Séance du 30 novembre 1998







Sur ces crédits, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette année, la commémoration du 11 novembre 1918 a revêtu un éclat particulier. Cela doit nous faire réfléchir sur des idées fausses : les jeunes générations oublieraient ; le langage de l'ancien combattant serait radoteur, vieillot et lassant.
Cette année, parce que, à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de cet armistice, un effort supplémentaire d'information et de sensibilisation a été fait, un intérêt nouveau s'est manifesté avec, entre autres, la participation de jeunes, alors que les mêmes classes d'âge avaient déserté ces manifestations au cours des deux dernières décennies. Je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, que notre politique de mémoire n'est pas vaine. Cela nous démontre que des valeurs morales, patriotiques, pacifistes et humanistes ne demandent qu'à s'épanouir, y compris au Parlement, pourrais-je ajouter après avoir écouté mes collègues !
Notre responsabilité ne consiste pas seulement à faire acte de présence aux assemblées des associations d'anciens combattants. Le budget est le centre d'intérêt majeur des anciens combattants ; ils y placent leur ambition de voir reconnaître leurs droits dans leur plénitude.
Cette année, l'attente est encore plus forte parce que la gauche, hier, monsieur le secrétaire d'Etat, a beaucoup promis et qu'aujourd'hui elle doit tenir ses promesses.
Le sujet est peut-être moins politicien que d'autres et je nous crois tous concernés. Je n'en prendrai qu'un seul exemple : la nécessité d'abroger l'article 114 bis du code des pensions - article qui défavorise les grands mutilés - a été reconnue et même justifiée par M. Jospin ainsi d'ailleurs que par M. Juppé et, avec eux, par toute la classe politique. Il faut aujourd'hui passer à l'acte !
Par ailleurs, la reconnaissance de la guerre d'Algérie comme une guerre, ni plus honteuse, ni plus misérable que les autres, précisément parce qu'elle fut une guerre comme les autres, doit être affirmée clairement par le Gouvernement, comme doit être commémoré le cessez-le-feu du 19 mars 1962 qui suivit d'un jour la signature des accords d'Evian.
Dans nos villes et villages, nous sommes présents aux côtés des anciens combattants devant les monuments aux morts ; au Parlement, nous devons être présents pour les soutenir par la décision et l'acte.
Monsieur le secrétaire d'Etat, que dire du titre IV et, plus généralement, de votre projet de budget ? Il s'agit d'un budget nouveau, mais modeste et, sur certains points, d'un budget sourd à certaines demandes.
Il est nouveau car la tentation d'orienter les anciens combattants et victimes de guerre vers le ministère des affaires sociales est aujourd'hui abandonnée, et c'est tant mieux. Mais encore faut-il qu'au sein du ministère de la défense les affaires des anciens combattants soient traitées dans une structure de ministère.
Mais ce budget demeure modeste : mon ami Guy Fischer l'a montré, les mesures inscrites dans votre projet de budget, si elles comportent des avancées non négligeables, sont encore bien trop modestes. En l'an 2000, il sera trop tard, monsieur le secrétaire d'Etat, pour satisfaire des revendications qui n'auront plus lieu d'être : les anciens combattants d'Afrique du Nord seront alors quasiment tous en retraite.
Le projet de budget reste également sourd à la question des pensions des grands invalides et la campagne double, mesure sur laquelle je vous ai interrogé à plusieurs reprises.
La campagne double doit être reconnue aux fonctionnaires agents de l'Etat et des services publics. Vous le savez, si un simple décret suffit pour l'accorder aux anciens combattants des guerres antérieures à la guerre d'Algérie, une loi est nécessaire pour l'étendre à ceux qui ont combattu en Afrique du Nord. L'UFAC, la FAFA et la FNACA n'admettent pas que se pérennise l'inégalité qui frappe la génération des anciens combattants d'Afrique du Nord.
Vos arguments, monsieur le secrétaire d'Etat, consistant à opposer les dispositions du fonds de solidarité et l'élargissement de l'attribution des cartes de combattant ne sont pas justifiés. Je trouve qu'elles masquent les insuffisances financières d'un budget qui ne progresse que de 2 % par rapport à celui de 1998.
Il faut se souvenir, monsieur le secrétaire d'Etat, que le droit à réparation a pour fondement le respect de l'égalité des droits.
Je demeure sceptique sur les actes qui ne correspondent pas à vos intentions à plus long terme. Justement, monsieur le secrétaire d'Etat, la qualité d'un budget des anciens combattants n'est-elle pas de réduire l'attente ? Le temps, s'il est l'allié du Gouvernement n'améliore pas la vie des anciens combattants. C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous ne pourrons pas voter ce budget : nous nous abstiendrons.
M. le président. Je vais mettre aux voix les crédits du titre IV.
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Je souhaite en préambule saluer, en dépit de toutes les remarques entendues jusqu'à présent, ce projet de budget pour 1999. En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, il est fidèle à vos engagements et marque votre volonté de défendre les intérêts des anciens combattants : les actions en matière d'amélioration de leurs conditions sociales sont poursuivies et le droit à réparation, spécificité française, est réaffirmé.
Certes, nous souhaitons tous évidemment un budget toujours meilleur : je rencontre souvent des anciens combattants d'Afrique du Nord et je pense à tous ceux qui ont servi là-bas et qui ne pourront pas justifier des quinze mois de présence pour prétendre au bénéfice de la carte d'ancien combattant.
Toutefois, je veux me satisfaire des avancées que vous consentez peu à peu en conservant le même objectif et, en leur nom, je vous en remercie.
Ce projet de budget permet d'honorer les engagements de la nation dans le cadre de l'imprescriptible droit à réparation : ainsi, les crédits de la dette viagère seront majorés permettant une revalorisation sensible des pensions et des retraites, ce qui constitue une progression significative, et la gratuité de tous les soins médicaux et de l'appareillage aux invalides reste garantie.
Par ailleurs, 54,8 millions de francs sont consacrés à des mesures nouvelles de solidarité. Ainsi approuvons-nous pleinement l'application du dispositif ARPE aux anciens combattants salariés en activité justifiant de quarante années de cotisation. La question vous a également été posée pour les titulaires du titre de reconnaissance de la nation.
Dans le même ordre d'idée, je souhaiterais vous informer de la situation des exploitants agricoles anciens combattants. En effet, même s'ils remplissent les conditions de cotisation requises, aucune disposition particulière n'existe à ce jour en leur faveur pour un départ à la retraite anticipé, les dispositifs de pré-retraite agricole existants ne prenant aucunement en compte leur qualité d'anciens combattants et ne leur ouvrant aucun droit spécifique. Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous preniez également en compte ce cas de figure.
Nous enregistrons avec satisfaction le relèvement du plafond de la rente mutualiste. Déjà porté, l'an dernier à 95 points, il atteindra 100 points en 1999. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'ignorez pas - cela a été précisé ce soir - les revendications du monde combattant en la matière : leur objectif est bien d'atteindre 130 points sur cinq ans.
Parmi les autres mesures dites de solidarité figure le renforcement des moyens de l'ONAC et, en particulier, le rétablissement des crédits d'action sociale, ce dont nous nous réjouissons, bien entendu.
Ce budget satisfait donc aux exigences de réparations, de solidarité, je viens de le dire ; il répond aussi au devoir de mémoire. Ce sont 60 millions de francs qui sont réservés aux actions de mémoire, marquant ainsi votre volonté de faire de ce devoir un principe civique fondamental, ce que mes collègues et moi-même approuvons pleinement. Votre léger trou de mémoire m'oblige tout de même, ici, à vous faire un petit clin d'oeil pour le projet de Montredon-Labessonnié.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. La mémoire m'est revenue !
M. Jean-Marc Pastor. Je voudrais également, monsieur le secrétaire d'Etat, faire allusion au projet de rattachement du secrétariat d'Etat aux anciens combattants au ministère de la défense, projet qui est globalement, je crois, bien accueilli par le monde combattant, puisqu'il inclut les garde-fous nécessaires à la préservation de leurs intérêts. Ainsi, des moyens d'administration spécifiques seront maintenus ; mais qu'adviendra-t-il du statut actuel des personnels ?
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous réjouissons de la poursuite des actions lancées en 1998 en direction des anciens d'Afrique du Nord et visant à élargir les conditions d'octroi de la carte du combattant. Lors du vote du projet de budget pour 1998, j'avais eu le privilège de porter et de défendre, avec mon collègue Gilbert Chabroux, un amendement visant à accorder la carte d'ancien combattant aux militaires justifiant de dix-huit mois de présence sur le sol d'Afrique du Nord, mesure que vous avez entérinée par voie de circulaire.
Par le présent projet de budget, il nous est proposé de ramener cette période à quinze mois, ce que, vous le comprenez bien, nous acceptons très volontiers.
Vous avez choisi la voie de la réparation et de la solidarité. Mais bien du chemin reste encore à parcourir - vous l'avez entendu - ce qui permet parfois la surenchère et même, dans certains cas, la démagogie.
Je conclus, monsieur le secrétaire d'Etat, en vous renouvelant mes remerciements, à vous qui êtes un homme de dialogue et de concertation, car les engagements que vous avez pris jusqu'ici ont - je peux en témoigner - toujours été honorés.
Pour toutes ces raisons, mon groupe votera d'une seule voix le projet de budget que vous nous soumettez. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 21 250 000 francs ;