeure de dysfonctionnements et d'ambiguïté. Trop souvent, les tâches qui sont confiées aux jeunes empiètent sur les compétences d'autres personnels, que ce soient les maîtres d'internat ou les surveillants d'externat, les documentalistes des centres de documentation et d'information ou encore les psychologues ou les assistantes sociales à travers les tâches de médiation.
Je ne vous apprendrai bien sûr rien en vous rappelant à ce jour que les « pions », comme on disait de mon temps, sont en grève pour améliorer leur statut et, chose étonnante pour moi, contre les emplois-jeunes. Ce sont du moins les commentaires que j'ai entendus à plusieurs reprises.
Par ailleurs, le droit du travail n'est ni appliqué ni contrôlé. On peut, en effet, s'interroger sur la légalité des mises à disposition de personnels employés par les collèges dans les écoles élémentaires. Enfin, il convient de souligner que l'inspection du travail n'a pas - à l'heure actuelle - accès aux locaux de l'éducation nationale. Cela signifie que ce ministère est de facto exempté du respect du droit du travail, hors contentieux devant les prud'hommes, ce qui constitue une véritable aberration, notamment compte tenu de l'état d'ignorance des chefs d'établissement en matière de droit privé du travail.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Or il lui faudrait montrer l'exemple !
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Tout ceci pour rappeler que la commission des affaires sociales avait préconisé que les emplois-jeunes soient recrutés sur la base de contrats de droit public. J'observe que cela aurait évité bien des incertitudes.
Par ailleurs, il existe d'ores et déjà un malentendu entre le ministre de l'éducation nationale, d'une part, et les jeunes et certains syndicats d'autre part. Le ministre a déclaré qu'au terme des cinq ans les jeunes seraient remplacés dans leurs fonctions par de nouveaux postulants. Les titulaires d'emplois-jeunes souhaitent, quant à eux, être recrutés et titularisés, que ce soit sur ces nouveaux métiers ou sur des postes d'enseignants. Le ministre chargé de ce dossier en 2003 devra faire face à ce qui constitue déjà une véritable « bombe à retardement », sur le plan social en tout cas.
Dans la police nationale, les syndicats constatent des dérives graves dans les tâches confiées aux adjoints de sécurité. En contradiction avec la loi et les décrets d'application, il m'a été rapporté que nombre d'adjoints de sécurité étaient laissés sur la voie publique sans aucun encadrement. Par ailleurs, le niveau de recrutement est considéré par les syndicats comme étant moyen, voire médiocre. Des policiers se plaignent de l'illettrisme de certains adjoints de sécurité. Les fonctionnaires, leurs représentants en tout cas, s'inquiètent plus généralement du développement d'une sous-fonction publique.
La commission des affaires sociales pense qu'un gros effort est encore à fournir en ce qui concerne ce plan emplois-jeunes. Comme on pouvait s'y attendre, le déficit de formation et d'encadrement que nous avions dénoncé il y a un an constitue aujourd'hui la principale faiblesse du dispositif. Le transfert de ces emplois vers le privé prend de plus en plus la forme d'un voeu pieux.
M. Alain Gournac. Malheureusement !
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. La commission estime que le plan emplois-jeunes constitue non pas une politique, mais une boîte à outils pour faire baisser le taux de chômage des jeunes, sans vision globale suffisante à long terme, à la différence d'autres dispositifs comme l'apprentissage et l'alternance, dont il freine par ailleurs le développement. Cette mesure tire d'embarras ceux qui recherchent un emploi et ceux qui luttent contre le chômage, mais elle laisse subsister les difficultés et les reporte à plus tard.
La dernière priorité du projet de budget du ministère concerne le recentrage des dispositifs d'aide publique à l'emploi sur les publics les plus en difficulté.
Le nombre des contrats emplois consolidés est doublé par rapport à 1999. Le programme de trajet d'accès à l'emploi, dit TRACE, devrait permettre d'accueillir 40 000 jeunes en grande difficulté pour un « parcours » accompagné. Un effort a été fait en direction des entreprises d'insertion.
Pour financer ces actions, les contrats emploi-solidarité et les contrats initiative-emploi ont été réduits ou recentrés.
Concernant les autres grands postes du projet de budget de l'emploi, j'observe que les moyens du service de l'emploi sont accrus : la subvention à l'Agence nationale pour l'emploi augmente de plus de 10 %.
Par ailleurs, les conditions d'accès aux allocations spéciales du FNE et aux préretraites progressives devraient être durcies en 1999 alors qu'un effort devrait être fait en matière de prise en charge du chômage de solidarité et de reclassement des travailleurs handicapés.
En conclusion, votre commission des affaires sociales considère que les incertitudes comme les insuffisances de la loi sur les trente-cinq heures et du plan emplois-jeunes nourrissent le scepticisme quant à leur capacité à faire reculer le chômage. L'absence de signe fort en faveur d'un renforcement des allégements des charges sociales sur les bas salaires a achevé de convaincre votre commission des affaires sociales de formuler un avis défavorable à l'adoption des crédits du budget de l'emploi ainsi que de l'article 81, qui lui est rattaché.
Cet avis concerne bien entendu les crédits tels qu'ils ont été votés à l'Assemblée nationale. Il n'a pas pris en compte l'alternative préparée par notre commission des finances et rapportée par Joseph Ostermann. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget de la formation professionnelle pour 1999 s'inscrit dans une certaine continuité.
Pour reprendre une litanie que vous connaissez bien, je dirai que la réforme du système de collecte est toujours à venir, que les fonds de l'alternance sont toujours « excédentaires » et que la collecte de la taxe d'apprentissage reste toujours aussi compliquée et peu transparente.
En fait, la seule véritable nouveauté comprise dans ce projet de budget réside dans le recentrage des aides publiques à l'alternance ; j'aurai l'occasion de revenir sur le caractère regrettable de cette disposition.
Les crédits de la formation professionnelle devraient représenter 26,42 milliards de francs en 1999, soit une hausse de 5,3 %. Si l'on y ajoute les 4,5 milliards de subventions à l'Association nationale pour la formation porfessionnelle des adultes et aux autres organismes de formation, le budget de la formation professionnelle est de 31 milliards de francs. Ces crédits permettent de financer deux types d'actions : les formations en alternance et les actions de formation à la charge de l'Etat.
Les crédits alloués au soutien à la formation en alternance augmentent de 10,2 %, pour atteindre 12 653 millions de francs. Ils se répartissent entre le financement des différents contrats d'apprentissage et de qualification et la compensation des exonérations de charges sociales correspondantes.
La discussion des crédits budgétaires intervient dans un contexte favorable à l'apprentissage.
Avec plus de 240 000 nouveaux contrats signés en 1997, l'essor du dispositif, amorcé en 1993, se confirme. L'apprentissage progresse dans tous les secteurs : ainsi, son usage s'intensifie dans les secteurs d'accueil traditionnel, alors qu'il se développe plus rapidement dans de nouveaux secteurs exigeant des formations de niveau supérieur.
Il est d'autant plus étonnant, dans ces conditions, que le Gouvernement ait décidé de procéder à des économies sur les aides publiques aux contrats en alternance.
Déjà, le mois dernier, le Gouvernement a modifié par décret les conditions d'attribution de l'aide forfaitaire liée à l'embauche en contrat de qualification.
Depuis le 15 octobre, le versement de l'aide forfaitaire liée à l'embauche en contrat de qualification intervient pour les seuls jeunes de niveaux VI, V bis et V de l'éducation nationale, ainsi que pour ceux qui ne sont pas titulaires du baccalauréat.
L'article 80 du projet de loi de finances, rattaché au projet de budget de la formation professionnelle, a un objet identique au décret du 12 octobre 1998 pour ce qui concerne, cette fois, l'aide à l'embauche d'un apprenti.
Cette discrimination à l'égard des apprentis diplômés est justifiée par le Gouvernement au nom de la nécessité de concentrer les moyens sur les publics prioritaires. En réalité, le Gouvernement limite le développement de la formation en alternance. A cet égard, le nombre d'entrées de jeunes dans l'apprentissage devrait baisser de 4,2 % en 1999, passant à 230 000.
J'ai le sentiment très fort que des arbitrages ont été faits qui tendent à financer en priorité le dispositif emploi-jeunes, dont la pérennisation est aléatoire, de préférence aux dispositifs structurants comme l'alternance. Si cette tendance devait se confirmer, elle constituerait un motif sérieux d'inquiétude.
Les crédits consacrés aux financements des primes à l'apprentissage passent de 4,77 milliards de francs en 1998 à 4,66 milliards de francs en 1999. Le recentrage correspond donc bien à une économie pour le budget de l'Etat. Le montant des exonérations de charges sociales afférentes aux contrats d'apprentissage devrait représenter 4 587 millions de francs en 1999, contre 4 545 millions de francs en 1998.
Les 130 000 contrats de qualification qui sont prévus en 1999 pour les jeunes devraient bénéficier de 343 millions de francs sous la forme de primes et de 2,6 milliards de francs sous la forme d'exonérations de charges sociales.
Je soulignerai l'intérêt que peut présenter l'expérimentation de l'extension des contrats de qualification aux adultes, ce dispositif ayant pour objet de donner une qualification reconnue sur le marché du travail. Le coût des 10 000 contrats est évalué à près de 350 millions de francs pour 1998.
Il reste à trouver la bonne formule, car on ne peut imaginer transposer le dispositif destiné aux jeunes sans tenir compte des spécificités attachées à un public composé d'adultes en difficulté.
Concernant le prélèvement de 500 millions de francs sur les fonds de la formation en alternance, j'observe qu'il fait suite à deux prélèvements antérieurs, le premier à travers l'article 40 de la loi de finances pour 1997 et le second à travers l'article 75 de la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
La commission des affaires sociales s'est opposée à ces deux prélèvements, considérant qu'ils mettaient en péril le financement des contrats de qualification et qu'ils permettaient de financer le budget général sans aucune assurance que les fonds profitent à la formation.
Le nouveau prélèvement qui nous est proposé est entouré, à cet égard, de garanties qui peuvent apparaître rassurantes.
En effet, les 500 millions de francs devraient être affectés à un fonds de concours. Or, comme me l'a indiqué le directeur de l'Association de gestion du fonds des formations en alternance, ce fonds devrait faire l'objet d'une utilisation concertée avec les partenaires sociaux.
Par ailleurs, et c'est là un point essentiel, par un courrier adressé le 19 octobre 1998 au comité paritaire national pour la formation professionnelle, Mmes Martine Aubry et Nicole Péry ont déclaré que « la constitution de ce fonds - de concours - ne devait en aucune manière contraindre le développement actuel des formations professionnelles en alternance. Le cas échéant, toutes les dispositions nécessaires seront prises par les pouvoirs publics pour assurer la couverture effective des dépenses exposées par les entreprises dans le cadre de ces contrats ».
Cette garantie de l'Etat supprime, de fait, les risques financiers relatifs à la couverture du paiement des contrats de qualification ; elle devrait préserver, à l'avenir, le développement de ce dispositif qui avait fléchi en 1998. Cette garantie était attendue depuis plus de trois ans par les partenaires sociaux.
La commission des affaires sociales regrette néanmoins qu'aucune indication n'ait filtré sur l'utilisation concertée des fonds.
Par ailleurs, l'Etat devrait verser 2,71 milliards de francs à l'UNEDIC, au titre de l'allocation de formation reclassement, soit un montant comparable à celui de 1998.
Les quatre dotations de décentralisation sont reconduites en 1999 dans des proportions proches de celles de 1998.
Un mot sur le réseau des missions locales et des permanences d'accueil, d'information et d'orientation ; les crédits alloués à la délégation interministérielle à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté augmentent sensiblement : ils devraient s'élever à 416 millions de francs en 1999. Cette hausse des crédits s'inscrit dans le cadre d'un contrat de progrès qui vise à compléter le réseau par le renforcement des missions locales et le développement des espaces jeunes. Le réseau est appelé à jouer le rôle de pilote et d'opérateur du programme TRACE. L'objectif est d'accueillir 10 000 jeunes en 1998, 40 000 en 1999 et 60 000 en l'an 2000 pour un suivi personnalisé. Pour ce faire, le réseau devrait bénéficier de la création de trois cent cinquante postes et d'une dotation supplémentaire de 30 millions de francs.
Je terminerai ce tour d'horizon des crédits de la formation professionnelle en évoquant l'Association pour la formation professionnelle des adultes. L'AFPA devrait bénéficier d'une subvention en hausse de 140 millions de francs pour atteindre 4,128 milliards de francs pour 1999. Cette dotation s'inscrit dans le cadre des nouveaux objectifs fixés à l'association par le contrat de progrès. L'activité de l'AFPA en 1999 devrait suivre le plan national d'action pour l'emploi mis en oeuvre en France, suite au Conseil européen extraordinaire de Luxembourg des 20 et 21 novembre 1997. Je rappelle que le plan national d'action est organisé autour de quatre piliers : améliorer la capacité d'insertion des jeunes et des adultes afin de prévenir le chômage de longue durée et lutter contre l'exclusion, développer l'esprit d'entreprise, renforcer l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et oeuvrer pour une meilleure intégration des personnes handicapées.
L'AFPA occupe une place importante dans la mise en oeuvre du premier objectif de ce plan. Elle devrait voir sa collaboration avec l'ANPE se renforcer afin de proposer aux demandeurs d'emploi des projets personnalisés.
Cet objectif marque une rupture avec la politique suivie les années précédentes par l'association, qui était plus tournée vers le marché de la formation. Le Gouvernement a souhaité délibérément recentrer l'AFPA sur la « commande publique » et rendre ses formations plus accessibles.
C'est ainsi que l'agence pourra être sollicitée dans le cadre du programme TRACE. Elle devrait également participer à la définition des formations dans le cadre du plan emploi-jeunes ; un rôle particulier lui incombe dans l'animation des plates-formes régionales.
Les crédits de la formation professionnelle dans le projet de budget pour 1999 ne sont donc pas remis en cause. Tout au plus observe-t-on des arbitrages qui s'expliquent par une amélioration de la conjoncture ou par la nécessité de financer le plan emploi-jeunes. Il reste que le grand chantier de la réforme des formations en alternance est devant nous, que bien des incertitudes demeurent sur le rôle qui sera dévolu aux collectivités locales dans ce nouveau cadre. Les entreprises qui assurent l'essentiel du financement ne sauraient être exclues de la collecte.
Quant à la gestion des fonds, les partenaires sociaux doivent conserver leur mot sur leur emploi. On le voit, le projet de réforme devrait ouvrir un vaste débat et votre commission des affaires sociales ne manquera pas de donner son avis sur cette question qu'elle suit depuis toujours avec beaucoup d'intérêt.
En conclusion, je souhaite citer une enquête réalisée il y a quelques jours par la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques sur l'efficacité des aides à l'emploi. Il apparaît que les aides publiques à l'apprentissage sont celles qui ont le plus d'impact. Sur 100 embauches d'apprentis, 46 n'auraient pas eu lieu sans l'aide de l'Etat et 19 auraient été reportées ultérieurement.
Les aides à l'embauche ont donc un impact positif sur 65 % des embauches d'apprentis. Or l'article 80 supprime l'aide à l'embauche pour les apprentis qualifiés. Cet article illustre la philosophie plus générale du budget de la formation professionnelle marqué par la préférence donnée à d'autres dispositifs moins qualifiants et moins structurants.
C'est pourquoi votre commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits pour la formation professionnelle du ministère de l'emploi et vous propose d'adopter un amendement de suppression de l'article 80.
Bien entendu, cet avis ne préjuge pas son vote sur le budget tel qu'il pourrait être amendé sur l'initiative de la commission des finances. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 23 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 21 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.
La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Serge Mathieu, empêché de présenter ses observations devant le Sénat, m'a demandé de le faire à sa place, ce que j'ai bien volontiers accepté.
Les crédits consacrés au travail et à l'emploi dans le projet de loi de finances pour 1999 sont en hausse de près de 4 %. Une telle augmentation ne paraît pas vraiment se justifier si l'on considère plusieurs des priorités auxquelles ce budget est concacré.
Le budget de l'emploi est, en effet, construit autour de trois priorités : la réduction du temps de travail, les emplois-jeunes et le volet « emploi » du programme de lutte contre l'exclusion.
Les crédits inscrits au titre de l'aide incitative à la réduction du temps de travail s'élèvent à 3,5 milliards de francs.
Si ce chiffre est modique, c'est que les résultats actuels de l'application de la loi sur les trente-cinq heures sont modestes : 701 accords ont été signés, certes, mais seulement 6 000 emplois ont été préservés ou créés. De ce fait, la provision de 3 milliards de francs prévue pour 1998 n'a été utilisée qu'à hauteur de 10 % à 15 %, chiffres bien en deçà de vos pronostics.
Mais, si ce chiffre est modeste, c'est aussi parce que 3,5 milliards de francs, soit la moitié des dépenses de mise en oeuvre des trente-cinq heures en 1999, sont mis, semble-t-il, à la charge des régimes de sécurité sociale, contrairement à l'esprit de la loi Veil du 25 juillet 1994.
Celle-ci impose, en effet, une compensation intégrale, par le budget de l'Etat, des exonérations de cotisations sociales.
Comment peut-on demander à la sécurité sociale, d'un côté, de maîtriser ses dépenses et, de l'autre, d'augmenter ses charges ? On ne peut répondre que de ses propres actes, non de ceux qui vous sont imposés.
Cette attitude vis-à-vis de la sécurité sociale est profondément déresponsabilisante. Invoquer les gains en cotisations sociales dont bénéficieront les régimes sociaux grâce aux embauches liées aux trente-cinq heures ne change rien à l'affaire. Ces gains sont d'ailleurs aléatoires et ils sont là non pas pour compenser des exonérations mais pour servir à financer, notamment, les prestations sociales des personnes embauchées et nouvellement affiliées.
Quant aux emplois-jeunes, il est tout à fait regrettable de voir avec quelle tranquillité vous passez outre aux dispositions d'une loi qui est pourtant la vôtre.
Les emplois-jeunes devaient être consacrés à la satisfaction de besoins nouveaux ou émergents, auxquels le secteur privé ne répondait pas encore mais qui, grâce à l'initiative publique, devaient, à terme, devenir solvables.
La majorité sénatoriale avait dénoncé le caractère irréaliste de cette conception et vous avait mise en garde contre les dérives inéluctables du dispositif. Nous étions loin, toutefois, de nous attendre à ce que le Gouvernement laisse si vite de côté cette préoccupation d'utilité nationale pour se confiner aux statistiques. Ainsi, les entreprises publiques - SNCF, RATP - ont été fermement invitées à accueillir des titulaires d'emplois-jeunes. Dans ces entreprises, tout comme à l'éducation nationale, ces emplois empiètent souvent sur les compétences du personnel, en violation de la loi sur les emplois-jeunes elle-même.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et, en plus, aux frais de l'Etat !
M. Jean Clouet. Dans un autre domaine, les adjoints de sécurité engagés dans la police nationale ne sont souvent ni formés ni encadrés.
La plupart des emplois créés ne pourront pas, une fois le contrat de cinq ans achevé, être efficacement relayés par le secteur privé.
Que proposera-t-on alors à tous ces jeunes ? Des titularisations au rabais ? C'est un bien vilain cadeau pour vos successeurs.
Le recentrage des dispositifs d'aide publique à l'emploi sur les publics en difficulté est tout aussi contestable. Certes, le nombre de contrats emplois-consolidés est doublé. Certes, le programme « trajet d'accès à l'emploi » - curieux jargon - se met en place. Mais où est le financement de ces initiatives ?
Loin de relancer la politique de baisse des charges sociales, comme vos récentes déclarations, madame le ministre, le laissait attendre, le Gouvernement continue de rogner sur les crédits consacrés à celle-ci : l'article 81 du projet de loi de finances pour 1999 supprime ainsi, dans certains cas, l'exonération de cotisations d'allocations familiales accordées aux entreprises.
De même, en matière de formation professionnelle, l'article 80 du projet de loi de finances pour 1999 réserve le paiement de la prime à l'embauche de 6 000 francs aux seuls apprentis faiblement qualifiés. Compte tenu d'un effectif d'apprentis évalué à 230 000 en 1999, la mesure ne touchera environ que 50 000 d'entre eux, c'est-à-dire à peine un pour cinq.
Cette décision est néfaste pour l'apprentissage dans le mesure où elle réduit l'« attractivité » du dispositif de l'apprentissage à un moment où les effectifs entrant en apprentissage connaissent une légère baisse. De surcroît, elle va nuire à l'image de l'apprentissage, en le concentrant sur les formations de faible niveau, revenant ainsi sur tout les efforts de valorisation de son image.
Le groupe des Républicains et Indépendants ne peut accepter ce budget en l'état. Fidèle à la stratégie d'ensemble de la majorité sénatoriale, il soutiendra les amendements de suppression des articles 80 et 81 du projet de loi de finances, ainsi que les autres amendements proposés par la commission des finances. Ainsi amendé, nous apporterons, sans enthousiasme, notre soutien à ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon propos sera centré sur les dispositions du projet de budget du ministère de l'emploi et de la solidarité consacrées aux différents emplois aidés du secteur non marchand, les contrats d'emploi solidarité, les CES, les contrats d'emplois consolidés, les CEC et les contrats initiative-emploi, les CIE.
Sur le plan strictement comptable, on constate une diminution globale de ces emplois, qui fléchissent de 700 000 à 650 000 au détriment, principalement, des CES, dont la dotation passe de 11,6 milliards de francs pour cette année à 6,9 milliards de francs pour 1999. Toutefois, les crédits affectés aux CEC augmentent de façon significative ; un peu plus de 2 milliards de francs pour l'exercice à venir permettraient de doubler les offres.
Il semblerait, madame le ministre, que vous justifiiez ce report, si tant est qu'il n'y a pas de solde négatif global, par une volonté de recentrage du dispositif sur les personnes les plus en difficulté, au motif que les CES ne sont pas de vrais emplois.
Permettez-moi, madame le ministre, de ne pas tout à fait partager votre point de vue.
Tout salaire, fût-il temporaire ou modeste, vaut mieux qu'une allocation de solidarité sans contrepartie. D'abord, c'est une question de dignité. Puis, on sait que les dégâts structurels et comportementaux générés par l'inactivité sont profonds et durables. Les difficultés de réinsertion sont, en effet, largement liées aux conduites de rejet de tout système.
On l'a bien vu ces jours derniers, où des SDF ont opté pour des abris de misère plutôt que de rallier des centres ou de s'y laisser conduire. L'extrême souffrance et la mort semblaient plus acceptables qu'une promiscuité non choisie, que des règles de fonctionnement subies. Toute organisation devient insupportable.
L'essentiel est d'éviter à tout prix la marginalisation. Or les réponses les plus adpatées sont de proximité. Il convient que les politiques et les financements soient arrêtés au niveau national, mais la répartition de ceux-ci doit être déterminée après une évaluation des besoins locaux et la décentralisation de la gestion.
Grâce à une forte mobilisation des acteurs de l'insertion dans les départements, les CES et les CEC constituent une première étape vers une activité professionnelle retrouvée ou abordée. Ce sont donc, tout à la fois, des outils de prévention et de réparation. Dans les zones rurales, les maires utilisent volontiers ces possibilités pour redonner aux chômeurs de longue durée une place dans le système social et économique.
L'inquiétude point chez les acteurs du terrain car, outre l'interrogation sur les quotas mis à disposition, les emplois-jeunes sont venus brouiller les cartes.
On enregistre, en effet, une forte pression de la part de jeunes titulaires de CES pour que leur contrat soit transformé en emploi-jeune. Les deux dispositifs répondent à des raisons d'être différentes.
De plus, on constate une forme de dérive. Il y a une sorte de confiscation des jeunes diplômés à l'égard de ceux pour qui un emploi-jeune serait une opportunité, au bout des cinq ans, d'acquérir une qualification. En effet, et je m'en étais ouvert au moment de l'examen de ce texte, c'est bien l'aspect le plus positif de cette bouée offerte à la désespérance, le reste relevant d'une précarité formalisée.
Il m'apparaît absolument nécessaire de clarifier la jungle des aides à l'emploi. La simplicité est un gage d'efficacité.
Actuellement, faute justement de lisibilité, on est en droit de se poser un certain nombre de questions. Notamment, la progression des CEC au détriment des CES n'est-elle pas le prélude à la disparition de ces derniers ?
Le CEC a été créé en 1992 afin de pérenniser, dans le secteur non marchand, la situation des personnes prioritaires issues des CES. La loi de juillet 1998 contre les exclusions l'a individualisé, et le CEC n'est désormais plus qu'un prolongement du CES. Il s'agit, en effet, d'un contrat de type nouveau pris en charge à 80 %, sans dégressivité, pendant 5 ans, et réservé aux personnes ayant de sérieuses difficultés d'accès à l'emploi.
Outre que les motifs de la distinction que crée la loi entre les CES et les CEC n'apparaissent pas clairement, l'utilité de l'individualisation définie par la loi contre l'exclusion n'est pas claire.
Que recouvre exactement la notion de « personnes ayant de sérieuses difficultés d'accès à l'emploi » ? Est-ce à dire que les CES ne remplissaient pas cet objectif ? Les chiffres de la direction de l'animation, de la recherche des études et de la statistique montrent pourtant que l'année 1997 enregistre une hausse sensible de la proportion des bénéficiaires des CES qui étaient demandeurs d'emploi depuis plus de trois ans, soit une augmentation de cinq points, et allocataires du RMI, soit une augmentation de trois points et demi.
J'aimerais donc savoir, madame le ministre, le pourquoi de cette substitution.
Compte tenu de l'implication des collectivités locales dans la lutte contre le chômage et l'exclusion, le sénateur Vallet et moi-même souhaitons vivement qu'une marge d'initiative la plus large possible soit laissée aux départements et aux régions dans l'utilisation et la ventilation qu'elles font des crédits destinés aux aides à l'emploi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Madame le ministre, votre gouvernement a fait du recul du chômage sa priorité, et c'est autour de cet objectif que vous avez élaboré le budget de votre ministère, qui enregistre une augmentation de 4 %.
Le niveau de chômage dans notre pays est très élevé, trop élevé, et votre budget, avec 161,8 milliards de francs pour 1999, est à la mesure de votre objectif.
Bien entendu, nos critiques ne peuvent porter sur la volonté qui est la vôtre et celle de votre gouvernement d'enrayer ce phénomène qui brise les individus. On le déplore chaque jour, particulièrement en cette saison où les drames s'aggravent, pour notre honte à tous. Je ne réserve celle-ci, à la différence de certains, à personne. Je l'assume, comme tout citoyen responsable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Gournac. Nous n'avons pas la solution, pas plus que votre gouvernement, et je lis avec attention les analyses de certains économistes de renom qui, renvoyant dos à dos les politiques mises en oeuvre depuis vingt-cinq ans, voient dans l'absence d'une véritable réglementation à l'échelon mondial une des causes majeures de la situation de l'emploi dans nos pays européens, notamment en France.
Nous n'avons pas la solution, ni dans la majorité ni dans l'opposition, ni à droite ni à gauche.
Nos approches sont cependant différentes au regard de l'entreprise et des questions liées à l'emploi. Nous sommes, nous, plus souples, moins affirmatifs et avant tout soucieux de mettre le plus d'atouts possible du côté d'un véritable recul du chômage.
Notre excellent rapporteur pour avis Louis Souvet a rappelé que les craintes que nous avions formulées, il y a un an, au sujet de votre loi sur les emplois-jeunes n'étaient pas infondées. Quand le taux de chômage atteint 25 % chez les dix-huit - vingt-cinq ans actifs, on ne peut qu'approuver une mesure favorable à l'emploi des jeunes.
Toutefois, le contenu de cette mesure n'est pas adapté à la situation. Dans tous les pays industrialisés où la baisse du chômage a été obtenue, elle l'a été par la création d'emplois dans le privé. Or je suis persuadé que la meilleure manière de réagir dans un environnement international fragile et de faire face à des retournements de conjoncture, c'est de s'être préparé avec sérieux et au moment opportun, c'est-à-dire avant qu'il ne soit un peu tard...
Les experts s'attendent à une diminution de deux points de croissance à l'échelle mondiale de 1997 à 1998. Sur le plan national, les instituts de conjoncture économique, plus pessimistes que le Gouvernement, annoncent pour 1999 une croissance de 2,3 % à 2,5 %, ce qui induirait une croissance du nombre d'emplois inférieure à 100 000.
Les risques d'un net ralentissement de la croissance se multiplient, au point que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie se veut rassurant face à des industriels de plus en plus pessimistes.
Certes, l'investissement des entreprises s'accroît pour le sixième trimestre consécutif, mais avec une hausse moindre de trimestre en trimestre : 0,9 % au troisième, après 1,6 % au deuxième et 2,5 % au premier.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !
M. Alain Gournac. Mois après mois, les industriels voient leurs carnets de commandes s'amenuiser et ils doivent réviser à la baisse leurs perspectives de production sur l'ensemble des derniers mois.
S'agit-il d'un vrai retournement de conjoncture ? La circonspection s'impose ! Il apparaît toutefois que la capacité de l'économie française à mieux résister que ses partenaires européens au ralentissement de la croissance mondiale est une idée en attente de vérification.
Compte tenu de ces indices négatifs, on a tout lieu de s'inquiéter du devenir de la loi d'incitation à la réduction du temps de travail à 35 heures.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Alain Gournac. Une croissance moindre ne pourrait, à l'évidence, qu'aviver des conflits qui se sont révélés aigus dès l'élaboration du texte gouvernemental.
Dans les années quatre-vingt, on créait des emplois dans le secteur privé avec un taux de croissance de 2 %. Grâce à la baisse du coût du travail peu qualifié, obtenu par l'allégement des charges sociales et le développement du travail à temps partiel, instaurés en 1993, on est arrivé à créer des emplois avec un taux de croissance plus faible, c'est-à-dire 1,5 %.
La création d'emplois dépend étroitement et du taux de croissance et du coût du travail. En juin dernier, j'avais eu l'honneur de rapporter sur une proposition de loi déposée sur l'initiative de M. Christian Poncelet, alors président de la commission des finances, et relative à l'allégement des charges sur les bas salaires.
Je constate que le dispositif de la « ristourne dégressive » est reconduit avec cette portée restreinte que nous dénoncions déjà dans la précédente loi de finances et qui, depuis le 1er janvier 1998, met le seuil des exonérations de charges sociales à 1,3 fois le SMIC. Or il était proposé en juin dernier de le porter à 1,4 fois le SMIC. Ce n'était pas la panacée ; c'était simplement une mesure qui venait en complément d'autres dispositifs, comme la réduction du temps de travail, pour laquelle nous préconisons la libre négociation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Gournac. La reprise de l'activité économique a permis de faire tomber le taux de chômage de 12,5 % à 11,7 %. Cette baisse très significative a profité essentiellement aux jeunes, la conjoncture et la manne des emplois-jeunes aidant.
Cependant, je suis inquiet, madame le ministre, de la stabilité du nombre de chômeurs de longue durée. C'est un signe préoccupant, car il révèle une incapacité chronique à agir sur le chômage structurel. Comment ne pas mettre cette sclérose profonde dont souffre l'emploi en France en relation avec notre place en queue des pays de l'OCDE en matière de dépenses publiques : 55 % de notre PIB d'après un rapport récemment paru ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est exact !
M. Alain Gournac. C'est pourquoi je ne puis que partager le sentiment de notre rapporteur : oui, l'évolution du chômage de longue durée est chez nous le véritable enjeu de toute politique de l'emploi.
Madame le ministre, votre gouvernement - je le disais en introduction de mon propos - ne fait pas mieux que ces prédécesseurs au regard de ce type de chômage, si symptomatique. Il bénéficie simplement - et je m'en réjouis - d'une meilleure conjoncture.
Votre loi sur les 35 heures, que vous présentiez comme la grande loi progressiste faisant écho en cette fin de siècle à ce qui fut fait par le Front populaire, vous a permis de jouer sur un passé emblématique et de convoquer les symboles pour tenter d'entraîner l'adhésion des salariés. Mais elle ne vous a pas permis d'avoir prise sérieusement sur la réalité des choses. Car les résultats sont modestes : 4 460 emplois créés ou... préservés.
Fallait-il une loi imposant la négociation aux partenaires sociaux, qui s'acheminent souvent vers des solutions rejetées par le Gouvernement ? Ne font-ils pas le choix de préservation des salaires et du maintien du pouvoir d'achat plutôt que celui de la création de nouveaux emplois ?
Quantitativement, le plan emplois-jeunes, lui, est incontestablement plus satisfaisant. Les chiffres sont là. Mais c'est parce qu'ils étaient déjà là ! Je l'ai dit précédemment : avec un très fort taux de chômage des jeunes - 25 % des dix-huit - vingt-cinq ans actifs - ce dispositif se présentait comme une aubaine pour les jeunes concernés, comme pour leurs employeurs.
Comment bouder une telle mesure ? Sans doute faut-il considérer davantage le soulagement matériel apporté, plutôt que le travail offert.
Madame le ministre, j'étais ce matin dans un bureau de poste. Il y avait là une jeune fille et un jeune homme, tous deux bénéficiaires d'un emploi-jeune, à qui j'ai demandé ce qu'ils faisaient. Ils m'ont répondu : « Rien ! » Ces deux jeunes « employés » à La Poste ne font rien ! Je ne sais pas si c'est très gratifiant pour eux !
Mais il vous fallait tenir parole, canaliser l'afflux des demandes, faire d'une pierre deux coups en répondant aux différents malaises de notre société par des créations massives de postes qu'il sera difficile, très difficile, de pérenniser.
La générosité, alliée à l'urgence, a ses mérites. Elle a ses résultats. Elle a aussi un immense inconvénient : l'absence criante du qualitatif.
Qu'engrange-t-on pour demain ou plutôt que sème-t-on ? La générosité devrait-elle exclure la responsabilité ? C'est la question qui court à travers les incertitudes soulignées par notre rapporteur au sujet de la création d'emplois-jeunes dans l'éducation nationale.
Madame le ministre, dans tous les pays industrialisés, la baisse du chômage a été obtenue par la création d'emplois privés. Elle s'est parallèlement accompagnée d'une réduction de l'emploi dans le secteur public. Pourquoi l'argent du contribuable est-il aujourd'hui, en France, dépensé pour des emplois-jeunes sans qu'ait été vérifiée la pertinence de la demande ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellente question !
M. Alain Gournac. Merci, mon cher collègue !
Plus d'un Français sur trois travaille pour l'administration.
Mme Nicole Borvo. Sinon, ils seraient au chômage ! Au moins, ils ont du travail !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Plus il y a de fonctionnaires, plus il y a de chômage !
M. Alain Gournac. Autant vous dire, mes chers collègues, que la France est un des pays de l'OCDE qui comptent le plus de fonctionnaires par rapport à la population active. Ne pouvait-on pas assurer les services dits « émergents » par un redéploiement d'activité au sein de la fonction publique ?
Je crois que l'Etat, remplit pas correctement ses fonctions. A-t-on vraiment besoin encore et encore de fonctionnaires ? Certains analystes se demandent d'ailleurs si l'inflation démesurée des effectifs n'est pas le corollaire et le symptôme d'une déperdition de qualité, voire d'un abandon progressif du souci même de la qualité.
Ces deux lois importantes - importantes tant elles ont occupé les services de votre ministère et les parlementaires et tant leur coût est élevé pour la nation - n'ont pas convaincu, hier, la majorité du Sénat. Je crois que les premiers bilans donnent aujourd'hui un peu raison à cette majorité.
C'est pourquoi, madame le ministre, je suivrai l'avis défavorable de nos rapporteurs sur les crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

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COMMUNICATION

M. le président. Je vous rappelle que, le mercredi 9 décembre, à quinze heures, nous consacrerons une séance solennelle à la commémoration de la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.
A la suite de mon discours d'ouverture, interviendront successivement M. Robert Badinter, président de la Mission pour la célébration du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle, et Mme Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix.
Nous suspendrons ensuite la séance pour nous rendre à une réception dans les salons Boffrand.

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MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. Par accord entre la commission des finances et le Gouvernement, la discussion des crédits affectés au transport aérien et à la météorologie et au budget annexe de l'aviation civile, d'une part, à la mer : marine marchande et ports maritimes, d'autre part, qui était inscrite à la fin de l'ordre du jour de la séance de demain vendredi 4 décembre, est reportée à la séance du dimanche 6 décembre, à quinze heures.
L'ordre du jour de la séance du vendredi 4 décembre et de la séance du dimanche 6 décembre est modifié en conséquence.

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LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.

Emploi et solidarité

I. - EMPLOI ( suite )

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du budget de l'emploi et de la formation professionnelle revêt, à un double titre, une importance particulière.
D'une part, les masses budgétaires en jeu, importantes, s'élèvent à près de 162 milliards de francs. De fait, ce budget est l'un des plus importants budgets de l'Etat.
D'autre part, la discussion sur l'affectation des crédits est l'occasion, pour chaque formation politique, de donner son sentiment sur l'opportunité et l'efficacité des politiques publiques d'aide à l'emploi décidées et conduites par le Gouvernement au regard du coût pour la collectivité de ces dernières.
Soutenue par le Gouvernement, la reprise économique constatée depuis l'an dernier, couplée à une politique novatrice de l'emploi, a permis d'inverser la tendance à la hausse du chômage.
Les derniers chiffres publiés témoignent d'une certaine embellie persistante sur le marché de l'emploi. Selon le Bureau international du travail, le taux de chômage, en baisse de 0,1 % point, s'établit à 11,6 % de la population active.
Si le chômage des jeunes baisse de 11,9 % sur un an, d'autres indicateurs sont néanmoins moins encourageants. Je pense non seulement aux chômeurs de longue durée, qui sont plus nombreux qu'il y a un an, mais aussi à la situation particulière des femmes et des chômeurs de catégorie 6 qui exercent une activité occasionnelle réduite.
Cela me conduit à relativiser quelque peu l'amélioration constatée sur le marché de l'emploi, amélioration qui a produit en surnombre des emplois précaires.
Comment rester indifférent à l'explosion et à la persistance de formes de travail atypique que sont les contrats intérimaires ou les contrats à durée déterminée ?
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Guy Fischer. Comment ne pas faire le lien entre la précarité au sein de l'entreprise, les ravages du temps partiel, la dégradation des conditions de travail et la grande pauvreté d'un certain nombre de nos concitoyens ou chômeurs qui vivent dans une angoisse profonde ? Seul le Mouvements des entreprises de France, le MEDEF, s'y refuse.
Depuis 1996, ce phénomène de précarisation de l'emploi est allé en s'accentuant, l'intérim et l'emploi en contrats à durée déterminée enregistrant respectivement une hausse de 51 % et 15 %.
Aujourd'hui, 90 % des embauches s'effectuent par le biais de ces contrats ! Evidemment, ceux-ci contribuent à la reprise de l'emploi salarié, mais devons-nous accepter, comme aux Etats-Unis, un haut niveau de précarité ?
Dangereuse pour la personne dont le statut est quasiment inexistant au sein de l'entreprise, facteur d'incertitude personnelle et de blocage de projet de vie, la précarité de l'emploi prive de surcroît de nombreux chômeurs, notamment les jeunes, d'un droit à l'indemnisation.
Conséquence des décisions prises par l'UNEDIC en 1993, durcissant les conditions de durée d'activité ouvrant les droits, seuls 42 % des chômeurs sont actuellement indemnisés.
Les parlementaires communistes se sont toujours farouchement opposés aux attaques en règle venant de la droite, destinées à introduire dans la législation du travail plus de souplesse et moins de garanties pour les salariés. Je vous renvoie aux débats de la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.
Sans cesse nous avons dénoncé les dangers du travail à temps partiel subi, des CDD, le recours systématique et massif de certains secteurs tels que l'automobile et le bâtiment aux intérimaires.
Il est inacceptable, madame la ministre, que des entreprises intègrent la précarité comme un mode normal de gestion de l'emploi, surtout qu'en plus, bien souvent, elles se servent aussi des licenciements comme d'une variable d'ajustement.
Nous partageons les préoccupations du Gouvernement, qui entend dissuader les entreprises qui recourent massivement et anormalement, sans justification économique, au travail précaire.
Madame la ministre, j'espère que la solution retenue, à savoir l'augmentation de l'indemnité de précarité à la charge de l'employeur ou l'instauration d'une contribution pour les entreprises dépassant certains seuils d'emplois précaires par rapport à leur effectif global, permettra réellement d'inciter les employeurs à recourir à l'emploi stable et correctement rémunéré et qu'elle ne donnera pas aux entreprises qui abusent de l'intérim ou des CDD un quitus pour continuer.
De plus, il est primordial qu'un dispositif contribue à responsabiliser les chefs d'entreprise et que ces derniers soient éventuellement pénalisés en fonction de la dangerosité de leurs comportements en matière de risque de chômage.
Priorité doit être donnée au renforcement des moyens de contrôle de l'administration du travail. Ce projet de budget, en permettant la création de 100 postes pour les services de l'inspection du travail, va dans le sens désiré.
D'ailleurs, les réactions négatives du MEDEF face à votre intention de limiter le recours abusif aux contrats à durée déterminée et au travail intérimaire témoignent bien d'une stratégie inacceptable faisant de la souplesse du marché du travail son credo.
Il convient de dynamiser l'emploi et la formation et d'enrayer le chômage de masse.
L'augmentation très sensible - 3,9 % - que connaissent les crédits de votre ministère doit être saluée comme témoignant de la volonté du Gouvernement de continuer à faire de la lutte contre le chômage une de ses priorités.
Il faut toutefois noter que cette progression des crédits globaux est liée assez étroitement à un changement de périmètre budgétaire. En effet, les crédits précédemment inscrits au budget des charges communes pour compenser les exonérations de cotisations sociales des entreprises, à hauteur de 4,3 milliards de francs, sont budgétisés en 1999 dans les crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Si des moyens nouveaux sont dégagés pour financer des mesures nouvelles prévues notamment dans la loi de lutte contre les exclusions telles que le programme TRACE, Trajet d'accès à l'emploi, et la création de nouveaux contrats emplois consolidés, des redéploiements internes ont conduit à diminuer de façon significative certaines lignes de crédits. C'est le cas, par exemple, des dépenses qui financent le retrait d'activité mais aussi de certaines dépenses actives d'aide à l'emploi comme les contrats emploi-solidarité et les contrats initiative-emploi.
Ultérieurement, j'aurai l'occasion de porter une appréciation sur le bien-fondé de tels arbitrages.
Les crédits figurant au titre III enregistrent une progression non négligeable, supérieure à 700 millions de francs, qui couvre les effets des protocoles salariaux de la fonction publique et les créations nettes d'emplois qui atteignent au total 218 agents. Il est en effet important de faire en sorte que le ministère lui-même dispose de moyens à la hauteur des missions qui lui incombent.
A priori, cet argument est loin d'être partagé par tous sur ces travées, et surtout pas par la commission des finances, qui propose d'amputer les crédits de fonctionnement consacrés à l'emploi.
C'est au regard du titre IV de ce projet de budget, dont les crédits ouverts s'élèvent à 152 milliards de francs, que l'on prend la mesure et la teneur des interventions publiques pour l'emploi.
Les mutations internes au titre traduisent assez nettement les orientations nouvelles du Gouvernement en matière d'emploi et de formation professionnelle. Vous donnez la priorité à des outils tels que la réduction du temps de travail, les emploi-jeunes. Vous faites le choix de financer l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi. Vous dynamisez la formation en alternance.
Le présent projet de budget est en rupture par rapport aux pratiques des années précédentes, dont l'objectif était uniquement centré sur la baisse du coût du travail par le biais des exonérations de charges sociales, et nous l'apprécions donc positivement.
Contrairement à la commission des affaires sociales, nous validons la traduction budgétaire des politiques volontaristes menées par le Gouvernement, ne doutant pas de leur capacité à faire reculer le chômage.
Concernant tout d'abord la réduction du temps de travail, une provision de 3,5 milliards de francs est inscrite au projet de budget, provision à laquelle s'ajoutent des reports de la dotation prévue au titre de 1998 et les crédits destinés à l'élaboration de conventions.
N'en déplaise à certains, l'utilité de cette loi n'est plus à démontrer.
Adoptant une attitude différente de celle qui est prônée par le MEDEF, nombreuses sont les entreprises, les branches à avoir enclenché ou mené à terme les négociations.
Il est souhaitable qu'une large mobilisation au sein des entreprises concoure à la réussite des 35 heures, disposition plus créatrice en emplois que l'annualisation du temps de travail.
Concernant ensuite le « programme emplois-jeunes », je me félicite de l'inscription de 14 milliards de francs cette année.
Après un an d'application de cette loi, un consensus existe pour affirmer que le bilan est plutôt positif ; le cap des 150 000 emplois-jeunes devrait être franchi. Mais un effort reste à faire en direction des jeunes des quartiers en difficulté.
La droite a dû se résigner aux réalités locales, aux attentes et aux espoirs des jeunes qui semblent en partie satisfaits.
Qualitativement, le dispositif demeure perfectible. En effet, comme j'ai eu l'occasion de le noter lors des discussions sur le texte, des efforts importants en termes de qualification et de formation doivent être faits rapidement.
Il convient de privilégier la professionnalisation. De plus, il est nécessaire de clarifier les rapports entre ces emplois et la fonction publique. Enfin, nous devons tous nous investir pour pérenniser ces emplois afin d'éviter un éventuel effet boomerang !
Le deuxième axe fort de ce projet de budget est le financement prioritaire du volet emploi contenu dans la loi de lutte contre les exclusions, adoptée en juillet dernier.
Ainsi, le programme TRACE d'accompagnement personnalisé vers l'emploi en faveur des jeunes se voit doté de 90 millions de francs.
Le projet de loi de finances prévoit 60 000 contrats emplois consolidés, l'ouverture des contrats de qualification aux adultes, le doublement des postes d'insertion et l'extension des plans locaux pour l'insertion et l'emploi, les PLIE. Ce sont autant de dispositions qui emportent notre aval.
Je tiens à rappeler ici que la réussite de ces dispositifs comme les engagements de la France sur le plan européen, s'agissant du suivi des chômeurs âgés, nécessitent un renforcement des moyens de notre service public de l'emploi. La grève des agents de l'ANPE, en dehors du problème de la protection sociale, démontre bien que, avant tout, les agences souffrent d'un manque criant d'effectifs.
Le Gouvernement s'est engagé à créer 500 postes supplémentaires en 1999. Je doute que cela suffise à combler le déficit des effectifs statutaires au regard des engagements de l'Etat dans le contrat de progrès avec l'ANPE.
Enfin, au-delà des outils nouveaux mis en oeuvre, le Gouvernement s'est attaché à remodeler, recentrer les dispositifs de contrats aidés sur les personnes qui en ont le plus besoin. Ainsi, les crédits consacrés tant aux contrats emploi-solidarité qu'aux contrats initiative-emploi sont en baisse.
Prétextant un bilan coût-efficacité manifestement négatif tant sur la réduction du temps de travail et les emplois-jeunes que sur les mesures ciblées en faveur des publics prioritaires, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur le projet de budget de l'emploi. Nous ne pouvons partager cette conclusion.
Surtout, nous ne pouvons souscrire aux propos du rapporteur qui déplore l'absence dans ce projet de budget « de signes forts en faveur d'un renforcement des allégements de charges sociales sur les bas salaires ».
A notre avis, la part des exonérations de cotisations sociales liées aux mesures d'emploi est assez ample, et son efficacité parfois douteuse au regard de son coût exorbitant commande plutôt une décroissance.
Une réflexion est en cours sur la réforme de l'assiette des cotisations patronales ; je ne doute pas que le Gouvernement choisira la solution favorable à l'emploi, à la formation professionnelle et aux salaires.
Il est impératif de ne pas relâcher notre attention, de poursuivre l'effort d'encadrement de divers abus : temps partiel subi, licenciements déguisés, tant les diverses dispositions de la loi quinquennale ont conduit à déstructurer la situation juridique du salarié au sein de l'entreprise.
L'actualité reste plus que jamais marquée par le retour de lourdes restructurations industrielles et par l'annonce de plans de licenciements : Philips a annoncé la fermeture d'un tiers de ses usines ; Siemens se restructure, Rhône-Poulenc et Hoechst créent Aventis, Total absorbe Petrofina, Sanofi et Synthélabo ne formeront plus qu'une unité. Attention à l'onde de choc !
Madame la ministre, contrairement aux engagements de M. le Premier ministre et à nos attentes, vous avez annoncé récemment qu'il n'y aurait pas de loi sur les licenciements, le durcissement des dispositifs préventifs actuels concernant les plans sociaux ayant votre préférence. Je vous rappelle que le groupe communiste républicain et citoyen a déposé sur le bureau de cette assemblée une proposition de loi relative à la prévention des licenciements économiques, proposition que nous réactualisons à la lumière des récentes évolutions.
Jusqu'à maintenant, seule la jurisprudence s'est attachée à mettre en évidence une obligation de reclassement à la charge de l'employeur pour tout licenciement économique et sanctionne, par la nullité, le plan social et les licenciements qui en découlent, faute de respect de cette obligation.
Toutefois, le contrôle du juge intervient a posteriori. Pourquoi ne pas faire de cette obligation de reclassement une condition au licenciement quel qu'il soit et définir le contenu de cette obligation comme nous le proposons ?
Je ne nie pas l'importance des évolutions jurisprudentielles en ce domaine ; je constate seulement que certains plans sociaux très lourds ne sont pas contestés devant les tribunaux, les employeurs disposant de nombreux moyens pour éviter tout contentieux. Nous souhaitons donc une législation plus ferme, empêchant l'employeur d'avoir recours aux licenciements sans risque. Donnez la possibilité aux représentants du personnel, aux responsables syndicaux de contester efficacement, en s'appuyant sur la loi, des mesures qui vont à l'encontre des intérêts du pays !
A défaut de renforcer la législation sur les plans sociaux, vous entendez rendre plus difficile pour les entreprises le départ des salariés âgés de plus de cinquante ans en doublant la contribution Delalande acquittée par l'employeur en cas de licenciement et en étendant cette dernière aux conventions de conversion. Ainsi est assuré un certain rééquilibrage entre le coût d'un licenciement et d'une préretraite ; cette démarche est positive.
Enfin, nous prenons acte des justifications avancées à l'Assemblée nationale concernant la très forte baisse de crédits pour les préretraites : allocation spéciale du Fonds national de l'emploi ou préretraite progressive. Evidemment, madame la ministre, nous partageons votre volonté de privilégier les négociations sur la réduction du temps de travail. Il convient de faire supporter à l'entreprise le coût des licenciements qu'elle déguise. Nous espérons seulement que les salariés ne seront pas pénalisés.
Pour en terminer avec les préretraites, le MEDEF, ayant refusé l'aide financière proposée par l'Etat afin de rendre possible l'extension de l'ARPE, l'allocation de remplacement pour l'emploi, aux salariés entrés dans la vie active à quatorze ou à quinze ans, je m'inquiète des conditions de reconduction du dispositif.
J'en termine avec ce qui concerne la formation professionnelle, dont les crédits progressent de 5,3 % par rapport à 1998. La création d'un secrétariat d'Etat à la formation professionnelle témoigne de l'importance que revêt l'acquisition, la valorisation des savoirs et des qualifications, non seulement pour accéder à l'emploi, mais aussi pour se maintenir sur le marché du travail.
Les efforts de ce projet de budget sont centrés sur la formation professionnelle des publics rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi en raison de leur manque de qualification. Pour ce faire, le Gouvernement augmente de manière significative les contrats de formation en alternance et les contrats d'apprentissage.
A noter qu'afin de limiter la sélectivité croissante exercée par les employeurs, les aides à l'embauche sous contrat d'apprentissage seront désormais réservées aux jeunes les moins qualifiés.
Les changements au sein de l'entreprise, l'évolution des technologies nécessitent un accès permanent à la formation professionnelle. Enjeu au sein de l'entreprise, mais aussi enjeu personnel de l'homme en quête perpétuelle de développement de ses capacités, la formation tout au long de la vie nécessite des moyens nouveaux, une logique différente qui, je l'espère, sous-tendront la réforme voulue par le Gouvernement.
Au regard des intentions de la majorité sénatoriale, dont les amendements amputent très largement ce projet de budget, notamment les crédits destinés à financer les 35 heures et les emplois-jeunes, le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra pas voter cette réécriture. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. Soutien très critique !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, excellent !
M. Alain Gournac. Très critique !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Fischer, au moins, a fait une analyse sérieuse !
M. le président. La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet. Madame la ministre, avec le vote de trois textes fondamentaux, vous aviez donné une orientation très nette à votre politique en faveur des jeunes, pour la réorganisation du travail et la lutte contre les exclusions.
Nous examinons aujourd'hui un projet de budget de l'emploi et de la formation professionnelle qui confirme cette orientation et vient lui donner les moyens de son application, de même qu'il réaffirme la priorité absolue qu'est l'emploi pour le Gouvernement.
A l'heure où nous débattons, nous pouvons constater que la situation de l'emploi s'est améliorée. Ainsi, avec 42 900 demandeurs d'emploi de moins qu'en septembre 1998, le taux de chômage confirme la tendance à la baisse constatée depuis un an. La baisse sur un an est de 5 % et atteint le niveau de chômage le plus bas depuis octobre 1995, régression incontestable quel que soit le mode de calcul. Les créations d'emploi dans le secteur privé augmentent de 2,2 %. Cette évolution concerne l'ensemble des catégories de demandeurs d'emploi, y compris les chômeurs de longue durée dont le nombre a diminué de 1 % sur un mois pour la première fois.
Ce constat nous permet d'affirmer, madame la ministre, que les dispositifs mis en place vont dans le bon sens, qu'ils répondent aux attentes et aux besoins de la population. C'est pourquoi j'ai constaté avec satisfaction que ce projet de budget s'appuyant sur une amélioration de la croissance et orientant la majorité de ses interventions en direction des publics prioritaires permettait le financement de ces dispositifs au niveau attendu.
Ainsi, la loi « nouveaux emplois - nouveaux services », adoptée après des débats un peu vifs, atteint pour cette première année l'objectif que vous vous étiez fixé : 150 000 emplois ont été agréés et sont en passe d'être effectivement occupés. Quant à la dotation de 13,92 milliards de francs, elle permettra de répondre aux prévisions de montée en charge du dispositif selon le cadencement que vous aviez défini.
Outre l'éducation nationale, avec les emplois d'aides éducateurs, mais aussi la police et La Poste, qui instaurent ainsi une nouvelle relation avec les usagers fondée sur l'accueil et la médiation, ces emplois sont portés par les collectivités et le monde associatif.
Cette démarche a permis de mettre en place de nouvelles approches, de mettre en synergie des réflexions sur les moyens d'actions en direction des publics ciblés pour élaborer des profils de postes correspondant aux besoins non satisfaits jusqu'alors.
Au sein même des collectivités, la confrontation transversale des services a permis d'enrichir les fonctionnements et d'améliorer l'intervention auprès du public. Comme bon nombre de conseils régionaux et généraux, le conseil général du Pas-de-Calais, que je préside, s'est engagé résolument et fortement dans ce programme, les objectifs fixés étant progressivement atteints.
Aujourd'hui, les effets positifs apparaissent clairement en termes d'amélioration des services, mais aussi et surtout de réelle satisfaction des jeunes recrutés.
Pour avoir rencontré quelques-uns de ces accompagnateurs de démarches administratives, de ces animateurs de randonnées, de ces médiateurs de la petite enfance, employés soit par le département dans ses propres services, soit dans les communes ou les associations, je puis vous assurer, madame la ministre, que, loin de considérer leur emploi comme de peu d'intérêt, ces jeunes se sont totalement impliqués dans ce qu'ils considèrent être un véritable métier.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Absolument !
M. Roland Huguet. Ils ont conscience d'apporter une véritable réponse aux personnes qui s'adressent à eux. Ils s'attachent à se former le plus possible pour répondre au plus près aux attentes.
Je me tourne maintenant vers mon collègue M. Gournac, dont j'admire la fougue lorsqu'il intervient.
M. Alain Gournac. Merci !
M. Roland Huguet. S'il mettait cette fougue au service des mêmes opinions que moi, cela me faciliterait d'ailleurs les choses ! (Rires.)
M. Jean Chérioux. Il ne faut pas trop lui en demander !
M. Roland Huguet. Ce matin, M. Gournac nous a donné un exemple d'emplois-jeunes.
Pour ma part, je suis allé voir des jeunes occupant ces emplois sur le terrain avec des représentants de la presse, à qui j'avais, bien entendu, laissé toute liberté de poser les questions qu'ils voulaient.
Un représentant de la presse, s'adressant à une jeune femme à qui l'on n'avait pas non plus dit, bien sûr, ce qu'il fallait répondre, lui a demandé : « Vous qui venez de nous dire que vous aviez une maîtrise et qu'on vous payait au SMIC, ne vous sentez-vous pas dévaluée ? » Elle lui a répondu : « Monsieur, c'est avant que j'étais dévaluée ; maintenant, je ne le suis plus, car j'ai un emploi, et je vais m'efforcer, à partir de là, de rebondir. »
On pourra vérifier la véracité de mes dires dans la presse puisque le journaliste en question s'est objectivement fait l'écho de cette interview.
M. le président. Vous pourriez inviter M. Gournac, monsieur Huguet. (Sourires.)
M. Roland Huguet. C'est très volontiers que je l'invite à venir voir tous les jeunes qui bénéficient d'un emploi-jeune dans mon département. Il choisira lui-même les endroits où il veut aller. Je peux même l'inviter à déjeuner s'il le souhaite ! (Sourires.)
Un sénateur socialiste. C'est trop !
M. Alain Gournac. Quelle générosité !
M. Roland Huguet. J'en reviens à mon propos.
Ces emplois-jeunes donnent un nouveau sens à la vie associative, développent son action. De même, ils complètent parfaitement les services à la personne dispensés par les collectivités. Par cet impact tant sur la vie sociale quotidienne que sur le développement local, ils anticipent et préfigurent des métiers solvables du futur proche, contribuant ainsi activement à la démarche de pérennisation.
L'un des intérêts majeurs de ce programme, c'est son ouverture à tous les niveaux de qualification. C'est ce qui a redonné espoir et possibilité d'accéder à l'emploi à des jeunes ayant de réelles capacités mais butant pour diverses raisons sur l'entrée dans le marché du travail. Je pense, par exemple, aux emplois véritablement innovants occupés par des jeunes sans diplôme mais porteurs d'une passion, d'un savoir-faire, dans des domaines comme l'environnement. Ces activités, d'un intérêt indéniable pour chacun, mais non solvables économiquement, ont pu être mises en place grâce à cette loi, et tout le monde s'en félicite.
Pourtant, madame la ministre, ce qui constitue un atout nous oblige à être particulièrement attentifs au devenir de ces emplois. C'est pourquoi je tiens à attirer votre attention sur la nécessité de relancer, dans le cadre des plates-formes régionales de professionnalisation, la validation des acquis pour les jeunes ayant les plus bas niveaux de qualification. Ces derniers ont souvent connu l'échec scolaire et trouvent dans leur emploi les ressources personnelles nécessaires à un nouvel effort de formation. Cet effort doit aboutir impérativement à la qualification.
Je pense qu'il conviendra, à cet effet, de réactiver la démarche de certification de compétences professionnelles mise en sommeil depuis plusieurs années.
Il en est de même pour la professionnalisation des métiers émergents, pour lesquels il faudra bien définir les contenus et élaborer un programme de formation.
Ce travail très important doit être engagé. Il donnera sa crédibilité au programme et les moyens de pérennisation aux emplois. Mais je sais, madame la ministre, que vous partagez ma pensée dans ce domaine ; votre budget en est la preuve.
La deuxième grande loi à laquelle je faisais référence au début de mon propos concerne l'aménagement et la réduction du temps de travail.
Les médias se sont focalisés sur quelques accords d'orientation de grandes branches professionnelles aux contenus très différents, sans réellement rendre compte de l'important mouvement de négociations lancé dans les entreprises.
Certains disent que le nombre de conventions signées cinq mois après la publication de la loi est faible. Ce ne peut être que pour mettre en doute et son efficacité et son utilité ! Car, chacun le sait, un bon accord suppose une phase d'analyse initiale.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Absolument !
M. Roland Huguet. La concertation et l'analyse prennent du temps. Le Gouvernement l'a bien compris. C'est pourquoi il aide financièrement cette phase préparatoire consacrée à la négociation. Pour cela, il faut, en effet, mettre en place une ingénierie forte.
C'est ce que nous avons fait dans la région Nord - Pas-de-Calais, où une action volontariste de soutien à la réflexion visant à la réduction du temps de travail a été lancée depuis plusieurs années. Les assises pour l'emploi ont permis de mettre en évidence et d'accompagner les premières mesures d'application de l'aménagement du temps de travail, tout en apportant aux entreprises et aux salariés l'amélioration attendue de ces modifications. La région vient de contractualiser avec les organisations syndicales une aide à la formation de leurs responsables afin de les former à l'information sur la loi, de les aider, au sein des entreprises, à inciter à l'aménagement et à la réduction du temps de travail ainsi qu'à élaborer les conventions.
Je considère, quant à moi, que le bilan actuel des 640 accords signés dans les six premiers mois d'application, et qui ont pu mener à la création de 8 % d'emplois supplémentaires dans les entreprises concernées, alors que la loi n'en impose que six, est très encourageant et montre que la dynamique est lancée.
L'année 1999 devra être mise à profit pour observer son accélération dans la perspective de la préparation de la deuxième loi.
Mais certaines activités nécessitent plus que d'autres la mise en place d'un accord collectif de branche en raison des contraintes particulières liées au temps partiel. Je veux parler, par exemple, du transport public de voyageurs et du problème particulier des coupures durant le temps de travail.
La situation dans ce domaine est complexe, car, faute de l'intervention de l'accord avant fin décembre, les entreprises pourraient se voir contraintes soit de suspendre les ramassages scolaires, soit d'en augmenter le prix dans des proportions de l'ordre de 20 % à 30 %. La Fédération nationale du transport de voyageurs, la FNTV, a sensibilisé bon nombre de collègues conseillers généraux à ce sujet.
On peut, bien sûr, considérer que les accords collectifs de branche conclus antérieurement à la loi du 13 juin 1998 demeurent applicables, dès lors qu'ils respectent les nouvelles dispositions. C'est le cas pour le transport de voyageurs, avec l'accord de branche de 1992.
Cependant, force est de constater que l'on ne négocie plus de contrats d'intermittents. Le temps partiel est devenu un objet de flexibilité dans les entreprises, parfois avec un nombre d'heures supplémentaires qui fait que, tous comptes faits, l'activité du salarié approche un temps complet.
Cela pose un problème grave et m'amène à penser qu'il faut sortir rapidement de cette situation qui fait peser actuellement des menaces sur l'exercice du service public. Les partenaires doivent, sans tarder, engager une véritable négociation. Dans cette profession, le temps partiel est une nécessité. Cependant, les conditions d'exercice fractionné du temps de travail justifient la mise en place de contreparties spécifiques, dans l'esprit de l'article 10 de la loi.
Devant la multiplication des conflits, les organisations syndicales ont formulé des propositions à la FNTV. La discussion n'est, cependant, toujours pas ouverte. Il est urgent que les parties se rencontrent afin d'élaborer un accord de branche étendu, correspondant aux véritables enjeux de la profession. J'aimerais, madame la ministre, que vous apportiez une très grande attention à ce problème.
Je vais aborder maintenant le troisième axe directeur de votre budget, à savoir le renforcement de la solidarité envers les plus éloignés de l'insertion professionnelle.
Le programme TRACE vise à amener les jeunes des quartiers en difficulté et des zones rurales isolées à la qualification et à l'emploi grâce à un parcours d'une durée adaptée à leur situation de l'ordre de dix-huit mois. Sont engagées dans la mise en place de ce programme les missions locales et l'ANPE. L'impact de cette mesure sera important. Les acteurs locaux n'en doutent pas, et déjà ils se mobilisent pour l'appliquer. Des demandes d'ouverture de places supplémentaires remontent des bassins d'emploi les plus exposés, alors que le dispositif ne fait que démarrer.
Parallèlement, vous recentrez les dispositifs existants sur les publics prioritaires. Ainsi, les 425 000 contrats emploi solidarité devraient profiter, pour 80 % d'entre eux, à ces publics comportant un taux maximal d'aide à 95 %. En outre, 60 000 contrats emplois consolidés seront mis en place, soit un doublement par rapport à 1998, 70 % étant réservés aux publics les plus en difficulté, et la prise en charge publique s'élevant à 80 % sur cinq ans. Il en est de même pour les contrats initiative-emploi.
Je relève également qu'un effort important portera sur l'insertion par l'économique, dont les crédits passent à 363 millions de francs en 1999.
Ces différentes enveloppes permettront de répondre pleinement aux objectifs fixés par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Point extrêmement positif aussi que le rétablissement du dispositif d'aide à la création d'entreprise sous la forme d'avance remboursable par les jeunes, les allocataires du RMI et les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique ou bien encore de l'allocation de parent isolé.
Dans ce domaine, il importera de faire intervenir rapidement les textes d'application, et ce notamment pour le dispositif EDEN, inscrit dans la loi emplois-jeunes, dispsitif qui renforce la prise de responsabilité des jeunes dans notre économie et les incite, lorsqu'ils le peuvent, à créer des entreprises.
Comme vous le savez, madame la ministre, notre pays connaît actuellement un recul sensible de la démarche de création. Ce programme devrait constituer un réel moyen de relance.
Enfin, dans ce contexte de croissance amorcée, où près de 300 000 emplois ont été créés en un an dans le secteur privé, le chômage de longue durée reste dramatiquement stable. Souhaitons que le léger recul constaté sur un mois, comme je le disais en début de mon propos, se confirme ; je pense, madame la ministre, que les priorités que vous avez arrêtées y contribueront.
J'en viens maintenant au dernier point que je voulais relever tout particulièrement, à savoir l'augmentation des moyens des services pour la deuxième année consécutive.
Vous décidez de la création ou de la régularisation de trois cent quinze emplois. La hausse programmée de 10,8 % des crédits de fonctionnement de l'ANPE permettra le recrutement de cinq cents agents affectés au suivi des publics les plus en difficulté, conformément aux engagements de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et du plan national d'action présenté à Luxembourg en novembre 1997. Cet effort sera d'ailleurs accru dans les prochaines années, comme vous venez de le confirmer il y a quelques jours.
Vous poursuivez également les politiques d'allégement de cotisations sociales consenties aux employeurs, ce qui représente, au total, 80 milliards de francs. Cet effort portera sur près de 40 % des emplois salariés, ce chiffre relativisant, à mon sens, la demande, sans cesse réitérée, du patronat de réduction massive des charges sociales.
Je note aussi avec satisfaction, madame la ministre, que le Gouvernement a accepté de maintenir l'exonération de cotisations d'allocations familiales au bénéfice des entreprises situées en zone de revitalisation rurale ainsi qu'aux entreprises publiques concernées. Dans quelques instants, vous allez nous proposer, par voie d'amendement, d'étendre cette mesure aux entreprises nouvelles exonérées d'impôt sur les bénéfices ainsi qu'aux salariés, occasionnels ou non, des exploitants agricoles. Ce sera, madame la ministre, une excellente mesure.
Une action visant un impact structurel et les chiffres du chômage en diminution sur le long terme confirment l'opportunité de vos choix. L'INSEE indique qu'entre juin 1997 et septembre 1998 le nombre des demandeurs d'emploi, selon la définition du Bureau international du travail, a diminué de 221 000, retrouvant ainsi le niveau du début de l'année 1996.
Madame la ministre, la politique que vous développez a également une visée préventive.
En effet, devant le constat que les plus de cinquante ans bénéficient le moins de la baisse du chômage, vous décidez de peser sur les entreprises licenciant des salariés de plus de cinquante ans. Nous savons tous la difficulté qu'il y a à se réinsérer professionnellement à cet âge. Pour ce faire, vous proposez de doubler la cotisation dite Delalande que doivent verser aux ASSEDIC les entreprises procédant au licenciement de salariés de plus de cinquante ans, selon des modalités progressives afin d'éviter tout effet pervers. Ainsi, l'équilibre entre le coût d'un licenciement et celui d'une préretraite pour une entreprise sera rétabli. Cela devrait éviter le drame du chômage à nombre de salariés.
Cependant, la montée de l'intérim et du temps partiel reste une caractéristique importante de la reprise. Le nombre des intérimaires a augmenté de 83 000 entre mars 1997 et mars 1998. Ce sont les entreprises de plus de 200 salariés qui sont les plus créatrices de ce type d'emplois : plus 4,2 % contre plus 1 % pour les autres. Or ces entreprises sont les plus à même d'offrir des contrats à durée indéterminée.
Devant cette évolution préoccupante, vous venez de décider de réagir préventivement en envisageant des mesures de nature à remener le recours à l'intérim à un plus juste niveau.
Madame la ministre, nous retrouvons les mêmes orientations pour la formation professionnelle. A structure constante, ce budget augmente de 5,3 % et atteint 26,42 milliards de francs en marquant une poursuite de l'effort en faveur de l'alternance et en privilégiant les niveaux inférieurs au niveau V. Il concentre les dispositifs en faveur des publics prioritaires avec le programme TRACE, que j'ai déjà évoqué, concernant les jeunes en difficulté. Cette mesure mobilisera l'ensemble des acteurs : les missions locales, les ANPE et les conseils régionaux.
L'extension à titre expérimental du contrat de qualification aux adultes demandeurs d'emploi de plus de six mois en difficulté d'insertion sociale et professionnelle a pour objectif l'insertion durable sur le marché du travail. Ce dispositif reçoit d'ailleurs déjà un accueil très favorable.
Vous poursuivez le recentrage de la formation professionnelle des adultes - stages d'insertion et de formation à l'emploi et stages d'accès à l'emploi - en direction des publics en difficulté que sont les chômeurs de longue durée, les allocataires du RMI, les femmes isolées, eu égard aux bons résultats de l'expérimentation sur les SIFE collectifs - stages d'insertion et de formation à l'emploi - pour lesquels on constate que 40 % des stagiaires sont insérés six mois après leur sortie de stage.
Vous donnez aux missions locales, permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les PAIO, et ateliers pédagogiques personnalisés - les moyens d'assumer le suivi du programme TRACE et de répondre aux sollications qui se multiplient en matière d'orientation, en renforçant leur dotation.
Vous augmentez de façon substantielle les moyens de fonctionnement de l'AFPA, de près de 124 millions de francs, pour répondre aux nouveaux objectifs assignés par le contrat de progrès, soit plus de 3 %. Cela devrait lui permettre de réorienter son activité, d'avoir une gestion plus transparente, surtout plus exigeante, et d'assurer une meilleure articulation avec l'ANPE.
Enfin, on constate une baisse du nombre de propositions de contrat d'apprentissage des jeunes de niveau V ou inférieur de plus de 4 % au cours des cinq dernières années de 78 % à 74 %.
Vous avez la volonté, madame la ministre, d'enrayer cette situation préoccupante et, pour ce faire, vous proposez de limiter le bénéfice de la prime à l'embauche aux jeunes apprentis de niveau VI, V bis et V ainsi qu'aux jeunes de niveau classe terminale.
Je partage votre préoccupation, mais je m'interroge sur les conséquences de cette réorientation sur le secteur des métiers.
M. Alain Gournac. Moi aussi, c'est vrai !
M. Roland Huguet. Celui-ci recrute, il est vrai, majoritairement des niveaux CAP et BEP. Pourtant, la poussée de l'innovation et le développement technologique font que, de plus en plus, ce secteur fait appel également à des niveaux IV et même au-delà. Cela est d'ailleurs très souhaitable dans des domaines comme la domotique et l'électronique et ne peut que faire évoluer positivement l'image de l'apprentissage.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Roland Huguet. C'est pourquoi je crains que cette mesure ne vienne enrayer cette évolution vers le haut des niveaux dans l'artisanat. Ne pourrait-on envisager une application plus sélective plutôt qu'une mesure de portée générale ? Mais il va sans dire que je partage pleinement votre souci de relancer immédiatement l'embauche d'apprentis de faible niveau et de stopper le mouvement actuel de fort ralentissement de cette embauche.
Avec ce budget, madame la ministre, vous ancrez votre politique, vous définissez des priorités fortes pour le développement de l'emploi et la lutte contre le chômage - priorités inscrites dans la durée - et des mesures d'ensemble qui vont à l'opposé de celles que nous avons trop longtemps connues antérieurement.
En 1999, votre action sera guidée par deux nouveaux chantiers importants.
Le premier consistera à élaborer le Livre blanc de la formation professionnelle, préalable à la réforme de la loi de 1971, et aura pour objet de corriger les inégalités d'accès à la formation tout au long de la carrière et de permettre l'adaptation aux évolutions d'une économie marquée par le progrès technologique et le développement des nouveaux modes de communication. Dans notre pays, 40 % de la population active actuelle a un niveau de formation initiale inférieure au CAP. C'est pourquoi la formation sera, dans les prochaines années, un levier essentiel de l'adaptation appelée à se développer de façon importante.
Le second chantier sera l'élaboration de la deuxième loi sur la réduction du temps de travail à la lumière des résultats de la démarche de négociation en entreprises et dans les branches professionnelles.
Ces deux réformes marqueront sans aucun doute l'évolution du monde du travail, son organisation mais aussi les relations dans notre société. Elles constitueront les enjeux majeurs pour le futur.
Dans ces conditions, vous comprendrez aisément, madame la ministre, que le groupe socialiste de la Haute Assemblée approuve sans réserve votre projet de budget et souhaite votre réussite dans la lutte absolument prioritaire que vous avez engagée contre le chômage, premier problème à résoudre dans notre pays et qui devrait tous ici nous rassembler. Je déplore, après ce que j'ai parfois entendu, notamment ce matin, que tel ne soit pas le cas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
(M. Paul Girod remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la progression des crédits du budget de l'emploi pour 1999 est de 4 %. Pour moi, ce n'est pas un motif de satisfaction. Non pas que j'aurais voulu plus ou moins, mais parce que ce projet de budget traduit, à mon sens, une mauvaise politique de l'emploi.
M. René-Pierre Signé. Ça y est !
M. André Jourdain. Certes, les solutions miracles n'existent pas, mais, pour autant, je ne crois pas que la création des emplois-jeunes, qui représente une dépense de 35 milliards de francs par an, soit une réponse pertinente au chômage des jeunes. Du reste, le bilan de ces prétendus « nouveaux emplois » est assez mitigé : 128 000 au total, dont 35 000 sont affectés à l'éducation nationale, c'est nettement moins que ce que vous annonciez.
M. René-Pierre Signé. C'est nettement plus que ce que vous avez fait !
M. André Jourdain. Encore une fois, je regrette vivement que ces contrats ne puissent pas être étendus aux entreprises, sous certaines conditions, cela va de soi. Je pense notamment aux start up, ces petites entreprises en phase de démarrage dont le créateur doit assumer seul toutes les fonctions. En effet, dans la majorité des cas, il ne dispose pas de fonds suffisants pour pouvoir embaucher et former du personnel. Il lui est même parfois impossible de se verser un salaire et, à plus forte raison, d'en servir un deuxième ! En outre, depuis la suppression de l'ACCRE, aucun dispositif efficace n'a été mis en place pour aider ces entreprises.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est vous qui l'avez supprimée !
M. André Jourdain. Par ailleurs, l'extension des emplois-jeunes à ce type d'entreprises permettrait aux jeunes d'acquérir une véritable expérience professionnelle dans le secteur privé et, par conséquent, de s'insérer durablement dans la vie active.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. André Jourdain. En effet, nous ignorons actuellement quel sera leur avenir au terme des cinq années passées dans ces emplois. Je suis pour ma part assez pessimiste quant à leur future place dans notre société.
M. Alain Gournac. Moi aussi !
M. André Jourdain. En effet, sans formation ni expérience reconnues par le marché du travail, que deviendront-ils ? J'aimerais connaître, madame le ministre, votre analyse sur cette question.
Je voudrais également aborder la loi des trente-cinq heures, en particulier ce qu'il est convenu d'appeler son second volet. En effet, un certain nombre de questions, et non des moindres, demeurent en suspens.
Ainsi, nous ne savons toujours pas si un second SMIC sera mis en place. Nous ignorons également comment seront appréhendées les heures supplémentaires, comment sera appliquée la loi pour les cadres...
C'est donc dans un contexte totalement flou et incertain que doivent se faire les négociations en entreprise. On comprend alors pourquoi, dans certains accords, comme ceux de la métallurgie ou du textile, aucun engagement n'est pris en matière de créations d'emplois. Du reste, les négociations portent surtout sur l'annualisation du temps de travail et le contingentement d'heures supplémentaires car les entreprises sont bien obligées de trouver une compensation aux trente-cinq heures.
D'une manière générale, le cadre extrêmement strict de cette loi confisque le dialogue social en le vidant de son contenu. La loi a enfermé la négocation dans un carcan étroit, négociation qui est en outre soumise à votre censure, madame le ministre, qui jugez des bons et mauvais accords.
Les entreprises ont le sentiment d'être bafouées, tandis que les salariés ne savent pas très bien à quoi s'en tenir. La question de la compensation salariale, là encore, est laissée en suspens.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. André Jourdain. Enfin, s'agissant des emplois que cette loi prétend sauvegarder, voire créer, je crois qu'elle n'aura pas les conséquences que vous attendez. L'augmentation des coûts salariaux est en effet inévitable, que la réduction du temps de travail soit compensée ou non.
Vous négligez les solutions simples et qui ont fait leur preuve, comme l'allégement des charges sociales, pour privilégier une voie unique et, de ce fait, inadaptée à des situations très diverses.
Pourquoi ne pas avoir permis de favoriser l'aménagement du temps de travail négocié, entreprise par entreprise ? Cette voie était certainement plus réaliste, plus adaptée à la réalité des entreprises. Elle permettait en outre d'éviter des recours trop nombreux aux heures supplémentaires, même si celles-ci demeurent indispensables en cas de supplément d'activité. J'aimerais, là encore, connaître votre opinion sur la question de l'annualisation du temps de travail.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. André Jourdain. S'agissant de la formation professionnelle, nous sommes nombreux, sur ces travées, à déplorer les dispositions de l'article 80 qui suppriment la prime d'embauche pour les formations au-delà du CAP et du BEP. Cette mesure va limiter considérablement le développement de la formation en alternance alors que tout devrait être fait pour la favoriser.
Par ailleurs, vous créez un nouveau prélèvement sur les fonds de l'alternance. Lors de la discussion du dernier projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, j'avais déjà déploré que les prélèvements exceptionnels deviennent un moyen de régulation budgétaire. J'attends donc avec impatience la réforme du financement de la formation professionnelle, annoncée depuis un certain temps déjà... Mais si c'est comme l'article 80 en montre la voie, pour limiter la formation en alternance, il vaut mieux attendre.
M. Alain Gournac. Ah !
M. André Jourdain. Je souhaite aborder maintenant un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui du multi-salariat ou travail à temps partagé.
Voilà quelques mois, j'ai déposé une proposition de loi afin de définir un statut juridique pour les multisalariés. Ce statut concerne de plus en plus de salariés et d'entreprises.
Pour les salariés, un tel statut leur permettrait d'organiser, de choisir leur temps d'activité au service de plusieurs employeurs, à la différence du temps partiel qui est effectivement généralement subi. Ce serait un autre mode de vie au travail, fondé sur l'autonomie et l'acquisition de compétences simultanées.
Pour les entreprises, le temps partagé ouvre la possibilité d'accéder à des compétences qui lui sont indispensables, mais qui ne requièrent pas un travail à temps plein. Elles peuvent par ce biais engager des collaborateurs de haut niveau à la hauteur de leurs besoins.
Mon objectif, c'est de permettre d'accroître la compétitivité de nos entreprises, surtout des petites, par cette nouvelle forme de travail. J'aimerais connaître également votre avis et vos projets éventuels en la matière, madame le ministre.
En conclusion, monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur la politique de l'emploi fondée sur une stratégie défensive, qui consiste uniquement à vouloir redistribuer l'emploi ou à le financer par des fonds publics. Je ne peux qu'être hostile à une politique marquée par un esprit d'assistance et non pas par un esprit d'offensive et de dynamisme,...
M. René-Pierre Signé. Et vous, qu'avez-vous fait ? C'est scandaleux.
M. André Jourdain. ... ce qui hypothèque largement l'avenir.
Partageant totalement l'analyse de nos excellents rapporteurs, Mme Annick Bocandé, M. Louis Souvet et M. Joseph Ostermann, je voterai contre le projet de budget que vous nous présentez et pour les amendements qui seront proposés par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur avec Mme Nicole Péry de présenter à votre assemblée les crédits de l'emploi et de la formation professionnelle pour 1999.
Ce projet de budget traduit la priorité essentielle du Gouvernement : lutter contre le chômage et contre les exclusions, en s'appuyant effectivement, comme M. Roland Huguet en particulier l'a souligné, sur les grands textes votés par le Parlement depuis un an et portant sur les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail, la prévention et la lutte contre les exclusions.
Ce projet de budget s'appuie aussi sur une dynamique de mobilisation, des élus notamment. A cet égard, je me réjouis que, sur le terrain, les pratiques des élus diffèrent des discours tenus ici, notamment sur les emplois-jeunes. Le Gouvernement s'appuie aussi sur les acteurs de terrain, sur les partenaires sociaux et, bien entendu, sur le service public de l'emploi, qui sera très largement conforté par ce budget.
Je voudrais tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, en première réponse aux analyses de votre rapporteur spécial, réaffirmer que, pas plus que lui, je ne considère la croissance quantitative d'un budget comme une fin en soi, ni comme un critère d'excellence des choix budgétaires. Nous sommes bien d'accord pour dire que faire un budget, c'est passer au crible les contraintes qui semblent inévitables et, effectivement, définir des priorités.
Nous avons fait des choix, défini des priorités et dégagé des marges de manoeuvre grâce au redéploiement d'un certain nombre de crédits. Ainsi, sur 17 milliards de francs de mesures nouvelles, 13 milliards de francs résultent de redéploiements ; je remercie M. Ostermann de l'avoir souligné.
La croissance substantielle du projet de budget qui vous est présenté est finalement supérieure à la croissance du budget global, puisqu'elle atteint 4 %.
Je m'en réjouis car, comme M. Fischer l'a dit, ce secteur représente la priorité du Gouvernement. Je précise, bien évidemment, que nous avons essayé de bien utiliser les crédits qui nous sont confiés par les Français.
Si la politique menée par le Gouvernement et les priorités qu'il affiche sont les plus mauvaises - à en croire du moins les critiques que j'ai longuement entendues ce matin - elles apportent en tout cas des résultats : 300 000 emplois créés en un an, 182 000 chômeurs de moins, diminution de 15 % du chômage chez les jeunes et, très récemment - M. Huguet l'a dit - décrue du chômage de longue durée et réduction de l'ordre de 26 % des licenciements économiques.
C'est peut-être l'inverse de ce qu'il fallait faire, mais je ne doute pas que les Français apprécieront ces résultats !
Il faut avoir le courage de dire très simplement aujourd'hui, comme Fischer a eu raison de le rappeler, que la croissance est un processus inégalitaire qui crée d'abord de la précarité.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, sans nier la légitimité des contrats à durée déterminée et les justifications des missions de travail temporaire qui répondent à de réels besoins - lancement d'un nouveau produit, surcroît temporaire d'activité, utilisation d'une nouvelle machine, remplacement des absents - compte bien, si les partenaires sociaux ne souhaitent pas s'en saisir eux-mêmes, faire en sorte que l'emploi précaire ne devienne pas le mode permanent de gestion de l'emploi. Or, certains secteurs comptent aujourd'hui en permanence 10 %, 15 %, 20 %, voire 25 % de salariés sous contrat précaire.
Ce n'est bon ni pour les entreprises ni pour les salariés et, en tout cas, cela a un coût pour la collectivité.
Après une concertation qui sera menée, avant Noël, avec les partenaires patronaux et syndicaux et en fonction des intentions de ces derniers, le Gouvernement prendra ses responsabilités en la matière. Sur ce point également, je rejoins donc M. Fischer.
La croissance est importante et il fallait la relancer. Mais nous savons qu'elle ne peut pas tout. Nous devons donc mettre en place des mesures structurelles pour la rendre plus créatrice d'emplois et mobiliser les mécanismes d'insertion dans l'emploi pour aider ceux qui sont les plus éloignés du coeur de notre société.
Nos priorités, sont, en premier lieu, les politiques structurelles qui ont donné lieu à des lois votées, au cours des derniers mois par la majorité du Parlement.
Il s'agit, d'abord, de l'aide à la réduction de la durée du travail.
Plusieurs orateurs ont fait état de leurs doutes sur ce sujet. Certains ont dit, tout à la fois, qu'ils ne croyaient pas à la réduction de la durée du temps de travail et qu'ils s'étonnaient que les crédits mis en place par l'Etat soient insuffisants ; cela me paraît pour le moins contradictoire. Ils ont fait part de leurs doutes quant à la mise en place du dispositif.
Devant le Sénat, je tiens à dire comment je vois le déroulement du processus de la réduction de la durée du travail sur le terrain.
Aujourd'hui, 20 % des entreprises négocient, 3 % à 4 % ont déjà signé un accord, 20 % ont déclaré qu'elles allaient démarrer les négociations dans les semaines qui viennent, enfin 30 % sont en train d'analyser les conditions de cette négociation.
Dans les entreprises françaises où l'on négocie, pour la première fois - et je suis heureuse de les entendre le reconnaître - des chefs d'entreprise disent clairement ce dont ils ont besoin pour que l'entreprise fonctionne mieux en termes de compétitivité, par rapport au marché et par rapport aux clients : meilleure utilisation des équipements, plus large ouverture des services à la clientèle, modulation des horaires pour prendre en compte une certaine saisonnalité. En face, des salariés disent aussi comment ils veulent mieux travailler, dans des conditions de travail meilleures, plus qualifiantes, leur permettant de progresser dans leur carrière professionnelle et, en même temps, plus en adéquation avec leur vie familiale.
Enfin, les uns et les autres - je le constate lors de chacune de mes visites dans des entreprises qui ont signé des accords sur la durée du travail - ont la fierté de faire entrer des chômeurs dans l'entreprise.
Certains intervenants ont critiqué les résultats d'aujourd'hui. Pourtant, à peine quatre mois après le vote de la loi, dont deux mois d'été, plus de 765 accords ont été signés, ce qui représente une augmentation des effectifs de 8 % en moyenne, soit une hausse supérieure aux 6 % prévus par la loi. Je rappelle que la loi Robien, dix-huit mois après son adoption, n'avait engendré la signature que de 500 accords, malgré une aide qui était beaucoup plus importante.
Personnellement, ce qui m'intéresse plus encore, c'est le mouvement qui s'engage. A ce titre, comme M. Huguet, je me réjouis que certains conseils régionaux appuient notre démarche, particulièrement, et d'une manière exemplaire, je le relève, la région Nord - Pas-de-Calais, qui nous est chère à tous les deux.
En ce qui concerne les accords de branche - je réponds là à M. Jourdain - il me paraît difficile de dire que la réglementation sur la durée du travail est un carcan, qu'elle est stricte et, dans le même temps, qu'elle est floue et qu'on ne sait pas comment négocier. Il faut choisir ! On ne peut pas nous reprocher une chose et son contraire.
La vérité, c'est que cette loi fait confiance à la négociation, qu'elle a fixé un cap. J'aurais préféré que la négociation fixe elle-même ce cap, comme en Allemagne et aux Pays-Bas. Mais, en France, c'est ainsi, il faut que l'Etat, décide.
Les négociations ont désormais lieu et, comme je l'ai dit, elles sont un moment fort dans la vie des entreprises.
Pour ce qui est des accords de branche, personne ne peut prétendre qu'ils ne m'intéressent pas. Il ne me paraît cependant pas anormal qu'on ne puisse pas fixer des montants de créations d'emplois au niveau des branches. Si tel était le cas, le système n'aurait rien à voir avec le système dans lequel nous vivons, et chaque entreprise se verrait signifier par une fédération professionnelle qu'elle doit créer tant d'emplois.
Les accords de branche me paraissent avoir un intérêt pour inciter à la négociation, pour ouvrir des voies, pour proposer des solutions, comme la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment l'a fait pour l'artisanat du bâtiment en proposant aux petites entreprises quatre solutions pour réduire la durée du travail à 35 heures.
Les accords de branche me paraissent donc intéressants, dès lors qu'ils incitent effectivement à appliquer la loi.
M. Souvet m'a reproché de faire des commentaires sur ces accords. Je suis étonnée qu'un parlementaire me reproche de dire qu'un accord est contraire à une loi. Nous sommes en effet tous ici pour affirmer que les lois qui ont été votées par le Parlement doivent être appliquées par la nation, et, lorsqu'un accord est contraire à cette loi, il me paraît de la responsabilité du ministre compétent de le dire. Je pense m'être contentée d'agir ainsi.
En revanche, je partage l'avis de M. Jourdain sur le fait que nous devons étudier la question de l'emploi partagé. J'ai d'ailleurs demandé à M. Michel Praderie, qui m'a remis un rapport il y a très exactement quarante-huit heures, de travailler sur les groupements d'employeurs. Il s'agit de rendre ce dispositif plus flexible, plus facile à mettre en place, notamment dans les petites entreprises, dans le commerce et l'artisanat. Il s'agit aussi de permettre aux salariés qui le souhaitent de travailler dans plusieurs entreprises dans de meilleures conditions.
Je compte tirer de ce rapport, dès la discussion du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social si des modifications législatives sont nécessaires, un certain nombre de réponses qui peuvent permettre effectivement de développer l'emploi partagé, dès lors qu'il est choisi et non pas subi.
A propos de la durée du travail, M. Ostermann a critiqué le calibrage du financement des trente-cinq heures, sans que je comprenne s'il y avait trop ou pas assez de crédits.
Comme l'année dernière, nous avons inscrit des crédits provisionnels car ni vous, ni nous ne sommes capables de dire combien d'entreprises signeront un accord.
Les 3,5 milliards de francs qui sont affectés à l'aide incitative seront complétés par les reports de la provision de 1998. La loi ayant été votée plus tardivement que prévu, il y aura des reports.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Reste à savoir combien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne suis pas devin ! Je ne connais pas le nombre d'accords qui seront signés avant la fin de l'année.
Toutefois, dans la mesure où vingt-huit jours nous séparent de la fin de l'année, nous serons fixés très rapidement.
De toute façon, si le mouvement de réduction de la durée du travail est ample, s'il génère des emplois, l'aide de l'Etat étant liée à la création d'emplois, je pense que nous serons unanimes pour considérer qu'il faut augmenter les crédits et adopter un collectif.
En ce qui concerne la répartition du coût des exonérations entre la sécurité sociale et l'Etat, j'ai été amenée à dire, pas plus tard qu'hier, devant la Haute Assemblée, que le Gouvernement, comme il s'y était engagé, discuterait à mi-année de cette répartition avec les partenaires patronaux et syndicaux. C'est au regard de ce premier bilan que nous déciderons de la part de réduction des cotisations sociales qui sera prise en charge par le budget de l'Etat et de celle qui pourrait être supportée par la sécurité sociale.
J'en viens aux emplois-jeunes.
Nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, n'y croyaient pas. Je tiens à dire qu'à la fin du mois de novembre 152 750 emplois-jeunes ont été créés et que plus de 110 000 jeunes occupent effectivement un emploi, dont 54 % dans des collectivités locales et des associations.
Comme l'a dit M. Souvet, les collectivités locales et les associations ont pris le relais de l'éducation nationale et de la police. Elles ont commencé lentement. Mais peut-être ont-elles ainsi pu répondre au souhait de M. Clouet : vérifier la qualité des emplois créés et ne pas créer des emplois de fonctionnaires bis.
Personnellement, les critiques que j'ai entendues portaient non pas sur le laxisme de l'Etat mais, bien au contraire, sur l'application trop stricte des règles et sur le refus des emplois qui ne correspondraient pas véritablement à de nouveaux besoins.
A cet égard, je dois dire que j'ai été assez étonnée des critiques émises par M. Gournac. Une enquête vient d'être réalisée, non par le ministère, mais par un institut extérieur, auprès des bénéficiaires emplois-jeunes : plus de 90 % d'entre eux se disent très satisfaits.
Mes visites sur le terrain me conduisent, comme M. Huguet, à rencontrer des jeunes qui sont contents non seulement d'avoir un emploi, mais aussi de l'avoir pour cinq ans ! En effet, hormis les sénateurs, peu de gens sont sûrs de garder leur emploi au-delà de cinq ans ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Et encore !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Moi-même, je ne suis pas sûre d'être encore là dans cinq ans !
Par conséquent, le fait, pour ces jeunes, d'avoir effectivement, cinq ans devant eux pour se professionnaliser et pérenniser leur emploi est tout à fait essentiel par rapport à ce qui existe aujourd'hui.
J'en viens maintenant à la formation. Elle est essentielle. Mais la formation pour la formation n'a pas grand sens. Mettre des jeunes en formation, c'est facile ; tout le monde sait faire ! Il faut, dans ce domaine, s'assurer qu'il s'agit bien de métiers d'avenir, que les filières de formation peuvent effectivement préparer aux métiers de demain.
Ce travail est aujourd'hui poursuivi au sein des plates-formes de professionnalisation régionales après avoir été préparé avec l'ensemble des ministères, secteur par secteur - culture, environnement, sécurité... - afin de cerner les métiers de demain et de vérifier comment il est possible de les professionnaliser.
Là encore, il faut faire preuve de sérieux. Ces jeunes ont droit à une formation qui soit digne de ce nom, c'est-à-dire qui leur permette non seulement d'avoir un vrai métier, mais de le poursuivre dans l'avenir !
S'agissant de la pérennisation - je réponds là à M. Jourdain - je suis heureuse de constater - et encore la semaine dernière en Dordogne - qu'un certain nombre de jeunes ont d'ores et déjà réussi, grâce aux clients qu'ils ont trouvés, à financer leur propre emploi et qu'ils envisagent même de se voir accompagnés par d'autres. Ce travail de recherche de nouveaux clients sera plus aisé au fur et à mesure que les services rendus apparaîtront à nos concitoyens comme étant de bonne qualité.
Je partage complètement le point de vue de M. Fischer selon lequel les jeunes des quartiers en difficulté comme ceux des zones de revitalisation rurale doivent être prioritaires pour les emplois-jeunes. Quand on veut le faire, on peut le faire !
A cet égard, pardonnez-moi de citer à nouveau l'exemple de Lille, mais nous avons réussi à créer dans cette ville 250 emplois, dont 81 % pour des jeunes provenant de quartiers en difficulté. Cela prouve bien qu'on peut le faire quand on veut ! Cela a été fait aussi en Seine-Saint-Denis, et j'espère que les maires, puisque ce sont eux, en règle générale, qui sont concernés, entreront dans cette logique.
Troisième élément de cette politique majeure en matière d'emploi après les emplois-jeunes et la réduction de la durée du travail : la baisse des charges sociales sur les bas salaires.
Je ne ferai que redire ici ce qui a déjà été dit.
Le Gouvernement s'est engagé, à la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, à déposer au cours du premier semestre de 1999 un projet de loi reprenant le dispositif de la ristourne dégressive afin, je l'espère, de l'élargir et de le rendre plus juste. Il ne doit pas être une « trappe » à bas salaires, comme c'est le cas aujourd'hui. Par conséquent, réduire les charges qui pèsent sur l'emploi, oui, mais à condition qu'il y ait des contreparties en matière d'emploi. Telle est la logique qui est la nôtre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous reprenez nos idées !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, je ne reprends pas vos idées, car la ristourne dégressive coûte aujourd'hui 43 milliards de francs, soit beaucoup plus - le double ! - que les emplois-jeunes et la réduction de la durée du travail réunis. Or, jusqu'à preuve du contraire - et je cite là les chiffres qu'avait donnés M. Barrot -, ce dispositif n'a permis de créer que 40 000 emplois, et ce pour un coût de 45 milliards de francs. Vous reconnaîtrez avec moi que c'est bien coûteux, et quand je vous entends critiquer les emplois-jeunes et la réduction de la durée du travail, je ne comprends pas que vous n'adoptiez pas le même raisonnement s'agissant de la ristourne dégressive !
La deuxième priorité est de mettre l'accent sur les mesures destinées aux personnes les plus éloignées de l'emploi, celles qui aujourd'hui, malgré le retour de la croissance, resteraient autrement sur le bord du chemin.
Nous avons tout d'abord renforcé ou créé des dispositifs adaptés pour répondre aux besoins de ces adultes ou de ces jeunes les plus éloignés de l'emploi. Je ne reviendrai pas sur les détails, car vous les connaissez, nous en avons largement parlé lors de l'examen de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Là encore, certains s'étaient demandés si le Gouvernement respecterait ses engagements. Dans le projet de budget de cette année, nous avons tenu compte de l'ensemble des engagements que nous avions pris lors du vote de la loi dont je parlais : la création d'un contrat emploi consolidé pour 60 000 personnes financé à 80 % par l'Etat et pour une durée de cinq ans pour ceux qui ne pourraient pas sortir du RMI ou des revenus de solidarité sans ce type d'emploi ; l'élargissement du contrat de qualification aux adultes sans qualification, dont Nicole Péry s'occupe et pour lequel certaines professions ont déjà signé des accords ; un programme TRACE pour les jeunes très éloignés de l'emploi, qui concerne déjà 10 000 d'entre eux, qui en concernera 40 000 en 1999 et qui est destiné à les mener vers la qualification et l'emploi.
Tels sont les outils nouveaux, auxquels nous devons ajouter le renforcement des outils traditionnels ; je pense notamment à l'insertion par l'économique, dont les moyens budgétaires seront doublés, qu'il s'agisse des structures d'insertion par l'économique ou des plans locaux d'insertion par l'économique. Je pense aussi - certains d'entre vous l'ont souligné à juste raison - à l'appui à donner aux jeunes et aux bénéficiaires de minima sociaux pour qu'ils créent leur entreprise. Le texte concernant ce mécanisme d'aide est actuellement examiné par le Conseil d'Etat et devrait, je l'espère, être publié avant la fin de l'année.
Il faut aussi renforcer et recentrer les dispositifs classiques vers ces publics en grande difficulté.
Je commencerai par les contrats emploi-solidarité, en rassurant M. Joly : pour moi, il ne s'agit évidemment pas de contrats de seconde zone.
Si l'Etat s'investit d'une façon aussi importante en termes de financement, c'est bien pour aider les personnes qui, sans de tels contrats, ne trouveraient pas un emploi, public ou privé. Le recentrage que j'ai réalisé à cet effet dès mon arrivée au ministère a permis de faire passer la proportion des bénéficiaires chômeurs de longue durée et RMIstes de plus d'un an de 56 % en 1997 à 67 % actuellement. J'espère que nous atteindrons 75 % en 1999.
Nous retrouverons ainsi la vocation initiale des contrats emploi-solidarité, qu'il n'est pas, bien évidemment, question de supprimer. Au contraire, il faut les recentrer sur les personnes qui en ont le plus besoin. Nous procédons de même pour les contrats initiative-emploi ainsi que pour les offres de formations et de stages pour les chômeurs de longue durée et, plus généralement, pour les chômeurs.
Globalement, ce sont 120 000 actions complémentaires qui sont proposées dans le projet de budget pour 1999 en faveur des chômeurs de longue durée, des RMIstes, des personnes âgées de plus de cinquante ans ou des personnes handicapées. Il s'agit donc bien d'un budget axé sur ceux qui en ont le plus besoin, ceux qui aujourd'hui, malgré la croissance et les créations d'emplois, resteraient au bord de la route si nous ne décidions pas en leur faveur un soutien tout particulier. C'est pourquoi nous avons souhaité le faire de manière très forte.
Nous facilitons les transitions des minima sociaux vers l'emploi. Vous avez connaissance de la récente réforme qui est entrée en application le 1er décembre et qui permettra le cumul des minima sociaux et d'un salaire pendant un an, cumul intégral pendant trois mois et à 50 % pendant les neuf mois suivants.
Avant d'aborder, pour conclure, les moyens du ministère du travail, je voudrais d'un mot rassurer M. Fischer sur les préretraites.
Les crédits consacrés aux préretraites baissent de manière assez considérable dans ce budget, c'est vrai, mais pour plusieurs raisons.
D'abord, beaucoup de personnes qui étaient entrées en préretraite à l'époque où les licenciements étaient nombreux arrivent aujourd'hui à l'âge de la retraite et quittent donc le dispositif. Le stock diminue de manière considérable, et plus de la moitié de la réduction constatée est liée à ce phénomène.
Ensuite - et heureusement ! - la croissance revenue entraîne une réduction des licenciements qui ont baissé de 26 % depuis juin 1997, et donc des préretraites.
En outre, j'ai souhaité, dès mon arrivée, que les préretraites soient accordées de manière privilégiée dans les secteurs en grande difficulté, dans les entreprises en difficulté et dans les régions en difficulté, considérant que ce n'est pas à l'Etat de payer les restructurations d'entreprises qui ont les moyens par ailleurs de financer, par exemple, des reclassements ou la formation des salariés. Cela aussi explique une partie de cette réduction.
Enfin, j'ai augmenté la part de contribution des entreprises au Fonds de préretraite, de sorte que, globalement, ce ne sont pas les salariés qui vont faire les frais de cette réduction de crédits. Ce sont bien les entreprises, lorsqu'elles le peuvent, qui contribueront plus à des préretraites, dispositif que, encore une fois, l'amélioration de la situation de l'emploi rend un peu moins nécessaire cette année que les années passées.
Je veux aussi dire à M. Fischer que le Gouvernement n'a pas renoncé à légiférer en matière de licenciement.
A cet égard, je poursuis actuellement avec Mme Péry une réflexion qui s'ordonne selon trois axes : d'abord, la prévention des licenciements ; ensuite, l'amélioration forte et le contrôle des plans sociaux ; enfin, le soutien et le suivi des personnes privées d'emploi à la fois en termes de reclassement et en termes de formation.
Je suis convaincue que certaines des propositions que nous formulons nécessiteront effectivement des modifications législatives, et je tiens à le redire devant vous.
De manière plus précise, nous consultons à l'heure actuelle les partenaires sociaux afin de renforcer le dispositif de la contribution, dite contribution Delalande, que doivent verser les entreprises aux ASSEDIC lorsqu'elles licencient un salarié de plus de cinquante ans. Aujourd'hui, le coût de cette contribution est en effet deux fois moins élevé que celui de la préretraite, ce qui a pour résultat d'accroître les licenciements des salariés de plus de cinquante ans alors même qu'ils ont, nous le savons, très peu de chances de retrouver un emploi.
Par ailleurs, le Gouvernement accueillera favorablement la proposition de loi déposée par le groupe communiste à l'Assemblée nationale - elle viendra en débat le 10 décembre - visant à étendre la contribution Delalande aux conventions de conversion.
Je rappelle que ce projet de budget intègre bien évidemment l'ensemble des améliorations des minima sociaux qui ont été décidées et annoncées par le Gouvernement.
J'en termine en évoquant les mesures substantielles contenues dans le projet de budget en vue de renforcer les moyens du service public de l'emploi.
Nous savons très bien que ces structures ministérielles ont, en règle générale, moins de moyens que d'autres alors qu'elles voient arriver l'ensemble des personnes en grande difficulté. Après une année où les fonctionnaires ont beaucoup travaillé, au niveau central comme au niveau local, non seulement pour préparer les textes de loi, mais aussi pour les faire appliquer, nous nous devons de répondre aux demandes qui sont faites, avec juste raison, en ce qui concerne les moyens tant quantitatifs que financiers de nos services.
Aussi la subvention de l'ANPE augmentera-t-elle de 11 % cette année. Cette agence disposera ainsi de 1 000 agents supplémentaires, dont 500 ont été recrutés par anticipation en 1998. C'est absolument essentiel si nous voulons que les chômeurs de longue durée et les détenteurs de revenus de solidarité soient non seulement reçus, mais accompagnés dans leur recherche d'emploi et de qualification, dans le cadre restant du programme « nouveaux départs ».
Ce programme concerne d'ores et déjà 55 000 chômeurs de longue durée et RMIstes qui ont été reçus depuis un mois pour le lancement du processus. Il devrait toucher 850 000 personnes en 1999, conformément aux engagements que la France a pris au Luxembourg.
Je laisse le soin à Nicole Péry de vous préciser les moyens mis en oeuvre pour l'AFPA et pour les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, que nous confortons parce qu'elles auront à gérer le programme TRACE. Nous proposerons 450 emplois cofinancés par les collectivités locales qui le souhaiteront.
Je n'oublie pas le ministère.
Les moyens en personnel seront renforcés à la fois par la création de 140 postes de contrôleur et de 10 postes d'inspecteur du travail en plus des 15 postes créés en 1998.
J'ai souhaité, cette année, porter un effort particulier sur la situation des agents de catégorie C - dont beaucoup, dans ce ministère, remplissent en fait des missions relevant de la catégorie B - à la fois par des mesures substantielles de repyramidage du corps et d'augmentation de l'enveloppe des primes.
Enfin, il nous faut résorber les emplois précaires. Le projet de budget pour 1999 termine l'intégration des coordonnateurs emploi-formation par la création de 185 emplois budgétaires et la poursuite de la titularisation des agents précaires relevant du plan Perben. Nous sommes le ministère le plus avancé dans cette voie ; je m'en réjouis parce qu'il nous faut combattre la précarité partout, y compris chez nous, et je pense que M. Fischer me comprend bien.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les remarques que je souhaitais faire.
M. Clouet nous a dit qu'il apporterait un soutien sans enthousiasme au projet de budget amendé par les rapporteurs : je le comprends car, une fois les amendements votés, il ne restera plus rien dans ce budget !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une vision complètement caricaturale ; nous en ferons la preuve !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si l'on supprime la formation professionnelle, les emplois-jeunes, la réduction de la durée du travail et la lutte contre l'exclusion, il ne reste effectivement qu'un budget croupion,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voyons !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... qui montre peut-être le sens de la priorité que vous souhaitez accorder à l'emploi !
En tout cas, hormis des critiques, je n'ai entendu aucune proposition qui permette un véritable débat démocratique. Pour nous, la priorité, c'est l'emploi. Les résultats, je crois, commencent à le montrer et les Français apprécieront !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous n'écoutez pas ce qui n'est pas votre avis !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous n'avez pas parlé ! J'ai donc eu beaucoup de mal à vous écouter !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez entendu les rapporteurs !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai effectivement entendu l'ensemble des intervenants et j'ai essayé de leur répondre.
Je terminerai en disant que, heureusement, beaucoup d'entre vous ont, sur le terrain, des pratiques différentes des discours qu'ils nous tiennent. Je sais que tel ou tel va voir telle entreprise qui a réduit la durée du travail, que tel autre crée des emplois-jeunes dans sa collectivité, son conseil général, son conseil régional.
Finalement, je pense que les sénateurs ne seront pas les derniers à considérer que cette politique porte ses fruits, et je m'en réjouis, car vous contribuez ainsi à réduire le chômage. J'espère que, sur ce terrain-là au moins, notre objectif est commun ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez d'aller à l'essentiel et de caler mon intervention sur les commentaires, les réflexions et les critiques que vous avez pu formuler.
Le noyau dur du projet de budget de la formation professionnelle s'élève en 1999 à 26,42 milliards de francs, ce qui représente une hausse de 5,3 % par rapport à 1998.
L'essentiel de cette hausse porte sur le financement des formations en alternance. Ce point ayant été évoqué par chacun d'entre vous, je m'y attarderai quelques instants.
Ce financement prend en compte l'objectif général de recentrage de l'ensemble des dispositifs de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle sur les publics rencontrant des difficultés particulières ou n'ayant pas acquis un niveau de formation suffisant.
Le Gouvernement est déterminé à augmenter le nombre de contrats de formation en alternance, que ce soit l'apprentissage ou la qualification. L'augmentation en volume est le signe dynamique d'une croissance présente, d'un retour de la confiance et de la politique de l'emploi que nous avons menée. En effet, ces dispositifs offrent de véritables chances de qualifications et d'insertion professionnelle aux jeunes qui en bénéficient.
De janvier à octobre 1998, ces dispositifs ont connu une progression importante : plus de 2 % pour l'apprentissage ; 8 % pour les contrats d'adaptation ; 10 % pour les contrats de qualification et plus de 77 % pour les contrats d'orientation.
Ainsi, le nombre de contrats de qualification est porté à 130 000 pour 1999. Cela représente un montant d'intervention de 2,95 milliards de francs.
Par ailleurs, contrairement à la pratique des années précédentes, les primes à l'embauche seront dûment inscrites en loi de finances, ce qui évitera les retards observés dans leur versement.
Les contrats d'apprentissage seront portés à 230 000 en 1999. Cela représente 9,25 milliards de francs inscrits au projet de loi de finances. J'ajoute que l'Etat, à travers ce dispositif d'incitation financière, a pris en charge, en 1997, près de 52 % des dépenses liées à l'apprentissage, les régions, quant à elles, en assumant un peu plus de 25 %. Mais le Gouvernement a aussi la volonté de limiter la sélectivité croissante exercée par les employeurs en réservant les aides forfaitaires à l'embauche des jeunes les moins qualifiés. J'ai bien entendu vos critiques à ce propos, monsieur Ostermann ; nous allons nous en expliquer.
La part des jeunes de niveaux V - CAP, BEP - et de niveaux inférieurs en contrats de qualification a chuté entre 1990 et 1997 ; elle est passée de 67 % à 43 %. C'est cette évolution que nous voulons corriger.
A cet effet, les primes à l'embauche seront désormais réservées, vous l'avez rappelé, aux jeunes titulaires d'un brevet d'études professionnelles - BEP - ou d'un certificat d'aptitude professionnelle - CAP - et, disons plus largement, aux jeunes sans diplôme. Seront ainsi concernés notamment les jeunes sortant du système scolaire sans le baccalauréat.
Cette mesure a déjà été mise en oeuvre pour les contrats de qualification avec l'assentiment de la plupart des partenaires sociaux, notamment des syndicats de salariés. Un décret du 12 octobre 1998 et une circulaire du 14 octobre 1998 en précisent les modalités.
Afin de ne pas créer de disparités entre les deux grandes mesures de formation en alternance sous contrat de travail que sont les contrats de qualification et les contrats d'apprentissage, dans le projet de loi de finances est proposée une mesure identique pour les aides à l'embauche du contrat d'apprentissage.
Ce phénomène est de moindre ampleur pour les contrats d'apprentissage, qui, à plus de 84 % en 1997, étaient conclus avec des jeunes de niveaux V et inférieurs.
Le recentrage des primes ne devrait donc pas concerner le développement de l'apprentissage dans le secteur des métiers, secteur auquel je suis particulièrement attachée et qui accueille 71 % des apprentis, pour l'essentiel de niveau du CAP et du BEP.
Je précise que ce recentrage ne concerne pas les aides à la formation, pas plus que les exonérations de charges sociales très importantes, et ce quel que soit le niveau de formation.
Pour ne pas avoir à y revenir tout à l'heure lorsque nous examinerons l'amendement qui a été déposé à l'article 80, je pense utile de rappeler le montant des efforts réalisés en faveur de l'apprentissage, pour montrer que ce système sera incitatif, quels que soient les niveaux. Ainsi, la prime à la formation, qui est annuelle, s'établit autour de 10 000 francs et les exonérations de charges - j'ai effectué mes calculs à partir d'un traitement égal à 65 % du SMIC - représenteront, sur deux ans, un allègement de 50 000 francs. Il s'agit donc d'aides massives d'autant plus que et la prime à la formation et les exonérations de charges sont attribuées quel que soit le niveau de formation des jeunes.
Ce dispositif - je m'adresse là également à M. Huguet - demeure indéniablement incitatif pour tous ceux qui veulent s'engager dans le développement de l'apprentissage, y compris dans l'enseignement supérieur. C'est pourquoi je me suis permis d'insister sur le niveau des aides.
Je tiens à vous assurer de ma volonté de ne pas contenir l'apprentissage dans une image passéiste de métiers faiblement qualifiés.
Je suis convaincue que cette filière peut répondre aux attentes de certains jeunes qui veulent aller plus loin dans leur qualification professionnelle.
Je souhaite m'arrêter un instant sur un point évoqué par Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. L'étude récente de la DARES à laquelle vous faites référence, madame, fait état de l'efficacité des aides à l'embauche pour l'apprentissage. Mais cette étude, dont j'ai attentivement pris connaissance, confirme que ces aides ont un impact significatif surtout sur le recrutement des personnes peu qualifiées qui, justement, ne sont pas concernées par le recentrage des primes.

Je voudrais conclure sur ce premier point consacré aux formations professionnelles en alternance en évoquant le transfert de 500 millions de francs qui sera opéré par les partenaires sociaux gestionnaires de l'AGEFAL au profit d'un fonds de concours rattaché au budget de la formation professionnelle.
Je note avec satisfaction, madame Bocandé, que vous considérez que le transfert proposé est entouré des garanties nécessaires, j'y ai personnellement veillé, pour assurer le développement des formations en alternance, garanties que vous avez rappelées et qui constituent un progrès.
Le manque de fluidité des fonds de l'alternance, ainsi que les transferts de fonds opérés par les partenaires sociaux vers l'apprentissage - 1 milliard de francs sur 6 milliards de ressources - rendent nécessaire la redéfinition des règles de financement des formations en alternance, en concertation avec les partenaires sociaux, mais également avec les régions. Cette redéfinition entre dans la réflexion de fond que Martine Aubry et moi-même menons actuellement sur le système de formation professionnelle.
Sans détailler toutes les mesures du Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale, le FFPPS, permettez-moi d'insister sur les contrats de qualification pour les adultes.
Cette mesure était attendue et répond à des préoccupations majeures, à savoir la nécessité de prévenir l'exclusion à laquelle sont exposés les chômeurs de longue durée, l'absence, en dehors de l'AFPA, de dispositifs d'accès à la qualification pour les demandeurs d'emploi adultes, enfin, l'utilisation de la pédagogie de l'alternance bien adaptée pour ceux qui n'adhèrent pas aux pédagogies classiques. Le décret du 18 novembre 1998 fixe le montant des aides à l'embauche et des exonérations de charge.
Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit 248 millions de francs pour financer les exonérations et 100 millions de francs pour les primes. Cela correspond à un volume de 10 000 contrats.
J'ai également entendu vos interrogations sur les modalités du contrat adultes. Elles seront bien entendu adaptées aux modalités du contrat jeunes. Personnellement, je me réjouis de voir les partenaires sociaux se mobiliser dès à présent au sein du conseil paritaire national de la formation professionnelle chargé du suivi des grandes négociations interprofessionnelles sur la formation.
J'aborderai maintenant directement, de manière évidemment très synthétique, puisque le temps m'est compté, quelques axes de réflexion sur le projet de réforme de la formation professionnelle. M. Fischer a d'ailleurs intégré ce point dans son intervention.
Le Premier ministre et Martine Aubry m'ont demandé de préparer, en étroite concertation avec les principaux acteurs de la formation professionnelle, une évaluation du système actuel et une remise en mouvement de cette politique prenant en compte les défis nouveaux de l'organisation économique et sociale de notre société.
Cela m'a conduit à procéder à un diagnostic. C'est sur ces bases que je poursuivrai dans les semaines à venir le débat déjà engagé avec l'ensemble des acteurs, notamment les partenaires sociaux et les régions.
En effet, il me semble important d'évaluer objectivement l'efficacité globale du système.
Le sentiment d'une mobilisation non optimale des fonds de la formation professionnelle domine ; nous devons traiter le problème. En 1996, le montant des dépenses consacrées à la formation professionnelle s'élevait à 138,2 milliards de francs répartis entre l'Etat pour 56 milliards de francs, les entreprises pour 55 milliards de francs, les régions pour 13 milliards de francs, l'UNEDIC, les autres partenaires pour 14 milliards de francs.
Toutefois, nous ne devons pas pour autant perdre de vue l'essentiel, c'est-à-dire la nécessité de redéfinir ensemble les enjeux d'une politique de formation professionnelle, tant les besoins sont importants.
Beaucoup reste à faire - je tiens à le rappeler - même si beaucoup de choses ont été faites grâce à la loi de juillet 1971. Trente ans après, 40 % de la population active a encore un niveau de formation initiale inférieure au CAP ; c'est là une donnée trop souvent oubliée.
Le système de formation génère de fortes inégalités d'accès ; ainsi, les femmes, les salariés des petites entreprises et ceux dont la qualification est faible accèdent difficilement à la formation professionnelle.
Les chiffres sont significatifs : 80 % des salariés non qualifiés n'accèdent pas à la formation continue contre 50 % des ingénieurs et des cadres. L'accès à la formation continue des ouvriers qualifiés varie du simple au double entre les hommes et les femmes. Dois-je ajouter que cela se produit au détriment des femmes ?
M. Louis Boyer. Pauvres femmes !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Par ailleurs, 91 % des salariés des entreprises de moins de vingt personnes - et vous connaissez la réalité du tissu économique de notre pays - n'accèdent pas à la formation continue, alors que, globalement, 50 % des employés des grandes entreprises de plus de 500 salariés accèdent à la formation tout au long de leur vie.
Une autre donnée doit être absolument intégrée dans notre réflexion : l'accroissement notable de la mobilité durant ces dernières années. Moi-même, j'ai été surprise par les chiffres qui m'ont été fournis.
Un salarié sur quatre a changé d'entreprise en cinq ans ; un actif sur trois a changé de catégorie socio-professionnelle ou de métier pendant la même période.
De plus, le modèle français est marqué par une séparation nette entre le temps de la formation initiale et celui de la formation continue, à la différence de nos partenaires européens, Cette césure est aggravée par la difficulté de valider et de faire reconnaître socialement l'expérience professionnelle. On ne compte pas plus de 5 000 validations d'acquis professionnels, telles qu'elles sont prévues dans la loi de 1992.
La formation n'est pas suffisamment considérée pour les demandeurs d'emploi comme une période d'activité mise à profit pour acquérir une qualification ou développer des compétences.
Face à ces constats, il nous faut réfléchir avec les partenaires sociaux et les régions à un système de formation qui ménage des passerelles entre les situations d'activité et d'inactivité, qui produise un droit effectif à la formation, individuel, transférable d'une situation à une autre.
Le système de formation doit être mis résolument au service des salariés, des demandeurs d'emploi et des entreprises. Il doit s'attacher à réduire les risques et nous devons réfléchir à leur mutualisation.
Pour conduire ces changements, je m'inscrirai dans le respect de la culture originale du système fondé sur l'articulation entre la négociation des partenaires sociaux, la loi et la concertation avec les régions.
Vous serez, je n'en doute pas, les relais naturels et actifs de cette réflexion. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame la ministre, vous nous avez dit que les amendements présentés par la commission des finances et dont M. Ostermann, rapporteur spécial, a présenté la substance, allaient faire de votre budget un « budget croupion ».
Je voudrais donc donner à nos collègues quelques éléments d'appréciation afin qu'ils puissent juger en toute connaissance de cause.
Je serais tenté de vous dire, madame la ministre, face aux propos à mon avis quelque peu excessifs que vous avez tenus...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous n'entendez pas les vôtres, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je serais donc tenté de vous dire : « Pas vous et pas ça ! »
Pourquoi ?
Tout d'abord, notre démarche, qui s'inscrit dans le recadrage de la politique des finances publiques et de la politique économique que nous estimons nécessaire, vise à réaliser 10,5 milliards de francs d'économie.
Or il se trouve que le Gouvernement, en préparant ce budget de l'emploi et de la solidarité, a lui-même réalisé 11 milliards de francs d'économies. Mais, là, vous ne parlez pas de « budget croupion » ; vous parlez de recentrage.
Ce recentrage, il a tout de même porté sur un certain nombre de points sensibles, et c'est un effort méritoire de remise en question ; 4,5 milliards de francs sur les préretraites, 3,6 milliards de francs sur les contrats initiative-emploi, 1,6 milliard de francs sur les contrats emploi-solidarité.
Rappelons que les chiffres que nous évoquons doivent être rapportés à une masse globale de 152 milliards de francs pour le titre IV. Compte tenu du « recentrage », reste un budget de 141 milliards de francs. S'agit-il d'un « budget croupion » ? Permettez-moi tout de même de vous poser la question.
En outre, madame la ministre, j'ai eu la curiosité d'aller voir ce que contenait le projet de loi de finances rectificative pour 1998, que la commission des finances n'a pas encore examiné. J'y ai trouvé près de 15 milliards de francs de crédits annulés, dont 7,72 milliards de francs, c'est-à-dire environ la moitié, concernent le ministère de l'emploi et de la solidarité.
J'observe même que, sur ces 7,72 milliards de francs, l'essentiel, à savoir 7,5 miliards de francs, vise le chapitre 44-74 : « Insertion des publics en difficulté ». Y sont incluses notamment les aides pour les chômeurs de longue durée et les contrats initiative-emploi, certes, mais aussi les contrats emploi consolidé, les contrats emploi-solidarité, les versements au titre des préretraites.
Je me suis référé, madame la ministre, à nos débats de l'année dernière, puisque nous avons déjà eu le plaisir d'avoir ce même dialogue. A l'époque, je remplaçais le rapporteur spécial, M. Emmanuel Hamel. Vous m'aviez indiqué que vous espériez bien que l'on ne ferait aucune économie sur le chapitre 44-74, précisant : « je le comprendrais assez mal », compte tenu de votre préoccupation, que nous partageons, face à l'augmentation du chômage de longue durée.
Vous l'auriez mal compris et, pourtant, vous l'avez fait : à hauteur de 7,5 milliards de francs !
Peut-on objecter à la majorité sénatoriale la politique qu'elle défend tout en observant finalement le même réalisme budgétaire ? Les chiffres sont les chiffres, pour vous comme pour nous !
Il est certains rappels qui méritent vraiment d'être faits et de bien s'inscrire dans vos mémoires, mes chers collègues. L'effort d'économie que demandait le Sénat voilà un an sur le titre IV s'élevait à 6,2 milliards de francs. Vous en aviez, madame la ministre, réfuté la pertinence, nous enjoignant d'énoncer la liste des conséquences dangereuses de notre choix.
Et voilà que, après vous être étonnée de notre volonté de réaliser des économies, nous découvrons que ces économies, vous les faites, non pas à hauteur de 6,2 milliards de francs, mais à hauteur de 7,72 milliards de francs !
Peut-être cet élément est-il de nature à revitaliser l'expression de « budget croupion » que vous avez utilisée tout à l'heure, madame la ministre.
L'année dernière, vous vous étonniez que le Sénat puisse vous proposer une économie de 1 milliard de francs sur l'enveloppe des emplois-jeunes. Or vous nous indiquez aujourd'hui qu'il existe des reports de crédits, au titre de ces mêmes emplois-jeunes, de 1998 à 1999. Cela ne veut-il pas dire que la dotation pour 1998 était surcalibrée, comme nous le pensions, et que l'économie que nous avions proposée l'année dernière, loin d'être excessive, était tout simplement réaliste ?
Je me dois enfin de préciser que l'économie proposée cette année par la commission des finances en ce qui concerne les emplois-jeunes n'entraînera la suppression d'aucun emploi-jeune existant. De même, nos propositions n'empêcheront pas le Gouvernement, s'il le souhaite, d'embaucher les 100 000 nouveaux emplois-jeunes qui correspondent à son objectif.
Au total, mes chers collègues, il est utile, me semble-t-il, que le Sénat juge les actes et pas seulement les paroles. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur général, pour que le Sénat puisse juger les actes, je vais m'efforcer de répondre à vos questions.
Peut-être aurais-je dû parler non pas de « budget croupion » mais plutôt de « politique de l'emploi croupion ». J'ai voulu éviter d'être par trop désagréable, et j'ai sans doute eu tort.
Quand on supprime la totalité de la politique de réduction de la durée du travail, quand on supprime toutes les entrées des emplois-jeunes, quand on supprime une partie de la politique que nous entendons mener en matière de formation des jeunes, c'est bien d'une « politique de l'emploi croupion » qu'il s'agit.
Moi aussi, monsieur le rapporteur général, je pense qu'il faut dire les choses telles qu'elles sont. L'année dernière, je vous ai indiqué que nous ne ferions pas d'économies là où vous souhaitiez nous les voir faire, c'est-à-dire sur ce qui dépend de nous dans la lutte contre le chômage de longue durée. Ce qui dépend de nous, ce sont notamment les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi consolidé.
Si nous avons fait des économies dans la gestion de notre budget, je pense que vous ne pouvez pas nous le reprocher. D'ailleurs, M. Ostermann, qui parle en général en termes mesurés, a eu la gentillesse de les reconnaître.
Ces économies, elles sont rendues possibles parce qu'une gestion correcte a été pratiquée, mais aussi parce que deux faits sont intervenus, qui ont entraîné la réduction de dépenses inscrites au chapitre 44-74.
Le premier, c'est la baisse des préretraites. J'ai effectivement souhaité que la contribution des entreprises au financement des préretraites soit plus importante, ce qui induit une moindre dépense pour l'Etat. C'est une des parties des 7,5 milliards de francs que vous avez évoqués.
Le second fait réside dans des économies de constatation sur le CIE, le contrat d'initiative-emploi. Quand on veut être honnête, il faut l'être jusqu'au bout, monsieur le rapporteur général ! Il y a en effet eu des ruptures à un taux extrêmement élevé - 30 % - ce qui n'était jamais arrivé auparavant. M. Barrot avait prévu un budget pour les CIE plus important que ce dont nous avons eu effectivement besoin.
Vous savez que, dans le cas des CIE, ce sont les entreprises qui embauchent, l'Etat n'intervient pas. Lorsque quelqu'un trouve un emploi, parce que nous avons relancé la croissance et créé des emplois de meilleure qualité, nous ne pouvons que nous en réjouir. Et si, de surcroît, l'Etat dépense moins de crédits, je ne peux aussi que m'en réjouir.
Il n'y a donc pas eu d'économies sur le dos des chômeurs de longue durée. Il y a simplement eu deux faits : un qui ne dépend pas de nous, qui est lié à ce taux de rupture du CIE ; et un qui dépend de nous, car nous avons effectivement la volonté de faire financer les préretraites un peu plus par les entreprises et un peu moins par l'Etat.
Je peux donc redire ce que j'ai dit l'année dernière : il n'y aura pas d'économies au détriment des chômeurs de longue durée, contrairement à ce qui aurait résulté de ce que vous nous aviez proposé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous ne l'avons jamais demandé, madame la ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Jamais de la vie !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si ! Quand vous proposez, comme cette année, de supprimer toute la politique de réduction de la durée du travail, toutes les nouvelles entrées sur les emplois-jeunes, vous vous en prenez en fait aux chômeurs de longue durée.
Vous savez bien que beaucoup des personnes qui vont entrer dans les entreprises et occuper des emplois sont des chômeurs et que, parmi ceux-ci, il y aura des chômeurs de longue durée.
Vous proposez de supprimer ces lignes, et vous avez évidemment tout à fait le droit de le faire, puisque vous défendez une politique qui est différente de la nôtre, mais ayez le courage d'assumer vos propositions ! De toute façon, les résultats trancheront et les Français décideront. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Roland Huguet. Réponse très bien argumentée !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'emploi et la solidarité : I. - Emploi.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 720 092 915 francs. »

Par amendement n° II-21, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 364 552 699 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Cet amendement vise à apporter une contribution à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat. Je ne reviendrai pas sur la stratégie d'ensemble dans laquelle il s'insère et que nous avons déjà eu l'occasion d'exposer.
Nous souhaitons réaliser une économie forfaitaire sur l'ensemble des crédits de ce titre III qui, je le rappelle, s'élèvent à plus de 9,2 milliards de francs.
Si notre amendement est adopté, l'augmentation des crédits du titre III sera encore de 356 millions de francs, contre 720 millions de francs dans le projet initial.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les responsabilités du ministère sont évidemment importantes en matière d'emploi, et nous savons bien que ce sont les fonctionnaires qui les portent, à la fois dans l'élaboration et dans l'application des textes.
Par conséquent, j'ai souhaité voir augmenter les effectifs de l'ANPE, ce qui n'a pas été le cas depuis de nombreuses années, malgré l'aggravation du chômage. A l'échéance du nouveau contrat d'objectifs, c'est-à-dire dans un peu plus de trois ans, l'ANPE verra donc le nombre de ses agents augmenter de 2 500.
Je crois que c'est essentiel si nous souhaitons que les chômeurs, notamment les chômeurs de longue durée, dont M. Marini vient de parler, puissent être reçus et accompagnés dans leur recherche d'emploi ou de formation. Les agents qui supportent toute la journée la détresse de ceux qui sont au chômage ont besoin de voir leurs effectifs augmenter.
Par ailleurs, et je remercie d'ailleurs M. Souvet et Mme Bocandé de l'avoir perçu, je crois que les moyens de l'administration du travail sont peu importants. Nous savons combien ce ministère est quantitativement pauvre en cadres : des agents de catégorie C effectuent souvent des tâches qui relèvent de la catégorie B. Il me paraît hautement souhaitable que nous sachions aujourd'hui reconnaître le travail qui est réalisé.
En outre, je ne pense pas pouvoir tenir un discours général contre la précarité sans être exemplaire au sein de mon ministère : je m'y efforce en intégrant ceux qui occupent des emplois précaires depuis de nombreuses années, en application d'ailleurs, pour partie, du plan Perben que le Sénat a voté.
Pour toutes ces raisons, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° II-21.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-21, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 48 725 266 714 francs. »

Par amendement n° II-22, M. Ostermann, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 10 337 763 173 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Cet amendement s'insère également dans la stratégie d'ensemble déjà présentée et sur laquelle je ne reviens pas.
Il s'agit de proposer, outre la réduction forfaitaire des crédits, deux économies ciblées.
La première consiste à supprimer les 3,7 milliards de francs de crédits consacrés au financement des trente-cinq heures. Comme je vous l'ai indiqué, la dotation prévue pour 1998 n'a pas, et de loin, été entièrement consommée. Il existe, en effet, d'importants reports de crédits de 1998 à 1999, que l'on peut chiffrer entre 2 milliards de francs et 2,5 milliards de francs. Ces importants reports de crédits sont dus au succès mitigé rencontré, à ce jour, par la loi sur les trente-cinq heures.
La seconde mesure tend à réaliser une économie de 5,1 milliards de francs sur l'ensemble du titre, afin de gager la progression des crédits consacrés au financement de cent mille nouveaux emplois-jeunes.
Permettez-moi de vous rappeler deux choses : d'une part, la dotation totale du titre IV sur lequel porte notre effort d'économie s'élève à 152 milliards de francs ; d'autre part, le Gouvernement a lui-même réalisé 11 milliards de francs d'économie sur ce ministère, afin de financer ses priorités politiques.
Enfin, je vous indique que l'économie que nous vous proposons ne portera pas sur le stock des emplois-jeunes qui existent déjà. Je le dis de manière solennelle : aucun emploi-jeune existant ne sera supprimé si notre amendement est adopté ; de même, nous ne porterons pas atteinte au niveau du flux d'emplois-jeunes que le Gouvernement entend créer l'année prochaine.
Nous disons simplement au Gouvernement que, s'il souhaite financer les cent mille nouveaux emplois-jeunes prévus pour 1999, il doit le faire en réalisant des économies sur les 152 milliards de francs de crédits inscrits sur ce titre IV.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je serai très brève sur cet amendement, car, en fait, j'ai déjà largement répondu à M. le rapporteur spécial. Le Gouvernement croit beaucoup à la réduction du temps de travail et à la création d'emplois-jeunes pour enrichir la croissance en emplois.
Pour ne prendre que l'exemple du département du Bas-Rhin, qui est très cher au coeur de M. le rapporteur spécial, je vois avec grand plaisir que 1 078 emplois ont été créés et que ce département, qui compte 7 500 chômeurs de moins de vingt-six ans, grâce aux emplois-jeunes, a déjà pu en supprimer un sur sept.
Je me félicite également que le conseil général du Bas-Rhin, dont vous êtes vice-président, monsieur le rapporteur spécial, soutienne le programme en finançant les emplois créés dans les associations et en recrutant un certain nombre directement pour les transports scolaires.
Et je me suis laissé dire qu'en tant que maire vous veniez de décider la création d'un emploi-jeune dans votre commune. Comment pourrais-je accepter de supprimer des crédits destinés à financer cet emploi-jeune ? (Sourires et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne nous empêche pas du tout de le financer !
M. Jean Chérioux. C'est la carotte après le bâton !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cela me paraît absolument impossible, monsieur le rapporteur général ! Aussi, je souhaite vraiment conserver ces crédits.
Par ailleurs, et vous l'avez souligné tout à l'heure, nous avons procédé à des redéploiements importants au sein du projet de budget. Je m'y étais engagée, je l'ai fait !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-22.
M. Roland Huguet. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet. Le groupe socialiste votera, bien évidemment, contre cet amendement.
Comme tous les amendements qui sont proposés par le rapporteur spécial de la commission des finances, celui-ci est supposé apporter une contribution à l'effort de maîtrise des dépenses du budget de l'Etat.
C'est une intention toujours louable, mais il convient, surtout en matière sociale, de faire preuve de beaucoup de prudence et de discernement. Le risque est, en effet, de provoquer des difficultés telles qu'il nous faudrait ensuite engager des dépenses beaucoup plus élevées.
L'amendement n° II-22 vise, tout d'abord, à supprimer la totalité des crédits inscrits pour l'application de la loi relative à la réduction du temps de travail.
Je rappellerai simplement que plus de six cent cinquante accords ont déjà été signés au moment où nous parlons et que l'adoption d'un tel amendement aurait pour conséquence d'en empêcher l'application. Je ne suis pas sûr que les chefs d'entreprise et les salariés concernés verraient cela d'un bon oeil !
Je ne suis pas sûr, non plus, qu'il soit très démocratique de tenter d'empêcher ainsi l'application d'une loi votée.
En réalité, cet amendement est purement idéologique et va à l'encontre des intérêts des entreprises et des salariés. En effet, vous oubliez que, sur le terrain, l'ensemble des organisations syndicales s'impliquent dans les négociations.
Les chefs d'entreprise mettent à profit cette opportunité de réflexion en commun et de dialogue avec les salariés pour s'efforcer de négocier des accords « gagnant-gagnant », selon la nouvelle formule consacrée : des accords qui favorisent, d'une part, la réorganisation, l'amélioration de la productivité et la compétitivité des entreprises et, d'autre part, la création ou le maintien d'emplois et l'amélioration des conditions de vie des salariés.
Cet amendement correspond, finalement, à une vision figée de l'entreprise, beaucoup plus idéologique que réelle. Il est le reflet d'une conception dépassée des rapports sociaux.
Mais la commission des finances propose également la suppression de plus de 5 milliards de francs sur les crédits consacrés aux emplois-jeunes, c'est-à-dire que, sur cent mille emplois-jeunes dont nous voulons soutenir la création, elle propose d'en supprimer la moitié !
Je soulignerai simplement deux éléments : d'abord, l'ensemble des régions participent aujourd'hui aux emplois-jeunes et en financent plusieurs milliers ensuite, trente-cinq départements ont signé des contrats d'objectifs. sur les 152 000 conventions signées, plus du tiers sont le fait des collectivités territoriales et des associations. Est-ce à dire que nos collègues de la majorité sénatoriale sont, comme le disait à l'instant Mme la ministre, en citant des chiffres irréfutables, contre les emplois-jeunes à Paris alors qu'il y sont favorables dans leurs collectivités locales, où ils signent des conventions pour créer des emplois ?
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Trop facile !
M. Roland Huguet. D'ailleurs, on ne peut que les en remercier ! Que comptent-ils dire aux collectivités et aux associations qui leur demandent une aide pour ces emplois ?
Je rappellerai aussi que, parmi les jeunes auxquels nous mettons ainsi le pied à l'étrier avec un contrat de travail de cinq ans, 20 % étaient chômeurs de longue durée et 30 % ont un niveau CAP ou inférieur. Ils avaient donc un risque de difficulté durable d'insertion professionnelle.
Nos collègues qui siègent à droite de cet hémicyle s'apprêtent-ils à dire aux jeunes et à leur famille qui attendent avec impatience la deuxième vague d'emplois-jeunes qu'ils ont voté à Paris un amendement pour en limiter le nombre ?
En fait de contribution à l'effort de maîtrise des dépenses du budget de l'Etat, nous craignons que cet amendement ne soit plutôt une contribution au chômage et à l'exclusion.
M. le président. J'ai omis tout à l'heure - et je le prie de m'en excuser - de donner la parole à M. Fischer, qui était inscrit sur les crédits du titre IV. Je la lui donne maintenant... disons pour explication du vote.
M. Guy Fischer. Par cet amendement, la commission des finances nous propose de procéder à des coupes franches dans les crédits du titre IV du budget de l'emploi, titre qui retrace la teneur des interventions publiques pour l'emploi.
Contrairement aux budgets précédents des gouvernements de droite privilégiant les exonérations massives de charges sociales, notamment sur les bas salaires, pour inciter les entreprises à créer de l'emploi en baissant le sacro-saint coût du travail, le Gouvernement a fait le choix d'utiliser d'autres outils plus volontaristes, tels que la réduction du temps de travail et les emplois-jeunes. Le budget de l'emploi de cette année traduit nettement ces orientations nouvelles.
La majorité sénatoriale qui s'est opposée à ces deux textes lors de leur adoption s'apprête à torpiller les crédits destinés à les financer.
Après avoir baissé l'impôt sur la fortune de 4,5 milliards de francs et l'avoir fiscal de 1 milliard de francs, on nous propose d'économiser 26 milliards de francs cette année sur le budget de l'Etat ; la moitié des réductions de crédits sont ciblées sur les budgets emplois et solidarité. Cela, nous ne pouvons l'admettre.
Les choix sont clairs, la démarche est idéologique.
Après, on peut se plaindre de la situation des jeunes dans notre pays !
Vous doutez de l'utilité de cette loi pour dynamiser le marché de l'emploi. Pour ma part, je me félicite que la réduction du temps de travail, revendication sociale majeure, ait été traduite juridiquement.
Certes, des améliorations doivent être apportées. Nous avons formulé un certain nombre de critiques. Nous seront très attentifs à l'élaboration de la deuxième loi et je ne surprendrai personne en souhaitant fortement qu'elle soit plus normative, qu'elle cadre plus fermement le contingent annuel d'heures supplémentaires, qu'elle traite du travail des cadres, que la question du SMIC soit réglée, enfin, qu'elle permette d'articuler temps de travail et formation, ce qui est au coeur de nos interrogations.
Aujourd'hui, à la lumière du débat qui est engagé depuis déjà de très nombreuses heures, nous ne pouvons que formuler notre franche opposition à l'amendement qui nous est proposé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne veux pas allonger un débat qui me semble quelque peu irréel et un peu trop convenu.
Qu'il me soit cependant permis de dire, madame le ministre, que, l'année dernière, nous vous demandions de faire 6 milliards de francs d'économies et que vous en avez réalisé près de 8 milliards de francs. Par conséquent, vous étiez d'accord avec nous ! Vous nous avez donné des explications comptables. En réalité, vous aurez quand même réalisé 7,75 milliards de francs d'économies sur votre budget de 1998 !
Il est un autre sujet qui nous préoccupe beaucoup, à juste titre ; nous l'avons presque tous évoqué : il s'agit de la précarité de certains contrats de travail, du fait que le développement de l'économie et la croissance créent relativement peu d'emplois stables et pérennes et génère surtout du travail temporaire et des situations précaires.
A cela, vous répondez - sans doute approuvez-vous un peu les propos que vient de tenir M. Fischer - qu'il faut plus de contraintes pour les entreprises. Nous, membres de la majorité sénatoriale, répondons qu'il faut moins de charges pour les entreprises, en particulier sur les bas salaires.
A cet égard, et ce sera ma conclusion, le Sénat a voté - vous vous en souvenez sans doute - la proposition de loi Poncelet. Nous avons pu, depuis lors, nous référer à l'excellent rapport de M. Malinvaud. Lorsque ce texte a été examiné en séance publique, si je ne m'abuse, vous l'avez balayé du revers de la main. Or dans le collectif budgétaire, dont nous allons aborder la discussion d'ici peu, figurent 5,3 milliards de francs supplémentaires au titre du rattrapage de l'effort accompli en faveur des bas salaires.
Finalement, madame le ministre, au-delà de ces débats annuels sur le fond, nous partageons peut-être certaines préoccupations. Mais la majorité sénatoriale a sans doute la franchise de dire des choses que vous n'osez pas dire. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Franchement, monsieur Marini, je ne vous comprends pas ! Vous avez fait adopter la loi sur la ristourne dégressive. M. Barrot a sous-estimé les crédits. Pour ma part, j'applique la loi votée par le Parlement !
M. Michel Mercier. Vous n'étiez pas là !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons prélevé des crédits sur le budget de 1998 afin de rattraper le retard résultant de la sous-évaluation par M. Barrot en 1997. J'avais été amenée à l'indiquer l'année dernière !
Vous prétendez qu'il s'agit d'un débat convenu. Il n'est pas convenu, puisque vous dites des choses qui ne sont pas réelles. Je veux bien que l'on évoque des arguments de fond, mais j'applique les lois ! Je ne suis pas favorable à cette ristourne dégressive. Le Parlement l'a votée, je l'applique !
M. Barrot a fait adopter une loi sans prévoir, je le répète, les crédits nécessaires à son financement. J'ai donc été obligée de la financer sur mon budget de 1998 et d'affecter des crédits supplémentaires pour continuer à l'appliquer tant que nous ne l'aurons pas modifiée.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, un projet de loi sera soumis au Parlement au cours du premier semestre de 1999 ; il tendra à régler ce problème de la ristourne dégressive. Ce dispositif sera, me semble-t-il, plus favorable à l'emploi, avec des contreparties « emploi » moins coûteuses, sans incidence sur les crédits publics. J'espère qu'un consensus se dégagera sur ce texte.
Telle est la réalité de ces 5 milliards de francs ! Je suis prête à vous en donner le détail si vous le souhaitez. Mais M. Barrot l'ayant lui-même reconnu à l'Assemblée nationale, il suffit que vous vous référiez à ses propos.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Madame la ministre, il est un domaine dans lequel le débat est inévitablement convenu. Nous ne parlons que des mesures nouvelles et vous n'y pouvez rien puisque c'est l'ordonnance relative aux lois de finances qui nous y condamne tous.
Mes chers collègues, ce qui m'étonne, depuis le début de la discussion des articles de la deuxième partie du projet de loi de finances, c'est que nous nous disputons sur une part infime des crédits utilisés par les différents ministères.
Je note en effet que 93 % des budgets qui nous sont proposés sont inscrits au titre des services votés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est à l'article 44, que nous examinerons la semaine prochaine, que le Sénat se prononcera, par un seul vote, sur les services votés. Ainsi, 1 800 milliards de francs, mes chers collègues, seront mis aux voix sans débat !
L'objet de nos discussions avec les ministres concerne les mesures nouvelles et les moindres augmentations que nous proposons sont calculées sur ces dernières et non sur l'ensemble des crédits des ministères.
Madame la ministre, prenons l'exemple du volet « emploi » de votre ministère. Si je ne me trompe pas, ce sont, en fait, 161,8 milliards de francs qui sont inscrits pour vous permettre de mener votre politique. C'est donc de ces 161,8 milliards de francs que nous devons débattre. Nous souhaitons que vous puissiez optimiser ces crédits pour mener la politique que vous avez choisie. C'est l'honneur de la démocratie qu'il en soit ainsi.
Lorsque nous vous proposons des réductions de crédits, nous souhaitons non pas ouvrir une veule querelle avec vous, mais simplement traduire, avec les seuls moyens mis à notre disposition, c'est-à-dire la fameuse ordonnance relative aux lois de finances, la politique que le Sénat estime sage et qui consiste à cesser de tirer des chèques sur le compte de nos enfants !
Nous avons la possibilité, cette année, en suivant la proposition de M. le rapporteur général, de limiter un petit peu l'augmentation des dépenses proposée par le Gouvernement, afin de stabiliser, enfin, la dette que nos enfants auront à rembourser. Il s'agit bien de cela, monsieur le rapporteur général ?... (M. le rapporteur général opine.)
Nous ne vous faisons pas une mauvaise manière, madame la ministre : nous appliquons à votre ministère la réduction proportionnelle qui nous semble nécessaire, sauf que nous l'appliquons à une politique que nous n'apprécions pas.
Je souhaite vous voir prendre en considération le soin que nous avons néanmoins apporté à examiner la politique que vous comptez mener avec ces crédits qui s'élèvent, je le rappelle, mes chers collègues, à plus de 161 milliards de francs alors que la réduction qui est proposée par l'amendent n° II-22 n'est que de 10 milliards de francs ! En conséquence, mes chers collègues (M. le président se tourne vers la gauche de l'hémicycle) les exemples que vous avez cités ne sont pas rigoureux. Vous feignez d'ignorer que notre débat est centré exclusivement sur des mesures nouvelles.
M. Guy Fischer. Mais non !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Si vous vous étiez donné la peine de prendre en considération la totalité des crédits mis à la disposition de Mme la ministre pour mener la politique du Gouvernement, vous vous apercevriez que la proposition qui vous est faite par M. le rapporteur spécial est très modérée. Elle vise à ce que notre génération ait enfin la fierté de ne pas continuer à tirer des chèques sur le compte de nos enfants. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 75 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 34 600 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 446 830 000 francs ;
« Crédits de paiement : 228 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 80 et 81, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à l'emploi.

Emploi et solidarité

Article 80



M. le président.
« I. - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 118-7 du code du travail est ainsi rédigée : "Cette indemnité se compose :
« 1° D'une aide à l'embauche lorsque l'apprenti dispose d'un niveau de formation inférieur à un minimum défini par décret ;
« 2° D'une indemnité de soutien à l'effort de formation réalisé par l'employeur. »
« II. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur pour les contrats conclus à compter du 1er janvier 1999. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-40 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-46 rectifié est déposé par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-40.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Avant de présenter cet amendement, permettez-moi, madame la ministre, de formuler une remarque préalable.
Vous avez évoqué le département du Bas-Rhin, que vous connaissez bien. Vous avez cité la loi Barrot, disant que vous l'appliquiez en tant que ministre. Vous avez fait voter le projet de loi créant les emplois-jeunes, auquel nous étions opposés, mais nous l'appliquons. Vous n'allez quand même pas nous le reprocher, madame la ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous en félicite même !
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Puisque vous évoquiez le département du Bas-Rhin, je vous engage très vivement à étudier les nombreuses délocalisations d'entreprises, qui sont la conséquence de certaines des décisions qui ont déjà été prises. Je reste à votre disposition pour prolonger cette réflexion.
J'en viens à l'amendement n° II-40. Il vise à supprimer l'article 80. Comme je vous l'ai déjà indiqué, cet article a pour objet, en recentrant à compter du 1er janvier prochain le versement des primes d'apprentissage, d'exclure 50 000 apprentis du bénéfice de celles-ci pour un gain budgétaire de 60 millions de francs.
Rejoignant sur ce point la position déjà défendue à l'Assemblée nationale par sa commission des finances, nous estimons que cette mesure va perturber le bon fonctionnement de l'ensemble de la filière de la formation professionnelle, et cela afin de réaliser 60 millions de francs d'économies.
Cette mesure nous paraît donc particulièrement inopportune ; en effet, si des économies doivent être réalisées, ce n'est certainement pas dans le secteur de la formation professionnelle.
Je suis d'ailleurs certain que nous recueillerons sur cette question un très large consensus.
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-46 rectifié.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Mes arguments rejoindront ceux de M. le rapporteur spécial.
L'article 80 vise à réserver le paiement de la prime à l'embauche aux apprentis ayant un faible niveau de qualification. Ce faisant, il réduit l'attractivité de l'apprentissage et remet en cause les efforts de promotion de cette filière professionnelle entrepris depuis plusieurs années.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s II-40 et II-46 rectifié ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur spécial, j'ai cru comprendre que Mme Aubry vous félicitait d'avoir embauché des emplois-jeunes dans votre mairie.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. J'en prends acte.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. M'étant déjà longuement exprimée tout à l'heure sur le sujet évoqué, je serai brève.
Il est vrai que les contrats de qualification procèdent d'un choix politique : le Gouvernement souhaite recentrer les primes sur les jeunes qui ont besoin de recevoir une qualification complémentaire. Je vous ai communiqué tout à l'heure certains chiffres témoignant de l'évolution intervenue entre 1990 et 1997, période au cours de laquelle le pourcentage des contrats conclus avec les jeunes de niveau V ou inférieur, est passé de 65 % à 43 %.
Nous avons effectivement souhaité concentrer le maximum d'argent public sur ceux qui en ont le plus besoin en termes de qualification.
J'ai bien compris que le contrat d'apprentissage constitue le point le plus sensible. C'est pourquoi je m'étais longuement exprimée tout à l'heure à ce sujet.
Je rappelle que 84 % des contrats d'apprentissage sont signés avec des jeunes ayant un niveau CAP ou inférieur. L'essentiel du monde de l'apprentissage n'est donc pas concerné, loin s'en faut, par le recentrage des primes. Quant aux 16 % restants, qui concernent les jeunes de niveau IV, voire III, j'ai dit tout à l'heure tout l'intérêt que je portais à la filière de l'apprentissage. Je conçois parfaitement que cette forme de pédagogie puisse convenir à certains jeunes. C'est pourquoi j'ai souligné en ce domaine le caractère très incitatif de la prime à la formation et l'ampleur des exonérations de charges.
Je suis donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-40 et II-46 rectifié.
M. Adrien Gouteyron. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Je sais qu'un débat s'est déjà engagé dans cet hémicycle sur ce point, mais le sujet me paraît si important que je tiens à exprimer les raisons de mon vote.
Depuis des années, dans notre pays, des efforts sont entrepris pour élever le niveau de l'apprentissage et pour faire en sorte que cette formule ne s'adresse pas uniquement aux jeunes qui échouent dans l'enseignement traditionnel. Ces efforts sont en train d'aboutir.
Vous nous avez cité des pourcentages, madame la ministre : vous avez dit que l'apprentissage concernait 84 % des jeunes de niveau CAP ou inférieur. C'est donc que 16 % des jeunes préparent des diplômes supérieurs par la voie de l'apprentissage. Quand on se rappelle d'où l'on est parti, on peut considérer que c'est un très bon résultat.
Vous ne voulez pas, dites-vous, porter atteinte à l'apprentissage. Soit. Mais je relève tout de même, et ce sont des chiffres officiels, que le nombre de jeunes en apprentissage prévu pour 1999 passerait de 240 000 à 230 000. J'ignore la raison de cette diminution des effectifs mais je ne voudrais pas que la mesure que vous envisagez y contribue.
C'est la raison pour laquelle je voterai ces amendements de suppression de la mesure que vous nous proposez. Je regrette que, avant de prendre cette mesure, vous n'ayez pas engagé une concertation. Les représentants des chambres de métiers de nos différents départements s'en sont plaints auprès de nous et je me fais ici l'écho de leurs doléances.
Enfin, il ne faut pas confondre la lutte contre l'exclusion et la formation. Qu'on ne me fasse pas dire que la formation ne contribue pas à la lutte contre l'exclusion, mais les objectifs des deux actions ne se recouvrent pas complètement. Vous avez raison de lutter contre l'exclusion.
En revanche, vous avez tort de porter atteinte à un dispositif de formation qui a fait ses preuves et dont le niveau s'est élevé. Je regrette que vous agissiez ainsi, et que vous sembliez ainsi oublier que ces apprentis, surtout ceux qui souhaitent accéder à des diplômes supérieurs au CAP ou au BEP, peuvent souvent devenir des chefs d'entreprise. Ces chefs d'entreprise, notamment de petites entreprises, dont nous avons tant besoin dans notre pays, et qui, vous le reconnaissez vous-même, créent des emplois, constituent le tissu économique fécond qui est si nécessaire et permettent à notre pays, en dépit des difficultés auxquelles il est confronté, de tenir le coup.
Dès lors, pourquoi réaliser cette mesure ? Pour 60 millions de francs d'économies ? Bien sûr, toutes les économies sont bonnes à prendre, mais au moins faisons en sorte qu'elles s'appliquent à des actions qui peuvent les supporter et ne donnons pas à un ensemble de professions un signal négatif. Or c'est ce que vous allez faire. Aussi, je vous en supplie - et si notre débat n'avait servi qu'à vous convaincre sur ce point, il aura été utile - ne faites pas cela ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. M. Gouteyron vient de traiter d'un problème qui est certainement l'un des plus complexes auxquels nous sommes actuellement confrontés. Toutes les politiques qui ont été mises en oeuvre, notamment par les régions, ont eu pour objet de prendre en compte les formations, qu'il s'agisse des contrats d'apprentissage ou des formules très spécifiques, telles que celles qui ont été mises en oeuvre dans la région Rhône-Alpes. Or je pense que l'on a eu tendance à former ceux qui sont déjà très qualifiés. Nous avons déjà engagé un débat sur ce point et nous sommes notamment revenus sur l'aide à apporter aux régions qui éprouvent des difficultés pour financer les centres de formation pour apprentis. Une des questions qui avaient été abordées - et je me souviens très bien d'un dialogue avec M. Barrot - portait sur les jeunes en difficulté. Outre les jeunes de niveau V, voire de niveau VI, dont on ne s'occupe pas, les jeunes en très grande difficulté sont laissés sur le bord du chemin. Le rééquilibrage concerne seulement 10 000 personnes environ.
Si le problème des jeunes les moins qualifiés n'est pas véritablement pris en compte, il ne faudra pas s'étonner d'avoir des problèmes, notamment dans les quartiers en difficulté.
Aujourd'hui, ces problèmes-là, nous ne les abordons pas. Je ne dis pas, monsieur Gouteyron, que vous les ignorez, loin de là, mais ils ne sont pas suffisamment pris en compte. En effet, dans les quartiers les plus difficiles, le taux de chômage des jeunes est de l'ordre de 40 % à 50 %, voire 60 %. C'est une situation que la plupart d'entre nous méconnaissent.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-40 et II-46 rectifié, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 80 est supprimé.

Article 81



M. le président.
« I. - A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, les mots : "par les articles L. 241-6-1 et L. 241-6-2 du présent code, par l'article 7 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle et "sont remplacés par les mots : "par l'article L. 241-6-2 du présent code,
« II. - A l'article 1062-1 du code rural, les mots : "des articles L. 241-6-2 et" sont remplacés par les mots "de l'article".
« III. - Au II de l'article 39 et à l'avant-dernier alinéa de l'article 39-1 de la loi n° 93-1313 du 20 septembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, les mots : "par les articles L. 241-6-1 et L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale et par l'article 7 de la présente loi" sont remplacés par les mots : "par l'article L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale".
« IV. - Sont abrogés :
« 1° Supprimé ;
« 2° Les articles 1062-2 et 1062-3 du code rural ;
« 3° L'article 7 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 précitée.
« V. - Les dispositions du présent article sont applicables aux gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 1999. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-41 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-47 rectifié est déposé par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° II-100, le Gouvernement propose de rédiger ainsi l'article 81 :
« I. - A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, les mots "par l'article 7 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle et" sont supprimés.
« II. - Les dispositions du présent article sont applicables aux gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 1999. »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-41.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Madame le ministre, je vous remercie de vos remerciements. De remerciements en remerciements, nous terminerons certainement cette discussion de manière plus sereine !
L'amendement que nous avons déposé vise à supprimer l'article 81. Je rappelle que, à l'origine, cet article avait pour objet de supprimer les exonérations spécifiques de cotisations d'allocations familiales dont bénéficient quatre catégories d'entreprises, notamment - je me permets d'insister sur ce point - celles qui sont situées en zone de revitalisation rurale.
Permettez-moi tout d'abord de m'étonner de cette mesure qui contredit la pérennisation d'un dispositif que nous avions adopté voilà tout juste un an, lors du vote du projet de budget pour 1998.
Par ailleurs, sur le plan juridique, la rédaction retenue me semble imparfaite et imprécise, notamment en ce qui concerne la coordination et la modification des textes visés.
Enfin et surtout, mes chers collègues, je souhaitais vous indiquer que c'est le Gouvernement lui-même qui a reconnu implicitement le caractère improvisé, inopportun de cette mesure. Il a en effet, lors de l'examen de cet article à l'Assemblée nationale, rétabli de fait le bénéfice des exonérations au profit de trois des quatre catégories d'entreprises visées initialement par l'article. Cela constitue bien un aveu implicite du caractère inopportun de la mesure préconisée.
Nous demandons donc, madame la ministre, la suppression de cet article, que le Gouvernement a déjà vidé de l'essentiel de son contenu, et ce afin de ne pas légiférer dans la précipitation, comme vous l'avez vous-même reconnu lors des débats à l'Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-47 rectifié.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Je prendrai beaucoup de précautions et je m'aventurerai évidemment avec prudence sur ce terrain, qui est complexe.
Contrairement à ce qu'affirme l'exposé des motifs, cet article a moins pour objet de « rationaliser les dispositifs d'aide à l'emploi » que de revenir sur la possibilité de cumul entre la ristourne dégressive et l'exonération de cotisations d'allocations familiales, possibilité introduite par erreur par la loi du 13 juin 1998 pour certaines entreprises.
L'Assemblée nationale a rétabli la possibilité de cumul pour deux catégories d'entreprises. L'aticle 81, tel que nous l'examinons, comprend par ailleurs une erreur matérielle, puisqu'il fait référence à des articles L. 241-6-1 et L. 241-6-2 qui ne figurent pas dans le texte actuellement en vigueur du code de la sécurité sociale.
La commission des affaires sociales a adopté un amendement de suppression de cet article. Il ne lui appartient pas d'examiner l'amendement du Gouvernement en lieu et place de la commission des finances. Néanmoins, votre rapporteur observe qu'il avait considéré dans son rapport écrit qu'il appartiendrait au Gouvernement de présenter un nouveau texte juridiquement applicable correspondant à ses intentions et assorti d'un objet adéquat. Tel semble être le but de l'amendement présenté par le Gouvernement.
Toutefois, l'objet de l'amendement semble encore peu clair, le coût budgétaire de cette nouvelle rédaction n'est - à ma connaissance - pas estimé et la situation des entreprises éligibles au cumul d'exonérations entre le 13 juin et le 31 décembre 1998 n'est pas précisée. Compte tenu de ces zones d'ombre, je ne me sens pas autorisé à retirer l'amendement de suppression présenté par la commission des affaires sociales. Il appartiendra bien sûr au Gouvernement de clarifier ses intentions d'ici à la nouvelle lecture.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour présenter l'amendement n° II-100.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour répondre au souci de M. le rapporteur spécial, j'espère que nous allons terminer sur un accord.
Vous avez raison, nous pouvons - nous l'avons d'ailleurs dit partiellement à l'Assemblée nationale - renvoyer la simplification des exonérations au projet de loi qui, comme je l'ai rappelé, doit être déposé au cours du premier semestre 1999 et qui traitera du problème des charges patronales. Je pense notamment au maintien de cette exonération à côté de la ristourne dégressive. Quelques problèmes s'étaient posés au moment de la mise en place de celle-ci, empêchant la suppression complète de la mesure Balladur d'exonération des cotisations d'allocations familiales.
Je partage donc les préoccupations des auteurs des deux amendements, qui visent à repousser le problème des quatre catégories concernées à notre débat plus général sur les cotisations patronales, et à ne rien changer sur ce point aujourd'hui.
Cependant, plutôt que de supprimer purement et simplement l'article, je vous soumets une autre rédaction, qui prend en compte votre souci mais qui corrige par ailleurs une erreur matérielle relative au calcul avec la ristourne, erreur que vous aviez d'ailleurs soulevée, monsieur Souvet, dans votre rapport et devant la commission des affaires sociales. Celle-ci avait d'ailleurs estimé qu'« il appartiendra au Gouvernement de présenter un nouveau texte juridiquement applicable correspondant à ses intentions et de l'assortir d'un objet adéquat ».
Je crois avoir répondu aux préoccupations de la commission en corrigeant dans cet amendement cette erreur matérielle, tout en repoussant, comme vous le souhaitez, le problème des exonérations au débat général que nous aurons l'année prochaine.
Aussi, j'espère que vous accepterez de retirer vos amendements, qui sont pris en compte, encore une fois, dans l'esprit et dans la lettre, par le mien, lequel corrige par ailleurs une erreur qu'avait relevée la commission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-100 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vais exprimer une réflexion personnelle, car cet amendement ayant été déposé en séance, la commission n'a pu se réunir pour l'examiner.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à proposer une nouvelle rédaction pour l'article 81. Comme l'a dit Mme Aubry, deux éléments sont ici à considérer.
En premier lieu, nous sommes amenés à supprimer l'article 81 dans la rédaction que le Gouvernement avait lui-même proposée dans le projet de loi de finances initial.
En second lieu, le Gouvernement reconnaît que la rédaction initiale de l'article n'était pas satisfaisante et qu'il y avait lieu de reprendre cette question.
Ces deux points ont en effet été constatés tant par la commission des affaires sociales, comme M. Souvet l'a très clairement dit, que par la commission des finances. C'est en vertu des réactions que nous avons ainsi exprimées devant cette rédaction inadéquate que nous avons déposé nos amendements respectifs de suppression.
Le Gouvernement a choisi, mes chers collègues, de déposer en séance l'amendement de rectification que vient de présenter Mme le ministre. Bien entendu, nous examinons ce texte avec les moyens dont nous disposons, mais le sujet est très technique, et sans doute juridiquement assez complexe.
Me reportant aux débats à l'Assemblée nationale, j'ai relevé que le 10 novembre dernier, en répondant à l'un des intervenants, Mme le ministre avait reconnu qu'il y avait un problème. Il est sans doute un peu regrettable que nous n'ayons pas été saisis plutôt de cet amendement. Certes, nous avons tous beaucoup de choses à faire en même temps, madame le ministre. Le fait est que nous n'avons pas été véritablement en mesure d'expertiser la rédaction que vous nous proposez. S'agissant du fond, nous ne sommes sans doute pas très éloignés les uns des autres.
Nous pensons, par exemple - c'est un point parmi d'autres - que la nouvelle rédaction ne résout pas précisément la question du cumul des exonérations entre le 13 juin 1998 et le 1er janvier 1999.
Madame le ministre, nous aurons d'autres occasions de débattre très prochainement, notamment lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Nous préférerions faire de la législation bien ciselée, comme nous le demande souvent M. le président de la commission des finances, qui siège sous la statue de Portalis, qu'il aime à évoquer.
Aussi, pour éviter de légiférer dans la précipation, nous préférerions que le Gouvernement comprenne que nos amendements de suppression ne sont pas, sur le fond, si éloignés de sa propre démarche et qu'ils visent à lui permettre de prendre le temps nécessaire pour proposer une rédaction techniquement parfaite.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission émet un avis défavorable.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Permettez-moi de corriger un point dans les propos de M. le rapporteur général. Le texte qui vous est soumis reprend en partie la rédaction initiale de l'article du projet de loi de finances, qui, lui, était correct et qui rectifiait l'erreur de la loi du 13 juin 1998. C'est l'amendement de l'Assemblée nationale visant à réintégrer trois des quatre catégories que vous souhaitez exonérer qui a réintroduit cette erreur.
Il est vrai, néanmoins, que nous avons déposé cet amendement tardivement, pour corriger une erreur manifeste. Je pense que la confiance peut exister entre nous : nous reprenons totalement votre souhait, c'est-à-dire que nous maintenons l'exonération pour les quatres catégories que vous souhaitez exonérer et nous corrigeons une erreur qui ne figurait pas dans le projet de la loi de finances initial mais qui, malheureusement, figurait dans l'amendement adopté par l'Assemblée nationale
Certes, ce n'est pas un problème majeur, mais je ne comprendrai pas que, sur un point sur lequel nous sommes d'accord, nous ne parvenions pas à nous entendre, sauf à dire que tout accord est impossible dans cet hémicycle, ce que je ne veux pas croire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour montrer qu'il n'y a - bien entendu - aucune espèce d'animosité entre les commissions et le Gouvernement, sous le bénéfice des observations qui ont été présentées et en attendant, peut-être, que les choses soient davantage approfondies, la commission des finances retire son amendement.
M. le président. L'amendement n° II-41 est retiré.
L'amendement n° II-47 rectifié est-il maintenu ?
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. A titre personnel, je me rallie à la position de la commission des finances et je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-47 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-100.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 81 est ainsi rédigé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi.

II. - SANTÉ ET SOLIDARITÉ

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget de la santé et de la solidarité se caractérise par une structure particulièrement mouvante. Depuis douze ans que je rapporte ce budget, je n'ai jamais pu le faire dans la même configuration.
L'an dernier, j'avais espéré que la présentation retenue pour 1998 serait conservée pour les exercices suivants, et que le budget de la santé et de la solidarité trouverait enfin le minimum de stabilité nécessaire à sa lisibilité.
Tel n'est pas le cas, et je dois regretter une fois encore que la présentation des crédits soit à nouveau modifiée cette année.
En 1998, les deux fascicules distincts qui existaient depuis 1996, intitulés respectivement « Santé publique et services communs » et « Action sociale et solidarité » ont été fondus en un seul. Ce nouveau fascicule unique incluait, en outre, l'ancien fascicule « Ville et intégration », ainsi que les crédits consacrés à l'action sociale en faveur des rapatriés et les crédits de la mission interministérielle à la lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui étaient antérieurement inscrits au budget du Premier ministre.
Pour 1999, les crédits consacrés à la politique de la ville sont à nouveau présentés sous un fascicule distinct.
L'ensemble des crédits de la santé et de la solidarité ainsi définis s'élève, pour 1999, à 79,9 milliards de francs, en progression apparente de 9,2 % par rapport à 1998.
Toutefois, il convient de prendre en compte deux modifications de périmètre, de sens contraire : en moins, le transfert des crédits de la ville sous un fascicule à part, soit 755 millions de francs ; en plus, la prise en charge de l'allocation de parent isolé par le budget de l'Etat, pour un montant de 4,2 milliards de francs.
A structure constante, l'augmentation du budget de la santé et de la solidarité pour 1999 est de 4,5 %, à comparer au taux de progression de 2,6 % enregistré en 1998 par rapport à 1997. Tout cela nous ramène, mes chers collègues, à un débat que nous avons eu récemment à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur les taux de progression de nos dépenses sociales.
Il s'agit principalement d'un budget d'intervention, les dépenses du titre IV en constituant plus de 90 %. Celles-ci sont en progression de 10,3 % et expliquent l'essentiel de l'augmentation du budget. Les moyens des services sont en progression modérée de 2,6 %, tandis que les dépenses en capital sont en baisse de 26,7 % ; conformément à la tendance générale, constatée dans tous les projets de budget présentés cette année, l'équipement est sacrifié.
Outre les modifications de périmètre précédemment évoquées, le projet de budget de la santé et de la solidarité pour 1999 comporte une importante refonte de la nomenclature et des agrégats budgétaires. Selon la réponse qui m'a été faite, cette refonte vise à « donner ainsi une meilleure lisibilité des actions menées par le ministère ». Dans l'immédiat, je constate qu'elle interdit toute comparaison simple entre les deux exercices 1998 et 1999 dans l'évolution des crédits, et j'en suis pour ma part désolé.
Le projet de budget de la santé et de la solidarité est composé désormais de cinq agrégats de volumes très différents, deux d'entre eux en constituant à eux seuls près de 90 %.
Pour une présentation détaillée des crédits, je me permets de vous renvoyer à mon rapport écrit, mes chers collègues. Je tiens simplement à appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur six points qui me semblent poser quelques problèmes.
S'agissant tout d'abord des moyens en personnel, le ministère de la santé et de la solidarité se caractérise par le nombre des agents qui sont mis à sa disposition par les caisses de sécurité sociale et les établissements hospitaliers. Dans les services centraux, j'ai recensé 206 agents mis à disposition.
Ces mises à disposition sont particulièrement importantes à la direction de la sécurité sociale, qui emploie 44 personnes, et à la direction des hôpitaux, qui en emploie 98. Elles peuvent s'expliquer essentiellement par le souci de renforcer la capacité d'expertise des services concernés, mais elles risquent de mettre le ministère en contradiction avec la fonction de tutelle qu'il doit exercer par ailleurs sur les organismes d'origine des agents mis à disposition.
A cela, j'ajouterai que, dans les services déconcentrés, le recensement est plus difficile à faire ; mais, d'après mes estimations, le nombre de personnes mises à disposition serait de 110.
La situation serait à mon avis plus claire si ce personnel d'appoint n'était pas mis à disposition, c'est-à-dire payé par les organismes d'origine que sont les caisses ou les hôpitaux, mais rémunéré directement par le ministère. Tout à l'heure, j'entendais Mme la ministre souhaiter avoir un ministère exemplaire. Une modification de votre budget en vue de supprimer ces anomalies est nécessaire pour parvenir éventuellement à l'exemplarité sur ce point.
S'agissant par ailleurs de frais de justice et de réparation civile, je relève que la dotation de 10,9 millions de francs prévue pour 1999, identique à celle des années précédentes, est purement indicative. En pratique, les dépenses constatées en exécution sont toujours très supérieures. Cette année, le projet de loi de finances rectificative pour 1998 demande l'ouverture de 50 millions de francs complémentaires à ce titre. Voilà quelques années, on nous demandait plus de 150 millions de francs.
La présentation de ce poste de dépenses ne me paraît pas conforme au principe de sincérité budgétaire. Je l'ai dit et je le répète : cela doit être rectifié et supprimé.
J'observe en outre avec inquiétude la progression rapide des dépenses consacrées à la tutelle et la curatelle d'Etat. Ces crédits progressent de près de 10 % en 1999, pour s'établir à 571,5 millions de francs. Le plus important est non pas leur montant mais la justification de leur augmentation. L'évolution de ces crédits dépend des décisions judiciaires confiant à l'Etat des décisions de tutelle et de curatelle sur les personnes reconnues incapables : 21 000 décisions ont été rendues à ce titre en 1997, nombre en progression de 27 % par rapport à l'année précédente. Monsieur le secrétaire d'Etat, une telle hausse montre l'existence d'un vrai problème. Cette évolution résulte de la propension des juges des tutelles à écarter la famille au profit de l'Etat, en ignorant le caractère normalement subsidiaire de la tutelle publique. Je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour encadrer, voire pour corriger cette dérive.
Au-delà du cadre strict du projet de budget de la santé et de la solidarité, je me suis attaché à examiner cette année certaines insuffisances de la politique de santé publique. Pour cela, j'ai pu m'appuyer largement sur les travaux de la Cour des comptes, dont la contribution à l'information du Parlement, prévue par la Constitution, est irremplaçable. Le Sénat l'a renforcée en adoptant des amendements lui donnant des compétences élargies.
La Cour des comptes a rendu public, en juillet 1998, un rapport particulier sur le dispositif de lutte contre la toxicomanie, rapport qui est particulièrement critique à l'égard de la politique ministérielle. La Cour des comptes estime que la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie n'exerce pas de réel contrôle sur l'emploi des crédits et ne joue qu'un rôle réduit dans le domaine international. Elle estime également que les programmes et plans d'action gouvernementaux procèdent plus de la juxtaposition des préoccupations de chaque département ministériel que d'une véritable politique commune.
La Cour des comptes s'inquiète également des délégations d'attribution aux associations, qui sont d'usage en matière de lutte contre la toxicomanie. Elle estime que cette pratique fait obstacle à la coordination d'une politique nationale homogène sur tout le territoire, ainsi qu'à l'évaluation administrative et financière du dispositif. Enfin, la Cour des comptes estime que l'Etat n'a pas défini les axes prioritaires de la recherche en toxicomanie, ni mis en place l'organisation appropriée. Vous constaterez que des critiques nombreuses et fondamentales ont été formulées. Je voudrais donc savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles suites vous comptez donner aux observations de la Cour des comptes.
Je me suis par ailleurs intéressé au financement de la politique de lutte contre le cancer, à propos de laquelle j'ai récemment fait un rapport d'information que je vous ai adressé. Cette politique me paraît souffrir de graves lacunes. Après avoir largement consulté, j'ai formulé certaines propositions, que je crois pertinentes, afin de parvenir à une amélioration à cet égard. Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous l'intention d'adapter, de modifier ou de renforcer cette politique ?
Pourquoi n'avez-vous pas reconduit le Conseil national du cancer, créé en 1995 ? Enfin, comptez-vous harmoniser les modes de tarification des chimiothérapies et mettre à jour la nomenclature des actes de radiothérapie ? Que faites-vous pour développer l'interdisciplinarité, qui est vitale en cancérologie ? Allez-vous renforcer la cancérologie dans la formation initiale et continue des médecins ?
Ma dernière observation, beaucoup plus large, complète les points que nous avons développés lors du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale. Elle a trait au retard pris dans la mise en place des outils de régulation des dépenses d'assurance maladie, pour lesquels certains crédits budgétaires sont prévus.
Dans ce chapitre, je formulerai trois sous-observations. Tout d'abord, la dotation de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, est simplement reconduite en 1999, au niveau de 37,3 millions de francs. Alors que l'ANAES a été créée par les ordonnances du 24 avril 1996, la démarche d'accréditation ne sera officiellement lancée qu'au début de 1999. Le retard pris dans la mise en place de l'ANAES s'est traduit par des reports de crédits importants, qui atteignent près de 90 millions de francs au titre de 1997 et de 1998, et expliquent la stagnation apparente de sa dotation.
Ce retard est d'autant plus regrettable que l'ANAES apparaît comme un élément essentiel de la réforme du système de soins, qui doit contribuer à la transparence et à la rationalisation de l'allocation des ressources aux hôpitaux. Trouvez-vous normal, monsieur le secrétaire d'Etat, que la seule information comparative sur la qualité des établissements hospitaliers actuellement disponible soit le récent numéro spécial de Sciences et Avenir ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. C'est déjà ça !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Certes, mais c'est tout de même largement insuffisant pour un secrétariat d'Etat tel que le vôtre.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Vous avez raison !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Ma deuxième sous-observation porte sur le processus d'informatisation de l'assurance maladie, qui accuse un retard considérable.
A cet égard, le dernier rapport de la Cour des comptes au Parlement sur la sécurité sociale est particulièrement critique. Nous apprécions d'ailleurs beaucoup de pouvoir nous appuyer sur ce rapport, dont les observations sont incontestables.
La Cour des comptes estime que l'échéance du 31 décembre 1999 retenue pour la mise en place de la carte Vitale 2 n'apparaît plus réaliste. Elle s'inquiète également du futur équilibre économique de la concession de service public à Cegetel pour le réseau santé social, équilibre qui ne lui paraît pas garanti en raison de la concurrence potentielle d'Internet pour la télétransmission des feuilles de soins électroniques.
Plus généralement, la Cour des comptes estime « qu'aujourd'hui, la complexité du dispositif nécessite l'intervention d'un décideur capable d'anticiper et de suivre les options stratégiques, les échéances et les coûts. L'Etat, qui aurait dû jouer ce rôle, ne s'est pas, jusqu'à présent, mis en position de le faire ». On ne peut pas mieux dire !
La participation budgétaire de l'Etat à l'informatisation de l'assurance maladie est des plus modestes, puisqu'elle se limite à 1,450 million de francs de crédits prévus, en 1999 comme en 1998, pour les frais de fonctionnement du GIP « carte professionnelle de santé ». Je rappelle que la Cour des comptes estime à 7 milliards de francs les dépenses nécessaires à moyen terme pour la seule généralisation de la carte de santé Vitale 2.
Je ne saurais trop insister sur l'importance de l'informatisation du système de soins, qui est la pierre angulaire de la réforme engagée en 1996. Aucune maîtrise effective des dépenses de santé ne sera possible tant que les projets en cours ne seront pas opérationnels.
Troisième sous-observation, le budget de la santé et de la solidarité accueille également certaines dotations destinées à accompagner le nécessaire processus de rationalisation de l'offre hospitalière, qui est financé principalement dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale.
Les autorisations de programme prévues pour le fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers s'élèvent à 250 millions de francs seulement pour 1999, contre 503 millions de francs en 1998. Les crédits de paiement afférents sont simplement reconduits, au niveau de 150 millions de francs.
Cette diminution des crédits s'explique par la lenteur du processus de sélection des dossiers. Le fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers est pourtant essentiel, puisqu'il a pour mission d'accompagner les opérations de restructuration.
Les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, dont l'autorité avait été fragilisée l'an dernier par une polémique que je qualifie de mesquine sur le niveau de rémunération de leurs directeurs, ne sont plus contestées désormais. Leur dotation budgétaire apparaît toutefois modeste.
Les crédits consacrés aux ARH sont accrus de 5 millions de francs en 1999, pour s'établir à 107,7 millions de francs, soit une hausse de 4,9 %. Cette mesure d'ajustement est destinée à financer la réalisation des schémas régionauxs d'organisation sanitaire, les SROS, de seconde génération.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez leur apporter le soutien nécessaire lorsqu'elles auront à prendre des décisions difficiles.
Je ne saurais trop insister sur l'importance des ARH pour le processus d'ajustement des dotations hospitalières aux besoins réels de la population, ainsi que pour la réduction des inégalités entre les régions qui, comme vous le savez, varient de 1 à 3.
Mes chers collègues, il me reste à vous indiquer la position de la commission des finances sur le budget de la santé et de la solidarité pour 1999.
Tout d'abord, votre commission vous propose d'adopter sans modification les trois articles qui sont rattachés à ce budget.
L'article 82 transfère à l'Etat la charge du financement de l'allocation de parent isolé.
L'article 83 bascule automatiquement les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés sur le minimum vieillesse lorsqu'ils atteignent l'âge de soixante ans, et je sais que notre collègue M. Chérioux y est attaché.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je vais conclure, monsieur le président.
Enfin, l'article 84 encadre par un système d'enveloppe fermée les dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'Etat.
En revanche, la commission des finances a estimé que ce budget justifiait, outre les réductions de crédits forfaitaires proposées pour tous les ministères, certaines économies.
M. le président. Il vous faut vraiment conclure !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. La première de ces économies ciblées concerne l'allocation de parent isolé et porte sur 200 millions de francs.
Conformément au souhait de la Cour des comptes, la seconde de ces économies ciblées porte sur le RMI. Elle concerne 1,3 milliard de francs et représente 5 % des crédits du RMI. Ceux-ci augmentent de 4,3 % alors que l'emploi s'améliore, ce qui paraît tout à fait excessif et démontre que vous n'avez pas le contrôle de la situation.
Tout en modérant ainsi leur progression, la commission des finances vous demande d'adopter les crédits de la santé et de la solidarité pour 1999. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement pour la République, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, incontestablement, le budget dela solidarité pour 1999, qui augmente de 4,73 % à structure constante, fait largement appel aux marges de manoeuvre dégagées par la croissance. Or l'on voit aujourd'hui, hélas ! combien les prévisions comportent d'aléas en cette matière.
Il est toujours tentant de juger un budget à la lumière des augmentations nominales de crédits obtenus par le ministre durant la négociation budgétaire. Dans le domaine social, ce raisonnement se heurte toutefois à l'ampleur des besoins non satisfaits. Qu'il s'agisse d'améliorer les conditions de vie des plus démunis, de lutter contre tous les facteurs qui freinent l'intégration des handicapés dans la société, d'accueillir les sans-abri ou de réinsérer les titulaires de minima sociaux, le présent budget ne saurait assurer la couverture de toutes les dépenses potentielles.
C'est pourquoi, pour apprécier ce budget, il faut examiner s'il s'accompagne d'un effort de maîtrise accrue des dérives de coût possibles dans le secteur social. Dépenser « plus » importe moins que dépenser « mieux », c'est-à-dire offrir plus de prestations ou les répartir plus équitablement, à niveau budgétaire constant.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. En effet !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Vous le voyez, je commence bien, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas mal !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Parmi les points de satisfaction, la commission des affaires sociales a relevé tout d'abord la poursuite de l'engagement en faveur des personnes handicapées, notamment en matière de création de places d'hébergement supplémentaires dans les maisons d'accueil spécialisé ou les centres d'aide au travail.
Cela étant, Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a déclaré récemment, devant le conseil supérieur des travailleurs handicapés, qu'elle souhaitait assurer le financement des équipes de préparation et de suivi du reclassement non plus par une dotation budgétaire, comme prévu pour 1999, mais par l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH. Il serait intéressant, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous apportiez des éclaircissements sur ce point.
Par ailleurs, la commission a tenu à souligner que, malgré les progrès médicaux, l'état des malades atteints d'une maladie évolutive grave soulevait toujours des incertitudes et que le régime de l'allocation adulte handicapé devait en tenir compte.
Par rapport à l'année dernière, nous avons également apprécié que les crédits d'action sociale de l'Etat tirent les conséquences de la loi du 29 juillet dernier relative à la lutte contre les exclusions.
Concernant l'accueil d'urgence, il nous apparaît qu'au-delà de la rénovation des dortoirs collectifs les plus inconfortables et les moins séduisants il devient essentiel de permettre une meilleure mobilisation des places disponibles lorsque les conditions climatiques se dégradent. C'est donc l'appareil d'accueil et d'orientation que l'Etat doit contribuer à soutenir pour en faire un véritable service public continu et efficace.
En revanche, au regard de la nécessaire maîtrise des coûts, la commission des affaires sociales s'est inquiétée de l'évolution particulièrement préoccupante de deux postes.
Le RMI aborde sa dixième année de fonctionnement avec plus d'un million d'allocataires, et ce nombre devrait augmenter de 3 % en 1999. Alors que nous entrons dans une période considérée comme une période de croissance plus riche en créations d'emplois, il est difficile d'accepter que les effectifs du RMI continuent d'augmenter plus vite que le PIB !
Peut-être aviez-vous déjà connaissance de ces éléments, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque le Gouvernement a décidé tout récemment de prendre en matière de RMI des mesures qui, elles, semblent aller dans le bon sens !
L'ensemble des outils dont s'est doté le Gouvernement pour assurer un nouveau départ aux chômeurs de longue durée doit être mobilisé pour obtenir des résultats plus significatifs sur les taux de sortie du RMI.
Il faut faire comprendre - y compris en contrôlant mieux - que le RMI est non pas un dispositif où l'on peut s'installer durablement, mais une étape avant de retrouver le chemin de l'insertion, faute de quoi l'on s'exposerait à une contestation croissante. Et, effectivement, les mesures que vous avez prises vont dans le bon sens.
Par ailleurs, les décisions de mise en tutelle et sous le régime de la curatelle d'Etat continuent de progresser de plus de 10 % par an - M. le rapporteur spécial s'en est ému - dans un contexte démographique défavorable, mais qui n'explique pas tout. Sur ce dossier, plutôt que des correctifs partiels qui entraînent le mécontentement des associations et des usagers, c'est bien une véritable réforme qui doit être lancée, en concertation avec le ministère de la justice, afin de redéfinir le rôle des familles et de clarifier les conditions dans lequelles les juges peuvent décider du recours à la tutelle par un tiers.
Comme chaque année, la présentation de cet avis donne à votre commission des affaires sociales l'occasion de dresser le bilan des dépenses d'action sociale et médico-sociale prises en charge par les collectivités locales.
Celles-ci ont augmenté de 2,7 % en 1997, ce qui semble confirmer la poursuite de l'accalmie observée depuis 1995 après l'explosion du début des années quatre-vingt-dix. Cette accalmie nous est apparue pourtant trompeuse, car l'avenir est lourd de menaces.
Les évolutions démographiques, la question nouvelle de la prise en charge des adultes handicapés âgés, la judiciarisation croissante de la protection de l'enfance et le fardeau de l'exclusion sociale constituent autant de tendances lourdes propices à une reprise forte de la demande au cours des prochaines années.
La situation est aggravée par les récentes réformes du Gouvernement, qui ne peuvent qu'entraîner un renchérissement du coût des prestations de l'appareil social et médico-social.
Tout d'abord, la mise en oeuvre des emplois-jeunes a un effet de surcoût immédiat pour les associations, qui conservent à leur charge au minimum 20 % du coût de la rémunération des personnes embauchées. Mais c'est surtout dans cinq ans qu'une demande forte apparaîtra en faveur de l'embauche par les associations des emplois-jeunes, cette fois-ci à part entière, sur des postes dont on nous dit déjà qu'ils doivent être « professionnalisés ».
Ensuite, la réduction du temps de travail dans le secteur social et médico-social est particulièrement onéreuse, dans la mesure où les gains de productivité susceptibles d'en compenser les effets sont faibles, voire inexistants. L'émiettement des structures et des budgets et le fait que les personnels travaillent face à des hommes et non à des machines appellent inévitablement le recours à de nombreuses embauches compensatrices.
Certains estiment à 2 % l'augmentation des dépenses salariales pendant la période aidée par l'Etat. Mais le surcoût peut varier entre 5 % et 8 % selon les secteurs à l'issue de cette période. C'est donc une menace pour l'avenir.
Enfin, la nouvelle définition de la notion de travail effectif, issue de la jurisprudence et corroborée par la loi du 13 juin 1998, remet en cause les accords conventionnels sur le calcul de la rémunération des périodes d'astreinte, ce qui peut entraîner des variations de 6 % à 8 % des dépenses de personnel dans les établissements selon les secteurs, ce qui est considérable.
C'est dans ce climat, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez choisi d'instituer le dispositif du taux directeur opposable dans le secteur social et médico-social, dont le financement est assuré par le budget de l'Etat et par l'assurance maladie.
Nous soutenons, bien entendu, votre démarche car, depuis deux ans, nous demandons la mise en place d'un système d'enveloppes réellement limitatives afin de freiner le caractère inflationniste des dépenses dans ce secteur, où les accords tarifaires peuvent être constamment remis en cause par la voie contentieuse. Nous vous proposerons, par cohérence, d'étendre le taux directeur au secteur financé par les départements.
Mais, pour autant, le taux directeur opposable ne doit pas devenir un garrot pour les associations gestionnaires.
M. Guy Fischer. C'est pourtant ce qu'il va devenir !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Le nouveau dispositif tarifaire ne prendra son sens que si l'Etat évalue régulièrement les facteurs d'évolution de la dépense qui dépendent de ses propres décisions et ceux dont la responsabilité incombe aux gestionnaires.
Parmi ces dépenses, il faut souligner l'incidence des normes techniques, génératrices d'investissements très lourds. Aucune coordination ne semble être assurée pour éviter que convergent sur les associations et les collectivités locales concernées des demandes impératives de remises aux normes sous la menace d'engagement de responsabilité en cas de carence. Il faut évaluer le surcoût imputable aux normes techniques !
Pour ce qui est de l'évolution des dépenses de personnel et du rôle que jouent les conventions collectives, un facteur incompressible d'évolution de la dépense au cours des prochaines années tient au « glissement vieillesse technicité », qui entraînera inéluctablement une progression de un à deux points par an de la dépense.
L'Etat, d'une manière générale, doit faire le point sur les surcoûts imputables aux récentes réformes que je viens d'évoquer, ainsi que sur les clauses des conventions collectives qui aboutissent à donner aux personnels de droit privé du secteur associatif un statut qui est parfois très proche de celui d'une quasi-fonction publique, alors que le recours aux associations a pour objet - du moins le prétend-on - de permettre une gestion plus souple.
Enfin, les conséquences financières des avenants aux conventions collectives devront être évaluées aussi bien pour l'Etat que pour les départements employeurs avant tout agrément ministériel, contrairement à ce qui avait été constaté lors de l'agrément des accords Durieux-Durafour.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu de ces observations, en particulier des inquiétudes qu'elles comportent, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption du projet de budget relatif à la solidarité tel que transmis par l'Assemblée nationale.
Bien entendu, cet avis ne préjuge pas les votes qu'elle sera amenée à formuler sur le budget tel qu'il pourrait être amendé sur l'initiative de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La paroles est à M. Louis Boyer, rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'aborder l'analyse du budget de la santé pour 1999, je voudrais rappeler que, depuis l'institution des lois de financement de la sécurité sociale, je n'évoque plus dans mon rapport la politique d'assurance maladie. Ce rapport concerne deux agrégats intitulés « Politique de santé publique » et « Offre de soins » du budget de la santé et de la solidarité, qui représentent au total 3,79 milliards de francs et qui affichent une très légère progression de 0,2 % par rapport à ceux qui ont été ouverts en lois de finances pour 1998.
Cependant, si l'on tient compte de la débudgétisation du financement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie, cette progression représente 3,6 % à structure constante.
Nous ne pouvons que nous en féliciter, car la commission des affaires sociales a constamment défendu l'idée selon laquelle les crédits du budget de la santé, à condition, bien sûr, d'être convenablement utilisés, étaient utiles et méritaient des redéploiements en provenance d'autres secteurs de l'action publique. Notre système de santé demeure, en effet, trop orienté vers le curatif, et le budget de la santé est le premier outil d'impulsion pour le financement d'actions préventives et d'adaptation de l'offre de soins.
J'évoquerai, d'abord, les priorités de ce budget telles qu'affichées par le Gouvernement, et, en premier lieu, celle qui concerne particulièrement la commission des affaires sociales du Sénat, à savoir la mise en oeuvre de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la sécurité et de la veille sanitaires.
Le projet de loi de finances prévoit en effet les crédits nécessaires à l'installation, dès le début de l'année prochaine, des trois nouveaux établissements publics institués par cette réforme : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut de veille sanitaire.
La première agence, qui contrôlera l'ensemble des produits de santé, profitera de l'essentiel des crédits, soit 119 millions de francs, plus une subvention destinée à financer des activités de recherche. Sur ces 119 millions de francs, près de 85 millions proviennent de transferts : 80,5 millions de francs correspondent à la subvention de l'Etat à l'ancienne Agence du médicament, et s'y ajoutent des transferts d'emplois, au nombre de vingt-sept, en provenance de l'administration centrale ou de l'Agence française du sang, représentant 4,5 millions de francs environ.
Les mesures nouvelles, qui doivent accompagner l'extension des missions de la nouvelle agence par rapport à celles de l'Agence du médicament, s'élèvent à 34,9 millions de francs. Ces crédits permettront notamment la création de soixante et un emplois.
La deuxième agence de sécurité sanitaire, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, disposera d'un budget bien moins élevé, avec un total de subventions de l'Etat de 31,4 millions de francs.
Au sein de ces 31,4 millions de francs, la contribution du budget de la santé est assez modeste ; elle s'élève à 8 millions de francs. La majeure partie de ces crédits correspondent, en fait, au transfert à l'agence du laboratoire d'hydrologie et à des subventions accordées, comme l'an dernier, à l'observatoire des consommations alimentaires. Les mesures nouvelles, qui situent l'effort du ministère de la santé pour créer une strucutre véritablement nouvelle, s'élèvent à 3 millions de francs seulement.
Troisième établissement public institué par la loi du 1er juillet 1998, l'Institut de veille sanitaire prend la suite, en quelque sorte, du réseau national de santé publique. Il bénéficiera d'une subvention de 62,5 millions de francs, dont plus du tiers sont des moyens nouveaux. Le reste des crédits correspondent, outre la subvention à l'ancien réseau national de la santé publique, aux moyens des registres de pathologies et à 3 millions de francs qui étaient antérieurement affectés aux observatoires régionaux de la santé.
Lorsque j'ai interrogé le ministre, en commission, sur ce dernier transfert, il a répondu que les 3 millions de francs ne feraient que transiter par l'Institut de veille puisqu'ils devraient être consacrés aux observatoires régionaux pour financer la maintenance des tableaux de bord. La fédération des observatoires régionaux de la santé, que nous avons interrogée à ce sujet, estime cependant que, lorsqu'ils reviendront aux observatoires, ces 3 millions de francs se réduiront au mieux à 2,49 millions ; ils seront en effet soumis à la TVA, sans tenir compte des éventuels frais de gestion de l'Institut de veille sanitaire.
La commission des affaires sociales souhaiterait, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir des précisions sur ce point.
Je ne voudrais pas clore le sujet de la mise en oeuvre de la réforme de la sécurité sanitaire sans évoquer les péripéties concernant la gestion des crédits ouverts en loi de finances pour 1998 pour l'installation des trois établissements publics créés par cette réforme.
Vous vous en souvenez, l'an dernier, nous avions voté, à ce titre, l'ouverture de 80 millions de francs de crédits. Dans la mesure où cet argent n'a pas encore été utilisé, les agences n'étant pas encore créées, un arrêté du 21 août dernier est venu annuler 34 de ces 80 millions de francs, un décret d'avances ouvrant, par ailleurs, des crédits d'un montant identique de 34 millions de francs pour financer les Etats généraux de la santé.
Restaient donc, au 21 août, 46 millions de francs pour les futures agences !
Aujourd'hui, le projet de loi de finances rectificative pour 1998 vient quelque peu compenser cette perte en demandant l'ouverture de 9 millions de francs supplémentaires. On aura donc, au titre de 1998, 55 millions de francs pour l'installation des nouvelles agences, dont on peut supposer qu'ils seront reportés sur 1999 et viendront donc s'ajouter aux crédits ouverts par le présent projet de loi de finances.
La commission voudrait s'assurer, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'ensemble de ces crédits seront bien reportés et elle aimerait connaître leur répartition entre les deux agences et l'Institut de veille sanitaire.
On ne peut donc que constater que la « cagnotte » des 80 millions de francs aura été bien utile, cette année, aux services du ministère de la santé pour financer temporairement d'autres opérations et qu'elle se trouve réduite, en fin d'année, de 25 millions de francs.
La seconde priorité gouvernementale affichée, cette année, dans le budget de la santé est la lutte contre les exclusions et la mise en oeuvre des programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins, institués par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Le Gouvernement indique que 250 millions de francs, dont 194 millions de francs de mesures nouvelles, seront affectés à ces programmes.
L'appréciation de cet effort doit tenir compte d'un certain nombre d'effets d'optique, mais aussi de quelques effets de « yoyo budgétaire ».
Des effets d'optique, car l'effort annoncé en faveur de la lutte contre les exclusions rassemble des actions qui sont également prises en considération dans d'autres domaines de l'action gouvernementale. Ainsi, l'institution de consultations d'alcoologie dans les centres d'hébergement peut être inscrite, en affichage, au titre de la lutte contre l'exclusion, à condition de ne pas être comptabilisée deux fois et d'être rappelée comme mesure nouvelle de lutte contre l'alcoolisme. Il en est de même pour les vingt-cinq « points d'écoute » destinés au jeunes toxicomanes.
Il faut aussi tenir compte des effets de « yoyo budgétaire ». Ainsi, le Gouvernement annonce le quasi-doublement des crédits de l'article 40 du chapitre 47-11, intitulé « Interventions sanitaires en direction de publics prioritaires ». Si l'on doit se féliciter d'une telle progression, il convient aussi de rappeler que ces mêmes crédits avaient été réduits d'un tiers, l'an dernier, dans la loi de finances pour 1998.
Je voudrais maintenant évoquer la lutte contre les grands fléaux sanitaires.
La lutte contre la toxicomanie, d'abord, bénéficiera de plus d'un milliard de francs de crédits, soit plus du tiers du budget de la santé. Ces crédits se répartissent en 815 millions de francs au titre des crédits du ministère et de 236 millions de francs pour la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie. Ces derniers, après avoir progressé de 27 % l'an dernier, sont réduits de 19,5 % cette année, une partie des crédits n'ayant pas été consommés et devant faire l'objet d'un report.
Depuis l'entrée en fonctions du Gouvernement, se fait attendre un plan triennal d'action qui n'a toujours pas vu le jour. Il est vrai qu'un rapport de la Cour des comptes a critiqué les plans précédents, notamment leur impréparation et l'insuffisante évaluation des politiques déjà mises en oeuvre. A tout le moins peut-on espérer que, compte tenu de ses délais d'élaboration, le futur plan, s'il doit voir le jour, ne s'exposera pas à de telles critiques ?
Le chapitre 47-18, jusqu'ici exclusivement consacré à la lutte contre le sida, est élargi cette année à la lutte contre l'ensemble des maladies transmissibles, notamment l'hépatite C. Ses crédits, qui s'élèvent à 523,5 millions de francs, sont en progression de 50 millions de francs. Cete progression permettra, à hauteur de 16 millions de francs, d'améliorer le dépistage, la prévention et la surveillance épidémiologique de l'hépatite C, ce qui est une bonne chose.
En revanche, la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme est toujours le parent pauvre du budget de la santé. Une fois de plus, je souhaite dénoncer, outre l'indigence des crédits, le fait que, pour faire meilleure figure, le budget de la santé ne distingue pas les crédits de la lutte contre le tabagisme de ceux de la lutte contre l'alcoolisme.
Sur les 90 millions de francs ouverts dans le projet de loi de finances, les crédits de la lutte contre l'alcoolisme représenteraient, selon le ministère, environ 88,5 millions de francs et ceux de la lutte contre le tabagisme de 1,5 million de francs à 2 millions de francs.
L'an dernier, nous avions évoqué le manque de transparence des actions menées par le comité national de lutte contre le tabagisme, le CNCT, qui reçoit l'essentiel des crédits de la lutte contre le tabagisme ouverts chaque année en loi de finances. Un rapport de l'IGAS, en cours d'année, nous a donné raison.
Le ministère semble avoir choisi de ne pas reprendre en main lui-même la politique de lutte contre le tabagisme et de continuer à privilégier la solution CNCT, à condition que cette association accepte de renouveler ses instances dirigeantes.
M. le président. Mon cher collègue, j'en suis désolé, mais il va vous falloir conclure.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis. Je termine, monsieur le président.
La réponse à notre questionnaire budgétaire, cette année, n'est pas plus détaillée que celle des années précédentes : elle ne fait mention d'aucune précision, ni de délai ni de contenu, pour décrire l'exigence ministérielle. J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir des précisions sur ce point.
Je voudrais, enfin, évoquer certains crédits budgétaires destinés à l'offre de soins, notamment les crédits destinés à l'organisation des soins et aux secours d'urgence.
Les crédits déconcentrés régressent de 16 millions de francs à 10,5 millions de francs. Nous souhaitons obtenir des précisions sur les raisons d'une telle baisse.
Cette année, alors qu'il faudrait accélérer les opérations de restructuration, le fonds ne sera doté que de 250 millions de francs en autorisations de programme et de 150 millions de francs en crédits de paiement. On ne peut que regretter cette décision, d'autant qu'elle est malheureusement en phase avec la décision prise, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, de ne pas réorienter plus de financements de l'assurance maladie vers le fonds d'accompagnement social des restructurations hospitalières.
Compte tenu de l'ensemble de ces observations, la commission a émis un avis de sagesse pour l'adoption des crédits de la santé pour 1999. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 22 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 13 minutes.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année encore, les crédits consacrés à la santé et à la solidarité enregistrent une progression substantielle.
Ce budget s'articule principalement autour de deux axes : le développement social et la lutte contre l'exclusion.
Si le développement social constitue, à mes yeux, une priorité fondamentale quant à l'épanouissement de la personne humaine, laissez-moi faire le choix du second axe de votre budget, la lutte contre l'exclusion, pour expliciter ma position quant à cette politique.
S'agissant des crédits consacrés aux politiques d'intégration et de la lutte contre les exclusions, qu'il me soit permis d'apprécier à sa valeur l'importance des crédits, en augmentation de 18,9 % par rapport au budget de 1998, puisqu'ils traduisent la mise en oeuvre de la loi du 29 juillet 1998 et s'inscrivent dans les priorités du Gouvernement.
Il nous appartient de garantir à chacun l'accès aux droits fondamentaux qui sont ceux de chaque citoyen, qu'il s'agisse des sans-abri récemment victimes de la vague de froid ou de cette jeune femme morte de faim à son domicile parce qu'elle se sentait exclue de la société. Il est de notre devoir de citoyen, et à plus forte raison d'élu, de consacrer une part substantielle des crédits au traitement de ce que nous pouvons aujourd'hui qualifier de fléau de cette fin de siècle.
Depuis 1946, la protection de la santé est un principe de valeur constitutionnelle, et nous nous devons de le respecter et de le faire respecter ; c'est le droit à la santé.
C'est la raison pour laquelle il faut consentir les efforts nécessaires à l'accueil de ces personnes.
Certes, les crédits permettront de créer 500 places supplémentaires dans les centres d'hébergement et de réadaptation sociale. Mais s'il est indéniable que ce chiffre est important, il est vrai aussi qu'il est encore trop insuffisant.
La politique d'insertion et de lutte contre l'exclusion se traduit également par le revenu minimum d'insertion, institué voilà tout juste dix ans. En progression de 4,3 %, les crédits consacrés à l'allocation du RMI représentent 26,4 milliards de francs.
Au risque de choquer, je ne crois pas que nous devrions nous en réjouir. Certes, cette augmentation résulte de la revalorisation de l'allocation, mais aussi - je le déplore - de l'augmentation du nombre de bénéficiaires. Au premier semestre de cette année, plus d'un million de personnes percevaient le RMI.
Cette situation me préoccupe d'autant plus que le nombre d'allocataires du RMI en Guyane - près de huit mille personnes au 31 décembre 1997 - ne cesse de progresser.
Ce que certains pourraient considérer comme une avancée sociale s'apparente en réalité à un véritable échec.
Outre l'insuffisance de sa revalorisation, force est de constater que le revenu minimum d'insertion ne constitue plus un moyen d'insertion pour les personnes vivant dans la précarité. Notre devoir est de redonner l'espoir à ces personnes, pour qui vivre dignement est un combat de tous les jours. Pour autant, le revenu minimum d'insertion n'apparaît plus comme la solution la mieux adaptée.
Ne pourrait-on pas envisager d'instituer, par exemple, un revenu minimum d'activité, qui pourrait être versé en échange d'un travail accompli au sein de la collectivité ? C'est aussi un principe de valeur reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, article 23 : le droit au travail.
S'agissant des crédits consacrés à la santé, qu'il me soit permis de vous faire part de mon sentiment d'insatisfaction pour ce qui concerne les crédits alloués à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est déroutant de constater que ces crédits sont très nettement insuffisants. Pourtant, les ravages occasionnés par ces deux fléaux ne sont plus à démontrer et touchent de plus en plus de jeunes. Les conséquences désastreuses méritent - ne croyez-vous pas ? - que l'Etat engage une réelle politique de lutte.
J'aurais pu m'attarder plus longtemps sur l'examen des crédits qui nous sont proposés ; mais, dans le temps qui m'est accordé, je manquerais à mes devoirs d'élu de Guyane si je ne profitais pas de l'occasion qui m'est donnée d'intervenir à cette tribune pour aborder la question de la précarité du système de santé en Guyane.
Comprenez mon étonnement de constater que les problèmes dont j'avais fait état lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998 sont malheureusement encore d'actualité. J'avais indiqué à cette tribune la nécessité de mettre en place une véritable politique de santé en Guyane. Je le réaffirme solennellement aujourd'hui : la sécurité sanitaire en Guyane n'est toujours pas assurée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'avais, l'an dernier, attiré votre attention sur l'endémie palustre qui ne cesse de se développer dans notre département et sur l'urgence qu'il y avait à combattre ce fléau, principalement en accordant le remboursement des médicaments antipalustres.
Je sais que l'admission au remboursement de ces médicaments suppose une procédure préalable qui met en jeu une commission de la transparence chargée de donner un avis d'ordre technique et un comité économique qui fixe le prix des médicaments.
Or la commission de la transparence a été saisie cet été.
Pourquoi avoir attendu si longtemps, alors que vous m'aviez donné l'assurance l'année dernière à cette même tribune que vous prendriez les dispositions nécessaires pour favoriser l'accès des populations aux traitements ? Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que cet avis soit rendu ? N'oublions pas que le paludisme est toujours aussi préoccupant et que les médicaments ne sont toujours pas remboursés.
Au mois de décembre dernier, une mission de l'IGAS, dont les conclusions sont aujourd'hui connues, s'est rendue en Guyane afin de procéder à un audit sur les centres de santé. Le 6 juin dernier, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer a annoncé à la préfecture de la Guyane l'accord sur le principe de la reprise en main des soins curatifs dans les centres de médecine collective en 1999 et la mise en place d'une mission d'évaluation, comprenant un directeur des hôpitaux et un médecin, pour établir la situation exacte. Pourquoi cette mission ? La décision de la prise en charge des soins curatifs par l'Etat a-t-elle été prise ?
L'année dernière, vous m'aviez également indiqué, ainsi qu'en fait foi le Journal officiel des débats du Sénat, qu'il était envisagé de demander des crédits exceptionnels pour parer au plus pressé en matière de soins curatifs - remplacement des équipements de base, approvisionnement, recrutement et rémunération des personnels. Or, rien n'a été fait jusqu'à présent. Pourquoi ?
Vous conviendrez pourtant avec moi, monsieur le secrétaire d'Etat, que la gravité de la situation sanitaire de la Guyane exige des actions et des financements exceptionnels.
Les structures de médecine collective sont pour certaines dans un état déplorable. L'état de délabrement est indéniable : mauvaises conditions d'hygiène, insuffisance de ventilation dans les salles de soins, pour ne citer que ces exemples. Face à cette situation, les médecins et les infirmières sont découragés et ne demandent surtout pas le renouvellement de leur affectation. Les moyens humains, matériels et budgétaires, mis en exergue dans le rapport Merle, sont très insuffisants et ne peuvent pas répondre aux besoins de la population.
Il est inadmissible et indigne qu'un département français souffre d'une telle déficience de son système de santé.
Malheureusement, la collectivité départementale de la Guyane ne peut plus faire face à ses responsabilités en matière de médecine curative, notamment en raison de la croissance de ses charges d'aide sociale. Toutefois, qu'il me soit permis de rappeler que les transferts financiers n'ont pas suivi les transferts de compétences en la matière, ce qui occasionne un manque à gagner pour cette collectivité d'un montant de plus de 500 millions de francs. En effet, la Guyane est confrontée à une très forte immigration, souvent clandestine, en provenance du Brésil, du Surinam, du Guyana ou d'Haïti.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je terminerai mon propos par une question qui me préoccupe particulièrement.
Compte tenu du nombre de bénéficiaires de thérapies gratuites relevant de la sécurité sociale, une convention a été ratifiée par l'Etat, la DDASS et le département. Cette convention prévoit le reversement par la sécurité sociale au conseil général de la Guyane de sommes gelées depuis plusieurs années. Aujourd'hui, la dette due par la sécurité sociale n'a toujours pas été versée. Or, sans moyen financier, le conseil général ne peut pas poursuivre les importants travaux que nous estimons nécessaires. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles dispositions comptez-vous prendre pour contraindre la sécurité sociale à payer sa dette ?
La situation sanitaire de la Guyane exige des efforts considérables, mais indispensables. Je forme l'espoir que, cette fois-ci, vous m'entendrez et que l'affirmation de votre volonté sera forte et grands les efforts que vous déploierez rapidement pour que la situation sanitaire de la Guyane retrouve une bonne santé.
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le développement des soins palliatifs constitue une sujet essentiel, trop rarement pris en compte par les pouvoirs publics. En France, si l'on excepte les initiatives que nous avons décidées en faveur d'une meilleure prise en charge de la douleur - mais elles débordent très largement le seul cadre de l'accompagnement des mourants - il faut remonter à 1986 pour trouver une circulaire du ministère de la santé « relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades en phase terminale ». Une circulaire fort bien faite, d'ailleurs, et qui a eu quelques effets significatifs. Mais une simple circulaire n'a pas la force d'une loi, qui, elle, exprime une volonte politique.
Or, aujourd'hui, l'état des lieux montre une situation très insuffisante, avec quelque 550 lits de soins palliatifs très inégalement répartis sur l'ensemble de notre territoire - il existe encore des zones entièrement noires - alors que la petite Belgique compte environ 400 lits en unités hospitalières, auxquels il faut ajouter les nombreux lits à domicile grâce aux équipes non hospitalières et aux associations reconnues et financées par l'Etat.
Certes, au cours des deux dernières années, les pouvoirs publics et l'ordre des médecins ont pris conscience de la nécessité de faire évoluer les choses, en agissant principalement en direction des professionnels de santé.
Ainsi, la réforme des études médicales a ajouté les soins palliatifs à la liste des enseignements obligatoires du deuxième cycle, et ils constituent un des thèmes jugés prioritaires devant faire l'objet de séminaires. Mais cette réforme est insuffisamment appliquée par l'ensemble des facultés de médecine.
De son côté, l'ordre des médecins a accepté d'entreprendre une oeuvre salutaire en modifiant profondément le code de déontologie des médecins. Ses articles 37 et 38, en particulier, disposent désormais que « le médecin doit, en toutes circonstances, s'efforcer de soulager les souffrances, assister moralement le malade et éviter toute obstination déraisonnable. Le médecin doit aussi » - c'est un point sur lequel j'attire l'attention parce qu'il répond à certaines impatiences - « accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et des mesures appropriées la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. »
Toutefois, de nombreux obstacles demeurent. Je crois ainsi que les blocages qui freinent le développement des soins palliatifs sont tout à la fois de nature réglementaire et de nature culturelle. Il faut également tenir compte de l'insuffisance - pour ne pas dire de l'inexistence, actuellement - des crédits budgétaires.
Je ne chercherai pas à hiérarchiser ces obstacles. Il me semble que seule une action coordonnée dans ces trois domaines est susceptible de faire évoluer les choses.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je suis favorable, comme l'ensemble des sénateurs de toutes tendances du groupe d'études de la commission des affaires sociales du Sénat, à ce que le Parlement soit appelé à réfléchir rapidement à la définition d'une véritable politique de développement des soins palliatifs. Celle-ci pourrait notamment avoir sa place dans la perspective d'une politique globale de la santé publique et du droit des malades.
La Belgique a su le faire. Dès le 19 août 1991, un arrêté royal relatif au financement des soins palliatifs faisait allusion à « l'aide et l'assistance pluridisciplinaire qui sont dispensées à domicile, dans un hébergement non hospitalier » - on pense aux maisons de personnes âgées - « ou dans un hôpital afin de rencontrer globalement les besoins physiques, psychiques et spirituels des patients durant la phase terminale de leur maladie et qui contribuent à la préservation d'une qualité de vie ».
La loi belge du 21 décembre 1994 instituait le droit pour tout travailleur du secteur public ou privé d'interrompre pour deux mois sa carrière pour se consacrer aux soins palliatifs d'un proche souffrant d'une maladie incurable par des congés à temps partiel ou par d'autres moyens.
Bref, dans toute l'Europe, les exemples ne manquent pas. Je ne parlerai pas de la Grande-Bretagne, qui fut naturellement pionnière en la matière. Tout le monde connaît l'hôpital Saint-Christopher.
Je pense aussi qu'il faut définir un statut de bénévole en santé et prévoir des formations appropriées. Les bénévoles jouent un rôle essentiel dans le domaine des soins palliatifs, et il n'est pas près de diminuer. Il faut donc que ces bénévoles bénéficient, pour mieux assumer leur mission et aussi en contrepartie de cette mission, de divers avantages et d'une formation appropriée, car les bénévoles aussi doivent être formés. Mais, à la base de tout, il faut inscrire les soins palliatifs dans la loi, prévoir, comme nous l'avons fait pour la douleur, que les projets d'établissement des hôpitaux ne peuvent pas continuer à rester muets sur la question de la gestion et de l'accompagnement de la fin de vie.
Je crois beaucoup aussi à l'action des réseaux ville-hôpital, dont il faut favoriser l'émergence, le fonctionnement et la coordination en prévoyant des tarifications forfaitisées, sortant du paiement à l'acte. Rien ne serait pire que la multiplication de structures spécialisées apparaissant comme des mouroirs, le départ d'un malade vers de telles structures étant nécessairement vécu comme un abandon ou une rélégation, une antichambre de la mort. Il convient autant que possible de faciliter le maintien à domicile - 30 % des décès ont encore lieu à domicile - ou dans des structures d'hospitalisation classique, car c'est au sein même de ces établissements publics ou privés que l'on doit trouver une place appropriée pour les personnes en fin de vie : autrement dit, des lits de fin de vie. Enfin, les procédures d'accréditation des établissements devraient prendre en considération, dans l'appréciation de la qualité des soins, la question de l'accompagnement de la fin de vie. Il faut cesser de considérer la mort comme le signe d'un échec de la médecine qui doit être caché, refoulé, non assumé, alors qu'il s'agit d'un événement inéluctable pour chacun d'entre nous.
Vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d'Etat, un plan en faveur du développement des soins palliatifs et un autre pour améliorer la prise en charge de la douleur. C'est bien. Mais je suis au regret de constater qu'aucun crédit budgétaire n'est prévu à ce titre, à l'exception de 400 000 francs que vous comptez utiliser pour financer un didacticiel sur la douleur.
Certes, il n'y a pas que les crédits budgétaires, et l'assurance maladie consacrera 100 millions de francs aux soins palliatifs. Mais nous souhaiterions avoir la certitude que cette somme sera bien engagée ! Pour faire quoi cependant, et comment ?
Il nous faut constater, monsieur le secrétaire d'Etat, que tout cela n'est pas à la hauteur de l'enjeu, compte tenu de la situation qui se présente aujourd'hui.
Mieux que quiconque, parce qu'en d'autres temps, en d'autres lieux, vous avez été sur le terrain, vous savez que là où il n'y a pas de volonté politique exprimée par la loi, soutenue par des engagements financiers, il n'y a rien à attendre que déception et rancoeur.
Comme il l'a fait pour la prise en charge de la douleur, dans laquelle il s'est engagé totalement, le Sénat souhaite, dans le domaine des soins palliatifs et d'accompagnement, accomplir le pas décisif qui reste à faire. Le budget de l'Etat sera-t-il prêt à suivre cette voie ? Nous l'espérons. Pour l'instant, telle est la question. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un bon budget, n'est pas forcément un budget en forte progression. Nous le savons tous bien.
Néanmoins, monsieur le secrétaire d'Etat, nombre des crédits discutés que vous nous présentez aujourd'hui pour l'année 1999 risquent, en réalité, de ne pas être à la hauteur des problèmes rencontrés, et je le regrette.
En effet, c'est un budget global pour la solidarité et la santé sans réelle ambition que vous nous demandez de cautionner. De plus, ainsi que l'a indiqué très justement M. Jacques Oudin, rapporteur spécial, il est peu lisible.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais davantage de rigueur budgétaire pour le budget de la solidarité, sans diminution de son efficacité, et davantage de moyens pour le budget de la santé.
Les options budgétaires que vous avez retenues pour cette année représentent 650 millions de francs de mesures nouvelles, qui vont être consacrées à la réalisation du dispositif voté l'année dernière, dont 157 millions de francs au titre de son volet sanitaire, 434 millions de francs au titre des interventions sociales et 59 millions de francs en moyens de fonctionnement.
La réalité des efforts engagés par le Gouvernement, dans une approche globale, et par votre ministère, dans une approche spécifique, impose donc une « critique constructive » de ma part.
Ainsi, le budget consacré à la solidarité connaît, pour l'année 1999, une augmentation de 4,73 % plus importante que celle du budget général et des dépenses d'intervention, ce qui n'est pas la caractéristique d'une politique de rigueur budgétaire.
Ainsi que l'a indiqué notre collègue M. Philippe Marini dans son excellent rapport, il convient de « dépenser mieux », afin d'offrir plus de prestations et de les répartir plus équitablement à niveau budgétaire constant, sans pour autant « dépenser plus » dans un secteur où les contrôles affectés aux dispositifs mis en place - je pense tout particulièrement au RMI - sont aujourd'hui insuffisants.
Ainsi, c'est en toute tristesse que nous devons constater l'évolution des chiffres du dispositif du RMI.
Créé voilà maintenant dix ans, il accueille aujourd'hui plus d'un million d'allocataires et il conserve plus de 10 % de bénéficiaires de la « première heure ». Je souhaiterais, comme nombre de mes collègues, sans remettre pour autant le dispositif en cause, qu'un toilettage du RMI soit opéré.
Je citerai à cet égard trois cas concrets.
Tout d'abord - c'est le premier cas - est-il logique qu'un jeune de vingt-cinq ans, détenteur d'un diplôme supérieur - de type ingénieur - issu d'une famille aisée, puisse toucher le RMI au motif qu'il affirme ne percevoir aucune ressource de sa famille ? Nous connaissons tous, nous élus locaux, des abus qui représentent probablement un pourcentage non négligeable des bénéficiaires et dont la suppression permettrait, avec des contrôles plus efficaces, de ne plus favoriser des personnes qui le sont déjà, et ce au détriment de celles qu'on pourrait prendre davantage en compte. Cet exemple volontairement un peu fort n'a pour effet que d'insister sur la nécessité d'une rigueur accrue dans l'attribution du RMI.
Je citerai également, c'est le deuxième cas, les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion qui omettent de déclarer des ressources annexes, ou qui vivent maritalement avec une personne aux ressources importantes et qui ne le déclarent pas.
Troisième cas enfin, est-il logique, alors que les budgets d'insertion des départements ont doublé en cinq ans, que l'insertion reste encore très insuffisante, puisque seulement 25 % des allocataires du RMI retrouvent un travail ?
L'ouverture du dispositif sur le monde du travail doit par conséquent être fortifiée, ainsi que l'a été le contrat social en entreprise que le département de la Vendée a mis en place dès 1994.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. C'est un bon conseil général.
M. Philippe Darniche. En ce qui concerne les autres dispositifs de votre budget de solidarité, je me permets d'attirer votre attention sur la situation de nos départements, qui sont insuffisamment dotés de maisons d'accueil spécialisées, en particulier de nos départements les plus ruraux. Je sais que des efforts sont prévus dans le projet de budget.
Par ailleurs, j'ai bien noté l'action entreprise par votre gouvernement en direction des centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, et de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH. Je ne peux qu'adhérer à cette orientation encourageante.
Toutefois, se pose l'épineux problème des personnes handicapées vieillissantes, qui ne peuvent trouver une place dans les foyers logement traditionnels et qui n'ont plus de place dans les foyers à double tarification. Il est urgent de trouver, tous ensemble, une solution à cette difficulté grandissante et inquiétante.
Quant aux centres d'aide par le travail, les CAT, avec près de 2 000 places nouvelles, comme l'année dernière - l'offre est portée à près de 90 000 places en 1999 -, l'effort est certes appréciable mais il reste insuffisant, car chaque département se verrait doté seulement de vingt places supplémentaires alors que leur déficit est de plusieurs centaines de places.
Votre projet de budget pour la santé, quant à lui, affirme des priorités et des choix budgétaires souvent contradictoires avec les objectifs retenus par le Gouvernement.
Les grandes orientations budgétaires de la santé pour 1999 ne progressent pas, et c'est inquiétant. En effet, le budget affecté à la politique de santé publique s'élève à 3,79 milliards de francs, soit une progression, presque nulle, de 0,2 %. Cela me semble notoirement insuffisant.
La lutte contre les fléaux sanitaires connaît une progression notable mais la répartition des crédits reste très inégale.
J'adhère totalement au fait que des dotations aient été attribuées aux agences de veille et de sécurité sanitaires des produits de santé, des aliments et des produits destinés à l'homme. Avec une progression de plus de 3 %, ces crédits affectés à la lutte contre les fléaux sanitaires dans notre pays démontrent un effort certain en la matière. C'est une bonne chose.
Malheureusement, le budget de lutte contre la toxicomanie, même s'il fait l'objet de l'effort le plus important du budget de la santé, voit ses crédits régresser légèrement et, avec une enveloppe de près de 1 milliard de francs, ils demeurent insuffisants.
Les crédits de la mission interministérielle de lutte contre la drogue baissent de 20 %, ce qui illustre le fait que les moyens alloués à la politique de prévention sont désespérément insuffisants.
Ainsi, je regrette profondément, comme mes prédécesseurs à cette tribune, que le plan triennal de lutte contre la toxicomanie, annoncé par le Gouvernement dès son entrée en fonctions, n'ait pas encore vu le jour. Sa mise en place s'avère indispensable et les attentes, sur le plan local, demeurent nombreuses.
Il est ici nécessaire de rappeler que les saisies de drogues par les services des douanes françaises ne cessent d'augmenter - battant chaque mois le record du mois précédent - et que l'offensive des trafiquants de drogues n'a pour unique destination et pour cible ultime que la population - fortement influençable - de nos jeunes en milieu urbain.
Les seuls moyens matériels et financiers de lutte contre les trafics de stupéfiants accordés aux services des douanes restent certainement insuffisants et ne serviront à rien au regard de la trop grande insuffisance du volet « prévention » de la lutte contre la toxicomanie.
De même, avec une diminution de plus de 50 %, les crédits affectés à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme sont notoirement faibles et sans réel rapport avec l'ampleur du fléau social et sanitaire, ce qui ne permet pas de développer une politique de prévention efficace et durable.
Je tiens à rappeler cette spécificité actuelle et fort préoccupante du tabagisme dans notre pays, à savoir son inquiétante progression chez les jeunes filles, qui, dans les cours de collèges et de lycées, fument plus que les garçons.
Ce tabagisme, si la prévention n'est pas durablement renforcée, fournira les contingents à venir de malades atteints de maladies coronariennes et de cancers. J'émets le voeu que soit enfin élaboré, pour l'an 2000, un plan d'action gouvernemental digne de ce nom afin de lutter contre ce fléau sanitaire et social qui atteint particulièrement les jeunes.
Pour résumer, monsieur le secrétaire d'Etat, les crédits de santé pour 1999 me paraissent tout de même réduits à la portion congrue.
Leur augmentation par rapport à 1998, qui est insuffisante, laisse en suspens un certain nombre de questions malgré les efforts concernant l'informatisation du système de santé, l'extension géographique de SESAM Vitale, l'état d'avancement de la mise en place du fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers et au fonctionnement de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES. Celle-ci reste insuffisamment dotée, en dépit de l'accroissement des missions qui lui sont confiées et de l'urgence d'une véritable évaluation des établissements de santé dans notre pays.
En ce qui concerne le secteur hospitalier, bien que je regrette que les crédits du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux soient si faibles au regard des besoins, je tiens surtout à vous faire savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sur le terrain, il n'y a pas plus attristant que d'être hospitalisé dans des établissements aux techniques modernes de soins, mais dont les locaux demeurent désespérément inadaptés.
Pour conclure, je tiens à remercier M. le rapporteur pour la clarté de ses analyses et la force de ses propositions sur un projet de budget qui témoigne, à mes yeux, de la faiblesse des moyens consacrés à la politique de solidarité et de santé publique dans notre pays.
M'alignant sur les conclusions des rapporteurs, MM. Jean Chérioux, Louis Boyer et Jacques Oudin, je souhaite que les aménagements nécessaires que j'ai énoncés soient pris en compte. C'est la raison pour laquelle je voterai, en toute sagesse, avec la majorité de mes collègues non inscrits, les amendements de la commission sur ce projet de budget. (MM. les rapporteurs applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. M. le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec près de 80 milliards de francs de crédits pour 1999, le projet de budget de la santé et de la solidarité porte, cette année encore, l'affirmation de la priorité de l'action contre l'exclusion et les difficultés sanitaires d'une grande partie de nos concitoyens.
On peut dire à l'inverse que ce projet de budget de la santé et de la solidarité est profondément marqué par la persistance de difficultés sociales majeures que la reprise économique actuelle n'a pas encore permis de résoudre.
Les seules dépenses liées au RMI - 26,4 milliards de francs - à l'allocation de parent isolé - 4,233 milliards de francs - et à l'allocation aux adultes handicapés - 24,569 milliards de francs - en mobilisent la majeure partie, ce qui n'est pas sans poser un certain nombre de questions.
Loin de nous l'idée que, comme le suggèrent certains ici, ces sommes seraient mal utilisées et que l'attribution des allocations concernées ferait l'objet de nombreuses fraudes qu'il conviendrait de pourchasser.
Nous devons plutôt, de notre point de vue, considérer ces réalités comme le rappel de la lutte tenace que nous devons mener chaque jour, avec pugnacité, contre la fracture sociale.
Pouvons-nous moralement accepter que, à moins de quinze mois de l'an 2000, 10 % des ménages de notre pays vivent au-dessous du seuil de pauvreté, qui est de 3 800 francs mensuels, et que 6 millions de personnes relèvent des minima sociaux ?
La solution consistant à faire supporter à la solidarité nationale les conséquences de l'absence de réponse aux besoins en matière de travail, de respect et de dignité qu'expriment aujourd'hui les exclus ne peut et ne doit perdurer. C'est là-dessus que nous nous sommes engagés, et c'est une nouvelle fois ce que disent les milliers de chômeurs, dans la rue aujourd'hui même.
Le RMI, qui devait être éphémère, a dix ans.
Et, depuis, les riches se sont enrichis et le nombre de ceux qui reçoivent le RMI est toujours supérieur à un million.
Dès lors, quand la commission des finances propose de diminuer les crédits, je dis : Non ! s'il vous plaît !
Un peu d'espoir tout de même, que l'on peut mettre au crédit du Gouvernement. D'abord, la profession en nombre ralentit. Ensuite, je salue la publication du décret permettant le cumul temporaire entre un minimum social et un emploi qui doit favoriser une insertion toujours difficile et incertaine.
En revanche, le relèvement significatif attendu des minima sociaux n'est pas au rendez-vous. Or, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, nous y tenons, parce que ce serait un signe fort de justice sociale.
Près de 17 milliards de francs de rentrées fiscales supplémentaires ont été générées en 1998 grâce au regain de la croissance. Pourquoi ne pas utiliser cet argent pour répondre aux situations d'urgences dans lesquelles sont les sans-abri et les chômeurs ? Ne serait-ce pas un juste retour des choses quand on sait que 80 milliards de francs d'exonération de charges sociales patronales sont dépensés sans contrepartie pour l'emploi ?
Cette revalorisation des minima sociaux devrait s'accompagner d'une réforme d'ensemble de ces mêmes minima et de l'assurance chômage, afin que le chômage induit par la précarité extrême des emplois soit indemnisé par l'assurance et qu'aucun bénéficaire ne vive avec des ressources inférieures au seuil de pauvreté.
En ce qui concerne l'aide d'urgence, j'approuve les procédures administratives simplifiées mises en place par le Gouvernement. En revanche, il serait souhaitable que les fonds sociaux soient rapatriés à l'UNEDIC et aux ASSEDIC dans un souci de transparence. En effet, depuis le 2 juillet 1997, les fonds sociaux de l'UNEDIC sont répartis auprès des différents organismes et échappent ainsi au contrôle des représentants syndicaux.
En outre, l'approche des fêtes de Noël et de fin d'année en rappelle l'urgence, il est nécessaire de réabonder ces fonds. Aujourd'hui, à Paris, la réponse des ASSEDIC, c'est de fermer leurs portes, pour éviter d'êtres prises d'assaut !
Les crédits de santé traduisent les priorités nouvelles de cette année, puisque l'essentiel de leur progression concerne l'application de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et la réorganisation de la sécurité sanitaire.
L'engagement budgétaire pour les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, les PRAPS, est important, mais il faut souligner tout de même qu'une partie est financée par le regroupement de crédits déjà existants.
J'apprécie les dépenses liées à la prévention du saturnisme, à la lutte contre la toxicomanie, ou encore à la mise en place de consultations d'alcoologie dans les CHRS.
Concernant les CHRS, qui s'impliquent au quotidien dans la réponse à l'urgence, je prends acte de la création de cinq cents places nouvelles. Toutefois, les besoins en places supplémentaires sont de 15 000 sur cinq ans, et non pas sur quelques décennies !
Instaurer des taux directeurs qui encadreront de manière drastique les établissements sociaux et médico-sociaux, comme le veulent certains ici, est tout à fait inquiétant.
Je voudrais faire quelques remarques qui touchent à la prévention.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez souvent eu l'occasion de dire que notre système de santé a été longtemps caractérisé par une approche très curative et faiblement préventive, alors que l'efficacité de la prévention est unanimement reconnue, mais en paroles seulement !
Vous affirmez la volonté d'une réorientation vers la prévention, et j'y suis évidemment très favorable. Mais il faut mesurer le chemin à parcourir quand on constate que les crédits actuels consacrés à la prévention sont très modestes dans ce projet de budget et que les différents dispositifs de prévention en dehors de ce budget restent « en panne » alors qu'ils ont déjà été tellement mis à mal précédemment.
Une véritable politique de prévention suppose un renforcement, voire une reconstruction des structures existantes, notamment de la médecine du travail, dont l'insuffisance et les besoins ont été pointés récemment par un rapport parlementaire, et de la médecine scolaire. Cette dernière doit participer à la mise en place d'un véritable système sanitaire et social qui assure le droit à la santé de tous les enfants, droit affirmé par l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Il faut renforcer à cet effet significativement les équipes de médecins scolaires, de psychologues, de conseillers d'orientation, d'infirmières, d'assistances sociales, car le suivi des enfants est un tout.
Quelques mots sur la toxicomanie.
J'ai déjà eu l'occasion de l'affirmer ici : il y a lieu de développer auprès des toxicomanes une multiplicité de réponses de soins et de soutiens correspondants à la diversité de leurs situations et des types de toxicomanie, et cela dans le cadre global de la protection sociale.
Force est de constater que les structures médicales pour des désintoxications ou des thérapies lourdes ne prennent pas suffisamment en compte le problème des jeunes, particulièrement des adolescents. Il s'agit non pas de se focaliser de manière sécuritaire et inefficace sur une éventuelle toxicomanie des mineurs au moyen d'une surveillance et d'un suivi à la trace, mais de mener une réflexion en vue de mettre à la disposition de ces derniers des structures repensées qui leur évitent de basculer dans une toxicomanie durable une fois adulte.
Notre pays n'est pas en avance dans la prise en charge de ce fléau. Ne pourrait-on pas réfléchir à la façon de rendre possible, en plus de l'augmentation des moyens des dispositifs existants, une réintégration sociale des toxicomanes qui prenne en compte leur problématique personnelle et qui - les expériences sur le terrain et les exemples à l'étranger le prouvent - provoque à plus ou moins longue échéance une libre demande de soins ?
Concernant le saturnisme, j'apprécie, je l'ai dit, les moyens supplémentaires débloqués. Mais la présence de plomb dans le sang peut, au-delà des situations les plus dramatiques, qu'il faut traiter de manière rapide et définitive, avoir des conséquences graves, en particulier sur les facultés intellectuelles d'un nombre important d'enfants, comme l'a démontré une étude publiée par l'INSERM. Il s'agit donc de prendre des mesures concrètes, concertées, permettant de dépister plus largement qu'aujourd'hui les risques, qui sont plus fréquents qu'il n'y paraît.
Quelques mots sur le sida, trois jours après la journée mondiale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, notre pays s'honore, par votre intermédiaire, d'avoir proposé la création d'un fonds thérapeutique mondial. J'espère que vous mènerez ce combat à son terme, sur les plans tant européen qu'international.
En France, les crédits sont en augmentation, mais le périmètre est élargi et il ne faudrait pas que l'extension à la lutte contre les épidémies et les maladies transmissibles cachent une diminution des moyens spécifiques pour le sida.
Vous le savez, les progrès thérapeutiques - dont on ne peut que se réjouir - ont eu des effets démobilisateurs sur le financement privé de la lutte contre le sida et sur la prévention, qu'il s'agisse de l'information ou de la protection.
La nécessité de moyens publics n'en devient que plus criante. Je propose que l'ensemble des dispositifs de prévention soit réévalué. Par ailleurs, les progrès médicaux nous obligent à repenser le suivi des malades, leur réinsertion professionnelle, qu'il faut pouvoir concilier avec un traitement lourd, chacun le sait.
Un cumul partiel entre l'allocation aux adultes handicapés et un salaire devrait pouvoir être envisagé.
Un mot sur l'hôpital Pasteur de Paris, aujourd'hui menacé de fermeture. Depuis quelques années, ses crédits sont revus à la baisse. Les raisons invoquées sont, précisément, l'avènement des nouveaux traitements du sida, qui font baisser les taux d'occupation des lits.
Il me semble que le constat fait aujourd'hui sur les traitements devrait conduire à préserver des structures comme celle de Pasteur. Un projet d'établissement visant à diversifier les activités de l'hôpital pour en faire un pôle de recherche clinique a été soumis à l'Agence régionale de l'hôspitalisation. Les moyens financiers et humains nécessaires à ce projet devraient être assurés.
La mise en oeuvre d'une véritable politique sanitaire et sociale suppose également un système hospitalier en bon état. Or la situation actuelle est préoccupante, j'ai déjà eu l'occasion de le dire. La très faible augmentation de 1,17 % pour les établissements franciliens, cette année, en est une illustration. Elle posera des problèmes nouveaux.
Permettez-moi également, même si cela ne concerne pas complètement ce budget, d'évoquer l'état de santé des détenus dans les prisons, qui est préoccupant : les cas de tuberculose et de VIH sont dix fois plus élevés chez les prisonniers que dans le reste de la population.
Des progrès ont été faits, mais une attention plus grande devrait être portée au suivi des sortants de prison et à la situation de leur famille.
Enfin, ce budget traduit un effort évident pour améliorer les moyens des services sanitaires et sociaux.
Je salue le travail admirable effectué par les fonctionnaires de ces secteurs, et je le dis à l'intention de ceux qui voudraient réduire leur nombre !
Un effort plus important devrait néanmoins être fait pour la formation des professions médicales et paramédicales. En effet, la stabilité des crédits pour 1999 ne permet pas d'assurer cette formation ; les difficultés auxquelles sont confrontés nos établissements et le recours croissant au financement des familles vont s'aggravant.
Le Gouvernement a redonné l'espoir - notamment lors des débats qui ont accompagné la loi relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, la loi sur les trente-cinq heures et la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions - que tous les efforts convergeront par l'emploi, par les salaires, par la politique sanitaire et sociale, pour dépasser la misère de l'assistance et pour instaurer des droits égaux pour tous les citoyens. Cet espoir ne doit pas être déçu.
J'ajoute que, bien entendu, je voterai contre les amendements de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Le projet de budget de la santé pour 1999, dont on nous a rappelé qu'à structures constantes il progressait de 3,6 %, continue de traduire la forte priorité que le Gouvernement accorde à l'action que vous menez avec Mme Aubry.
Cette forte priorité s'exprime, cette année, tout d'abord autour de la mise en oeuvre des trois initiatives législatives qui auront marqué l'activité du Parlement cette année : le renforcement de la sécurité sanitaire, l'organisation de notre système de soins, à travers la loi de financement, et la lutte contre l'exclusion.
En ce qui concerne le renforcement de la sécurité sanitaire, je me bornerai à constater avec satisfaction que ce projet de budget donne les moyens de fonctionner aux nouvelles structures qui découlent de ce texte de loi, à savoir l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut de veille sanitaire.
Au-delà de l'allocation de ces moyens nouveaux, qui sont le gage d'une mise en oeuvre effective et rapide de la réforme récemment votée par le Parlement, je souhaite toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous précisiez la date de la mise en place de ces nouveaux établissements publics et l'état d'avancement des textes réglementaires d'application de la loi.
J'insiste sur ce point, car j'aimerais bien que vous puissiez m'apporter les réponses que je suis en droit d'attendre.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Vous pouvez compter sur moi !
M. François Autain. Je ne peux que répéter ici, à cet égard, mon regret que la loi sur les thérapies génique et cellulaire ne soit toujours pas appliquée.
Le deuxième axe de la politique gouvernementale concerne l'organisation de notre système de soins. Les crédits correspondants sont de l'ordre de 1,6 milliard de francs.
Ils sont destinés d'abord aux investissements d'équipement sanitaire, et donc à la nécessaire modernisation de nos hôpitaux. Ils sont destinés aussi au service d'aide médicale urgente, dont, après beaucoup d'autres, je crains la diminution des moyens. Ils vont, enfin - et vous me permettez d'insister davantage sur ce point dès lors que, d'une certaine manière, cette institution s'inscrit aussi dans notre politique de sécurité sanitaire -, à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
Instituée par l'ordonnance du 24 avril 1996, cette institution s'inscrit dans la mission de sécurité sanitaire puisqu'elle est chargée d'évaluer et de valider les pratiques médicales. Elle constitue en cela le quatrième pilier de notre réforme. Mais elle s'inscrit aussi dans la mission d'amélioration de l'efficacité de notre système de soins, puisqu'elle est chargée de mettre en oeuvre la procédure d'accréditation des établissements de santé, publics ou privés.
On peut regretter qu'au moment où l'agence ambitionne de développer sa première mission et doit supporter la mise en oeuvre de la seconde ses crédits ne soient pas davantage accrus. Il convient de rappeler toutefois les moyens nouveaux mis à sa disposition dès l'an dernier et permettant ainsi d'accélérer le calendrier de sa mise en place par rapport à ce qui avait été initialement prévu.
Vous me permettrez, à cette occasion, de souligner la qualité du travail accompli par les dirigeants de l'agence. Siègent aujourd'hui au cabinet de Mme le ministre certains de ceux qui ont contribué au premier chef à la mise en place de l'Agence du médicament. Que tous soient remerciés pour leur action.
Le Sénat a pris sa part dans ces initiatives, part, je dois le dire sans fausse modestie, décisive. Il continue d'ailleurs, vous me permettrez cette diversion, à porter une attention particulière à ces sujets.
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. François Autain. Il a montré récemment, à travers la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, tout l'intérêt qu'il porte, par une politique industrielle appropriée, au développement de la recherche dans le domaine du médicament. Il est regrettable que certains aient voulu voir dans cet intérêt d'autres objectifs que ceux de la santé publique et de la protection sanitaire de nos concitoyens.
Pour revenir à mon sujet, j'en viens au troisième axe, qui s'est traduit, cette année aussi, par des mesures législatives, et Dieu sait qu'elles sont importantes : la lutte contre l'exclusion.
C'est en application de l'article 67 de la loi d'orientation que, pour permettre l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies, il a été décidé de créer des programmes régionaux. Vous aviez promis 250 millions de francs à ce titre : vous les avez effectivement inscrits. Les engagements ont donc été tenus, même si l'on peut regretter que ces moyens ne soient pas plus importants.
A cet égard, je reprends à mon compte les craintes exprimées par certains de mes collègues dont l'attention a été attirée par la Fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale sur les moyens trop limités qui sont consacrés aux dispositifs d'urgence sociale. A ces trois priorités s'ajoute évidemment la poursuite des actions traditionnelles de votre ministère. Je pense ici, en premier lieu, aux crédits consacrés à la lutte contre les fléaux sanitaires, qui progressent, à structures constantes, de 2,9 %.
La lutte contre les toxicomanies devrait se trouver sensiblement améliorée par la réorganisation de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, dont les compétences ont été, en outre, élargies à l'alcool et au tabac. Les affaires les plus récentes montrent en effet les liens qui s'établissent entre toutes les dépendances et la nécessité d'une stratégie commune.
S'agissant de la lutte contre le tabac, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire hier, monsieur le secrétaire d'Etat, que j'approuvais vos choix ; je n'y reviens donc pas.
J'aborderai maintenant la lutte contre les maladies transmissibles, dont les crédits progressent globalement de plus de 10 %, traduisant ainsi les efforts particuliers développés contre le sida et contre l'hépatite C.
S'agissant du sida, la progression du nombre de cas diminue chaque année davantage et le nombre de décès chute. Nous devons rester très vigilants. Ces résultats n'auraient pas pu être obtenus sans la mise en oeuvre des moyens budgétaires et de ceux de l'assurance maladie. Il nous faut poursuivre notre effort.
C'est la même démarche qui vous anime dans la lutte contre l'hépatite C. Le niveau de contamination est considérable. Les personnes malades sont aujourd'hui de 4 000 à 5 000, et nous savons que 20 % d'entre elles souffriront d'affections chroniques ou seront atteintes de maladies mortelles. Les moyens ouverts sont heureusement à la hauteur des besoins. Il reste encore à accentuer notre politique de dépistage anonyme et gratuit, qu'il s'agisse de l'hépatite C ou du sida.
Vous allez voir que je ne change pas complètement de sujet en évoquant les étudiants en chirurgie-dentaire. Vos relations avec eux, monsieur le secrétaire d'Etat, selon les informations dont je dispose, ne paraissent pas meilleures que celles que vous entretenez actuellement avec leurs aînés. Certains d'entre eux sont d'ores et déjà en grève illimitée et toutes les facultés de chirurgie-dentaire devraient rejoindre ce mouvement dès lundi prochain.
Les motifs de cette grève sont divers, qu'il s'agisse des craintes que leur inspire la dévalorisation de leur profession, de leur revendication d'uniformisation de leurs études, de leur droit d'exercice en sixième année ou de la gratuité des études.
Mais il est une revendication sur laquelle je tiens à insister ici parce qu'elle est directement en rapport avec le thème dont je viens de traiter : ils souhaitent obtenir le statut hospitalier au motif particulier qu'ils s'estiment sans protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, notamment contre les risques de transmission du sida ou de l'hépatite C.
Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'ils puissent espérer obtenir un jour ce statut ?
Telles sont les remarques d'ensemble que je souhaitais formuler aujourd'hui sur votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je voudrais en venir, pour finir, à deux ultimes préoccupations.
Il est des sujets, monsieur le secrétaire d'Etat, qui plaisent à la presse, vous le savez : la lutte contre la douleur et aussi, depuis quelque temps, les soins palliatifs. Ces sujets plaisent à la presse, certes, mais ils sont importants, voire essentiels. Telle est la raison pour laquelle notre assemblée, derrière mon ancien collègue questeur Lucien Neuwirth, qui vient de les évoquer longuement et brillamment, et à qui je rends hommage aujourd'hui, s'y intéresse depuis longtemps.
C'est en effet dès 1994 qu'a été créée ici une mission d'information sur la douleur. Le secrétaire d'Etat à la santé de l'époque, M. Douste-Blazy, avait flatté son image personnelle, ce dont il a d'ailleurs l'habitude, en faisant presque aussitôt siennes, au point de nous en déposséder, nos propositions. Tous ses successeurs, oserai-je dire jusqu'à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, ont fait de même.
Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui de la suppression des carnets à souche, proposition faite en 1994 et qui n'a toujours pas été mise en oeuvre. On nous dit que l'échéance est proche... Je ne peux que féliciter Lucien Neuwirth pour son obstination ! Que dire, en revanche, de l'action de l'Etat ?
Puisque vous avez choisi de vous impliquer aussi dans ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, et de l'intégrer dans une réflexion sur les soins palliatifs, faites-nous le plaisir d'agir comme vous le promettez au lendemain de ces conférences de presse toujours gratifiantes pour ceux qui les organisent, mais vaines quand elles ne sont pas suivies d'effet.
En matière de santé publique plus qu'en tout autre, il importe, pour sa crédibilité, que le décideur public dise ce qu'il fait et, plus encore, qu'il fasse ce qu'il dit.
Je crois d'ailleurs que c'était l'un des points les plus importants du programme de l'actuel Premier ministre.
Je sais que nous pouvons compter sur vous plus que sur tout autre pour adopter cette ligne de conduite. Vous pouvez compter sur nous pour vous y aider.
Je voudrais également vous adresser, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi qu'à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, que vous représentez, et à tous vos collaborateurs, mes compliments.
Certes, la loi de financement de la sécurité sociale permet désormais, par la clarté des choix que vous nous avez proposés, de rendre plus lisible notre politique de protection sociale pour ses bénéficiaires et, mieux encore, pour ses acteurs.
Il reste que les moyens administratifs qui vous sont donnés pour accomplir ce travail sont sollicités au-delà de ce qui paraît quelquefois raisonnable.
Je rends hommage aux directions de votre ministère qui, dès le printemps, sont engagés dans une entreprise qui ne s'achève qu'au plus tôt au mois de février. Autant dire qu'elle les occupe toute l'année. Je ne partage nullement les critiques formulées par M. Jacques Oudin sur les solutions auxquelles vous devez recourir,...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Critiques pertinentes !
M. François Autain. ... comme vos prédécesseurs, pour renforcer vos moyens en personnel.
Je souhaite simplement que l'on entende mieux, s'il se peut, quai de Bercy, les préoccupations que vous exprimez sûrement à cet égard. La conduite de notre politique sanitaire et sociale, l'importance des enjeux financiers méritent mieux que les moyens logistiques qui y sont consacrés.
Voilà donc, monsieur le secrétaire d'Etat, les deux remarques particulières que je voulais faire.
J'en oublierais presque, avant de terminer mon intervention, de dire l'essentiel : nous voterons évidemment les crédits qui vous sont attribués pour 1999 si, toutefois, la majorité sénatoriale ne les défigure pas comme elle en a maintenant pris l'habitude. Malheureusement, après avoir examiné les amendements que la commission des finances a déposés, je crains que nous ne soyons une fois de plus amenés à voter contre ces crédits tels qu'ils nous seront finalement soumis. (M. Neuwirth applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention sur le budget de la santé et de la solidarité revêt cette année une importance particulière, car nous nous apprêtons à fêter le vingtième anniversaire de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger.
C'est une étape essentielle, qui doit nous permettre de dresser le bilan des mesures prises à l'égard des Français de l'étranger depuis les travaux de la commission Bettencourt en 1975 et de réfléchir aux améliorations que nous pouvons leur apporter.
Aussi, je me félicite qu'une mission de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, ait lieu en ce moment-même : l'analyse et les réflexions que ce grand corps de l'Etat fera sur la caisse des Français de l'étranger seront importantes pour le futur.
Les administrateurs et la direction de la caisse, qui ont rencontré comme moi-même les deux inspecteurs de l'IGAS chargés de cette mission, attendent avec intérêt le rapport qu'ils devraient vous remettre dans les prochains jours, et nous espérons tous disposer des premiers éléments de cette analyse au cours du conseil d'administration de notre caisse, qui se réunira à Rubelles les 14 et 15 de ce mois.
Sans préjuger les conclusions de ce rapport, je voudrais vous rappeler en quelques mots, ayant suivi le processus d'élaboration de la couverture sociale des Français expatriés et de création de la caisse des Français de l'étranger, que c'est à la demande des entreprises françaises qui envoient du personnel à l'étranger que ce système a été mis en place. Auparavant, n'existait que le détachement limité dans le temps, très onéreux, ce qui pénalisait d'autant l'expatriation française et, par conséquent, notre présence sur les marchés internationaux.
C'est dans cette perspective que furent pris les premiers textes : la loi du 31 décembre 1976, qui institua la possibilité pour les seuls salariés expatriés de s'assurer volontairement pour les risques maladie et accident du travail auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne et dont les décrets d'application ne furent promulgués qu'en 1978, voilà donc vingt ans ; ce fut ensuite la loi du 16 janvier 1979, qui permit aux salariés, seuls visés là encore, de s'assurer contre le chômage.
En tant que représentant de nos compatriotes installés à l'étranger, il m'a alors paru juste et souhaitable que les Français de l'étranger qui n'étaient pas salariés puissent également bénéficier d'une couverture sociale. Je fus donc à l'origine de la loi du 27 juin 1980 qui étendit aux non-salariés et aux retraités cette faculté.
L'une des étapes marquantes fut sans nul doute la loi Bérégovoy du 13 juillet 1984, qui, reprenant deux propositions de loi que j'avais déposées en 1982 et dont je fus le rapporteur au Sénat, fut adoptée à l'unanimité : elle créa la caisse des Français de l'étranger, la dota de l'autonomie et généralisa l'accès des assurances volontaires maladie à tous les Français de l'étranger.
Soucieux de justice sociale, ce texte instaura deux catégories de cotisations selon les revenus, qui devinrent trois catégories en 1989. Je note qu'à l'époque j'avais proposé avec mes collègues que cette troisième catégorie soit accessible aux revenus inférieurs à 40 % du plafond de la sécurité sociale, mais le ministre de l'économie et des finances d'alors, inquiet du bon équilibre de la caisse des Français de l'étranger, avait décidé qu'elle s'appliquerait aux revenus inférieurs à 50 % du plafond.
Depuis lors, un certain nombre de mesures sont venues renforcer le dispositif existant en développant les prestations offertes et en diminuant le coût des cotisations chaque fois que cela a été possible.
Le constat que nous pouvons dresser à l'heure actuelle est plutôt satisfaisant. En constante progression, la caisse des Français de l'étranger couvre aujourd'hui près de 120 000 Français qui, bien qu'expatriés, bénéficient d'une continuité de couverture avec la sécurité sociale française.
Certains disent qu'il s'agit d'un chiffre faible par rapport au nombre de Français expatriés. C'est un argument de circonstance et ceux qui l'utilisent oublient de mentionner les 600 000 à 700 000 Français qui, vivant dans l'Union européenne, sont donc soumis à sa réglementation sociale. De nombreux expatriés disposent en outre d'une couverture sociale, qu'elle soit d'ordre privé, comme aux Etats-Unis, ou étatique.
La caisse des Français de l'étranger dispose en outre d'un équilibre financier positif depuis sa création, et ce grâce à une gestion rigoureuse.
L'examen attentif de cet équilibre financier nous oblige à une particulière attention, car le détail des comptes établis depuis plusieurs années nous indique qu'en ce qui concerne l'assurance maladie des salariés l'équilibre n'est dû qu'à la première catégorie de cotisants - c'est-à-dire celle des entreprises qui envoient du personnel à l'étranger - et que la troisième catégorie de cotisants, créée dans un souci de justice sociale, est largement déficitaire ; il en est de même de celle des pensionnés.
L'importance du déficit pour cette dernière catégorie a d'ailleurs amené la caisse à prendre des dispositions qui commencent à porter leurs effets.
Quant aux non-salariés, aux retraités et aux autres catégories, elles connaissent un déficit croissant. Le conseil d'administration de la caisse des Français de l'étranger va d'ailleurs être amené à se pencher sur ce dernier et à réfléchir à des mesures propres à le corriger.
En fait, sans l'important excédent du régime accidents du travail-maladies professionnelles - pour lesquels ne cotisent que les entreprises qui envoient du personnel à l'étranger - la caisse des Français de l'étranger serait fortement déficitaire, et il n'est donc pas exagéré de dire que les entreprises françaises qui envoient du personnel à l'étranger font un effort exceptionnel de justice sociale envers nos compatriotes installés individuellement hors de France, qui bénéficient grâce à la caisse d'un système de couverture sociale fort apprécié.
Toujours en ce qui concerne l'équilibre financier de la caisse des Français de l'étranger, nous devons faire maintenant le bilan d'un an de suspension des mesures de rétroactivité prévues par la loi du 13 juillet 1984, qui a permis à nos compatriotes expatriés d'adhérer sans cotisation rétroactive au système mis en place. Ce bilan sera particulièrement intéressant, car il nous permettra de voir si cette suspension n'a pas permis trop d'adhésions à risque ouvert, susceptibles d'affecter, bien entendu, l'équilibre des comptes.
Autre mesure intéressante : la prolongation de l'exonération de cotisations pour les entreprises mandataires de la caisse des Français à l'étranger engageant un jeune de moins de trente ans sur un emploi nouveau à l'étranger. Cette mesure prise dans le cadre de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 et due à mon initiative, devait prendre fin au mois de décembre. Sur proposition du conseil d'administration de la caisse des Français de l'étranger, vous avez accepté de prolonger ce dispositif pour deux ans. Je m'en félicite, car il favorise l'emploi à l'étranger sans pour autant peser trop lourd sur l'équilibre du régime des salariés.
Deux autres dispositions sont également venues contribuer à la politique de l'emploi des entreprises qui envoient du personnel à l'étranger.
Il s'agit, d'une part, de la ristourne accident du travail accordées jusqu'à présent aux entreprises qui comptaient au moins vingt adhérents auprès de la caisse des Français de l'étranger et qui est désormais applicable dès que celles-ci ont dix adhérents.
Il s'agit, d'autre part, de la possibilité pour les entreprises mandataires de la caisse des Français de l'étranger de ne pas tenir compte des salariés étrangers ressortissants d'un pays de l'Union européenne précédemment affiliés à la sécurité sociale française dans le quota de 10 % de salariés étrangers qu'elles peuvent faire adhérer à la caisse des Français de l'étranger.
D'autres améliorations sont en cours ; elles concernent directement les adhérents de la caisse des Français de l'étranger.
Avant de terminer sur ce point, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous m'apportiez des informations en ce qui concerne la contribution sociale généralisée appliquée à ceux des adhérents de la caisse des Français de l'étranger qui, bien qu'expatriés, sont fiscalement domiciliés en France, car ils ont à subir la hausse de 4,1 % de cette contribution sans voir en contrepartie, contrairement à leurs compatriotes métropolitains, leurs cotisations maladie diminuer.
Les entreprises qui envoient du personnel à l'étranger sont les premières à en être affectées, car elles compensent cette perte et l'expatriation devient donc plus coûteuse. Par ailleurs, l'alourdissement des charges ainsi créées défavorise la création d'emplois à l'étranger occupés par des Français au profit d'emplois tenus par des étrangers.
Les salariés d'entreprises ne sont pas les seuls concernés, puisqu'un certain nombre de Français de catégorie modeste, salariés par l'Etat français et affiliés à la Caisse des Français de l'étranger, sont considérés comme fiscalement domiciliés en France et subissent donc de plein fouet les effets de l'augmentation de la contribution sociale généralisée.
Il en va de même pour les adhérents de la Caisse des Français de l'étranger qui perçoivent un revenu de remplacement, notamment des indemnités journalières, puisque la compensation prévue dans ce cas au régime général n'a pas été envisagée en faveur des adhérents de la Caisse des Français de l'étranger.
Toujours soucieux de ne pas pénaliser une catégorie d'assurés qui doit déjà faire face à un certain nombre de difficultés lorsqu'ils perçoivent des indemnités journalières - donc un revenu inférieur à leurs ressources habituelles - le bureau de la Caisse des Français de l'étranger a décidé d'autoriser la caisse à compenser la perte subie au titre de la contribution sociale généralisée.
En revanche, s'agissant des cotisations maladie, il n'est pas de notre pouvoir de prendre des mesures compensatoires et, depuis un an, nous attendons une décision et un texte de vos services.
J'avais interrogé à ce propos Mme le ministre en commission des affaires sociales, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. Elle m'avait alors indiqué que le statut des adhérents de la Caisse des Français de l'étranger, fiscalement domiciliés en France, pourrait être traité de façon analogue à celui des frontaliers et qu'une solution serait recherchée dans ce sens.
A ce jour, aucune disposition n'a été prise. Qu'en est-il et que comptez-vous faire à ce sujet ? Je serais heureux de vous entendre à cet égard.
Avant de conclure cette intervention, je dirai encore quelques mots sur un sujet qui préoccupe nos compatriotes de France comme ceux qui se sont expatriés, mais plus encore peut-être ces derniers compte tenu de la situation de certains pays ; je veux parler de la retraite.
Les Français s'inquiètent - à juste titre, semble-t-il - des pensions qu'ils percevront dans quelques années. C'est pourquoi, ils ont mis beaucoup d'espoir dans l'épargne retraite communément appelée "fonds de pension", qui avait fait l'objet d'un texte de loi en mars 1997.
A la suite de l'adoption d'un amendement que j'avais déposé, les Français résidant hors de France avaient été prévus dans ce texte. La loi de 1997 n'a pas eu de suite, et vous nous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un nouveau projet de loi relatif à l'épargne-retraite serait proposé au Parlement au cours de l'année 1999.
Nos compatriotes expatriés sont attachés à cette perspective. Je souhaite donc qu'ils soient pris en compte dès l'origine dans les propositions que vous nous ferez.
J'ai remarqué avec plaisir - et je les en remercie - que, dans l'amendement qu'ils ont déposé à ce sujet lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, mes collègues Jean Arthuis et Jean-Louis Lorrain avaient proposé que tout salarié établi en France ou hors de France puisse souscrire un plan d'épargne-retraite. C'est essentiel, car cela permettra de préserver l'ensemble des droits à la retraite de nos compatriotes.
Il est vrai que, à côté des retraites de base françaises que se constituent volontairement les expatriés, auprès soit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, soit des caisses de travailleurs non salariés, nombre de ceux-ci sont également obligés de cotiser au régime local de leur pays de résidence. Si cela ne pose pas de problème quand il s'agit des pays de l'Union européenne ou d'autres pays occidentaux, il n'en va pas de même avec les pays d'Afrique noire. En effet, on ne compte plus les réclamations de Français travaillant ou ayant travaillé en Afrique et qui ne perçoivent pas les retraites pour lesquelles ils ont cotisé, ou qui n'obtiennent pas les documents prouvant qu'ils ont cotisé auprès des caisses africaines et qui leur permettraient d'améliorer leur retraite française.
Après la dévaluation du franc CFA et les crises successives survenues en Afrique, l'Inspection générale des affaires sociales avait été chargée, en 1995, d'une mission d'évaluation de la protection vieillesse des Français vivant en Afrique francophone. Cette mission réunissait, outre un représentant de votre ministère, un représentant du ministère des affaires étrangères et de la coopération.
Le rapport qui a été établi préconisait la mise en place d'un certain nombre de mesures pour l'avenir, afin de préserver les droits de nos compatriotes. Plusieurs d'entre elles sont en cours d'élaboration, telles que la constitution d'un fichier central des Français titulaires d'une pension africaine ou que l'assistance technique à la réorganisation des caisses africaines, et l'on ne peut que s'en féliciter. Mais cela reste limité, et je ne vois là aucune solution pour régler le passif des pensions dues aux Français d'Afrique.
Je vous ai interrogé récemment à ce propos, ainsi que M. le ministre de la coopération. En particulier, je vous demandais s'il n'était pas possible d'assouplir les conditions de prise en compte des périodes d'assurance vieillesse ayant fait l'objet de cotisation auprès des régimes étrangers - en particulier africains - lorsque ces régimes traversent de graves difficultés d'organisation et qu'il est patent qu'ils se trouvent dans l'impossibilité d'établir les attestations requises par la réglementation française.
J'attends avec intérêt votre réponse sur ce point, car cela permettrait aux intéressés au moins de percevoir la retraite française qui leur est due, en attendant que, peut-être un jour, les caisses africaines puissent enfin leur verser la leur.
Mais je crains que, sans une très forte pression politique et économique exercée par la France sur ces pays, ce jour ne soit encore très éloigné.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, les principaux sujets que je souhaitais aborder aujourd'hui, bien que les préoccupations des Français de l'étranger portent également sur bien d'autres problèmes, tels que l'assurance chômage.
Vous l'aurez compris au travers de mes propos, mon principal souci est, d'une part, de permettre à tous les Français expatriés, quelle que soit leur situation, de bénéficier d'une couverture sociale identique à celle qui existe en métropole et, d'autre part, d'apporter ma contribution à la politique de l'emploi en favorisant et en développant le plus possible l'emploi à l'étranger, tout en préservant ce que nous avons patiemment mis en place depuis 1978.
Jusqu'à ce jour, la Caisse des Français de l'étranger a su, depuis sa création, répondre à la demande des entreprises françaises qui envoient du personnel à l'étranger et qui souhaitaient, sans quitter le système de la sécurité sociale, avoir une caisse de rattachement spécifique capable de s'adapter aux conditions particulières que rencontrent nos compatriotes dans leurs divers pays de résidence.
Comme je l'ai indiqué précédemment, il était souhaitable - et cela a été fait - que ce système soit étendu plus largement aux Français de l'étranger vivant dans des pays où la couverture sociale ne leur est pas adaptée et qui souhaitaient avoir de la France une couverture pour la maladie, la maternité, les accidents du travail, tant à l'étranger que lors de leur retour en France.
Ce pari a été tenu, et le coût de cette couverture est d'environ trois fois moins élevé que celui du détachement au titre de la sécurité sociale.
Soumise à la concurrence d'organismes privés, de compagnies d'assurances françaises ou étrangères, qui savent adapter leurs contrats aux besoins particuliers des entreprises, tenant compte du lieu d'expatriation de leur personnel, la Caisse des Français de l'étranger se devait d'être compétitive pour ne pas disparaître. Jusqu'à ce jour, cela a été le cas, et elle a pu poursuivre son activité avec des comptes équilibrés, sous le contrôle de votre département ministériel et de celui du budget. Souhaitons qu'avec votre appui elle poursuive son activité pour satisfaire les Français établis hors de France.
Je souhaite en terminant, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention, tant en mon nom personnel qu'au nom de mon collègue Claude Huriet, sur l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose que les prestations familiales du régime français sont dues uniquement aux personnes résidant sur le territoire français. Toutefois, la circulaire du 28 mai 1979 indique qu'à titre dérogatoire ce droit est maintenu durant trois mois aux travailleurs détachés à l'étranger avec leur famille.
Or, avec le développement des échanges internationaux, il arrive de plus en plus fréquemment que des fonctionnaires français - notamment des médecins hospitaliers - soient envoyés à l'étranger pour des missions de quelques mois, tout en conservant leur traitement français et leur domiciliation fiscale en France.
Pour ces personnels, pour qui l'expatriation ne représente pas un bonus financier, il apparaît comme très pénalisant que leur départ entraîne une baisse de leurs revenus du fait de la suppression des prestations familiales.
Pourrait-on, afin de favoriser des échanges de savoir toujours fructueux, envisager de prolonger le délai de trois mois prévu par la circulaire de 1979 ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, placer la personne âgée au coeur du système et allouer les ressources en fonction de son état : tel est le principe posé par la prestation spécifique dépendance, créée par la loi du 24 janvier 1997. Cela a fait l'objet d'un très bon article intitulé « le Désert des Tartares ».
Ne nous y trompons pas, c'est un principe révolutionnaire par rapport aux conceptions qui prévalaient jusqu'alors en matière de prise en charge des personnes âgées dépendantes et, par voie de conséquence, en matière de gestion des établissements qui les reçoivent.
La tarification sera, en effet, fonction du niveau d'autonomie ou de dépendance des personnes : les crédits de fonctionnement des établissements pourront fluctuer en fonction du nombre et de l'état des personnes accueillies, ce qui aura des conséquences sur la gestion des effectifs du personnel.
Mais le plus important est encore l'évolution dans le temps de l'état de santé des personnes, qui peut modifier soit le montant de l'aide, soit celui du tarif.
En effet, dans les mêmes lieux, avec le même personnel, deux types de tarification cohabitent : ceux qui sont relatifs aux soins et qui dépendent de la sécurité sociale ; ceux qui concernent l'hébergement et la dépendance et relèvent des conseils généraux.
Or certaines maladies dégénératives, comme celle d'Alzheimer ou d'autres sur le plan fonctionnel, ne sont pas prises en charge, alors qu'elles engendrent très peu de dépenses médicales, mais de très fortes dépenses de personnel.
L'importance et la complexité de l'enjeu sont donc capitales puisqu'elles touchent environ 700 000 personnes âgées dépendantes et leurs familles, environ 10 000 institutions et services, 600 000 lits et places, et de l'ordre de 300 000 agents.
A cela il faut ajouter le nouveau défi que constituent l'allongement de l'espérance de vie et la prise en charge de l'âge extrême.
L'actualisation et la modernisation du cadre législatif et réglementaire liées à la loi sociale de 1975 s'imposent donc incontestablement. Mais on voit bien qu'elles doivent reposer sur une préparation rigoureuse, à la mesure de la complexité des facteurs à prendre en compte, et menée en concertation étroite et continue avec les différents acteurs concernés.
A ce titre, je rappellerai également que l'on constate, d'une façon générale, que ce sont les départements les moins riches économiquement qui ont les plus grandes charges s'agissant des personnes âgées dépendantes, alors que ce sont les plus riches qui, eux, pourraient le plus facilement absorber ces charges, qui en ont le moins ; cela se comprend d'ailleurs aisément. Cela pose donc un problème de solidarité nationale qu'il faudra bien traiter et prendre en compte dans la réforme.
Vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, avec Mme Aubry, à inscrire ce grand projet de réforme dans vos priorités pour 1999. Il existe une version datée du 7 mai 1998, qui a été bien reçue par les acteurs du secteur social et médico-social en ce qui concerne la place des usagers et de leur famille, une meilleure organisation et coordination institutionnelles et opérationnelles pour ce qui est de l'équipement social et médico-social, enfin le rapprochement des mécanismes de régulation des institutions sociales et médico-sociales avec ceux du secteur sanitaire.
En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, deux points inquiètent particulièrement les gestionnaires d'établissements d'hébergement de personnes âgées, dans la mesure où ils touchent aux conditions mêmes de fonctionnement.
Le premier est relatif à l'encadrement des dépenses à travers un taux d'évolution, ce qui supprimerait toute négociation budgétaire et serait, par conséquent, contraire à l'approche contractuelle prônée par ailleurs, et plus que jamais nécessaire dans le contexte décrit ci-dessus. Sans doute faut-il abandonner le taux directeur utile en son temps, mais devenu pervers.
Le second point a trait au contrôle des institutions, remettant en cause le principe de contrôle de légalité a posteriori, instauré par les lois de décentralisation et par la loi du 6 janvier 1986. Ce serait une régression et une atteinte à l'autonomie et à la responsabilisation des établissements, elles aussi particulièrement nécessaires dans ce contexte.
Le deuxième volet de l'action réformatrice concerne, bien sûr, la réforme de la tarification des établissements.
Le « Livre noir » publié en juin dernier et le comité national de coordination gérontologique témoignent, de façon différente, des nombreux dysfonctionnements constatés à ce sujet.
Le comité économique et social, quant à lui, précise « qu'il est temps pour notre pays de se doter d'un dispositif opérationnel et socialement juste de prise en charge de la dépendance » et « s'interroge sur une réforme de son financement et des modalités de gestion dans le cadre de la solidarité nationale ».
Le projet du Gouvernement comporte un certain nombre de points qui posent problème.
En effet, il semble consacrer les discriminations territoriales déjà constatées : il instaure un dispositif trop complexe, inaccessible aux personnes âgées et à leur famille, dont certaines verront leurs charges s'alourdir, du fait de l'intégration d'une part non négligeable des soins dans le tarif dépendance ; il reste muet sur l'avenir de certaines populations hébergées en long séjour, en attendant de pouvoir entrer dans un établissement adapté, je pense aux paraplégiques, hélas ! très jeunes, pour lesquels le nombre de places n'est pas encore suffisant ; il accroît le risque d'une diminution des moyens pour les personnes hébergées en long séjour ; enfin, il organise la mise en place d'une tutelle sur les établissements médico-sociaux qui est aux antipodes d'une gestion moderne, responsable et motivante, laquelle sera bien nécessaire pour parvenir à résoudre des problèmes qui, reconnaissons-le, sont extrêmement complexes.
C'est pourquoi ce projet doit être réexaminé en profondeur, en ayant pour préoccupation majeure un financement clairement défini et une égalité de traitement sur l'ensemble du territoire national. C'est à ce prix que les pouvoirs publics réhabiliteront l'espoir déçu de nos aînés et de leur famille, ainsi que celui des professionnels qui sont auprès d'eux et s'en occupent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, même si ces questions sont difficiles, nous espérons que, avec le temps, la bonne volonté et la concertation, nous parviendrons à les résoudre.
Tels sont les points sur lesquels, je souhaitais attirer particulièrement votre attention. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, ainsi que sur le banc des commissions. - M. Jean-Pierre Cantegrit applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le secrétaire d'Etat, après avoir écouté MM. les rapporteurs et les différents intervenants, je consacrerai mon propos à trois questions de société qui s'inscrivent parfaitement dans la politique de solidarité du Gouvernement et auxquelles vous portez, dans votre domaine ministériel, une attention toute particulière.
J'évoquerai successivement les décisions importantes que vous avez annoncées en faveur des personnes handicapées, la nécessaire réflexion que nous devons engager sur le dispositif de prise en charge des personnes âgées et, dans un tout autre domaine, les dons d'organe.
Ces trois thèmes sont sans lien apparent, mais ils s'inscrivent dans la politique de solidarité qui constitue le volet central du pacte républicain du Gouvernement.
Ce sont trois questions de société dans lesquelles l'Etat doit jouer pleinement un rôle d'animation et de régulation, car il s'agit d'apporter des réponses à des sujets qui suscitent parfois des réactions inattendues de la part de nos concitoyens et qui appellent, à ce titre, un engagement fort des pouvoirs publics.
Dans le domaine du handicap, vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, clairement indiqué le sens de votre action, d'abord en réaffirmant votre attachement à une politique spécifique en faveur des personnes handicapées, mais aussi en inscrivant la dimension de leur intégration sociale et du libre choix de vie au coeur de vos préoccupations.
Après le vote de la loi d'orientation de 1975, il était indispensable de donner un souffle nouveau à cette politique au sein de laquelle, pendant longtemps, la vision comptable a prévalu sur la dimension humaine et sociale, et où seul le verdict médical préfigurait la destinée de chaque personne, dictait son placement dans un établissement, sans que l'on se préoccupe de ses potentialités.
Votre politique trace des axes forts pour redonner une signification à l'intégration, à la formation et à la socialisation des personnes handicapées.
C'est tout particulièrement l'objet des actions de partenariat que vous engagez avec le ministère de l'éducation nationale, en faveur des jeunes, pour améliorer leurs conditions d'accueil dans le milieu scolaire et renforcer leur formation par un dispositif approprié, mais aussi, en direction des travailleurs handicapés, en mobilisant autour de l'objectif d'intégration les partenaires de l'emploi et les acteurs de l'insertion.
Il convient, à cet égard, de rappeler les dispositions législatives qui existent, mais sont mal exploitées, pour favoriser le recrutement de travailleurs handicapés dans des structures publiques.
Enfin, pourquoi ne pas favoriser des conventions entre l'Etat et les collectivités locales, ou les entreprises du secteur privé, pour faciliter la création d'emplois réservés à des personnes handicapées ?
Parallèlement à ces orientations, nous accueillons très favorablement le programme pluriannuel, décidé par le Premier ministre, de création de places pour les adultes lourdement handicapés.
Il faut en effet rappeler que, durant la période 1985-1998, le nombre de places d'hébergement pour adultes a été quasiment multiplié par deux, passant de 42 000 à 81 000. Malgré ces efforts, nous ne répondons toujours pas aux demandes des familles, et nous constatons par ailleurs de fortes disparités territoriales.
Je livrerai un témoignage concret, en ma qualité de maire de Clermont-l'Hérault. Voilà cinq ans, nous avons construit, dans cette commune, une maison d'accueil spécialisée de quarante lits grâce au soutien du Président François Mitterrand et du comédien Michel Creton ; je tiens à saluer ici l'action constante que ce dernier mène avec beaucoup de passion à travers la France.
Face aux très nombreuses demandes, nous avons réalisé, voilà quelques mois, une extension concernant douze lits, mais ces efforts restent insuffisants. En effet, le département de l'Hérault compte seulement sept maisons d'accueil spécialisées. Aussi, je formerai le voeu que les projets élaborés à Montpellier et à Ganges soient financés dans le cadre de ce plan pluriannuel, et ce dans les meilleurs délais.
Ce programme et ces mesures que vous engagez, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les cinq années à venir, représentent un effort considérable.
Ils sont le témoignage de choix politiques clairs en direction des personnes les plus fragilisées, conformément aux engagements pris par le Premier ministre ; ils sont aussi l'affirmation d'une volonté délibérée d'inscrire la personne handicapée en tant qu'acteur de la vie de la cité.
C'est un choix politique majeur, qui détermine une nouvelle approche du handicap, dans laquelle « dignité » et « citoyenneté » trouvent leur pleine signification.
Cette philosophie - qui vous anime et nous anime - consistant à donner à chacun les moyens du plein exercice de la citoyenneté, nous la percevons aussi dans la politique que vous entendez conduire en faveur des personnes âgées.
Les progrès de la médecine et l'allongement de la durée de la vie nous commandent de renouveler notre approche de cette question de société.
Selon les prévisions de l'INSEE, la France devrait compter 2 000 000 de personnes dépendantes en 2020, alors que l'on en recense 1 000 000 aujourd'hui. C'est dire l'urgence de la réflexion que nous devons engager.
Je retiendrai dans mon propos trois préoccupations majeures.
D'abord, comment s'assurer de l'égalité de l'accès aux soins de ces personnes ?
Ensuite, comment résoudre le problème des disparités territoriales en matière d'équipements ?
Enfin et surtout, comment s'assurer d'une bonne coordination de l'action gérontologique, dans un domaine où le partage des compétences s'exerce non seulement entre l'Etat, les départements et les communes, mais aussi entre les acteurs publics et les acteurs privés ?
Toutes ces questions, auxquelles on pourrait ajouter la question de la complexité des grilles de tarification des prestations d'accueil, de soins ou de séjours médicalisés, méritent que nous organisions prochainement un grand débat.
Nous devons, dans ce domaine, effectuer des choix, sur le maintien à domicile, sur la création de lits médicalisés, sur la maîtrise comptable de ces dépenses qui vont fortement progresser dans les prochaines années, et sur la formation qualifiante des agents territoriaux qui interviennent auprès des personnes âgées.
Ce sont des orientations politiques où, là encore, la dignité des personnes devra être nettement respectée.
Enfin, je souhaite conclure mon propos en attirant votre attention sur les actions d'information en faveur du don d'organes.
Chaque année, selon les statistiques établies par vos services, 3 000 greffes d'organes sont pratiquées dans les établissements hospitaliers français, au sein desquels nous pouvons compter sur des équipes médicales qui sont parmi les meilleures au monde et auxquelles nous devons rendre publiquement hommage.
Hélas ! ces équipes sont confrontées à l'attente de nombreux malades - près de 5 000 - qui ne peuvent être tous sauvés faute de donneurs.
Nous savons aussi que le nombre de personnes qui s'opposent aux prélèvements d'organes a augmenté légèrement au cours des dernières années.
C'est la raison pour laquelle il me paraît important et urgent de relancer, avec le concours de l'Etablissement français des greffes, les campagnes d'information et de sensibilisation de nos concitoyens sur un sujet extrêmement grave et préoccupant, qui appelle rapidement des prises de position.
Sur toutes ces questions, nous savons que nous pouvons compter sur votre détermination et sur votre compétence, monsieur le secrétaire d'Etat. La solidarité est bien au coeur de l'action du Gouvernement.
Le projet de budget que vous présentez vous donne les moyens de cette action et il engage notre pays dans la réforme de société souhaitée par les Français. Aussi, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, nous le voterons sans réserve, en apportant volontiers notre soutien aux choix politiques qui le sous-tendent. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé et la solidarité.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, n'ayant pas tellement l'habitude d'utiliser la langue de bois, je ne vous cacherai donc pas que ma présence parmi vous et la déception que vous devez en concevoir... (Protestations sur toutes les travées.)
M. Jean Delaneau. Du tout !
M. le président. En aucun cas, madame !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je vous remercie !
... s'expliquent par le fait que Bernard Kouchner, qui comptait fermement vous donner les réponses que vous êtes en droit d'entendre, est encore retenu à l'Assemblée nationale, à une heure où, en toute logique, il aurait dû être parmi vous. Vous voudrez donc bien excuser son porte-parole, qui va essayer d'apporter une réponse intelligible à l'ensemble de vos questions.
La prévention et la lutte contre les exclusions constituent un axe fort, qui requiert un effort budgétaire important et qui va structurer pour une bonne part l'action de ce ministère. Je remercie M. Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, d'en avoir donné acte au Gouvernement. Le second axe structurant est la mise en place d'un appareil complet de veille et de sécurité sanitaire.
Témoigne de tout cela la progression de 4,5 % des crédits affectés à ce budget, très supérieure à la hausse générale de 2,3 % du budget de l'Etat.
La progression brute des crédits de 7,5 milliards de francs comprend la prise en charge par l'Etat, pour 4 233 millions de francs, de l'allocation de parent isolé en contrepartie de la révision du quotient familial et du rétablissement des allocations familiales pour tous sans condition de ressources. Les mesures de la loi et du programme de lutte contre les exclusions qui relèvent du budget de la solidarité sont intégralement financées, avec 536 millions de francs de mesures nouvelles. Mme Borvo en a souligné l'importance.
Deux mesures participent au volet emploi du programme.
Il s'agit d'abord de l'abondement de 120 millions de francs de la contribution de l'Etat aux fonds d'aide aux jeunes, les FAJ, qui sont sollicités dans le cadre des parcours d'insertion du programme TRACE, Trajet d'accès à l'emploi, pour apporter une aide matérielle aux jeunes sans ressources entre deux contrats ou stages.
L'autre mesure est le doublement, avec 100 millions de francs de plus, des crédits de l'accompagnement social individualisé, l'ASI. L'accompagnement social individualisé joue un rôle déterminant en amont de la démarche d'insertion professionnelle, pour débloquer des situations sociales difficiles qui font obstacle à tout engagement actif dans la recherche d'une solution d'emploi ou de formation.
La réponse à l'urgence sociale, deuxième grand volet du programme de lutte contre les exclusions, mobilise d'importants moyens nouveaux.
La loi de lutte contre les exclusions conforte le dispositif de veille et d'urgence sociale. Elle consolide ses missions, légitime ses modes d'intervention et lui permet de progresser vers la coordination nécessaire à sa pleine efficacité.
Ce dispositif s'appuie sur des places d'hébergement - 30 000 places dans les centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, 15 000 places d'hébergement d'urgence - mais aussi sur une variété d'outils mis en place le plus souvent sur l'initiative des associations : lieux d'accueil de jour, équipes mobiles formées pour aller au-devant des personnes les plus désocialisées, notamment les jeunes en errance.
Le projet de budget apporte à ce dispositif de quoi poursuivre son amélioration qualitative et soutenir l'effort des associations pour promouvoir des structures différenciées capables de répondre à l'hétérogénéité croissante des situations d'exclusion.
Plus de 200 millions de francs de mesures nouvelles lui sont consacrés, conformément à ce qui avait été annoncé dans le programme du 4 mars dernier : 120 millions de francs inscrits au chapitre 47-21 permettront de renforcer les structures d'hébergement d'urgence et les services de veille sociale, dont la nécessité est malheureusement à nouveau prouvée par les drames causés par la vague de froid, 42 millions de francs seront consacrés à la transformation de 500 places précaires en places en CHRS, dotées de moyens d'accompagnement et de réinsertion sociale, enfin 75 millions de francs d'autorisations de programme et 43 millions de francs de crédits de paiement figurant au titre VI permettront de poursuivre la rénovation des CHRS vétustes ou dépourvus des conditions normales de sécurité, de salubrité et de protection de la personne.
J'ajoute, même si cela ne relève pas formellement du programme de lutte contre les exclusions - l'esprit est toutefois proche - que 100 places nouvelles de CHRS spécialisés dans l'accueil des réfugiés et demandeurs d'asile sont créées, comme en 1998, dans le projet de budget pour 1999. Cette mesure vient à l'appui du dispositif d'accueil personnalisé adopté par le Gouvernement le 21 octobre dernier dans une douzaine de départements très concernés. Les deux autres axes annoncés dans le cadre de cette politique concernent les étapes ultérieures de l'intégration des immigrés : la lutte contre les discriminations et le raccourcissement des délais de naturalisation. Faire face à l'urgence sociale, c'est aussi mieux gérer les aides financières d'urgence.
L'expérience des fonds et missions d'urgence sociale du début de l'année a montré la voie. La bonne méthode réside dans la mobilisation coordonnée de tous les acteurs et instances concernés - conseils généraux, centres communaux d'action sociale, caisses d'allocations familiales, ASSEDIC - en veillant à ce que l'Etat prenne toutes ses responsabilités sans recentraliser ni se substituer aux responsabilités de ses partenaires.
Mme Borvo a exprimé son souhait de rapatrier auprès des ASSEDIC les fonds sociaux et de réabonder ces derniers en fin d'année. Comme vous le savez, il s'agit de décisions qui relèvent des partenaires sociaux, gestionnaires de l'assurance chômage.
Pour sa part, l'Etat s'attache à assurer la meilleure coordination des différents fonds avec la mise en place des commissions d'action sociale d'urgence, qui fonctionnent déjà dans quarante départements, auxquels trente-trois départements s'ajouteront dans les jours qui viennent. S'agissant des fonds partenariaux, l'Etat y augmente sa participation de 50 % pour 1999.
La coordination des aides est la clé de l'efficacité dans la prise en charge des situations de détresse. Elle démultiplie l'action de chacun des partenaires et garantit aux personnes qui s'adressent à l'un des guichets disponibles que leur dossier sera analysé dans tous ses aspects, orienté à qui de droit sans autre démarche de leur part et traité dans les meilleures conditions de rapidité et d'équité.
Au-delà des moyens financiers apportés par l'Etat aux fonds partenariaux mobilisables par les CASU - les fonds d'aide aux jeunes, les fonds de solidarité logement - 80 emplois de catégorie A viendront renforcer les DDASS, très impliquées dans l'appui aux CASU. Enfin, l'appareil de formation des travailleurs sociaux sera doté de 52 millions de francs de crédits nouveaux pour accroître de 10 % les effectifs d'étudiants et améliorer la qualité des filières de formation.
L'accent mis sur les mesures issues de la loi et du programme de lutte contre les exclusions ne doit pas occulter le fait que le RMI est le dispositif central tant de protection contre le dénuement et l'exclusion que de réinsertion vers l'emploi et l'autonomie sociale et personnelle.
M. le rapporteur spécial et MM. les rapporteurs pour avis se sont montrés soucieux de la progression persistante des effectifs du RMI.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Pour le moins !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Il va de soi que nous partageons cette préoccupation. Nul ne peut se satisfaire que deux millions de personnes, dont 700 000 enfants, vivent avec des ressources aussi faibles et que l'insertion reste en deçà des attentes.
Il faut avoir l'ambition de faire baisser le nombre d'allocataires. Certes, l'amélioration de la situation de l'emploi produit ses premiers effets, et le taux de croissance des effectifs au premier semestre de 1998 est le plus faible jamais enregistré. Mais la clé de l'insertion et du retour à l'emploi tient dans la mobilisation des outils de la politique de l'emploi et la multiplication des accès à l'emploi, sous l'impulsion des acteurs locaux, élus, administrations, associations. L'expérience montre que c'est ainsi que l'on accroît les chances de sortir du RMI.
Le Gouvernement partage le souci de M. Othily de développer l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RMI. Celle-ci doit être recherchée, dans le respect des textes existants, en utilisant notamment tous les nouveaux outils créés dans l'optique de la mise en oeuvre du programme et de la loi de lutte contre les exclusions. La récente modification du statut des agences d'insertion dans votre département et dans les autres départements d'outre-mer doit permettre de réelles avancées, en favorisant une plus large implication des collectivités territoriales au côté de l'Etat.
L'expérience montre aussi - cela rejoint d'ailleurs les analyses de M. le rapporteur spécial - qu'il faut se garder de trop de pessimisme et surtout des idées reçues sur le RMI. En effet, la croissance des effectifs des bénéficiaires du RMI n'est pas explosive, et elle se ralentit même depuis trois ans. Par ailleurs, la part des jeunes de moins de trente ans n'augmente pas, puisqu'elle est stable à 30 % depuis 1989. Enfin, on ne s'installe pas dans le RMI, dispositif pour lequel les flux d'entrées et de sorties sont très importants, puisque plus de 360 000 personnes en sortent chaque année et que 50 % des bénéficiaires y restent moins de deux ans. Le « I » de RMI n'est pas en panne : ainsi, plus de 700 000 contrats d'insertion sont conclus chaque année, même si c'est avec une qualité de contenu et de suivi inégale.
Précisément, la loi de lutte contre les exclusions prévoit la mise en place des dispositifs d'accompagnement individualisé vers l'emploi qui renforcent cette dynamique d'insertion. Le dernier en date - il est entré en vigueur le 1er décembre - est le cumul possible, pendant un an, du RMI et d'autres minima sociaux avec des revenus d'activité professionnelle.
Madame Borvo, pour le Gouvernement, la véritable réponse à l'exclusion passe par une action déterminée sur ses causes, au premier rang desquelles figure le chômage. Dans ce domaine, la loi relative à la lutte contre les exclusions permet de mener une action d'envergure, en affirmant l'accès aux droits, dont le droit au logement, le droit à la santé et, surtout, le droit à l'emploi.
Nous avons également souhaité améliorer la situation des personnes qui dépendent, pour leur existence, des minima sociaux. Dois-je vous rappeler les majorations de l'allocation spécifique de solidarité de 8 %, de l'allocation d'insertion de 29 % et de l'allocation veuvage de plus de 1 000 francs pour la seconde année, la création de l'allocation spécifique d'attente pour les bénéficiaires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique, le cumul du RMI avec l'allocation pour jeune enfant et les majorations pour âge des allocations familiales ? Je pourrais parler aussi de l'intéressement, des barèmes logement, etc.
Tout cela, vous le savez. Mais il reste un point, qui a justifié, aux yeux de votre commission, le dépôt d'un amendement en réduction de crédits de 1,3 milliard de francs, soit 5 % de la dotation de 26,4 milliards de francs prévue en 1999. Il s'agit de l'ampleur des fraudes et de l'efficacité des contrôles.
Or, le RMI est, aujourd'hui, le dispositif social le plus contrôlé.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. La Cour des comptes n'est pas d'accord !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. La fraude est devenue marginale - mesurée à 0,6 % en 1997.
Pour répondre à M. Darniche, je veux simplement dire, comme le souligne M. Chérioux dans son rapport, que les rares cas de jeunes bénéficiaires issus de familles aisées sont réglés dans le cadre de l'obligation d'insertion faite à tout bénéficiaire.
Il faut aussi se garder de confondre l'évolution des effectifs et la progression de la dépense. Celle-ci enregistre l'effet report de la croissance antérieure, mais aussi, en 1999, les modifications apportées au dispositif au-delà de la revalorisation de l'allocation, telles que la possibilité de cumuler le RMI et l'allocation pour jeune enfant pendant la grossesse et le fait que les majorations des allocations familiales pour l'âge des enfants ne s'imputent plus sur les revenus pris en compte pour calculer le RMI.
L'inertie de la dépense par rapport à l'évolution des effectifs explique que nous devrons compléter la dotation de 1998 dans le collectif budgétaire : 900 millions de francs sont prévus à cette fin, ce qui portera les crédits ouverts en 1998 à 26,2 milliards de francs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique à l'égard des personnes handicapées est, je le sais, une préoccupation majeure pour la plupart d'entre vous - vous me permettrez de dire « d'entre nous ».
Notre politique en faveur des personnes handicapées est une politique globale, attentive à tous les aspects de la vie des personnes - éducation, emploi, vie sociale. Elle vise à favoriser en priorité leur intégration dans tous les dispositifs de droit commun en milieu de vie ordinaire.
Cet objectif est conforme à celui, toujours d'actualité, qui a été proclamé par la loi d'orientation du 30 juin 1975. Mais le contexte démographique, économique et social n'est plus le même. Les attentes des personnes handicapées ont changé, leur aspiration à l'autonomie s'est affirmée.
Une politique spécifique en faveur des personnes handicapées reste légitime, mais elle ne doit pas être cloisonnée par rapport aux autres politiques publiques - emploi, éducation, logement, accès aux services publics. Tous ces domaines doivent intégrer les préoccupations des personnes handicapées autour de l'objectif clé de l'intégration.
Monsieur Vidal, vous avez parfaitement décrit la manière dont se décline cet objectif d'intégration en termes de dignité et de citoyenneté. J'en reprends rapidement les lignes d'action concrètes.
La première est la socialisation et l'intégration des jeunes handicapés, auxquelles un prochain conseil national consultatif des personnes handicapées sera consacré, en liaison avec le ministère de l'éducation nationale, avec qui nous allons élaborer des schémas d'équipement et d'accompagnement pour l'enfance et l'adolescence handicapées.
Le deuxième objectif concerne l'accompagnement des personnes handicapées dans leur vie quotidienne, en milieu ordinaire et dans les institutions spécialisées ; des expérimentations sur des aides techniques propres à favoriser la vie à domicile sont en cours.
Le troisième objectif est la formation et l'emploi des travailleurs handicapés. Les lignes directrices d'une relance de la politique d'insertion professionnelle ont été présentées au Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des personnes handicapées.
Sur l'hypothèse que vous avez évoquée, monsieur Chérioux, d'un transfert à l'AGEFIPH des crédits de l'Etat,...
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. J'ai parlé non pas d'hypothèse, mais de faits, et j'ai posé une question.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Disons alors que, s'agissant des crédits inscrits au budget de l'emploi relatifs au financement des équipes de préparation de suite et de reclassement, les EPSR, je tiens à apporter les précisions suivantes.
Si la convention pluriannuelle d'objectifs qui sera prochainement signée entre l'Etat et l'AGEFIPH laisse ouverte une telle possibilité, aucune décision quant à sa mise en oeuvre n'a, pour l'heure, été arrêtée.
Une telle mesure serait cohérente avec la vocation d'insertion des travailleurs handicapés de l'AGEFIPH et avec le fait que cet organisme finance déjà pour partie les EPSR privés.
Toutefois, la contrepartie d'un tel transfert devrait être le redéploiement des crédits correspondants sur le renforcement des moyens de fonctionnement des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP. Une telle mesure requiert, cependant, un examen complémentaire de la part des partenaires compétents.
Mais l'intégration des personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire n'enlève rien au rôle des institutions, qui sont et resteront indispensables, notamment pour les personnes les plus lourdement handicapées.
Cette problématique rejoint l'objectif de la réforme engagée sur l'autre loi du 30 juin 1975, non pas la loi d'orientation en faveur des handicapés, mais celle qui est relative aux institutions sociales et médico-sociales.
Pour en revenir au projet de budget pour 1999, dont 40 % des crédits, soit 31,7 milliards de francs, sont consacrés aux personnes handicapées, les rapporteurs soulignent la croissance élevée de la dépense d'allocation aux adultes handicapés, qu'ils mettent au compte d'un défaut de maîtrise des dépenses sociales obligatoires.
Leurs analyses sont néanmoins plus nuancées que cette conclusion. Ainsi, monsieur Oudin, je ne peux que souscrire à vos explications relatives à un meilleur accès au droit, à l'inertie de la structure par âge de la population bénéficiaire ou à l'éviction du marché de l'emploi que subissent les personnes fragilisées par un ou plusieurs handicaps.
C'est ainsi que la dotation de 1999, établie à 24,57 milliards de francs, est fondée sur une hypothèse de progression en volume de la dépense de 3,8 %, au-delà de la provision de 1,2 % pour revalorisation qu'il faudra en effet - vous l'avez, je crois, évoqué, monsieur Chérioux ! - aligner comme le veut la loi sur la progression du minimum vieillesse. Il faut aussi souligner que la loi dite « Chevènement » de mai 1998 a quelque peu élargi le champ des bénéficiaires de l'AAH.
Sans trop anticiper sur la discussion des articles, j'indique que l'article 83 du projet de loi de finances, qui étend la présomption d'inaptitude au travail à l'âge de soixante ans à tous les bénéficiaires de l'AAH a pour objet de leur permettre d'accéder à une pension de vieillesse et en aucun cas de stigmatiser les personnes handicapées qui travaillent ou pourraient souhaiter travailler au-delà de soixante ans. Au demeurant, la mesure n'a rien de brutal, comme le montre son effet marginal sur la dotation pour 1999, à savoir une économie de 31 millions de francs.
S'agissant des centres d'aide par le travail, auxquels le budget de la solidarité consacre plus de 6,2 milliards de francs, je rappellerai que leur développement s'inscrit dans le programme pluriannuel adopté par le Gouvernement pour la période de 1999-2003 et qui prévoit - vous l'avez rappelé, monsieur Vidal - la création de 5 500 places de maisons d'accueil spécialisées et de foyers à double tarification, de 8 500 places de centres d'aide par le travail et de 2 500 places d'ateliers protégés. Dans ce projet de budget, nous prévoyons et finançons la création de 2 000 places nouvelles de CAT, pour un coût de 131 millions de francs.
Au risque, là encore, d'anticiper sur la discussion des articles, je souhaite évoquer l'opposabilité des enveloppes introduites à la fois dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances, qui témoigne de la volonté du Gouvernement de poursuivre sa démarche de maîtrise des dépenses médico-sociales. Elle permettra de lever la contradiction, source de contentieux, entre des dotations budgétaires limitatives et l'absence de régulation des dépenses des établissements. Mais en aucun cas elle n'exclut le nécessaire débat contradictoire sous le contrôle du juge et, bien sûr elle ne fait nullement obstacle à l'augmentation des moyens dont dispose ce secteur en expansion.
Les rapporteurs ont abondamment développé l'application au secteur médico-social de la loi du 13 juin 1998 sur la réduction du temps de travail.
Je suis convaincue que le secteur médico-social associatif saura faire de cette loi une chance, à condition d'anticiper, comme il a toujours su le faire, une organisation du travail souple et adaptée à des activités très hétérogènes et spécifiques, mais aussi veiller à ce que la réduction du temps de travail ne se traduise pas par des charges qui viendraient s'imputer sur les moyens nouveaux mis en place pour répondre aux besoins des usagers.
Madame Heinis, vous avez évoqué les questions que posent la mise en place de la prestation spécifique dépendance, le PSD, ainsi que la réforme de la tarification des établissements accueillant les personnes âgées dépendantes.
Je veux rappeler que la loi du 24 janvier 1997 instituant cette prestation est mise en oeuvre à domicile dans l'ensemble des départements et dans la grande majorité d'entre eux s'agissant des établissements. Le Gouvernement a estimé qu'il convenait d'attendre que cette application soit intervenue sur une période d'un an afin de pouvoir procéder à une évaluation précise, objective et exaustive des apports et des faiblesses de cette loi.
Un premier bilan de l'application de cette loi a été présenté au début du mois d'octobre au comité national de la coordination gérontologique. Le bilan et les conclusions qui ont été déposés par la mission des inspections générales des affaires sociales et des finances chargée d'une redéfinition de l'ensemble des aides à domicile conduiront le Gouvernement à prendre ou à proposer au Parlement, le cas échéant, les modifications nécessaires.
Le Gouvernement entend par ailleurs mener, dès 1999, l'indispensable réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, dont les textes d'application paraîtront prochainement.
Cette réforme de la tarification instaurera trois sections tarifaires au lieu de deux actuellement à l'intérieur du budget des établissements.
L'équilibre entre les trois financeurs que sont principalement l'usager, au titre des dépenses liées à l'hébergement et à la dépendance, l'assurance maladie, au titre des soins, et le conseil général au titre de la PSD et de l'aide sociale à l'hébergement, sera préservé. Cela signifie - j'insiste sur ce point - que les charges des pensionnaires ne seront pas accrues. En effet, les mesures nouvelles ouvertes ces dernières années par l'assurance maladie seront poursuivies et permettront d'améliorer la qualité de la prise en charge des personnes âgées dans ces établissements grâce à des personnels plus nombreux et mieux formés.
Je me permets de rappeler que nombre de difficultés de ce texte créant la PSD tiennent à sa nature décentralisée, gérée par les conseils généraux, ainsi que votre Haute Assemblée l'a voulu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Vous avez ensuite évoqué, madame Heinis, la loi du 30 juin 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales. Depuis un rapport d'évaluation de l'IGAS de 1996, chacun reconnaît l'obsolescence de cette loi, dépassée tant par l'évolution de la décentralisation que par celle des pratiques et des demandes sociales. Les orientations du texte sur lequel nous travaillons vont dans le sens du développement de la participation effective de la personne bénéficiaire à sa prise en charge d'une meilleure répartition de l'offre, du soutien aux formules innovantes de prise en charge, notamment à domicile, y compris sous forme de réseaux pluridisciplinaires, enfin, de l'introduction d'outils d'évaluation et de coordination.
L'intérêt et le consensus recueillis autour de ces pistes nous ont conduits à relancer la concertation officielle. Cette concertation n'est pas achevée. Le texte de notre projet est encore susceptible d'évoluer, et nombre de reproches que vous avez formulés, madame le sénateur, sont fondés sur des rédactions qui ont été abandonnées.
Je voudrais aussi faire écho à l'analyse de M. Chérioux - à qui M. Bernard Kouchner souhaitait répondre d'une façon précise - sur la dérive des décisions judiciaires de tutelle d'Etat.
Nous avons engagé la réflexion sur le devenir de ce dispositif de protection juridique, en concertation avec les principales associations tutélaires, afin de revoir son mode de financement et de contrôle. Nous le faisons à la lumière des conclusions des rapports confiés par les ministres compétents aux trois inspections générales - finances, justice et affaires sociales. Pour l'heure, nous avons remis à niveau la dotation affectée aux tutelles, par une augmentation de 11 % qui la porte à 571 millions de francs.
Dans un ordre d'idée un peu comparable, vos rapporteurs ont souligné un certain nombre de difficultés liées à l'existence d'arriérés de paiement qui affectent l'équilibre financier des opérateurs de certaines politiques sociales de l'Etat. J'en évoquerai deux.
Les objecteurs de conscience d'abord. La réforme du service national a retourné la progression antérieure du nombre des objecteurs de conscience, de sorte que la dotation pour 1999, avec 108 millions de francs, est bien ajustée aux besoins. Il reste que des arriérés de paiement demeurent encore, que nous avons bien commencé à résorber l'an dernier. Le collectif de 1998 poursuivra avec une ouverture de 140 millions de francs au total.
L'autre point concerne la gestion difficile du chapitre 66-20 où figurent notamment les crédits contractualisés du plan d'humanisation des hospices. Là encore, le collectif prévoit un effort important de 113 millions de francs, à comparer aux 346 millions de francs de crédits de paiement ouverts en 1999, pour apurer l'insuffisance de crédits héritée du passé et permettre à l'Etat d'honorer ses engagements.
Consciente que je suis loin d'avoir épuisé les commentaires possibles sur le budget de la solidarité, je ne peux conclure cette partie sans mentionner l'effort très significatif du Gouvernement en matière de droits des femmes dont je suis désormais chargée et dont le budget augmente de plus de 10 %.
Ces mesures permettront de financer le plan national d'action en faveur de l'emploi des femmes, la lutte contre les violences et leur prévention, ainsi qu'une vaste campagne sur la contraception.
Enfin, je rappelle que, en 1999, la France accueillera la conférence européenne sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision.
J'en viens maintenant au budget de la santé, et je vous demande une certaine indulgence sur cette partie.
Ce budget s'établit, en 1999, à pratiquement 3,8 milliards de francs, ce qui est légèrement supérieur au niveau de 1998, avec une augmentation de 0,3 %.
Toutefois, pour comparer les deux budgets à structure constante, il faut tenir compte du transfert, pour 120 millions de francs, du financement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie sur l'enveloppe médico-sociale de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, conformément au statut qui leur est conféré par l'article 72 de la loi de lutte contre les exclusions et l'article correspondant du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En termes réels, ce budget augmente donc de 3,6 %, et j'ai lieu de m'en réjouir, car cette progression permet des choix clairs et structurés.
Sans doute, l'essentiel de la politique de la santé s'exprime-t-il à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cependant - et, sur ce point, je suis sans difficulté votre rapporteur pour avis - tout l'intérêt de ce budget est de mettre en exergue des choix de santé publique et de souligner l'importance cruciale de la prévention, car tout ne se réduit pas aux soins.
Ce budget de la santé publique s'organise en quatre lignes directrices.
La première est que la santé est un enjeu de la lutte contre les exclusions.
La loi de lutte contre les exclusions l'affirme : l'accès aux soins est un droit fondamental. Ce budget met en place les moyens de le traduire dans les faits.
La mise en place des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins constitue l'un des points forts du volet « santé » du programme de lutte contre les exclusions, avec les permanences d'accueil des plus démunis dans les hôpitaux et, bien sûr, la couverture maladie universelle, qui sera prochainement soumise à la discussion parlementaire.
L'objectif de ces programmes est d'amener le système de santé à prendre en compte la précarité sans stigmatiser les personnes ni leur réserver un traitement à part. Ils permettront d'identifier les besoins spécifiques aux personnes en situation de précarité, de mettre au point et de coordonner les actions de prévention, de soins et de suivi qu'appellent les risques identifiés : pathologies mal soignées et devenues chroniques, souffrances psychiques, conduites à risque.
L'enveloppe de 250 millions de francs, annoncée le 4 mars lors de la présentation du programme, sera disponible en 1999, grâce à l'apport de 194 millions de francs de mesures nouvelles. Ces mesures sont réparties sur divers chapitre, actions de santé publique bien sûr, qui reçoit 100 millions de francs, chapitres toxicomanie, alcoolisme, lutte contre les maladies transmissibles, mais aussi titre III, car il essentiel que les services déconcentrés portent cette politique nouvelle.
M. Louis Boyer, vous reconnaîtrez sans doute que cette répartition, qui correspond à la diversité des approches de la santé des populations en situation de précarité, est parfaitement transparente dans le « bleu » et qu'elle ne prête à aucun double compte, à aucun effet d'optique dans la présentation de l'action gouvernementale.
La réalité, en revanche, est que ces programmes vont renouveler la vision et les modes de travail de tous les acteurs - administration, praticiens, travailleurs sociaux - appelés à coopérer au sein des réseaux médico-sociaux, avec les équipes de psychiatrie de secteur ou d'établissement, dans les consultations d'alcoologie organisées dans les centres d'hébergement, dans les lieux d'écoute des jeunes désocialisés.
Le deuxième axe est la prévention et la prise en charge des maladies infectieuses et des dépendances à l'égard des drogues de toute nature, mission traditionnelle et essentielle de l'Etat, qui représente le tiers du budget de la santé mais dont le champ s'élargit sensiblement en 1999.
Les crédits de lutte contre la toxicomanie s'élèvent à 1,52 milliard de francs, répartis entre deux chapitres, dont l'un porte les crédits interministériels de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Le Premier ministre, je vous le rappelle, monsieur Darniche, a demandé à la présidente de cette mission de faire des propositions avant la fin de l'année sur l'organisation de la mission interministérielle, en lui demandant d'élargir son champ d'action à l'ensemble des toxiques, légaux ou illégaux.
Ainsi monsieur Louis Boyer, sans précipitation, en tenant compte des leçons des dysfonctionnements antérieurs, se dessine le plan véritablement interministériel dont vous regrettiez l'absence. C'est si vrai que le Gouvernement a prévu d'abonder les crédits de la mission dans le collectif de fin d'année pour compléter les moyens de cette politique.
Madame Borvo, il est indispensable de développer des réponses diversifiées pour les adolescents qui consomme en trop grand nombre des drogues illicites mais aussi de l'alcool, du tabac et des médicaments.
C'est la raison pour laquelle nous avons créé soixante-quinze « points écoute » plus particulièrement destinés à l'accueil et à l'orientation des jeunes usagers de drogues.
La lutte contre le sida et le chapitre 47-18 qui lui était entièrement consacré s'élargiront en 1999 à d'autres maladies transmissibles relevant d'une approche globale et de problématiques comparables, principalement l'hépatite C, qui touche 600 000 personnes en France.
Ainsi recomposé, le chapitre s'établit à 523,5 millions de francs, dont 16 millions de crédits nouveaux pour amorcer un plan national de lutte sur quatre ans contre l'hépatite C, qui sera mis en oeuvre dès 1999.
Ces mesures nouvelles, complémentaires du projet de loi de financement de la sécurité sociale, permettront d'organiser le dépistage, le diagnostic et le traitement de ces patients, mais aussi de soutenir la surveillance épidémiologique, des programmes de prévention et la formation des personnels sanitaires et sociaux.
La lutte contre l'alcoolisme comporte une mesure nouvelle de 25 millions de francs qui s'intègre, je le répète, dans les 194 millions de francs de crédits nouveaux affectés aux PRAPS, les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins.
Quant à la lutte contre le tabac, c'est principalement sur le budget de l'assurance maladie qu'a porté notre effort. Ainsi, les crédits consacrés à la prévention en matière de tabagisme, au sein du fonds national de prévention, ont été portés en trois ans de moins de 20 millions de francs à plus de 70 millions de francs.
S'agissant de la prise en charge des malades atteints par le VIH, vous avez interrogé M. Kouchner, madame Borvo, sur l'avenir de l'hôpital Pasteur. Du fait de l'évolution thérapeutique actuelle concernant cette maladie - systématisation de la trithérapie notamment - l'activité de l'établissement a considérablement chuté et, de cinquante à soixante malades en moyenne par jour, elle est descendue à cinq à dix malades.
L'avenir de l'établissement fait actuellement l'objet de discussions. Ces discussions interviennent dans le cadre d'un bilan programmé depuis un an. Une décision sera prise d'ici à deux ou trois mois. Cela nous laisse le temps de conduire un examen objectif et concerté des perspectives d'évolution de cet établissement.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Une fermeture serait bien regrettable pour les malades !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. La lutte contre les maladies chroniques n'est pas oubliée, monsieur Oudin. M. Kouchner a décidé, vous le savez, une politique audacieuse de lutte contre le cancer, dont la base législative vient d'être votée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cette politique, qui porte sur deux axes essentiels - le dépistage et l'organisation des soins - permettra, pour la première fois, d'engager les médecins généralistes dans un vaste mouvement de dépistage encadré techniquement de manière que cette généralisation aille de pair avec l'amélioration de la qualité des prestations.
Vous avez évoqué le Conseil national du cancer, monsieur le sénateur. Ce dernier n'a pas été supprimé, mais la création du Haut Comité de la santé publique, puis de la conférence nationale de santé, enfin du comité de prévention prévu dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion passée avec la CNAM sont autant de lieux où se débat et se prépare une politique globale de santé publique.
En ce qui concerne le prix des chimiothérapies, il existe, certes, une grande disparité, et nous nous efforçons de la réduire.
Enfin, à propos de la nomenclature, le niveau de remboursement des actes de radiologie a été réduit. Il a cependant été maintenu pour la radiothérapie afin de préserver le suivi le plus actif possible des patients cancéreux.
J'ajoute quelques mots, monsieur Vidal, pour vous répondre sur la politique développée par l'établissement français des greffes concernant le don d'organe.
L'année 1998 a été celle d'une large mise à disposition du public d'informations sur le prélèvement et la greffe, avec la mise en service du registre national du refus. A ce jour, quinze millions de Français ont eu accès à ces informations et près de trente mille personnes sont inscrites au registre.
Après sept ans de diminution, puis de stabilité, l'année 1998 devrait se caractériser par une augmentation d'environ 10 % des prélèvements d'organe par rapport à 1997, ce qui témoigne du renforcement d'une organisation efficace du prélèvement dans les établissements de santé.
La troisième ligne directrice du budget de la santé publique, c'est l'organisation du système de soins. Celle-ci nécessite des moyens et des outils que le budget pour 1999 contribue à conforter. L'agrégat qui les regroupe est doté de plus de 1,5 milliard de francs.
Outre les crédits de formation des professions médicales et paramédicales, qui se stabilisent en 1999 après des baisses successives, les composantes les plus notables de l'agrégat sont la subvention à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, le financement des agences régionales de l'hospitalisation et la dotation du fonds d'investissement pour la modernisation hospitalière. Ces trois points, en tout cas, ont retenu l'attention des rapporteurs.
La formation des professions médicales a également été abordée par M. Autain, qui s'interroge sur une éventuelle dévalorisation de la formation des étudiants en chirurgie dentaire.
Celle-ci fait l'objet d'une attention soutenue puisque la durée minimale de leurs études a récemment été portée de cinq à six ans. Un troisième cycle a en effet été créé ; il comporte deux voies : l'une, courte, d'un an, et l'autre de trois ans, avec la mise en place d'un véritable internat.
Au moment de la sortie de la promotion d'internes, M. le secrétaire d'Etat entend évaluer, avec l'ensemble des intéressés, cette première expérience pour y apporter, le cas échéant, les améliorations qui conviennent.
En ce qui concerne l'ANAES, la subvention de l'Etat est reconduite au niveau de 1998, soit 37,33 millions de francs, auxquels s'ajoute la dotation globale versée par les caisses d'assurance maladie, 74,66 millions de francs.
Cette stabilité n'est pas une stagnation qui pourrait inquiéter. S'il est vrai que la montée en charge de l'activité de l'établissement est progressive, il est aussi de bonne pratique d'avoir fixé la dotation budgétaire à un montant qui anticipe le niveau de croisière. Sur un effectif autorisé de 128 personnes, issues des différentes professions de santé, l'effectif réel est, à l'heure actuelle, de plus de soixante-dix personnes. L'ANAES est en état de fonctionnement, et les tests d'accréditation ont commencé. L'établissement pourra mobiliser ses réserves en 1999, afin d'accélérer la montée en puissance de l'accomplissement de ses missions en matière d'accréditation et de nomenclature, ce à quoi j'entends veiller.
La subvention aux agences régionales de l'hospitalisation, dont le rôle est désormais bien défini et consolidé, s'élève à 107,7 millions de francs en 1999.
Leur budget est, dans une moindre mesure, abondé par les contributions des régimes d'assurance maladie. Actuellement, deux cent vingt-deux personnes travaillent pour les agences, y compris les vingt-six directeurs et les quarante-sept agents mis à disposition par l'assurance maladie au titre des apports prévus par les conventions constitutives.
Une mesure nouvelle affecte 5 millions de francs aux études nécessaires à l'élaboration, déjà largement avancée, des nouveaux schémas directeurs d'organisation sanitaire.
La rémunération des directeurs d'agence régionale sera prochainement définie de façon plus transparente, ce qui permettra d'harmoniser les niveaux de rémunération par référence à ceux des emplois de direction de l'administration. Le projet a aujourd'hui sa forme finale.
Le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, est un outil important de l'organisation de l'offre de soins, qui permet de compléter le financement d'opérations choisies pour leur effet structurant.
Le fait de ne couvrir qu'une partie du financement est délibéré, d'abord parce qu'il s'agit d'encourager des projets économiquement efficaces, ensuite pour donner au fonds un effet de levier important.
Il faut bien voir que ce fonds s'inscrit dans un cadre pluriannuel, qui lisse la variation des dotations annuelles. L'inscription de 250 millions de francs d'autorisations de programme en 1999 après 500 millions de francs en 1998 est non pas une régression, mais simplement l'ajustement aux besoins liés à un choix de projets qui répondent bien à des critères connus et mesurables, ce qui exclut la précipitation.
J'ajoute une remarque qui mérite d'être mentionnée : le financement des services de santé dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte est porté à 179 millions de francs, ce qui permettra d'engager un redressement significatif de la situation financière du service de santé de Wallis-et-Futuna.
A ce propos, monsieur Othily, je souhaite, en réponse à votre question sur les centres de médecine collective en Guyane, souligner que le Gouvernement s'est prononcé en faveur du principe du transfert au service public hospitalier des activités de soins des centres de médecine collective, tout en souhaitant que leur rôle soit adapté pour tenir compte des évolutions économiques et sociales.
A cette fin, le conseil général, l'Etat et l'agence régionale de l'hospitalisation seront chargés de définir le champ des compétences et des activités à transférer au service public hospitalier et de déterminer les conditions de ce transfert. Il en résultera un nouveau projet médical pour le centre hospitalier de Cayenne.
M. René-Pierre Signé. C'est une question orale !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Par ailleurs, monsieur Othily, je voudrais souligner que les budgets des trois établissements hospitaliers de Guyane connaissent une forte progression.
M. René-Pierre Signé. Il ne s'agit pas du budget !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. L'effort de 1998 est confirmé pour 1999, avec une évolution moyenne de la dotation hospitalière régionale de Guyane de plus 3,53 %, évolution très supérieure à l'évolution métropolitaine, qui est de 2,04 %. (Marques d'impatience sur diverses travées.)
Mesdames, messieurs les parlementaires, je peux comme vous apprécier le soin que M. Kouchner a apporté à répondre avec la plus grande précision à toutes vos questions.
Je suis partagée entre la liberté que je prendrai d'abandonner là mon message...
M. Michel Mercier. Oui !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. ... et ce que je crois être mon devoir : transmettre, comme je l'ai promis, l'intégralité du message de M. Kouchner.
M. le président. Je suis aussi partagé que vous ! (Sourires.)
M. Michel Mercier. Vous êtes parfaite, madame ! (Sourires.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Enfin, l'offre de soins n'est pas seulement, et de loin, une affaire de quantité et de répartition des moyens. C'est aussi l'affaire des malades et de leurs droits, comme le montrent les rencontres qui s'organisent dans le cadre des états généraux de la santé.
L'une de mes priorités à ce titre est la lutte contre la douleur, celle des enfants et celles des personnes en fin de vie, notamment.
J'ai annoncé un plan de lutte contre la douleur portant sur quatre ans dont les grandes lignes vous sont déjà connues et qui, je l'espère, va permettre de faire évoluer les mentalités de tous.
Je remercie M. Neuwirth de son intervention et je tiens à lui répondre que le Gouvernement a décidé de soutenir par des mesures concrètes la lutte contre la douleur.
Ainsi, 150 millions de francs ont été prévus dans l'ONDAM 99 pour développer l'offre - unités, équipes mobiles et soins d'accompagnement à domicile - et 50 millions de francs du fonds d'action sociale de la CNAM seront consacrés à la formation des bénévoles, au financement des gardes-malades et à la prise en charge des prestations non remboursables nécessaires comme les nutriments.
D'autres actions viseront l'information et la formation des professionnels de santé. Par ailleurs, la fin de vie sera l'un des thèmes majeurs des états généraux. En outre, M. le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social sur le congé d'accompagnement, et un rapport lui sera remis à la fin du mois de février.
J'en viens à la quatrième ligne directrice : le dispositif de veille et de contrôle de la sécurité sanitaire, qui est très significativement renforcé.
La loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme organise et complète le dispositif mis en place au début des années quatre-vingt-dix.
Les premiers établissements de veille et de contrôle sanitaires - l'Agence française du sang, l'Agence du médicament, puis l'Etablissement français des greffes et l'Office de protection contre les rayonnements ionisants - ont montré la pertinence du schéma d'organisation sur lequel reste fondée la loi du 1er juillet : des entités spécialisées, responsables, capables de répondre aux alertes sanitaires.
Le dispositif est désormais complété par la création de trois nouveaux établissements publics : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut de veille sanitaire. La loi prévoit également, à terme rapproché, l'intégration des centres de transfusion sanguine dans un établissement français du sang, l'EFS, constitué en opérateur unique et public de la transfusion sanguine autour de l'actuelle Agence française du sang.
Ce nouveau paysage institutionnel se traduit dans le budget, même si, par anticipation, le budget 1998 avait prévu l'essentiel des moyens nouveaux nécessaires sous la forme d'une provision de 80 millions de francs. Compte tenu des transferts de crédits vers le chapitre qui regroupe les subventions, les contributions versées par l'Etat à ces établissements représentent 339 millions de francs.
Je souhaite enfin évoquer, pour m'en réjouir, les acquis du budget 1999 en matière de renforcement des moyens de l'administration sanitaire et sociale, et d'abord ses moyens humains, sur qui reposent la mise en place et la réussite de nos politiques.
L'orientation que le Gouvernement donne à l'action publique, spécialement sans doute dans les domaines de compétence du ministère de l'emploi et de la solidarité, se caractérise de plus en plus par une approche à la fois globale, transversale entre santé, social et emploi, et personnalisée. De ce fait, nos politiques dans ces domaines exigent de plus en plus de temps et une implication de plus en plus grande des agents qui y travaillent.
C'est pourquoi il faut se féliciter de la création d'emplois dans les services déconcentrés - j'ai déjà évoqué, à propos des aides d'urgence, la création de 80 emplois - mais aussi dans les services centraux qui ont besoin de renforcer leur capacité d'expertise, de pilotage et d'évaluation.
Il faut aussi poursuivre le processus, bien engagé, de résorption de l'emploi précaire au sein de ce ministère, ce que fait ce budget en créant 155 emplois d'accueil des agents à statut précaire.
Il faut enfin remédier au blocage des carrières des agents de catégorie C par des transformations massives d'emplois et par une revalorisation substantielle des enveloppes de primes.
Tout cela a été obtenu dans le budget 1999. Cette politique mérite qu'on la défende et qu'on la poursuive, plutôt qu'on risque de la compromettre par des coupes peu réalistes dans les crédits. Je suis convaincu que la plupart d'entre vous partagent ce point de vue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre indulgence et de votre patience. (Applaudissements.)
M. le président. Nous saluons votre performance, madame la secrétaire d'Etat. Votre situation n'était pas aisée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la présidence a fait preuve de souplesse.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 182 105 026 francs. »

Par amendement n° II-23, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 121 573 754 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet d'apporter une contribution à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat en opérant une réduction forfaitaire de 1 % des dépenses de rémunération et de 5 % des autres dépenses de fonctionnement.
Toutefois, à la demande de la commission des affaires sociales, les crédits consacrés aux nouvelles agences de veille et de sécurité sanitaires seront exemptés de cet effort de rigueur. Voyez jusqu'où va notre mansuétude !
M. François Autain. Vous êtes bien charitables !
M. Guy Fischer. Suprême générosité !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Au total, les crédits du titre III augmenteront de 61 millions de francs en 1999 au lieu des 182 millions de francs proposés. Cette économie de 121 millions de francs porte sur un total de crédits de 5,7 milliards de francs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Votre Haute Assemblée connaît bien ce ministère et n'ignore pas que ses moyens ont été traditionnellement sous-dotés. Par conséquent, je ne peux accepter la diminution des crédits du titre III.
Mme Nicole Borvo. Bravo !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-23, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 7 285 879 256 francs. »

Par amendement n° II-24, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 2 266 862 417 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Cet amendement a également pour objet d'apporter une contribution à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat en opérant une réduction forfaitaire de 1 % des dépenses d'intervention.
Toutefois, toujours à la demande de la commission des affaires sociales, les crédits consacrés à la veille et à l'alerte sanitaires ne seront pas soumis à cet effet de rigueur.
Par ailleurs, cet amendement comporte deux mesures d'économie ciblées.
La première d'entre elles, d'un montant de 211 millions de francs, porte sur les crédits consacrés à l'allocation de parent isolé. Selon la Cour des comptes, je l'ai déjà indiqué tout à l'heure, cette prestation sociale est largement détournée de son objectif, car la condition d'isolement est difficilement vérifiable. La Caisse nationale des allocations familiales demande depuis longtemps que soit instaurée une présomption de non-isolement en cas d'habitation commune. Cela semble de bon sens. Votre commission des finances estime que des économies pourraient être réalisées, à hauteur de 5 % des crédits, si le Gouvernement répondait à cette demande.
La seconde économie ciblée, d'un montant de 1 320 millions de francs, porte sur les crédits consacrés au revenu minimum d'insertion. (Marques d'indignation sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.) Madame le secrétaire d'Etat, les explications fournies par le Gouvernement ne nous ont pas convaincus. La Cour des comptes estime entre 3 % et 5 % les dépenses de RMI indues, du fait de la non-déclaration ou de la sous-déclaration de leurs revenus par les bénéficiaires. Nous sommes tous ici des élus locaux. Nous connaissons tous des exemples de cette nature.
M. François Autain. Facile !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Par ailleurs, le Gouvernement présente des dépenses de RMI en progression sensible pour 1999, alors qu'il nous annonce une croissance soutenue et une amélioration de la situation de l'emploi l'an prochain. C'est une contradiction manifeste que nous soulignons depuis des années. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Votre commission des finances estime donc possible d'atténuer de 5 % la progression des crédits demandés au titre du RMI.
Je souligne que cette économie ne remet aucunement en cause les droits existants des allocataires.
Au total, les crédits du titre IV augmenteront de 5,019 milliards de francs en 1999, au lieu des 7,286 milliards de francs proposés. Cette économie de 2,267 milliards de francs porte sur un total de crédits de 73 milliards de francs. Je vous invite à lire le rapport de la Cour des comptes. Il est édifiant.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Guy Fischer. Il n'y a que les petits qui fraudent ?...
C'est scandaleux !
M. René-Pierre Signé. Triste amendement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Il va de soi que je ne peux souscrire à une proposition de réduction de crédits qui remettrait fondamentalement en cause les différentes politiques menées par mon ministère au service de l'ensemble de nos concitoyens.
Au surplus, votre commission des finances propose d'ajouter à une réduction forfaitaire deux abattements massifs de crédits ciblés sur l'allocation de parent isolé et sur le RMI.
Vous proposez de réduire l'API de 211 millions de francs, en invoquant l'incertitude sur la notion d'isolement.
Compte tenu du montant de cette prestation, le contrôle de l'isolement a toujours constitué une cible prioritaire des contrôles effectués par les caisses d'allocations familiales.
Toute diminution des crédits affectés à cette allocation aurait pour conséquence d'empêcher de la servir à l'ensemble de ses bénéficiaires.
Cela s'avérerait particulièrement préjudiciable au moment où le Gouvernement met en place un dispositif d'intéressement à la reprise d'activité des bénéficiaires de cette allocation afin de favoriser leur retour à la vie professionnelle.
Enfin, votre commission propose une réduction de 5 % des crédits consacrés au RMI en s'appuyant sur le rapport public de la Cour des comptes pour 1995, qui souhaitait le renforcement des contrôles sur le RMI. Le chiffre de 3 % à 5 % cité par le rapport de la Cour s'appuyait alors sur les résultats d'une enquête antérieure diligentée par les inspections générales des finances et des affaires sociales.
Depuis la date de l'enquête, les croisements de fichiers informatisés à fin de contrôle souhaités par la Cour des comptes ont tous été mis en place et sont opérationnels.
Ainsi les économies souhaitées par la Cour ont-elles été déjà réalisées et la demande du rapporteur n'est pas fondée. Pour autant, la préoccupation du maintien d'un haut niveau de contrôle sur pièces et sur place demeure une préoccupation importante.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que demander le rejet de cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-24.
M. François Autain. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Il est déjà tard et je ne voudrais pas allonger le débat. Cependant je ne peux rester silencieux devant le caractère particulièrement scandaleux d'un tel amendement.
Pour faire des économies, on est prêt à priver de revenus des femmes seules, qui sont, on le sait, dans une situation précaire. Non content de cela, on veut aussi réduire les crédits consacrés au RMI.
J'estime que la politique qui inspire cet amendement est inacceptable parce qu'elle s'attaque aux plus démunis, même si j'apprends par M. le rapporteur que ce sont ceux qui fraudent le fisc.
Je m'avoue très surpris d'apprendre une telle nouvelle aujourd'hui. En effet, j'avais bien entendu parler de fraudeurs, mais je n'avais pas le sentiment qu'ils se recrutaient au sein des RMIstes. Je pensais, au contraire, qu'ils se recrutaient plutôt parmi les millardaires, voire parmi les multimilliardaires !
Avec force, le groupe socialiste s'opposer donc à cet amendement. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Bravo !
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je voulais dire la même chose que mon collègue François Autain. Il est extrêmement significatif que l'on montre ainsi du doigt les RMIstes !
J'ajouterai une chose : alors que nous avons souvent reçu ici des leçons sur la famille, je trouve caractéristique qu'on soit si sélectif en matière familiale ! Dès qu'il s'agit de parents isolés, on est beaucoup moins généreux à l'égard de la famille. C'est parfaitement scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Encore faut-il savoir s'ils sont vraiment isolés ! M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-24, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen vote résolument contre !

(L'amendement est adopté.)
M. René-Pierre Signé. Ils n'ont pas honte !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 89 600 000 francs ;
« Crédits de paiement : 46 450 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 592 095 000 francs ;
« Crédits de paiement : 149 800 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 82, 83 et 84, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à la santé et à la solidarité, ainsi que, en accord avec la commission des finances, les amendements n°s II-44 et II-57, qui tendent à insérer un article additionnel après l'article 83.

Article 82



M. le président.
« Art. 82. - I. - Le 5° de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« 5° La subvention de l'Etat correspondant aux sommes versées au titre de l'allocation de parent isolé prévue aux articles L. 524-1 et L. 755-18. »
« II. - L'article L. 524-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat verse au Fonds national des prestations familiales, géré par la Caisse nationale des allocations familiales, une subvention correspondant aux sommes versées au titre de l'allocation de parent isolé. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 82.

(L'article 82 est adopté.)

Article 83

M. le président. Article 83. - I. - Il est inséré, après le deuxième alinéa de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la liquidation des avantages de vieillesse, les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés sont réputés inaptes au travail à l'âge minimum auquel s'ouvre le droit à pension de vieillesse. »
« II. - L'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le versement de l'allocation aux adultes handicapés au titre du présent article prend fin à l'âge auquel le bénéficiaire est réputé inapte au travail dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 821-1. »
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables aux personnes atteignant l'âge de soixante ans à compter du 1er janvier 1999. Pour les personnes ayant atteint l'âge de soixante ans antérieurement au 1er janvier 1999, elles sont applicables lors du premier renouvellement de l'allocation. »
Par amendement n° II-43, M. Chérioux, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 83, qui prévoit que les adultes handicapés se verront retirer leur allocation et devront nécessairement prendre leur retraite à partir de soixante ans.
La commission estime que c'est tout d'abord ignorer la valeur thérapeutique du travail pour les handicapés. En effet, lorsqu'elles entrent dans un centre d'aide par le travail, les personnes handicapées qui rencontrent des difficultés dans la vie trouvent un environnement social qui les respecte, un milieu professionnel au sein duquel elles ont une valeur et un travail qui leur donne une identité. Par conséquent, leur retirer l'AAH est forcément une mauvaise chose.
En outre, cette disposition a un caractère discriminatoire. Pourquoi obliger un handicapé à prendre sa retraite en raison non pas de la pénibilité de son activité, mais tout simplement parce qu'il est infligé d'un handicap ?
Pour ces raisons, la commission des affaires sociales vous propose la suppression de l'article 83.
M. Michel Mercier. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Cet amendement de suppression est, par définition, contraire à la position que la commission des finances vous a demandé d'adopter, mes chers collègues, pour l'article 83.
L'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, qui est souvent déviée de sa finalité, n'a pas vocation à continuer à être versée à ses bénéficiaires au-delà de l'âge légal de la retraite. Elle est déjà largement définie comme une prestation subsidiaire par rapport aux avantages vieillesse. Sur ce point, l'article 83 n'ajoute rien aux droits existants : il prévoit simplement le basculement automatique des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés sur le minimum vieillesse, alors que, dans le droit actuel, ce basculement suppose une décision préalable de la COTOREP.
Par ailleurs, les cas de personnes handicapées encore en activité au sein de CAT au-delà de l'âge de soixante ans ne sont probablement pas les plus fréquents.
Faut-il refuser cette mesure globale de rationalisation à cause de quelques cas particuliers ? Du reste, il peut sembler peu opportun d'encourager le maintien en CAT de personnes handicapées au-delà de l'âge de soixante ans, alors que l'on manque encore de places dans ces établissements pour les plus jeunes.
Il nous semble qu'il aurait été judicieux, plutôt que de s'opposer au principe même de la mesure, de prévoir un droit d'option en faveur des personnes qui souhaitent continuer à travailler au-delà de l'âge de soixante ans.
Néanmoins, compte tenu de la dimension humaine des cas évoqués par M. Chérioux, je suis tenté de m'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Le présent article vise à assurer une meilleure cohérence entre l'AAH et les avantages vieillesse.
Les dispositions applicables à l'AAH seront ainsi alignées sur le régime des pensions d'invalidité, qui prévoit un basculement automatique sur les avantages vieillesse dès l'âge de soixante ans.
La modification envisagée ne change rien aux droits des titulaires de l'AAH présentant une incapacité permanente d'au moins 80 %. Elle a pour seul objet d'affirmer au niveau législatif la reconnaissance de l'inaptitude au travail dont ils bénéficient actuellement sur la base d'une simple circulaire.
Cette modification aura, en revanche, des conséquences pour les bénéficiaires de l'AAH qui justifient d'une incapacité permanente d'au moins 50 % et d'une impossibilité reconnue, compte tenu de leur handicap, de se procurer un emploi. Pour eux, la réforme mettra fin, à l'âge de soixante ans, au bénéfice de l'AAH.
Cette mesure est cohérente avec la nature de l'AAH servie à cette catégorie de personnes.
L'AAH étant une prestation accordée à des personnes dans l'impossibilité de se procurer un emploi, il est logique de mettre fin à sa perception lorsque les intéressés bénéficient d'un avantage vieillesse, c'est-à-dire quand ils n'entrent plus dans le champ des personnes susceptibles de reprendre une activité professionnelle.
A cet égard, la situation de ces bénéficiaires de l'AAH serait alignée sur celle des invalides dont la pension d'invalidité est systématiquement transformée, à l'âge de soixante ans, en pension de retraite pour inaptitude au travail.
Il s'agit donc à la fois d'une mesure de mise en conformité juridique et d'une mesure de cohérence par une égalité de traitement.
J'ajoute que les travailleurs de CAT que vous évoquez sont presque toujours allocataires de l'AAH.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-43.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je comprends le souci du Gouvernement de rechercher une cohérence entre l'AAH et les avantages vieillesse.
Toutefois, madame le secrétaire d'Etat, cette mesure n'est certainement pas de nature à améliorer la situation de la branche vieillesse, car vous faites basculer un mode de financement sur un autre. La branche vieillesse est la seule des trois branches de la sécurité sociale à être déficitaire et, jusqu'à présent, le Gouvernement n'a pas pris de mesure structurelle pour essayer d'enrayer cette situation.
En l'espèce, vous prenez une mesure ponctuelle qui ne fera qu'aggraver la situation de la branche vieillesse.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-43, sur lequel la commission des finances s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 83 est supprimé.

Article additionnel après l'article 83



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° II-44, est présenté par M. Chérioux, au nom de la commission des affaires sociales.
Le second, n° II-57, est déposé par M. Michel Mercier.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 83, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 11-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est ainsi rédigé :
« Il en est de même lorsqu'ils sont susceptibles d'entraîner pour les budgets des collectivités territoriales des charges injustifiées ou excessives compte tenu d'un objectif annuel ou pluriannuel d'évolution des dépenses délibéré par la collectivité concernée en fonction de ses obligations légales, de ses priorités en matière d'action sociale et des orientations des schémas visés à l'article 2-2 de la présente loi. »
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-44.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d'apporter une modification à la loi du 30 juin 1975 afin d'étendre aux établissements sociaux et médico-sociaux, financés par l'aide sociale des conseils généraux un dispositif de taux directeur opposable dans des conditions identiques à celles qui sont prévues dans le présent projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les établissements sociaux et médico-sociaux financés respectivement par le budget de l'Etat et par l'assurance maladie.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour défendre l'amendement n° II-57.
M. Michel Mercier. Bien entendu, je fais miens les arguments exposés par M. Chérioux.
Il s'agit simplement de parfaire le dispositif proposé par le Gouvernement cet automne dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans l'article 84 du projet de loi de finances pour 1999. On ne comprendrait pas que cette disposition de la loi de 1975 ne soit pas parallèlement modifiée.
Je souhaite que le Gouvernement nous soutienne dans cette réparation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Ces deux amendements sont justifiés dans leur principe.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à encadrer les dépenses des établissements médico-sociaux financés par l'assurance maladie. Quant au projet de loi de finances, il tend à encadrer les dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'Etat.
Dès lors, il paraît logique d'encadrer également les dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés par les départements.
Toutefois, dans la mesure où ces amendements ne concernent pas le budget de l'Etat, ils n'ont manifestement pas leur place dans un projet de loi de finances.
J'invite donc leurs auteurs à les retirer pour les présenter ultérieurement dans un cadre législatif plus adéquat, c'est-à-dire lors de l'examen du prochain texte relatif aux collectivités territoriales.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, monsieur Mercier, cédez-vous à l'invitation de M. le rapporteur spécial ?
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Non, monsieur le président.
M. Michel Mercier. Moi non plus, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je serais tentée de m'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-44 et II-57.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole contre les amendements.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Bien entendu, ces amendements me paraissent inacceptables, et d'abord parce que je mets en cause le principe même des enveloppes rigides prédéfinies, destinées à réguler comptablement les dépenses du secteur médico-social,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Apologie de la dépense !
Mme Nicole Borvo. ... secteur où les acteurs et services concernés accueillent avec beaucoup d'attention et de qualité les personnes handicapées, les personnes âgées, pour lesquelles on manifeste ici toujours tant de compassion, qu'il me soit tout de même permis de le rappeler.
Par ailleurs, je doute de l'opportunité d'un tel dispositif intervenant avant même la réforme, déjà engagée, de la loi de 1975 et celle de la tarification des structures en question.
Je l'ai dit en intervenant sur l'article 27 du projet de loi de finances et lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je suis totalement opposée à ce taux directeur, qui a été introduit par l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement.
Il nous a été proposé d'étendre ce dispositif aux établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'aide sociale obligatoire de l'Etat. Or, compte tenu notamment du vieillissement de la population, les besoins en la matière sont appelés à augmenter dans les années qui viennent. Dès lors, cette mesure ne permettra pas de préserver l'équilibre entre les besoins des usagers, les impératifs liés à l'activité des structures et les moyens financiers disponibles.
Afin de boucler la boucle, M. Chérioux nous propose maintenant d'appliquer la même mesure aux établissements financés par les départements.
Ainsi, l'ensemble du secteur médico-social, quelle que soit l'origine de son financement, se verra opposer un taux directeur identique à celui qui est applicable, notamment, au secteur hospitalier.
Ce n'est pas ainsi, j'en suis convaincue, que nous parviendrons à moderniser le secteur médico-social. Il serait bien plus sage d'attendre la remise à plat de la loi de 1975.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Ces amendements présentent aussi, selon moi, une utilité évidente pour le budget de l'Etat.
Certains prix de journée sont fixés de manière conjointe par le représentant de l'Etat dans le département et par le président du conseil général. Il s'agit notamment de tous les prix de journée relatifs aux établissements accueillant des enfants, qui leur sont confiés par les services judiciaires ou par les services de l'aide sociale à l'enfance.
Si des règles différentes s'appliquent à deux autorités qui doivent fixer le même prix de journée, cela aura, directement ou indirectement, des répercussions sur le budget de l'Etat.
Je pense donc qu'il ne s'agit absolument pas d'un cavalier budgétaire. Ces amendements ont bien une incidence sur le niveau des dépenses de l'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si on nous prend par les sentiments ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. M. Mercier et M. Chérioux sont de fins stratèges ! Ils accompagnent par anticipation des dispositions proposées par le Gouvernement, dispositions que nous regrettons et que nous condamnons.
Je crois qu'il y a là une rupture avec la volonté réviser la loi de 1975 et avec l'attente d'une réforme de la tarification pour les établissements accueillant des personnes dépendantes.
Au passage, je tiens à dire que cette réforme est en cours d'élaboration depuis si longtemps qu'on peut sérieusement se demander si elle aboutira un jour. Mais, on peut tout de même espérer qu'elle interviendra dans les prochains mois.
Avec cet amendement, c'est un mauvais coup qui est perpétré au détour de la discussion budgétaire, vers vingt-trois heures trente.
M. Michel Mercier. Vous avez voté le projet de loi de financement de la sécurité sociale !
M. Guy Fischer. Le secteur concerné est tout de même très important : 22 000 associations, 800 000 personnes, 500 000 emplois à temps plein. Tout le monde est prêt à négocier. Mais il faut que cela se fasse sur des bases claires.
M. Michel Mercier représente, ici, non seulement le département du Rhône, mais aussi l'ensemble des conseils généraux...
M. Michel Mercier. Et même tout le pays, comme vous !
M. Guy Fischer. Mais vous êtes tout de même le président de la commission des affaires sociales de l'assemblée des présidents de conseils généraux, mon cher collègue !
Quoi qu'il en soit, ce soir, se prend une décision qui aura des conséquences importantes sur la vie des établissements, c'est évident, mais aussi sur celle des familles.
Nous ne disons pas qu'il ne faut rien faire, mais nous considérons qu'il est inadmissible de procéder comme MM. Chérioux et Mercier nous le proposent : alors qu'une réforme est annoncée et que certains y travaillent déjà, on veut l'encadrer financièrement. Cela, nous ne pouvons l'accepter.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. M. Fischer me fait un grand honneur en me traitant de fin stratège. En réalité, si cet amendement a été déposé par la commission des affaires sociales, à ma demande, d'ailleurs, c'est parce que nous avons le sens de l'intérêt de l'Etat, le sens de l'intérêt général et aussi le sens de l'intérêt des collectivités publiques qui travaillent avec l'Etat. Nous avons un souci de bonne gestion !
Vous invoquez, monsieur Fischer, le préjudice que subiraient les associations et leur personnel. Je vous renvoie à mon rapport écrit et à l'exposé que j'ai fait à la tribune : je vous ai indiqué qu'un tel taux directeur ne pouvait s'appliquer qu'à la condition que soient revues les conditions dans lesquelles travaillent actuellement les associations, de façon qu'elles ne subissent pas indûment toutes les contraintes qu'elles connaissent, par exemple les normes techniques, certaines mesures prévues par les conventions collectives, etc.
Par conséquent, que l'on ne me dise pas que, au travers de ce taux directeur, nous voulons porter atteinte au milieu associatif, dont nous avons besoin et que nous aiderons toujours.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Guy Fischer. C'est une façon de remettre en cause toutes les conventions collectives !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-44 et II-57, repoussés par la commission et pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 83.

Article 84



M. le président.
« Art. 84. - I. - Il est inséré, dans la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, un article 27-7 ainsi rédigé :
« Art. 27-7. - Le montant total annuel des dépenses des établissements et services visés aux 6° et 8° de l'article 3, imputables aux prestations prises en charge par l'aide sociale de l'Etat et, corrélativement, le montant total annuel des dépenses prises en compte pour le calcul des dotations globales de fonctionnement de ces établissements ou services sont déterminés par le montant limitatif inscrit à ce titre dans la loi de finances initiale de l'exercice considéré.
« Ce montant total annuel est constitué en dotations régionales limitatives. Le montant de ces dotations régionales est fixé par le ministre chargé de l'action sociale, en fonction des priorités en matière de politique sociale, compte tenu des besoins de la population, de l'activité et des coûts moyens des établissements ou services et d'un objectif de réduction progressive des inégalités dans l'allocation des ressources entre régions.
« Chaque dotation régionale est répartie par le préfet de région, en liaison avec les préfets de département, en dotations départementales, dont le montant tient compte des priorités locales, des orientations des schémas prévus à l'article 2-2, de l'activité et des coûts moyens des établissements ou services, et d'un objectif de réduction des inégalités d'allocation des ressources entre départements et établissements ou services.
« Pour chaque établissement ou service, le préfet de département compétent peut modifier le montant global des recettes et dépenses prévisionnelles visées au 5° de l'article 26-1, imputables aux prestations prises en charge par l'aide sociale de l'Etat, compte tenu du montant des dotations régionales ou départementales définies ci-dessus ; la même procédure s'applique en cas de révision, au titre du même exercice, des dotations régionales ou départementales initiales.
« Le préfet de département peut également supprimer ou diminuer les prévisions de dépenses qu'il estime injustifiées ou excessives compte tenu, d'une part, des conditions de satisfaction des besoins de la population, telles qu'elles résultent notamment des orientations des schémas prévus à l'article 2-2, d'autre part, de l'évolution de l'activité et des coûts des établissements et services appréciés par rapport au fonctionnement des autres équipements comparables dans le département ou la région.
« Des conventions conclues entre le préfet de région, les préfets de département, les gestionnaires d'établissement ou service et, le cas échéant, les groupements constitués dans les conditions prévues à l'article 2 précisent, dans une perspective pluriannuelle, les objectifs prévisionnels et les critères d'évaluation de l'activité et des coûts des prestations imputables à l'aide sociale de l'Etat dans les établissements et services concernés. »
II. - Avant le dernier alinéa de l'article 11-1 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même lorsqu'ils sont susceptibles d'entraîner pour le budget de l'Etat des charges injustifiées ou excessives compte tenu des enveloppes de crédits définies à l'article 27-7. » - (Adopté.)
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé et la solidarité.
Je vous propose d'interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.)



M. le président.
La séance est reprise.

Aménagement du territoire et environnement





II. - ENVIRONNEMENT

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, en remplacement de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le temps qui m'est imparti ne me laissera pas le loisir d'analyser en détail les crédits de ce projet de budget. Je me permets de vous renvoyer à l'excellent rapport écrit de notre collègue Philippe Adnot.
Je souhaite consacrer ce propos à certains problèmes de fond que soulève, notamment, la tentative de remise en cause par le Gouvernement de principes essentiels qui régissent, depuis plus de trente ans, toutes les actions publiques en faveur de l'environnement.
Le rapport de Philippe Adnot comporte des développements très pertinents sur les dispositions de l'article 30 et notre rapporteur général, lors de la discussion de la première partie de la loi de finances, a également expliqué les raisons de notre opposition.
Trois faits caractérisent l'évolution initialement prévue de ce budget pour 1999 : en premier lieu, l'incorporation du produit des cinq taxes regroupées au sein de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, qui étaient auparavant affectées directement à l'Agence de l'environnent et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME ; en deuxième lieu, la forte augmentation des prélèvements en question ; en troisième lieu, la progression, de toute façon très forte, des crédits hors TGAP.
Je citerai simplement quelques chiffres.
La TGAP comprise, le budget de l'environnement devrait plus que doubler, passant de 1,9 milliard de francs à 3,9 milliards de francs.
Si les recettes des cinq taxes fusionnées étaient restées à leur niveau de 1998, le montant des crédits serait non pas de 3,9 milliards de francs, mais de 3,3 milliards de francs et le taux de progression s'élèverait à 73,7 % au lieu de 107,8 %. Il y a longtemps qu'on n'avait pas connu un tel taux de progression.
Enfin, hors TGAP - on sait que cette taxe a été supprimée par le Sénat - l'augmentation du budget demeure très forte : elle avoisine 15 %, soit un rythme sept fois plus rapide que celui de l'accroissement moyen des dépenses de l'Etat. Faut-il s'en réjouir ? On pourrait être tenté de le faire.
Je vous rappelle, madame le ministre, que nous sommes tous, ici, très attachés à la protection et à l'amélioration de l'environnement, mais nous sommes également très soucieux de la rigueur budgétaire. En fait, ce qui est en cause c'est, au-delà des mécanismes financiers, une certaine conception de la politique de l'environnement et de sa mise en oeuvre.
La préservation ou la reconquête des espaces naturels et urbains est une préoccupation nationale, certes, mais qui doit se traduire essentiellement par des actions locales.
Les élus locaux que nous sommes, ici au Sénat, Grand conseil des communes de France, sont donc autant, si ce n'est plus, concernés que les quelques intégristes de l'environnement qui prétendent nous imposer leurs objectifs de façon arbitraire, soit au niveau national, soit - mieux - en passant par l'échelon européen.
Il n'y a pas de politique de l'environnement qui tienne sans adhésion des collectivités territoriales et, bien entendu, du Parlement. Cette politique doit demeurer décentralisée, contractuelle et partenariale et continuer à se fonder sur le principe suivant : une pollution, une ressource, une affectation, un organisme et, bien entendu, une politique ciblée et contrôlée.
Alors, pourquoi sommes-nous mécontents ?
Tout d'abord, mon collègue Philippe Adnot rappelle, dans son rapport écrit, que le ministère de l'environnement ne saurait échapper à l'effort de maîtrise des finances publiques qui s'impose à l'Etat. Il s'oppose, en particulier, aux renforcements d'effectifs prévus, non pour nier les besoins en cause, mais parce qu'il aurait voulu qu'il y soit pourvu par des transferts ou des redéploiements, plutôt que par des créations nettes d'emploi. Il tient à ce que le ministère de l'environnement demeure une administration de mission.
Il conteste également l'opportunité de la relance prévue des économies d'énergie et des énergies renouvelables, qui constitue la mesure nouvelle la plus importante de ce budget. Il en conteste non pas le principe, mais les modalités et peut-être aussi la préparation.
Mais, ce qui est beaucoup plus grave, c'est la remise en cause de l'un des principes fondateurs de la politique de l'environnement définie par le législateur et appliquée depuis trente ans.
L'opposition de la commission des finances à la TGAP a été longuement expliquée, me semble-t-il, dans la nuit du 25 novembre dernier : rupture du lien voulu par le Parlement, au travers de nombreuses lois successives, entre le pollueur et le payeur ; perte d'efficacité liée à la suppression de l'affectation des recettes à des organismes et à des objectifs précis ; mise en route d'une machine à taxer la TGAP ; enfin, menaces liées à l'intégration des ressources de l'ADEME dans le budget de l'Etat.
Le principe de la TGAP était d'affecter quelques milliards de francs supplémentaires au budget de l'Etat, dont nous connaissons le déficit : 236 milliards de francs. Nous sommes à peu près certains que les crédits qui seront prélevés ne seront pas consacrés intégralement à l'environnement. Cela a été l'un des motifs de l'opposition du Sénat à cette nouvelle mesure.
Ces ressources risquent, en effet, d'être détournées de leur objet, en dépit des garanties que le Gouvernement nous présente : loi de programmation, compte spécial du Trésor, contrat de plan. Nous avons déjà vécu des expériences malheureuses et nous connaissons la fragilité des engagements de l'Etat : les lois de programmation ne sont pas réalisées ; le compte spécial du Trésor n'offre aucune garantie ; les contrats de plan sont retardés, voire non respectés.
Il y a ensuite l'application du principe du deuxième dividende, que je considère comme une curiosité intellectuelle - pour employer une expression modérée - destinée à utiliser pour d'autres objectifs des ressources prélevées pour des actions bien précises. Ces risques ne sont pas imaginaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Une taxe sur la taxe ! M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Cette année, il était d'ores et déjà prévu qu'une augmentation de la taxe sur les déchets ménagers finance la nouvelle politique de l'énergie, qui devait comporter des mesures en faveur des ménages les plus démunis. On voit qu'il y a là une certaine imprécision dans la démarche. La majorité des taxes comprises dans la TGAP était, de surcroît, massivement augmentée.
Enfin, par-delà la mise à mal du système de l'ADEME, c'était toute la politique de l'eau qui était visée par les projets d'intégration, dans l'assiette de la taxe des redevances des agences - il est vrai que c'était tentant : 11 milliards de francs ! - en attendant d'autres prélèvements - taxe sur les granulats, écotaxe, etc. - toute activité humaine étant, par nature, polluante.
La TGAP constitue un gisement fiscal rêvé, un filon prometteur. Bien entendu, nous ne pouvions qu'y être opposés.
La technique utilisée permet, enfin, de diminuer de façon importante le contrôle du Parlement, car l'affectation du produit de la TGAP à l'ADEME serait globale et la loi organique - vous le savez, madame le ministre - n'autorise ni les députés ni les sénateurs à en préciser la répartition.
Pour en revenir aux agences de l'eau, je ne suis pas hostile, madame la ministre, à ce que soient reconsidérés certaines de leurs modalités d'action ou le calcul des redevances, à condition qu'elles soient maintenues dans leur rôle et qu'elles puissent disposer des ressources nécessaires à la poursuite de leurs actions.
Le 20 octobre dernier, une réunion importante a eu lieu au Sénat, où toute la communauté nationale de l'eau était présente. Celle-ci s'est prononcée, à la quasi-unanimité, en faveur des trois piliers du système actuel de la politique de l'eau : la gestion par bassin, la concertation au niveau local et l'autofinancement, c'est-à-dire l'affectation des ressources prélevées aux actions qui sont directement liées à la politique de l'eau.
Dans un rapport du Commissariat général du Plan, il a été estimé que les agences sont un lieu quasi idéal de concertation et qu'elles « ont fait la preuve de leur capacité à associer les collectivités territoriales, les industriels et peut-être bientôt le agriculteurs à la politique de l'eau ».
La concertation locale au sein des commissions locales de l'eau, associées à l'élaboration et à la mise en oeuvre des schémas d'aménagement et de gestion des eaux, les SAGE, est, notamment à cet égard, tout à fait exemplaire.
Or, ce partenariat, à nos yeux fondamental pour la politique de l'environnement, me semble actuellement menacé dans d'autres domaines, en ce qui concerne la parité au sein des commissions locales, entre les représentants de l'Etat et ceux des collectivités territoriales.
J'en donnerai deux exemples récents.
Premier exemple : dans une réponse à un courrier que je vous avais adressé, vous m'avez annoncé, madame la ministre, une réforme prochaine des conseils départementaux de l'environnement que vous m'avez dit juger peu utiles. Or, ces conseils présentent la particularité, qui, je l'espère, sera maintenue, de pouvoir être présidés non seulement par les préfets, mais aussi par les présidents de conseil général, lorsque le sujet de la délibération concerne une compétence départementale. Cette innovation avait été voulue, à l'époque, par le Parlement. Vous estimez que ce système n'est pas satisfaisant ; ce n'est pas notre avis.
Le deuxième exemple, c'est le changement de la composition des commissions départementales des sites, perspectives et paysages.
Récemment, le Conseil constitutionnel a estimé que la détermination de cette composition relevait du domaine réglementaire. Cela a permis qu'un décret du 23 septembre 1998 vienne modifier l'article 22 de la loi Barnier du 8 janvier 1993, de sorte que la composition de ces commissions n'est plus paritaire. Certes, le mot « paritaire » ne figurait pas dans l'article 22 de ladite loi, mais la composition prévue par ce texte était paritaire et comprenait pour moitié des représentants des collectivités territoriales et pour l'autre moitié des représentants de l'administration, des associations ainsi que des personnes qualifiées.
Actuellement, compte tenu de la nouvelle composition, six élus locaux se retrouvent face à six représentants de l'Etat, à six personnes qualifiées nommées par le préfet. Mais comme il existe quatre formations, au sein de chacune d'elle, il y a cinq autres personnalités elle aussi désignées par le préfet. En définitive, mes chers collègues, la composition de cette composition, qui était paritaire aux termes du vote du Parlement, est désormais la suivante : six élus face aux dix-sept personnes qualifiées ou représentants de l'administration et des associations. Ce n'est plus la parité. C'est peut-être tout de même un progrès car, alors que dans l'ancienne composition, nous étions quatre élus face à dix-sept, nous sommes désormais six contre dix-sept.
Cet abandon du principe de la parité, que l'on retrouve dans les commissions locales de l'eau - loi de 1992 - et qui constituait une avancée considérable, traduit une dérive qui me paraît dangereuse.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je puis vous assurer que le Sénat sera vigilant à cet égard, car la décentralisation de la politique de l'environnement est un point essentiel et une bonne garantie de son efficacité.
J'en viens à des remarques plus ponctuelles, mais faites dans le même esprit.
En ce qui concerne le réseau Natura 2000, prévu par la directive européenne « Habitats », je m'étonne que l'on soit en train de procéder à la délimitation du périmètre des sites et des zones concernés sans qu'aient été définies préalablement les contraintes correspondantes et les possibilités de développement économique autorisées. Tous les élus vous l'on dit, madame le ministre, et leurs doléances sur ce point ont sans doute été très nombreuses à remonter jusqu'à vous.
S'agissant du littoral, je déplore que le rapport annuel relatif à l'application de la loi du 3 janvier 1986, prévu par son article 41, ne soit pas encore publié, plus de douze ans après, en dépit des engagements pris par le Gouvernement, et notamment par vous-même, madame le ministre, dans cette enceinte, voilà quelques mois.
Enfin, il conviendrait, s'agissant toujours du littoral, d'éviter l'empilement de règlements qui deviennent d'une étonnante complexité et constituent finalement une entrave à l'application des lois relatives aux espaces protégés. Les contentieux se multiplient à l'excès. Or, dans un Etat de droit, les textes en vigueur se doivent d'être, autant que possible, clairs et compréhensibles par tous.
La commission des finances n'est pas opposée à une fiscalité dite « écologique » qui soit raisonnable, bien étudiée, ciblée et pertinente.
J'ai moi-même, voilà quelques jours, fait voter ici même un amendement sur la première partie du projet de loi de finances et dont le coût est modeste. Il s'agit d'inciter les propriétaires d'anciens marais salants à donner ces derniers en location à de jeunes professionnels qui remettent en pratique la culture du sel. La mesure proposée prévoit une exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de façon à restaurer ainsi l'écologie de ces milieux humides fragiles. Je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez défendre cette disposition, à laquelle votre collègue des finances était totalement opposé.
En définitive, nous considérons que votre copie financière est globalement à revoir. C'est pour cela que nous avons supprimé la TGAP, qui nous semblait aller à l'encontre de l'efficacité de la politique de l'environnement, de la conception que nous en avons et de la modération fiscale.
La progression des dépenses, hors TGAP, nous a paru également exagérée, dans le contexte actuel, même si, nous le reconnaissons, il est nécessaire que la politique de l'environnement aille de l'avant.
Mes chers collègues, nous vous proposons d'adopter le présent projet de budget modifié par les amendements que nous vous soumettrons à la fin de ce débat.
Nous demandons à nouveau que la politique de l'environnement menée dans notre pays soit débattue au Parlement et ne résulte pas uniquement de décrets, qu'elle soit concertée, partenariale, et qu'elle puisse répondre aux exigences, certes, de l'environnement, mais aussi des activités économiques qui doivent être exercées dans un milieu protégé et dynamique. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour 1999, le budget de l'environnement s'élève à 3,95 milliards de francs, soit une progression de 110 % par rapport à 1998. Cela résulte, à périmètre constant, d'une augmentation de 15,6 % du budget de l'environnement et, surtout, de la mise en place de la taxe générale sur les activités polluantes.
J'articulerai mon intervention, madame la ministre, autour de cinq observations, à propos des choix budgétaires que vous avez faits.
Vous avez ainsi décidé un accroissement sensible des effectifs du ministère et des établissements sous tutelle, ainsi qu'une forte augmentation des subventions aux associations de défense de l'environnement.
Il s'agit, d'abord, de renforcer les moyens des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement et des directions régionales de l'environnement par la création de cent quarante emplois. C'était, sans doute, une mesure nécessaire, notamment en ce qui concerne l'inspection des installations classées, étant donné leur faiblesse ; par ces temps d'austérité budgétaire, on aurait cependant pu espérer que ce renforcement de moyens se fasse par redéploiement à partir des directions de l'agriculture, de l'équipement et de l'industrie.
S'agissant des associations, ensuite, les crédits qui leur sont affectés progressent encore fortement, pour atteindre 34 millions de francs.
A leur sujet, je voudrais, madame la ministre, attirer votre attention sur le manque de transparence qui caractérise encore nombre d'associations de défense de l'environnement, en ce qui concerne tant leur « raison sociale » que leurs moyens de fonctionnement. Je voudrais aussi déplorer que l'on puisse, à certains moments, avoir le sentiment d'une certaine confusion entre les objectifs défendus par vos services et les objectifs de ces associations, alors même que votre ministère doit, sauf à risquer de perdre en crédibilité, défendre, en toute occasion, l'intérêt général.
Le lobbying associatif que vous financez et entretenez, sous couvert de faire accomplir par des associations écologistes des actions d'intérêt général relevant de la compétence de l'Etat, est de plus en plus mal ressenti par les élus locaux,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Vasselle. C'est vrai ! Fâcheuse habitude !
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. ... et ce, je me permets de vous le dire, madame la ministre, quelle que soit la sensibilité même de ces élus. Loin de servir la cause de l'environnement, il est perçu comme une entrave à tout développement ou création de richesses locales.
Ma deuxième observation concerne la protection de la nature, dont les crédits progressent de 19 % et qui bénéficie de la création du fonds de gestion des milieux naturels pour permettre une meilleure lisibilité dans l'affectation des crédits budgétaires. L'essentiel des mesures nouvelles de ce fonds, soit 66 millions de francs, sera affecté à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000. On peut toutefois regretter que rien ne soit encore formalisé s'agissant des cahiers des charges qui s'imposeront dans les zones Natura 2000, de la définition du principe de perturbation et des compensations qui seront définies pour les propriétaires et gestionnaires concernés.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Quelles sont vos intentions sur la transmission à Bruxelles d'éventuelles nouvelles propositions de sites ? Où en est la concertation sur votre avant-projet de loi visant à transposer en droit français la directive Habitats naturels ? Il est bien regrettable que vous n'ayez pas saisi, sur ce sujet, l'occasion qui s'est présentée en juin dernier, lorsque le Sénat a adopté, sur le rapport de notre collègue M. Jean-François Le Grand, la proposition de loi relative à la mise en oeuvre de Natura 2000. Vous auriez gagné du temps en acceptant d'en discuter devant la représentation nationale et en présentant vos propres propositions.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Alain Vasselle. Il faut écouter le Sénat !
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Troisièmement, dans votre projet de budget pour 1999, s'agissant du financement de la politique de l'eau, vous instaurez un second fonds de concours à la charge des agences de l'eau, à hauteur de 140 millions de francs, pour contribuer notamment au financement de la police de l'eau exercée par l'Etat et au renforcement des moyens des gardes-pêche du Conseil supérieur de la pêche.
A l'évidence, l'instauration de ce fonds de concours constitue une atteinte au principe d'autonomie de gestion des organismes de bassin pour financer une compétence régalienne de l'Etat. En 1996, lors de l'instauration d'un premier fonds de concours pour financer des missions communes aux agences, la commission des affaires économiques s'était également déclarée très hostile au procédé.
Enfin, ma dernière observation concerne la mise en place de la TGAP et votre projet d'y inclure à terme tout ou partie des redevances des agences de bassin.
De manière générale, je pense que la TGAP constitue un formidable outil pour faire rentrer la manne fiscale « soi-disant » de façon indolore et que la protection de l'environnement a tout à perdre s'agissant de la dilution de ses ressources dans l'immensité du budget de l'Etat.
Chacun d'entre nous, madame la ministre, est particulièrement conscient que la TGAP évoluera à très court terme vers un concept précis, à savoir constituer une variable d'ajustement idéale pour corriger la dérive financière de l'Etat.
M. Alain Vasselle. C'est vrai !
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. En ce qui concerne les agences de bassin, aux termes de vos dernières propositions, vous envisagez de prélever une partie seulement des redevances existantes pour les intégrer dans la TGAP, mais également d'en créer de nouvelles. En définitive, il en résultera un alourdissement de la fiscalité pesant sur les acteurs économiques et les consommateurs ; pour les agences de bassin, cela se traduira par des négociations ardues - peut-être à recommencer chaque année - pour définir la part des redevances qui leur reviendra. Le risque est grand de voir progressivement diminuer les ressources des agences, alors même que leurs raisons d'intervenir sont encore très importantes, ne serait-ce que dans le seul domaine de l'assainissement. Comment feront les petites communes, en zone rurale, pour boucler le financement de leur système d'assainissement si le montant des subventions versées par les agences doit être revu à la baisse ?
M. Alain Vasselle. C'est l'évidence !
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Par ailleurs, votre référence à la théorie du double dividende pour justifier le financement de politiques générales relevant du ministère de l'environnement par un prélèvement sur les redevances des agences laisse supposer que, à terme, pour être efficace, ce prélèvement augmentera de façon substantielle, générant un alourdissement de la fiscalité.
Vous voulez également dissuader certains comportements polluants en créant de nouvelles taxes, notamment sur l'utilisation des engrais et des pesticides, intégrées dans la TGAP, et non gérées par les agences. Avez-vous, madame la ministre, réellement pris la mesure de l'impact économique de ce nouvel impôt sur l'activité agricole ? Puisque cette taxe sera déconnectée du coût des travaux de dépollution, comment seront calculées les aides dont pourront bénéficier les agriculteurs pour polluer moins ? Qui financera ces travaux si les agences voient progressivement leurs ressources diminuer ? Je doute en fait que l'Etat puisse assumer seul, et sur le long terme, cette fonction.
Ces nouvelles propositions, vous le voyez, ne me rassurent pas et elles sont beaucoup trop complexes pour ne pas nuire à l'efficacité d'un système de gestion de l'eau auquel les collectivités locales, les entreprises et les ménages sont particulièrement attachés.
Pourquoi ne pas reprendre, dans un vrai climat de concertation, les propositions qui avaient fait l'objet de votre communication en conseil des ministres le 20 mai dernier et à partir desquelles ce système de gestion décentralisé et autonome pourrait être très valablement amélioré ?
En conséquence, et malgré certaines orientations positives relevées dans votre projet de budget, madame la ministre, la commission des affaires économiques a émis un avis négatif en ce qui concerne l'adoption des crédits de l'environnement proposés pour 1999. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'analyse détaillée des crédits du ministère de l'environnement à laquelle ont excellemment procédé MM. Jacques Oudin et Jean Bizet, au nom des commissions des finances et des affaires économiques.
Je me limiterai à un commentaire sur l'évolution générale des crédits du ministère de l'environnement, avant de présenter les réflexions que m'inspire la politique de protection de la nature telle qu'elle se traduit dans le projet de loi de finances.
Tout d'abord, je tiens à approuver le rejet de l'article 30 du projet de loi de finances instaurant la taxe générale sur les activités polluantes. La mise en place d'une « fiscalité écologique », dont l'inspiration et les contours demeuraient imprécis et dont les inconvénients potentiels soulevaient de graves interrogations, me semblait devoir faire l'objet d'un débat plus approfondi, permettant l'expression de la représentation nationale.
Hors subventions destinées à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, le budget de l'environnement progressera, en 1999, de 14,8 % pour atteindre 2 180 millions de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement. Il s'agit là d'une progression substantielle, puisqu'elle est plus de sept fois supérieure à celle du budget global de l'Etat.
Mon objectif n'est pas, bien évidemment, de critiquer l'augmentation en tant que telle des crédits de l'environnement ; mais les orientations budgétaires que vous avez définies, madame la ministre, soulèvent de nombreuses questions.
Je m'interroge en premier lieu sur la transformation annoncée du ministère de l'environnement en « ministère de plein exercice », voire en « ministère régalien », pour reprendre vos propres termes.
Cette évolution est-elle souhaitable ?
J'observe à cet égard que le développement rapide des moyens propres du ministère n'apparaît guère opportun, à un moment où l'on doit s'efforcer de limiter la croissance des dépenses publiques. Ne risque-t-il pas, en outre, de dissuader les autres ministères de progresser dans la prise en compte des préoccupations en matière d'environnement et de développement durable, ces ministères se déchargeant de leurs responsabilités en la matière grâce à un « ministère de l'environnement qui deviendrait leur alibi » ?
J'en arrive aux crédits consacrés à la protection de la nature.
L'augmentation des dépenses de fonctionnement est particulièrement importante : elles s'élèveront à 341,5 millions de francs, ce qui représente une progression de 42 % par rapport à 1998. L'augmentation de 2,6 % des crédits de paiement est plus modérée ; les autorisations de programme atteignent cependant 364,5 millions de francs, soit une hausse substantielle de 11 %.
Je salue cette forte augmentation des moyens destinés à la protection de la nature qui rétablit une certaine cohérence entre la progression des espaces protégés et celle des ressources correspondantes. Cette cohérence constitue un progrès par rapport à 1998, année au cours de laquelle l'évolution des moyens était manifestement insuffisante pour faire face à celle des besoins.
En 1999, le nombre d'espaces protégés s'accroîtra de manière notable. Les parcs marins de Corse et de la mer d'Iroise ainsi que le parc de la forêt guyanaise s'ajouteront aux sept parcs nationaux existants. La politique des réserves naturelles sera poursuivie à un rythme accéléré : l'instruction de projets concernant la création de trente-trois nouvelles réserves est en cours.
Enfin, la mise en oeuvre du Fonds de gestion des milieux naturels permettra de renforcer la politique de préservation des milieux gérés de façon contractuelle. Outre le financement des parcs naturels régionaux, des conservatoires régionaux d'espaces naturels et des mesures de protection de la faune et de la flore, ce fonds assurera la mise en oeuvre du réseau Natura 2000.
Si l'on prend en compte les 151 nouvelles propositions de sites transmises par MM. les préfets en juin dernier, le réseau Natura 2000 devrait regrouper 1,6 million d'hectares, ce qui représente 2,8 % du territoire national.
Il me semblerait plus opportun à ce titre que l'approfondissement des réalisations dans les espaces protégés soit préféré à une extension de leur nombre, mal maîtrisée en termes budgétaires. Vous avez déclaré, madame la ministre, que les crédits destinés à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 devraient augmenter dans les années à venir, sans nous préciser d'ailleurs l'ampleur de cette montée en charge. Quelles seront les incidences budgétaires réelles du réseau Natura 2000 ? Répondront-elles à l'attente de ceux qui les subiront ?
La mesure nouvelle de 66 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement prévue par le projet de loi de finances pour 1999 apparaît très insuffisante au regard du nombre d'hectares déjà éligibles au réseau Natura 2000 : elle représente 73 francs par hectare.
De manière plus générale, je me demande parfois si la multiplication des zones protégées et la juxtaposition de régimes de protection spécifiques ne doivent pas faire l'objet d'une réflexion approfondie.
A trop vouloir attacher d'importance aux espaces protégés, n'y-a-t-il pas un risque de négliger les portions du territoire ne faisant l'objet d'aucune protection ? Pour prévenir ce risque, il est essentiel de chercher à convaincre tous les agents économiques de la nécessité de prendre en compte, sur l'ensemble du territoire, les exigences de protection de la nature. Votre action doit également y contribuer.
Dans cette perspective, j'attire votre attention, madame la ministre, sur le bilan des actions menées en matière d'enfouissement des réseaux électrique et téléphonique, bilan auquel, cette année, j'ai consacré mon rapport écrit.
La mise en souterrain des lignes nouvelles est encadrée par des obligations légales ou conventionnelles adaptées.
Cependant, nous avons pu remarquer que l'effacement des réseaux existants se heurte à de nombreux obstacles. Il semble aujourd'hui difficile d'accélérer la mise en oeuvre d'une politique globale d'enfouissement car la marge de manoeuvre financière tant des opérateurs, soumis à une concurrence accrue du fait de la dérégulation, que des collectivités locales n'est pas à la hauteur des coûts considérables des travaux d'effacement.
Par ailleurs, la multiplication des pylônes nécessaires aux réseaux de téléphonie mobile a un impact majeur sur les paysages alors que les prescriptions environnementales, prévues par la loi du 26 juillet 1996, de réglementation des télécommunications ne s'imposeront pas avant dix ou quinze ans aux opérateurs. Il sera alors sans doute trop tard pour empêcher la prolifération d'antennes de téléphonie mobile et l'implantation désordonnée de ces dernières.
J'aimerais savoir, madame la ministre, si vous comptez mettre en oeuvre des instruments nouveaux dans ces domaines, afin de soutenir l'action des collectivités territoriales, par exemple, ou de pallier l'inadaptation du cadre législatif s'imposant aux opérateurs de téléphonie mobile.
Il me semble, et ce sera ma conclusion, que le développement des mesures préservant les espaces naturels et les sites remarquables ne doit pas être mené en oubliant la protection des paysages de droit commun qui constituent l'essentiel de notre cadre de vie.
Compte tenu des interrogations que soulèvent pour l'avenir le projet de budget du ministère de l'environnement, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat en ce qui concerne l'adoption ou le rejet des crédits de l'environnement pour 1999.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 36 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les interventions des différents rapporteurs sur ce projet de budget ont été tout à fait pertinentes, et je n'y reviendrai pas, sauf peut-être s'agissant de la TGAP.
En ce qui me concerne, je voudrais appeler votre attention sur quatre points, madame le ministre : le traitement des ordures ménagères, l'eau et l'assainissement, les marnières et les carrières, et enfin la chasse. Si ces thèmes peuvent vous paraître un peu marginaux au regard du budget de votre ministère, ils constituent cependant des sujets récurrents qui préoccupent l'ensemble des élus locaux et la population française.
Le premier point que j'aborderai concerne les ordures ménagères. Je vous ferai à cet égard un compliment, madame le ministre, à propos de la circulaire que vous avez prise dans le courant de cette année et qui avait pour objet de faire valoir qu'il était préférable de trier les déchets plutôt que de se lancer dans le « tout-incinération ». Voilà au moins un point positif de votre action gouvernementale !
Il est vrai que, quels que soient les gouvernements qui se sont succédé, nous avions tous, ici, dénoncé la loi de 1992, qui tendait à préconiser le « tout-incinération », dont l'application se traduisait ou se serait traduite par des coûts extrêmement importants pour l'ensemble des usagers, puisque les chiffres qui nous avaient été communiqués démontraient que le coût serait sans doute d'environ 500 francs par habitant et par an. Pour une famille de cinq ou six enfants, cela aurait représenté une somme très largement supérieure au montant de la taxe d'habitation !
Mais, madame le ministre, vous avez décidé, par voie de circulaire, d'orienter vers le tri l'action en matière de traitement des déchets. Nous nous en félicitons, et je me réjouis également que l'action conjuguée du Gouvernement et de l'Association des maires de France ait amené Eco-emballage à revoir son barème à la hausse pour la troisième fois consécutive.
Voilà une décision positive que le Sénat avait appelée de ses voeux à plusieurs reprises, par la voix d'orateurs de sensibilités politiques diverses, et qui va permettre - je l'espère tout au moins - de parvenir à un coût du tri se rapprochant de zéro.
Il fallait donner un caractère incitatif à cette action afin de mobiliser nos concitoyens, dans un esprit de civisme, à mieux trier leurs déchets ménagers pour que le solde des déchets relevant du centre d'enfouissement technique ou de l'incinération soit réduit au strict minimum.
Reste, madame le ministre, un problème majeur dans nos départements, en tout cas dans le département de l'Oise, qui se trouve aujourd'hui dans une situation quasi inextricable.
Il est bien évident qu'il s'écoulera deux, trois ou quatre ans avant la construction d'une usine d'incinération. En effet, un investissement de 400 millions de francs à 500 millions de francs ne se fait pas en deux jours ni même en deux années !
Or, les préfets ayant cloisonné les différents départements à cet égard, les déchets ne peuvent être transportés d'un département à l'autre. Il s'ensuit actuellement, compte tenu de la rareté des centres d'enfouissement technique, une situation de quasi-monopole des entreprises assurant le traitement des déchets, et donc une dérive des prix pratiqués au niveau du traitement.
Ainsi, la partie ouest du département de l'Oise, dans laquelle j'anime un syndicat mixte, n'a plus sur son territoire, aujourd'hui, qu'un seul centre d'enfouissement technique. Or, le projet d'incinération, s'il devait être réalisé, ne pourrait voir le jour avant trois ou quatre ans. Arrivant en fin de contrat, nous allons donc subir une hausse inévitable des coûts qui dépendra uniquement du comportement de cette entreprise, alors même que le schéma départemental n'a pas prévu la possibilité de créer de nouveaux sites.
Il est donc urgent, madame le ministre, que des instructions soient données aux différents préfets de manière que les conditions de la concurrence soient rétablies en matière de centres d'enfouissement technique.
Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne l'article 21 du projet de loi de finances, qui tend à ramener le taux de TVA à 5,5 % pour les emballages.
Je m'en félicite, tout en regrettant que les papiers journaux et les magazines, qui ne sont bien évidemment pas des emballages, ne puissent bénéficier du taux de TVA réduit à 5,5 % et continuent à supporter le taux de 20,6 %.
Actuellement, une distinction est faite par les collectivités locales assurant le tri des déchets ménagers entre les corps creux et les corps plats, ces derniers comprenant à la fois les magazines, les journaux et les emballages en carton.
Compte tenu du fait que les papiers et journaux représentent 25 % du tonnage des déchets triés et permettent une valorisation économique des déchets extrêmement importante qui contribue à l'équilibre du budget de la collecte et du traitement des déchets ménagers, les collectivités vont donc devoir demander à nos concitoyens d'opérer un tri supplémentaire, ce qui engendrera un accroissement de charge dans la mesure où il faudra prévoir un conteneur de plus. Il aurait donc été heureux, madame le ministre, que la bonne disposition que vous avez prise pour les emballages, à savoir la fixation du taux de la TVA à 5,5 %, s'applique également aux papiers journaux et aux magazines, bien sûr, mais encore aux journaux gratuits et aux prospectus de toutes sortes des grandes surfaces ou d'un certain nombre d'entreprises commerciales, qui envahissent nos boîtes aux lettres avant de souiller notre sol.
La progression de la taxe ADEME va encore alourdir le coût du service, qui est déjà beaucoup trop important. A cet égard, pouvez-vous nous dire - j'ai posé la même question à d'autres ministres avant vous - quelles dispositions financières le Gouvernement est prêt à mettre en oeuvre pour aider les collectivités à financer les grosses infrastructures de traitement des déchets, notamment les usines d'incinération ?
En effet, augmenter la taxe ADEME, c'est bien, mais encore faudrait-il que cette taxe permette d'alléger d'autant le coût des investissements supportés par les collectivités en matière de traitement des déchets. Or, on sait que les concours de l'ADEME restent très limités au regard de l'importance de ces investissements.
J'avais demandé, il y a quelque temps, que les collectivités puissent bénéficier de prêts à long terme sur trente ou quarante ans. En effet, la Caisse des dépôts et le Crédit local de France nous font des offres relativement limitées et à des taux encore élevés au regard des taux pratiqués sur le marché aujourd'hui. Quelles sont vos intentions et celles de M. le ministre des finances sur ce point, madame la ministre ?
S'agissant de l'eau et de l'assainissement, je rejoins les observations faites par ceux qui se sont succédé à cette tribune, notamment par les rapporteurs, concernant la TGAP. La préoccupation majeure des élus est de voir que cette taxe va venir alimenter le budget de l'Etat sans qu'ils aient la moindre assurance d'un retour pour soutenir les actions qu'ils mènent afin de limiter les actions polluantes. Qu'en sera-t-il, notamment, au regard de l'assainissement, et plus particulièrement en faveur des communes rurales, comme l'a demandé à juste raison M. Bizet ?
Aujourd'hui, la situation est telle qu'une commune rurale qui veut se lancer dans l'assainissement collectif, voire individuel, doit fixer le prix du mètre cube d'eau entre 30 francs et 40 francs. C'est totalement dissuasif. A ce prix, la capacité contributive des ménages risque d'être atteinte ; les ménages ne pourront plus payer ; les taux d'impayés seront relativement importants, d'autant qu'au prix de l'eau s'ajoutent celui des ordures ménagères mais également le poids des impôts locaux, qui ne cessent, malheureusement, d'augmenter compte tenu des charges qui incombent aux collectivités locales.
Quels concours pouvez-vous assurer aux collectivités, sur les recettes de la TGAP, pour continuer à mener une politique dynamique, et notamment aux communes rurales pour financer des réseaux qui coûtent extrêmement cher ?
Car c'est bien là un autre problème auquel sont confrontées nos collectivités que celui du nécessaire renforcement des réseaux d'eau dans les années à venir ! Les réseaux d'eau datent, pour la plupart, des années trente ou quarante, et nombre de communes rurales sont, de ce fait, confrontées au problème de la sécurité incendie. Certes, cette question n'est pas directement de votre ressort, madame le ministre, mais il est bien évident que, pour que les communes rurales puissent continuer à connaître un développement de leur urbanisation, elles doivent assurer leur sécurité incendie. Aujourd'hui, elles ne peuvent pas répondre aux normes que leur imposent les services départementaux.
Autre sujet : êtes-vous disposée à faire une différence de traitement entre les marnières, à vocation purement agricole, et les carrières, qui ont une vocation uniquement industrielle ?
Ma dernière question portera sur la chasse. Le Conseil d'Etat a annulé, le 3 juillet dernier, le décret du 6 novembre 1995 définissant le statut des gardes, ce qui a entraîné la suppression de la base juridique régissant les relations entre les fédérations et l'Office national de la chasse.
Vous préparez un nouveau décret qui semble faire l'impasse sur l'affectation et le financement des gardes et les relations fédérations-ONC.
Vous avez créé un groupe de travail ; l'Union des fédérations a formulé des propositions. Entendez-vous y donner une suite favorable ?
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, du fait de la brièveté du temps imparti à notre groupe pour examiner les crédits de l'environnement, j'aborderai les aspects de ce budget que je juge essentiels et ceux auxquels je suis plus particulièrement sensible.
Les modifications introduites par la majorité sénatoriale en première partie de la loi de finances ont quelque peu modifié la structure du projet de budget qui nous est soumis.
Avec une progression de 15 % de ses crédits, madame la ministre, avant les amendements de notre Haute Assemblée, le projet de budget de votre ministère connaissait une progression que nous réclamions de longue date.
Cette augmentation des crédits de 270 millions s'accompagne de la création de la taxe générale sur les activités polluantes, et grandes sont les craintes à l'égard de cette taxe.
En effet, cette taxe unique, collectée par le ministère de l'économie et des finances, ne constitue-t-elle pas, à terme, un risque pour les crédits et les actions de l'ADEME, voire pour les agences de bassin dans le secteur de l'eau ?
En Bretagne, pour citer une région que je connais bien, la dépollution des cours d'eau, le désenvasement des plans d'eau, les politiques d'aménagement des fonds de vallées lancées par les collectivités locales, bref, le préventif et le curatif vont exiger des sommes colossales qui nécessiteront bien sûr l'intervention de l'Agence de bassin Bretagne-Loire.
Au regard des liens évidents entre agriculture et mesures environnementales, n'est-il pas nécessaire de coordonner davantage vos actions et celle du ministère de l'agriculture ? Il me semble urgent, à ce propos, de porter haut et fort les propositions suivantes.
Premièrement, la promotion d'une autre politique agricole et l'encouragement de pratiques agricoles comme celle du Centre d'études pour un développement agricole plus autonome, le CEDAPA, en Côtes-d'Armor, qui prouvent chaque jour qu'il est possible de produire mieux en polluant beaucoup moins, en travaillant moins et en dégageant des bénéfices comparables à ceux des exploitations de type productiviste.
Deuxièmement, la mise en oeuvre raisonnée de la circulaire Voynet - Le Pensec.
Troisièmement, l'encouragement à une politique offensive et cohérente en matière de reconquête de la qualité des eaux.
A l'examen de ce projet de budget, nous notons positivement la croissance du nombre des emplois environnementaux.
La multiplication des textes relatifs à l'environnement, ces dernières années, et le manque de personnel privaient jusqu'alors les dispositions législatives d'une réelle application. Cet effort devra se poursuivre dans le futur.
La nécessité de faire face, aujourd'hui, et davantage encore demain, aux enjeux environnementaux - qualité de l'air, qualité de l'eau, bruit, travail sur le milieu urbain, transports, préservation des milieux, etc. - appellera, à n'en pas douter, d'autres sources de financement que la stricte reconduction du principe pollueur-payeur ou que le recours, au-delà du possible, aux financements des collectivités territoriales.
Avec 0,30 % du budget civil de l'Etat - nous étions à 0,14 % l'an passé - nous sommes bien en deçà de ce que notre pays devrait consacrer aux dépenses environnementales. A ce titre, madame la ministre, les chiffres que vous avez cités à l'Assemblée nationale concernant la part du budget de l'environnement chez certains de nos partenaires européens sont éloquents, et nous souhaitons que votre opinâtreté vienne en renfort d'un rééquilibrage plus grand encore. D'ores et déjà, il est de grands axes de la politique environnementale pour lesquels nous formons quelques propositions.
Nous sommes attachés de longue date à la renationalisation du secteur de l'eau et nous pensons que la création d'une agence nationale de l'eau, qui aurait à charge, en concertation avec les agences de bassin, la gestion et la préservation de cette ressource, est nécessaire.
La gestion des déchets, qui pèse de manière accrue sur les charges des collectivités locales, appelle, elle aussi, des solutions adaptées, d'autant que l'augmentation de la taxe sur les déchets inquiète nombre d'élus locaux et que la fermeture des décharges à l'horizon 2002 soulève de multiples difficultés dans sa mise en oeuvre.
Il convient de réduire la part toujours trop grande des emballages dans les déchets. A cet effet, l'élargissement de l'assiette de la taxe sur le stockage des déchets aux emballages surdimensionnés et polluants pourrait permettre une réduction de ces derniers.
On associe souvent environnement et ruralité, environnement et nature, etc. Or le développement de notre territoire au cours de ce siècle s'est opéré essentiellement en milieu urbain. C'est vrai non seulement pour notre pays mais aussi à l'échelle mondiale.
C'est pourquoi nous pensons qu'une attention particulière doit être portée au milieu urbain.
De plus, l'émergence de besoins nouveaux en matière environnementale et écologique ne puise-t-elle pas sa source dans les contraintes du milieu urbain ?
Nous pensons qu'il se dégage là des possibilités d'actions transversales en concours avec la politique de la ville et que votre ministère pourrait y prendre une place importante, madame la ministre.
Notre démarche pour le projet de budget de votre ministère est à l'inverse de la démarche de la majorité de notre Haute Assemblée, qui ne raisonne qu'en termes comptables - en réduisant de plus de 178 millions de francs ce budget, au lieu de s'atteler aux besoins de nos compatriotes - et en termes de déficit publics pour subventionner la guerre économique menée contre l'emploi et le progrès.
Il s'agit là d'une visée à très court terme assez peu conforme aux besoins exprimés par nos concitoyens en matière d'environnement, de cadre de vie, de nuisances.
Notre conception de l'environnement s'oppose également à une approche qui consisterait, sous prétexte de préservation, en une sanctuarisation des sites jugés dignes de protection.
A ce propos, il m'apparaît urgent de définir clairement les notions de « perturbation » et de « détérioration » dans les zones Natura 2000, notions qui empoisonnent les bonnes relations souhaitables entre les acteurs de la ruralité et l'Etat.
Madame la ministre, les mesures financières d'accompagnement prévues dans ces zones seront-elles cumulables avec les aides du CTE ?
Enfin, je m'autorise à vous demander ce qu'a entrepris le Gouvernement eu égard aux menaces d'amendes de la Cour de justice des Communautés européennes, à la suite de l'adoption de la loi du 3 juillet 1998 relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs. Qui servirait et qui desservirait une telle condamnation ? Je vous laisse le soin de répondre, madame la ministre.
Notre démarche environnementale doit avoir à coeur, selon nous, de concilier préservation et développement humain.
C'est en ce sens qu'il s'agit d'une démarche globale et nécessairement transversale, qui appelle un formidable renforcement des moyens financiers.
Dans ce cadre, les amputations opérées sur le budget de l'environnement ne nous permettront pas d'adopter le budget tel qu'amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la politique environnementale a besoin de temps et de moyens ; elle nécessite une action volontaire et durable. La protection et la valorisation de l'environnement demeurent ainsi un vaste et perpétuel chantier.
Le Gouvernement a clairement indiqué, au travers de ce projet de loi de financer pour 1999, sa volonté de lui donner une nouvelle importance, qu'il s'agisse des moyens budgétaires et humains proposés, des innovations fiscales à engager et des orientations nouvelles et interventions programmées.
Le contraste est saisissant avec les années précédentes, où les gouvernements n'ont pas toujours tenu leurs promesses et où il nous est arrivé d'avoir de fortes baisses sur certains chapitres budgétaires.
Aussi, madame le ministre, votre effort devra obligatoirement s'inscrire dans la durée pour être efficace, tant les besoins pour lutter contre les pollutions sont importants, tant les réparations des dégâts causés à l'environnement restent considérables.
Ce projet de budget de l'environnement pour 1999, en hausse significative, témoigne de la nécessité de considérer l'environnement comme l'une des préoccupations majeures de notre société. Il illustre la volonté clairement affichée de la majorité plurielle de réaffirmer une grande ambition politique et ouvre des perspectives nouvelles, notamment par la mise en place d'une fiscalité écologique.
Ce budget pose des bases techniques et financières en faveur d'un développement durable, car il faut bien comprendre que l'environnement se traduit par une demande sociale forte, croissante et légitime. Les attentes sont nombreuses, multiples. Nos concitoyens réclament aujourd'hui un droit légitime à bénéficier pour eux et les générations futures d'un environnement de qualité, protégé, accessible, source à la fois de richesse et d'épanouissement individuel.
Les préoccupations croissantes de nos administrés en matière de pollution de l'air, de l'eau, de consommation abusive d'énergies non renouvelables, d'atteintes irresponsables aux ressources naturelles, au paysage, nécessitent de la part des pouvoirs publics une prise en compte rapide et énergique de ces problèmes. La mise en oeuvre de mesures de protection et la diminution drastique des nuisances et des risques s'avèrent plus que jamais urgentes. L'actualité, à travers des événements divers - feux de forêts, innondations, érosion des sols, pollution accidentelle - nous le rappelle en permanence.
Dans le même temps, nous devons évoluer vers une réconciliation entre l'économie et l'environnement. Il faut écarter toute vision duale aujourd'hui dépassée. OEuvrer pour l'aménagement du territoire, c'est faire coïncider dynamisme économique et respect des ressources d'un territoire dans l'intérêt des gens qui y vivent.
L'environnement est désormais un facteur essentiel de développement, un atout majeur recherché par les investisseurs, une richesse valorisante et valorisable pour un territoire. Je peux en témoigner en tant que président d'un parc naturel régional dans le département du Nord.
Votre grande ambition politique en matière d''environnement se traduit par un accroissement très sensible des interventions budgétaires et par des orientations nouvelles en matière fiscale.
Sur le plan budgétaire, les crédits font un véritable bond en avant, traduisant un effort sans précédent : on passe ainsi de 0,14 % du budget civil de l'Etat à 0,30 %, soit une progression de 14,8 % si l'on retire la TGAP. Les crédits atteindront près de 4 milliards de francs en 1999. C'est un effort significatif, et tout cela dans un contexte général de maîtrise globale des dépenses publiques. Cette progression est sept fois supérieure à la progression moyenne des dépenses de l'Etat.
Sur le plan fiscal, la principale mesure qui est proposée est la création, à l'article 50, de la TGAP. C'est une innovation majeure qui dessine les prémices d'une fiscalité écologique dans la perspective d'une future écotaxe européenne.
C'est d'abord un changement de philosophie et la mise en application véritable du principe pollueur-payeur et non plus de celui du droit à polluer qui a prévalu jusqu'à présent.
Nombre de nos collègues de droite ont dénoncé les conséquences possibles de cette taxe unique, notamment dans le dispositif actuel des agences de l'eau. Membre d'un comité de bassin et du conseil d'administration de l'agence de l'eau Artois-Picardie, je considère qu'il est nécessaire de maintenir une gestion décentralisée des crédits de l'eau dans un souci d'efficacité et de proximité.
La centralisation de la collecte des taxes et redevances induites par la TGAP et l'affectation des ressources collectées au budget de l'Etat appellent craintes et inquiétudes de la part des élus et des représentants des comités de bassin. Nous attendons de votre part, madame la ministre, des assurances très fortes et précises sur ce point.
Il n'en reste pas moins qu'il me paraît excessivement important que, dorénavant, le Parlement soit étroitement associé à la définition de la politique nationale de l'eau, à la fois pour assurer la transparence totale de l'utilisation des redevances et pour faire valider les programmes pluriannuels.
Cette taxe doit offrir au ministère la possiblité d'être budgétairement responsable des politiques qu'il entend conduire ; mais il faudra veiller à ce que l'argent de l'environnement aille réellement à l'environnement.
D'autres mesures fiscales sont proposées qui me paraissent justifiées, en particulier celle qui conduit progressivement à la réduction de l'écart de taxation entre le super sans plomb et le gazole et celle de la baisse du taux de TVA à 5,5 % pour les opérations de collecte, de tri sélectif et de traitement des ordures ménagères. Cette mesure est très attendue par les collectivités locales et territoriales qui se sont engagées dans des programmes d'équipement importants et coûteux.
Sur le plan des orientations et des interventions, on constate très heureusement une augmentation substantielle des moyens en personnel. En 1999, les DIREN bénéficieront de 89 postes supplémentaires ; au total, ce sont 140 postes qui seront créés. Cette proposition est tout à fait judicieuse et répond pleinement à l'attente des élus locaux qui s'investissent dans les mesures environnementales : parcs, Natura 2000, contrats de rivière ou autres.
Pour appliquer ces politiques, il faut des agents qualifiés qui nous aident sur le terrain ; mais il faudra répartir ces effectifs de manière correcte entre les régions qui en ont besoin.
En ce qui concerne la prévention des pollutions et des risques, les dotations augmentent sensiblement, grâce à la TGAP, pour atteindre 1 768 millions de francs : 235 millions de francs iront à l'application de la loi sur l'air et 25 millions de francs aux plans de prévention, soit 50 % en plus. On enregistre une hausse de 15,3 % des crédits affectés à la gestion de l'eau et des milieux aquatiques, qui atteindront 265 millions de francs.
Ce secteur me touche particulièrement, en tant que président d'un gros syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement. L'eau sera un enjeu majeur du siècle prochain. Des menaces pèsent sur l'approvisionnement et la qualité de l'eau, auxquelles s'ajoutent les interrogations légitimes des consommateurs quant au coût du mètre cube d'eau.
Des efforts restent à accomplir, en particulier dans la protection des champs captants, mais aussi, surtout, dans le domaine de l'assainissement autonome, où nous attendons encore un certain nombre de décrets qui permettront de mettre en oeuvre cette politique tant attendue.
Un autre objectif consiste en la maîtrise de l'énergie et le développement des ressources renouvelables. Une dotation de 500 millions de francs est affectée à l'ADEME. Cet organisme bénéficiera ainsi de moyens suffisants pour relancer de manière active et dynamique ses actions, qui visent à assurer réellement un développement socio-économique durable.
Les crédits affectés à la protection de la nature, des sites et des paysages augmentent fortement : de 19,7 %.
Le nouveau fonds de gestion des milieux naturels est doté de 164 millions de francs, dont 90 millions de francs pour les mesures nouvelles.
Je salue cette heureuse initiative, qui permettra de répondre aux besoins exprimés dans ce domaine.
Ma participation personnelle à la concertation sur un site LIFE Natura 2000 dans le département du Nord, en forêt de Thiérache, m'a convaincu de la nécessité absolue d'un soutien financier actif si l'on veut réussir la mise en place des mesures de gestion préconisées.
Je dois dire que, par la concertation, les relations avec les propriétaires, privés et publics, ont évolué très favorablement. Ces crédits sont donc indispensables pour ne pas décevoir ceux qui ont eu le courage de s'engager dans cette démarche intelligente.
Enfin, je voudrais également témoigner de l'importance des parcs régionaux sur le plan de la protection de l'environnement. Ces territoires constituent de véritables laboratoires d'expérimentation en matière d'aménagement durable. Ce sont des espaces privilégiés de concertation et de collaboration entre tous les acteurs d'un territoire : élus, partenaires associatifs et institutionnels, agents économiques.
Il convient, au côté des collectivités locales et territoriales, que l'Etat conforte les moyens humains et financiers. J'espère que cet effort sera poursuivi avec ténacité.
En conclusion, je dirai que l'environnement constitue aujourd'hui un vaste champ d'intervention sous l'effet d'un arsenal législatif national et européen particulièrement abondant et de plus en plus complexe. Il faut faire émerger un véritable ministère transversal. Il faut aussi mettre en oeuvre des gestions au plus près du terrain, au plus proche des réalités, avec les acteurs eux-mêmes, et encourager la concertation la plus étroite.
Madame la ministre, votre responsabilité sera donc de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens pour respecter et faire respecter l'environnement, et protéger encore plus un patrimoine naturel que nous léguerons aux générations futures.
Quant à nous, parlementaires, notre responsabilité est de vous donner les moyens législatifs et budgétaires sollicités pour mettre en oeuvre cette nouvelle donne environnementale.
Je connais votre détermination et votre vigilance pour rendre plus cohérent, malgré les difficultés, l'ensemble des politiques publiques dans ce domaine particulièrement exigeant. Je sais que vous respecterez vos engagements. Le groupe socialiste vous soutiendra dans votre démarche et votera donc votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Madame la ministre, votre budget est, au sein du projet de loi de finances présenté par le Gouvernement, celui qui fait le bond le plus spectaculaire, avec une augmentation de 110 %. Il passe de 1,9 milliard de francs à 3,95 milliards de francs et devrait susciter auprès de tous les parlementaires attachés à l'environnement et à la qualité de vie un enthousiasme sans limites.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Ce n'est pas le cas !
M. Philippe Richert. Or, je viens d'écouter avec attention nos rapporteurs, qui font état de nombreuses interrogations voire d'oppositions très vives. Comment expliquer ce hiatus ?
M. René-Pierre Signé. C'est systématique !
M. Philippe Richert. Reconnaissons d'abord, madame la ministre, qu'il est aisé de relever dans votre budget maints éléments positifs, et je m'en réjouis.
En premier lieu, je salue la réduction du taux de TVA appliqué à la collecte sélective, au tri et à la valorisation matière. Cette disposition favorisera la part du recyclage dans le traitement des déchets, et je ne peux que m'en féliciter.
Je relève aussi la progression importante des crédits de la connaissance de l'environnement : plus 34 % ; nous savons tous qu'une protection efficace ne peut s'envisager que sur la base d'une connaissance approfondie.
Il en va de même des budgets consacrés à la protection de la nature qui permettent de faire face aux besoins générés par la mise en protection institutionnelle de nouveaux espaces sensibles. Le concept d'environnement évoluant, les dimensions sociales et sanitaires se renforcent ; mais il ne faut pas pour autant négliger la protection des espèces, des écosystèmes précieux et des paysages. L'environnement ne doit pas faire oublier l'écologie ! Vous prouvez que vous y êtes sensible.
Bravo aussi pour les crédits de l'INERIS, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, dont certains services étaient très largement sous-dotés et se trouvent ainsi mis à niveau.
Pour clore ce chapitre, permettez-moi d'exprimer ma satisfaction de voir relancée la politique d'économie et de maîtrise de l'énergie. Vous voyez que je ne suis pas avare de compliments !
Toutefois, ce projet de budget est aussi la traduction d'une approche qui porte en elle de multiples aspects négatifs, voire détestables. J'en évoquerai trois.
Le premier concerne la méthode. Ce qui la caractérise est une concertation que j'estime largement insuffisante. Les projets de loi sont déposés ou des décisions lourdes de conséquences sont prises sans véritable débat en amont. Je me rappelle le temps où vous et vos amis « verts » n'étiez pas au Gouvernement ni membre de la majorité. Que n'a-t-on pas entendu sur le besoin de démocratie, de débats sur les grands choix !
Quelle surprise de constater qu'aujourd'hui toutes vos décisions vous semblent légitimées par le simple fait que vous appartenez à une coalition majoritaire à l'Assemblée nationale. Cette attitude a, par exemple, prévalu pour l'arrêt du surgénérateur Superphénix.
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'un grand débat sur l'énergie soit nécessaire dans notre pays, avant que des décisions stratégiques d'une importance essentielle soient prises ?
Nous connaissons votre opposition à l'électricité produite par le nucléaire et je suis, moi aussi, partisan de relancer la politique de diversification énergétique et de maîtrise ou d'économie de l'énergie. A-t-on cependant sérieusement évalué les conséquences en termes de pollution atmosphérique ou d'effet de serre si le basculement du nucléaire sur le fuel ou le charbon se fait sans précaution ou étude suffisantes ? Si la part du charbon et du fuel devait augmenter, nous risquerions de réserver à nos enfants des lendemains incertains. Pourquoi dès lors ne pas ouvrir ce débat d'autant que certains de nos partenaires européens - je pense à l'Allemagne en particulier, vous vous en doutez - ont annoncé un changement d'orientation assez radical ?
Le deuxième aspect négatif se rapporte au décret que vous avez publié récemment et qui concerne la surveillance de la pollution atmosphérique.
Vous êtes de ceux qui affirment, et je crois à juste titre, que les particules fines, les hydrocarbures imbrûlés issus de nos moteurs diesel notamment, mais pas seulement, sont aussi nocifs pour la santé que les polluants chimiques comme l'ozone, les oxydes d'azote, le dioxyde de soufre.
Pour tous ces polluants, en cas de pic de pollution, il existe trois seuils définis par la loi en fonction de la gravité de la situation. Le niveau 3 correspond à « l'alerte » ; c'est lui qui conditionne la mise en oeuvre des mesures obligatoires de réduction de la pollution. Pour l'ozone, le niveau 3 n'a jamais été atteint en France. Pour les oxydes d'azote, ce seuil est rarement franchi. En revanche, pour les particules fines, le seuil d'alerte défini par le conseil supérieur d'hygiène est atteint plus régulièrement.
Pouvez-vous m'expliquer, madame la ministre, pourquoi votre décret publié plus de dix-huit mois après l'adoption de la loi - il ne peut donc être question d'oubli dû à la précipitation - omet de parler des particules fines ?
Je voudrais enfin - c'est le troisième aspect négatif - m'insurger contre l'instauration de la TGAP par le biais d'un article de la loi de finances, car il s'agit en fait d'un changement fondamental de la façon d'aborder la protection de l'environnement et les relations pollueur-payeur.
Que ce soit bien clair, je ne dis pas non à une fiscalité écologique bien pensée ; mais j'estime qu'il s'agit d'un débat stratégique et qu'il aurait mérité une meilleure préparation.
Que proposez-vous dans l'immédiat ? La centralisation au ministère de crédits et taxes divers. Quelles en sont les conséquences très directes ? Le gonflement artificiel de votre budget et le contrôle des fonds par Bercy.
Je comprends votre position, car, dès cette année, ce sont près de 1,5 milliard de francs supplémentaires qui transitent par votre ministère et celui-ci devient, selon vos propos, un « ministère de plein exercice ». Votre marge de manoeuvre financière, et donc votre pouvoir, s'en trouvent accrus.
Je comprends aussi la satisfaction de Bercy. C'est pour lui l'aboutissement d'un rêve vieux de vingt ans. Au nom de l'orthodoxie budgétaire que l'on évoque souvent dans cet hémicycle, il parvient à mettre la main sur des recettes qu'il ne maîtrisait pas. Le processus a commencé d'ailleurs en 1996, avec la mise en place d'un premier fonds de concours des agences de l'eau. En 1997 et 1998, ce sont 110 millions de francs que Bercy a ainsi récupérés. En 1999, ce sera pire : il leur sera soutiré 140 millions de francs supplémentaires.
Autant de crédits inscrits au budget du ministère, mais qui viennent en réduction de l'action des agences. Et ce n'est pas fini : l'an prochain, l'enjeu est de plus de 10 milliards de francs puisque vous ne proposez ni plus ni moins que de rapatrier à Paris les redevances collectées par les agences de l'eau.
Vous savez, madame la ministre, que personne ne veut de ce texte, mis à part quelques théoriciens qui vous sont proches. Et pour faire passer la pilule, il n'y a rien de mieux que de noyer le dispositif dans le débat sur le projet de loi de finances... à une heure du matin !
La redevance sur l'eau sera-t-elle plus efficace en transitant par Paris ? En mettant davantage encore les agences de l'eau sous tutelle et en les gérant de la capitale, seront-elles plus efficaces ? En étant démotivés, les acteurs de terrain travailleront-ils mieux ? On a l'impression qu'il s'agit d'appliquer un dogme, une approche idéologique.
Pour moi, cette attitude anti-décentralisation, anti-terrain est incompréhensible et inacceptable. Mais elle est révélatrice d'un état d'esprit qui tend à accréditer que seul le ministère est en mesure de proposer les bonnes solutions.
Cette réforme va d'ailleurs engendrer de nombreuses autres conséquences, dont il me faut au moins citer les principales : la remise en cause du principe pollueur-payeur, car c'est de cela qu'il s'agit, mais aussi l'abandon de l'affectation automatique des taxes récoltées à la lutte contre la pollution.
Il est en effet clair qu'avec ce système plus rien ne garantit que les fonds collectés au titre des différentes taxes constituant la base de la TGAP seront consacrés à l'objet pour lequel ils auront été prélevés. La création d'un compte spécial ne constitue un leurre pour personne. Demain, la redevance sur l'eau peut très bien servir à financer le déficit d'une entreprise publique... ou l'achat de missiles.
Le système pollueur-payeur est ainsi totalement dévoyé.
Lorsque la taxe générale sur les activités polluantes sera instaurée, nous aurons créé un nouvel impôt dont les premiers contributeurs seront les usagers de l'eau domestique. Mais ceux-ci n'auront plus aucune garantie quant à l'affectation des fonds collectés, à la qualité de l'eau, à sa distribution ou à sa protection. C'est donc bien une taxe générale qui est mise en place. Une taxe dont le taux pourra être modifié sans tenir compte des besoins environnementaux.
Cette réforme, telle qu'elle nous est présentée, tourne le dos à un modèle pourtant éprouvé. Elle privilégie l'approche budgétaire centralisatrice et idéologique, et son efficacité est incertaine. Dans ces conditions, le groupe de l'Union centriste ne votera pas votre projet de budget en l'état. (MM. les rapporteurs applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, partageant très largement les points de vue exposés par mes collègues, je m'attarderai plutôt sur une réflexion liée à la politique de l'environnement.
La politique que vous menez en matière d'environnement m'inquiète, madame le ministre, car elle me semble très éloignée de ce que doit être une véritable politique de l'environnement pour nos concitoyens, même si quelques points heureux sont à souligner et l'ont déjà été.
En effet, la protection de la nature doit tenir compte d'un aspect fondamental de l'évolution de notre monde, qui est le mouvement.
Une société se développe, bouge, se perpétue au niveau des espèces par-delà la mort de chaque individu, et la nature fait de même. C'est le perpétuel mouvement de la vie, dont doit tenir compte toute politique de l'environnement et de protection de la nature. La vie est programmée pour se reproduire et s'adapter, la loi de l'adaptation tempérant celle de la jungle, faisant que c'est non pas nécessairement le plus fort qui gagne, mais le plus adapté.
Or notre époque vit sous la dictature de l'instant, sorte de photographie figée d'un moment aussitôt disparu, et sélectionnée dans un film en vertu d'on ne sait quel critère ou plutôt si, malheureusement, celui des goûts et des passions de tel ou tel groupe de pression qui veut imposer sa loi à la société,...
M. René-Pierre Signé. Oh là là !
Mme Anne Heinis. ... au mépris de tout esprit démocratique et de toute vision dynamique des choses.
Cependant, nous constatons que notre société se complexifie au fil du temps, suivant en cela les lois naturelles de l'évolution, qui, dans l'ordre de la création, est partie du plus simple, pour aboutir, après bien des aléas, au cerveau pensant de l'homme, lequel culmine par la complexité extrême de son système nerveux. Or c'est peut-être cette complexité, que nous dominons mal, qui fait peur et pousse certains à se réfugier dans l'instant, tendance largement amplifiée par des médias de plus en plus puissants, qui, eux-mêmes, ne vivent que de l'instant.
« Ô temps, suspends ton vol », disait le poète pour goûter un peu plus la beauté d'un moment, mais il savait bien que c'était impossible et que ce n'était qu'un regret.
Cette dictature de l'instant mène, comme toutes les dictatures, à une sorte de terrorisme intellectuel, qui conduit l'écologie à se manifester sous la forme d'une guerre de tranchées, parfois meurtrière, où chacun campe sur ses positions. Quelle dérive ! L'écologie devrait être une recherche commune pour organiser notre action sur le monde, autour de l'homme, et non l'inverse, car la nature a été faite pour l'homme, et non l'homme pour la nature.
Cela oblige à une vision dynamique et non statique, à une projection permanente dans le futur, puisque nous sommes tous tributaires du temps. C'est peut-être aussi ce mot « dynamique » qui gêne, les équilibres dynamiques, qui sont ceux du mouvement, étant, bien sûr, les plus complexes et les plus difficiles à saisir.
Comme tous les êtres vivants, l'homme est naturellement un prédateur, qui vit toujours aux dépens d'une autre espèce animale ou végétale, parfois des deux. Tant que la voracité de l'un ne fait pas disparaître l'autre, et que les conditions de vie restent globalement favorables, les espèces en cause subsistent, parfois d'ailleurs à l'aide d'une ingéniosité stupéfiante.
Cette observation fonde la différence entre protection totale et protection suffisante, que la Cour européenne de justice, sans doute trop loin des réalités naturelles, ne semble pas avoir saisie. C'est l'exemple des cormorans.
M. René-Pierre Signé. Il s'agit du budget !
Mme Anne Heinis. C'est tout à fait lié !
L'histoire du monde montre que, au fil du temps, bien des espèces ont disparu, pour des raisons que nous ne connaissons pas toujours, d'ailleurs, et la nature est indifférente à cet état de choses. C'est nous qui souhaitons que les espèces connues à ce jour perdurent, et c'est tout à fait légitime. C'est une des justifications de la « sanctuarisation », qui doit rester dans ses limites, au bénéfice de l'homme et de la recherche, qui tous deux doivent y trouver leur intérêt, aussi bien en termes d'épanouissement qu'en termes scientifiques. C'est probablement à un sentiment de « sanctuarisation » excessive et imposée que se heurte Natura 2000.
En effet, la France, par sa géographie et son climat, présente deux caractéristiques particulières par rapport à ses voisins européens. Elle est beaucoup plus riche en espèces animales et en habitats, et sa population s'est répartie historiquement sur son territoire d'une façon beaucoup plus dispersée.
Elle doit donc tenir compte de ces facteurs dans ses propres équilibres internes.
D'une façon générale, tant que le rapport entre les activités humaines et la nature est resté en faveur de la nature, celle-ci n'en a guère souffert. En revanche, le développement des sciences et des technologies et la multiplication de l'espèce humaine tendent à inverser ce rapport d'autant que le caractère prédateur de l'homme, si l'on n'y prend pas garde, reprend très vite le dessus, car le seul et unique prédateur de l'homme, c'est l'homme.
Or, nous n'avons pas su prévoir en temps voulu les conséquences du développement, lequel a fait beaucoup de dégâts et, ce qu'on nous demande aujourd'hui, c'est justement de les prévoir et de les prévenir.
C'est ce qui justifie une politique de l'environnement : réparer les dégâts, bien sûr, mais, ce qui est beaucoup plus important, prévenir leur prolifération et organiser la gestion de l'environnement pour et en fonction de l'homme, de ses besoins, de ses aspirations et de ce qui concourt à la fois à sa survie et à son bonheur.
Dans nos sociétés développées, l'homme, au cours du temps, a façonné la nature et s'y est intégré. L'accélération brutale et mal maîtrisée du développement déséquilibre ce qui a été construit pendant des siècles et nous perturbe.
La politique de l'environnement doit donc être une recherche permanente d'un nouvel équilibre, devenu dynamique et non plus statique, où les règles d'action l'emportent sur la réglementation, qui tend vite à momifier la vie à un instant donné, et ce n'est plus la vie, où l'incitation doit l'emporter sur la répression, car, pour réussir, cette politique nécessitera beaucoup d'efforts en commun, d'échanges entre les différentes approches, ce qui devrait permettre une meilleure connaissance des phénomènes.
L'idée du respect de la nature a beaucoup progressé dans les esprits et c'est une excellente chose. Il n'en reste pas moins qu'il y a une hiérarchisation des objectifs à déterminer et qui doit se retrouver dans une bonne politique de l'environnement.
A ce titre, je ne crois pas que la création de 140 postes supplémentaires de fonctionnaires dans votre ministère aille dans le bon sens, même si quelques-uns pouvaient être nécessaires.
Je crains que cela n'accentue la confusion entre les objectifs défendus par le ministère de l'environnement et ceux des associations dites de protection de l'environnement, ce qui risque de nuire à la crédibilité de ce ministère, qui doit se préoccuper d'abord de l'intérêt général.
Malheureusement, il semble que l'écologie soit beaucoup trop vue au travers de lunettes « militantes », soutenue par les lobbies dont on sait que le poids est beaucoup plus fonction de leurs moyens financiers que de leur audience.
Au fond, madame le ministre, c'est à plus de sagesse, de tolérance mutuelle, de concertation que j'appelle, pour que l'écologie ne se transforme pas en idéologie.
Virgile disait : « Chacun a son penchant qui l'entraîne. » Nous devons en tenir compte. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'accroissement et la diversification des tâches incombant au ministère de l'environnement supposaient sans doute un renforcement de ses moyens.
En hausse très sensible - 15,6 % - ce projet de budget pour 1999 traduit la volonté du Premier ministre de faire de l'environnement une véritable priorité gouvernementale. On pourrait ajouter avec un peu de malice que ce choix vous donne, madame la ministre, un motif de satisfaction et donc de soutien à son égard !
Néanmoins, on peut légitimement s'interroger sur l'articulation de ce budget.
Les crédits de l'administration générale augmentent à eux seuls de 13 % ; c'est considérable, c'est hors de proportion, et c'est soit de la mauvaise gestion, soit du clientélisme. La fonction publique ne pèse-t-elle pas déjà trop sur le budget général et la charge fiscale des citoyens ? Espérons que ces fonctionnaires de l'environnement exerceront leur vigilance en se fondant sur des réalités techniques, économiques et humaines et non sur une vision écologique dogmatique.
Au-delà de cette critique, je prends acte d'un certain nombre d'avancées positives dans les domaines de la gestion des espaces naturels et de la prévention des pollutions, notamment la réorientation de la politique des déchets et la réduction de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence.
Je n'entrerai pas dans le détail, d'autres s'en sont chargés avec compétence, et je m'associe pleinement aux propos que mon collègue de groupe, M. Bernard Joly, tiendra à son tour.
J'axerai mon intervention sur un point qui me tient à coeur : la nécessaire réconciliation entre l'agriculture et l'environnement.
Car, il faut l'affirmer, madame la ministre, il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre l'activité agricole et la préservation de l'environnement, bien au contraire.
Vous désignez les agriculteurs comme des coupables : ils n'ont pas de leçon à recevoir de ceux qui élaborent des discours fondamentalistes et abstraits, rédigés bien loin de la réalité agricole et environnementale.
Au cours des siècles, les agriculteurs ont modelé nos paysages, ont rendu les terres accessibles à chacun d'entre nous et ils contribuent toujours largement à entretenir et à valoriser le territoire. Dans la plupart des régions, ils favorisent une gestion à long terme de l'eau et du sol et ils demeurent essentiels au développement local.
Les agriculteurs français sont des jardiniers de l'espace naturel, alors cessez de les désigner systématiquement comme des pollueurs.
Bien sûr, il y a eu des excès. Mais l'utilisation massive, donc parfois excessive, d'engrais, de fumier organique ou de produits agrochimiques est née du besoin de rendements toujours supérieurs, dû à la baisse des revenus à l'hectare. Cette baisse des revenus a contraint les agriculteurs à augmenter leurs surfaces et donc à mécaniser lourdement et à forcer la terre par un apport massif d'intrants. Ils l'ont fait non pas par plaisir, mais par nécessité.
M. René-Pierre Signé. Polluer, c'est gratuit !
M. Aymeri de Montesquiou. Aujourd'hui, l'agriculture veut choisir et contrôler ses rapports avec l'environnement.
Le développement de l'agriculture biologique doit être favorisé ; mais ce choix ne peut être celui de tous les agriculteurs, car les produits issus de cette « nouvelle » forme d'agriculture ne sont accessibles qu'à une clientèle restreinte et les exportations agricoles sont une vocation naturelle, qui participe largement à notre excédent commercial.
Au lieu de prendre les agriculteurs comme cible, madame la ministre, il eût mieux valu les considérer comme de véritables partenaires et privilégier le dialogue.
Les agriculteurs ne vous ont pas attendue pour prendre leurs responsabilités et s'atteler à la tâche. Ils se sont engagés dans des actions volontaires multiples sur l'ensemble du territoire : Ferti-mieux, Irri-mieux, Phyto-mieux, opérations « rivière », Farre, suivi-évaluation de la directive « Nitrates ».
Je souligne que les crédits consacrés aux programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, aux bâtiments d'élevage de zone de montagne ou encore aux mesures agri-environnementales ont toujours été insuffisants dans le budget de l'agriculture.
L'avenir de ces mesures semble aujourd'hui devoir s'imbriquer dans les contrats d'objectifs de Natura 2000 et dans des contrats territoriaux d'exploitation largement inspirés par les Verts. Or, pour l'un comme pour l'autre, les lignes budgétaires nationales ou européennes sont très minces et en tout cas très floues.
En ce qui concerne la taxe écologique, seules les actions fondées sur un changement concerté sont de nature à apporter une réponse durable à la lutte contre les pollutions agricoles.
Or, en ce qui concerne la mesure qui caractérise votre projet de budget, l'instauration de la TGAP, je ne vois pas de concertation. Vous avez déjà décrété que cette taxe, dont le principe n'est pas encore adopté, serait élargie à d'autres ressources, comme celles des agences de l'eau, ainsi qu'à toute nouvelle taxe ayant une finalité environnementale, tout en affirmant que ces étapes seraient franchies dans la plus grande concertation. Ce n'est pas cohérent. Madame la ministre, votre méthode est surprenante.
Sur le fond de ce projet, l'instauration de cette taxe générale serait grave, car elle mettrait fin à un système qui fonctionnait bien et marquerait la première étape d'une fiscalité centralisatrice dont les bénéfices pour l'environnement ne sont pas démontrés.
M. René-Pierre Signé. Mais redistribués !
M. Aymeri de Montesquiou. Tout d'abord, le système des cinq taxes affectées jusqu'ici à l'ADEME fonctionne bien. En envisageant d'élargir la TGAP aux agences de l'eau en l'an 2000, vous mettriez alors fin à leur fonctionnement décentralisé et à leur autonomie financière, alors même que ce système est proposé comme modèle de gestion à l'échelon communautaire.
Ensuite, en voulant faire rentrer la fiscalité de l'invironnement dans le pot commun des finances publiques, comme l'a souligné mon collègue M. Richert, vous contribuez aux ressources de l'Etat. Vous mettez automatiquement en danger l'attribution de ces recettes à la protection de l'environnement du fait de la règle de non-affectation des ressources. Craignez les ponctions autoritaires du ministère de l'économie et des finances au regard des potentialités fiscales de votre projet : déjà 600 millions de francs supplémentaires pour 1999 !
Madame la ministre, souhaitez-vous vraiment remettre en cause la politique de l'eau telle qu'elle fonctionne depuis les lois de 1964 et de 1992 ? Comment pouvez-vous défendre un projet qui n'obligera plus à affecter l'intégralité des redevances à des actions concernant la protection des eaux ?
Enfin, s'agissant de l'efficacité de votre proposition, je crains que les mesures de taxation que vous envisagez sur les sacs d'engrais ou les bidons de produits phytosanitaires n'aient pas l'effet dissuasif escompté. Soit l'augmentation du prix des intrants n'incitera pas les agriculteurs à s'en passer, à moins d'atteindre un niveau prohibitif incompatible avec leur capacité financière. Soit la taxe est d'un niveau faible et elle apparaîtra immanquablement comme un « droit à polluer », décourageant les exploitants qui se sont engagés dans des programmes de maîtrise des pollutions.
Pour parvenir à modifier le comportement des agriculteurs, un système de taxation ne semble pas efficace. Il faut plutôt favoriser des actions incitatives, à base d'information et de formation ; les initiatives locales en ce sens sont déjà nombreuses.
En conclusion, puisque votre gouvernement prône le dialogue, je formulerai un souhait : que le projet de loi d'orientation agricole soit l'occasion d'établir un dialogue véritable afin de réconcilier l'agriculture et l'environnement.
Mon groupe suivra la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Tout au long du débat qui est engagé depuis plusieurs semaines autour du projet de loi de finances devant le Parlement, vous avez tenu à souligner, madame la ministre, combien le Gouvernement faisait de la protection de l'environnement l'une de ses priorités. Et l'on ne peut pas contester que le projet de budget de votre ministère en porte témoignage.
Il me paraît cependant équitable de souligner ici combien cette détermination est partagée, et souvent depuis longtemps, par les acteurs de terrain, notamment les élus locaux, qui, dans ce domaine, portent une responsabilité difficile et conduisent des actions très souvent tout à fait exemplaires.
Il faut traverser notre pays pour mesurer quels efforts ont été entrepris par les uns et par les autres, quels dispositifs variés et ingénieux ont été mis en oeuvre, quel travail de communication a été conduit pour sensibiliser et mobiliser nos concitoyens, quels engagements financiers ont été pris, et aussi quels résultats significatifs ont d'ores et déjà été obtenus, y compris dans les domaines de compétence qui ne relèvent pas directement des collectivités locales ; je pense en particulier aux déchets industriels banals et aux déchets hospitaliers. Et tout cela est effectué dans une très grande diversité, au plus près des réalités locales.
Or, les élus locaux ont trop souvent l'impression d'être mis en accusation, comme s'ils étaient eux-mêmes les générateurs des pollutions qu'ils s'efforcent de combattre. Ils ont trop souvent l'impression que l'on sous-estime les difficultés politiques, techniques et surtout financières auxquelles ils sont confrontés, alors que c'est à un véritable esprit de partenariat qu'ils aspirent.
Compte tenu du temps très court qui m'est imparti, et pour ne pas reprendre des choses qui ont déjà été dites, et fort bien dites, notamment au sujet de la TGAP, je me conterai d'évoquer le problème des déchets ménagers, et singulièrement du coût qu'à travers les collectivités locales ils engendrent pour nos concitoyens.
Cela est déjà vrai pour l'eau et l'assainissement, secteurs dans lesquels les coûts augmentent en moyenne de 5 % par an.
Dans le même temps, pour la collecte, le tri et le traitement des ordures ménagères, on assiste à une véritable explosion des coûts du fait d'une réglementation de plus en plus sévère, de dispositifs sans cesse améliorés, mais aussi - il n'est pas inutile de le souligner ici -, du fait de la détermination des élus très fortement motivés par ce combat-là.
Les charges supportées à ce titre par les collectivités locales ont augmenté de 131 % entre 1990 et 1997, pour atteindre 17,8 milliards de francs actuellement.
Une extrapolation faite par l'ADEME à partir des plans départementaux déjà établis laisse apparaître que les investissements initiaux à réaliser sur la durée des plans se chiffrent à 60 milliards, soit 1 037 francs par habitant, à quoi il convient d'ajouter 40 milliards qui servent à traiter les déchets industriels banals et qui seront inéluctablement répercutés par les entreprises sur les consommateurs.
Mais, par-delà ces investissements, les charges de fonctionnement induites connaîtront un accroissement exponentiel.
Aussi avons-nous salué avec satisfaction l'abaissement du taux de TVA relative à la collecte sélective, au tri et à une certaine forme de valorisation.
Cependant, cette disposition apparaît, à l'examen, d'une portée assez illusoire, car beaucoup trop restrictive et, de surcroît, d'interprétation hasardeuse.
En effet, en même temps qu'est prise cette mesure la taxe sur l'incinération et sur la mise en décharge des déchets ménagers est augmentée de 50 %.
Quand on sait que 47 % des déchets ménagers vont en décharge et 40 % en incinération, on voit bien que l'on a très largement repris d'une main ce que l'on a donné de l'autre et que le bilan global de ces mesures n'est guère favorable aux collectivités locales.
Nous pensons tous qu'il faut aller vers plus de tri et de valorisation ; une mesure incitative peut effectivement être de nature à accélérer cette orientation.
Mais on semble faire, a priori, un procès d'intention aux élus locaux. On les soupçonne de freiner les évolutions souhaitées alors qu'un abaissement généralisé du taux de la TVA sur l'ensemble du service des ordures ménagères leur apporterait, sur le plan financier, cette bouffée d'oxygène qui leur permettrait précisément d'aller plus loin et plus vite dans le sens préconisé, sans alourdir excessivement la charge fiscale de leurs concitoyens.
Il est temps, me semble-t-il, de mettre un terme à la guerre des filières et de reconnaître que la diversité des situations géographique et démographique appelle des réponses diversifiées et complémentaires, dont aucune n'est à diaboliser, même si certaines sont à privilégier.
Il existe aujourd'hui des usines d'incinération extrêmement performantes sur le plan du traitement des fumées. Quand on voit le volume et la composition des polluants qui y sont captés, inertés et mis en décharge de classe I, on est en droit de s'interroger sur la pertinence du retour au sol naturel du compost issu des déchets ménagers.
Par ailleurs, chaque tonne d'ordures ménagères traitée par incinération avec valorisation énergétique représente l'équivalent de 150 litres de fioul. Et certains process permettent aujourd'hui de coïncinérer des déchets ménagers et les boues de station d'épuration trop chargées en pollution pour être épandues, apportant ainsi une réponse à un problème insuffisamment résolu jusque-là, et cela sans consommation d'énergie fossile.
J'ai donc déposé un amendement tendant à généraliser le taux de 5,5 % à l'ensemble du service des déchets ménagers, comme c'est déjà le cas pour les services publics de l'eau, de l'assainissement et des transports.
Cette mesure permettrait d'accélérer la mise en oeuvre d'une politique environnementale à laquelle nous sommes tous attachés et en rendrait le coût plus supportable pour nos concitoyens.
Certes, l'Etat perdrait ainsi une recette. Ce serait le prix équitable, à nos yeux, de son partenariat pour une action dont il affirme qu'elle constitue pour lui une priorité, mais pour laquelle ce sont les élus locaux de nos villes et de nos campagnes qui se trouvent en première ligne.
Quant au coût de cette mesure, compte tenu de l'accroissement des dépenses des collectivités locales dans ce domaine, plus on attendra, plus la perte de recettes pour l'Etat sera significative et plus les réticences du ministère des finances seront grandes.
Il y a là, me semble-t-il, un signe fort à adresser à ceux qui, sur le terrain, sont aux prises avec ce problème difficile. Ce signe s'adresserait également à l'ensemble de nos concitoyens pour qui l'addition des prélèvements de toutes sortes représente une charge atteignant la limite du supportable et qui, de surcroît, sont de plus en plus souvent les acteurs positifs d'une gestion intelligente des déchets engendrés par notre mode de vie.
Aussi serons-nous particulièrement attentifs, madame la ministre, aux réponses que vous voudrez bien apporter à notre interpellation. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame le ministre, je suis d'autant plus satisfait de prendre la parole sur les crédits de votre département ministériel que ce projet de budget témoigne d'un engagement fort en faveur de l'environnement et qu'il me donne l'occasion d'une intervention dont la tonalité sera quelque peu différente de tout ce que vous avez entendu jusque-là, à l'exception de l'intervention de mon ami Paul Raoult.
Ce projet de budget, en augmentation de près de 15 %, enregistre même un record absolu de progression depuis la création de votre ministère en 1971.
Au-delà des chiffres, je salue l'orientation politique majeure qui tend à tansformer enfin votre ministère, dit « de mission », en un véritable outil de l'action régalienne de l'Etat. J'en veux pour preuve les quelque 140 emplois venant renforcer directement les effectifs du ministère ainsi que les 550 postes créés dans les administrations qui en dépendent directement.
Cet effort est d'autant plus remarquable qu'il se situe, nous le savons, dans un contexte de stabilisation des effectifs globaux du personnel de l'Etat. Il s'agit en fait d'une orientation nouvelle attestant que l'environnement est plus que notre cadre de vie : il est le milieu, au sens scientifique du terme, où se joue prioritairement l'avenir de nos sociétés.
J'observe d'ailleurs qu'aucun de nos collègues de l'opposition au palais Bourbon n'a jugé votre budget dépensier. C'est assez dire à quel point ces 15 % sont une avancée fondamentale : tous peuvent en convenir.
Mais l'effort qualitatif est, lui aussi, de grande ampleur. La taxe générale sur les activités polluantes constitue une innovation majeure. Elle centralisera désormais les fonds collectés par les diverses écotaxes existantes.
Chacun connaissait les inconvénients du principe originel d'affectation à l'ADEME de ces taxes « pollueur-payeur ». En intégrant ces sommes au budget de l'Etat, on évitera désormais l'assimilation du paiement de la taxe à l'acquisition d'un « droit à polluer » et, par là même, le dévoiement du principe « pollueur-payeur ». La TGAP permet de revenir à la pleine application de ce principe.
J'observe par ailleurs que cette taxe est la pierre angulaire d'une opération pluriannuelle de revalorisation des crédits du ministère de l'environnement. Comme vous l'avez évoqué dans une heureuse formule, la nouvelle taxe représente bel et bien « l'an I de la fiscalité écologique ».
Dès l'an prochain, cette taxe sera le réceptacle des redevances perçues par les agences de l'eau.
Politiquement utile, la TGAP est enfin économiquement et juridiquement efficace. Elle est en effet conçue pour recueillir, dans les prochaines années, le produit des futures « écotaxes » sur le dioxyde de carbone ou sur l'utilisation des engrais et produits phytosanitaires.
Son instauration s'accompagne d'une augmentation de 50 % du produit attendu de la taxe de mise en décharge. Il s'agit, à travers cette mesure, de privilégier la valorisation des déchets au détriment de cette simple mise en décharge. Dans le même esprit, je relève avec satisfaction que l'article 21 du projet de loi de finances applique le taux réduit de TVA aux opérations de collecte et de tri sélectif.
L'ADEME, pour sa part, ne perd pas son objet ni ses financements : d'une part, parce que, pour la première année, l'intégralité du produit de la TGAP lui sera affectée et, d'autre part, parce que la répartition de la subvention qui lui sera versée dans les années suivantes reconduira les montants qui lui étaient consacrés jusqu'alors.
La TGAP est donc un progrès incontestable. Néanmoins, je souhaite comme d'autres, attirer votre attention, madame le ministre, l'ont fait, sur le fait que la TGAP, en intégrant au budget de l'Etat le produit de taxes précédemment affectées, rend en quelque sorte vulnérable le produit de ces taxes en le soumettant aux traditionnels arbitrages entre les différents crédits ministériels. C'est un risque que les élus locaux ont appris à connaître.
Toutefois, dans l'immédiat, le risque me paraît tout théorique car, au vu du budget que vous nous présentez, je fais confiance à votre pugnacité pour défendre la pérennité des orientations qui sont aujourd'hui définies.
J'ai noté, d'autre part, la progression substantielle du volet relatif à la protection de la nature, notamment les lignes de crédit nouvelles dédiées à la gestion des milieux naturels, dotées pour 1999 de 164 millions de francs.
Par ailleurs, et j'y suis particulièrement sensible, présidant moi-même un parc, un effort est entrepris pour classer de nouveaux parcs naturels régionaux et pour conforter ceux qui ont renouvelé leur charte.
Nos parcs naturels régionaux - il en existe près de quarante - couvrent environ 10 % du territoire national. Leurs responsables accomplissent un travail de fond sur l'environnement non seulement naturel mais également social et économique. Depuis plusieurs décennies, ses parcs ont incarné ainsi, et parfois avant l'heure, le développement durable dont chacun saisit désormais l'importance et qu'a évoqué mon ami Paul Raoult.
Leurs chartes expriment, par le biais de l'engagement des collectivités territoriales qui les cosignent, leur rôle privilégié en faveur du développement croisé et harmonieux des territoires et des populations qui les constituent. Plus simplement, elles renvoient au principe de base : un territoire, un contrat, un projet.
A cet égard, il convient de souligner, pour s'en réjouir, la pertinence des nombreux projets de pays, dont on constate chaque jour l'émergence. Toutefois, dans les cas où se superposent sur le même espace un pays et un parc, nous devons également préciser les modalités de leur existence.
Tout en relevant d'une même logique de développement, les parcs et les pays relèvent d'approches nettement distinctes, qui justifient leurs personnalités juridiques différentes.
Les parcs sont, au premier chef, des éléments structurants des régions qu'ils couvrent. Il leur revient de définir des projets globaux de grande ampleur, touchant à tous les domaines du développement.
Les pays, pour leur part, sont des structures informelles par définition légères, qui ne sont jamais plus utiles que quand elles concourent d'abord à la mise en commun des volontés.
Il n'y a donc non pas une opposition entre les parcs et les pays, mais bien une complémentarité, qu'il revient au législateur d'assurer et d'organiser.
A contrario il serait regrettable que, faute d'une orientation précise, les pays et les parcs naturels régionaux présents sur des territoires identiques soient conduits, malgré eux, à une concurrence entre leurs projets. C'est ensemble qu'ils doivent solliciter des concours extérieurs au financement de leurs opérations, notamment par le biais des fonds structurels de l'Union européenne et des sommes prévues au titre des contrats de plan Etat-région.
L'ensemble des éléments que j'ai brièvement évoqués ici renvoient à une orientation gouvernementale plus large, dont participent, au-delà de cette discussion budgétaire, plusieurs projets législatifs qui nous seront bientôt soumis : le vôtre, bien sûr, madame le ministre, mais également le projet de loi d'orientation agricole à l'origine duquel se trouve notre collègue Louis Le Pensec, sans oublier celui qui est relatif à l'intercommunalité.
Ces projets ne manqueront pas de susciter notre intérêt, au même titre que le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui et que je voterai évidemment, comme l'ensemble de mes collègues socialistes.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un budget s'examine à l'aune des défis auxquels nous sommes confrontés. Avant d'aborder les priorités qui ont été retenues pour 1999, j'aimerais évoquer brièvement l'état de l'environnement en France.
En dépit d'une prise de conscience réelle et de certaines avancées, l'Institut français de l'environnement constate que les progrès sont sensiblement plus lents que prévu, et la France reste souvent à la traîne par rapport à ses voisins européens.
Pour ce qui est de l'air, malgré une réduction générale des émissions polluantes, les pics de pollution sont en augmentation. La congestion du réseau routier a augmenté de 60 % en dix ans. L'élaboration des plans de déplacements urbains accuse un retard important. Les véhicules électriques demeurent peu nombreux et les biocarburants, d'apparition récente, ne font l'objet d'aucune réglementation.
En ce qui concerne l'eau, la France est l'un des pays européens les mieux équipés en infrastructures d'assainissement et l'on constate un recul sensible de la pollution par les rejets industriels et urbains. Pourtant, la qualité de l'eau continue à se dégrader. Entre 17 millions et 20 millions de Français boivent une eau non conforme aux normes sanitaires européennes !
Le traitement des déchets ménagers est un autre défi majeur de notre fin de siècle. La loi de 1992 prévoyait, dans un délai de dix ans, la mise en décharge des seuls déchets ultimes. A trois ans de cette échéance, le retard considérable pris dans l'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers est dû, en grande partie, à la remise en cause des objectifs par votre ministère.
Enfin, un salarié sur quatre subit des nuisances sonores sensibles et 13 % sont exposés à un bruit supérieur à 85 décibels, niveau jugé pénible.
C'est dire que les efforts engagés doivent se poursuivre et même être accentués.
Le ministère de l'environnement a joué un rôle important. Ses missions se sont élargies, et quand on est, comme je le suis, attaché à cette cause, on ne peut que s'en féliciter. Doit-on pour autant souhaiter que ce département devienne régalien ?
En effet, la hausse des moyens, souvent réclamée, déroge, d'une part, à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques et elle fait craindre, d'autre part, une recentralisation progressive des procédures de gestion et de décision. Or le succès des actions environnementales dépend plus des collectivités locales, des entreprises et des établissements déconcentrés que des effectifs et des crédits propres de votre ministère.
Permettez-moi de m'interroger également sur ce que recouvre la hausse des crédits destinés aux associations. Renouer le dialogue, les impliquer davantage dans le processus de décision, les utiliser comme relais auprès des usagers, faire vivre un certain nombre de contre-pouvoirs : tout cela relève de la démocratie. Cependant, madame la ministre, de quelles associations s'agit-il ? Quels seront les critères retenus pour les financer ? Quel contrôle exercera-t-on sur l'utilisation des fonds ?
On peut légitimement s'interroger, compte tenu de l'obstruction systématique pratiquée par certaines d'entre elles, qui agissent au nom d'une doctrine écologique intransigeante et bloquent les projets de développement économique que lancent les élus locaux.
Enfin, je voudrais exprimer d'expresses réserves quant à la taxe générale sur les activités polluantes.
Actuellement, elle intègre les taxes perçues par l'ADEME. Annoncée comme évolutive, elle doit, dès l'an 2000, absorber les redevances pollution des six agences de l'eau.
Le conseil d'analyse économique a estimé que la France possédait un « gisement d'écotaxes » dont le produit pouvait atteindre, à terme, de 50 milliards à 125 milliards de francs. Ce que vous présentez comme un outil de simplification s'apparente plutôt à un monstre fiscal ou à un prétexte à de nouveaux prélèvements !
D'autre part, la France s'est dotée d'une politique de l'eau cohérente et efficace, dont s'inspirent de nombreux pays dans le monde. Le dispositif des agences de bassin a permis d'obtenir, en trente ans, des résultats considérables, en impliquant par la concertation tous les acteurs et en engendrant à la fois une grande efficacité financière et une meilleure rentabilité sociale.
Pourquoi remettre en cause un modèle de « bonne gouvernance », de démocratie locale, par le biais d'un projet de fiscalité écologique centralisateur, autocrate et régressif ? Cela risque d'ouvrir une période de turbulences pour les collectivités locales, confrontées aux problèmes quotidiens du financement des équipements et de la mise en conformité avec les directives européennes d'ici à 2005.
Toutefois, votre budget, madame la ministre, contient de bonnes mesures. A cet égard, je citerai d'abord la réorientation de la politique des déchets vers une valorisation, de préférence à l'incinération, qui coûte cher aux collectivités locales. La baisse de la TVA sur les opérations de collecte et de tri sélectif des ordures ménagères va dans ce sens. Nombre d'entre nous l'avait réclamée depuis longtemps.
Cependant, les collectivités locales, soucieuses de mettre en place des filières de recyclage industriel de qualité, doivent obtenir des assurances quant aux objectifs poursuivis et aux aides qu'elles pourront demander.
Autres points positifs : le rattrapage de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence sans plomb ainsi que le relèvement du plafond de l'exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers accordée aux taxis pour le GPL et le GNV.
Mais cette dernière mesure constitue-t-elle une incitation suffisamment efficace à l'adoption de carburants propres par les taxis ? Une prime à l'équipement des véhicules, de l'ordre de 10 000 francs, combinée à une réduction progressive du volume de carburant actuellement exonéré, selon la proposition que j'ai formulée il y a deux ans, serait sans doute plus incitative.
Pourquoi ne pas mettre également à l'étude la possibilité d'une incitation financière lors de l'achat d'un véhicule propre par un particulier, à l'instar de ce qu'on a appelé les « balladurettes » ?
Madame la ministre, l'action en faveur de l'environnement ne se limite pas à dénoncer les activités nuisibles, à lutter contre les pollutions, à créer une police écologique ; elle doit aussi s'attacher à valoriser et à faire connaître les richesses naturelles de notre pays.
La France possède de fortes potentialités : variété et beauté des paysages, parcs naturels nationaux et régionaux, réserves naturelles. Ces sites, tout comme le milieu rural, constituent un véritable pétrole vert, une ressource considérable pour le tourisme français ; elle est pourtant encore insuffisamment exploitée.
Il existe aujourd'hui une clientèle touristique urbaine nombreuse, en particulier européenne, à la recherche de grands espaces, d'authenticité et de repos. L'écotourisme répond à cette évolution de la société et aux nouvelles aspirations.
Considéré jadis comme le tourisme de cueillette, ou celui du pauvre, le tourisme de proximité, de découverte, de nature, de randonnée a aujourd'hui ses adeptes et ses connaisseurs.
Les initiatives et les projets locaux ne manquent pas. Certains professionnels ont développé des projets d'« écovillage », avec pratique du sport, énergie solaire, architecture paysagère, traitement des déchets, découverte de la nature, ferme biologique.
Ce tourisme vert doit aujourd'hui se structurer, dans le respect de son authenticité et de la nature, en identifiant et en conquérant des clientèles diverses, notamment celles des classes vertes, qui sont un bon vecteur de l'écologie auprès des enfants, et en trouvant des partenariats.
Toutefois, son développement dépend étroitement de la conjonction d'investissements publics et privés, en vue de la valorisation des sites naturels pouvant constituer des points d'ancrage, de la préservation des paysages, de l'aménagement des lieux culturels, de la réhabilitation de l'habitat ancien et de villages, de la remise en navigation des rivières anciennement éclusées et jadis naviguées.
Certaines actions relèvent directement de votre ministère, aussi bien au titre de l'aménagement du territoire qu'à celui de l'environnement.
Je note d'ailleurs avec satisfaction la création d'un fonds de gestion des milieux naturels, doté de 164 millions de francs. Celui-ci doit permettre de financer la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, le renforcement du réseau des espaces protégés et des actions en faveur des sites et des paysages.
Vous avez relancé la procédure de classement de zones protégées par la directive « habitat ». Celle-ci provoque de vives polémiques entre certains acteurs, qui plaident pour le développement économique, et les « intégristes de l'environnement », qui voudraient en faire des déserts vivants. Or il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre la protection de l'environnement et le développement économique.
Des activités adaptées aux caractéristiques, aux contraintes et aux atouts de l'environnement pourraient s'y développer harmonieusement, et je reviens là au tourisme vert.
L'activité touristique est, dans l'esprit de certains, synonyme de pollution, de destruction, mais il ne s'agirait pas de laisser se développer un tourisme à grande échelle ou sauvage. Je laisse cela à votre réflexion, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du RDSE. - MM. les rapporteurs applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, débattre de la politique de l'environnement, c'est, à l'évidence, examiner les moyens budgétaires qui lui sont alloués. Mais c'est plus encore s'interroger sur l'évolution de nos législations, qu'il s'agisse de l'application du principe « pollueur-payeur », de la fiscalité de l'écologie ou encore de la nécessaire harmonisation européenne. C'est certainement aussi réfléchir à une nouvelle approche de la protection et de la sauvegarde de la nature, susceptible de répondre aux attentes légitimes et grandissantes de nos concitoyens en ce domaine.
Incontestablement, l'environnement n'est plus, aujourd'hui, un domaine marginal, et la société française, notamment dans ses composantes les plus jeunes, en fait un axe prioritaire de préoccupation et de mobilisation.
Je me félicite, dès lors, madame la ministre, de plusieurs aspects encourageants de votre projet de budget, même si, vous le dévinez aisément, les sujets d'inquiétude l'emportent largement chez moi sur les motifs de satisfaction.
Une augmentation de 14,8 %, à périmètre constant, par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, ce n'est pas négligeable, et les défenseurs de l'environnement que nous sommes tous ne peuvent que s'en réjouir, à la condition, toutefois, que d'éventuellles mesures de régulation budgétaire - comme nous en voyons, hélas ! trop souvent - ne viennent pas ternir, dans les mois à venir, cette croissance prometteuse.
De même, je note avec intérêt la prévision de financement, à hauteur de 164 millions de francs, du futur fonds de gestion des milieux naturels prévu par le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, que vous avez par ailleurs déposé, madame la ministre, devant le Parlement.
Dans la présentation qui nous en est faite, ce fonds devrait participer au financement de la politique de préservation des milieux naturels et de la biodiversité avec, notamment, en 1999, 68 millions de francs destinés à l'accompagnement de la constitution du réseau européen Natura 2000, qui, je le rappelle, vise à la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
S'il s'agit donc, par la création de ce nouveau fonds, de conforter l'émergence de préoccupations environnementales dans la gestion des territoires, de sorte que les milieux naturels deviennent à l'avenir, par leur qualité, des atouts de développement. Je ne peux que m'associer à une telle démarche. Encore faudra-t-il juger de sa réalité sur le terrain !
Que dire, en revanche, de la principale innovation qui nous est proposée ? Je pense, bien sûr, à la déjà trop fameuse taxe générale sur les activités polluantes.
Beaucoup s'inquiètent d'une telle réforme, et il est vrai que les craintes sont, pour le moins, multiples et fondées. D'ailleurs, le Sénat en a déjà largement débattu la semaine dernière.
Qui garantirait, en effet, dans les années à venir, la pérennité des dotations budgétaires environnementales ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Personne !
M. Serge Lepeltier. Comment ne pas redouter une déresponsabilisation des pollueurs, puisque la nouvelle taxe serait déconnectée des besoins réels de financement des actions de prévention ou de réparation des dégâts liés aux activités polluantes ?
Plus encore, comment ne pas comprendre, partager les très vives interrogations des agences de l'eau, qui seraient confrontées, à partir de l'an 2000, au nouveau dispositif avec l'intégration des redevances relatives à la pollution de l'eau ?
Toutes ces incertitudes, nombre d'entre nous les ont exprimées ; je n'insisterai donc pas.
Une seule certitude pourtant : il s'agirait bel et bien d'une mesure de centralisation, ce qui est pour le moins paraxodal, il faut en convenir, à une époque où la déconcentration et la décentralisation sont par ailleurs largement prônées par le Gouvernement.
Quelles en sont les motivations ? Ne s'agit-il pas de faire du ministère de l'environnement un ministère de plein exercice, de créer, en quelque sorte, une administration spécifiquement nouvelle ?
Or le ministère de l'environnement ne devrait-il pas, a contrario , rester un ministère transversal, aiguillon du Gouvernement ?
Devant toutes ces interrogations relatives, en particulier, à la taxe générale sur les activités polluantes, vous le savez, madame la ministre, le Sénat a fait un choix : en rejetant - chacun l'a rappelé - l'article 30 du projet de loi de finances pour 1999, il a décidé de s'opposer à la création de la nouvelle taxe.
Il faut, en effet, approfondir la réflexion sur les motifs de la fiscalité écologique ou environnementale, qui doit d'abord s'appuyer sur un principe fort de responsabilisation. Dans cette affaire - et c'est peut-être, madame la ministre ce que l'on peut le plus vous repprocher - vous agissez dans la précipitation, sans permettre une réflexion approfondie.
Par ailleurs, surtout lorsqu'on recherche un effet incitatif, il semble opportun que la fiscalité écologique s'inscrive dans un cadre pluriannuel.
Enfin, il faut, naturellement, tenir compte du type de pollution et s'interroger sur les objectifs précis que l'on veut assigner à une fiscalité environnementale : s'agit-il essentiellement de rechercher un effet incitatif et de limiter les atteintes à l'environnement ou s'agit-il de dégager des ressources ?
Autant de questions, autant d'approches, à la fois différentes et complémentaires, qui méritent, pour le moins, une réflexion approfondie.
Membre de la délégation du Sénat pour la planification, j'attache personnellement la plus haute importance à ces sujets, car, au-delà des débats budgétaires ou théoriques, ils concernent directement la vie quotidienne de nos concitoyens, avec finalement un enjeu sous-jacent de santé publique indéniable.
C'est pourquoi j'estime que la politique de l'environnement doit prioritairement - cela a été relevé par de nombreux intervenants - privilégier les acteurs de terrain, et particulièrement les élus locaux. Elle doit essentiellement reposer sur chacun d'entre nous, favoriser la transparence et les initiatives de sensibilisation, même si, naturellement, des mesures contraignantes sont quelquefois indispensables. Encore faut-il qu'elles ne se heurtent pas, sur le terrain, à d'autres impératifs. Je pense, bien sûr, à une politique des déchets qui se donne pour objectif la valorisation agricole, alors que les normes des produits agricoles empêchent l'utilisation des composts. Comment, dès lors, en appeler à la responsabilité de chacun ?
J'aimerais, naturellement, madame la ministre, aborder encore bien des points de votre projet de budget, mais, hélas ! le temps qui m'est imparti ne me le permet pas.
Toutefois, sur la politique des déchets, permettez-moi simplement de formuler une dernière interrogation.
A l'évidence, les plans départementaux d'élimination des déchets ont dû être réorientés et des retards persistent dans leur élaboration.
Comme vous le savez, le recours à l'incinération a été largement surestimé. Pouvez-vous nous donner des informations sur les conséquences de cette surestimation ? Pensez-vous que l'objectif fixé pour 2002 sera respecté ?
Telles sont, madame la ministre, les trop brèves observations que je souhaitais faire.
« Personne n'a le monopole de l'environnement », si vous me permettez cette expression, même s'il prend souvent la figure emblématique de votre personnalité. Nous sommes tous concernés, quelles que soient nos propres sensibilités politiques.
Si votre projet de budget comporte, il est vrai, certaines avancées, je redoute, comme beaucoup, en dépit de son apparence encourageante, les menaces qu'il pourrait faire peser sur l'avenir, en particulier le risque d'une banalisation administrative de votre ministère, alors même que les autres ministères doivent impérativement intégrer les préoccupations environnementales. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, pour commencer, remercier vos trois rapporteurs, M. Oudin, qui est intervenu au nom de M. Adnot, et MM. Bizet et Dupont, pour la clarté de leur présentation du budget, même si, vous n'en serez pas surpris, je ne partage ni leurs analyses ni leurs conclusions.
Permettez-moi de revenir quelques instants sur le bilan de l'année écoulée.
Beaucoup de choses ont déjà été faites, me semble-t-il, et de nombreux chantiers ont été ouverts ; j'en citerai douze.
Premier chantier : la relance de Natura 2000, dossier que j'avais trouvé bloqué lors de mon arrivée et sur lequel je reviendrai.
Deuxième chantier : la protection de nouveaux espaces - préparation de trois nouveaux parcs nationaux, de plusieurs parcs naturels régionaux, dont le Périgord-Limousin et le Gâtinais français, préparation et mise en place de nouvelles réserves naturelles.
Troisième chantier : des initiatives visant à mieux maîtriser les pollutions d'origine agricole, en particulier dans les zones d'excédents structurels, initiatives qui sont menées en concertation avec le ministère de l'agriculture, comme l'a demandé M. Le Cam. Ces initiatives ont soulevé d'énormes difficultés suscitant l'incompréhension de citoyens exaspérés par le contraste entre l'ampleur des dégâts, le montant des sommes qu'ils sont amenés à consacrer à la réparation de ces dégâts et la relative inefficacité, sur le plan de l'environnement, des mesures prises jusqu'alors.
Quatrième chantier : la réforme des instruments de gestion de cette ressource rare et collective qu'est l'eau ; j'y reviendrai longuement.
Cinquième chantier : l'ouverture d'une politique permettant une réelle diversification de nos choix énergétiques, ainsi que les progrès concernant un meilleur contrôle et une plus grande transparence en matière nucléaire.
Sixième chantier : la révision de notre politique de traitement des déchets ménagers et des déchets industriels.
J'ai noté que M. Vasselle se réjouissait de la qualité de la circulaire qui a été élaborée. Outre cette circulaire, il a été envisagé de procéder, dans chacun des départements, à une analyse des plans départementaux. Des conseils ont été donnés aux préfets. Ont été pris en charge les plans régionaux d'élimination des déchets spéciaux et le problème des déchets de chantiers. Des centaines de réunions ont eu lieu. De nombreux rendez-vous ont été pris. Bien peu de parlementaires ne sont pas allés chercher des conseils auprès des quatre malheureux fonctionnaires chargés de cette politique dans mon ministère. Ont également été élaborés des textes tendant à apporter la sécurité aux agriculteurs qui acceptent d'épandre des boues et aux consommateurs des produits alimentaires récoltés sur ces terres. Tout cela a été et demeure encore extraordinairement lourd.
Septième chantier : le meilleur contrôle et l'amélioration de la connaissance des sites pollués.
Huitième chantier : l'accélération, sur les plans national et communautaire, de la lutte contre la pollution de l'air ; j'y reviendrai.
Neuvième chantier : une nouvelle dynamique en matière de lutte contre l'effet de serre, à la suite des conférences de Kyoto et de Buenos-Aires.
Dixième chantier : la mise en place de la fiscalité écologique, qui ne se limite pas à la TGAP.
Onzième chantier : la création de près de dix mille emplois-jeunes dans le secteur de l'environnement.
Enfin, douzième chantier : le lancement d'un grand chantier pour engager la réforme de l'utilité publique.
Cependant, beaucoup reste à faire pour que chacune et chacun d'entre nous modifie ses comportements quotidiens et acquièrent le « réflexe environnement ».
Beaucoup reste à faire pour que la politique de préservation et de valorisation de l'environnement soit perçue non comme du « poil à gratter », comme un ensemble de contraintes et de règlements, mais comme une volonté commune, au service de l'ensemble des habitants, des générations présentes comme des générations futures, des citoyens comme des entreprises, au service de l'emploi et du développement durable, comme l'a bien montré M. Raoult. Il semble que l'on en soit loin, puisque l'on continue ici à caricaturer les aspirations de millions de Français à une eau pure, à un air sain, à des milieux vivants, à des aliments de qualité. Cela fait longtemps que je n'avais pas entendu parler des quelques « intrégristes de l'environnement » qui prétendent imposer leurs objectifs de façon arbitraire. En vous écoutant, je me suis sentie rajeunir !
Au regard de l'immensité des tâches qui restent à accomplir, j'ai pris conscience, assez rapidement, de l'inadéquation flagrante entre les moyens dont dispose le ministère chargé de l'environnement et les attributions que les gouvernements successifs et la société tout entière lui ont confiées.
Depuis près de dix ans, le ministère de l'environnement est resté « collé » aux environs de 0,14 % du budget civil de l'Etat. Pourtant, dans le même temps, combien de nouvelles missions, combien de nouvelles attributions lui ont été confiées !
Dans les domaines de la nature et des paysages, des déchets, de la lutte contre la pollution de l'air ou de l'eau, ou encore de la prévention des risques, le ministère de l'environnement, au service d'une exigence citoyenne, a peu à peu été doté - que cela plaise ou non ! - de missions régaliennes. Il prépare la loi et la met en oeuvre. Il participe au droit communautaire et à son application. Il exerce des missions de police, préventives ou répressives. Il tente de répondre à des attentes de plus en plus fortes, de plus en plus précises et de plus en plus complexes des citoyens.
Il s'agit bien de faire de ce ministère un ministère de plein exercice, avec de vrais personnels. Les personnels de l'environnement, dévoués et compétents, ne s'y trompent d'ailleurs pas lorsqu'ils réclament un véritable service public de l'environnement, des moyens plus importants pour accomplir leur travail.
Monsieur Lepeltier, c'est votre rapporteur lui-même qui qualifie ce ministère de « ministère de l'impossible ». La seule chose qui le soit, impossible, c'est de continuer à faire « comme si », avec des bouts de ficelles, et en ayant la seule satisfaction d'être l'aiguillon, ou la mouche du coche. Je n'ai pas la vocation !
Le budget de l'environnement français est plus faible que celui de la plupart des pays européens, qu'ils aient une structure politique fédérale ou unitaire. Il est plus faible que dans des pays moins riches que le nôtre, que dans des pays suspectés, parce qu'ils sont du sud de l'Europe, d'une plus grande indifférence à la qualité de l'environnement.
C'est pourquoi j'ai plaidé auprès du Premier ministre pour que l'environnement figure, pour la première fois, dans les priorités budgétaires du Gouvernement, telles qu'elles sont établies par les lettres de cadrage. J'ai plaidé pour que cette priorité se traduise non pas par quelques points supplémentaires de progression, mais par une véritable première étape de mise à niveau.
J'ai été entendue ! Le projet de budget de l'environnement que j'ai présenté affiche une progression, à périmètre et fonctions constants, de 15,6 % de projet de loi de finances à projet de loi de finances, et de 14,8 % de loi de finances initiale à projet de loi de finances. Je le dis avec plaisir, avec fierté, et je remercie MM. Raoult, Signé, Le Cam et Richert, qui, avec d'autres - qui se sont exprimés avec peut-être moins de force et moins de générosité - ont souligné cette progression.
A périmètre et fonctions modifiés, la progression est de 110 %.
Je reviendrai, naturellement, sur les composantes de cette progression, qui, je l'ai bien entendu, suscite quelques interrogations de votre part et que votre rapporteur vous propose de réduire.
A périmètre et fonctions constants, le budget de l'environnement qui vous est proposé s'établira, en 1999, à 2 180 millions de francs. Les mesures nouvelles, qui s'élèvent à environ 300 millions de francs, répondent à trois priorités : renforcer le socle du ministère, mieux assurer la gestion et mieux valoriser les espaces et milieux naturels, enfin mieux prévenir les risques - naturels, industriels ou technologiques - qui menacent les personnes et les biens.
Les effectifs du ministère de l'environnement sont de 2 412 agents, soit 0,13 % des effectifs civils de l'Etat. Ces effectifs ne permettent ni d'assurer les fonctions essentiels d'une administration centrale, en particulier dans les domaines juridique, international, de gestion des ressources humaines ou d'expertise économique, ni d'assurer, dans les DIREN, la mise en oeuvre des politiques de l'environnement.
Aussi, 140 emplois seront créés en 1999, dont 89 dans les DIREN, 29 en administration centrale et 22 dans les DRIRE, au titre de l'inspection des installations classées. Ainsi, nous atteindrons, dans les DRIRE, un effectif de 796 personnes, en comptant les inspecteurs des services vétérinaires, pour plus de 63 000 établissements à contrôler. Est-ce de la mauvaise gestion ? Est-ce du clientélisme ? Monsieur de Montesquiou, vous auriez du mal à répéter vos propos devant nos inspecteurs des installations classées.
Il ne s'agit pas là de contribuer à un gonflement des effectifs de l'Etat, comme ont semblé le déplorer MM. Oudin et Bizet. Vous l'avez vu, cet effort en faveur de l'environnement, comme celui qui est effectué, par exemple, en faveur du ministère de la justice, s'accompagne d'une stabilité globale des emplois de l'Etat.
C'est pourquoi, en dehors de l'expression d'une position de principe, qui me paraît quelque peu dogmatique puisque vous avez vous-même dit, monsieur le rapporteur, qu'il ne s'agissait pas de nier les besoins en cause, je ne comprends pas les raisons qui vous conduisent à proposer la suppression de ces 140 créations d'emplois. Je le comprends d'autant moins que j'ai eu l'occasion, interpellée par vous-même lors d'une séance de questions orales, de vous expliquer très sincèrement et très directement les difficultés auxquelles mon ministère est confronté sur le terrain juridique, sur le terrain international, pour répondre au courrier, pour prendre en charge des politiques aussi lourdes que celle qui concerne les déchets, par exemple.
Je vous indique au passage que le rapport annuel prévu par l'article 41 de la loi du 3 janvier 1986 relève des responsabilités du ministère de l'équipement, du logement et des transports. Voilà quelques mois, vous m'avez dit que cela faisait douze ans que vous réclamiez ce rapport. C'est peut-être parce que vous n'avez pas frappé à la bonne porte ! Je serai donc heureuse de relayer votre demande auprès de mon collègue Jean-Claude Gayssot.
Ce renforcement du socle du ministère s'accompagne aussi de moyens de fonctionnement supplémentaires : en matière de formation, dans le domaine de la communication et de l'information, dans le secteur de nos activités internationales et communautaires, en matière d'informatisation des services - tant centraux que déconcentrés - et, enfin, dans le domaine immobilier.
Je souhaite, en particulier, que les agents des DIREN puissent travailler dans des conditions plus décentes et que les services, lorsqu'ils sont éparpillés sur plusieurs sites, puissent être regroupés.
Le renforcement du socle du ministère n'a de sens que si ces moyens de fonctionnement supplémentaires sont mis, avec efficacité, au service des politiques conduites par le Gouvernement.
S'agissant de la protection et de la valorisation des milieux et espaces naturels, il s'agit, là encore, de rattraper le retard accumulé depuis bien des années, en particulier pour Natura 2000.
C'est ainsi qu'il sera procédé, en 1999, à la création et à la dotation du fonds de gestion des milieux naturels, le FGMN. Ce fonds a pour objet de favoriser toutes les politiques contractuelles en faveur des espaces naturels et de la diversité biologique.
Il assurera notamment, comme l'a bien montré M. Ambroise Dupont, le financement de la politique de connaissance et d'inventaire de la diversité biologique et des milieux naturels, ainsi que du suivi de leurs évolutions, qui ont été saluées par M. Richert.
Il assurera le financement de Natura 2000 et des actions communautaires.
Monsieur Ambroise Dupont, vous avez souligné que les sommes consacrées à ce thème représentent 73 francs par hectare. C'est un calcul un peu rapide. En effet, il s'agit, dans cette première phase, de rédiger les cahiers d'habitat, d'élaborer les documents d'objectifs, d'animer et de suivre sur le plan scientifique ces sites, avec l'aide d'ailleurs de crédits LIFE, l'instrument financier pour l'environnement.
Vous comprendrez qu'il n'est pas question encore d'indemniser ou de rémunérer un service rendu à la collectivité, puisque, à ce stade de concertation, ce service est uniquement virtuel.
Je voudrais souligner l'état d'esprit très constructif qui prévaut au sein des instances de concertation à l'échelon national et local, mais aussi sur le terrain, comme l'a rappelé d'ailleurs M. Raoult.
Monsieur Joly, il n'y a d'opposition entre les bons protecteurs de l'environnement et les intégristes que dans vos fantasmes, me semble-t-il. Sur le terrain, cela se passe bien. Je peux vous assurer que, s'agissant de notre région, par exemple, je n'aurais pas, voilà un an, imaginé que l'on pourrait, dans un si bon esprit, communiquer des sites aussi importants, des sites sur lesquels sont impliqués des chasseurs, des forestiers, des agriculteurs, des protecteurs de l'environnement, qui, globalement, et sans l'intervention ni de la ministre ni du sénateur, ont réussi à se parler.
Le FGMN contribuera aussi à la politique des parcs naturels régionaux, des conservatoires régionaux d'espaces naturels et des réserves de biosphères.
Sur ce point, je voudrais rassurer M. Signé. Je suis très consciente de l'intérêt majeur de la politique des parcs naturels régionaux. A bien des égards, ils ont montré que l'on pouvait concilier qualité des milieux, création d'emplois, développement local et dynamique économique. Ils ont été les modèles de bien des projets de pays, parce que ce qui est possible dans ces zones difficiles doit l'être ailleurs. Je n'ai donc absolument pas l'intention, à l'occasion de la présentation du projet de loi d'orientation d'aménagement et de développement durable du territoire, de laisser planer le moindre doute sur ce point. Les parcs naturels régionaux et les pays doivent être compatibles, dans le respect du rôle et de l'identité des uns et des autes. Comme vous l'avez souligné, les pays, ce seront avant tout des espaces de projets, qui ne devraient donc pas, dans leur définition, dans leur périmètre, entrer en compétition avec les dynamiques déjà à l'oeuvre sur le terrain.
Le FGMN assurera également le financement du programme de conservation de la diversité biologique, et principalement les espèces sauvages telles que l'ours, le lynx, ou les espèces végétales sauvages, par le biais des conservatoires botaniques nationaux.
Ce fonds sera doté, en 1999, de 164 millions de francs, dont 90 millions de francs de mesures nouvelles. Natura 2000 bénéficiera de plus de 100 millions de francs.
De la même manière, ce budget prévoit une progression de la dotation affectée aux réserves naturelles, ce qui permetra de créer neuf nouvelles réserves en 1999, après les huit créations de 1998.
La dotation dont bénéficiera le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres sera, elle aussi, augmentée et portée à 135 millions de francs en autorisations de programme, contre 125 millions en 1998.
La cotutelle exercée par mon ministère sur le Muséum national d'histoire naturelle et sur l'Ecole du paysage sera renforcée.
Cet ensemble de mesures et de moyens nouveaux s'accompagne de dispositions en faveur du monde associatif. Je crois en effet beaucoup à la vertu du dialogue. Je ne crois pas, monsieur Richert, avoir déposé le moindre projet de loi sans concertation, ni dans le domaine de l'environnement, ni dans le domaine de l'aménagement du territoire. S'agissant du projet de loi d'orientation, d'aménagement et de développement durable du territoire, cette concertation a duré des mois, trop longtemps, même, si j'en crois ceux qui auraient souhaité que ce texte soit examiné plus tôt par le Parlement.
Je crois à la vertu du dialogue, disais-je, mais aussi à la force de la contre-expertise exercée par le monde associatif, dès lors que les problèmes sont traités en amont. Les résultats des concertations menées, dans le cadre de la commission nationale du débat public, à l'occasion des dossiers de Port 2000 et de la ligne à très haute tension Boutre-Carros, en témoignent.
Je voudrais, ici, vous rassurer : je ne crois pas, pour ma part, que les associations constituent en quoi que ce soit des obstacles au développement économique. Bien souvent, elles interviennent en amont des problèmes, elles font en sorte que la loi soit respectée. Je souhaite que cette augmentation des moyens qui seront accordés aux associations permette de renforcer les contre-pouvoirs, de favoriser, notamment de façon contractuelle, une participation plus efficace des associations en amont de la prise de décision, d'améliorer les projets et de réduire les contentieux.
L'octroi de ces subventions répond à des règles précises, monsieur Joly, beaucoup plus transparentes, si j'en crois certains articles de presse, que celles qui président à l'utilisation de la réserve parlementaire.
Je suis de bonne humeur et il est tard mais, vous me permettrez de le dire, je n'apprécie guère les accusations larvées de manque d'objectivité dans l'attribution des subventions. Je rappelle qu'elles sont très largement déconcentrées et que seule une part modeste est utilisée sur le plan national pour des associations d'envergure nationale dont vous avez la liste et que vous connaissez bien. Ces associations relèvent de la loi de 1901, certaines étant d'ailleurs reconnues d'utilité publique.
Le partenariat que je souhaite instaurer entre les élus, l'administration et le milieu associatif a un prix. Il me semble, en conséquence, que la proposition de votre rapporteur de procéder à la réduction, de 11,5 millions de francs, des crédits consacrés au monde associatif est contre-productive, au regard de l'objectif que nous cherchons tous à atteindre.
La prévention des risques, naturels, technologiques ou industriels, constitue une autre priorité pour mon ministère.
Cette prévention, pour être efficace, demande tout d'abord que soient développés les instruments de connaissance des milieux et d'évaluation des risques. C'est pour cela que j'ai décidé un renforcement de l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, et de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS. M. Joly a bien voulu utiliser les travaux les plus récents de l'IFEN pour étayer son argumentation, ce qui montre la qualité des travaux de cet institut, qui bénéficiera, en 1999, de mesures nouvelles pour un montant de 8 millions de francs.
L'INERIS bénéficiera, quant à lui, de mesures nouvelles d'un montant supérieur à 22 millions de francs. Cela devrait notamment lui permettre de développer deux nouveaux pôles de compétences, l'un consacré aux carrières, l'autre à l'écotoxicologie, sujets importants, même si votre rapporteur propose de réduire le nombre d'emplois dans cet institut.
Parallèment, il s'agit aussi d'organiser, sur le terrain, une meilleure prévention, au service de la protection des biens et des personnes.
Ainsi, le plan « Loire », qui abordera, en 1999, sa deuxième phase, et le programme décennal de prévention des risques naturels bénéficieront d'une dotation globale de 346 millions de francs. De plus, j'ai décidé qu'il convenait que l'Etat cesse de se désintéresser de son domaine public fluvial, outre celui de la Loire. Une mesure nouvelle, à hauteur de 9 millions de francs, est ainsi inscrite en dépenses ordinaires.
Parallèlement, le système d'annonces de crues sera renforcé, à travers une augmentation de plus de 15 % de la dotation qui lui est allouée.
Comme vous le savez, les lois du 22 juillet 1987 et du 2 février 1995 ont institué, d'une part, un droit du citoyen à l'information sur les risques naturels et technologiques majeurs, et, d'autre part, le renforcement de la protection de l'environnement à travers des plans de prévention des risques, les PPR.
Dans son rapport remis au début de l'année 1998, l'instance d'évaluation et de prévention des risques naturels a préconisé d'aller au-delà de l'objectif initial de 2 000 plans de prévention des risques en l'an 2000, et d'en réaliser 10 000 au cours des dix prochaines années.
Avec seulement 1 800 documents valant PPR approuvés à la fin de 1998, nous sommes loin du compte. Aussi, la dotation consacrée à la réalisation de ces plans comme à l'information préventive passera de 42 millions de francs en 1998 à 67 millions de francs en 1999.
J'entends aussi consolider notre effort tant dans la lutte contre la pollution atmosphérique que dans la lutte contre l'augmentation de l'effet de serre.
Plus de 235 millions de francs seront ainsi affectés, dans mon budget, à la mise en oeuvre de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.
M. Richert, s'intéressant au dispositif concernant les particules fines, s'est demandé pourquoi le décret du 6 mai 1998 ne reprenait pas cet élément effectivement très important. Le Gouvernement attache une importance particulière, monsieur Richert, à la pollution des particules, comme en témoigne le relèvement de la fiscalité sur le gazole - dont je veux bien admettre qu'il aurait pu être plus marqué, comme l'un des honorables parlementaires l'a souligné et demandé - ainsi qu'au développement en France d'une véritable mesure des particules fines grâce aux crédits de mon ministère ; plus de cent capteurs ont été achetés. Je rappellerai aussi l'accord du Conseil européen de juin 1998 pour fixer des valeurs limites basses et ambitieuses spécifiquement pour les particules. Des efforts importants nous attendent pour respecter ces valeurs limites, si elles sont confirmées.
Je pense encore à la pression que nous maintenons sur les installations fixes avec l'arrêté « petites installations de combustion » de l'an passé.
Si le décret du 6 mai 1998 n'a pas repris de valeurs pour les particules fines, c'est tout simplement parce que la réglementation européenne est en train d'être révisée, de manière rapide. Dès que les directives européennes seront finalisées, le Gouvernement en tirera les conséquences pour fixer de nouveaux seuils réglementaires. La priorité reste pour nous le développement de la surveillance et de l'information. C'est le préalable à la mise en place de procédures d'alerte.
Outre ces trois priorités, deux éléments modifient fortement le périmètre et les moyens alloués au ministère de l'environnement.
En premier lieu, comme vous le savez, le Premier ministre a décidé, en février 1998, qu'il convenait de relancer la politique française de maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables. Nous avons, dans ce domaine, accumulé un retard important. Or, vous le savez, la seule énergie qui ne pollue pas est celle qui n'est pas consommée.
J'ai été étonnée, que dis-je ? scandalisée, de voir que, dans le rapport qui vous était présenté, la relance de la politique de maîtrise de l'énergie et des énergies renouvelables était qualifiée de « prématurée ». Quant aux économies d'énergies, « elles ne correspondent pas à une nécessité urgence dans le contexte économique actuel ». Les bras m'en tombent !
Peut-on sérieusement considérer que le poids des factures d'électricité, de gaz, de fioul ou de l'achat de carburant n'ont pas de répercussion sur le budget des familles modestes ? La campagne contre le chauffage électrique n'a-t-elle vraiment aucun intérêt social ?
Je voudrais vous convaincre que la diminution des émissions de gaz par les voitures, les autobus, les poids lourds, ou encore l'isolation des logements sont des mesures qui, au même titre que la réduction de la consommation dans le domaine énergétique proprement dit, allient justice sociale, création d'emplois - M. Raoult l'a bien souligné - et développement d'activités économiques. J'invite ceux qui doutent encore à visiter l'année prochaine le salon Pollutec. De très nombreuses PMI et PME témoignent de la vitalité de ce secteur, qui, je le précise, fonctionne sans aides publiques.
En accompagnement de cette relance, il a été décidé une dotation nouvelle, annuelle et donc pérenne, à hauteur de 500 millions de francs. Cette dotation sera versée à l'ADEME, qui a en charge cette mission nouvelle. Les deux tiers de cette dotation, soit 333 millions de francs, seront versés par le ministère chargé de l'environnement et le solde sera versé par le secrétariat d'Etat à l'industrie, si l'Assemblée nationale confirme le vote qu'elle a émis en première lecture.
Je constate en effet qu'un des amendements présentés par M. le rapporteur spécial conduirait à ne pas mettre en oeuvre cette nouvelle politique. Je souhaite que votre assemblée ne retienne pas cette proposition et qu'elle considère, avec le Gouvernement, qu'il est fondamental que notre pays se donne les moyens de diversifier, progressivement et au rythme où il le souhaite, ses choix énergétiques.
Ce serait d'ailleurs l'occasion d'allier l'efficace en termes d'emploi à l'agréable sur le plan environnemental en ce qui concerne les lignes à très haute tension. L'effacement de ces dernières est non seulement difficile d'un point de vue technique mais aussi presque infinançable, comme M. Dupont, rapporteur pour avis, l'a souligné avec beaucoup de lucidité.
Je tiens à rappeler que toutes les sources d'énergie décentralisées, toutes les économies d'énergie peuvent être utilisées utilement pour limiter l'impact paysager et le coût de lignes électriques qui zèbrent le paysage avec des conséquences que nous déplorons tous évidemment.
Enfin, comme vous l'avez constaté en supprimant, dans la partie recettes, les dispositions de l'article 30 du projet de loi de finances, le Gouvernement vous a proposé l'institution d'une taxe générale sur les activités polluantes. Cette taxe est l'un des éléments majeurs du volet relatif à la fiscalité écologique que le Premier ministre, Lionel Jospin, a appelé de ses voeux, sur ma demande, dès l'automne 1997.
Je voudrais essayer de vous convaincre de l'importance de cette mesure et de ses vertus environnementales.
Tout d'abord, la TGAP n'est pas un impôt supplémentaire. Elle est un instrument innovant pour une fiscalité environnementale plus simple, plus moderne, plus efficace.
Jusqu'à présent, la fiscalité écologique, héritière des années pionnières du ministère de l'environnement, était fondée sur des principes défensifs, par le biais de taxes affectées. Il s'agissait, à travers ces taxes affectées, non pas de dissuader les activités polluantes et d'inciter à des comportements plus vertueux, mais simplement de dégager les ressources permettant de réparer les dommages occasionnés à l'environnement par les activités polluantes.
C'était une première application du principe « pollueur-payeur », mais une application imparfaite, assimilée davantage par certains à un principe « pollueur-sociétaire » ou « pollueur-mutualiste ». Or le fait d'avoir payé pour financer la réparation d'une pollution ne doit pas conduire à pérenniser les conduites polluantes.
Il n'y a rien à voir avec le principe pollueur-payeur que nous souhaitons appliquer grâce à la TGAP. Il s'agit de renforcer le lien entre, d'une part, le niveau et l'intensité de la pollution et, d'autre part, le niveau de la contribution. Contrairement à ce qu'a cru pouvoir affirmer la commission des finances du Sénat, je tiens beaucoup à ce lien, car il s'agit d'adresser un message de prévention, et donc une incitation à un comportement plus vertueux. Dès lors, la déconnexion entre le rôle tenu par l'instrument fiscal et le montant nécessaire à la réparation est inévitable.
C'est cette déconnexion qui permettra, à prélèvements globaux constants, de dégager de nouvelles ressources fiscales et donc de réduire notamment des prélèvements pesant sur l'emploi. C'est ce que l'on appelle le « second dividende ». M. Oudin l'a qualifié de curiosité. Je veux bien. Mais il s'agit d'une curiosité qui fonctionne dans certains pays de l'Europe du Nord.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. De moins en moins !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En 1999, la TGAP concernera les taxes jusqu'alors prélevées directement par l'ADEME. Cela permettra un renforcement de cette dernière, sans lui faire perdre une quelconque once d'autonomie. Globalement, l'ADEME bénéficiera, en 1999, de ressources d'un montant supérieur d'environ 40 % au rendement estimé des taxes parafiscales en 1998.
En effet, il est clair, pour moi, que l'ensemble des organismes dont l'origine du financement serait modifiée à l'occasion de la TGAP doivent bénéficier d'une garantie de ressources dans la durée leur permettant de mettre en oeuvre et de développer les missions qui leur sont confiées.
Cette garantie de ressources devrait, pour l'ADEME, être assurée par la signature d'un contrat de plan entre l'agence et l'Etat. Mais au-delà, qui d'autre que le Parlement peut accorder cette garantie, à l'occasion de l'examen des lois de finances annuelles ou de lois de programmation pluriannuelles ?
Je suis, à cet égard, quelque peu étonnée de constater que la réforme de la fiscalité écologique est quelquefois critiquée parce qu'elle serait « recentralisatrice », alors qu'il me semble au contraire qu'elle redonne au Parlement le rôle qui est le sien en cette matière. Je suis d'ailleurs d'autant plus étonnée lorsque ces critiques émanent des parlementaires eux-mêmes !
J'ai entendu tout à l'heure M. Gérard Le Cam en appeler à une nationalisation des services de l'eau. Je voudrais le convaincre que la mise en place d'un outil facilitant une approche non seulement plus globale mais aussi plus redistributive et plus solidaire pourrait sans doute l'aider à avoir une vision plus juste des moyens mobilisables pour cette politique et pour une redéfinition des responsabilités de ce service, responsabilités qui ont été rappelées dans une communication que j'ai faite le 20 mai dernier en conseil des ministres.
Je suis particulièrement chagrinée que votre rapporteur, en proposant la suppression de la contrepartie budgétaire de la TGAP, propose par là même que le Parlement renonce, à l'avenir, à l'exercice des pouvoirs qui lui sont pourtant confiés par la Constitution.
S'agissant de l'application de la TGAP à l'eau, j'avais annoncé, dès cet été, qu'elle ne ferait l'objet d'aucune inscription au projet de loi de finances pour 1999. J'avais également indiqué que les décisions du Gouvernement ne seraient prises qu'après concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.
Cette concertation a commencé, et elle continue. C'est pourquoi je considère qu'il y a sans doute eu, ici ou là, quelques campagnes de désinformation à cet égard.
D'ailleurs, après avoir écouté le scénario catastrophe de M. Vasselle, je ressens le besoin de rappeler un certain nombre de choses que j'ai souvent dites.
Tout d'abord, il est hors de question de remettre en cause le système des agences de bassin et l'autonomie financière de celles-ci. Je constate d'ailleurs que, si M. le rapporteur spécial a cité quelques phrases élogieuses émises par le commissariat général du Plan à propos des agences de bassin, il a passé sous silence les préconisations de ce même commissariat général du Plan visant à rendre le système plus juste, plus efficace et plus démocratique.
Dans son intervention, il s'est d'ailleurs dit prêt à reconsidérer les modalités d'action et le dispositif de financement des agences de bassin, à condition que ces dernières soient confirmées dans leur rôle et qu'elles puissent disposer des ressources nécessaires à la poursuite de leurs actions. Je m'engage sur ce point.
En effet, nous avons retenu le principe de l'examen par le Parlement d'un projet de loi de programmation pluriannuelle permettant de définir très précisément les programmes agence par agence et les moyens qui doivent y être affectés, ainsi que le mode d'évolution des redevances.
MM. Bizet et de Montesquiou ont craint que les agriculteurs ne soient amenés, dans l'avenir, à voir leur contribution accrue. C'est probable, et je dirai même que c'est souhaitable.
Une bonne partie des irriguants, par exemple, n'ont toujours pas de compteur permettant de vérifier l'ampleur des prélèvements dans les nappes phréatiques.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est faux !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Non, ce n'est pas faux ! Ou alors il faut admettre que vous n'allez jamais sur le terrain, monsieur le sénateur !
M. Aymeri de Montesquiou. Je suis agriculteur !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je veux alors bien admettre que vous ayez, vous, un compteur ; mais - bien des gestionnaires de syndicats des eaux le savent - notre appréciation de l'ampleur des prélèvements dans certaines régions d'irrigation est extrêmement vague pour la simple raison qu'il n'y a pas de compteurs !
M. René-Pierre Signé. Evidemment !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne souhaite pas désigner les agriculteurs comme des pollueurs et je salue les efforts qui ont été faits par la profession. Je constate seulement que l'on est encore loin du compte et que, loin d'adopter des mesures de prévention à la hauteur des besoins, nous sommes en général en retard, et notre course derrière les pollutions n'a que très peu de succès.
Je considère en tout cas pour ma part qu'il est indispensable d'encourager de bonnes pratiques agricoles, ou dans le cadre des CTE ou dans certains secteurs de l'agriculture, qu'il s'agisse de « niches » ou de secteurs appelés à prendre du poids.
Il est certain que l'agriculture biologique, qui est chère, c'est vrai, ne bénéficie pas, en général, de prime à l'hectare pouvant atteindre ou dépasser 3 000 francs et qu'elle assume des coûts supplémentaires, liés, d'une part, à de bonnes pratiques agricoles et, d'autre part, au nombre de bras, souvent plus important qu'ailleurs, auquel ces exploitations doivent faire appel.
Le débat sur l'agriculture de demain n'est pas clos, et je me réjouis de voir que bien des agriculteurs - une majorité d'entre eux sans doute - ont pris conscience de la nécessité d'agir davantage en amont et de modifier leur pratique. Mon ministère sera heureux d'y contribuer pour ce qui le concerne.
Mais j'en reviens à la TGAP.
La concertation a commencé, disais-je. Elle n'est pas achevée. Lors de la réunion de concertation qui s'est tenue le 20 novembre à mon ministère, une proposition d'application de la TGAP au secteur de l'eau a été soumise aux représentants de chacun des bassins. Il me semble, compte tenu des réactions des uns et des autres, que nous tenons là une piste susceptible de recueillir l'assentiment, si ce n'est l'adhésion, des uns et des autres. Cette piste doit encore être affinée. J'aurai néanmoins l'occasion de la présenter devant les responsables des comités de bassin à Orléans, dans quelques jours.
J'en viens à la taxe de mise en décharge et à la baisse de la TVA sur la collecte sélective et le tri, ainsi que sur la valorisation matière. MM. Vasselle et Eckenspieller m'ont interpellée sur cette politique.
Vous l'aurez compris, il s'agit de donner des signes encourageant l'adoption de bonnes pratiques et décourageant des comportements que nous considérons comme moins intéressants du point de vue de l'environnement.
Monsieur Eckenspieller, je ne soupçonne pas les élus locaux de freiner les évolutions ; je constate une réalité contrastée, et j'essaie de me donner les moyens d'accélérer la prise de conscience et les décisions concrètes sur le terrain.
Tout n'est pas parfait. J'ai bien noté la remarque de M. Vasselle concernant la collecte de journaux et de magazines. Nous n'avons pas été capables de monter un dispositif crédible et applicable. Je souhaite pouvoir y revenir prochainement, car - je le dis tout net - je partage la critique de M. Vasselle à l'égard du dispositif que nous avons conçu.
S'agissant de la chasse, loin de faire l'impasse sur le lien entre les fédérations et les gardes, j'ai engagé, lorsque le Conseil d'Etat a annulé le statut des gardes, le chantier de la rénovation de ce statut. J'ai été confrontée à une difficulté imprévue : la décision prise par les présidents des fédérations de chasse d'interrompre du jour au lendemain le service de la paye et la prise en charge des factures liées au fonctionnement de la garderie.
Ces payes ont été prises en charge très rapidement par l'Office national de la chasse, mais dans des conditions que je qualifierai d'acrobatiques. Aujourd'hui, c'est dans un contexte complètement renouvelé que nous travaillons à l'évolution du statut des gardes.
« Qu'a entrepris le Gouvernement pour éviter la condamnation de la Cour de justice ? », m'a demandé M. Le Cam ? Les choses sont très claires : depuis des mois, j'ai essayé de vous convaincre du fait qu'il n'y avait aucune chance de modifier la directive dans la mesure où la quasi-totalité des pays européens l'avait mise en oeuvre sans difficulté particulière et, en général, dans un bon climat entre chasseurs et protecteurs.
Un quotidien du matin a publié, hier, un article de Mme Ritt Bjerregaard, commissaire européen à l'environnement : « La Commission considère... que les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse, fixées par la législation française, ne sont pas compatibles avec le droit communautaire pour plusieurs espèces. » Je poursuis : « La décision de la Commission est d'autant plus inévitable que le Parlement français a adopté, cette année, une nouvelle loi rendant encore plus flagrante l'infraction à la directive communautaire. » Je passe les explications : « Comme la mise en oeuvre de la directive concerne l'Union européenne, j'ai demandé à tous les Etats membres et à mes services d'explorer les clarifications éventuelles de la directive qui permettraient à la France de mieux cerner les aménagements à apporter à la loi française pour se conformer à la directive. »
Vous l'aurez noté, il est proposé non pas de modifier la directive, mais de voir comment la France pourrait adapter sa loi. Je poursuis la citation : « Les diverses démarches que j'ai entreprises n'ont eu, à ce jour, aucun résultat tangible en France. L'infraction subsistant, je n'ai pas eu d'autre choix que de recommander à la Commission de saisir la Cour de justice européenne. »
Je n'ai aucune satisfaction particulière, monsieur Le Cam, à constater que mes prévisions se réalisent, et ce peut-être plus rapidement encore que je le pensais. Je reste à la disposition des parlementaires qui ont choisi d'adopter une proposition de loi contrevenant manifestement à l'esprit et à la lettre de la direction européenne pour les aider à remettre l'ouvrage sur le métier.
Pour ce qui est de l'intervention de Mme Heinis, j'avoue n'avoir pas bien saisi si elle relevait de la philosophie, de la morale, de la théologie, de la mathématique, de la littérature, de la zoologie, de l'alchimie, de la métaphysique...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Tout à la fois !
Mme Anne Heinis. Cela fait beaucoup !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Quoi qu'il en soit, madame Heinis, mes lunettes militantes me suffisent pour oser un diagnostic : il ne s'agissait en tout cas pas du budget, et je me sens donc très à l'aise pour conclure ici mon intervention.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes orientations de ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 162 578 344 francs. »

Par amendement n° II-4, par M. Adnot, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 58 891 628 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Madame le ministre, vous voudrez bien considérer que je ne suis qu'un rapporteur suppléant.
Cela étant dit, vous aurez noté deux choses.
La première, c'est que nous sommes tous partisans d'une politique de l'environnement. Je ne pense pas qu'un membre quelconque de cette assemblée puisse être contre les progrès que l'on peut faire dans ce domaine.
La seconde, c'est que vous avez beaucoup parlé de concertation. Or, notre politique de l'environnement, dont vous êtes l'héritière, et qui est dotée d'un certain nombre de moyens, a été construite, au Parlement, au travers d'un certain nombre de lois. Ainsi, sur les cinq taxes de l'ADEME, trois ont une origine législative. Voter une loi au Parlement induit une concertation profonde : on passe devant une commission, devant une assemblée, devant la seconde, il y a une navette.
De la même façon les agences de l'eau ont été créées et développées par deux lois, celle de 1964 et celle de 1992.
Et voilà que l'ensemble de ces moyens et de ces financements disparaissent au détour du vote d'un article. Vous nous dites que la concertation a commencé. Elle n'a, en tout cas, pas commencé devant le Parlement !
Si vous aviez vraiment voulu mener une concertation approfondie, vous auriez pu élaborer une loi globale sur l'environnement et son financement, en reprenant l'ensemble du dispositif.
Nous sommes très attachés à ce qui est la vocation initiale et ancestrale du Parlement, à savoir voter les impôts et les taxes.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je suis pour la concertation, mais je croyais que l'on en était parvenu au vote des crédits, monsieur le ministre !
M. le président. Vous aurez la parole, madame le ministre.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. La modification brutale du dispositif financier mis en place au cours de toutes ces années pour financer les actions en faveur de l'environnement aurait mérité le dépôt d'un projet de loi, qui aurait donné lieu à concertation et à discussion, et non pas d'un simple article, qui - vous l'avez parfaitement bien expliqué - casse une mécanique et une logique.
Il y avait une logique d'affectation : on prélève une taxe sur une pollution, on en affecte le produit à un organisme qui a une politique déterminée, contrôlée par le Parlement, et ledit organisme finance certaines actions.
C'est parce que le processus de concertation parlementaire n'a pas été suivi - ce dont vous avez parlé, c'est de concertations extra-parlementaires - que, ce soir, nous avons ce débat.
Dans ces conditions, je me permettrai maintenant, au nom de mon collègue Philippe Adnot, de présenter les amendements qu'il a soumis à la commission des finances et qu'elle a retenus.
Le premier ne tend pas à contester la réalité des besoins qui sont les vôtres en matière d'emploi. Nous n'ignorons pas - vous l'avez dit en répondant à une question qui vous a été posée dans cette enceinte - les difficultés des tâches de vos services, tâches qui vont croissant.
Mais si la tâche de vos services est difficile, la situation des finances publiques l'est aussi.
L'Etat, dont les dépenses réelles augmentent, ne participe pas comme il conviendrait à la réduction des déficits publics. L'effort de maîtrise des finances publiques doit donc être accentué, et il n'y a pas de raison que le ministère de l'environnement y échappe.
C'est la raison pour laquelle la commission aurait souhaité que le renforcement des effectifs, qui est nécessaire - nous le reconnaissons - s'effectue davantage par des transferts et des redéploiements venant d'ailleurs - pourquoi pas ? -, que par des créations nettes d'emploi qui alourdissent les charges publiques.
Comme tel n'a pas été le cas, la commission propose la suppression des créations de poste en question et des mesures d'accompagnement.
M. le président. Madame le ministre, en nous donnant maintenant l'avis du Gouvernement, vous avez l'occasion de répondre à M. Oudin.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, je vous remercie, mais je n'ai pas l'intention de le faire !
Je ne comprends tout simplement pas cet amendement. Comment peut-on réaffirmer la nécessité des créations d'emploi, comment peut-on souligner que cela peut se faire par redéploiement et non par gonflement des effectifs de l'Etat ! - puisque c'est le cas - et, ensuite, proposer de supprimer les 58 millions de francs correspondants ?
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 241 654 633 francs. »

Par amendement n° II-5, M. Adnot, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 158 250 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Cet amendement tend à tirer les conséquences de la suppression de la TGAP, décidée par le Sénat lors du vote de la première partie, y compris les conséquences qui concernent la création de cent emplois à l'ADEME.
Il tend aussi à supprimer, par ailleurs, la création de deux emplois de chercheurs à l'INERIS, au titre de la participation du ministère à l'effort de maîtrise des finances publiques, ainsi que des mesures nouvelles relatives aux subventions aux associations.
Les associations, on pourrait d'ailleurs en parler, et je vais le faire ! M. Alaize, rapporteur à l'Assemblée nationale, a été - c'est lui qui le dit - particulièrement critique en la matière.
Je signale qu'il s'agit de mesures nouvelles ; les subventions sont donc reconduites au niveau des services votés pour 1998. Il n'y a pas de diminution.
Il ne s'agit nullement de s'opposer, par principe, à l'action souvent irremplaçable de la majorité des associations mais d'exiger d'y voir plus clair concernant les critères d'attribution des subventions, le montant précis des crédits alloués et la participation des bénéficiaires à l'exécution de mission de service public.
Dans ce dernier domaine, il importe absolument de savoir exactement qui fait quoi, pourquoi et comment.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'ai longuement argumenté, tout à l'heure, en faveur de la création de la TGAP ; je ne me répèterai donc pas.
J'ai argumenté également en faveur d'une véritable culture de prévention des risques, ce qui justifie le renforcement du budget de l'INERIS et le renforcement des moyens humains dont doit bénéficier cet institut pour faire face à ses responsabilités nouvelles et pour développer deux pôles de compétences nouveaux.
S'agissant des associations, j'avoue ne partager aucune des critiques et des suspicions dont le monde associatif est ici l'objet. Le statut des associations loi 1901 est très ancien. Les associations sont des éléments tout à fait indispensables de la vie démocratique. Je ne pense pas qu'il y ait, d'un côté, les bonnes associations, celles qui ne perturbent pas les élus locaux, et, de l'autre, les mauvaises, celles qui les interpellent. Chaque association a vocation à rester vigilante, à interpeller, à aider à l'enrichissement des projets, à insister pour mettre en valeur tel ou tel point qui aurait pu être passé sous silence.
Je suis rarement confrontée à des plaidoyers contre le monde associatif, qui me paraît absolument essentiel en des temps où l'isolement, le repli sur soi, sont, hélas ! trop souvent la règle.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je veux simplement rassurer Mme le ministre : nous sommes tous pour les associations ; nous sommes tous dans des associations, nous en animons, nous en dirigeons.
Mais que dit M. Stéphane Alaize, député, membre de votre majorité, dans un passage de l'agrégat Connaissance de l'environnement et coopération internationale ? « Les mesures destinées au soutien du monde associatif et à la politique d'éducation à l'environnement devraient s'élever à 34 millions de francs. Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter le manque de lisibilité du « bleu » sur ce point, le soutien aux associations n'étant pas individualisé dans la présentation budgétaire. En l'absence de réponse précise à ces questions » - les questions qu'il a posées lui-même - « quant aux dotations prévues et à leurs critères d'attribution, l'évolution des crédits est difficile à apprécier ».
Ce n'est pas le Sénat qui le dit, c'est le rapporteur pour avis de l'Assemblée nationale !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le rapporteur, vous me permettrez de voir une différence de nature assez sensible entre les critiques directes et véhémentes qui ont été portées ici à l'encontre du monde associatif...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Aucune !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... et une aspiration à plus de lisibilité et de clarté.
D'ailleurs, cette lisibilité et cette clarté, je vous les ai garanties et la liste des associations bénéficiaires de subventions du ministère, vous l'avez eue ! Les critères qui ont permis d'attribuer ces subventions, vous les avez eus aussi ; il s'agit, en général, de mener des actions d'éducation à l'environnement et d'encourager les associations à participer à des missions qui leur sont confiées par les ministères, voire à des commissions officielles !
Je vous prie de croire que les responsables associatifs bénévoles qui participent à la commission nationale des débats publics, au comité de prévention et de précaution, au comité national de protection de la nature, etc., méritent de voir leurs efforts reconnus.
J'ajoute le souci d'encourager la participation des ONG francophones aux grandes négociations internationales. En effet, la participation des Anglo-Saxons influence de façon importante le résultat de ces négociations, et il est dommage, à mon sens, que les associations françaises ne puissent pas y participer.
Quant à l'éducation à l'environnement, elle est embryonnaire en France. Je le déplore parce que je crois que c'est dès le plus jeune âge que s'acquièrent les bons gestes en matière d'environnement.
Si vraiment cela vous semble trop arbitraire, sachez que je ne participe jamais à une décision concernant une attribution de subvention, que cette attribution est examinée par un comité qui fait des propositions.
Nous sommes d'ailleurs régulièrement obligés de revoir les subventions à la baisse parce que nous n'avons pas assez d'argent pour faire face.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-5, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 344 410 000 francs ;

« Crédits de paiement : 114 251 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 2 199 140 000 francs ;

« Crédits de paiement : 1 838 598 000 francs. »
Par amendement n° II-7 rectifié, M. Adnot, au nom de la commission des finances, propose :
I. - De réduire les autorisations de programme de 1 623 000 000 francs.
II. - De réduire les crédits de paiement de 1 623 000 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Cet amendement tend à tirer les conséquences de la suppression de la TGAP en ce qui concerne les subventions d'investissement de l'ADEME inscrites au chapitre 67-30.
Les crédits devant permettre la relance des économies d'énergie et des énergies renouvelables se trouvent annulés du même coup.
La commission ne conteste pas l'intérêt des énergies renouvelables, bien entendu, même si leur contribution - nécessaire, certes - à la production d'énergie est vouée à demeurer marginale. Elle juge toutefois la relance prévue trop coûteuse, dans la situation actuelle des finances publiques, insuffisamment préparée et pas assez progressive.
Elle estime donc que les mesures correspondantes devraient être reportées, mieux étudiées et étalées dans le temps.
Quant à l'activation des économies d'énergie, quel serait son rapport coût-efficacité ?
Elle ne correspondait pas, en tout cas, à une nécessité urgente dans le contexte actuel et contient une ébauche de « deuxième dividende » sous la forme d'une mesure de 20 millions de francs au titre de « la maîtrise de l'énergie pour les ménages démunis ». On comprend, certes, les motifs humanitaires de cette mesure, mais est-ce au budget de l'environnement de la financer ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La France consacre extrêmement peu d'argent à sa politique de maîtrise de l'énergie et de développement des énergies renouvelables, dont j'ai montré tout à l'heure qu'elle avait un grand intérêt en termes de justice sociale, de création d'emplois et de qualité de l'environnement.
Dans les années soixante-dix, au moment de la crise pétrolière - vous vous en souvenez - on n'avait pas de pétrole, mais on avait des idées. Aujourd'hui, on n'a pas d'idées, mais on continue imperturbablement, année après année, de consacrer des dizaines de milliards de francs à la recherche nucléaire et de pinailler sur quelques dizaines de millions de francs pour la recherche sur les énergies renouvelables.
Pourtant, au cours de ces années, grâce à la mobilisation - essentiellement - du secteur privé, les énergies renouvelables ont acquis une part très importante dans la production d'énergie en France, puisqu'elles couvrent aujourd'hui près de 14 % de nos besoins en énergie.
Et puisque j'ai compris que l'on pouvait quelque peu sortir de la stricte défense des amendements, je vais, moi aussi, céder à ce péché mignon.
Je me suis interrogée sur la réponse à apporter à l'affirmation de M. le rapporteur spécial, à la page 60 de son rapport, selon laquelle les malheureux 500 millions de francs que nous consacrerons, en 1999, à la maîtrise de l'énergie et à la diversification énergétique correspondraient, à peu de chose près, aux cessions d'actifs auxquelles le CEA était contraint de procéder pour financer ses dépenses de fonctionnement.
Je voudrais rappeler que, année après année, le CEA bénéficie de 17 ou 18 milliards de francs et que je n'ai pas connaissance d'une rigueur aussi appuyée des sénateurs à l'égard de la contribution de cette très importante institution à notre stratégie nationale de diversification énergétique, d'une part, et de création d'emplois, d'autres part.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-7 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'environnement.

6

DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :
M. Paul Masson attire l'attention de M. le Premier ministre sur les décisions du conseil de sécurité intérieure du 27 avril 1998 relatives à une nouvelle répartition géographique des effectifs de la police et de la gendarmerie sur le territoire national. Ce projet de redéploiement aurait pour conséquence la dissolution de plusieurs dizaines de commissariats et de brigades de gendarmerie dont les listes semblent avoir été établies avant qu'une véritable consultation ne s'engage. Le 25 septembre dernier, devant l'opposition, toutes tendances confondues, des élus locaux, le Gouvernement a « demandé que la méthode soit améliorée, la concertation renforcée et l'expertise approfondie ». Le 17 novembre, devant le congrès de l'association des maires de France, M. le Premier ministre a lui-même confirmé qu'aucune décision n'avait été arrêtée et qu'une concertation « aussi approfondie que nécessaire » serait conduite.
M. Paul Masson demande à M. le Premier ministre de lui préciser quelles sont les conclusions de la mission de consultation dont M. Guy Fougier, conseiller d'Etat, a été chargé et quels aménagements, à la lumière de ces propositions, le Gouvernement entend apporter au projet de redéploiement de telle sorte que la concertation soit aussi approfondie que nécessaire avec les élus nationaux et locaux (n° 8).
Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

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TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant règlement définitif du budget de 1995.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 96, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Conseil relatif au régime d'importation pour certains produits textiles originaires de Taïwan.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1181 et distribuée.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Paul Girod un rapport, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (n° 81, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 95 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 4 décembre 1998, à onze heures trente, quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 65 et 66, 1998-1999) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Equipement, transports et logement :
V. - Tourisme :
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 28) ;
M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 68, tome XVI).
I. - Services communs.
II. - Urbanisme et logement :
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexes n°s 21 et 22) ;
M. Jacques Bellanger, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (urbanisme, avis n° 68, tome XV) ;
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (logement, avis n° 68, tome XIV) ;
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (logement social, avis n° 70, tome VIII).
III. - Transports :
1. Transports terrestres.
2. Routes.
3. Sécurité routière.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial (transports terrestres, rapport n° 66, annexe n° 23) ;
M. Georges Berchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (transports terrestres, avis n° 68, tome XVIII) ;
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial (routes et sécurité routière, rapport n° 66, annexe n° 24) ;
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (routes et voies navigables, avis n° 68, tome XIII).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 1999


Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1999 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 1999

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 1999, est fixé au vendredi 4 décembre 1998, à dix-sept heures.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (n° 81, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à dix-sept heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage (n° 75, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles (n° 512, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à dix-sept heures.
Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur l'aménagement du territoire :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 9 décembre 1998, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Claude Estier et des membres du groupe socialiste et apparentés portant modification de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans le corps des sapeurs-pompiers (n° 85, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 décembre 1998, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Christian Bonnet et des membres du groupe des Républicains et Indépendants tendant à sanctionner de peines aggravées les infractions commises sur les agents des compagnies de transport collectif de voyageurs en contact avec le public (n° 86, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 décembre 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 4 décembre 1998, à deux heures trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Pénurie des praticiens hospitaliers

392. - 3 décembre 1998. - M. Bernard Joly attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur le mouvement de grève national qui mobilisait, le 2 décembre dernier, les praticiens hospitaliers pour sensibiliser sur le devenir catastrophique de la démographie hospitalière dû, en grande partie, au manque d'attractivité de leur carrière, à l'absence de revalorisation du statut et à la détérioration des conditions de travail avec surcharge, contrainte et lourdeur des activités liées au manque d'effectif. Ces hommes et ces femmes responsables estiment ne plus être en mesure de répondre à la mission de service public qui est la leur. Ils ne veulent pas gérer la pénurie, renoncer à la qualité des interventions et assumer la déficience du système. La situation est encore plus dégradée en ce qui concerne les effectifs hospitaliers médico-psychiatriques en l'absence de renouvellement des internes. Le numerus clausus draconien appliqué à la filière unique au niveau des centres hospitaliers universitaires (CHU) renforce considérablement cet effet indésirable. Il lui demande quelles mesures d'urgence le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour restaurer l'attractivité des carrières médicales en milieu hospitalier et la prise en compte des priorités de santé mentale.

Désenclavement du Limousin

393. - 3 décembre 1998. - M. Georges Mouly appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la nécessité de répondre aux interrogations légitimes des Corréziens quant à la réalisation rapide des projets de désenclavement de la région Limousin. Alors que la liaison routière Montauban-Brive-Paris par l'A 20 avance dans de bonnes conditions, il lui demande quelle suite doit être attendue des essais du train pendulaire sur la liaison Paris-Limoges-Toulouse et si la continuité de la liaison autoroutière Bordeaux-Clermont-Ferrand entre les deux principales villes du département de la Corrèze n'est que provisoirement remise en cause par les problèmes techniques rencontrés, comme cela a été avancé lors de la dernière réunion du comité départemental de pilotage du 1 % Paysage.