Séance du 27 novembre 1998







M. le président. Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement scolaire.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, l'évolution de l'école est cruciale pour notre société. C'est certainement l'enjeu majeur ; les élèves n'ont pas manqué de nous le rappeler en manifestant dans la rue voilà peu.
Monsieur le ministre, vous vous félicitez d'avoir un bon budget, car il augmente sensiblement. En effet, il s'élève à 297,7 milliards de francs, soit une augmentation de 4,1 % par rapport à la loi de finances initiale de 1998. Mais il convient de rappeler que cette hausse n'est que le résultat de l'effet mécanique de la revalorisation des salaires, que 3 % du budget sont dus à une augmentation automatique, et que la croissance réelle du présent budget n'est donc que de 1,1 %.
Le problème de l'éducation nationale n'est pas un problème de budget. En effet, il ne sert pas à grand-chose d'augmenter les moyens tant qu'aucune réforme d'envergure ne sera mise en place. Rappelons-nous que depuis dix ans le budget est passé de 198 milliards à 350 milliards de francs, sans compter les 120 milliards de francs dépensés aujourd'hui par les collectivités locales !
Avons-nous pour autant réduit l'échec scolaire ? Nos enfants savent-ils mieux lire et écrire en sixième ? La violence à l'école a-t-elle disparu ? Les inégalités ont-elles été réduites ? L'insertion professionnelle est-elle meilleure ? Malheureusement, la réponse est plutôt négative.
Il s'agit plus d'une mauvaise utilisation des moyens que d'une insuffisance de moyens. Il convient d'insister, selon moi, sur cette mauvaise utilisation, qui est pour partie à l'origine des dysfonctionnements que connaît notre système éducatif et des difficultés constatées lors de la dernière rentrée scolaire qui ont été à l'origine du récent mouvement des lycéens.
Vous savez, comme nous tous, que c'est à l'école primaire que se joue la capacité du système à faire entrer nos enfants dans le processus d'apprentissage afin de les rendre aptes à un maximum d'autonomie et de polyvalence. Cela passe, à mon avis, par un effort en direction de la formation des enseignants, par l'amélioration de la qualité des programmes, mais aussi par l'amélioration de la qualité des équipements pédagogiques et de la qualité de l'environnement éducatif. Soyons imaginatifs et ne prévilégions pas la quantité au détriment de la qualité.
Comment ne pas être déçu alors que les jeunes réclament dans leur classe des enseignants compétents et que vous ne savez que leur proposer des emplois-jeunes ? (M. le ministre est dubitatif.) Ces emplois-jeunes relèvent-ils vraiment de l'éducation nationale alors qu'un nombre important d'enseignants se trouve toujours dans une situation de précarité et que 22 000 maîtres auxiliaires n'ont pas de perspectives de titularisation ?
Permettez-moi, à ce sujet, de contester la brutalité de votre méthode qui consiste souvent à refuser le dialogue avec les parlementaires que nous sommes. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
M. Jean-Louis Carrère. Elle n'a d'égal que la vôtre !
M. Alain Vasselle. La voie réglementaire est-elle la voie adéquate pour décider de financer une partie des emplois-jeunes par une diminution brutale de la rémunération des heures supplémentaires ?
Au-delà de ces maladresses de forme qui démontrent, selon moi, une absence de préparation et de réflexion, je souhaiterais m'attarder sur deux points qui me semblent essentiels et qui me préoccupent plus particulièrement ; ils avaient d'ailleurs déjà fait l'objet, de ma part, d'une intervention l'année dernière à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 1998.
Le premier, c'est la généralisation de l'enseignement des langues étrangères dans les écoles primaires. Des générations futures vont être appelées à exercer leur activité professionnelle bien au-delà des limites de l'Hexagone. A l'heure de l'euro, et dans un contexte d'ouverture vers l'extérieur, la maîtrise d'une langue étrangère apparaît de plus en plus indispensable pour préparer les jeunes à la vie du citoyen européen, en leur donnant les outils nécessaires à la communication.
Les expérimentations qui ont été engagées par plusieurs écoles démontrent que l'enseignement précoce d'une langue étrangère se révèle très positif pour l'évolution scolaire de l'enfant, et ce non seulement quant à son apprentissage de futur citoyen européen, mais également quant à son assimilation et à sa maîtrise de la langue française. Je vous engage à tirer profit des expériences lancées dans de nombreux départements, notamment celui que je représente, l'Oise. Après six années d'expérimentation, tous les acteurs locaux sont unanimes pour reconnaître les résultats positifs.
C'est pourquoi la généralisation de l'enseignement des langues vivantes à la rentrée 1998 dans toutes les classes de CM 2 est incontestablement une excellente chose. Le rapporteur, M. Bernadaux, a bien voulu le souligner dans son rapport. Encore faudrait-il que les moyens soient en accord avec cette politique.
M. Christian Demuynck. Exact !
M. Alain Vasselle. En effet, monsieur le ministre, l'expérience que j'ai dans mon département nous démontre que les moyens ne suivent pas.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Il ne suffit pas de faire de grandes déclarations verbales pour annoncer très généreusement que l'on va généraliser l'enseignement des langues étrangères sur l'ensemble du territoire,...
M. Jean-Louis Carrère. N'importe quoi !
M. Alain Vasselle. ... et, une fois sur le terrain, constater que les moyens ne sont pas en adéquation avec les déclarations qui sont faites.
M. Jean-Louis Carrère. C'est le qualitatif !
M. Christian Demuynck. Il n'y a pas de qualitatif !
M. Alain Vasselle. Certes, le qualitatif est important ; je l'ai d'ailleurs souligné tout à l'heure. Encore faudrait-il disposer d'un minimum de moyens pour assurer l'enseignement d'une langue étrangère dans toutes les classes de CM 2.
Ma crainte - et j'en avais alerté Mme Ségolène Royal l'année dernière - c'est qu'il ne faudrait pas reproduire la même expérience, que le plan « Informatique pour tous ».
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Alain Vasselle. On avait déclaré à un moment donné que l'ensemble des écoles primaires seraient dotées en matériel informatique. Puis, on a su que ce matériel s'était empoussiéré dans un certain nombre d'écoles. Les maîtres n'étaient pas du tout préparés pour assurer l'enseignement de l'informatique. Cela a été un échec cuisant !
M. Alain Demuynck. Complet !
M. Alain Vasselle. En ce qui concerne l'enseignement des langues étrangères, je redoute fortement que l'on n'ait pas su tirer profit des expériences qui ont été menées dans plusieurs régions françaises. En dehors de l'expérience intéressante de l'Alsace, l'expérience a également été menée dans un certain nombre d'écoles primaires dans différents départements, dont celui de l'Oise.
M. Jean-Louis Carrère. Et voilà !
M. Alain Vasselle. J'ai l'expérience, dans mon département, d'un canton rural qui comprend une vingtaine de communes. L'enseignement précoce des langues y est assuré depuis six ans. Les parents, les enseignants du primaires et ceux du collège sont satisfaits.
M. René-Pierre Signé. Tout va bien !
M. Alain Vasselle. L'année dernière et pour cette année 1998, M. Allègre ou Mme Ségolène Royal - je ne sais pas qui a eu la maîtrise des postes - a transformé deux postes d'enseignant : une enseignante assurait à temps complet l'enseignement de l'anglais pour ces vingt classes primaires aux niveaux CM 2 et CM 1 ; une autre enseignante assurait à mi-temps l'enseignement de l'allemand ; ces deux enseignantes ont été remises dans l'enseignement général !
M. Christian Demuynck. Et voilà !
M. Alain Vasselle. Il s'agissait d'instituteurs, qui assurent maintenant l'enseignement en CM 1 et CM 2, c'est-à-dire dans les autres matières.
M. René-Pierre Signé. C'est très bien !
M. Alain Vasselle. Nous n'avons plus de professeurs spécialisés dans l'enseignement des langues étrangères (M. le ministre fait des gestes de protestation.) Monsieur le ministre, vous faites des gestes, mais c'est la réalité ! Venez dans le département de l'Oise et vous le constaterez !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Depuis le début, vous dites une série d'absurdités !
M. Alain Vasselle. Venez sur le terrain et vous constaterez qu'il ne s'agit pas d'absurdités !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, je le répète : vous dites une série d'absurdités ! Je fais les gestes qui me plaisent ! C'est la première fois ici que j'entends dire que j'ai mis des emplois-jeunes pour remplacer des enseignants ! Je ne peux pas laisser dire des choses pareilles...
M. le président. Monsieur le ministre, vous pouvez, si vous le souhaitez, demander à interrompre l'orateur.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, pour l'instant, je ne vous parle pas des emplois-jeunes !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... et je fais les gestes qui me plaisent !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je ne vais pas me laisser perturber comme cela par M. Allègre, j'en ai vu d'autres !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Moi non plus je ne me laisserai pas troubler !
M. Christian Demuynck. Il ne connaît pas le terrain !
M. le président. M. Vasselle a seul la parole.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, pour le moment, je vous parle, si vous me laissez m'exprimer, de l'enseignement des langues étrangères dans le primaire. Deux enseignants du primaire se consacraient uniquement à l'enseignement de l'anglais et de l'allemand. Cette année, l'inspecteur d'académie m'a dit : c'est terminé, vous devez demander à des professeurs de collège de bien vouloir accepter des heures supplémentaires pour assurer la pérennité de cet enseignement dans le primaire.
La première réaction des enseignants du secondaire a été la suivante : nous acceptons, mais uniquement dans le chef-lieu de canton, car il est hors de question pour nous de prendre notre véhicule automobile pour aller dans les vingt communes. Il a fallu faire preuve de force de persuasion auprès de ces enseignants pour qu'ils consentent malgré tout à assurer un minimum d'heures. Nous l'avons obtenu, mais nous sommes très en deçà de ce qui a été fait les années précédentes. Cela signifie que l'on a fait marche arrière et qu'il y a un retrait par rapport à ce qui existait antérieurement.
Je voulais attirer votre attention sur le fait que les résultats étaient positifs et appréciés par tous. J'avais souscris à vos déclarations, monsieur le ministre. Mme Ségolène Royal les avait confirmées l'année précédente, et j'avais reconnu que j'étais d'accord avec elle...
M. René-Pierre Signé. Eh bien ! nous sommes d'accord !
M. Alain Vasselle. ... sur l'initiative du Gouvernement qui consistait à généraliser l'enseignement des langues. Encore faut-il qu'il n'y ait pas de recul là où il était assuré et que l'on continue !
M. Christian Demuynck. Et voilà !
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, si vous le souhaitez, je vous invite sur le terrain pour le constater.
Résultat : les élus ont décidé de se substituer à l'Etat - j'espère que ce ne sera pas pour une période trop longue ! - et d'assurer le même niveau d'enseignement que celui qui existait l'année dernière. L'inspecteur de l'enseignement primaire de mon secteur m'a dit qu'il ne pourrait pas faire assurer l'enseignement dans le canton voisin ni dans un canton où il était assuré auparavant parce que les moyens en personnels mis à sa disposition ne le lui permettent pas. C'est donc un véritable problème.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Alain Vasselle. C'est la raison pour laquelle je voulais profiter de l'examen de votre projet de budget pour attirer votre attention sur ce point.
Pour le reste, je ne m'attarderai pas sur les problèmes de sécurité qui se posent dans les lycées, d'autres collègues l'ont fait.
Pour en revenir à l'enseignement des langues étrangères, je serais curieux de savoir où vous allez affecter les 1 000 assistants étrangers qui vont intervenir. Dans certaines écoles, des enseignants du primaire qui n'ont pas toute la compétence requise devront mener des actions de sensibilisation aux langues étrangères. L'idéal serait donc d'attendre que l'on ait de véritables spécialistes - des intervenants étrangers, pourquoi pas ? ou d'autres intervenants - qui assurent l'enseignement dans l'ensemble des écoles primaires. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui !
J'en termine puisque j'ai épuisé le temps de parole qui m'était imparti.
M. Christian Demuynck. C'est dommage !
M. Alain Vasselle. Tel est le point essentiel sur lequel je voulais appeler votre attention, monsieur le ministre. J'espère au moins que, lorsque je regagnerai mon département, je pourrai confirmer que l'expérience continuera à la rentrée de 1999 et que l'enseignement sera assuré dans les conditions qui existaient avant votre arrivée au ministère. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé. Oh ! oh !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, je demande un droit de réponse pour le Gouvernement, c'est la loi !
M. le président. Monsieur le ministre, vous pouvez effectivement intervenir maintenant, si vous le souhaitez. Je précise simplement que le droit de réponse relève de la loi sur la presse, et non pas de la tradition du Parlement.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. C'est la première fois que, dans cette assemblée, j'entends dire de pareilles choses, notamment que j'aurais refusé, ne fût-ce qu'une fois, le débat avec les parlementaires. Dans cet hémicycle, des parlementaires, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition, savent que chaque fois que le Sénat a demandé que je vienne, je suis venu, y compris pour un débat général. Par conséquent, je ne peux admettre que l'on tienne des propos comme ceux que j'ai entendus !
Par ailleurs, il est totalement mensonger d'affirmer que j'ai remplacé des postes d'enseignants par des emplois-jeunes. Les emplois-jeunes n'ont rien à voir avec les enseignants !
Par conséquent, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis prêt à tous les débats, mais avec des gens de bonne foi et compétents ! (Vives protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Pierre Hérisson. Ne portez pas de jugement de valeur !
M. Jean-Claude Carle. Et la démocratie parlementaire !
M. René-Pierre Signé. Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l'avènement du gouvernement de la gauche plurielle, de nombreuses et fortes paroles ont été exprimées sur le devenir de l'école : paroles ministérielles - la fonction y incite - paroles parlementaires - plusieurs débats se sont tenus au Sénat, et mes amis Nicole Borvo, Ivan Renar et moi-même y avons pris toute notre part au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, notamment lors des séances des 22 octobre, 27 novembre 1997, 21 et 22 octobre dernier - paroles enseignantes, syndicales et lycéennes aussi, à travers de nombreuses interventions, et actions, à travers ce formidable mouvement d'une jeunesse citoyenne et lucide venant après le mouvement remarquable de la communauté scolaire de Seine-Saint-Denis, tous ces acteurs portant de grandes et urgentes questions qui interpellent la société tout entière.
Dans leur diversité, mais dans une communauté d'ambition et d'exigences de qualité et de novation, tous, de mon point de vue, pressentent et annoncent qu'une nouvelle ère doit s'ouvrir, d'une ampleur comparable à celle des étapes fondatrices de l'école républicaine déjà forte de ses deux cents ans de service public et de laïcité.
Au-delà de ce que j'appellerai les ombres et les lumières de votre projet de budget, monsieur le ministre, madame la ministre, je centrerai essentiellement mon intervention sur le devenir à plus long terme de notre système éducatif.
Ce projet de budget montre une progression des crédits de 4,1 %, soit trois points de mieux que l'inflation ; mais la répercussion mécanique des dispositions antérieures limite à 0,5 % les mesures réellement nouvelles. Le gel général des emplois dans la fonction publique empêche - je le déplore fortement - la création des emplois qualifiés nécessaires que la transformation des heures supplémentaires en postes nouveaux permettrait pourtant ; et quand il y a création dans un secteur, c'est par redéploiement intégral ou par précarisation dans un autre. Des mesures sociales pour les bourses, les cantines scolaires, le plan anti-violence que nous avions demandés sont crédités, ce dont nous nous réjouissons. Si l'intégration des professeurs d'école est accélérée, la promotion à la hors-classe et la nomination des certifiés dans le corps des agrégés pour le second degré n'est toujours pas respectée ; et si l'on ajoute la réduction brutale de 17 % de la rémunération des heures supplémentaires, les enseignants du second degré sont particulièrement pénalisés. Il faut réengager sans délai le dialogue et les négociations avec leurs représentants.
Ce faisant, il s'agit aujourd'hui non plus d'ajuster seulement ce qui existe par des évolutions budgétaires à la marge, certes indispensables, mais de transformer en profondeur, d'opérer le changement radical d'échelle qui s'impose sur deux plans indissociables marchant toujours d'un même pas : le quantitatif et le qualitatif. C'est le nouveau défi qu'appellent simultanément le respect de l'égalité républicaine, l'avenir économique et humain de notre pays, les mutations des connaissances et celles concomitantes de l'acte éducatif, ainsi que la construction du devenir de chaque être humain dans son individualité personnelle et sociale.
L'égalité républicaine, tout le monde sait qu'elle n'est, hélas ! pas réalisée ! Après une massification qui, grâce aux acquis et aux mérites de notre enseignement, a permis de conduire 60 % d'une classe d'âge au baccalauréat, la réussite plafonne et la démocratisation semble grippée : 20 % des enfants ont déjà un an ou plus de retard dans l'enseignement primaire, 8 à 10 % entrent au collège avec de très grandes difficultés, le passage de troisième au lycée, après avoir culminé à 71 % en 1991, se tasse désormais à 67 %, 53 % des bacheliers poursuivaient des études en 1997, alors qu'ils étaient 57 % à le faire en 1995, et 54 000 jeunes sortent du système éducatif sans aucun diplôme. Il y a là trop de gâchis, trop de talents stérilisés, trop de vies brisées dans leur accomplissement potentiel.
Mais au-delà de ces butoirs à la réussite de tous, il y a profondément la marque d'une réalité sociale qui, à l'image de la société, est très inégalitaire. L'échec scolaire frappe durement les enfants des familles défavorisées. Je ne rappellerai qu'un chiffre : un jeune d'une famille ouvrière a huit fois et demie moins de chances qu'un enfant d'un milieu aisé d'obtenir un bac général. Cette situation est terriblement accusatrice des injustices persistantes de notre société que, avec la majorité plurielle, nous voulons voir réduire puis disparaître, non pas en donnant moins de formation à certains mais en offrant le meilleur à chacune et à chacun.
L'égalité devant l'école ne peut plus et ne doit plus rester en panne.
L'explosion des savoirs - c'est un mouvement qui va en s'accélérant - la révolution des technologies et de l'information ont ouvert des perspectives radicalement nouvelles de développement des aptitudes humaines et des sociétés. Cela pose de plein fouet les conditions nouvelles de la transmission et de l'appropriation des connaissances par les élèves, à la fois sur ce qu'il convient d'enseigner et sur la manière de le faire.
C'est dire s'il nous faut aujourd'hui comme jamais penser loin pour infléchir durablement le cours nécessaire des choses.
Mais l'investissement pour l'école n'est-il pas celui dont le résultat est le plus vital à moyen et à long terme pour un grand pays comme la France ?
Avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et avec de nombreux acteurs de la communauté éducative, je souhaite que notre pays reste la référence qu'il est dans ce domaine, étant certaine que, pour un gouvernement progressiste qui veut s'inscrire sur le long cours, pour reprendre les termes récents de M. le Premier ministre, il y a là une mission historique à accomplir.
A l'instar de ce qui se fait par ailleurs pour la santé, nous suggérons que, à cette fin, le Gouvernement décide d'organiser des états généraux de l'école et de la formation en direction de l'ensemble des composantes de la société, de notre peuple, lesquels constituent un gisement d'experts dont l'apport est irremplaçable et qui, n'en doutons pas, se mobiliseront sur ce grand dessein dès lors qu'on en créera les conditions favorables par une concertation de haut niveau, la plus large et la plus ouverte possible ; disant cela, je pense évidemment, en premier lieu, aux parents d'élèves.
Nourris de leurs contributions croisées, ces états généraux auraient vocation à diagnostiquer, à réfléchir, à anticiper, à proposer, à bâtir notre système éducatif de la première partie du xxie siècle.
Remettant en perspective et en cohérence des consultations et des chantiers épars déjà engagés et permettant de dépasser des phénomènes de tension qui, s'ils persistaient, finiraient par entraver l'action et les évolutions pertinentes, ce grand débat national répondrait ainsi à une attente de l'ensemble de nos concitoyens. Ces derniers placent en effet au premier rang de leurs préoccupations - nous sommes nombreux à le ressentir sur le terrain, et les sondages le confirment - une vision et une politique globales et ambitieuses pour l'école, de la maternelle à l'université.
Quels objectifs nouveaux faudra-t-il promouvoir, quelles orientations, quelles transformations, quelles configurations devra-t-on mettre en oeuvre et, en regard de celles-ci, comment et à quel niveau la nation devra-t-elle s'y engager en termes de programmation, de moyens, d'effectifs, de structures, d'organisation de la vie scolaire, en termes de rapports nouveaux au savoir, d'exigence et de qualité du service public, pour me limiter à ces grands chapitres ?
Une telle démarche implique de reconnaître qu'on est loin d'en avoir fini avec les efforts à consentir pour l'investissement éducatif. Je conteste en effet vivement l'idée selon laquelle on aurait atteint une sorte de plafond et que le problème serait seulement de mieux répartir un argent qui serait suffisant a priori .
J'y suis d'ailleurs fortement encouragée, quand je constate à chaque séance consacrée à l'examen du projet de budget la façon dont la majorité sénatoriale érige ce principe en dogme au point de proposer des coupes aveugles dans tout ce qui constitue des dépenses publiques utiles. Le projet de budget de l'éducation nationale n'échappe d'ailleurs pas d'ailleurs à cette hargne ultralibérale puisqu'une suppression de 4,5 milliards de francs de crédits est demandée par la droite : mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, vous irez vous en expliquer devant les lycéens ! Et sans doute n'hésiterez-vous pas à continuer de soutenir leurs revendications.
M. Pierre Hérisson. C'est fait !
Mme Hélène Luc. Ce budget aurait besoin d'être conforté et amélioré, comme je l'indiquais au début de mon intervention !
Je rappellerai, pour donner une échelle de grandeur, que le volume de ce projet de budget est de 345 milliards de francs, alors qu'Alcatel a vu s'évaporer 100 milliards de francs en une seule journée de bourse ! Je rappellerai aussi que la proportion de richesses nationales consacrée à l'éducation est restée la même depuis cinquante ans, figée à 7 % du produit intérieur brut, dont 3,5 % pour la part du budget de l'Etat. La France se situe d'ailleurs, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, dans la moyenne des pays développés.
Ne devons-nous pas mettre en débat le niveau et le choix des dépenses, l'appel à des sources de financement nouvelles, telles celles auxquelles devraient être soumises les grandes entreprises, premières bénéficiaires de cet investissement en capital humain réalisé par toute la collectivité ?
Ne devons-nous pas, madame la ministre, monsieur le ministre, faire nôtres ces paroles claires et de pur bon sens des lycéens de Toulouse, paroles exprimées au cours de leurs puissantes manifestations d'octobre : « Le centre de la politique de l'éducation nationale doit être non plus son budget auquel elle adapte ses élèves, mais les besoins des élèves, auxquels elle adapte son budget. »
Cette proposition a d'ailleurs connu une première application avec l'inscription d'un nouveau crédit de 800 millions de francs au projet de budget pour 1999. Pour le moment, 430 millions de francs sont inscrits, mais M. le ministre nous dira comment est inscrit le reste.
Demeurent plusieurs interrogations qui recoupent celles que j'évoquais au début de mon intervention sur les nouveaux postes annoncés : ces derniers sont-ils des créations réelles ou l'effet de simples redéploiements ? Quel est leur impact réel - c'est la question primordiale pour les lycéens - en termes de réduction d'effectifs dans les classes ? Qu'en est-il du statut des futurs surveillants, de la formation et du devenir des aides éducateurs, du sous-développement dramatiquement persistant des services de médecine scolaire, des psychologues, des personnels sociaux et des personnels ATOSS ?
Voilà autant de points sur lesquels nous attendons des précisions de la part du Gouvernement.
Aussi la position des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen est-elle une position constructive d'interpellation pour un budget qui soit fortifié, qui soit boosté - excusez cet anglicisme mais nous trouverons certainement l'équivalent français, grâce à la richesse de notre langue ! - une position d'appel pour que le devenir de l'école des prochaines décennies soit mis en débat dans un grand forum nourri des apports de toute la nation. En tout cas, les membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre le contre-budget de la droite et les graves amputations de crédits inacceptables qu'il contient. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de voir que le budget de l'éducation nationale reste la priorité du Gouvernement et qu'il affiche une excellente santé puisqu'il progresse, dans son ensemble, de 4,2 %, atteignant ainsi, pour 1999, 348,78 milliards de francs.
Si l'on ne peut nier qu'il existe de réels problèmes dans ce secteur, force est de constater que vous vous donnez les moyens de commencer à les régler, et les chiffres sont déjà là pour le prouver.
Les crédits destinés à l'enseignement scolaire affichent, eux, la même forme : leur progression, à peine inférieure à celle du budget de l'éducation, s'établit à 4,1 %. Ainsi, l'enveloppe destinée aux premier et second degrés s'élève à quelque 297 milliards de francs. Mais, comme le disait mon instituteur, il vaut mieux vivre riche et en bonne santé que mourir pauvre et malade.
Tous ces débats sémantiques sur le qualitatif et quantitatif m'amusent, me distraient, mais, tout de même, s'il y a un peu de quantitatif, on peut faire du qualitatif !
Cette augmentation de moyens doit être d'autant plus soulignée que les effectifs, tant dans l'enseignement primaire que dans l'enseignement secondaire, continuent de diminuer : la baisse cumulée sur deux années scolaires consécutives, l'an dernier et l'année en cours, atteint 111 000 élèves dans l'enseignement primaire et 36 500 dans l'enseignement secondaire. Donc, à mon sens, un budget qui s'accroît et un nombre d'élèves qui décroît, cela doit permettre de faire du qualitatif.
Compte tenu de ces chiffres, je ne peux, monsieur le ministre, que me réjouir des très nombreuses créations d'emplois d'enseignants qui confirment la tendance observée l'an dernier - pas de création d'emplois mais aucune suppression de poste en 1998 - mais qui, surtout, rompent avec la politique d'hémorragie systématique opérée par votre prédécesseur : 4 843 suppressions d'emplois pour la seule loi de finances de 1997 !
Ainsi, dans l'enseignement secondaire, seront créés, en 1999, 3 050 emplois alors que les postes d'instituteur ou de professeur des écoles resteront stables.
Je note avec satisfaction également le nombre significatif de créations d'emplois non enseignants : 866 nouveaux postes. Je n'en ferai pas le détail, tout le monde le connaît.
Par ailleurs, je suis satisfaite de l'effort que vous faites dans le secteur de la santé. Vous utilisez toutes les possibilités d'emploi existantes, et je vous en donne acte.
L'éducation nationale constitue le secteur témoin de la réussite des emplois-jeunes : les quelque 60 000 emplois de ce type créés au titre de votre ministère prouvent l'intérêt du système, d'autant plus que les aides-éducateurs vont bénéficier d'une formation appropriée de 200 heures par an, grâce à une mesure nouvelle de 8 millions de francs.
Je les rencontre, je sais ce qu'ils font, je sais qu'ils ne se substituent pas aux enseignants et je sais que cela leur permet, chemin faisant, de se former au travail et aux emplois.
Dans le même esprit, le recours aux assistants pour enseigner les langues étrangères aux élèves de CM 2 - et, l'an prochain, de CM 1, si j'ai bien compris - est une excellente idée. Pouvez-vous m'indiquez la proportion d'étudiants étrangers et celle d'étudiants français qui seront en charge des enfants ? Je trouve que l'idée de cet apprentissage en ayant, a fortiori, recours aux jeunes d'autres pays est une excellente idée qui favorisera l'ouverture des enfants vers ces cultures qui les environnent.
J'en ai terminé avec les créations de postes, qui reflètent la volonté gouvernementale en matière de relance de l'emploi et s'inscrivent, ainsi, dans le cadre d'une politique sociale.
Une ombre, cependant, subsiste. Je pense aux ATOS, les personnels administratifs, techniciens ouvriers et de service.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Je considère que l'effort des régions n'est pas suffisamment relayé par l'Etat. On compte seulement 216 emplois administratifs, techniciens, ouvriers et de service.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je crois que l'on ne pourra pas plus longtemps se soustraire à cette obligation dans laquelle nous sommes d'accompagner le formidable effort des régions, et c'est le premier vice-président modeste d'une région qui y consacre une part très importante de son budget qui vous le dit : nous éprouvons quelques difficultés compte tenu de l'accroissement des surfaces et de l'évolution des modes de restauration. Il faut en prendre conscience.
Cette politique sociale, vous la mettez en oeuvre madame la ministre, monsieur le ministre, en poursuivant votre lutte contre les inégalités au sein du système scolaire : après la mise en place, l'an dernier, du fonds pour les cantines, qui complète utilement le fonds social collégien inspiré lui-même du fonds social lycéen, créé en 1991 par Lionel Jospin, cette année verra, grâce au vote de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, l'été dernier, le rétablissement des bourses des collèges, avec l'ouverture d'un nouveau taux à 1 800 francs pour les familles les plus démunies.
D'autres aides moins directes participent de votre souci de lutte contre les inégalités scolaires et sociales : ainsi, vous continuez de financer les manuels scolaires, grâce à une dotation de 347 millions de francs et en vertu du principe de gratuité des manuels, posé par la loi du 11 juillet 1975, afin qu'à la rentrée scolaire prochaine - en septembre 1999 - les manuels de classe de troisième puissent, à leur tour, être renouvelés.
De gros efforts sont par ailleurs entrepris pour réduire le poids physique des manuels, et les parents d'élèves y attachent un grande importance.
J'en reviens aux aspects purement sociaux, et je tiens à saluer la relance des zones d'éducation prioritaires, les ZEP, qui ont maintenant seize ans et qui, préalablement à votre réforme, ont fait l'objet d'évaluations sérieuses : assises, rapports nombreux. Le principe de discrimination positive, qui vise à donner plus à ceux qui ont moins, est toujours d'actualité.
La mise en place de réseaux d'éducation prioritaires permettra de mieux appréhender les situations au cas par cas, sans cloisonner les établissements.
Je crois que l'essentiel des traductions budgétaires nécessaires à la mise en oeuvre du plan devrait prendre effet à la rentrée 1999 : classement des collèges dans une catégorie supérieure pour les bonifications indiciaires à attribuer aux chefs d'établissement, revalorisation du taux de l'indemnité de sujétion spéciale, accroissement des personnels... Je souhaiterais que l'un de vous deux, madame la ministre, monsieur le ministre, puisse me préciser le financement de ces mesures qui permettront d'élargir la carte des ZEP.
Par ailleurs, je me suis laissé dire que les enseignants des réseaux d'éducation prioritaires, contrairement à leurs collègues de ZEP, ne bénéficieraient pas de l'indemnité de sujétion spéciale. N'y-a-t-il pas quelque injustice à mettre en place cette disparité de traitement entre des enseignants qui effectuent les mêmes tâches devant le même type d'élèves ?
Je salue aussi ce que vous faites en matière de transport scolaire en Ile-de-France.
Mais la liste serait trop longue et je laisse à mes collègues du groupe socialiste le soin de dire ce qu'ils pensent de votre budget. J'aurais ainsi voulu aborder d'autres thèmes, mais je ne le puis. MM. Sérusclat, Lagauche et Signé apporteront toutefois leur contribution à l'analyse de ce budget.
Toujours est-il que les sénateurs socialistes sont extrêmement surpris du degré d'irresponsabilité des membres de droite...
M. Christian Demuynck. Oh là là !
M. Jean-Louis Carrère. ... de la commission des finances, qui prétendent supprimer, et ce pour la deuxième année consécutive, plusieurs milliards de francs destinés à l'éducation des jeunes. Sans doute est-ce une position plus confortable, en termes politiciens, que la position de bon sens qui consisterait à avouer que le budget de l'enseignement scolaire est bon et qu'il procède à de très nombreuses avancées positives dans ce secteur.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous l'avez compris : nous voterons ce budget et, à l'orateur qui a précédé Mme Luc, je dirai simplement qu'il ne suffit pas d'être importun pour être important ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. René-Pierre Signé. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le ministre, madame la ministre, plus la contestation dure, plus votre budget augmente : 500 000 lycéens dans la rue,...
M. René-Pierre Signé. Ils ont déjà été dans la rue sous d'autres gouvernements !
M. Pierre Hérisson. ... des milliers de surveillants en grève et des professeurs démotivés correspondent à une augmentation budgétaire de 4 %.
Il est étonnant que votre budget progresse dans de telles proportions et que les résultats de cet effort financier ne soient pas perceptibles sur le terrain !
Alors que les effectifs scolarisés poursuivent leur décroissance, les moyens consacrés à l'enseignement scolaire continuent d'augmenter. C'est sans doute le principe des vases communicants !
Dans les établissements du premier et du second degré, dans les dix ans à venir, on prévoit une baisse de 600 000 élèves. A ce rythme, où en sera le budget de l'éducation nationale ? Quand allez-vous remettre en cause cette progression de crédits systématique et continue qui ne tient pas compte de cette décrue d'effectifs ?
En réalité, monsieur le ministre, votre budget souffre d'une rigidité due à des dépenses de personnels considérables, qui captent la quasi-totalité des augmentations. Résultat, l'enfant que vous mettez au coeur du sytème scolaire n'est pas prioritaire en termes budgétaires. Des 11,8 milliards de francs d'augmentation par rapport à 1998, à quelle part aura-t-il droit ?
Au lieu de faire du qualitatif, vous faites du chiffre. La modernisation du système éducatif que vous souhaitez mettre en oeuvre ne se traduit que par une politique d'emploi. Certes, contribuer à faire baisser les chiffres du chômage n'est pas un objectif condamnable en soi, mais est-ce vraiment la mission du ministère de l'éducation nationale ?
Quant aux 60 000 emplois-jeunes, malgré vos nombreuses explications, comment pourrez-vous éviter de les intégrer dans les effectifs du ministère, rendant le budget de celui-ci encore plus rigide ? Cela coûtera d'ailleurs 1 milliard de francs supplémentaire pour la seule année 1999. Et je laisse volontairement de côté le coût de l'accélération de l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles et l'accroissement du nombre des maîtres auxiliaires.
Je n'évoquerai pas non plus vos projets à l'égard des surveillants, massivement en grève actuellement, que vous sacrifiez pour légitimer les emplois-jeunes.
Un premier bilan de votre politique s'impose : c'est l'augmentation de l'emploi précaire dans l'éducation nationale, révélateur de l'insuffisance de la gestion des ressources humaines de votre ministère.
Je ne vois pas d'antagonisme entre la maîtrise des dépenses publiques et l'amélioration de notre système éducatif. Ce dernier objectif, qui est une priorité, passe-t-il nécessairement par une augmentation des effectifs ? Je réponds non, surtout face à la décroissance structurelle des enfants scolarisés.
Comme l'a rappelé le rapporteur spécial de la commission des finances, les dysfonctionnements constatés sont davantage le résultat d'une gestion inadéquate des moyens que d'une pénurie d'emplois.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Pierre Hérisson. Dois-je vous rappeler que les pays les mieux classés pour les performances scolaires de leurs élèves ne sont pas ceux qui dépensent le plus ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. C'est une erreur !
M. Pierre Hérisson. En France, pourtant, il existe des gisements d'économie dans le budget de l'enseignement scolaire. La révision du calcul des heures supplémentaires le prouve, à hauteur de plus de 600 millions de francs !
Vous préparez des réformes tous azimuts. Fin août, vous annonciez une réforme de l'école primaire dissimulée derrière la Charte pour bâtir l'école du XXIe siècle.
Nouveaux programmes, nouveaux rythmes scolaires, nouvelle manière d'enseigner, tels étaient les trois axes retenus. En somme, une vraie révolution que devait valider une expérimentation en 1999 par 2 000 écoles. Or, voilà moins d'un mois, vous avez fait machine arrière. Au risque de semer la confusion chez vos partenaires, vous revenez sur le principe des expérimentations...
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Pierre Hérisson. ... et vous affirmez que toutes les écoles qui le souhaitent doivent pouvoir entrer dans le dispositif de la charte.
Les syndicats s'inquiètent. Ils craignent que ce brutal revirement compromette les chances de réussite de la réforme. Expliquez-nous, monsieur le ministre, pourquoi vous avez opéré ce revirement.
La mise en place de cette réforme nécessitera-t-elle de recruter des personnels supplémentaires, notamment pour les activités sportives, de recourir devantage aux emplois-jeunes ? J'attends que vous nous apportiez des précisions sur ces points.
J'approuve votre volonté de généraliser progressivement l'enseignement des langues vivantes dès l'école primaire. Je précise simplement que votre précédesseur avait largement engagé le mouvement. Il vous avait tracé la voie (M. Carrère s'exclame). Reste à définir la façon dont vous organiserez la prise en charge de quelque 1 000 assistants étrangers supplémentaires dans les écoles.
Nous ne pouvons que saluer vos efforts pour l'équipement informatique des établissements scolaires. Vous avez évalué à 15 milliards de francs le coût de votre plan « Nouvelles technologies ». L'Etat devra, une fois encore, faire appel aux collectivités locales pour financer ces projets...
M. Christian Demuynck Eh oui !
M. Pierre Hérisson. Vous ne cessez pas de les solliciter. Elles devront également contribuer au financement de l'aménagement des rythmes scolaires. Vous savez ce que le Sénat pense de ces transferts de charges sans compensation.
En remettant à plat toute la réflexion sur les rythmes scolaires, je souhaite savoir ce que vous retiendrez des expérimentations engagées par le précédent gouvernement. Allez-vous faire table rase des expériences réussies ?
Un rapport réalisé par le Comité national d'évaluation et de suivi des rythmes de vie de l'enfant, présidé par notre collègue M. Jean-Paul Delevoye, indique que les expériences menées dans 230 sites pilotes et concernant 110 000 élèves ont fait la preuve de leur efficacité.
Selon ce rapport, les enfants concernés par ces nouveaux rythmes ont davantage que les autres « du plaisir à aller à l'école, le goût d'apprendre, le respect des règles... Ce sont les enfants d'origine modeste qui profitent le plus de cette démocratisation ».
Ce dispositif que vous avez contesté en arrivant au ministère, fait indéniablement ses preuves. Allez-vous tout remettre en cause pour des raisons idéologiques ? J'attends des précisions sur ce point.
M. René-Pierre Signé. Idéologiques ! On aura tout entendu.
M. Pierre Hérisson. En attendant vos propositions sur le collège - je remarque à cet égard que vous laissez de côté le maillon faible du système scolaire, alors qu'il nécessiterait une réforme urgente - j'en viens à votre plan pour le lycée, plan quelque peu bousculé ces dernières semaines par les lycéens descendus en masse dans la rue.
Je me demande à quoi a servi la grande consultation organisée au cours de l'année. Qu'avez-vous fait des résultats des 1 800 000 questionnaires remplis par les lycéens ? Visiblement, vous n'en avez pas tenu grand compte, puisque, pour faire entendre les revendications contenues dans le questionnaire, ils ont dû les crier sous vos fenêtres, monsieur le ministre !
M. Christian Demuynck. Eh oui !
Mme Hélène Luc. Et vous, vous supprimez des crédits ! C'est incroyable !
M. Pierre Hérisson. Sous le coup de la précipitation, vous avez dégagé des moyens humains supplémentaires et appelé les régions à la rescousse.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Pierre Hérisson. Cette crise des lycéens est révélatrice de la mauvaise administration de votre ministère.
M. René-Pierre Signé. Oh là là !
M. Pierre Hérisson. Vous recrutez 14 000 personnes supplémentaires alors que le taux d'encadrement des élèves dans le second cycle est inférieur à quatorze élèves par professeur. Avouez qu'il y a bien là un problème majeur. Comptez sur le Sénat pour faire la lumière sur une gestion pour le moins obscure.
Votre méthode déroute. Pour garantir le présent, vous hypothéquez l'avenir de nos enfants.
M. René-Pierre Signé. Tout cela est excessif et insignifiant !
M. Pierre Hérisson. Votre projet de budget traduit cette dérive. La position de la commission des finances vise à assainir la gestion de votre ministère. C'est pourquoi je la suivrai. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Demuynck. Très bien et très pertinent !
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, vous avez dit à plusieurs reprises que « toujours plus de moyens ne résoudrait rien ». Que faites-vous cependant ?
Au mois de mai, les enseignants de Seine-Saint-Denis protestent, vous déboursez 1 milliard de francs. Le mois dernier, les lycéens descendent dans la rue, vous annoncez 4 milliards de francs supplémentaires pour calmer leur mécontentement, 4 milliards qui, il est vrai, vous coûtent peu, puisque vous demandez aux régions de les débourser.
Les régions, monsieur le ministre, ont compris depuis des années que les constructions, les restructurations, les rénovations devaient intégrer des équipements essentiels au confort de l'ensemble de la communauté éducative, élèves et enseignants, Depuis dix ans, monsieur le ministre, tous nos chantiers intègrent centres de documentation et d'information, salles et bureaux des professeurs et salles de réunions. Les lycéens que j'ai rencontrés en Rhône-Alpes le reconnaissent et l'apprécient.
Le programme prévisionnel des investissements que nous avons voté ce matin même en Rhône-Alpes, à une très large majorité, intègre ces équipements que vous semblez découvrir. Et nous faisons cela depuis quatre ans, sans augmenter la pression fiscale.
Qu'en est-il de ce budget de l'enseignement scolaire pour 1999 ? Est-il enfin conforme à vos discours ? Malheureusement non.
Une fois de plus, vous poursuivez cette mauvaise habitude qui consiste à se reposer sur une augmentation des moyens pour répondre aux besoins.
C'est si facile d'augmenter un budget ! Et puis il est tellement plus médiatique d'annoncer un budget en hausse que d'engager les réformes de fond indispensables.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Jean-Claude Carle. Vous recourez donc une nouvelle fois à l'inflation budgétaire. Bien sûr, vous vous en réjouissez et vous pensez que l'opposition sera prise de court dans ses critiques, tandis que vos partisans vous applaudiront pour cette hausse obtenue après de si âpres négociations avec Bercy.
Plus le temps s'écoule, et plus le fossé entre vos discours et vos actes s'élargit.
Ce budget de l'enseignement scolaire pour 1999 est en augmentation de 4,1 %. Eh bien, monsieur le ministre, je ne m'en réjouis pas !
Depuis 1975, les crédits de l'éducation nationale ont doublé en francs constants, et ils représentent aujourd'hui plus du cinquième du budget de l'Etat.
La dépense globale d'éducation, qui additionne le budget de l'Etat, celui des collectivités locales et les dépenses des entreprises et des familles, est passé de 445 milliards de francs en 1990 à 588 milliards de francs en 1995, soit une augmentation de près de 150 milliards de francs.
Vous ne pouvez donc justifier la nouvelle inflation budgétaire en 1999 par le souci d'améliorer les conditions d'études, puisque l'augmentation importante des crédits les années antérieures n'a pas empêché les lycéens de descendre dans la rue le mois dernier.
Cette croissance du budget depuis 1990 a d'ailleurs été essentiellement dévolue à la revalorisation des salaires des enseignants, tandis que le montant du premier niveau des bourses scolaires demeure, quant à lui, singulièrement faible.
Cette année n'échappe pas à la règle et la progression des crédits tient pour une grande part à la revalorisation des dépenses de personnel. Je vous saurai gré, néanmoins, de la création d'un troisième taux de bourse de collège, qui est plus avantageux pour les élèves les plus défavorisés.
Quoi qu'il en soit, la part du budget de l'enseignement scolaire dans le budget total de l'Etat s'accroît de nouveau. Après avoir été stabilisé autour de 17,5 % de 1995 à 1997, cette part sera de 18,4 % en 1999.
Cette augmentation est pour le moins paradoxale, car les effectifs décroissent fortement. On a recensé 60 700 élèves de moins à la rentrée 1998 et ils seront 68 000 de moins à la rentrée 1999. De plus, dans les dix prochaines années, les effectifs diminueront de 220 000 dans les écoles et de près de 400 000 élèves dans le second degré.
Or, malgré cette évolution, vous augmentez les crédits de près de 12 milliards de francs pour l'année prochaine ! Loin de supprimer des postes, vous en créez près de 4 000 dans le second degré.
En outre, vous avez enfreint cette année votre promesse de ne plus embaucher de nouveaux maîtres auxiliaires et vous allez créer 20 000 emplois-jeunes supplémentaires pour des postes d'aides-éducateurs, qui viendront s'ajouter aux 40 000 déjà en place.
Et je ne parlerai pas du problème d'éthique et de l'infraction à la loi alors que vous employez certains de ces jeunes sur des postes normalement occupés par des titulaires !
Certes, ce budget, par-delà sa hausse, traduit, j'en conviens, quelques priorités auxquelles, en revanche, vous ne consacrez guère de moyens. Mais certaines priorités sont contradictoires et l'ensemble oublie des enjeux essentiels.
Vous allouez à ces quelques priorités des sommes dérisoires. Vous n'avez pas d'argent parce que vous ne menez pas à bien ou que vous repoussez les réformes de fond qui vous auraient permis de dégagez les moyens de vos ambitions, et parce que vous ne voulez pas - ou ne pouvez pas - redéployer les crédits.
Je citerai en exemple l'introduction des nouvelles technologies dans les établissements scolaires. Les besoins sont évalués à 15 milliards de francs. Or, le fonds de soutien aux collectivités locales n'est doté que de 500 millions de francs, soit un trentième seulement des besoins !
En outre, vos priorités sont parfois contradictoires.
Entre les enseignants et les élèves, vous avez fait le choix des élèves, nous dites-vous. Mais entre l'éducation nationale et la politique sociale, vous sacrifiez la première sans pour autant satisfaire la seconde.
Un milliard de francs seront affectés au financement des 60 000 emplois-jeunes et vous tirerez ce milliard de la réduction du volant d'heures supplémentaires des enseignants titulaires et de la baisse de leur rémunération. Résultat : nombre de remplacements ne sont pas assurés, ce qui, entre autres, a conduit les lycéens à descendre dans la rue.
Quant au réemploi massif des maîtres auxiliaires à la rentrée de 1997, il s'est fait sans tenir compte des besoins effectifs.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous dites n'importe quoi !
M. Jean-Claude Carle. Résultat : bien que les maîtres auxiliaires soient en surnombre, les recteurs ont dû en recruter 1 000 nouveaux pour pourvoir des postes vacants dans des disciplines sous-dotées !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. C'est n'importe quoi !
M. Jean-Claude Carle. Enfin, on peut regretter, dans ce tourbillon de réformes que vous avez annoncées, que rien ne soit fait pour le collège, qui est le maillon le plus fragile de notre système éducatif.
M. Jean-Louis Carrère. C'est compliqué !
M. Christian Demuynck. Tout le monde n'est pas compétent !
M. Jean-Claude Carle. Le collège unique concentre aujourd'hui l'essentiel des difficultés du système éducatif, l'échec scolaire comme la violence.
Comme le dit Bernard Kuntz, président du syndicat national des lycées et des collèges,...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Bonne référence !
M. Jean-Claude Carle. ... « la constitution de classes hétérogènes, regroupant les élèves indépendamment de leus savoirs et de leurs aptitudes, a très vite entraîné un effondrement des connaissances. Et leur généralisation a suscité de vives difficultés relationnelles ».
M. René-Pierre Signé. Pourquoi ne les a-t-on pas laissés au pouvoir ces donneurs de leçon ?
M. Christian Demuynck. Parce que vous avez voté, tout simplement !
M. Jean-Claude Carle. Certaines de vos initiatives n'en sont pas moins intéressantes, j'ai déjà eu l'occasion de vous en faire part. Mais leur réalisation laisse à désirer.
S'agissant de ce fameux « dégraissage du mammouth », vous annonciez une baisse des effectifs d'environ 3 000. Mais, malgré le réel bouleversement de l'administration centrale, vous n'avez réussi à supprimer qu'une centaine de postes. Et, pour l'année prochaine, vous reprenez la vague des créations d'emplois : 3 050 emplois d'enseignants du second degré, 250 emplois de conseillers principaux d'éducation, 616 emplois de personnels non enseignants, 1 000 assistants étrangers supplémentaires.
La déconcentration de la gestion des enseignants est également une bonne initiative, monsieur le ministre. Mais vous me permettrez, étant donné le décalage avéré entre ce que vous dites et ce que vous faites, de réserver mon jugement sur l'effectivité et l'efficacité de votre réforme à la rentrée 1999.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Quand vous aurez Gollnisch comme ministre de l'éducation nationale, ce sera mieux !
M. Jean-Claude Carle. A ce titre, la commission d'enquête sur la situation et la gestion des personnels de l'éducation nationale, créée sur l'initiative du président de la commission des affaires culturelles, M. Adrien Gouteyron, donnera des éléments d'appréciation utiles sur cette réforme. Il est en effet de notre devoir, en tant que représentants du peuple,...
M. René-Pierre Signé. Du peuple, quel peuple ?
M. Christian Demuynck. Le peuple !
M. Jean-Claude Carle ... de nous assurer que les 300 milliards de francs investis chaque année pour l'éducation nationale sont utilisés au mieux.
Nos concitoyens ne comprennent pas comment il est possible que les lycéens puissent manifester légitimement contre...
M. René-Pierre Signé. Ils ont aussi manifesté contre Balladur !
M. Jean-Claude Carle. ... le manque de professeurs alors que, d'une part, le nombre des élèves diminue et que, d'autre part, les moyens augmentent d'année en année.
La conclusion s'impose : ce ne sont pas les moyens qui font défaut, c'est la mauvaise utilisation de ceux-ci qui est en cause. C'est d'ailleurs l'avis de nos concitoyens. Un sondage CSA révèle ainsi que 52 % des Français pensent que les difficultés que connaît notre système éducatif sont dues à une mauvaise utilisation des moyens actuels.
Selon vos chiffres, il y aurait un enseignant pour douze élèves dans le secondaire. En tenant compte des durées de présence différentes des enseignants et des élèves au sein des établissements, on atteint une moyenne de un pour vingt et un. Comment, dans ces conditions, expliquer que l'on ait des classes surchargées qui dépassent parfois trente-cinq élèves ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il faut écouter ce que je dis !
M. Jean-Claude Carle. C'est l'une des énigmes que la commission d'enquête doit résoudre. Les Français veulent savoir. Ils doivent savoir.
M. Christian Demuynck. Exact !
M. Jean-Claude Carle. Quant aux établissements à construire, c'est bien. Les collectivités le font, vous l'avez vous-même reconnu.
Encore faut-il, après, les faire fonctionner correctement ! Le plan Université 2 000,...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Hors sujet !
M. Jean-Claude Carle. ... lancé par M. Jospin quand il était ministre de l'éducation nationale, a conduit à construire de nouveaux établissements sans vraiment songer au financement des frais de fonctionnement ultérieurs. Vous faites preuve aujourd'hui de la même insouciance.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Université 2 000 n'a rien à voir avec le sujet !
M. Jean-Claude Carle. Nous ne pourrons continuer à construire ou à rénover des établissements si le personnel assurant le fonctionnement ne suit pas.
Devant cette pénurie et cette carence, la question de l'entretien devrait d'ailleurs faire l'objet d'un traitement un peu plus imaginatif. Des formules telles que la concession, qui existe déjà pour la restauration, mériteraient d'être sérieusement étudiées et expérimentées.
M. René-Pierre Signé. Privatisez !
M. Jean-Claude Carle. Enfin, certaines des mesures annoncées en fanfare ne sont guère que des dispositifs existant déjà, mais sous d'autres noms. (M. Signé proteste.) Ainsi en est-il du conseil de la vie lycéenne qui vient s'ajouter au conseil des délégués des élèves et dont les attributions sont grosso modo identiques à celles de ce dernier.
Alors que les lycéens se plaignent de la surcharge des programmes, était-il bien utile de créer un comité de plus ? C'était sans doute une manière subtile de calmer provisoirement la contestation des jeunes !
Je vous l'accorde, monsieur le ministre, les réformes sont difficiles, car les conservatismes sont pesants et les corporatismes de tous bords puissants. Des propositions ou des réformes moins importantes que celles que vous souhaitez sont aujourd'hui tombées aux oubliettes de l'histoire. Nombre de vos prédécesseurs ont été contraints de dire qu'il était « urgent d'attendre ».
J'aimerais, enfin, insister sur quelques axes essentiels dont votre budget se fait malheureusement trop peu l'écho. Je veux parler de l'orientation, de la filière professionnelle et de la gestion de proximité.
On ne parle pas assez, vous ne parlez pas assez d'orientation. L'orientation devrait être une véritable priorité et non pas, comme à l'heure actuelle, un moment réservé pour ceux qui sont en difficulté. 68 % des Français estiment que le système d'orientation n'est pas satisfaisant, regrettant l'absence de contacts avec les entreprises et, d'une manière plus large, avec le monde des adultes.
J'aurais d'ailleurs aimé que vous donniez une suite favorable à la proposition que je vous avais adressée lors d'une séance de questions d'actualité et qui visait à confier la présidence des conseils d'administration des lycées professionnels à une personnalité extérieure, à l'instar de ce qui existe dans l'enseignement agricole. Là encore, monsieur le ministre, votre accord verbal ne s'est pas traduit dans les actes.
L'orientation relève d'abord de la responsabilité de la famille. Elle est ensuite celle de l'instituteur, puis celle du professeur principal en collège ou en lycée, enfin celle, bien sûr, des professeurs d'université.
Trente-huit pour cent des jeunes de niveau bac plus 6 déclarent ne pas avoir de projet professionnel. Faut-il attendre aussi longtemps pour parler d'orientation ?
Ce déficit d'orientation explique pourquoi l'offre de formation est mal adaptée. Cette inadéquation est sous-tendue par un problème culturel. Nous sommes dans une société - je l'ai déjà dit maintes fois - qui ne reconnaît qu'une forme d'intelligence : celle qui résulte des disciplines abstraites, oubliant l'autre forme qu'est l'intelligence de la main, de l'acte. Pourtant, si notre longue histoire a retenu le nom de ses grands savants, de ses grands mathématiciens, de ses philosophes, elle est tout aussi fière de ses grands architectes, jardiniers et ébénistes.
Cette attitude a conduit l'enseignement technique, l'enseignement professionnel et l'apprentissage à être considérés comme les voies de l'échec, tandis que, dans le même temps, d'autres pays nous montraient qu'ils pouvaient être celles de la réussite.
Des mesures incitatives seraient donc nécessaires pour revaloriser davantage encore ces filières. Les deux précédents gouvernements en avaient pris.
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez combien de temps de parole ?
M. Christian Demuynck. C'est intéressant, il faut suivre !
M. Jean-Claude Carle. Grâce à eux, l'apprentissage sort aujourd'hui peu à peu de sa relégation passée.
M. Jean-Louis Carrère. Il a combien de temps, monsieur le président ?
M. Jean-Claude Carle. Mais que fait l'actuel Gouvernement ? Il lui porte atteinte, alors même que les effectifs d'apprentis atteignent à peine 10 % des effectifs étudiants. J'en prends pour preuve l'article 80 du projet de loi de finances pour 1999, qui réserve le paiement de la prime de 6 000 francs à l'embauche aux apprentis détenant un faible niveau de qualification. Compte tenu d'un effectif d'apprentis évalué à 230 000 en 1999, la mesure touchera environ 50 000 d'entre eux. Cette mesure est néfaste pour l'apprentissage.
M. René-Pierre Signé. Vive les CFA, écoles du patronat !
M. Jean-Claude Carle. Cette baisse de l'incitation financière réduit l'« attractivité » du dispositif de l'apprentissage à un moment où les effectifs entrant en apprentissage connaissent une légère baisse.
Cette mesure va nuire à l'image de l'apprentissage. Elle tend à le concentrer sur les formations de faible niveau, revenant ainsi sur tous les efforts de promotion de l'image de marque de l'apprentissage.
Mais ne faut-il pas voir dans cette mesure une visée idéologique, qui entend soumettre tout le monde au même moule scolaire ?
M. René-Pierre Signé. Ça y est, voilà l'idéologie !
M. Jean-Claude Carle. Il est dangereux d'opposer l'apprentissage à la voie scolaire, tout comme il est dangereux d'opposer formation générale et formation professionnelle.
M. René-Pierre Signé. Et l'idéologie libérale ?
M. Jean-Claude Carle. L'alternance devrait être un passage obligé de tout cursus.
J'évoquerai, enfin, un dernier problème : la conception trop fermée, trop cloisonnée de l'éducation en France.
Souvent, on parle de l'éducation nationale comme d'un objet abstrait, isolé des autres institutions et des autres acteurs sociaux. Concrètement, cela se traduit par un partenariat insuffisant et par une centralisation excessive.
Le partenariat doit s'établir avec tous ceux qui ont une responsabilité éducative. L'éducation est un tout. Ce n'est pas seulement les livres qu'on lit et les devoirs que l'on fait. C'est aussi l'apprentissage de la vie en commun, du respect des autres et du civisme. Les acteurs de l'éducation, ce ne sont donc pas uniquement les enseignants, quel que soit leur mérite par ailleurs.
M. Alain Vasselle. Bien sûr !
M. Jean-Claude Carle. La famille joue aussi un rôle considérable, inscrit à l'article 213 du code civil.
M. René-Pierre Signé. Travail, famille...
M. Jean-Claude Carle. Quant à la gestion, elle reste beaucoup trop centralisée. Vous ne réglerez pas tout de la rue de Grenelle. L'Etat doit abandonner un certain nombre de fonctions périphériques en concluant des partenariats avec les collectivités locales. La restauration, l'hébergement et l'entretien nécessitent du personnel, et, malgré l'effort fait par votre prédécesseur en 1996, les dotations en personnels ATOS sont souvent déficitaires dans de nombreux établissements. Et je ne parle pas des universités, où la moyenne est bien inférieure aux critères de SAN REMO, le système analytique de répartition des moyens.
M. René-Pierre Signé. Mais qu'y a-t-il de bon dans ce budget ?
M. Jean-Claude Carle. Pourquoi ne pas imaginer d'autres possibilités et ouvrir des territoires d'expérimentation, y compris dans le domaine pédagogique ? La diversité des situations et la nécessité de réagir face aux réalités montrent les limites de la solution unique et le bien-fondé des mesures contractuelles prises au plus près du besoin.
Beaucoup de choses peuvent être réglées au niveau de l'établissement.
Chacun doit s'engager.
M. René-Pierre Signé. Il en fait trop ! (Rires.)
M. Jean-Claude Carle. Les collectivités locales doivent pourvoir aux investissements matériels pour assurer les meilleurs conditions d'études et de confort, les chefs d'établissement doivent disposer de davantage d'autonomie pour traiter des affaires de l'établissement. Des contrats d'établissement devraient être conclus entre l'Etat, les collectivités locales et les professions.
Mais la proximité, c'est aussi la cohérence au niveau du bassin de formation. Il convient de jouer sur les complémentarités entre les établissements et sur leur mise en réseau.
A tous ces défis, dont je ne nie pas, monsieur le ministre, qu'ils sont difficiles à relever - je suis conscient que vous avez la volonté de vous atteler à cette tâche - vous semblez malheureusement n'avoir qu'une seule réponse : l'inflation budgétaire. Or l'histoire montre que ce n'est pas ou plus la bonne réponse, qu'il est urgent d'y voir plus clair, d'engager des redéploiements.
M. René-Pierre Signé. C'est ce qu'a dit M. le ministre !
M. Jean-Claude Carle. C'est pourquoi je soutiendrai les amendements de suppression de crédits des titres III et IV de notre rapporteur. Le groupe des Républicains et Indépendants votera le projet de budget de l'enseignement scolaire, ainsi amendé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'attaquer directement l'examen du projet de budget, je voudrais faire une citation à notre collègue Jean-Louis Carrère, après celle qu'il a faite lui-même à propos de notre collègue Alain Vasselle. Je suis persuadé qu'il en appréciera la source : « A force d'avoir un avis sur tout, on finit vite par devenir un donneur de leçons. » (M. Jean-Louis Carrère rit.)
M. René-Pierre Signé. Eh bien, dites donc ! Ça vous va bien !
M. Christian Demuynck. Au risque de vous surprendre, monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter pour le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 1999 que vous nous présentez aujourd'hui et qui prévoit une progression de 4,1 % des crédits par rapport à 1998.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, d'avoir entendu les élèves, les membres du corps enseignant et les élus, qui ne cessent de demander, parfois bruyamment, il faut le reconnaître, plus de moyens, plus d'encadrement et plus de nouveaux locaux !
Ainsi l'éducation nationale reste le premier budget de la nation, même si l'augmentation de ses crédits est inférieure à celle de certains autres ministères mieux lotis. Mais on ne peut malheureusement pas se contenter de cette lecture au premier degré. En effet, permettez-moi d'émettre quelques réserves sur la crédibilité de vos promesses.
Sénateur de la Seine-Saint-Denis, maire d'une commune de 18 000 habitants, je crois bien connaître les problèmes de l'enseignement...
M. Jean-Louis Carrère. Cumul !
M. Christian Demuynck. ... et, malgré ce que vous avez dit tout à l'heure à notre collègue Vasselle, je me sens au moins aussi compétent que vous.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ah bon ! C'est intéressant...
M. Christian Demuynck. Voilà quelque temps, vous avez présenté un énième plan, c'était le troisième plan de rattrapage scolaire pour le département 93, en réponse aux manifestations qui se sont déroulées pratiquement un an avant celles des lycéens.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous avez dit trois ? Le compte n'y est pas !
M. Christian Demuynck. J'ai trouvé intéressant, pour éclairer mon scepticisme devant le beau budget que vous nous présentez, de faire le parallèle entre les promesses annoncées le 30 avril dernier lors de la présentation de ce troisième plan et les actes véritablement quantifiables et vérifiables à la rentrée 1998.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous dites qu'il y a eu combien de plans ?
M. Christian Demuynck. C'était le troisième plan pour la Seine-Saint-Denis. Vous ne vous souvenez même plus du nombre de plans que vous avez faits ! Enfin bref !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je crois que vous ne savez pas compter, s'il s'agit de moi, monsieur le sénateur. C'est grave quand même de ne pas savoir compter jusqu'à trois !
M. Ivan Renar. C'est cela le retard scolaire ! (Rires.)
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, si vous étiez aussi véhément sur le terrain que vous l'êtes ici, ce serait formidable pour les jeunes ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants. - Vives protestations sur les travées socialiste.)
Vous ne manquez pas en effet une seule occasion de parler de concertation avec les élus, les personnels enseignants, les élèves, les parents d'élèves, affichant sur toutes les radios, les télévisions, sans parler de la presse écrite, votre volonté de réformer l'éducation nationale,...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Imperturbable !
M. Christian Demuynck. ... et d'annoncer, par de nombreuses déclarations, de nouveaux projets mis en place selon vous immédiatement !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Oui !
M. Christian Demuynck. Mais, sur le terrain, les choses se corsent ! Les actes ne suivent plus les paroles.
M. René-Pierre Signé. On a connu cela, les promesses non tenues !
M. Christian Demuynck. Alors j'ai pris un certain nombre d'exemples, qui vont vous intéresser, monsieur le ministre, j'en suis persuadé.
Le premier exemple concerne les quatrièmes technologiques, qui sont symptomatiques de la manière dont vous procédez.
J'étais intervenu, dans cet hémicycle, auprès de Mme Ségolène Royal en mai dernier pour m'inquiéter de la suppression prévue de ces classes dans les collèges à la rentrée 1998.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Voulue par M. Bayrou !
M. Christian Demuynck. Je ne le conteste pas. Vous l'avez dit, nul n'est parfait !
M. René-Pierre Signé. En tout cas, pas vous !
M. Christian Demuynck. Celle-ci m'a convaincu de sa bonne foi en m'affirmant avec véhémence que ces classes ne seraient jamais supprimées puisqu'elle avait pris en ce sens des directives en janvier 1998.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Ce n'est pas vrai !
M. Christian Demuynck. Ce n'est pas vrai, madame le ministre ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. J'ai ajouté : là où elles fonctionnaient !
M. Christian Demuynck. Comme j'étais persuadé que vous alliez contester, j'ai pris soin d'amener la réponse que vous avez faite à ma question orale et je vais vous citer. Vous pouvez toujours contester le Journal Officiel , si vous voulez !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je ne parlais pas des classes qui avaient déjà disparu, je parlais de celles qui fonctionnaient bien !
M. Christian Demuynck. « En ce qui concerne les classes de quatrième technologique, monsieur le sénateur, je vous confirme, que, malgré la décision réglementaire prise par M. Bayrou de les supprimer toutes à la rentrée 1998, ce qui constituait une décision malvenue pour le système scolaire, j'ai décidé » - c'est vous qui parlez, madame le ministre - « de maintenir toutes celles qui subsistent dans les collèges. »
Je suis donc sorti de cette séance de questions orales tout à fait rasséréné. Puis, connaissant un peu votre manière de procéder et la différence qui existe entre les promesses que vous faites et la réalité,...
M. Jean-Louis Carrère. Vous pouvez parler !
M. Christian Demuynck. ... j'ai été voir l'inspectrice d'académie, à qui j'ai demandé si elle pouvait remettre en place au mois de septembre les quatrièmes technologiques.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Pas remettre en place !
M. Christian Demuynck. Vous avez raison, je lui ai demandé si elle pouvait maintenir ces classes de quatrième technologiques.
L'inspectrice m'a répondu : « Monsieur le sénateur, je n'ai pas les moyens, ni financiers ni matériels. »
M. Alain Vasselle. Eh oui !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. On ne pouvait pas les rouvrir !
M. Christian Demuynck. C'est absolument faux, ces classes n'étaient pas fermées !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Quelle mauvaise foi !
M. Christian Demuynck. Elle a ajouté, d'ailleurs, ce qui est assez amusant : « Vous savez, les décisions prises dans les ministères sont loin des réalités ! »
M. Alain Vasselle. Eh oui !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. C'est facile !
M. Christian Demuynck. En tout cas, madame le ministre, elle avait raison, puisque les quatrièmes technologiques ont bel et bien été supprimées.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. C'est faux, il y en a qui fonctionnent !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Celles qui ont été supprimées l'ont été par M. Bayrou !
M. Christian Demuynck. Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, c'est effectivement M. François Bayrou qui les a fait supprimer. Mais Mme le ministre nous avait dit qu'elle les maintiendrait...
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Il en reste !
M. Christian Demuynck. ... et qu'elle ferait tout pour qu'elles restent en place.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Celles qui existaient encore à la rentrée !
M. Christian Demuynck. ... Cela ne vous a pas empêché, madame le ministre, d'affirmer...
Mme Ségolène Royal, ministre délégué Ce n'est pas convaincant !
M. Alain Vasselle. Ah ! c'est dur d'entendre la vérité !
M. Christian Demuynck. ... dans le numéro de France-Soir du 15 septembre : « Effectivement, je suis au contraire celle qui a rétabli les quatrièmes technologiques, car j'ai trouvé en arrivant au ministère que c'était une erreur de les avoir supprimées ».
C'est vrai,...
M. René-Pierre Signé. On parle du budget, pas de questions personnelles !
M. Christian Demuynck. ... et vous poursuiviez : « J'ai donc demandé non seulement qu'elles soient réouvertes, mais que leur potentiel en moyens matériels et en enseignants soit maintenu. »
Alors que tout le monde savait que ces classes étaient supprimées, il fallait tout de même une certaine dose de je-ne-sais-quoi pour affirmer cela !
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas une séance de questions orales !
M. Christian Demuynck. Cela a d'ailleurs beaucoup fait rire dans les collèges, permettez-moi de vous le dire !
Je suis intervenu au Sénat le 19 novembre dernier pour en demander les raisons. On m'a annoncé alors que d'autres directives avaient été prises et que l'on parlait non plus de suppression, mais plutôt d'une nouvelle organisation des classes de quatrième avec la création de « groupes de nouvelles technologies appliquées », décision confirmée par un arrêté.
Je constate, dans cette affaire, deux choses : d'abord vous n'avez pas tenu vos promesses ;...
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. C'est faux !
M. Christian Demuynck. ... ensuite, et c'est encore plus grave, les décisions que vous avez annoncées le 19 novembre dernier, c'est-à-dire il y a à peine une dizaine de jours, ne sont connues ni du recteur, ni de l'inspectrice, encore moins des principaux de collège !
Votre ministère, il faut le reconnaître, fonctionne d'une drôle de manière.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. C'est inexact !
M. Christian Demuynck. Je sais bien, tout est inexact !
Je vous avais demandé de venir en Seine-Saint-Denis, mais vous n'avez pas voulu.
Deuxième exemple, la création d'un comité de suivi permanent pour rendre transparentes les mesures prises par l'éducation nationale à l'égard de la population. La transparence ? Un beau cheval de bataille ! Ce comité devait être créé en septembre 1998, mais, depuis la rentrée, il n'a jamais vu le jour !
J'ai rencontré il y a dix jours le recteur, qui m'a fait comprendre qu'il n'était pas du tout question qu'il crée ce comité de suivi. Il m'a fait comprendre aussi qu'il envisageait de continuer à gérer comme par le passé et que les élus ne seraient pas associés.
Mme Ségolène Royal. Caricature !
M. Christian Demuynck. Des élus étaient présents avec moi ! On peut les faire venir ici si vous ne me croyez pas !
M. Alain Vasselle. C'est cela, leur conception du dialogue !
M. Christian Demuynck. Exactement !
Troisième exemple : à grand renfort de publicité, on nous a annoncé la création de 5 000 emplois-jeunes et de 3 000 nouveaux postes en trois ans, dont 800 en 1998. L'inspectrice, à la rentrée, m'a assuré que le planning était bien réalisé. Toutefois, quand j'ai cherché à savoir dans quels collèges ces postes avaient été créés, je n'ai obtenu aucune réponse !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il n'y en a pas dans les collèges !
M. Christian Demuynck. C'est tout de même surprenant lorsqu'on parle de concertation avec les élus et qu'on se targue d'une volonté de transparence !
Mais, surtout, cela fait peser une suspicion sur la réalité des postes réellement pourvus.
Au-delà de la création, effective ou non, de ces postes, permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur les 5 000 emplois-jeunes.
Tout d'abord, je reste circonspect quant à leur efficacité, car les remarques formulées par les personnels enseignants sur le flou de leur mission ne sont pas sans fondement.
Ensuite, bien que de nombreux emplois aient été créés, je m'étonne du procédé qui a permis ces créations ; une partie du financement n'a été possible que grâce à la diminution brutale, par voie réglementaire et sans concertation, de la rémunération des heures supplémentaires des professeurs.
Par ailleurs, comment expliquez-vous la création de tant d'emplois-jeunes quand tant d'enseignants se trouvent en situation de précarité et que plus de 20 000 maîtres auxiliaires n'ont toujours pas de perspective de titularisation, sans parler des enseignants qui se sont trouvés sans poste à la rentrée...
M. Jean-Louis Carrère. Avec vous, c'était sans doute mieux ?
M. René-Pierre Signé. Et qu'est-ce qu'il a fait Bayrou ? Et Juppé ?
M. Christian Demuynck. Vous avez beaucoup parlé en tout cas !
Enfin, la presse a réalisé plusieurs reportages sur les manifestations de ces aides-éducateurs qui protestent contre le flou de leurs fonctions, contre leurs horaires extensibles et surtout contre l'absence des 200 heures de formation qui sont inscrites dans leur contrat. Au final, plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs déjà démissionné.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Pour aller au chômage ?
M. Christian Demuynck. Quatrième exemple...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Répondez ! Ils ont démissionné parce qu'ils ont trouvé un emploi, monsieur le sénateur !
M. Christian Demuynck. Ils ont démissionné parce que ce n'était pas clair et que vous ne teniez pas vos engagements !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Mais non, pas du tout ! Parce qu'ils préfèrent trouver un emploi ! Ce que vous dites est un mensonge !
M. Christian Demuynck. Absolument pas ! Rencontrez-les et vous verrez que ce que vous dites n'est pas la réalité !
M. René-Pierre Signé. C'est faux !
M. Christian Demuynck. C'est vous qui mentez !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. N'importe qui refuserait de quitter un tel poste s'il n'avait trouvé un emploi !
M. Alain Vasselle. C'est dur d'entendre la vérité !
M. Christian Demuynck. Quatrième exemple : la mise en place d'un moratoire contre les fermetures de classes...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ce n'est pas un débat ! C'est n'importe quoi, ce que vous racontez ! C'est un tissu d'âneries !
M. le président. Laissez M. Demuynck achever son intervention, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. S'il continue ainsi, je vais effectivement le laisser parler seul : je vais m'en aller !
M. Christian Demuynck. Ce que je dis, c'est la réalité !
M. le président. Poursuivez, monsieur Demuynck.
M. Christian Demuynck. Mon quatrième exemple concerne la mise en place d'un moratoire contre la fermeture des classes.
M. René-Pierre Signé. Provocateur !
M. Christian Demuynck. Vous aviez dit, madame le ministre, qu'il n'y aurait aucune fermeture de classe. Or, en Seine-Saint-Denis, je suis désolé...
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Lorsqu'il n'y a plus d'élèves, on ferme les classes !
M. Christian Demuynck. Alors, j'avais mal compris ! Je le dirai aux enseignants. Ils seront très satisfaits !
M. Jean-Louis Carrère. Il s'affole !
M. Christian Demuynck. En tout cas, dans plusieurs villes du département, six classes ont été fermées. Encore une fois, et je ne m'affole pas, monsieur Carrère,...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. On ferme les portes quand il n'y a plus personne !
M. Jean-Louis Carrère. Il déraille !
Mme Hélène Luc. Vous connaissez mal les problèmes, monsieur Demuynck !
M. Christian Demuynck. ... des promesses ont été faites mais elles n'ont pas été tenues.
Je connais, madame Luc, les problèmes de la Seine-Saint-Denis aussi bien que vous ceux du Val-de-Marne !
Cinquième exemple, qui concerne un point important de votre politique en faveur de l'exclusion sociale : vous aviez annoncé, madame Royal, la création de soixante ZEP en Seine-Saint-Denis à la rentrée de 1998. Je vous félicite de cette annonce, qui répond véritablement aux demandes des élus et du personnel enseignant mais qui n'a pas été totalement concrétisée puisque nous ne comptons, à ce jour, que cinquante-trois ZEP, qui n'ont d'ailleurs pas toutes les moyens de fonctionner. Vous avez fourni un très gros effort, c'est vrai, mais pourquoi avoir annoncé soixante si vous ne pouviez réaliser que cinquante-trois ?
M. Jean-Louis Carrère. Mais où ? De quoi parle-t-il ?
M. Christian Demuynck. Vous avez frustré bon nombre d'enseignants qui croyaient fermement en vos promesses et qui n'ont eu que l'amère surprise de se voir une nouvelle fois trompés.
M. Jean-Louis Carrère. Vous ne parlez pas du budget !
M. Christian Demuynck. C'est le budget, ça !
A la lecture de ces quelques exemples très concrets et qui ne prêtent pas à polémique...
M. René-Pierre Signé. Question locale !
M. Christian Demuynck. ... puisqu'ils reflètent simplement la réalité, on constate qu'il ne suffit pas d'augmenter les crédits pour obtenir des résultats.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ce n'est pas ainsi que vous obtiendrez des moyens supplémentaires pour votre circonscription !
M. Christian Demuynck. C'est du chantage, monsieur le ministre !
M. René-Pierre Signé. Provocateur !
M. Christian Demuynck. De toute façon, nous n'avons rien !
Voilà plusieurs années que ce budget augmente mais, on en a un peu plus la preuve tous les jours, plus d'argent ne signifie pas une meilleure école et surtout pas une meilleure gestion de votre ministère.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. On a vraiment besoin du non-cumul des mandats ! Comme ça, vous serez au courant ! Vous maîtriserez vos dossiers !
M. Christian Demuynck. Je suis sur le terrain et, vous, vous n'y êtes pas ! C'est ça, la grande différence !
M. le président. Monsieur le ministre, laissez l'orateur s'exprimer. Vous lui répondrez tout à l'heure.
Poursuivez, monsieur Demuynck.
M. Christian Demuynck. Je reprends le fil de mon propos.
C'est la raison pour laquelle, depuis mai 1998, j'ai été un de ceux qui ont demandé la création d'une commission d'enquête sénatoriale...
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Encore une !
M. Christian Demuynck. ... sur les modalités de gestion des personnels enseignants de l'enseignement secondaire.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Il fallait en constituer une pour Bayrou !
M. Christian Demuynck. Comme vous le savez, cette commission d'enquête a été mise en place récemment, et je suis heureux d'en faire partie.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous allez vous informer, c'est bien ! C'est formidable !
M. Christian Demuynck. Laissez-moi finir ! Je suis néanmoins désolé qu'on soit obligé d'en arriver là...
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Il faut aussi apprendre à compter !
M. Christian Demuynck. ... pour obtenir des renseignements et permettre aux parlementaires de participer au processus de réflexion sur le fonctionnement et l'avenir de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, votre budget...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous n'en avez pas parlé ! Vous ne parlez pas du budget : vous parlez de vos petits problèmes locaux !
M. Christian Demuynck. ... votre budget est bon...
M. René-Pierre Signé. Pas vous !
M. Christian Demuynck. ... dans sa présentation.
Vous avez promis un certain nombre de choses pour la Seine-Saint-Denis. J'ai démontré que vous ne teniez pas vos engagements. Vous ne tiendrez pas davantage ceux que vous prenez dans ce budget.
Monsieur le ministre, les exemples que j'ai évoqués donnent à votre budget une autre dimension. Vous promettez, promettez et promettez encore, mais vous ne tenez pas véritablement vos promesses.
Je vais encore me montrer plus précis. La ville de Neuilly-Plaisance, dont je suis maire, organise et finance seule les cours d'anglais...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous recommencez ! Ce n'est pas un débat sur la Seine-Saint-Denis !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Ce n'est même plus la Seine-Saint-Denis, c'est Neuilly-Plaisance !
M. Christian Demuynck. Ecoutez, monsieur le ministre !
Ma ville finance donc seule les cours d'anglais pour les élèves depuis les grandes sections maternelles jusqu'au CM 2, et cela depuis neuf ans.
Avant l'été, vous avez annoncé la prise en charge de ces cours pour les CM 2, en expliquant tout l'intérêt qu'il y avait pour les jeunes à connaître ces langues vivantes, ce dont je suis tout à fait convaincu. Toutefois, nous avons choisi de maintenir notre effort, c'est-à-dire de garder nos professeurs. Bien nous en a pris, car en septembre, en octobre, en novembre, rien ne s'est passé. Nous attendons toujours les professeurs nommés par votre ministère !
Entre vos promesses et la réalité sur le terrain, la différence est de taille !
Vous parlez également, madame Royal, de la difficulté de scolariser des jeunes en échec scolaire, qui sont de plus en plus violents et de plus en plus jeunes. Vous soulignez, à juste titre, qu'aucune institution ne peut répondre seule à ce problème et vous avez proposé de créer des classes-relais qui pratiqueraient l'alternance : excellente initiative s'il en est, qui permet d'extraire le jeune du cadre de son quartier.
C'est dans ce sens que nous avons créé à Neuilly-Plaisance, voilà deux ans, une « école de la deuxième chance », qui permet à des jeunes des communes de Seine-Saint-Denis qui se trouvent en difficulté dans le système scolaire de suivre une formation dans un institut d'enseignement rural et de mécanique agricole dans la Nièvre, afin de se réorienter et surtout d'avoir un emploi assuré à leur sortie.
L'an passé, tous les élèves qui ont bénéficié de cette action ont trouvé un emploi.
Cette expérience donnant de bons résultats, nous avons décidé de la renouveler.
M. Jean-Louis Carrère. Essayez d'élargir le débat !
M. Christian Demuynck. Bien entendu, c'est la mairie et ses partenaires qui sont seuls en charge de ce dispositif.
Malgré mes nombreuses interventions auprès des ministres concernés que vous êtes, je n'ai obtenu aucune écoute.
M. Jean-Louis Carrère. Il ne parle que de lui !
M. Christian Demuynck. Mais c'est des jeunes que je parle ! Je parais jeune, c'est vrai, mais je ne vais plus à l'école !
Je n'ai donc pas obtenu l'écoute qui m'aurait laissé espérer un soutien financier de l'éducation nationale.
Le maire est seul, toujours seul, et l'on comprend aisément que nombre de maires aient décidé de ne pas se représenter lors des prochaines échéances.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Aux sénatoriales non plus !
M. Christian Demuynck. Attendez l'avenir, madame le ministre. Rira bien qui rira le dernier !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ce n'est pas à moi que vous pouvez le dire, je n'ai jamais cumulé de mandats.
M. Christian Demuynck. C'est dommage parce que vous connaîtriez le terrain !
Les exemples que j'ai cités sont probants. Vous annoncez des projets, des réformes, des initiatives, des réflexions auxquelles les élus ne sont pas associés, et encore moins les parlementaires. Mais surtout, et c'est le plus grave à mon sens, vos propres services n'en sont même pas tenus informés. Seuls les médias semblent être au courant de votre politique.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je n'ai jamais entendu des choses aussi inacceptables, jamais de ma vie !
M. Christian Demuynck. Pour terminer, permettez-moi de vous indiquer une piste de travail. Vous évoquez dans votre budget le nécessaire rétablissement des missions fondamentales de l'école primaire, celle-ci n'assurant plus, notamment, l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Outre ce manquement, l'école n'assure plus non plus son rôle social, qui permettait dans le passé le passage dans le monde du travail.
M. Jean-Louis Carrère. On aura tout entendu !
M. Christian Demuynck. Aujourd'hui, l'inadéquation entre l'enseignement et le marché relève de l'absurde : formation inadaptée, classes d'apprentissage délaissées, absence d'orientation en conformité avec la demande des employeurs.
Monsieur le ministre, l'école a un rôle important d'intégration, d'égalité sociale, de transmission des valeurs républicaines, d'éducation civique, de culture générale. C'est aussi cela, la lutte contre l'exclusion, mais elle se doit aussi de former les jeunes aux métiers de demain.
M. Jean-Louis Carrère. Et à l'honnêteté intellectuelle !
M. Christian Demuynck. C'est ainsi que nous pourrons répondre d'une manière plus fine au grave problème de l'emploi, alors que les chefs d'entreprise sont désespérés de ne pouvoir recruter des jeunes.
Voilà, brièvement formulées (Rires et exclamations sur les travées socialistes) , les remarques que je tenais à présenter sur votre budget, qui ne prend pas en compte l'avenir et ne répond pas aux enjeux de demain.
Mme Hélène Luc. Mais quelles sont vos propositions ?
M. Christian Demuynck. Je reviendrai un peu plus tard pour mes propositions, madame Luc, si vous le souhaitez. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Ce n'est pas généreux pour les jeunes ! Quelle tristesse !
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Un peu de fraîcheur !
M. Jean-Louis Carrère. Vive la gauche ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche et à lui seul.
M. Serge Lagauche. La priorité donnée à l'éducation par le Gouvernement s'affirme, cette année encore, par la régularité de l'effort budgétaire consacré à l'enseignement scolaire puisque le budget s'élève à plus de 297,7 millions de francs pour 1999, en hausse de 4,1 % malgré une baisse des effectifs.
Il s'agit en effet de profiter de cette baisse des effectifs pour continuer la modernisation du système scolaire engagée par vous-mêmes, madame la ministre, monsieur le ministre, ainsi que pour améliorer l'encadrement des élèves, et prioritairement des élèves scolarisés en zones d'éducation prioritaire, de manière à donner réalité au principe de l'école pour tous.
Réaliser l'école pour tous, c'est avant tout lutter contre les inégalités en assurant les meilleures conditions possibles de scolarité pour les moins favorisés.
Le Gouvernement agit résolument dans cette voie : retour au système des bourses gérées par les établissements, doté de 150 millions de francs supplémentaires, soit 950 millions de francs de crédits ; revalorisation des bourses des lycées, qui représentent un crédit de plus de 31 millions de francs en année pleine ; reconduction du fonds social pour les cantines, à hauteur de 250 millions de francs ; consolidation des fonds sociaux des collèges et des lycées.
Les conditions sociales des élèves ont naturellement un impact très fort sur leur bien-être physiologique et psychologique, bien-être indispensable à une bonne scolarité.
Contrairement au gouvernement précédent, qui n'a jamais honoré les engagements de François Bayrou dans le cadre du nouveau contrat pour l'école, le gouvernement de Lionel Jospin, lui, manifeste un engagement continu pour la médecine scolaire.
Ainsi, l'effort important consenti en 1998, avec la création de 125 emplois d'infirmiers et de 125 emplois d'assistants sociaux au 1er janvier 1998, a déjà été complété par 185 nouveaux postes dans ces deux catégories de personnel au 1er septembre 1998.
Mais vous n'en restez pas là. Le projet de budget pour 1999 prévoit, en effet, la création de 400 postes médico-sociaux, soit, sur deux ans, un total de 30 médecins, 485 infirmiers et 485 assistants sociaux.
De plus, possibilité sera donnée aux étudiants en médecine d'effectuer des stages en milieu scolaire.
Cependant, si les manques en médecine scolaire s'évaluent nécessairement en termes de besoins, ils doivent être évalués aussi en termes de pratiques. Dans ce domaine, comme dans tous les autres, l'école doit s'ouvrir davantage à son environnement extérieur.
M. Christian Demuynck. Oui !
M. Serge Lagauche. La médecine scolaire doit s'investir dans un véritable partenariat avec la médecine de ville et la médecine hospitalière, afin de travailler en réseau.
Cette coordination, madame la ministre, figure dans votre plan d'action pour renforcer la mission de santé publique de l'école, présenté le 11 mars 1998. Mais qu'en est-il du projet pilote des départements de l'Oise et de Seine-Saint-Denis ? Voilà qui fera plaisir à mon collègue M. Demuynck !
M. Christian Demuynck. Effectivement !
M. Serge Lagauche. Ne conviendrait-il pas d'accélérer le mouvement afin d'assurer une densité suffisante des services de santé scolaire par département, sachant que la prévention passe par des dépistages systématiques dès le plus jeune âge ?
La généralisation des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, prévue par la circulaire n° 98-108 du 1er juillet 1998, est un élément du nécessaire développement du travail en réseau et de l'ouverture de l'école sur son environnement.
En effet, la démarche de ces comités, présidés par le chef d'établissement, se fonde sur la participation de l'ensemble des acteurs de l'établissement, des élèves, des parents et des partenaires extérieurs.
A ce titre, pouvez-vous nous préciser comment, dans les faits, s'effectue cette participation dans les 2 500 comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté existants, et dans quelle proportion les personnels médicaux et sociaux y ont un rôle effectif ?
Des efforts sont également menés en direction de la prévention, avec l'instauration de vingt heures annuelles d'éducation à la santé pour les classes de quatrième.
Sachant que, pour passer de manière effective dans les comportements, la prévention en matière de santé doit intervenir dès le plus jeune âge, ne faudrait-il pas développer, parallèlement au repérage des difficultés des enfants, une meilleure éducation à la santé dès la maternelle, sous forme de jeux, par exemple ?
Garantir l'égalité des chances exige prioritairement de tout faire pour éradiquer les sorties du système scolaire sans qualification, que connaissent malheureusement 60 000 de nos jeunes chaque année.
Outre la relance des ZEP et la création des réseaux d'éducation prioritaire, il est indispensable de développer les classes relais destinées à l'accueil temporaire des collégiens en très grande difficulté. L'objectif est fixé à 100 classes relais pour 1998-1999, puis 250 pour 1999-2000.
Qu'en est-il, à ce jour, de la mise en oeuvre de ce dispositif expérimental ?
Parce que l'école de la deuxième chance doit être un droit pour tous ceux qui en ont besoin, il convient également de développer une véritable politique de diversification et de suivi des expériences de pédagogie adaptée, car c'est à l'école de s'adapter à la diversité des élèves et non l'inverse.
L'école de la deuxième chance de Marseille est, comme les six autres établissements alternatifs de l'Union européenne lancés par Edith Cresson, commissaire européen à l'éducation, un bon exemple de pédagogie adaptée.
L'école de la deuxième chance propose un cursus de deux ans qui mêle exercices pratiques, apprentissage de la vie en collectivité et - c'est essentiel ! - stages grâce à un contrat d'entreprise avec perspective d'embauche. Bien sûr, le taux d'encadrement y est plus élevé et la démarche est fondée sur les savoirs des élèves, quels qu'ils soient, pour les amener à réapprendre les bases qui leur manquent.
Dans la perspective d'une meilleure intégration scolaire, une relance des réseaux d'aide spécialisée doit aussi intervenir.
Cette relance devra être centrée sur le fonctionnement pédagogique des réseaux d'aides spécialisées, dans le cadre des projets de circonscription, et non sur leur fonctionnement administratif, comme cela a trop longtemps été le cas.
Peut-être trouverons-nous dans ces outils pédagogiques des réponses efficaces au processus d'exclusion au sein même du système scolaire. C'est ce que je souhaite vivement. Mais cela ne sera possible que par un suivi rigoureux de ces expériences et un contrôle réel de leur efficacité.
Enfin, le rôle de la maternelle dans l'intégration scolaire, et plus spécifiquement de la préscolarisation avant l'âge de trois ans, se révèle fondamental : c'est le plus tôt possible que le système scolaire doit s'attacher à lutter contre les inégalités.
Pour un meilleur accueil des tout petits, vous avez mis l'accent, madame la ministre, sur les « classes-passerelles », afin d'assurer une transition plus douce entre la crèche ou le milieu familial et l'école.
Pouvez-vous nous préciser quels moyens sont affectés pour leur développement, de même que leurs conditions d'installation et de fonctionnement ?
Plus généralement, les jeunes et leurs parents, surtout, attendent de l'école et des études qu'elles les préparent mieux au métier et à l'emploi. Or nul n'est en mesure de prévoir les évolutions des métiers. Cependant, ce dont nous sommes sûrs, c'est que les facultés d'adaptation et de reconversion inhérentes à un haut niveau de formation et de culture seront primordiales.
D'où le rôle prépondérant des disciplines telles que les langues étrangères dans toute leur diversité et l'informatique.
Mais à la multiplication des disciplines scolaires doit correspondre pour les enseignants une véritable politique de formation initiale et continue. Priorité est donc donnée, pour l'année 1998-1999, aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, dans le cadre de la formation continue.
Pour la généralisation de l'enseignement des langues en classes de CM 2, une mesure d'un peu plus de 58 millions de francs permettra l'embauche de mille assistants supplémentaires.
Pour l'informatique, une première réponse est apportée dans le cadre du plan d'introduction des nouvelles technologies dans l'enseignement. Mais il ne faudrait pas qu'arriver à un niveau correct de connexion à Internet des établissements scolaires, ces équipements soient sous-utilisés par manque de personnel compétent ou, pire, par manque de projet éducatif.
De même, les langues tout comme l'informatique nécessitent un apprentissage actif par petits groupes, soit pour privilégier l'oral, maillon faible de notre enseignement en langues étrangères, soit pour pratiquer les nouvelles technologies qui n'autorisent pas un enseignement passif.
Pour conclure, j'aborderai avec vous la pratique de la citoyenneté dans les établissements scolaires. C'est un thème prioritaire dans la politique scolaire du Gouvernement, que ce soit au travers de la charte pour l'école du XXIe siècle, la réforme des lycées ou le plan de lutte contre la violence en milieu scolaire.
Trop longtemps, la citoyenneté n'a été entendue que sous l'angle de l'éducation civique. C'est un aspect important et il est pris en compte avec, par exemple, la comptabilisation de cette matière au brevet des collèges.
Mais l'éducation à la citoyenneté doit être, aussi et surtout, une mise en pratique, des comportements concrets de responsabilisation, d'autonomie, l'élaboration de projets... C'est l'objectif des « initiatives citoyennes pour apprendre à vivre ensemble ».
C'est aussi l'objectif des conseils de la vie lycéenne, qui sont en train de se concrétiser. Mais pour une véritable pratique démocratique et citoyenne au sein de la communauté scolaire, les conseils de la vie lycéenne ne doivent pas être les simples frères jumeaux des conseils d'administration d'établissement, c'est-à-dire sans réel pouvoir d'intervention et de proposition pour les élèves.
Nous le voyons, le budget de l'enseignement scolaire pour 1999, et tout particulièrement ses mesures nouvelles sont au service de la concrétisation des réformes ambitieuses annoncées par le Gouvernement, depuis la déclaration de politique générale de Lionel Jospin.
Oser réduire les crédits, c'est assurément réduire les perspectives de modernisation de l'enseignement scolaire et, plus encore, les perspectives d'avenir de nos jeunes qui nous ont montré leur attachement à un enseignement de qualité pour tous.
C'est pourquoi nous ne pouvons qu'approuver ce budget qui s'inscrit dans la continuité et l'approfondissement de l'action du Gouvernement pour faire de notre école une véritable école de l'égalité des chances pour tous.
Par conséquent, la majorité sénatoriale, dans sa grande sagesse, selon l'expression consacrée, s'honorerait de faire de même. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. le président. La parole est à M. Bohl.
M. André Bohl. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas m'associer aux discussions générales. Je suis simplement concerné par un problème que je suis obligé d'évoquer au niveau national, faute d'avoir trouvé une solution sur le plan local. Il s'agit de la question de l'éducation physique et sportive, qui est actuellement traitée par la mise à disposition des collèges et lycées d'établissements municipaux.
Ces établissements municipaux sont pris en charge par les communes ou les groupements de communes. Je voudrais savoir comment sortir de ce dilemme qui veut qu'actuellement les départements ou les régions disent qu'il ne leur appartient pas de reprendre ces établissements, pendant que les collèges et les lycées assurent n'avoir pas les moyens de les reprendre.
Ma question est simple ! Pardonnez-moi, je suis très bref, mais, à cette heure de la nuit, cela me paraît préférable.
M. René-Pierre Signé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Madame la ministre, monsieur le ministre, je me réjouis de votre projet de budget. Je n'interviendrai pas sur les points que mes camarades ont évoqués, car je partage totalement leur opinion.
Au moment de prendre la parole sur un sujet qui me passionne - peut-être un peu trop ! - et qui peut apparaître quelquefois comme une antienne à laquelle je serais trop attaché, j'hésite, car je ne voudrais pas que mes propos soient pris comme une critique, alors qu'ils se veulent de simples suggestions concernant plus particulièrement les nouvelles techniques d'information et de communication.
Votre projet de budget prévoit des crédits afin de développer les ressources pédagogiques multimédia pour les établissements publics du premier et du second degré. Je m'en tiendrai au premier degré.
Vous me pardonnerez si mon intervention peut paraître quelque peu excessive et, de ce fait, comme critique d'une insuffisance. En effet, je ne souhaite en rien m'associer aux propos idéologiques tenus par la droite de notre assemblée qui, par principe, a adopté des positions d'hostilité exagérées qui ne correspondent nullement à ce projet de budget...
M. René-Pierre Signé. Positions injustifiées !
M. Franck Sérusclat. Elles sont, en effet, parfaitement injustifiées !
Mes quelques réflexions concernent ce que l'on a appelé, dans la loi Jospin de 1989, les trois cycles d'apprentissage, initial ou d'approfondissement, entre deux et onze ans.
Le premier cycle concerne près de 6 millions d'enfants. Votre projet de budget, madame la ministre, prévoit 65 millions de francs pour poursuivre le financement des nouvelles technologies. Une telle distance existe entre ces deux chiffres que je souhaite vous faire part de ma préoccupation : comment sera assurée l'égalité des chances depuis l'école maternelle jusqu'au collège et au lycée ? En revanche, des initiatives ont d'ores et déjà été prises s'agissant du lycée.
J'accorde une attention toute particulière à cette égalité des chances et à la nécessité de dispenser un apprentissage progressif des nouvelles technologies d'information et de communication. Comme vous l'avez indiqué en commission des affaires culturelles, nous avons la responsabilité d'apprendre à lire, à écrire et à parler. Or aujourd'hui coexistent deux façons d'apprendre à lire et à écrire. Elles se complètent sans s'opposer : d'une part, la méthode classique, celle de l'apprentissage que nous connaissons dès l'école maternelle en manipulant le crayon, le pinceau, puis progressivement la plume et le stylo, et, d'autre part, l'ordinateur.
Nous ne pouvons éviter que, dès cette étape des tout premiers apprentissages, ne se produise cette rencontre entre deux moyens d'apprendre à lire et à écrire. Les difficultés sont différentes d'une technique à une autre, tout simplement parce qu'il faut manier deux alphabets et que l'écriture et la finalisation de la pensée sont facilitées par l'ordinateur.
Par conséquent, une aide importante doit être apportée au développement de l'usage progressif de ces deux méthodes.
Vous devriez avoir la chance de pouvoir concrétiser, à l'école maternelle et primaire, une initiative analogue à celle de Jules-Ferry, qui décida que tous les enfants de France devaient apprendre à lire et à écrire progressivement. Aujourd'hui, vous devez, me semble-t-il, leur faire enseigner l'usage de l'ordinateur, dont l'intérêt est d'ores et déjà reconnu par des expériences réalisées dans 15 % à 20 % d'écoles avec les moyens du bord, et qu'il conviendrait non seulement d'aider, mais de diffuser.
Et c'est là où la première question se pose : faut-il un ordinateur par enfant, comme il a son stylo ou sa trousse, ou bien un ordinateur pour deux enfants ? En tout état de cause, il est hors de question d'en rester à la situation actuelle d'un seul ordinateur pour quatre écoles maternelles et un seul ordinateur par école primaire !
Or il est évident que les 65 millions de francs prévus ne sont pas à la hauteur d'un tel projet. Plusieurs milliards de francs seraient nécessaires pour que l'apprentissage des nouvelles technologies d'information et de communication soit efficace dès le début de la scolarité.
Est-il possible d'imaginer une répartition des moyens de financement entre l'Etat, les collectivités locales et les familles ? Il est évident que la mise en place d'ordinateurs et les fournitures scolaires constituent la fonction première des collectivités locales. Or il n'est pas pensable qu'elles puissent seules dégager une vingtaine de milliards de francs. Je me permettrai donc de faire une comparaison un peu sacrilège : on vient de consacrer 20 milliards de francs à un programme d'essais en laboratoire d'armes nucléaires dissuassives, à une époque où, pour l'instant, rien ne justifie une inquiétude d'attaque militaire. Quel serait l'ennemi ? Pourquoi ne pourrions-nous pas disposer également de 20 milliards de francs pour l'enseignement ?
Si l'école ne réussit pas à s'adapter, ne peut-on craindre que l'enseignement ne se déplace dans la famille ? Aujourd'hui, des élèves peuvent travailler chez eux par l'intermédiaire du Web. Un enfant a dit : « Mon instituteur est sur le Web. »
Par conséquent, le problème est de savoir si l'école saura s'adapter à l'évolution de notre société, donc à l'usage de ces outils numériques, lentement et correctement appris pour en connaître toutes les subtilités, mais en évitant les duplicités.
C'est à cela que je vous convie. J'espère que vous parviendrez à promouvoir cette démarche dans des temps aussi courts que possible et en la développant de façon aussi importante que possible dès l'école maternelle. (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Signé. M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'apprécie le budget de l'enseignement scolaire. C'est un bon budget, en progression significative. Face aux problèmes et aux défis qu'elle doit affronter, l'éducation nationale a, en effet, dégagé un certain nombre d'axes intéressants, qui mérient d'être salués.
Faute de temps, je limiterai mon propos aux ZEP et à l'embauche d'aides-éducateurs.
Je me réjouis donc, en particulier, de l'effort de relance des ZEP mené par votre ministère. Vous avez raison de refuser la dualité entre une école où on étudierait et une autre où l'on ne chercherait qu'à résoudre des problèmes sociaux. Je me réjouis d'une politique scolaire refusant la fatalité des générations perdues.
Redonner la priorité aux ZEP comme vous le faites, c'est prendre acte des succès de cette démarche depuis seize ans, et donc bien considérer que les jeunes issus de familles en grande difficulté peuvent réussir et trouver leur place dans la société. C'est faire preuve d'ambition et d'exigence pour eux et envers eux, dans un cadre adapté qui leur offre les meilleures chances possibles et dès le plus jeune âge.
A cet égard, un rapport déjà ancien, mais toujours d'actualité, rappelle, dans ses conclusions, à quel point l'origine sociale demeure déterminante dans la réussite scolaire des élèves. Concrètement, ces enfants souffrent souvent, du fait des problèmes de leurs parents, de retards multiples d'apprentissage et de socialisation. Un certain nombre se voient adresser la parole pour la première fois en français au jour de leur première rentrée scolaire. Des carences affectives sont également observées dans un nombre de cas qui n'est pas négligeable. Mais comment en serait-il autrement quand la misère écrase jusqu'à l'espoir de s'en sortir ?
En qualité d'élu d'une région rurale, j'applaudis à la volonté de votre ministère d'articuler l'impulsion donnée aux ZEP avec les actions d'aménagement du territoire. Cette mesure, appuyée sur le contrat de réussite fondé sur les mêmes programmes et sur le réseau d'éducation prioritaire, est tout aussi intéressante, loin des cités où se concentrent de façon spectaculaire les problèmes économiques et culturels des enfants, dans les zones rurales, qui voient, elles aussi, s'accroître la pauvreté à un rythme inquiétant. Cette pauvreté est d'ailleurs parfois subie par des familles qui ont cru adoucir leur situation en quittant la ville pour la campagne.
Il faut également encourager une scolarisation précoce, dès l'âge de deux ans ; c'est le meilleur moyen de renforcer les chances de ces enfants. Chaque année passée à grandir sans école aggrave le retard des futurs élèves des établissements situés dans les ZEP.
Enfin, je voudrais attirer votre bienveillante attention sur la situation des aides-éducateurs. Madame, monsieur le ministre, madame le ministre, vous faites preuve de solidarité et de volonté en matière d'emploi, en prévoyant l'embauche de 20 000 aides-éducateurs, au titre de ce budget dans le cadre du dispositif des emplois-jeunes défini par la loi du 16 octobre 1997. Leur nombre sera ainsi porté à 65 000. Précisons rapidement ce que recouvrent ces postes.
Les aides-éducateurs travaillent en majorité dans les écoles et ont été particulièrement affectés aux établissements situés en zone sensible et en zone rurale. Ils évoluent donc le plus souvent dans un environnement instable, dans ces zones où la souffrance scolaire se fait beaucoup plus entendre que la sage parole des enseignants, qui y jouent un rôle inestimable et reconnu. Ils exercent des fonctions d'aide à la surveillance et d'aide au travail personnel. Cela permet de faire progresser la pédagogie vers plus d'individualisation et plus de suivi, ce qui constitue un biais considérable pour fournir aux élèves en difficulté le soutien dont ils ont besoin et que l'égalité des chances exige.
Il s'avère que la présence des aides-éducateurs est devenue, au bout d'un an à peine, tout simplement indispensable. En effet, ils ont amélioré le climat difficile qui régnait dans certains collèges et servent de manière générale de médiateurs entre les élèves et le corps enseignant.
Autant dire qu'ils contribuent à l'édification d'établissements scolaires adaptés à l'élève, qui peut trouver, auprès d'eux, une écoute précieuse. Ils participent donc à la réforme et à l'amélioration du système éducatif français.
Dans cette perspective, je me permets d'attirer votre attention sur un décalage délicat entre, d'une part, l'importance du travail des aides-éducateurs sur le terrain et, d'autre part, la fragilité de leur statut. Il est vrai que la loi du 16 octobre 1997 en fait des salariés de droit privé et exclut ainsi la pérennisation de leur emploi dans la fonction publique. Pourtant, ne serait-il pas envisageable de faciliter le suivi de formations dans le cadre de leur projet professionnel - c'est un droit prévu par la loi du 16 octobre 1997 - formations qui leur ouvriraient plus facilement les portes à de nombreux emplois liés à l'enseignement scolaire ? Je pense ici, par exemple, aux concours de recrutement d'enseignants de niveau bac plus 3.
Les aides-éducateurs manifestent une certaine inquiétude quant à leur avenir professionnel et soulignent également les difficultés qu'ils rencontrent pour obtenir des formations et l'existence d'horaires inégaux selon les établissements. Ils méritent d'être entendus.
Certains parlent de passerelles à développer, permettant aux aides-éducateurs de passer dans d'autres secteurs, dans des collectivités locales ou des associations. L'éducation nationale aurait pourtant beaucoup à perdre et peu à gagner à se séparer d'un tel savoir-faire, d'une telle richesse pratique.
Il n'en demeure pas moins que vous consacrez budgétairement cette grande innovation que constituent les aides-éducateurs. Pour cette raison, et pour bien d'autres qui ont été exposées par mes collègues du groupe socialiste, je voterai, ainsi que mon groupe, sans réserve, ce budget. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de l'éducation nationale est le premier budget de l'Etat. Il importe donc qu'il soit examiné avec soin et avec rigueur, comme il est normal que les débats qu'il suscite donnent lieu à un certain nombre d'échanges. Il est non moins normal que ces échanges, par-delà les sensibilités politiques, aient pour finalité d'améliorer l'ensemble de notre système éducatif : tel est, en tout cas, ma conception de la démocratie parlementaire !
Parlons d'abord du budget dans sa globalité. Je crois savoir qu'un amendement tend à le réduire.
Mme Hélène Luc. Vous avez bien compris !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Que les choses soient claires : étant, je crois, le premier d'une longue série de ministres de l'éducation nationale à décider des redéploiements et à remettre un certain nombre de wagons sur les rails - par exemple, payer des heures supplémentaires annuelles pour trente-six semaines quand elles sont faites sur trente-six semaines et non pas pour quarante-deux semaines - je me sens totalement libre de vous dire que ce n'est pas parce que nous avons remis de l'ordre dans une maison qui en manquait que le budget de l'éducation nationale est pour autant suffisant.
Nous n'avons pas le meilleur budget de l'éducation nationale au monde. Nous dépensons moins, beaucoup moins que les Etats-Unis. Nous manquons énormément de postes et, dans l'enseignement supérieur, ce manque de postes se mesure non pas en dizaines mais en centaines. Nous manquons de postes d'ATOS, d'infirmières, de médecins, et de tout ce qui fait l'environnement de l'école. Simplement, je considère qu'il faut faire un certain nombre d'efforts de gestion avant de réclamer des moyens supplémentaires. Telle est ma stratégie.
Il n'est pas question que je cesse de réformer.
Il est de bon ton de dire qu'il y a trop de fonctionnaires. J'ai demandé à Sciences Po de recenser le nombre d'agents qui, aux Etats-Unis d'Amérique - des Etats qui donc ne sont pas spécialement socialistes ...
M. René-Pierre Signé. Ça non ! Pas encore !
M. Alain Vasselle. Heureusement !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... travaillent dans les services publics, c'est-à-dire dans les transports, les hôpitaux, et l'enseignement. Eh bien ! le total est supérieur au nôtre, sauf que, là-bas, la moitié de l'enseignement est privé, la moitié des transports et la moitié des hôpitaux sont privés.
Donc, que ceux qui se plaignent du trop grand nombre de fonctionnaires se déclarent contre l'enseignement public, contre le service public de la justice, contre l'hôpital public. Alors, et alors seulement, ce sera cohérent !
M. René-Pierre Signé. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il faut diminuer le nombre des fonctionnaires ? Soit, mais jamais personne ne me dit qu'il y a trop d'infirmières, trop de juges, trop d'agents administratifs dans les communes, ...
M. Jean-Louis Carrère. Ou de gendarmes !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... trop de gendarmes, en effet, ou trop de policiers !
Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faut affaiblir le service public. La démographie nous est favorable, mais nous ne profiterons pas de la baisse des effectifs d'élèves pour diminuer en conséquence le nombre des personnels. Non, car c'est une chance unique pour faire de notre éducation nationale, qui est de bonne qualité mais qui peut encore être améliorée, la première du monde. Ce n'est pas au moment où se présente cette opportunité qu'il faut diminuer notre effort.
Mon engagement, il est totalement pour l'école républicaine. Notre école républicaine, je la crois menacée par une vague de libéralisme qui accrédite l'idée qu'elle pourrait être bien meilleure si elle fonctionnait sur des moyens privés. Et c'était le sens tout à fait clair de l'intervention de M. Carle, dont je connais les engagements par ailleurs.
M. René-Pierre Signé. C'est ce que nous avons entendu.
M. Jean-Claude Carle. Pas du tout !
M. René-Pierre Signé. Mais si !
M. Jean-Claude Carle. Absolument pas !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Le service public, qui, certes, doit rester fidèle à ses principes, n'est pas uniquement l'égalité pour tous. Pour moi, il doit être en même temps à la pointe de la modernité. Un service public qui serait en retard serait un service public affaibli.
Le service public doit être le meilleur pour assurer les conditions de la justice sociale. Mme Royal et moi-même avons un principe : l'école de la République doit être son propre recours. Le propre recours, ce ne sont pas les cours particuliers pour les enfants de riches. Le propre recours, ce n'est pas laisser l'aménagement des rythmes scolaires à un autre ministère. Le propre recours, ce n'est pas penser que, pour se moderniser, l'école doive se moderniser de l'extérieur.
Depuis que nous sommes arrivés à la tête de l'éducation nationale, nous avons lancé un certain nombre de réformes de gestion. Il n'est ni possible ni raisonnable de gérer de manière centralisée 1 200 000 fonctionnaires. Je dis parfois que je suis le premier employeur du monde. Et de loin, pourrais-je ajouter, car ceux qui me suivent n'en sont qu'à 200 000 personnes. Personne n'est dans mes talons ! Pour gérer ce million de fonctionnaires, nous avons continué ce que Lionel Jospin avait amorcé...
M. René-Pierre Signé. Et que M. Bayrou a oublié !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... et que, malheureusement, mon prédécesseur n'a absolument pas poursuivi puisqu'il a, au contraire, recentralisé. C'est ainsi que nous avons déconcentré le mouvement, en concertation avec l'ensemble des partenaires syndicaux. Un décret est en cours d'application.
Est-ce que cela marchera ? Est-ce que cela ne marchera pas ? Cela marchera sûrement mieux que la centralisation qui prévalait auparavant, et je vais vous en donner une preuve.
Jusqu'à présent, les enseignants faisaient leur demande de mutation entre décembre et janvier, mais recevaient leur affectation entre la fin juillet et le début septembre. Certains ne disposaient que de quatre jours pour déménager de Dunkerque à Marseille ! Dans le nouveau système déconcentré, ils feront leur demande en février - en avril pour ceux qui ne changent pas d'académie - et ils auront le résultat le 20 juin ; autrement dit, ils auront deux mois et demi pour se préparer. De plus, les concours de recrutement auront lieu désormais après le mouvement, et non plus avant, ce qui, par conséquent, donnera l'opportunité aux proviseurs et aux recteurs d'ajuster les effectifs en fonction des besoins.
Nonobstant quelques difficultés que l'on risque de constater ici ou là pour la première année d'application du dispositif, au total, nous aurons fait un grand pas en avant.
Je passe sur la réforme de l'administration centrale, qui est déjà d'importance, pour en venir à la deuxième réforme de gestion : la politique contractuelle. Au lieu de nous battre tous les ans pour un poste d'instituteur ici, un poste d'enseignant dans un collège là, une négociation sera désormais menée avec les rectorats, responsables de leur gestion, sur la base d'un plan pluriannuel.
S'agissant du rattrapage des inégalités, nous sommes fiers d'avoir strictement tenu les engagements pris pour la Seine-Saint-Denis,...
M. Christian Demuynck. Non !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... même si, au coin de votre rue, monsieur Demuynck, il manquait quelque chose.
M. Christian Demuynck. Pas au coin de ma rue : dans tout le département !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Nous avons strictement tenu nos engagements !
M. Christian Demuynck. Vous ne voulez pas reconnaître vos erreurs. Vous pourriez être honnête, au moins !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, la Seine-Saint-Denis a fait l'objet du premier plan de rattrapage. Vous avez été au gouvernement pendant quatre ans, et rien n'a été fait !
M. Christian Demuynck. Cela n'a rien à voir : je parle de vos promesses !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Mes promesses ont été intégralement tenues, comme l'ensemble des élus de la Seine-Saint-Denis le reconnaissent.
M. Christian Demuynck. Mais non !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je suis au regret de vous le dire.
M. Christian Demuynck. Quand avez-vous rencontré ces élus, monsieur le ministre ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, je rencontre régulièrement celui qui représente la Seine-Saint-Denis.
M. Christian Demuynck. Ah oui !
M. Claude Allègre. ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je rencontre régulièrement un conseiller général...
M. Christian Demuynck. C'est le conseil général qui est compétent ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Oui, il l'est en Seine-Saint-Denis. Parfaitement !
M. Christian Demuynck. Je ne savais pas qu'il l'était pour les écoles maternelles, les écoles primaires, les collèges et les lycées...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous avez beaucoup de choses à apprendre sur l'école ! J'ai pu le constater tout à l'heure en vous écoutant ! (M. Demuynck s'exclame.)
M. le président. Je vous en prie, monsieur Demuynck, n'interrompez pas M. le ministre !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il peut m'interrompre ; je lui répondrai, et sur le même ton.
M. le président. Mais c'est moi qui préside, monsieur le ministre. (Sourires.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous avez raison, excusez-moi.
Dans le même temps, nous avons donné des moyens et un plan pluriannuel à la Guyanne - 280 postes ont été créés cette année - ainsi qu'à la Réunion, en Guadeloupe et en Martinique. L'ensemble de ces départements auxquels s'ajoutent un certain nombre de zones limitrophes de la Seine-Saint-Denis étaient en retard depuis des années, et personne n'avait apporté la moindre solution. Que faisait-on ? On envoyait des maîtres auxiliaires tous les ans à la dernière minute. Or, il n'y a plus de création de postes de maître auxiliaire, si ce n'est les 1 000 postes qui ont été créés immédiatement. Tant qu'il y avait le mouvement national, il fallait bien ajuster. Nous en avons intégré 6 000 cette année. Nous en intégrerons 6 000 l'an prochain, suivant les règles républicaines, c'est-à-dire des concours, et non des recrutements par une mesure générale.
Dans l'enseignement public français, il n'existe plus d'emploi précaire en ce qui concerne les enseignants. Malheureusement, il en reste encore parmi les personnels ATOS, et j'y reviendrai un mot tout à l'heure.
Nous nous sommes attaqués au problème de l'absentéisme, et j'en dirai quelques mots car cela a été très mal compris. L'absentéisme n'est pas le fait des seuls enseignants. A l'éducation nationale, l'habitude était prise de convoquer des enseignants à tout moment sans se préoccuper des élèves, de mobiliser des collèges pour faire passer des concours, toujours sans se préoccuper des élèves, etc. Le programme « Pas de classe sans enseignant » a fait diminuer de deux tiers la non-fréquentation des classes. Tous les parents d'élèves et les associations qui les représentent le savent.
Il fallait remettre un certain nombre de choses sur les rails. Cela concernait non pas l'enseignant de base ou la responsabilité de quiconque, mais un système qui se dégradait d'année en année et dans lequel on ne prêtait pas suffisamment attention au fait que lorsqu'on provoque, par exemple, une réunion pédagogique à tel moment, on met des enfants dans la rue.
Cette année, au sein de mon administration centrale, j'ai constaté que l'on avait convoqué quarante eneignants pendant dix jours pour tester je ne sais quoi sans se préoccuper du fait qu'ils délaissaient leur classe. Il ne suffit pas de remplacer un enseignant. En effet, quand un enfant change de maître trois fois dans l'année, alors qu'il suit l'apprentissage fondamental, il en subit les conséquences. Ce n'est pas un problème de remplacement. La continuité est extrêmement importante dans l'enseignement.
Un certain nombre de choses devaient être remises en ordre et il fallait engager des réformes.
Je vais vous indiquer dans quels domaines, selon moi, l'enseignement avait pris du retard, à tel point que l'on entend parfois des élus abonder dans ce sens.
Tout d'abord, s'agissant du primaire, nombreux étaient ceux qui avait abandonné l'idée selon laquelle l'école pourrait enfin prendre en compte les rythmes de l'enfant, l'enseignement des langues étrangères, la pratique des sciences comme le fait « La main à la pâte », la musique ou le sport pour tous. Mon prédécesseur ayant tellement baissé les bras, c'est le ministre chargé de la jeunesse et des sports qui a dû se préoccuper de ce problème.
Vous m'interrogez sur le rapport Delevoye. Ce rapport comporte un inconvénient pour le ministre de l'éducation nationale : il ne prend pas en compte les performances scolaires. Or je pense que l'école n'est pas un lieu d'amusement.
M. Christian Demuynck. Ça, c'est vrai !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. C'est pourquoi j'ai demandé personnellement aux inspecteurs de l'éducation nationale d'établir un rapport pour connaître les résultats, car c'est cela qui m'importe. Pour moi, l'école, c'est d'abord un lieu où l'on apprend. Si l'on s'y amuse, c'est bien, mais c'est d'abord un lieu fait pour apprendre.
M. Christian Demuynck. Nous sommes d'accord !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Par conséquent, il ne faut pas dire que c'est un grand succès. Cela étant, je trouve très positif que, à l'époque, M. Drut ait suppléé la carence de l'éducation nationale. Lorsque j'organiserai le lancement de l'école du xxie siècle, je demanderai à M. Drut de venir prendre la parole. Pour ma part, je n'éprouve pas de problèmes idéologiques. Je veux améliorer l'école.
S'agissant de cette opération, aucun attermoiement ne s'est manifesté. Un point s'est dégagé : le succès considérable des expériences de rythmes scolaires. Je me suis aperçu que le nombre d'enseignants, le nombre d'écoles qui avaient réalisé des expériences de rythmes scolaires était très supérieur à l'estimation donnée au départ, à savoir environ 2 000. Je ne vois pas de quel droit nous les aurions exclus. Comme l'Institut pédagogique national ne peut assurer le suivi que de 2 000 écoles, nous prenons un échantillon de 2 000 sur l'ensemble. Je ne vois pas au nom de quoi j'aurais été amené à dire : « vous, vous n'entrez pas dans l'expérience » ou « vous, vous y entrez ». Nombreux sont les établissements à avoir fait cette expérience, mais l'éducation nationale, globalement, ne le faisait pas.
A cet égard, je dois le dire, les aides éducateurs ont été une aubaine extraordinaire dans cette opération, car l'école de demain n'est plus l'école d'hier. Pour apprendre tout ce qu'il convient de savoir, une seule personne ne suffit pas.
C'est aussi le cas en ce qui concerne les assistants de langues. Sur ce point, je vous précise - c'est une information importante - que nous avons introduit une nouveauté : lorsque nous négocions avec un pays étranger un certain nombre d'assistants de langues, nous négocions la contrepartie d'assistants de français dans ce pays. Par conséquent, quand vous votez un budget pour 1 000 assistants de langues, vous votez en même temps le budget de l'aide pour 1 000 Français qui vont dans des pays étrangers enseigner le français. Ainsi, j'ai négocié au Mexique 100 assistants de langues et 100 Français iront dans ce pays enseigner notre langue. Cela permet de favoriser l'apprentissage non seulement des langues étrangères en France, mais également du français hors de nos frontières. Le dispositif prévoit une participation financière pour aider nos jeunes.
J'en viens à la réforme des lycées. La plus grande injustice qui existe dans notre pays est due à l'inflation des programmes. Je défie quiconque - je suis prêt à lui faire passer un examen quand il veut dans ma spécialité - de comprendre ce qui est écrit dans les manuels de terminale. Dans ces livres, figurent mes propres travaux, d'ailleurs « estropiés », qui n'ont rien à y faire. Si un élève est aidé, par ses parents ou en prenant des leçons particulières, il passe. Tel n'est pas le cas quand il est seul et issu d'une famille modeste.
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je veux donc des programmes qui se concentrent sur l'essentiel.
Abaissera-t-on le niveau ? Assurément non ! Comment pouvez-vous penser, ne serait-ce qu'un instant, que je veuille abaisser le niveau ? Je veux, au contraire, l'élever. Je veux qu'il y ait moins de choses mais qu'elles soient mieux sues. En effet, à l'heure actuelle, on propage l'à-peu-près. Quand les jeunes arrivent à l'université, ils ne savent pas toujours rédiger, ils connaissent nombre de détails mais ignorent des choses essentielles. Je veux que l'on revienne à l'essentiel, aux connaissances de base et que l'on aide les élèves.
Il existe une véritable industrie du cours particulier. Les élèves qui obtiennent leur diplôme avec mention sont souvent des élèves aidés ; ce n'est pas normal. Dans les grandes écoles, le nombre d'enfants issus de familles modestes a reculé en valeur absolue. Mais la cause d'échec ne se situe pas seulement en premier cycle, elle est aussi avant.
Troisième point sur lequel l'école ne s'est pas modernisée : l'enseignement en alternance au niveau professionnel. Sous des prétextes idéologiques, elle a refusé l'enseignement en alternance. Nous avons négocié très longtemps, durant toute cette année, pour mettre sur pied ce qui s'appellera « l'enseignement professionnel intégré », c'est-à-dire un enseignement entièrement en alternance qui sera proposé à partir de l'année prochaine pour l'enseignement professionnel.
L'enseignement technologique, c'est un autre problème, plus difficile, sur lequel nous progressons. En effet, cet enseignement est à cheval entre l'enseignement général et l'enseignement professionnel. Il a une tendance fâcheuse à basculer dans l'enseignement général et théorique, alors qu'il devrait basculer de l'autre côté.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. C'est vrai !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je ne fais pas de promesses inconsidérées. Je ne vous promets pas que je résoudrai le problème de l'enseignement technologique, qui est difficile.
On ne réglera ces problèmes qu'en adaptant les nouvelles technologies. Il faut entrer dans les nouvelles technologies, il faut qu'elles pénètrent. Nous avons fait un bilan de leur utilisation en France, notamment à Marseille. Nous établirons un nouveau bilan l'an prochain. La pénétration des nouvelles technologies, ce n'est pas seulement la mise en place des appareils, c'est aussi la pédagogie et la création de logiciels.
Dans dix jours, aura lieu un concours de création d'entreprises. Dans ce cadre sera organisé un concours de création de logiciels éducatifs pour inciter les Français à créer de tels logiciels.
Les nouvelles technologies sont au coeur de la rénovation de notre enseignement, et nous nous dirigeons vers cet objectif. M. Sérusclat estimait que ce n'était pas aussi rapide et égalitaire qu'il le souhaitait. C'est vrai, mais nous progressons.
Actuellement, 90 % des lycées et 70 % des collèges sont connectés à Internet. L'équipement des écoles primaires démarre. L'Etat fait un effort. Je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, l'effort devrait être plus important. Nous ferons le maximum.
Je terminerai par un point qui me tient à coeur. Ayant replacé un certain nombre de modes de fonctionnement de ce ministère sur des bases démocratiques et claires,...
M. René-Pierre Signé. Saines !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... permettant au ministre d'effectuer son travail et de dialoguer avec les différents acteurs, des conclusions ont été tirées, en généralisant sur le problème des enseignants.
Contrairement aux nombreuses personnes qui s'expriment sur ce sujet, je connais les enseignants. Non seulement je suis enseignant, mais je continue à enseigner, tout en exerçant mes fonctions de ministre. Mes parents étaient enseignants. Ma fille est enseignante. Mon frère est enseignant et ma femme également. Donc, j'appartiens à ce milieu.
L'enseignement est une tâche difficile. L'année dernière, lorque certains fonctionnaires de Bercy se sont mis à faire des calculs sur le nombre d'heures de travail des enseignants, leur rémunération, et en ont conclu qu'il fallait augmenter les horaires des enseignants, je leur ai fait savoir qu'il faudrait me passer sur le ventre pour augmenter lesdits horaires.
Actuellement, notre action est en train de permettre une amélioration pour tout le monde. Pour faire l'école du XXIe siècle, nous allons, avec des éducateurs sportifs, des éducateurs musicaux et des assistants de langue, discuter en même temps de l'aménagement du temps de travail des instituteurs.
Vingt-sept heures par semaine dans un quartier difficile - vous le savez en Seine-Saint-Denis - c'est un travail très dur.
M. Christian Demuynck. Tout à fait d'accord !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Les enseignants concernés ont droit à un allégement de charges. Ce que nous allons réaliser, et que personne n'a fait auparavant, c'est l'aménagement du temps de travail des enseignants, l'amélioration du temps de travail et des conditions de vie.
Pour les enseignements des lycées, l'idée, c'est qu'au lieu de faire dix-huit heures de cours magistraux les certifiés feront quinze heures - quatorze heures pour les professeurs de français - plus trois heures ou quatre heures d'aide aux élèves. Cela permettra aussi de remettre à égalité les obligations de cours entre les agrégés et les certifiés. Nous allons donc vers une meilleure égalité entre les deux catégories. Dans le même temps, une aide effective sera apportée aux élèves qui ont le plus de difficultés. Ainsi, ils pourront se faire aider à un moment, ce qui est souhaitable pour tout le monde.
Il en est de même pour l'enseignement professionnel. L'enseignement en alternance va naturellement libérer un certain nombre d'heures, allégeant ainsi la charge des professionnels, lesquels pourront donc travailler en entreprise et se tenir ainsi au fait des nouvelles techniques de l'entreprise.
En effet, monsieur le sénateur, vous m'avez reproché tout à l'heure de remplacer dans l'enseignement professionnel les professionnels par des maîtres-auxiliaires. Si c'est quelque peu vrai, c'est simplement parce que, dans certains métiers, nous ne trouvons plus de professionnels disponibles. Tel est le cas actuellement dans les métiers du bois, secteur dans lequel nous ne trouvons plus de professionnels acceptant de venir enseigner. Le marché de l'emploi repartant, nous nous heurtons à un déficit d'enseignants pour les lycées professionnels. C'est un problème très sérieux et extrêmement difficile à résoudre, en particulier en Seine-Saint-Denis. L'engagement de maîtres-auxiliaires permet donc de régler cette question.
Par ailleurs, une négociation est intervenue s'agissant des lycées professionnels. Ces derniers, grâce aux régions, bénéficient aujourd'hui, pour la plupart, de très bons équipements qui ne sont utilisés qu'un tiers du temps dans l'année. Ces équipements pourront constituer des plates-formes technologiques que les petites et moyennes entreprises et les petites et moyennes industries pourront venir utiliser dans le cadre du contrat d'alternance.
M. Ivan Renar. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Par conséquent, ce sur quoi je m'engage, je m'y engage vraiment. Mais je ne résous pas tout.
La déconcentration constitue un premier mouvement. Il faudra la réussir, faire en sorte que les choses se passent correctement, normalement, et ainsi, par exemple, que tous les ordinateurs fonctionnent. Je ne promets pas que tout se passera impeccablement, mais nous essaierons de faire au mieux.
Je ne trouve pas que le projet de budget de mon ministère soit suffisant. Ce que je souhaiterais, c'est que, pendant la période où nous réformons, nous ne soyons pas soumis à de trop grandes contraintes budgétaires, quitte ensuite à nous apercevoir peut-être qu'il y a trop d'enseignants ici ou là. Avec la gestion centralisée qui est celle des enseignants de l'enseignement secondaire, il est très difficile d'adapter les choses.
Etait en outre en vigueur un règlement que vous ne connaissez peut-être pas,...
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Mais si !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... dont j'ignore pourquoi on l'avait pris, et qui avait pour effet que les candidats reçus au concours de l'agrégation faisaient leur année de fonctionnaires stagiaires dans l'académie où ils avaient préparé le concours. Résultat : tous les philosophes faisaient leur stage en responsabilité à Paris, et c'était la même chose en mathématiques.
De même, l'académie de Toulouse ayant, je ne sais pourquoi, des réussites exceptionnelles aux CAPES professionnels, elle avait des excédents dans un certain nombre de spécialités professionnelles. Il a fallu de longues négociations pour obtenir que les stages se fassent là où des besoins existaient.
Cela prend du temps de remettre de l'ordre dans cette maison !
Mais la centralisation, mesdames, messieurs les sénateurs, est une illusion !
Je voudrais, en terminant, rendre hommage à Jules Ferry sur un point qui n'est ni simple ni simpliste. Quand il a voulu fonder l'école républicaine, il y avait en France le même nombre d'enseignants du primaire, c'est-à-dire d'instituteurs potentiels - la plupart travaillaient dans l'enseignement privé, et, pendant dix ans, la réforme de Jules Ferry s'est d'ailleurs faite en utilisant les enseignants du privé -, que de professeurs agrégés à l'heure actuelle.
Son adjoint Ferdinand Buisson et lui-même se demandaient s'il fallait organiser un concours national d'instituteurs. Et ils eurent l'idée de génie de créer les écoles normales, c'est-à-dire de déconcentrer d'entrée de jeu et de situer ces écoles dans chaque département, c'est-à-dire près des gens ! Tout le monde s'est senti en quelque sorte propriétaire de son école normale, et personne n'a accusé Jules Ferry et Ferdinand Buisson de ne pas être républicains sous prétexte qu'ils déconcentraient.
Evidemment, il n'existait que quelques dizaines de lycées - un à Bordeaux, deux à Lyon - et c'est pourquoi le recrutement n'avait pas besoin d'être déconcentré.
Aujourd'hui, on fait passer le CAPES de lettres modernes à Paris. Cette épreuve, assurée par trente jurys différents qui sont côte à côte, est qualifiée de concours national. Non ! Ce sont trente concours nationaux, mais on se raccroche au mythe de l'égalité par la centralisation. Est-ce vraiment une réalité ?
Par conséquent, seule la déconcentration permettra, à mon avis, à ce service public d'être le meilleur, et même - je n'ai pas peur de le dire - d'être le meilleur du monde ; en effet, nous pouvons avoir le meilleur système d'éducation du monde !
Les socialistes ont fait la décentralisation, dont personne, aujourd'hui, ne se plaint.
M. René-Pierre Signé. Pourtant, ils l'ont combattue !
M. Alain Vasselle. Seulement ses effets pervers !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il me semble donc dans l'ordre des choses qu'ils procèdent, dans l'avenir, à la déconcentration dans le respect des valeurs de l'école républicaine, auxquelles je suis fondamentalement attaché. (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes et celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre délégué.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu de l'heure tardive, mon intervention sera relativement brève.
Je voudrais tout d'abord remercier Mme et MM. les rapporteurs, en particulier M. Lachenaud, qui a bien voulu remplacer M. Delong, rapporteur spécial, Mme Luc et M. Bernadaux, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles, ainsi que l'ensemble des sénateurs qui ont contribué utilement à la discussion.
Ce débat a été quelque peu agité, et je voudrais sans tarder répondre en abordant l'un des premiers thèmes évoqués par plusieurs d'entre vous - la relance de l'éducation prioritaire - et corriger ainsi certaines inexactitudes qui ont été émises, en particulier s'agissant du département de la Seine-Saint-Denis.
Monsieur Demuynck, les engagements en Seine-Saint-Denis ont été tenus : alors que 60 ZEP avaient été promises, il y en aura beaucoup plus. En effet, 150 écoles élémentaires, 142 écoles maternelles et 53 collèges sont entrés en ZEP à la rentrée de 1998. Pour les seuls collèges, un élève sur deux de Seine-Saint-Denis sera en zone d'éducation prioritaire. Par conséquent, par rapport à cet effort sans précédent, vous avez émis un certain nombre de contrevérités ! (M. Christian Demuynck proteste.)
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Ce faisant, vous ne rendez service ni aux établissements scolaires ni au personnel enseignant ! J'étais ce matin en Seine-Saint-Denis,...
M. Christian Demuynck. Où ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué ... à l'occasion du salon du livre à Montreuil.
J'ai rencontré un certain nombre d'enseignants. Ils sont actuellement engagés avec beaucoup d'énergie sur l'émergence des contrats de réussite, c'est-à-dire l'effort qualitatif que les établissements scolaires sont prêts à faire pour accompagner ces moyens supplémentaires. Quelle que soit la sensibilité politique que l'on défend, on doit être au coude à coude avec ces équipes, qui ont un travail considérable à accomplir.
Voilà qui me permet d'évoquer rapidement les grands principes présidant à cette relance de l'éducation prioritaire. Tout d'abord, la mise en place des réseaux d'éducation prioritaires va permettre de sortir de la logique du tout ou rien, de la logique de zone, de ghetto : soit on était en ZEP, soit on n'avait rien du tout ! Aujourd'hui, la mise en place des réseaux va permettre à un certain nombre d'établissements scolaires - écoles, collèges et lycées - de se regrouper, de mutualiser leurs ressources pédagogiques et de recevoir des moyens supplémentaires de l'académie.
Ces réseaux d'éducation prioritaire sont engagés dans la définition et la signature de contrats de réussite. Il est en effet important, lorsque l'Etat accorde des moyens supplémentaires, que l'utilisation de ces derniers soit évaluée, ciblée sur des actions pédagogiques prioritaires à partir du diagnostic fait réseau par réseau, établissement par établissement, bien orientée, et que soient associés les différents partenaires puisqu'un certain nombre de problèmes, telle la question aiguë de la violence, par exemple, doivent être réglés en partenariat avec les parents et avec les acteurs de la politique de la ville.
Bref, la carte des réseaux d'éducation prioritaires et des ZEP est en cours de redéfinition. Elle se fait grâce à des moyens supplémentaires puisque 129 millions de francs de crédits supplémentaires sont prévus, grâce à un amendement gouvernemental, afin de relancer la politique d'éducation prioritaire, ce qui nous permettra de classer au total 190 collèges supplémentaires en zones d'éducation prioritaires, 80 collèges en sortant parallèlement. C'est un exercice délicat, mais la crédibilité de la politique de l'éducation prioritaire nécessite à mon avis une révision de la carte scolaire afin que nous soyons bien certains de donner vraiment plus là où cela est réellement nécessaire.
Ces moyens supplémentaires permettront donc la création de 12 000 indemnités de sujétion spéciale supplémentaires, c'est-à-dire que 12 000 enseignants verront leur rémunération augmenter et ainsi reconnaître effectivement la difficulté d'exercice de leur travail.
Tous les collèges situés en ZEP se verront intégrés dans une catégorie supérieure.
Enfin, il est bien évident que ces crédits prévoient aussi des actions pédagogiques particulières qui vont permettre d'accompagner les contrats de réussite que j'évoquais tout à l'heure.
Toujours dans cette logique de lutte contre les inégalités et contre les exclusions, je voudrais rapidement évoquer les efforts relatifs à une politique sociale ambitieuse.
Tout d'abord, les bourses des collèges sont rétablies et améliorées, leurs moyens globaux passant progressivement de 800 millions de francs à plus d'1 milliard de francs, soit un accroissement de plus de 35 % sur deux ans.
Le plan pour la santé scolaire constitue un axe très important de la politique sociale. Il prévoit 400 créations d'emploi de médecins, d'infirmières et d'assistantes sociales, le développement d'actions de prévention, l'intégration d'un module de vingt heures d'éducation à la santé dans les collèges, la reconduction du fonds social pour les cantines à hauteur de 250 millions de francs - cela fait pour moi partie d'une politique de santé au sens large - et celle des fonds sociaux pour les collèges et les lycées à hauteur de 310 millions de francs. A cet égard, j'ai donné des instructions pour que ces crédits puissent permettre le financement de dépenses de santé.
Tous les établissements scolaires doivent mettre en place des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté. Un crédit nouveau de 5 millions de francs est prévu pour rendre ce dispositif opérationnel.
Je voudrais enfin aborder le dispositif de lutte contre la violence, thème qui a été évoqué par plusieurs d'entre vous.
Nous avons renforcé des actions à portée éducative dans un but de prévention de la violence : il en est ainsi de l'éducation civique et de l'apprentissage du respect de la loi, de la maternelle au baccalauréat.
Par ailleurs, les classes relais, qui visent à rescolariser des collégiens entrés dans un processus de rejet de l'institution scolaire, sont développées : leur nombre est passé de 60 à 100, cette année ; il sera porté à 250 à la rentrée de 1999.
Les dispositifs « écoles ouvertes » ont été renforcés : le nombre d'écoles ouvertes a été pratiquement doublé grâce à des crédits complémentaires.
Enfin, un travail sur le règlement intérieur et les chartes de vie scolaire a été encouragé au sein des établissements scolaires ; en particulier, tous les contrats de réussite que j'évoquais tout à l'heure devront comporter un travail sur les chartes de vie scolaire et les droits et les devoirs des élèves.
En deuxième lieu, toujours s'agissant de la violence, nous avons donné une impulsion interministérielle très forte et, pour la première fois, un texte commun à l'éducation nationale, à la justice, à la police, à la gendarmerie et à la politique de la ville a été rédigé à destination de tous les établissements scolaires. Un guide pratique a été élaboré pour indiquer aux chefs d'établissement la conduite à tenir dans les situations de violence, des incivilités comme la violence verbale - là aussi, il faut prendre des mesures afin qu'elle ne se dégrade pas en phénomène de violence plus aigue - jusqu'aux problèmes de racket.
Ainsi, une campagne contre le racket a été lancée, avec la diffusion d'une brochure tirée à 3 millions d'exemplaires dans les collèges et la mise en place d'un numéro vert SOS violence au ministère.
Ce numéro vert a également fonctionné dans la lutte contre le bizutage, grâce à l'adoption par la représentation nationale de la loi tendant à réprimer cette pratique. Pour la première fois, des actions en justice ont d'ailleurs été engagées pour mettre fin définitivement à ces comportements d'extrême violence dans les établissements scolaires.
Enfin, ont été renforcées aussi avec beaucoup de détermination la lutte contre toutes les formes de maltraitance et la lutte contre toutes les formes d'abus sexuels, et l'opération des « passeports de prudence » en classe primaire a été renouvelée cette année. Les dispositifs de soutien qui font suite à des signalements de maltraitance, qu'ils soient exercés dans le milieu scolaire ou dans les familles, sont maintenant opérationnels sur l'ensemble du territoire.
En troisième lieu - et ce sera le dernier point que j'aborderai, car il a bien fallu faire un choix entre les nombreux thèmes qui vous intéressent, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui m'empêchera de répondre à l'ensemble de vos questions - je voudrais évoquer la défense de l'école rurale.
Quelles sont les grandes lignes de notre politique en la matière, à la lumière des conclusions du rapport que j'avais demandé à M. Lebossé pour défendre l'école rurale et lui donner un nouveau souffle ?
Une instruction, qui est actuellement en consultation syndicale, va prochainement être diffusée à l'ensemble du système scolaire afin de renforcer un mouvement de défense de l'école rurale, mais aussi un mouvement d'imagination, d'émergence des projets.
C'est ainsi que les regroupements pédagogiques intercommunaux, qui ont été évoqués par certains d'entre vous et dont certains se trouvent à bout de souffle, devront évoluer vers la mise en place de réseaux d'écoles rurales qui bénéficieront de moyens d'accompagnement afin que, sur le territoire, se dessine une cartographie cohérente de pôles scolaires durables susceptibles de freiner le départ des élèves vers les chefs-lieux de cantons, de remobiliser des équipes pédagogiques, de leur donner l'envie de travailler en réseaux, c'est-à-dire en équipes, par l'intermédiaire des nouvelles technologiques ou par le biais de maîtres itinérants qui vont pouvoir améliorer la préscolarisation des élèves, à l'école maternelle en particulier.
Des mesures de lutte contre l'isolement des maîtres et des élèves seront mises en place et encouragées.
Un certain nombre de mesures de formation, liées à la mise en place de programmes spécifiques de formation initiale et continue des maîtres, seront adaptées à la réalité de l'enseignement en milieu rural.
Enfin, des mesures d'amélioration de la liaison entre les collèges et les écoles seront encouragées et tous les départements devront mettre en place un groupe de travail sur l'avenir des petits collèges, en particulier en développant à nouveau les internats dans les collèges, pour essayer d'attirer vers les petits villages ruraux des potentiels d'internes, ce qui permettra aux élèves d'avoir une plus grande motivation scolaire mais aussi d'avoir accès à la multiplicité des options. Il faut en effet suffisamment d'élèves pour avoir accès à cette diversité d'enseignement.
Quoi qu'il en soit, je crois qu'il n'y a pas de fatalité dans la désertification rurale, que l'école est souvent l'un des derniers services publics en milieu rural et qu'elle doit donc participer pleinement à la politique de l'aménagement du territoire. Le ministère est en tout cas prêt à accompagner très fortement les efforts que les collectivités locales souhaiteront accomplir dans cette direction.
C'est également la raison pour laquelle j'ai veillé à ce que soit inscrite dans les contrats de plan Etat-région la possibilité de cofinancer les internats dans les collèges, soit pour l'accueil des élèves de proximité, soit pour l'accueil des élèves urbains de la même académie, soit encore pour l'accueil des élèves de milieu urbain plus éloignés, à l'instar de l'expérience qui a déjà été tentée dans certains départements.
Je ne veux pas terminer cette intervention sans présenter quelques observations sur les amendements que défendra tout à l'heure M. Lachenaud au nom de la commission des finances et qui visent à réduire ce budget de plusieurs milliards de francs.
Monsieur le rapporteur spécial, je crois que, lorsque l'on vote des amendements, au Sénat ou dans tout autre assemblée, il faut s'interroger sur leurs conséquences sur le terrain. C'est ce qui fait le sel de la responsabilité politique !
En l'occurrence, l'appel que vous lancez à la majorité sénatoriale en vue de supprimer des moyens pour le système scolaire se traduira inévitablement sur le terrain par une réduction du nombre des postes. Je vais prendre un exemple que vous connaissez bien, monsieur Lachenaud, celui du Val-d'Oise. Si nous appliquons votre principe, nous ne pourrons pas refaire en 1999 ce qui a été fait lors de la dernière rentrée : alors que les effectifs scolaires en primaire ont diminé de 1 700 élèves, nous aurions dû reprendre soixante-dix postes si nous avions appliqué le principe que vous demandez à vos collègues de voter à l'instant, et qui consiste à appliquer à la stricte baisse des effectifs le niveau du budget de l'enseignement scolaire. Or votre département n'a rendu que vingt-cinq postes, c'est-à-dire que nous y avons maintenu quarante-cinq postes, ce qui est un effort considérable qui nous a permis de répondre, en particulier, à la situation d'insuffisante préscolarisation des élèves, puisque ne sont scolarisés dans ce département que 16 % des enfants de moins de trois ans.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Nous l'avions noté !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Par conséquent, je crois qu'il faut être prudent et écarter toute idéologie dans ce domaine car, si vous diminuez les effectifs, monsieur le sénateur, cela signifie très concrètement que, dans le département du Val-d'Oise, il y aura beaucoup moins d'enfants qui seront scolarisés parce qu'il faudra bien prendre les postes quelque part.
Je crois aussi devoir vous rappeler que le département du Val-d'Oise a été prioritairement servi dans le domaine des emplois-jeunes.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Nous l'avions noté !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Vous avez ainsi bénéficié de 1 350 emplois-jeunes ; 1 100 sont déjà recrutés et en poste, les 250 autres sont en cours de recrutement.
Alors, monsieur le sénateur, si vos amendements sont adoptés, il faut que vous sachiez à quoi cela correspond sur le terrain !
Si M. Delong avait été présent - et nous lui souhaitons, bien sûr, un prompt rétablissement - je lui aurais dit, puique c'est lui qui devait défendre ces amendements - mais il pourra lire mes propos au Journal officiel - que son département a un ratio nombre d'instituteurs pour 100 élèves qui est un des meilleurs de France.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Laissons-le se remettre ! Ne lui annonçons pas une mauvaise nouvelle !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Il sera intéressé par ma réponse !
Alors que le calcul arithmétique que vous nous proposez, qui est fondé uniquement sur la baisse démographique, aurait conduit à plus de 100 retraits de postes dans ce département si nous avions voulu l'aligner sur la moyenne nationale, dans le département de M. Delong, des dotations ont permis le maintien en milieu rural de classe de quatorze à dix-sept élèves, la mise en place sur la ZEP de Saint-Dizier d'un collège hors les murs, un appui supplémentaire de douze maîtres pour les enseignants des classes qui avaient besoin d'un réseau de soutien pour les élèves en difficulté.
Aussi, messieurs de la majorité sénatoriale, avant de proposer des amendements, il faut, je le répète, mesurer très concrètement leurs conséquences sur le territoire parce qu'on ne peut pas proposer dans cette enceinte des baisses de crédits et des baisses d'effectifs et manifester sur le terrain avec les parents d'élèves pour obtenir des ouvertures de classes ! Nous saurons nous en souvenir. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. René-Pierre Signé. Ils sont très illogiques !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, pour terminer de façon paisible en cette nuit qui commence, livrer à notre méditation commune cette belle phrase de Marguerite Yourcenar dans les Mémoires d'Hadrien : ...
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Un très beau livre !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. ... « Notre erreur, c'est parfois d'essayer d'obtenir de chacun les vertus qu'il n'a pas et de négliger de cultiver celles qu'il possède. »
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre budget vise à la fois à cultiver les potentiels qui existent mais aussi à créer des talents nouveaux. C'est pourquoi nous vous demandons de le voter ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je m'aperçois que je n'ai pas répondu à une question importante qui m'a été posée concernant les aides-éducateurs.
Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas non plus répondu aux miennes, monsieur le ministre !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Lesquelles ? Pardonnez-moi si je n'ai pas répondu totalement à vos questions, mais je vous ai dit qu'il y aurait un grand débat, je vous ai répondu longuement sur l'enseignement professionnel, je vous ai dit aussi ma préoccupation vis-à-vis de l'enseignement technologique.
Mais j'en reviens aux emplois-jeunes.
Premièrement, de 25 % à 30 % des aides-éducateurs trouvent un emploi au cours de leur contrat. Autrement dit, il y aura un renouvellement global en cinq ans et, si je souhaite la pérennisation des emplois, je ne souhaite pas celle des personnes. C'est ainsi, il convient de le noter, que les titulaires d'emplois-jeunes qui ont réussi le concours d'entrée dans les IUFM sont beaucoup plus nombreux que les surveillants d'externat.
Deuxièmement, l'année dernière, 33 % des titulaires d'emplois-jeunes, en moyenne, suivaient une formation. Ils sont cette année 70 %, avec de grandes fluctuations géographiques puisque, dans certains départements, ce taux atteint 90 % alors que dans d'autres, malheureusement, comme la Seine-Saint-Denis, il n'est que de 40 %.
J'ai dit aux recteurs que, tant qu'ils n'auraient pas 100 % de titulaires d'emplois-jeunes en formation, ils n'auraient plus d'emplois-jeunes. Je veux en effet que les titulaires de ces emplois suivent une formation. Cela étant, les taux que nous connaissons avec les emplois-jeunes dépassent de deux fois et demie ceux qui ont été atteints par les contrats emploi-solidarité. Mais, je l'ai dit, j'inciterai les recteurs à développer encore les formations.
Permettez-moi de vous indiquer au passage pourquoi je n'ai pas été un grand fanatique des emplois-jeunes dans les collèges et les lycées. Je craignais, en effet, depuis le début, un risque de confusion avec les surveillants d'externat, les MI-SE, dans le jargon. A ces derniers, qui ont récemment fait grève, je veux dire que nous appliquons le décret du 28 février 1938, qui dispose, en son article 2, que les surveillants d'externat doivent être de futurs enseignants, en son article 4 que, en cas d'absence des professeurs, ils remplacent ceux-ci et font, s'ils ont les titres adéquats, les cours à leur place, en son article 5 que leurs horaires et leurs emplois du temps doivent leur permettre de poursuivre leurs études. Or, aujourd'hui, malgré cela, le taux d'échec moyen des surveillants d'externat est de quatre sur cinq. En effet, assurer vingt-huit heures de surveillance par semaine, cela ne permet pas de mener à bien des études. C'est même impossible pour les études scientifiques, parce que l'on demande plus d'heures de présence à l'université. C'est la loi, et nous n'avons pas l'intention de la changer, mais de l'appliquer.
Lorsque nous disons, s'agissant des 3 000 recrutements supplémentaires de MI-SE, que la priorité doit être donnée aux élèves de première année d'IUFM, qui, pour quatorze heures de travail, toucheront 3 500 francs par mois, somme cumulable avec une bourse si leur condition sociale le justifie, petit à petit nous rétablissons un système qui n'aurait jamais dû être supprimé, c'est-à-dire les allocations pour les premières années d'études.
Il est normal, selon moi, que l'éducation nationale accorde un préfinancement à ceux qui se destinent à l'enseignement.

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