Séance du 20 novembre 1998






LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 (n° 65, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 66 (1998-1999).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Peyrefitte.
M. Alain Peyrefitte. Monsieur le président, Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous achevons donc ce matin la discussion générale du budget, le budget d'une France lancée dans la mondialisation, c'est-à-dire dans le défi de la modernité.
Or, ce budget - on l'a démontré hier - manque à la fois de prudence et d'audace.
De prudence, car il s'expose, sans possibilité d'ajustement, à un retournement de conjoncture. Qui peut assurer que, cette année, la croissance sera, comme le Gouvernement l'estime, de 2,7 % ? L'an dernier, vous estimiez à 3 % la croissance moyenne de 1998, monsieur le secrétaire d'Etat. Au second semestre, elle est passée sous cette barre. Qu'en sera-t-il l'an prochain ?
Mais, surtout, ce budget manque d'audace, car les fruits de la croissance un peu témérairement annoncés - 75 milliards de recettes supplémentaires pour l'Etat, c'est loin d'être négligeable ! - qu'en fait-il ? Il les distribue allègrement - à l'Assemblée nationale, on dirait « démagogiquement », mais nous sommes au Sénat (Sourires) - sans engager les réformes structurelles qui devraient s'imposer, sans réduire les dépenses publiques, sans réduire la dette, sans réduire le déficit.
Tout cela, le rapporteur général et le président de la commission des finances, ainsi que plusieurs orateurs, hier soir, l'ont vigoureusement démontré.
Ce que je voudrais faire ressortir, ce sont les considérations idéologiques qui ont visiblement présidé à l'établissement de ce budget.
En fait, ce budget, empreint de réminiscences marxistes,...
M. Paul Loridant. Oh !
M. Alain Peyrefitte. ... se complaît dans la mystique de l'Etat omnipotent.
Il est trop clair que ce budget n'a de cohérence que si l'on a présentes à l'esprit les différentes composantes de la majorité dite « plurielle », qui doit se livrer à un numéro permanent d'équilibriste : à l'une des composantes on accorde la progression rapide et forte de la fiscalité, à l'autre on concède l'alourdissement de la taxation du gazole. Arbitrage médiocre, à vrai dire, entre des verts et des communistes qui se disputent la palme des utopies. (Mme Odette Terrade s'esclaffe.)
Pour masquer l'incohérence d'une majorité écartelée entre des choix idéologiques opposés, on sacrifie sur l'autel de la coalition électorale la cohérence d'un budget, le budget de la France.
Mais s'agit-il encore du budget de la France, ou plutôt du budget de l'Etat ? Ce budget place l'Etat au coeur du dispositif économique. Dans ce village planétaire qui est désormais notre horizon, croyez-vous vraiment que ce soit là le moyen de nous préparer à la terrible concurrence qui nous assaille déjà, alors que les seules entreprises françaises qui créent tant bien que mal du profit, et donc de l'emploi rentable, les seules entreprises qui ne soient pratiquement pas atteintes par des grèves sont les entreprises privées, alors que les seules entreprises qui soient régulièrement en déficit et régulièrement perturbées par des grèves récurrentes sont des entreprises publiques ?
Croyez-vous vraiment qu'il faille de nouveau appliquer les vieilles recettes marxisantes qui ont fait pourtant la preuve de leur échec : toujours plus d'impôts prélevés sur la partie marchande de l'économie, qui est la véritable force vive de la nation, toujours plus de dépenses publiques, au nom d'une redistribution fallacieuse des richesses ?
On bride les élans générateurs d'emplois, on décourage les prises de risques, celles-là mêmes qui font une économie prospère, une économie jaillissante.
Car le budget que vous présentez est bien révélateur d'une conception idéologique : un Etat dominateur, un « mammouth », pour reprendre l'image chère à l'un de vos collègues, qui pèse d'un poids à nul autre pareil en Europe puisqu'il absorbe plus de 54 % de la production nationale, selon les plus récentes statistiques fournies par l'Union européenne.
On pourrait aussi bien le comparer à cet animal fabuleux, le catoblépas, qui se dévore lui-même (M. le rapporteur général sourit) ; il n'a même pas la force de lever la tête, celle-ci traîne à terre, et il dévore ses propres jambes. De toute façon, on peut le comparer à un mastodonte qui stérilise l'activité économique alors qu'il devrait la stimuler.
Cette conception, dont on sait bien ce qu'elle recèle de pure idéologie, est seule à même de cimenter votre majorité plurielle, monsieur le secrétaire d'Etat.
L'omnipotence de l'Etat, telle qu'elle apparaît dans votre budget, est comme un dernier vestige d'une pensée marxisante qui depuis longtemps n'a plus cours en Europe, y compris dans les pays dits sociaux démocrates, mais, heureusement pour ceux-ci ! convertis depuis longtemps aux lumières de l'économie de marché.
La France fait figure de fossile, si l'on veut bien la comparer à la Grande-Bretagne de Tony Blair ou à l'Allemagne de Gerhard Schröder.
Le budget que vous présentez, c'est celui d'un Etat qui se pare des oripeaux d'une prétendue croissance solidaire, alors qu'il y a tout lieu de penser qu'il risque de la brider davantage encore.
Il est curieux, mais il est significatif de remarquer que la structure de nos prélèvements obligatoires et de notre épargne privée représente l'image inversée d'un pays que l'on dit communiste depuis un demi-siècle : la Chine.
Chez nous, plus de 54 % de la production nationale est absorbée en prélèvements obligatoires et moins de 14 % reste aux mains de l'épargne privée. En Chine, il y a 14 % de prélèvements obligatoires, impôts et charges sociales confondus, tandis que 45 % de la production nationale va à l'épargne privée. De quoi rêver !
Et la Chine a entrepris de réduire de moitié le nombre de ses fonctionnaires ! (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Eh oui !
M. Alain Peyrefitte. De quoi rêver aussi !
Chez nous, quand on a fait la décentralisation, en transférant aux collectivités locales des fonctions exercées jusque-là par l'Etat, on n'a pas diminué d'un seul fonctionnaire les différents services, les différents effectifs déconcentrés de l'Etat : DDA, DDASS, constructions scolaires, etc. On ne les a pas diminués, on les a doublés par autant de fonctionnaires locaux d'abord contractuels et vite titularisés !
Là-bas, dans ce pays qu'on prétend communiste, on a compris comment on fait maigrir le mammouth ; ici, on s'obstine à l'engraisser.
Pour payer à grand prix les illusions d'un Etat pourvoyeur d'emplois, les impôts vont, quoi que vous prétendiez, augmenter en termes réels. Ils vont augmenter plus rapidement que la richesse nationale puisqu'on prévoit une augmentation du PIB de 3,8 % en valeur et une augmentation des recettes fiscales nettes de 4,3 %.
L'impôt sur le revenu s'alourdit avec un nouveau supplément de 4 milliards de francs supporté par les familles ; 600 000 familles sont concernées par la baisse du quotient familial de 16 000 à 11 000 francs. Naturellement, ce sont des considérations idéologiques, là encore, qui conduisent à taxer ainsi la famille, et donc l'avenir de la nation.
On pourrait dire que ces considérations ne manquent pas de cohérence avec cette autre offensive contre la famille qu'est votre étrange projet de PACS. Notez bien que si les droits de succession n'étaient pas chez nous aussi lourds, les difficultés des couples homosexuels seraient déjà réglées pour une bonne part. Mais c'est une solution qui ne vous vient pas naturellement à l'esprit ; elle n'est pas dans votre logique. Vous préférez construire une nouvelle mécanique étatique, une nouvelle usine à gaz dont le contrôle et le fonctionnement même vont obliger à recruter de nouveaux fonctionnaires.
Admirons au passage le tour de passe-passe que constitue la baisse, vigoureusement claironnée, de 4 milliards de francs de la TVA que la croissance de l'impôt sur le revenu vient exactement compenser. Or, là encore, vous vous êtes livrés à un effet d'annonce fallacieux.
Il en va de même de la très médiatique baisse de l'impôt sur les entreprises ! Combien de fois nous a-t-elle été vantée ? Il est vrai qu'elle fait très socialisme-libéral, très nouvelle gauche, après les errements du socialisme-populisme.
C'est un fait nouveau, en effet, chez les socialistes, que de se préoccuper de la seule cellule de la société qui soit créatrice d'emplois, créatrice de richesses : l'entreprise.
On pourrait se réjouir devant cette conversion. Mais elle n'est que de façade et n'a que des incidences dérisoires, car la réforme phare de votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, je veux parler de celle de la taxe professionnelle, pénalise bien des entreprises et aussi les collectivités territoriales.
La compensation budgétaire que vous prévoyez révèle bien la volonté jacobine de centralisation étatique qui est la vôtre.
Face à cette pression fiscale de plus en plus écrasante, face à cette volonté croissante de nivellement, il n'est guère étonnant que nos jeunes diplômés prennent la clé des champs, s'échappent vers des pays plus hospitaliers : la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Canada, dont les gouvernements s'affichent volontiers sociaux-démocrates mais dont la politique fiscale est délibérément libérale.
Cet exil de l'intelligence française est dramatique à bien des titres.
Au même moment, nous sommes envahis par une main-d'oeuvre d'immigrants non qualifiée pour laquelle nous n'avons pas d'emploi mais que nous n'avons pas la générosité d'aider à trouver du travail chez elle par une politique contractuelle et volontariste de codéveloppement.
Non seulement l'exil de nos élites obère l'avenir de notre nation mais, en outre, il sert ces pays attractifs à l'heure où la guerre économique se fait impitoyable et où les entreprises étrangères désertent notre sol.
Le travail à haute valeur ajoutée nous échappe dans le même temps et le même mouvement que les évasions de fonds à cause des effets cumulatifs d'un égalitarisme à courte vue et d'une fiscalité suicidaire qui favorise simultanément la fuite des cerveaux et la fuite des capitaux.
Les orientations de votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, hypothèquent la santé économique de notre pays. Aucune marge de manoeuvre ne permettra de renverser une conjonture changeante. Les dépenses engagées par les hausses de salaires et les emplois-jeunes sont définitivement fixées sans que l'on puisse les geler en cas de coup dur et, à plus long terme, en 2002, que dire à cette jeunesse sous perfusion victime de l'illusion socialiste des emplois-jeunes ? Car les résultats en matière d'emploi, dont le Gouvernement se flatte, ne sont imputables qu'à un leurre, celui des emplois-jeunes - sans eux, la courbe du chômage resterait inchangée - leurre provisoire qui tiendra seulement jusqu'aux échéances électorales. Et qu'y a-t-il là de surprenant, alors que le Gouvernement se complaît dans l'indemnisation du chômage, sans avoir le courage de mener à bien les réformes de fond qui s'imposent pour combattre le fléau en stimulant les créations d'entreprises ?
A plus forte raison, les nombreuses formes de CDD qui permettent de faire sortir des demandeurs d'emplois des statistiques de l'ANPE ne sont qu'une réponse sociale à la tragédie du chômage et non une réponse économique aux besoins de créations d'emplois.
Certes, il est plus payant, en matière électorale du moins, de satisfaire des revendications catégorielles, d'annoncer à son de trompe des baisses d'impôt, de masquer l'ampleur du chômage par des mesures anesthésiantes ; il serait plus efficace d'oser placer l'entreprise au coeur du dispositif économique, cela exigerait, plus que de la lucidité, du courage.
Entendons-nous bien, à nos yeux comme aux vôtres, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne veux pas en douter, l'Etat est seul à même de préserver la souveraineté de la nation, et notamment son influence à l'extérieur ; mais, précisément, cette action est menacée par l'amputation considérable du budget des affaires étrangères et de la coopération car, en laissant libre cours aux dépenses publiques, aux creusements des déficits dans les domaines électoralement payants, l'Etat se limite dans les moyens, dans les ambitions et, à plus long terme, dans l'existence même de son pouvoir régalien.
Quand plus de 54 % du produit national est employé à la dépense publique, fait unique en Europe, faut-il s'étonner que les investisseurs nationaux et internationaux fassent preuve de défiance face à un Etat aussi glouton ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. C'est complètement faux !
M. Alain Peyrefitte. J'espère que vous pourrez nous le démontrer, monsieur le secrétaire d'Etat, mais l'analyse objective de votre projet de budget me conduit hélas ! à cette conclusion : l'Etat est glouton et les investisseurs nationaux et internationaux marquent de la méfiance devant lui.
La voie à emprunter est tout autre : par des mesures plus audacieuses, en matière de retraite notamment dont la réforme, une fois de plus, est remise à une date ultérieure,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. On fait de nouveaux rapports !
M. Alain Peyrefitte. ... l'Etat devrait se recentrer sur ses missions essentielles pour être efficace, lutter contre le chômage, préserver la souveraineté nationale, faire entendre la voix de la France dans le monde.
Non, ce budget ne nous réserve pas des lendemains qui chantent, il hypothèque lourdement l'avenir.
Non, il ne permettra pas de combattre le chômage...
M. Marc Massion. Si !
M. Alain Peyrefitte. ... sinon par des artifices ponctuels.
Non, il se sert pas les intérêts réels de l'Etat, de la nation, des Français.
Voilà pourquoi nous voterons contre lui ; voilà pourquoi nous voterons pour le budget alternatif préparé avec soin et avec réalisme par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais m'exprimer sur le mode mineur après M. Peyrefitte.
Ce budget est un budget charnière : c'est le budget de la France dans la zone euro. Nous entrons nécessairement dans une période où la compétition fiscale et budgétaire entre les pays européens va s'intensifier. Ce sont les Etats qui réduiront le poids des prélèvements ; ce sont les Etats qui géreront de façon efficace les dépenses publiques, qui pourront en tirer profit pour l'emploi et pour l'investissement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget ne va pas vraiment dans cette voie : après l'effort - que je reconnais - poursuivi pour la qualification à l'euro, vous suivez une pente plutôt de facilité qui donne la priorité à la croissance de la dépense publique au lieu de profiter, comme le suggère notre excellent rapporteur général, de l'embellie conjoncturelle pour réduire le déficit.
Cette discussion budgétaire, finalement, sous-tend trois débats.
Le premier, qui, pourtant, est essentiel, c'est le débat sur la coordination dans la politique monétaire et budgétaire dans l'Euroland.
J'ai entendu le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, hier, plaider pour une politique budgétaire rigoureuse et une politique monétaire expansionniste. Je serais assez d'accord avec lui, à une nuance près : j'aurais souhaité qu'il ajoute quand même, à la liste des exemples de mauvaise coordination, ce qui est arrivé entre 1990 et 1992 avec Pierre Bérégovoy : on ne peut pas dire que la politique budgétaire ait alors été très rigoureuse et la politique monétaire très expansionniste.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'était exactement le contraire !
M. Yves Fréville. C'était le quatrième contre-exemple qu'il aurait peut-être fallu donner. Mais il faudra passer aux actes pour la rigueur.
Le deuxième débat est celui du taux de croissance prévu, qui est également un objectif, de 2,7 %. Je me rallierai tout à fait à la position de la commission des finances et de notre rapporteur général selon laquelle, dans les circonstances actuelles, quelles que soient les incertitudes, nous allons retenir votre objectif, mais il faudrait savoir - je voudrais que vous puissiez nous le dire - ce qu'il faudra faire, si, dans un mois, dans un an, un retournement de conjoncture se produisait. Augmenteriez-vous l'investissement pour le contrebattre ? Quelle politique mèneriez-vous dans cette incertitude ?
Le troisième débat qui m'intéresse est celui du partage de la marge de maoeuvre de quelque 70 milliards de francs de recettes fiscales et non fiscales supplémentaires que nous apporte l'embellie actuelle de croissance. Elle fera payer aux ménages quelque 40 milliards de francs de plus de TVA et 15 milliards de francs de plus d'impôt sur le revenu.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je considère que ces 70 milliards de francs représentent la marge de manoeuvre disponible avant toutes les augmentations ou diminutions de droits prévues dans le projet de loi de finances.
Hier, j'ai entendu M. le ministre de l'économie dire que l'on pouvait partager cette masse disponible en trois tiers, un tiers affecté à la réduction du déficit, un tiers à la réforme fiscale et le dernier tiers à la progression prioritaire des dépenses dans des directions qui satisfont naturellement la majorité soutenant le Gouvernement, mais qui ne m'agréent pas.
J'ai essayé d'évaluer ces trois tiers ; et j'ai trouvé trois tiers un peu à la Pagnol. Je vais soumettre les résultats de mes travaux, artisanaux, dirais-je, à votre critique, monsieur le secrétaire d'Etat, et je vais vous faire part de mes doutes.
Sur ces 70 milliards de francs, seuls 17 milliards de francs représentent réellement une réduction du déficit ; la réforme fiscale absorbe 5 milliards de francs, ou 10 milliards de francs si l'on tient compte en sus des recettes non fiscales ; le gonflement des dépenses constitue les deux tiers de votre marge de manoeuvre.
La réduction du déficit, pour moi, c'est le service minimum que vous nous proposez, avec une réduction du déficit des opérations définitives de 17 milliards de francs. Vous proposez certes une réduction plus forte de 21 milliards de francs. Mais vous avez joué, comme c'est très souvent le cas, sur le compte d'avances sur impositions locales, équilibré cette année, alors qu'il était déficitaire de 4 milliards de francs l'année dernière. Je souhaiterais que vous me disiez pourquoi l'équilibre est obtenu cette année.
Par ailleurs, comparons les 236 milliards de francs de déficit au niveau des investissements. L'Allemagne, comme nos collectivités locales, s'accorde le droit d'emprunter pour financer des investissements, pour faire payer aux générations futures les services qu'ils rendent.
Que trouvons-nous dans votre projet de budget ? Nous y trouvons quelque 160 milliards de francs d'investissement. Faisons bonne mesure - cela ne plaira pas tout à fait à M. le rapporteur général - et disons même que le fonds de compensation pour la TVA est une subvention à l'investissement : vous disposez de 180 milliards de francs ; le déficit est donc supérieur d'au moins 50 milliards de francs à nos investissements.
Mais nous devons conserver aussi, dans l'Europe, la maîtrise de l'arme budgétaire, je le disais tout à l'heure, à des fins conjoncturelles. Or cette arme sera totalement émoussée, inutilisable en période de récession si nous accumulons des déficits en période d'expansion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est tout le problème !
M. Yves Fréville. Vous avez - vous ou vos services - dit des choses très justes lors du débat d'orientation budgétaire : « Pendant les phases d'expansion, le budget doit pouvoir reconstituer ses réserves. » Vous ajoutiez qu'« il est nécessaire que, en période de croissance, le déficit soit substantiellement et rapidement résorbé ».
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas assez !
M. Yves Fréville. Cela est excellemment dit. Mais pourquoi ne le faites-vous pas ?
De 1990 à 1993, le déficit a augmenté de 250 milliards de francs, grosso modo . De combien a-t-il été réduit depuis 1993 ? De seulement 110 milliards de francs, et encore, à hauteur de 80 milliards de francs grâce à nous, et simplement, comme je le disais, de 17 milliards de francs par vous cette année. Vous n'observez donc pas les règles que vous vous fixez à vous-mêmes.
Enfin, dernière ligne de défense que vous nous avez avancée hier pour expliquer cete faible diminution des déficits, vous dites qu'en période de conjoncture incertaine il ne faut pas baisser la garde, mais il faut soutenir la demande globale. A cet effet, vous proposez d'augmenter la masse salariale des fonctionnaires !
Moi, je me réfère à une idée plus ancienne peut-être, selon laquelle, lorsqu'on veut soutenir la demande globale, on augmente l'investissement. Je pense que c'est cela qu'il faudrait faire, d'autant plus que cette demande est réversible : lorsqu'on l'a accru, on peut revenir en arrière.
Ainsi, le déficit n'est pas suffisamment réduit.
Je crois, en second lieu, que votre réforme fiscale est inefficace pour l'emploi.
Vous nous annoncez des réformes de structures, mais, en dehors de la réforme de la taxe professionnelle, ajoutée d'ailleurs un peu en catastrophe dans le paquet, j'ai surtout trouvé dans votre projet de budget un paquet de mesures, très habilement ficelées d'ailleurs, je le reconnais, pour satisfaire à bon compte toutes les composantes de votre majorité plurielle : une bonne augmentation de l'ISF, un peu de TVA en moins - 5 milliards de francs - une TIPP un peu plus propre, un peu plus de taxe sur les allumettes - je ne sais pas pourquoi - ...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous avons supprimé la taxe sur les allumettes !
M. Yves Fréville. ... et un peu moins de timbres fiscaux, ce qui est très bien.
Tout ce paquet réduit-il sensiblement les prélèvements ? J'ai disséqué le fascicule des voies et moyens pour y trouver 19 milliards de francs d'allégements d'impôts locaux, des augmentations de 16 milliards de francs de droits hors indexation du barème de l'impôt sur le revenu - parce que c'est normal - et, par ailleurs, des réductions de droits de 7 milliards de francs.
Le total fait apparaître que la masse utilisée pour la réduction des impôts est de 10 milliards de francs. Mais si l'on tient compte des 5 milliards de francs prélevés sur les fonds propres des caisses d'épargne, on s'aperçoit que la réduction de la charge n'est que de 5 milliards de francs.
Vos choix sont-ils au moins pertinents ?
Je n'aurai pas le temps de dire tout le mal que je pense de la réforme du quotient familial.
J'approuve sans réserve la réduction des droits de mutation, même si elle a certaines conséquences néfastes pour les collectivités locales, et il était peut-être bon d'abaisser le poids de la taxe professionnelle.
Toutefois, la suppression des salaires dans les bases de la taxe professionnelle constitue une mauvaise idée qui conduit à une mauvaise réforme. En le disant, je ne me placerai pas sur le terrain de savoir comment les collectivités locales seront remboursées, des choses excellentes ayant été dites par le rapporteur général et par de nombreux orateurs.
C'est sur le fondement de la réforme que je voudrais insister.
Quand on voit ce qu'est l'évolution de la taxe professionnelle depuis vingt ans que ce chantier existe, on essaie, au fond, de résoudre une contradiction. On veut une assiette qui soit localisable, mais qui soit aussi la plus proche possible de la valeur ajoutée, parce que celle-ci est garante de la neutralité de l'impôt sur le plan des choix économiques. Or, qu'observons-nous depuis quinze ans, sinon une surimposition de plus en plus forte des outillages et des machines dans la part des bases de la taxe professionnelle ?
Il existe dans mon département une grande usine automobile qui emploie dix mille salariés, ce qui n'est pas négligeable. La part des outillages représente 85 % des bases de la taxe professionnelle de cet établissement. C'est cette surimposition des machines par rapport au travail qui freine considérablement l'investissement, dont nous connaissons le caractère totalement défaillant dans notre économie depuis 1990. D'ailleurs, j'entendais M. le ministre dire hier que c'était encore votre inquiétude la plus forte pour l'année prochaine.
Il aurait mieux valu, pour les entreprises, réduire le taux d'incorporation dans les bases des nouveaux outillages et, pour l'emploi, réduire, comme cela a été proposé, les cotisations de charges sociales, et non pas intervenir sur la base salaires de la taxe professionnelle.
De plus, le mécanisme compensateur que vous mettez en place - puisque vous allez majorer pour toutes les grandes entreprises la cotisation minimale sur la valeur ajoutée - confine à l'absurde, car vous allez reprendre d'une main ce que vous donnez de l'autre !
En effet, les salaires que vous avez exonérés d'un côté, vous allez les réimposer de l'autre pour toutes les entreprises qui seront assujetties à cette cotisation minimale assise sur la valeur ajoutée. Comment faire marcher un système fiscal avec un impôt à double assiette, dont l'une contredit l'autre ? Telle est, je pense, la contradiction majeure de votre projet.
J'ajouterai une dernière critique de fond s'agissant du fonctionnement de nos collectivités locales.
Si nous voulons une taxe locale sur les entreprises, c'est pour que les collectivité locales aient les moyens de fournir des services à leurs salariés, pour qu'elles aient intérêt à susciter des créations d'emplois chez elles. Mais si vous supprimez le lien entre les collectivités locales et les salariés, si vous supprimez donc les bases salaires, si vous ne taxez plus que les outillages, alors la taxe professionnelle disparaîtra comme impôt local, n'ayant plus de raison d'être.
A l'intention de nos collègues des villes et d'ailleurs de nombreux collègues de la majorité, monsieur le secrétaire d'Etat, je dirai qu'il suffit de regarder dans quel département la part des salaires est la plus élevée. C'est toujours dans les départements les plus urbains, comme le Val-de-Marne ou la Seine-Saint-Denis. Il y a par conséquent une certaine contradiction entre votre politique de la ville et votre politique de suppression de cette part des salaires dans les bases de taxe professionnelle.
Je terminerai par l'augmentation des dépenses qui, dans ce projet de budget, est mal contenue.
Vous vous donniez comme objectif 1 % de plus que la hausse des prix. J'ai bien entendu l'argumentation de M. le ministre de l'économie hier. S'il en est ainsi, la part des dépenses de l'Etat dans le PIB diminuera, puisque la croissance prévue est de 2,7 %. Je ne suis pas du tout sûr que la hausse des dépenses ne soit très supérieure à celle que vous venez d'indiquer.
D'abord, si la hausse des prix est inférieure à ce qu'il est prévu, à savoir 1,2 %, et reste, comme aujourd'hui, à 0,5 % ou 0,6 %, la part des dépenses augmentera nécessairement, mécaniquement, de 0,6 %, parce que vous n'allez pas diminuer les dépenses une fois qu'elles auront été votées.
Par ailleurs, en étudiant les données de ce projet de budget, les 37 milliards de francs de dépenses supplémentaires me paraissent un peu minorés. Je trouve 8 milliards de francs de plus ! Je vais vous dire où je les ai trouvés.
Premièrement, il m'a semblé très curieux que vous éliminiez de cette liste des dépenses les 4 milliards de francs que vous reprenez au titre de l'allocation de parent isolé à la CNAF. Vous dites qu'on peut l'éliminer à périmètre constant. Toutefois, vous savez très bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que, pour financer ces mesures, vous avez augmenté de 3,9 milliards de francs les impôts du fait du plafonnement du quotient familial.
Alors, pouvez-vous, d'un côté inscrire les 3,9 milliards de francs dans votre budget, et, de l'autre, dire que, à périmètre constant, on ne tient pas compte, pour calculer la croissance des dépenses, des 4 milliards de francs de l'allocation de parent isolé ? Cela me paraît manquer de rigueur. J'y ajouterai - mais cela est plus discutable - les 4 milliards de francs des crédits d'article. Je fais allusion à l'article 5 !
Vous disposiez pourtant de circonstances qui vous auraient permis de faire beaucoup mieux. Je prendrai simplement l'exemple de la charge de la dette : cette année, elle augmente peu, du fait de circonstances tout à fait favorables.
Si cette charge de la dette n'augmente que de 1 % même si elle représente encore quelque 236 milliards de francs, c'est tout simplement parce que - et ce n'est là qu'un phénomène transitoire - lorsque les emprunts à taux élevé arrivent à échéance, vous les remplacez, sans les rembourser, par des emprunts à taux beaucoup plus bas. De ce fait, vous gagnez quelque 8 milliards ou 10 milliards de francs par an.
Naturellement, ce processus aura une fin. Il est bien évident que, dans quelques années, si rien n'est fait pour mettre un terme au déficit budgétaire, l'augmentation de la dette reprendra son cours normal, si je puis m'exprimer ainsi, de 8 milliards à 10 milliards de francs.
En vérité, si l'on veut réduire les dépenses, une fois que l'on a épuisé les gisements traditionnels des dépenses militaires, qui ne peuvent plus être diminués...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Elles sont en hausse !
M. Yves Fréville. Effectivement, elles augmentent, cette année, de 5 milliards de francs.
Si l'on veut réduire les dépenses, une fois que l'on a épuisé les possibilités de réduction des 50 milliards de francs représentant le train de vie de l'Etat, il faut s'attaquer aux deux masses essentielles que sont les dépenses de personnel, d'une part, et les dépenses d'intervention, d'autre part.
S'agissant des dépenses de personnel tout d'abord, je poserai deux simples questions.
Vous fixez une norme suivant laquelle les effectifs de fonctionnaires ne doivent pas varier. C'est une décision a priori . Ils pourraient aussi bien diminuer de 1 000 ou augmenter de 2 000. Ce qu'il faudrait nous prouver, c'est que la décision de ne pas faire varier les effectifs de fonctionnaires se révèle efficace.
Ma seconde question est la suivante : les progrès de la productivité dans le secteur public sont-ils tels que les rémunérations dans le secteur public peuvent continuer à progresser plus vite que les rémunérations dans le secteur privé, comme c'est le cas depuis le début de la décennie ?
S'agissant des dépenses d'intervention, ma question concerne les crédits d'intervention pour l'emploi.
Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'amélioration de l'emploi, que je reconnais, ne devrait pas, dans une certaine mesure, entraîner une réduction de ces crédits globaux ?
On observe tout de même un « effet de ciseaux ». On ne pourra pas maintenir un système dans lequel les dépenses pour l'emploi augmenteront continuellement si l'emploi s'améliore !
Je sais très bien que ce sont là deux politiques difficiles à mettre en oeuvre, mais c'est en s'attaquant - ce qui est le cas du projet alternatif de la commission des finances - à ces deux piliers de la croissance des dépenses publiques - les interventions et les dépenses de personnel - que l'on parviendra réellement à réduire le déficit et, finalement, à suivre les conseils de rigueur que vous vous étiez donnés à vous-mêmes. C'est pourquoi je voterai, bien entendu, le projet alternatif. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Claude Estier. Ce n'est pas une surprise ! M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur les collectivités locales. C'est en effet, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, une des particularités du Sénat que de traiter en profondeur ce qui touche aux collectivités. Or le projet de loi de finances a de nombreuses conséquences sur l'élaboration des budgets locaux.
J'ajouterai que les choix budgétaires effectués par le secteur local ont également une profonde influence sur l'économie de notre pays. En effet, il me faut rappeler que les budgets des collectivités locales représente la moitié du budget de l'Etat, soit environ 10 % du PIB.
Elles emploient 1 350 000 personnes, entretiennent un patrimoine de 2 300 milliards de francs, réalisent plus de 75 % des investissements publics. Les collectivités locales sont également des acteurs prioritaires dans de nombreuses missions publiques, par exemple la lutte contre l'exclusion, l'aide sociale, la cohésion territoriale et j'en oublie bien d'autres.
A partir de 1993, les collectivités locales ont eu de plus en plus de mal à poursuivre leurs missions et à remplir leurs rôles, pris dans un « effet de ciseaux » entre des dépenses de fonctionnement en croissance plus rapide et des recettes de plus en plus malmenées. du fait des difficultés économiques et d'une évolution largement insuffisante des concours de l'Etat, car à peine supérieure à celle des prix.
Pour les concours stricto sensu regroupés dans l'enveloppe du pacte de stabilité, il s'agissait même d'une baisse en volume, puisque l'augmentation sur la période n'a été que de 7,4 %.
Le résultat est particulièrement mauvais pour les concours d'équipement qui accusent une baisse de 12,8 % et il n'est guère brillant pour les concours de fonctionnement. La DGF notamment, principal concours de l'Etat, n'aura ainsi augmenté que de 2,2 % par an en moyenne contre une augmentation annuelle moyenne de 5,6 % lors de la législature précédente. Enfin, les compensations d'exonérations et de dégrèvements auront été largement ponctionnées de 1993 à 1997.
Comme leur gestion est restée fondamentalement saine, les collectivités locales ont dû restreindre leurs efforts d'investissements de 3,7 % en 1995 et de 6,1 % en 1996. Parallèlement, n'ayant pas d'autres choix, elles ont dû augmenter régulièrement et vivement la fiscalité locale : de 1991 à 1997, le produit voté des quatre taxes a dépassé l'évolution du PIB.
La situation est désormais en voie d'amélioration. L'épargne disponible des collectivités s'accroît et, surtout, accélère la relance des investissements enregistrant ainsi une augmentation de 1,3 % en 1997 et de 4,5 % cette année, selon les prévisions.
Trois raisons expliquent cette amélioration.
La première réside dans la mise à profit par les collectivités locales des éléments conjoncturels favorables, tels que la baisse des taux d'intérêt, donc des frais financiers, le dynamisme de la fiscalité grâce à la croissance, et l'élargissement des marges de manoeuvres budgétaires qui en résultent.
La deuxième raison se justifie par la progression désormais plus modérée des dépenses de gestion et des dépenses d'aide sociale.
Enfin, la troisième raison, c'est que le nouveau gouvernement, s'il a dû poursuivre la mise en oeuvre du pacte de stabilité pour cette année 1998, n'a, contrairement aux gouvernements précédents, réservé aucune mauvaise surprise à nos budgets locaux.
Mais il est fondamental que cette amélioration se poursuive.
En effet, si les collectivités locales sont les premières bénéficiaires de la reprise économique amorcée et conduite par le gouvernement de Lionel Jospin, elles y contribuent également. De même, elles jouent un rôle utile dans la réduction des déficits publics. Même si leur besoin de financement n'a jamais dépassé 1 %, il est aujourd'hui positif.
Elles sont aussi des acteurs importants de la reprise de l'emploi, notamment du fait de leur implication dans la mise en oeuvre des « emplois-jeunes ».
Par ailleurs, elles doivent et devront faire face à des charges importantes.
Tout d'abord, la croissance des frais de personnel devrait s'intensifier légèrement, du fait de la hausse des traitements des agents de la fonction publique.
Ensuite, des participations financières importantes sont demandées aux collectivités locales, dans des domaines qui n'ont pas fait ou ont fait insuffisamment l'objet de transferts financiers : secteur sanitaire et social, logement, équipement, éducation.
Enfin, se pose la question des dépenses à engager pour permettre le respect des nouvelles normes environnementales. Je pense notamment à l'application de la directive du 21 mai 1991 relative aux traitements des eaux urbaines résiduaires, à l'application des plans départementaux de gestion des déchets prévus par la loi du 13 juillet 1992 et à la mise aux normes des bâtiments scolaires. Au total, selon une étude du Crédit local de France, c'est 200 milliards de francs par an qu'il nous faudrait investir pour respecter ces normes.
Il est donc important que la loi de finances pour 1999, premier budget réellement élaboré par le gouvernement actuel, permette de répondre aux besoins des collectivités locales et encourage la poursuite de l'amélioration de leur situation.
Cela nous semble le cas. En effet, ce projet se caractérise d'abord par l'élaboration, à l'issue d'une longue concertation avec les représentants des élus locaux - ce que je tiens à souligner - d'un nouveau cadre pluriannuel nommé « contrat de croissance et de solidarité » pour la période 1999-2001. Il permet une lisibilité des évolutions des dotations. Les collectivités locales, pour s'engager durablement, notamment dans l'optique de programmes d'investissements pluriannuels, doivent être assurées de leurs ressources.
J'ajouterai que cela permet de rétablir la confiance entre l'Etat et les collectivités locales, confiance qui avait été atteinte par les promesses non tenues et le pillage organisé de 1993 à 1997, que j'ai dénoncé. Toutefois, pour restaurer totalement cette confiance, il est indispensable que la stabilité des relations financières soit globale, c'est-à-dire qu'aucune charge obligatoire nouvelle ne vienne, j'allais dire par surprise, ou plutôt sans réelle concertation, « polluer » cette lisibilité. Mais j'ai confiance dans le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, pour qu'il n'en soit pas ainsi.
Mais, surtout, l'indexation de l'enveloppe normée est largement améliorée. En effet, l'indice des prix à la consommation, qui était l'ancienne indexation, sera majoré d'une fraction du produit intérieur brut en volume de l'année précédente : 20 % en 1999, 25 % en 2000, 33 % en 2001.
La demande que le groupe socialiste du Sénat, mais il n'était pas le seul, faisait sur la nécessaire prise en compte de la croissance a donc été entendue. Nous aurions souhaité un peu plus, monsieur le secrétaire d'Etat, mais l'effort effectué représente tout de même pour cette année 1999 une amélioration par rapport à l'ancien pacte de un milliard de francs. Ce n'est pas rien !
En outre, la prise en compte de la croissance sera de plus en plus importante chaque année.
Je voudrais sur ce point exprimer mon désaccord avec la position prise par notre commission des finances. Celle-ci va en effet nous proposer de relever l'indexation à 33 % dès 1999 et à 50 % pour les annnées 2000 et 2001. Il est certain qu'un élu local ne peut que souhaiter l'évolution la plus forte possible des dotations que sa collectivité reçoit de la part de l'Etat et, comme je l'ai dit, nous aurions souhaité plus.
Mais la commission, en tout cas sa majorité, aurait été plus crédible si elle n'avait rejeté, il y a deux ans, cette même indexation que nous proposions déjà alors. J'ajoute que le contexte de nos finances publiques ne permet peut-être pas encore d'aller trop loin. Cette appréciation aurait dû être, me semble-t-il, celle de la majorité de la commission des finances. En effet, elle avait approuvé le pacte précédent, qui était beaucoup plus drastique. De plus, elle juge ce projet de loi de finances trop dépensier et pas assez réducteur des déficits.
Il y a là de fortes contradictions !
A l'intérieur de ce pacte, la principale dotation, la dotation globale de fonctionnement, la DGF, augmentera de 2,78 %, soit beaucoup plus que les évolutions des dernières années. La dotation de solidarité urbaine, la DSU, recevra 500 millions de francs en plus des évolutions prévues, ce qui l'augmentera de 45 %. La dotation globale d'équipement, la DGE, qui avait baissé de 1993 à 1997, connaîtra une croissance de 3,8 %. Enfin, les pertes de dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, sont compensées pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et les bourg-centres éligibles à la première fraction de la dotation de solidarité rurale, la DSR.
Les évolutions paraissent donc positives pour l'année prochaine.
Mais ce projet de loi de finances pour 1999 lance également un grand chantier, celui de la fiscalité locale.
Enfin, nous allons avoir le dernier volet de la décentralisation, la profonde rénovation des finances locales.
Les impôts locaux, tout le monde l'a souligné, sont à la fois injustes et archaïques. Une profonde inégalité subsiste entre les ressources fiscales de nos collectivités, les prélèvements ne sont pas répartis équitablement entre les contribuables, que ce soit les ménages ou les entreprises, les assiettes sont inadaptées et, dans le cas de la taxe professionnelle, elles pénalisent l'emploi et l'investissement.
Les lignes directrices de cette indispensable réforme découlent de ce constat. Les impôts locaux doivent être plus justes, plus simples, plus clairs, ils doivent permettre une réelle solidarité et contribuer à un développement solidaire des territoires.
Dans ce cadre, la réforme de la taxe professionnelle apparaissait comme prioritaire, puisque cette taxe est, de loin, la principale responsable des écarts de ressources entre collectivités locales et puisque ses fondements actuels sont unanimement considérés comme compliqués, injustes et inadaptés.
Pourtant, aucun gouvernement jusqu'à présent n'avait osé s'attaquer à une réforme globale. Si la remise à plat de la taxe professionnelle faisait clairement partie des objectifs de la loi sur l'aménagement du territoire de 1995, rien n'était venu. Si M. Juppé avait souligné, le 23 mai 1995, dans sa déclaration de politique générale, la nécessité d'une réforme de la taxe professionnelle, si M. Lamassourre avait encore déclaré, en février 1996, à Europe 1, que le Gouvernement proposerait « cette année même une réforme de la taxe professionnelle, en regardant comment on peut changer l'assiette », rien n'était venu non plus. Et je ne rappellerai pas ici les diverses déclarations émanant tant de M. Pasqua, de M. Sarkozy que de M. Arthuis dénonçant l'assiette de la taxe professionnelle, notamment dans sa partie salaire.
Le gouvernement Jospin vient de décider de réformer cette taxe en profondeur. Le choix opéré par le Gouvernement est le bon, c'était d'ailleurs celui de notre groupe, il prévoit la suppression de la base salaire et, même si cela devrait figurer dans un autre texte, un encouragement à la perception de la taxe dans le cadre intercommunal.
La suppression de la base salaire en cinq ans apportera une réduction de charges substantielle pour les entreprises, essentiellement pour les PME et les secteurs à forte main-d'oeuvre. L'objectif est donc clairement l'emploi. Et le Gouvernement prévoit que l'impact de cette mesure sera un allégement du coût du travail de 4 % à 5 %, 25 000 créations d'emplois l'an prochain et 100 000 à terme.
Cette réforme entaînant des pertes importantes de recettes fiscales pour les collectivités locales, le Gouvernement a prévu une compensation. Pour chaque collectivité, cette compensation sera égale au produit des taux de taxe professionnelle pour 1998 par les pertes de bases résultant de la réforme. Elle sera indexée sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement à partir de l'an 2000. Puis, au terme de la période, en 2004, les dotations seront totalement intégrées dans la DGF.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous comprenons les justifications de ce dispositif de compensation. Il apparaît équitable. En effet, une comparaison entre les évolutions de la base salaire depuis 1992 et de l'indexation le montre. Il apparaît également de nature à renforcer la péréquation des ressources de taxe professionnelle, qui est l'un des objectifs de notre groupe.
Néanmoins, il est indispensable que les modalités de compensation soient indiscutables et de nature à compenser totalement les pertes de recettes induites par cette réforme pour les collectivités locales.
Or il existe des interrogations provenant, d'abord, du fait des transferts de ressources a priori locales vers l'Etat - je pense à la hausse au profit de l'Etat des cotisations de péréquation et de cotisation minimale de taxe professionnelle - ensuite, du fait de l'indexation sur la DGF, qui pourrait être moindre que l'évolution de la masse salariale si celle-ci évolue positivement, comme nous l'espérons. Ainsi pour 1999, la progression pourrait être de 2,5 %, alors que la masse salariale croîtrait de 4,2 %.
D'autres interrogations subsistent également du fait, d'abord, des interactions avec la loi sur l'intercommunalité, ensuite, d'une base de remboursement qui pourrait être de plus en plus fictive - le précédent de la compensation de la suppression de 16 % des bases en 1987 a montré les injustices qui en découlaient enfin, de l'intégration en 2004 de la compensation dans la DGF.
C'est pourquoi il nous semble indispensable qu'un rapport sur l'application de la réforme, sur l'emploi, sur les entreprises, sur les collectivités locales, sur l'Etat soit réalisé pour nous éclairer. Cela sera fait pour l'année prochaine. Mais peut-être faudrait-il également reculer à l'année prochaine les choix définitifs des modalités de la compensation, faute de quoi l'intérêt de ce rapport serait moindre.
L'autre chantier de la réforme des finances locales concerne la taxe d'habitation. Là encore, l'assiette doit être modifiée : les valeurs locatives sont obsolètes, la taxe d'habitation ne reflète aucunement les capacités contributives des habitants et est dégressive par rapport au revenu, en dépit des aménagements effectués depuis 1981 pour une meilleure prise en compte des capacités contributives du redevable dans le calcul de la taxe d'habitation.
Le Gouvernement semble avoir fait le choix de l'application de la réforme des valeurs locatives. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous soutiendrons dans la réalisation de cette réforme.
Les difficultés sont nombreuses, nous le savons, et s'il faut des aménagements, des étalements, des plafonnements, faisons-les ! Mais la réforme doit être appliquée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de terminer mon propos, je voudrais évoquer quelques points qui, sans relever de la loi de finances, pénalisent les collectivités locales. Certains de ces points dépendent d'ailleurs de votre ministère, d'autre pas, mais tous ont une incidence sur les finances de nos communes.
C'est ainsi que la M 14 continue à nous poser des problèmes. En effet, on nous avait promis clarté et transparence dans nos budgets ; or il n'en est rien. La nomenclature change sans cesse, les comparaisons d'une année sur l'autre sont impossibles, et bon nombre de maires ne peuvent que s'en référer aux techniciens comptables.
M. Yves Fréville. C'est exact !
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est vrai !
M. Michel Sergent. Certes, les receveurs-percepteurs peuvent nous conseiller mais, outre l'indispensable séparation entre le comptable et l'ordonnateur, force est de constater, et ce sera ma deuxième remarque, que les recettes-perceptions sont de plus en plus pauvres en personnel. Les départs en retraite ne sont plus totalement compensés. Les maires ne trouvent donc plus toujours l'indispensable collaboration qu'ils souhaiteraient.
Autre point qu'il me paraît indispensable d'évoquer : le fonctionnement et le coût des services départementaux d'incendie et de secours. Partout, nous sommes confrontés, avec l'application de la mauvaise loi du 3 mai 1996, à une augmentation des coûts. La sécurité est une compétence partagée entre les collectivités et l'Etat. Or, l'Etat n'assure aucune charge financière. Est-ce bien normal ?
D'une façon générale, je le répète, chaque fois qu'une charge financière est générée par une décision de l'Etat ou par une nouvelle réglementation, il est normal qu'elle soit compensée. Pouvez-vous nous confirmer la volonté du Gouvernement d'aller dans ce sens, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Dans le même ordre d'idée, je pourrais évoquer les dépenses d'aide sociale, les nouvelles conditions d'embauche des CES - contrats emploi-solidarité - et des CEC - contrats emplois consolidés - les obligations liées à l'environnement dont j'ai parlé tout à l'heure.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques remarques que je souhaitais faire.
En conclusion, après ce tour d'horizon des implications pour les collectivités locales de cette loi de finances et un peu au-delà, je voulais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous dire que le cap a été redressé par votre Gouvernement. Il va maintenant dans le bon sens, et, de cette approche plus positive, les collectivités locales sortiront plus prospères pour le bien de leurs administrés et de notre pays tout entier. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais vous présenter succinctement les principales conclusions des travaux de projection et de simulation macroéconomique réalisés, comme chaque année, par la délégation du Sénat pour la planification et qui font l'objet du rapport d'information mis en distribution tout récemment.
Il me semble, en effet, que ces travaux présentent un double intérêt dans le cadre de cette discussion budgétaire : d'une part, de replacer l'analyse du projet de loi de finances dans une perspective pluriannuelle ; d'autre part, d'analyser la cohérence de l'évolution des finances publiques, décrite par ce projet de budget, avec les évolutions macroéconomiques.
J'évoquerai ainsi, à la lumière des travaux de modélisation réalisés notamment par l'observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, et dans une moindre mesure par l'INSEE, trois questions : l'environnement international de l'économie française ; les perspectives à moyen terme pour l'économie française ; enfin, la persistance du chômage et la question des cotisations sociales.
Sur l'environnement international, je me contenterai de deux observations principales.
La première ne vous surprendra pas, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque c'est une préoccupation qui est évoquée souvent par votre collègue du Gouvernement : l'évolution du dollar est l'incertitude majeure pour la croissance en Europe, une dépréciation de 5 % du dollar ayant un effet restrictif sur l'activité en Europe de l'ordre de 0,5 point de croissance. Une nouvelle baisse du dollar de 5 % au cours des prochains mois pourrait donc avoir un effet négatif sur la croissance de l'Europe, équivalent à celui de la crise des pays émergents - Asie du Sud-Est, Russie, Amérique latine - et du Japon réunis.
C'est dire l'importance que va recouvrer la politique de change menée en Europe durant les années à venir et l'incertitude que fait peser sur l'économie mondiale le poids de l'endettement extérieur des Etats-Unis, puisque c'est lui qui est à l'origine de la volatilité du dollar et, finalement pour l'essentiel, de la plupart des crises financières que nous connaissons.
Ma deuxième observation portera sur les prévisions à court terme pour l'économie européenne présentées dans ce rapport. Selon les travaux réalisés par l'OFCE pour le Sénat, la croissance de l'Europe serait de 2,7 % en 1998 et de 2,5 % en 1999. En première analyse, ce scénario peut paraître très raisonnable : en effet, passer de 2,7 % à 2,5 % semble cohérent, d'une part, avec la crise mondiale, qui affecte l'activité en Europe, d'autre part, avec la bonne résistance de l'Europe en raison du dynamisme de la consommation.
Néanmoins, il faut savoir que, pour atteindre 2,5 % de croissance en 1999, l'Europe devra connaître une forte accélération de l'activité dans le courant de l'année 1999. En effet, depuis le début de 1998, l'Europe est en ralentissement : le PIB croît sur un rythme annualisé de 2 % environ. Pour parvenir à 2,5 % de croissance en 1999, il faudrait donc une vive reprise à partir du second semestre sur un rythme annualisé de 3 %.
En deuxième analyse, on voit bien que l'OFCE, rejoignant d'ailleurs le consensus partagé par tous les économistes, qu'ils soient français ou qu'ils appartiennent à des organisations internationales, nous présente une prévision pour l'Europe qui est plus optimiste que raisonnable. Cela ne veut pas dire, dans notre esprit, qu'elle ne se réalisera pas. C'est néanmoins une considération que l'on ne doit pas oublier au moment où nous nous posons quelques questions sur l'orientation de votre politique budgétaire ; j'y reviendrai dans un instant.
J'en viens aux perspectives à moyen terme pour l'économie française, telles qu'elles résultent des travaux réalisés pour le Sénat.
Je me contenterai de formuler trois remarques.
Premièrement, les perspectives de croissance semblent relativement favorables : après avoir connu une croissance de 3 % en 1998 et de 2,7 % en 1999, l'économie française croîtrait en moyenne de 2,5 % par an de 2000 à 2003. Je rappelle qu'entre 1990 et 1997 la croissance n'a été que de 1,2 % par an en moyenne. Cet optimisme sur la croissance de moyen terme est partagé par la plupart des économistes. Il s'explique essentiellement par l'évolution très favorable à court terme de l'emploi et du chômage, évolution engagée depuis la mi-1997, qui se traduit par l'accroissement du revenu des ménages, l'amélioration de leur moral et des comportements de consommation qui tranchent avec la prudence que l'on avait pu constater au cours des années précédentes.
Néanmoins - et ce sera ma seconde observation - malgré cette évolution favorable de l'emploi, le chômage resterait, en 2003, à un niveau élevé, c'est-à-dire autour de 11 %.
Dans d'autres projections, comme celle de l'INSEE, le taux de chômage baisserait aux alentours de 10 %.
Même si ces travaux n'ont pas cherché à simuler l'impact de la réduction du temps de travail, on voit bien qu'au terme d'une période de croissance soutenue du PIB et de l'emploi, en « phase haute » du cycle, comme disent les économistes, le taux de chômage se situerait encore autour de 10 % en 2003.
Cela pose le problème du taux de chômage structurel dans notre pays, c'est-à-dire du chômage imputable aux modes de fonctionnement profond du marché du travail, qui est beaucoup plus élevé qu'au début des années soixante-dix ou que chez la plupart de nos partenaires. C'est pourquoi je reviendrai tout à l'heure sur la question des charges sociales et du financement de la sécurité sociale, qui est certainement un facteur essentiel de cet accroissement du chômage structurel.
Ma troisième observation concerne les finances publiques.
Si je pouvais résumer de manière triviale les tendances d'évolution des finances publiques, je dirais que la croissance arrange tout, tant dans le scénario à court terme que vous nous proposez au travers de ce projet de budget que dans le scénario de moyen terme élaboré par les experts de l'Observatoire français des conjonctures économiques l'OFCE.
En effet, en se fondant sur les hypothèses de dépenses publiques contenues dans le projet de loi de finances pour 1999 et en les prolongeant sur le moyen terme, c'est-à-dire en simulant un relâchement notable des contraintes sur le budget de l'Etat et sur les dépenses de santé par rapport aux trois dernières années, le déficit budgétaire serait réduit de 3 % en 1997 à 1,2 % en 2003. Il en résulterait une diminution de la dette publique exprimée en pourcentage du PIB, à partir de 2000.
Néanmoins, ce résultat ne peut être considéré comme tout à fait rassurant pour deux raisons.
Tout d'abord, comme l'a expliqué M. le rapporteur général, ce résultat est plus le fait du retour de la croissance que de la rigueur budgétaire ; si la croissance n'était pas au rendez-vous, le résultat serait évidemment beaucoup moins favorable. C'est pourquoi je crois qu'une bonne politique budgétaire, dans une phase de reprise espérée de la croissance, aurait consisté à fixer un objectif de maîtrise des dépenses et de réduction des déficits publics plus ambitieux, quitte à s'écarter légèrement de cet objectif si la conjoncture se révélait ensuite différente. C'est en tout cas ainsi que doit se concevoir une politique budgétaire active.
Par ailleurs, j'ai indiqué que le déficit public serait de 1,2 % en 2003, c'est-à-dire au terme d'une période de croissance soutenue. Il faut rappeler qu'à la fin des années quatre-vingt, c'est-à-dire, là encore, en phase haute du cycle, le déficit était également de 1,2 % et que cette situation n'a pas permis de faire face à la récession de 1993 dans les meilleures conditions. C'est pourquoi il me semble que la contrainte budgétaire n'est pas derrière nous, comme on a tendance à l'entendre, maintenant que nous avons passé la « barrière » des critères de Maastricht, mais qu'elle est au contraire encore devant nous.
Il ne s'agit pas de « faire de la rigueur pour la rigueur » ; il s'agit de se rappeler tout simplement que, si l'on veut que la politique budgétaire puisse avoir un effet contracyclique dans une période de ralentissement, il faut également qu'elle s'assigne cet objectif dans une période d'accélération de la croissance.
J'en viens maintenant à la question du financement de la sécurité sociale et à un inventaire des différentes questions qui se posent lorsqu'on simule, à l'aide de modèles macroéconomiques, les effets d'une réforme de l'assiette ou d'un allégement des cotisations sociales.
Comme je l'indiquais un instant auparavant, ces questions sont liées à la persistance du chômage. Nous savons que c'est un sujet qui fait l'objet d'importants débats, y compris au sein même de votre Gouvernement et qui a également donné lieu à un rapport demandé par M. le Premier ministre à M. Edmond Malinvaud, ancien directeur de l'INSEE et économiste, dont la compétence est peu discutée.
Il résulte de ce rapport et de l'ensemble des études scientifiques une conclusion claire : les baisses de prélèvements les plus favorables à l'emploi sont celles qui sont lisibles, pérennes et ciblées sur les bas salaires.
Je regrette donc que les marges de manoeuvre budgétaires pour 1999 soient pour partie utilisées par une mesure : l'allégement de la part des salaires dans la taxe professionnelle, qui ne remplit guère ces conditions.
A mon sens, il aurait mieux valu amplifier les dispositifs d'allégement des charges sociales tels qu'ils ont été mis en place depuis 1993, tout en les adaptant pour les rendre plus rationnels.
Les analyses économiques suggèrent également qu'il n'existe pas de structure miracle pour le financement de la protection sociale et que les effets à attendre sur l'emploi d'une modification de l'assiette des cotisations sociales sont modestes au regard de l'ampleur du chômage. Je fait notamment référence au projet d'extension de l'assiette des cotisations sociales à la valeur ajoutée des entreprises.
Ce constat ne doit pas conduire à renoncer à des réformes de fond, qu'il est par ailleurs indispensable d'articuler avec les allégements du coût du travail prévus dans le cadre de la loi sur les 35 heures.
Ce constat signifie toutefois que l'on ne peut faire l'économie ni d'une réflexion sur l'efficience du système de protection sociale, ni d'une démarche de rationalisation des dépenses. A mon sens, elles n'ont toujours pas été engagées, et ce n'est pas l'analyse du projet de budget que nous avons menée au sein de la commission des finances qui pourrait me conduire à nuancer ce jugement. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je vais bien évidemment répondre aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale.
Au préalable, je dirai à M. Girod, qui s'inquiétait de l'emploi du temps de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que celui-ci est actuellement à l'Assemblée nationale où a lieu la discussion d'une proposition de loi visant à mettre un terme à ce qu'on appelle la rétroactivité des lois fiscales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Un bon objectif !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est la raison pour laquelle M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - il le regrette, mais c'est un cas de force majeure - n'est pas parmi nous ce matin.
Je répondrai aux différentes interventions en suivant l'ordre dans lequel elles ont lieu en commençant par m'adresser à M. de Villepin, qui, avec la connaissance extrêmement fine et l'expérience considérable qu'on lui connaît de l'économie mondiale, a posé un certain nombre de questions fort intéressantes. J'en retiendrai deux portant, d'une part, sur la conjoncture internationale, notamment la conjoncture asiatique, d'autre part, sur les contraintes que la construction européenne pourrait faire peser sur notre fiscalité.
A propos de la conjoncture internationale, je vais d'abord, monsieur de Villepin, corriger une légère inexactitude qui figurait dans vos propos. En effet, monsieur le sénateur, les hypothèses que le Gouvernement a retenues pour l'environnement international ne sont pas celles du printemps dernier, que l'on pourrait considérer comme dépassées en raison de toutes les turbulences que le monde a traversées dans le domaine financier durant l'été et l'automne et dont Mme Beaudeau a fort bien parlé. Les hypothèses retenues ont été établies au mois d'août, à partir des informations récentes.
Selon ces informations, au moins certains des pays émergents d'Asie - je pense notamment à la Corée - qui sont passés par des moments extrêmement difficiles, avec une chute de leur production très marquée, entrevoient maintenant la perspective d'un redémarrage de la croissance dans le courant de l'année 1999.
Bien entendu, je ne prétends pas pour autant que ces pays sont complètement tirés d'affaire, ne serait-ce qu'eu égard à l'ampleur des crises sociales, voire des crises politiques qui les agitent aujourd'hui. Il demeure que, par rapport au typhon qui a dévasté leurs économies entre l'été 1997 et le printemps 1998, ces pays ont passé le pire, au moins pour le plus grand nombre d'entre eux.
Reste l'inconnue japonaise.
Je sais, monsieur de Villepin, que vous avez conduit, et encore récemment, différentes missions au Japon ; je me suis moi-même rendu dans ce pays au mois de septembre. Lors de ces voyages, nous avions, je crois pouvoir le dire, l'un et l'autre, une double préoccupation : d'une part, le Japon vivait une crise bancaire aiguë, et il semblait aux observateurs étrangers que la solution tardait vraiment à venir ; d'autre part, le Japon subissait une baisse de sa production qui ressemblait, il faut bien le dire, à une dépression.
Que s'est-il passé depuis ?
Le sentiment que je peux exprimer, au nom du Gouvernement, c'est que, in extremis, le Japon a mis en place un dispositif de sauvetage de son système bancaire, qui rend beaucoup moins probables, voire improbables les turbulences internationales qu'aurait pu entraîner une crise bancaire majeure au Japon.
Pour ce qui est des aléas de la production japonaise, je me permettrai de faire un parallèle, que certains trouveront peut-être étrange, entre le Japon et la France. Il se trouve que la chute de la production au Japon est venue, pour partie, de la mise en place, au début de l'année fiscale 1997 - c'est-à-dire au 1er avril 1997 - d'un plan de redressement de la fiscalité qui était décalqué trait pour trait sur le plan Juppé : deux points supplémentaires de TVA, des hausses massives d'impôts sur les ménages. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, même aux antipodes, ces mesures ont cassé la croissance du Japon, qui était auparavant de l'ordre de 3,6 %, parce que le pouvoir d'achat...
M. Michel Sergent. On l'a échappé belle !
M. Philippe Marini. rapporteur général. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous faites un parallèle extrêmement intéressant, et même captivant, monsieur le secrétaire d'Etat, mais il ne serait sans doute pas inutile de rappeler à nos collègues ce que l'on peut appeler l'« endogamie » entre structures administratives et structures économiques qui existe au Japon et qui y a atteint un véritable sommet. Ce phénomène explique peut-être que le Japon rencontre de grandes difficultés pour opérer les réformes de structures dont il aurait grand besoin, notamment pour moderniser son système financier.
On peut évidemment aller puiser dans l'exemple japonais toutes les illustrations que l'on souhaite, mais il n'est guère envisageable de passer sous silence ce qu'il peut y avoir d'excessif dans l'organisation du système d'Etat au Japon. Au demeurant, ne peut-on repérer, sur ce plan aussi, quelques ressemblances ? (Sourires.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat. M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, nous n'allons pas ouvrir un débat sur ce point. Il ne s'agissait pour moi que d'une incidente. Mais je note que vous suivez l'exemple de M. Peyrefitte, qui a dressé devant nous un théâtre d'ombres chinoises particulièrement captivant. (Nouveaux sourires.)
Je reprends maintenant le fil de ma réponse à M. de Villepin.
Nous nous sommes demandé quelle était la nature de cette crise financière qui a frappé le monde entre l'été 1997 et l'automne 1998. C'est une crise sérieuse, et Mmes Beaudeau et Luc ont rappelé les propos de M. le Premier ministre sur ce sujet. Il semble toutefois que, grâce à une intervention internationale coordonnée, grâce à de meilleures échanges d'information, nous soyons plus près d'une crise du type de celle de 1987 que d'une crise profonde du type de celle de 1929.
Par conséquent, à condition que la vigilance internationale que cette crise a déclenchée débouche sur des résultats concrets - la France a fait en la matière, et d'une même voix, des propositions importantes -, nous pouvons penser qu'en 1999 l'Asie connaîtra une situation économique meilleure qu'en 1998 et que l'Europe - j'y reviendrai tout à l'heure conservera une croissance soutenue. C'est d'ailleurs ce que M. Bourdin nous a expliqué dans son exposé.
Au regard de la conjoncture internationale, le pire n'est donc pas sûr.
Dans ce contexte, le taux de croissance prévisionnel que nous avons retenu, à savoir 2,7 %, apparaît comme un objectif raisonnable. Il se situe entre celui que l'Union européenne prévoit pour notre pays, soit 2,6 %, et celui qu'envisage le Fond monétaire international, un organisme qui n'est pas réputé pour son optimisme, soit 2,8 %.
S'agissant des prélèvements obligatoires, monsieur de Villepin, vous avez développé une argumentation fort intéressante, selon laquelle l'unification du marché des produits, qui a elle-même déjà provoqué une certaine homogénéisation en matière de TVA, l'unification du marché des capitaux et la libre circulation de la main-d'oeuvre devraient donner lieu, à terme, à une convergence des fiscalités.
Il convient, d'abord, de ne pas perdre de vue que les comparaisons dans le domaine de la fiscalité sont délicates.
Ensuite, il est un point sur lequel le Gouvernement - et il n'est pas le seul - est très déterminé : l'harmonisation européenne de la fiscalité ne doit pas se faire sur le pays le moins taxant. Il ne faut pas que l'Europe devienne une sorte de grand paradis fiscal, compte tenu des besoins d'impôts pour assurer les services publics, qui sont un élément majeur du modèle européen, du contrat social qui différencie, comme l'a très bien dit M. Massion, le continent européen du continent américain, sans parler des relations sociales en Asie.
Actuellement, dans le domaine de la fiscalité au sein de l'Europe - je reviendrai plus tard sur la TVA - nous nous battons sur deux chantiers.
La France, parmi d'autres, souhaite que, d'ici à la fin du premier semestre de 1999, soit mis au point un code de bonne conduite en matière de fiscalité des entreprises, de façon à éviter les surenchères de baisse d'impôts destinées à attirer les sièges sociaux ou les unités de production. Dans cette perspective, avant la fin de l'année, sera dressé un inventaire des mauvaises pratiques étant entendu que tous les pays, ont quelque chose à se reprocher à cet égard. C'est un travail qui est d'ores et déjà engagé et auquel je participe personnellement.
Le second chantier concerne la fiscalité de l'épargne. Il est clair que, l'épargne étant de plus en plus mobile, il ne faut pas qu'existe, au sein de l'Europe, un contraste trop fort entre la taxation de l'épargne des résidents dans un pays et la taxation de l'épargne des non-résidents dans un autre pays.
C'est pourquoi la France s'est employée, avec ses partenaires européens, à faire en sorte que soit opéré, sur l'épargne non résidente anonyme, un prélèvement à la source. Celui-ci est actuellement de 20 %, et nous espérons que, d'ici à la fin du premier semeste de 1999, une directive en la matière sera publiée.
Cela n'empêche absolument pas les épargnants français de placer leur épargne à l'étranger, y compris dans des pays qui pratiquent le secret bancaire, lequel n'est pas en cause. Ils auront simplement le choix entre deux solutions.
S'ils souhaitent que leur épargne soit anonyme - les bons du Trésor au porteur par exemple, subissent en France un prélèvement important, de l'ordre de 40 % à 50 % - les épargnants français pourront décider de placer leur argent à l'étranger, notamment dans les pays où le secret bancaire existe, et ils subiront une retenue à la source au bénéfice du pays d'accueil.
S'ils acceptent que leur épargne ne soit pas anonyme mais considèrent que la rémunération qui leur est proposée à l'étranger est meilleure, la taxe sera prélevée dans le pays d'origine d'une façon tout à fait transparente.
J'en viens à l'intervention de M. du Luart, qui a notamment évoqué la notion de croissance espérée. Je crois que cette expression reflète une différence de conception entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement.
Il existe en effet une conception quasiment météorologique de la croissance, selon laquelle celle-ci est un phénomène importé de l'étranger : il fait beau ou il pleut, cela dépend des anticyclones ou des dépressions venant du grand large. C'est la conception de la croissance espérée ou de la croissance imposée, conception passive de l'économie. (M. le rapporteur général manifeste son désaccord.)
Nous, nous avons une autre conception, celle de la croissance voulue. Cela ne signifie évidemment pas, à nos yeux, que le taux de croissance puisse être décrété par la politique économique. Cela veut dire qu'il existe des moyens de renforcer les ferments de croissance présents dans notre pays.
Ainsi, il nous semble que nous pouvons et devons tirer parti du basculement qui s'est opéré à partir de l'été 1997 et qui nous a fait passer d'un moteur extérieur fluctuant et fort incertain - M. de Villepin y a insisté - à une croissance tirée par la demande intérieure : demande de biens de consommation et surtout de logements de la part des ménages, demande de biens d'équipement de la part des entreprises, notamment des PME.
Deux philosophies sont, je crois, en présence : celle qui fonde la croissance sur la demande intérieure et celle qui en voit plutôt la source dans des pays lointains, comme les pays émergents d'Asie ou d'Amérique latine, la Russie, etc., c'est-à-dire des pays qui se trouvent traverser une crise.
Pour M. de Luart, nous risquons de devoir acquitter une facture européenne de plus en plus importante. Il est vrai que, de la façon dont le budget est présenté, la contribution européenne est, en quelque sorte, située en creux, de même que les prélèvements au profit des collectivités locales, j'y reviendrai.
Sachez que le Gouvernement s'est engagé totalement dans la négociation sur les finances européennes de 2000 à 2006, dite négociation de l'Agenda 2000. En la matière, il entend, premièrement, que le budget européen croisse de façon aussi rigoureuse que le budget français ; deuxièmement, que nos intérêts vitaux dans le domaine de la politique agricole commune soient respectés au regard, notamment, de tout ce qui concerne l'exploitation familiale. Je rappelle qu'elle fait aussi partie de notre culture et du modèle social français, d'où l'attention particulière portée à la production laitière et à la production de viande bovine.
Enfin, troisièmement, le Gouvernement tient à ce que les fonds structurels viennent apporter un coup de pouce financier important aux territoires de notre pays qui en ont le plus besoin.
Cette négociation sera difficile en raison de la forte pression des besoins et de la disparité des points de vue entre certains Etats. Cependant, sachez-le, nous entendons avoir, à l'échelon européen, la même approche en termes de budget rigoureux et de priorités clairement affirmées, bref nous avons la volonté, à l'échelon tant européen que français, de dépenser mieux plutôt que dépenser plus.
M. du Luart comme M. Peyrrefitte estiment que les cadres français vont fuir en masse notre pays. J'ai lu récemment dans un hebdomadaire britannique qu'il était trop tard pour venir en Grande-Bretagne, que l'expansion britannique était en train de ralentir, alors que l'expansion en Europe continentale était, au contraire, en voie de consolidation.
Je suis prêt à en faire le pari, un certain nombre de ces jeunes qui ont acquis une expérience internationale précieuse vont désormais trouver sur le marché français de quoi faire la preuve de leurs capacités. A cet égard, les entreprises, je le rappelle, ont créé 300 000 emplois en un an !
M. Fourcade est intervenu particulièrement sur les relations entre l'Etat et les collectivités locales, notamment sur la sortie du pacte de stabilité et la réforme de la taxe professionnelle.
Même si M. Fourcade, qui a employé des termes modérés, n'a pas parlé d'injustice fondamentale dans les relations entre l'Etat et les collectivités locales - M. Sergent a eu, sur ce point, des propos tout à fait excellents - je voudrais communiquer à la Haute Assemblée les résultats d'un premier sondage, véritable baromètre financier des communes. Rassurez-vous, il a été établi non par l'Etat, mais par l'Association des maires de France et les caisses d'épargne.
Il ressort de cette enquête que, si l'on demande aux communes d'apprécier leur situation financière, 80 % d'entre elles considèrent qu'elle est soit excellente ou bonne, soit acceptable. De même, si on les interroge sur l'évolution de leur situation financière au cours des trois dernières années, 71 % des communes de France déclarent dans ce sondage, qui est donc « SGDG », c'est-à-dire sans garantie du Gouvernement, (sourires) que leur situation s'est améliorée ou qu'elle a été stable. Enfin, s'agissant de leur capacité d'investissement en 1998, 65 % des communes de France déclarent qu'elles a été soit tout à fait satisfaisante soit assez satisfaisante.
Quels enseignements tirer de ce sondage ?
M. Jean Chérioux. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Chérioux, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean Chérioux. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous citez une statistique, fort intéressante au demeurant, qui, semble-t-il, a été publiée par l'Association des maires de France. Or il s'agit, si j'ai bien compris, de pourcentages en nombre de communes.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Jean Chérioux. Par conséquent, sur le plan économique, je me demande si cette enquête a une très grande valeur car, si les 80 % de communes qui se déclarent satisfaites comprennent toutes les petites communes de France, cela ne veut pas dire pour autant que, dans les grandes villes et dans un certain nombre de communes dont les charges financières et économiques sont très lourdes, la situation soit aussi brillante que l'on pourrait le croire. (M. Michel Sergent proteste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Remarque très judicieuse !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Chérioux, il me semble que la Haute Assemblée n'est pas indifférente à la situation financière des communes rurales. (Sourires.) Notre pays compte, certes, des grandes villes, mais il ne faut pas oublier de très nombreuses communes rurales.
Je vous conseillerais volontiers de vous adresser à l'Association des maires de France pour plus d'éclaircissements, monsieur Chérioux, mais je crois savoir que cette enquête a été faite sérieusement, avec les pondérations nécessaires. Certes, peut-être telle ou telle grande ville de notre pays s'estime dans une situation délicate...
M. Jean Chérioux. Demandez à M. Sueur, président de l'Association des maires de grandes villes !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne vois pas à quelles grandes villes vous pouvez faire allusion, monsieur Chérioux, mais nous vérifierons.
Toutefois, d'ordinaire, ce sont plutôt les communes rurales qui sont censées être en difficulté financière. En citant cette étude, je n'avais d'autre ambition que de montrer que la situation financière des communes de France n'est pas mauvaise. Et je m'en réjouis, car cela signifie qu'elles ont des projets d'investissement. D'ailleurs, certains d'entre vous ont souligné l'importance des investissements civils des collectivités locales.
Ces investissements ont, je crois, connu une hausse de 3,8 % en 1998, et les communes vont certainement continuer à investir de la même façon en 1999.
Ces chiffres montrent que, dans le combat pour la croissance, pour l'emploi et contre le chômage, les collectivités locales, loin d'être opposées à l'Etat, vont exactement dans le même sens.
Je ne résiste pas à la tentation de rappeler à M. Fourcade et à la Haute Assemblée, comme l'a fait excellemment M. Sergent, que, s'agissant du pacte de stabilité, on est passé d'un pacte unilatéral à un contrat concerté et d'une indexation sur la seule inflation - elle a pesé sur les collectivités locales de façon significative - à une indexation partielle sur la croissance. Le Gouvernement proposait 15 % ; la majorité plurielle à l'Assemblée nationale a retenu, elle, 20 %, et cela n'inclut pas l'effort particulier fait en matière de dotation de solidarité urbaine.
La majorité précédente a démoli - il n'y a pas d'autre expression - la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Cette pauvre DCTP, comme disent les spécialistes, a été inventée une mauvaise année, en 1987, et massacrée en 1995, dans ce fameux pacte de stabilité.
Nous avons fait un effort et l'Assemblée nationale l'a encore accru en première lecture pour épargner cette réduction, consubstantielle à la réforme de 1995, de la dotation de compensation de la taxe professionnelle aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine, d'une part, et aux communes bourgs-centres, d'autre part. Cela prouve que le Gouvernement s'intéresse à la fois aux villes en difficulté et aux territoires ruraux dans lesquels certaines villes assument des charges de centralité trop importante.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a encore quelques progrès à faire !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Certes, mais je suis très heureux, monsieur le rapporteur général, que vous encouragiez le Gouvernement à poursuivre dans la direction positive que je viens de rappeler.
M. Michel Sergent. On vient de loin !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Fourcade, président du Comité des finances locales, s'est penché sur la question de la taxe professionnelle.
S'agissant de l'effet de cette réforme, je tiens à préciser qu'il s'agit d'aider l'emploi, tous les emplois, et je voudrais corriger une idée répandue dans l'opinion publique, mais pas dans cette assemblée, qui est sage et éclairée, idée selon laquelle les industries modernes auraient besoin de beaucoup d'équipements et de peu de main-d'oeuvre.
Certains d'entre vous aiment citer les Etats-Unis. Eh bien, on voit là-bas, que les secteurs d'avenir, que ce soit les télécommunications, l'informatique ou l'audiovisuel, ont relativement peu d'équipements, mais sont consommateurs de main-d'oeuvre qualifiée.
La réforme de la taxe professionnelle que le Gouvernement entreprend sur cinq ans va donner une impulsion nouvelle à ces industries modernes de main-d'oeuvre qualifiée.
M. Fourcade estime que l'on n'y voit pas très clair entre le coût brut et le coût net. En somme, nous reprendrions d'une main ce que nous donnons de l'autre. L'analyse est erronée. La hausse de la taxe minimale de taxe professionnelle portera principalement sur les activités financières, je le précise pour Mme Beaudeau, qui s'est inquiétée de ce que les activités financières ne faisaient pas l'objet d'une grande sollicitude de la part du Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est plutôt la commission des finances qui devrait s'inquiéter !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Un certain nombre de ressources additionnelles sont prévues, mais il y a un coût net, c'est-à-dire un transfert net vers les entreprises, qui s'élèvera à 7 milliards de francs pour 1999 et à 20 milliards de francs au bout de cinq ans.
Selon M. Fourcade, plutôt que d'alléger la part salariale de la taxe professionnelle, il faudrait alléger la part sur le capital. Chacun ses options politiques mais, pour l'heure, je m'en tiens à l'économie.
M. Fourcade nous suggère de déduire de l'assiette de la taxe professionnelle les amortissements alors que, actuellement, et les experts que vous êtes le savent, la taxe professionnelle est assise sur les investissements - c'est-à-dire les bâtiments, les outillages - à leur coût d'achat, à leur coût historique. L'idée n'est pas neuve, le Conseil national des impôts l'avait déjà émise en proposant une taxe professionnelle nationale. Le Gouvernement comme, je le crois, la Haute Assemblée n'y sont pas favorables, car elle serait d'une mise en oeuvre très compliquée. Et mettez-vous un instant à la place des maires bénéficiaires de la taxe professionnelle : ils n'auront plus aucune prévisibilité de la taxe professionnelle sur laquelle ils pourront compter, car celle-ci variera au gré des régimes d'amortissement. Cela n'est ni pratique, ni vraiment opérationnel.
Je note, monsieur le rapporteur général, que M. Fourcade propose d'accroître les transferts de l'Etat aux collectivités locales en retenant, dès l'année 1999, une croissance non pas de 20 %, comme le Gouvernement l'a fait, poussé par sa majorité parlementaire, mais de 50 % ! Selon mes calculs, cela correspond à 1 milliard de francs supplémentaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances demande 33 milliards de francs !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, dans votre oeuvre de Procuste, vous avez amputé de façon forfaitaire toutes les dépenses tout en épargnant, pour une raison que je n'ai pas bien comprise, les transferts de l'Etat aux collectivités locales. (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Question de priorité ! Toute dépense n'est pas mauvaise par nature.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez fait des coupes dans le budget de l'éducation, et dans celui de la recherche mais, en ce qui concerne les transferts de l'Etat aux collectivités locales, M. Fourcade a été partisan non pas de dépenser moins mais de dépenser plus.
M. Michel Sergent. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est hors Maastricht ! C'est neutre !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, c'est un raisonnement comptable !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes tous là pour faire des comptes, malheureusement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Sergent a bien montré que le rythme de DGF doublera. Je constate simplement que, selon vous, il n'y a jamais assez s'agissant des transferts de l'Etat aux collectivités locales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut investir plus pour le bien-être de nos concitoyens !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Or, j'ai bien souligné que les communes de France, en moyenne et dans leur majorité, ne connaissent pas une situation aussi pitoyable que certains l'affirment.
M. de Rohan a d'abord parlé de la SEITA à Morlaix. Je voudrais en dire un mot car il s'agit d'une crise sociale importante. Il a évoqué une tradition qui remonte à deux siècles s'agissant de la manufacture des tabacs implantée dans cette ville. Or la rupture avec ces deux siècles de tradition a eu lieu en 1995, lorsqu'un certain gouvernement a privatisé cet établissement.
M. Claude Estier. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Si je comprends bien, l'Etat qui détient actuellement 5 % du capital devrait assumer 95 % des difficultés sociales. En effet, dès qu'une difficulté se présente, ceux qui approuvent les privatisations, les entreprises qui gagnent de l'argent, ce que je trouve tout à fait bien, se tournent vers l'Etat pour lui demander de la résoudre.
Plusieurs sénateurs socialistes. Eh oui !
M. Michel Sergent. Les limites du libéralisme sont vite atteintes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Donc, si je comprends bien, vous allez garantir l'emploi à Morlaix !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'usine de Morlaix pose un problème d'aménagement du territoire. L'Etat a la fibre sociale, peut-être plus que certains de ceux qui développent l'idée d'un individualisme à tous crins, mais assurément il n'y en a pas au sein de la Haute Assemblée. Conscient de ses responsabilités sociales, soucieux d'aménagement du territoire, l'Etat, qui n'a pas de pouvoir en tant qu'actionnaire puisqu'il ne détient que 5 % du capital, va voir comment il est possible de trouver des solutions.
Ensuite, M. de Rohan a évoqué la croissance. Il s'est quelque peu inquiété de voir la croissance française établie à un rythme plus rapide que celui de la croissance européenne. Il s'est demandé si un taux de croissance de 2,7 % est possible alors même que nos partenaires européens prévoient un taux inférieur. M. Bourdin, lui-même, a parlé de 2,5 %. La croissance peut-elle véritablement être plus importante en France que dans les autres pays ? Certains d'entre vous s'en souviennent, entre 1958 et 1973, la France affichait 1 % de croissance de plus que l'Allemagne.
Si la croissance de la France peut et doit être plus rapide que celle de nos partenaires, c'est parce que nous avons une meilleure démographie, nous avons donc un plus grand nombre de jeunes à employer. En outre, nous possédons une capacité d'épargne et une capacité technologique largement équivalentes à celles de nos voisins. Enfin, ainsi que cela a été souligné, par M. Fréville, je crois, nous avons accumulé un retard de croissance entre 1991 et 1997. Il est possible et souhaitable de rattraper ce retard. Telle est bien l'intention du Gouvernement.
Donc, nous en revenons au thème de la volonté de croissance. Je dirai à M. de Rohan qu'à une époque on parlait d'« ardente obligation » de l'Etat, on considérait que l'Etat pouvait avoir, dans le jeu économique, non pas un rôle asphyxiant, comme certains d'entres vous l'ont prétendu, mais un rôle incitant à la croissance et à l'innovation.
M. de Rohan m'a interrogé sur le secteur public, sur l'aéronautique et sur l'avenir des places financières. Je n'apporterai pas une réponse trop détaillée à cet égard. Lorsque nous sommes arrivés en juin 1997, nous avons trouvé beaucoup de dossiers non traités. C'était le cas aussi bien dans le domaine bancaire traversé par les crises de plus en plus profondes du Crédit foncier, du Crédit Lyonnais ou de la Société marseillaise de crédit que dans le domaine aéronautique où prévalait l'immobilisme parfait.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Profitez bien de cet argument, il ne durera pas longtemps !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. S'il est valable aujourd'hui et dans les années à venir, j'y vois déjà un signe encourageant !
M. Michel Caldaguès. Evoquer l'affaire du Crédit Lyonnais contre la droite, il faut vraiment le faire ! C'est une trouvaille !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je reviendrai sur le Crédit Lyonnais lorsque je répondrai à Mme Beaudeau.
Depuis l'été 1997, le Gouvernement aborde tous ces problèmes de structures avec la volonté de respecter les engagements qui ont été pris à l'égard de l'Europe. Nous entendons développer une logique industrielle, sociale et patrimoniale, afin que les contribuables bénéficient le plus possible de l'argent qu'ils ont investi dans ces entreprises.
Quant à l'éveil boursier, je me réjouis que la Bourse française mène une action nouvelle et importante en vue de nouer des alliances européennes.
A en croire M. Adnot, le Gouvernement financerait des dépenses de fonctionnement par l'emprunt, ce qui serait mauvais. Pour la première fois depuis 1991, nous avons atteint l'équilibre primaire. Cela signifie qu'en 1999 l'Etat français n'empruntera pas pour payer les intérêts de sa dette, le recours à l'emprunt dans ce domaine étant le signe d'une très mauvaise gestion.
Quant au déficit de fonctionnement évoqué par M. Adnot, je me permettrai de rappeler les chiffres. Il a fait état d'un écart de 70 milliards de francs entre les dépenses de fonctionnement et les recettes fiscales au titre de l'année 1999. Cet écart était de 99 milliards de francs en 1998, de 115 milliards de francs en 1997, et je vous fais grâce des chiffres concernant les années précédentes.
Nous sommes engagés dans une politique résolue, mais équilibrée - ni trop rapide, ni trop lente - de réduction des déficits.
On a beaucoup parlé des fruits de la croissance. Je rappellerai que, dans le présent projet de budget, 30 milliards de francs de dépenses nouvelles sont financés par des redéploiements, soit près de la moitié des fameux 70 milliards ou 75 milliards de francs de fruits fiscaux de la croissance.
Mme Luc a posé une question précise sur le mouvement des lycéens. Je lui confirme que, au terme de la première lecture à l'Assemblée nationale, le budget de l'éducation nationale a été augmenté de 431 millions de francs, somme qui permettra de mettre 14 000 adultes de plus dans les lycées, de recruter 1 000 assistants de langue. Elle permettra aussi de faire en sorte que des enseignants qui devaient partir au service national soient dans leur classe. Conformément à la politique constante du Gouvernement, ces moyens sont bien sûr particulièrement accentués en direction des zones d'éducation prioritaire.
Mme Luc a parlé de pas en avant dans la réforme fiscale. Je la remercie de ce commentaire. Des pas en avant ont été faits durant l'élaboration du projet de budget. Je soulignerai qu'il a fait l'objet, avant son élaboration, d'une discussion avec les commissions des finances des deux chambres du Parlement.
D'autres pas en avant ont été faits lors de la première lecture. Je rappellerai pour mémoire la TVA sur les terrains à bâtir, la diminution de la TVA sur les abonnements à EDF et GDF. A cet égard, certains ont ironisé sur le fait que cette diminution représente une économie de 130 francs par an. Certes, mais comme l'a dit M. Massion, lorsque des réductions fiscales concernent l'ensemble de la population, cela représente par personne une moindre somme que quand elles sont concentrées sur un petit nombre de bénéficiaires, comme ce fut le cas dans le passé. Enfin, je n'omettrai pas de citer la majoration de la fiscalité concernant l'impôt de solidarité sur la fortune.
Nous avons le souci d'aller de l'avant dans le domaine fiscal, en particulier en ce qui concerne la justice fiscale.
Mme Luc m'a interrogé à propos de la taxe professionnelle sur les actifs financiers. Je ferai deux remarques.
Tout d'abord, la taxe professionnelle est un impôt qui porte sur les établissements de production, et non sur les entreprises. Or les avoirs financiers se situent au niveau des entreprises.
Ensuite, la taxe minimale qui sera relevée à 1 % puis à 1,5 % - et je crédite la majorité précédente d'avoir inventé ce taux minimal pour la taxe professionnelle -...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Un impôt à un taux faible et dont l'assiette est large est toujours un bon impôt, qui incite les ministres à en abuser !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... portera principalement sur le secteur financier.
Enfin, cela a été dit, le régime de l'avoir fiscal entre les entreprises tend, précisément, à inciter les entreprises à investir plus dans l'investissement productif, l'innovation et la création d'emplois que dans des placements financiers.
M. Angels a fait un exposé vaste, lucide et volontaire sur les progrès qui ont été réalisés depuis dix-sept mois grâce à un effort collectif du Gouvernement et de sa majorité - et j'ajouterai : de l'ensemble du pays - pour améliorer l'emploi et la justice fiscale.
Il a aussi, avec beaucoup de clarté, mesuré le chemin qui reste à parcourir d'ici à la fin de la législature.
Je soulignerai que les 300 000 emplois qui ont été créés depuis un an par les entreprises représentent deux fois plus - M. Angels a eu raison d'y insister - que le nombre d'emplois créés par les entreprises durant la période glorieuse des années soixante, trois fois plus que ce qui a été créé, en moyenne, au cours des années soixante-dix et six fois plus que pendant les années quatre-vingt.
Par conséquent, s'agissant de l'emploi - et il faut saluer les entreprises - nous avons changé de régime de croissance, et c'est excellent.
M. Angels a également interrogé le Gouvernement sur la TVA et sur les baisses ciblées qui ont été demandées à Bruxelles.
Comme chacun le sait, la liste des produits qui sont taxés au taux réduit de TVA est une liste limitative dite « annexe H », que les spécialistes connaissent bien. On ne peut faire passer du taux normal au taux réduit des produits ou des services qui ne figurent pas sur cette fameuse liste.
Le Gouvernement a procédé en deux temps.
D'abord, à la suite du sommet sur l'emploi qui a eu lieu à Luxembourg en décembre 1997, voilà un an, la France a rédigé un programme d'action nationale pour l'emploi, dans lequel figure le souhait d'instaurer une baisse du taux de TVA applicable aux services rendus à domicile. En effet, c'est un domaine où le contenu en main-d'oeuvre, comme disent les spécialistes, est particulièrement important. Il s'agissait en quelque sorte d'une demande générale, qui s'inscrivait dans l'intention de la Commission européenne d'utiliser éventuellement la TVA comme un levier parmi d'autres pour développer l'emploi dans les activités de main-d'oeuvre.
Depuis, nous avons présenté deux demandes plus spécifiques. L'une porte sur les réseaux de distribution chaleur. En effet, si l'on diminue le taux de la TVA sur les abonnements à EDF et GDF, un problème se pose pour les réseaux de distribution de chaleur. Cette question a été formulée à Bruxelles. L'autre interrogation qui a été exprimée concerne la restauration. En effet, on constate une discordance puisque le taux de TVA est de 20,60 % dans la restauration traditionnelle alors qu'il est de 5,5 % pour la restauration collective et les ventes à emporter.
Je voudrais confirmer à M. Angels que, à Bruxelles, le Gouvernement s'efforce d'obtenir le passage au taux réduit de TVA des activités à fort contenu de main-d'oeuvre.
Mais, il ne suffit pas de demander. Il faut ensuite que la Commission propose un projet de directive, qui doit être voté à l'unanimité par les quinze pays. Nous travaillons donc dans le sens que vous souhaitez, monsieur le sénateur.
M. Badré a évoqué de nombreux sujets : la dette, la famille et l'impôt sur le revenu.
S'agissant de la dette, je voudrais simplement citer deux chiffres incontestables, qui figurent d'ailleurs dans les rapports des commissions des finances. La dette publique, en 1994 - je ne cite pas le chiffre de 1993, car il existe toujours des litiges sur le partage des responsabilités - s'élevait à 3 572 milliards de francs. Elle était de 4 359 milliards de francs en 1996. La hausse de la dette publique entre 1994 et 1996, hausse dont la responsabilité est clairement définie, a été de 22 %. Plus précisément, elle s'est élevée à 13 000 francs par Français en deux ans. Il y a donc une pente à corriger, ce à quoi nous nous employons : en 2000, la dette cessera de progresser en pourcentage de la production nationale avant de commencer à décliner. Compte tenu de la limitation, en 1999, du déficit, et des taux d'intérêt actuels, en partie grâce à l'euro auquel il faut, sur ce point, rendre un hommage particulier, la charge de la dette en pourcentage des recettes de l'Etat - le chiffre de 20 % a été cité - a diminué de près d'un point, passant de 17,6 % en 1998 à 16,6 % en 1999.
M. Badré s'est étonné de la diminution du quotient familial qui pèse sur 600 000 familles. A ce sujet, j'apporterai deux éléments de réponse.
Cette diminution résulte directement d'une convention sur la famille que M. le Premier ministre a tenue au printemps de cette année avec les associations familiales. Le Gouvernement a mis exactement en oeuvre le dispositif que souhaitaient ces dernières, c'est-à-dire la suppression du plafonnement des allocations familiales et, en contrepartie - il faut bien équilibrer le régime famille - la diminution du quotient familial.
Sur ces 600 000 familles, 225 000 d'entre elles gagneront à ce changement et 425 000, c'est vrai, y perdront. Pour relativiser les choses, je dirai que, pour un couple avec deux enfants, le problème ne commencera à se poser qu'à partir de 48 200 francs de revenus par mois. Convenons que ces familles sont parfaitement respectables mais pas vraiment modestes.
La politique familiale du Gouvernement est connue : outre le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, le relèvement des minima sociaux, les emplois-jeunes et la relance de la croissance, qui ont permis une baisse significative du chômage des jeunes, citons le plan social étudiants qui permettra aux jeunes de toutes origines sociales de poursuivre des études supérieures.
M. Badré m'a également interrogé sur les concubins. Je lui rappellerai les propos de M. de Courson, qui est un orfèvre en la matière : 5 millions de couples concubins ont 2 millions d'enfants à charge. Je crois donc que le Gouvernement a raison de se soucier de ces familles dont le statut juridique n'est pas celui du mariage.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je voudrais enfin formuler une remarque à propos du système allemand, qui a été cité par beaucoup d'entre vous. Puisque la fiscalité allemande est supposée être exemplaire, je voudrais simplement faire observer que l'impôt sur le revenu rapporte à l'Etat 1 000 milliards de francs en Allemagne et 335 milliards de francs en France. L'impôt sur le revenu est donc trois fois plus lourd en Allemagne.
M. Jean Chérioux. Il faut ajouter la CSG !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vais y venir, monsieur Chérioux, mais permettez-moi encore un instant de centrer mon propos sur l'impôt sur le revenu.
Un couple marié avec deux enfants, dont le revenu annuel est d'un millions de francs, paiera au titre de l'impôt sur le revenu 185 000 francs en France et 350 000 francs en Allemagne.
Vous avez raison, monsieur Chérioux, de dire qu'il faut tenir compte des prélèvements sociaux ; mais même dans ce cas, l'avantage, si je puis dire, reste à la France. En effet, le couple que j'ai évoqué acquittera 360 000 francs dans notre pays, contre 415 000 francs en Allemagne. Ne cherchons donc pas à l'étranger des références trop faciles ; il suffit de constater que les travailleurs frontaliers d'Alsace préfèrent de loin être imposés en France plutôt que dans le pays où ils exercent leur activité professionnelle.
J'en viens maintenant à l'intervention de M. Paul Girod, qui a parlé principalement de la taxe professionnelle. Il a estimé que nous retenons une référence injuste, celle de 1997. Je voudrais rectifier ce point : dans le système proposé pour ancrer la compensation dont nous avons déjà longuement débattu, on prend les chiffres les plus récents, c'est-à-dire les bases de 1999 et les taux de 1998. Je crois que cela répond en partie à la critique de M. Girod.
Bien entendu, la compensation sera versée franc pour franc en 1999.
Cela étant, M. Girod est inquiet pour l'avenir. Je ne reprendrai pas ici la comparaison que j'ai faite entre les différentes références pour la taxe professionnelle sur la période 1992-1997. Je répète simplement que, si l'on avait appliqué le dispositif gouvernemental entre 1992 et 1997, ce dernier aurait été plus avantageux que le système qui est en cours de remplacement.
M. Oudin s'est inquiété du sacrifice des investissements. Après l'intervention de M. Girod, qui a parlé d'hystérèse, c'est-à-dire du fait que l'on regarde le présent avec les yeux du passé, cela constitue une heureuse transition.
M. Oudin me semble s'être trompé de période : les investissements de l'Etat sont en hausse de 2,8 % en 1999, après une baisse de 13 % entre 1993 et 1997. Il est donc clair que l'investissement de l'Etat a été sacrifié entre 1993 et 1997, et que tel n'est pas le cas en 1999. Quand vous discuterez du budget des transports, vous pourrez vous en rendre compte.
M. Adnot a regretté la fin des quirats, dont je dirai qu'elle est intervenue dans la transparence démocratique la plus complète.
Chacun sait que le système des quirats avait pour objet de permettre à ceux qui investissaient dans les parts de navire de tirer un avantage considérable en matière de réduction d'impôts, et ce pour favoriser le développement de notre flotte de commerce et de nos chantiers navals. Chacun connaît aussi les critiques que ce système a suscitées : nos chantiers navals n'en étaient pas sytématiquement les bénéficiaires ; en outre, institué en 1996 pour un coût fiscal de 400 millions de francs, ce système a rapidement coûté cinq fois plus ! Il y avait donc là une vraie difficulté.
Nous avions promis de mettre en place un système de remplacement : il a été négocié avec les professionnels puis inscrit dans le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Je crois que tout le monde en est satisfait, sauf semble-t-il, M. Adnot...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Présentation très tendancieuse !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Eh bien, interrogez les professionnels de bonne foi !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les professionnels se satisfont de ce qu'on leur donne !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Regardez, pour citer un exemple, le redressement des chantiers de l'Atlantique !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ceux du Havre, c'est moins exceptionnel !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Les chantiers navals du Havre coûtent 100 millions de francs par mois aux contribuables ! Le lien avec les quirats me semble relativement faible !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vous qui nous y conduisez !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je répondrai à M. Adnot sur un dernier point : la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP.
M. Adnot est attentif au développement de la lutte contre les pollutions. De ce point de vue, je suis entièrement d'accord avec lui.
L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, verra ses moyens augmenter - vous le vérifierez dans le projet de budget qui vous est soumis - puisqu'ils passeront de 1,3 milliard de francs à 1,9 milliard de francs hors TGAP. L'ADEME aura donc plus de moyens pour développer son activité, et le bénéfice de la TGAP telle qu'elle vous est proposée pour 1999 ira évidemment à l'ADEME, laquelle pourra développer, dans le cadre d'un contrat d'objectifs pluriannuel, une lutte contre les pollutions beaucoup mieux coordonnée que par le passé.
M. Adnot a imaginé que nous allions capter toutes les redevances des agences de l'eau. Cela ne figure pas dans le budget qui vous est présenté. C'est un sujet sur lequel Mme le ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire a engagé une concertation approfondie. Ce n'est pas un sujet d'actualité. Le Gouvernement est attaché au rôle que les agences de l'eau joue. Il y aura donc une concertation dont il ne faut pas tirer des conclusions prématurées.
Mme Beaudeau a nourri un débat franc et positif au sein de la majorité. Elle a fait d'heureuses citations de M. le Premier ministre. Il en est une que j'aime particulièrement : « Oui à l'économie de marché, non à la société de marché. » Cela me semble véritablement la philosophie qui inspire le projet de budget qui vous est proposé.
Mme Beaudeau m'a posé trois questions.
La première portait sur la TVA, notamment la TVA sur le chocolat et sur les équipements sportifs. Il est effectivement compatible avec les règles européennes de baisser la TVA sur le chocolat. Mais une telle décision représenterait une dépense relativement coûteuse - plusieurs centaines de millions de francs - alors que le chocolat de ménage, par opposition au chocolat bénéficiant d'additifs, est déjà assujetti au taux réduit de 5,5 %.
En ce qui concerne les équipements sportifs, vous le savez, madame la sénatrice,... (Exclamations sur les travées de l'Union centriste) ... vous me permettrez de vous appeler ainsi, madame ?... (Mme Beaudeau fait un signe d'assentiment.)
Madame la sénatrice, comme vous le savez, seules les entreprises offrant des prestations sportives, qu'il s'agisse de clubs de golf, de clubs d'équitation, de clubs de gymnastique, paient la TVA. Les associations à but non lucratif exerçant dans le domaine sportif ne l'acquittent pas. Dans ces conditions, je ne suis pas sûr qu'il soit absolument prioritaire d'alléger la TVA sur ces entreprises offrant des prestations sportives.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous y reviendrons dans ce débat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Effectivement !
S'agissant des associations, je signale simplement au passage le fait que le Gouvernement a tranché un noeud gordien : par une circulaire du 15 septembre, il a fait clairement le partage entre les associations à but non lucratif et les associations ayant des activités commerciales. J'ai d'ailleurs écrit à ceux d'entre vous qui avaient attiré mon attention sur des cas dramatiques pour dire que les contentieux fiscaux du passé sont annulés et que les associations, avec des règles précises, ont du temps - jusqu'au 1er avril prochain - pour mettre leurs statuts en conformité avec des règles fiscales qui soient claires.
Vous avez en outre, soulevé des interrogations quant à l'impact de la taxe professionnelle sur l'emploi, madame Beaudeau. Le Gouvernement s'est engagé à produire, pour le 30 septembre de l'an prochain, un rapport sur ce point à destination du Parlement.
Nous pensons que cette réforme pourrait - j'emploie à dessein le conditionnel - entraîner la création de 25 000 emplois en 1999, tant il est vrai que cette réforme est ciblée sur les petites et moyennes entreprises des secteurs de main-d'oeuvre, c'est-à-dire sur les entreprises ayant créé le plus d'emplois dans le passé ; mais nous pourrons le vérifier ensemble d'ici à un an.
Vous m'avez également interrogé sur le Crédit Lyonnais. Il est vrai que le produit de la privatisation de cet établissement, qui nous a été imposée par l'Union européenne, n'est pas versé au compte d'affectation spéciale qui recueille les produits des cessions de participation. Toutefois, cela ne signifie pas que le Crédit Lyonnais ne sera pas privatisé ; cela veut dire, madame la sénatrice, que, comme le Gouvernement s'y est engagé, le produit de cette privatisation ira directement à l'établissement qui a pris en charge la dette du Crédit Lyonnais, et que les spécialistes appellent l'EPFR.
Enfin - c'était votre dernière question - vous m'avez demandé s'il y aurait, avant le débat sur les caisses d'épargne, un débat sur le secteur financier. Ce débat a été promis par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et il aura lieu comme promis.
M. Massion a présenté d'une façon que je ne vais pas commenter longuement - mais que j'approuve complètement - le contraste entre la croissance molle et inégalitaire du modèle libéral et la croissance vigoureuse et solidaire du modèle que le Gouvernement défend avec sa majorité plurielle.
M. Massion a fort bien exposé - et je ne le plagierai pas - les différences qui existent entre nous et la majorité sénatoriale. Il y a effectivement deux logiques et j'observe que celle dans laquelle je me situe correspond tout à fait à celle qu'il a mise en évidence, après M. Angels et avant M. Sergent.
Vous m'avez interrogé sur la taxe d'habitation. Il s'agit d'un impôt particulièrement injuste, d'autant que les bases des impôts locaux ont été fixées en 1970 pour la taxe d'habitation et l'impôt foncier, et même en 1961 pour l'impôt foncier non bâti. Il faut donc réformer ces impôts et les asseoir sur des bases plus récentes. Un important travail a été accompli sur ce point en 1990, à la demande du Parlement.
Le Gouvernement entend - M. le Premier ministre l'a confirmé devant l'Association des maires de France - que cette réforme juste soit menée à son terme. Il souhaitait initialement l'introduire dans le projet de loi de finances rectificative, mais - et je fais appel à votre expérience de parlementaires - s'agissant d'une trentaine d'articles fiscaux tous assez compliqués dans la mesure où ils constituent, en fait, les fondements de tous les impôts locaux, la taxe professionnelle dépendant elle-même de ces bases locatives, le temps de débat extrêmement court dont nous aurions disposé n'aurait pas été suffisant : le collectif budgétaire doit être examiné en une quizaine de jours.
L'examen de cette réforme sera donc repoussé à l'année prochaine, ce qui nous permettra de réaliser, ainsi que les parlementaires de l'Assemblée nationale nous l'ont demandé, de plus nombreuses simulations, afin d'étudier les éventuelles distorsions que cette réforme pourrait provoquer. S'il est clair, en effet, que, pour chaque commune, pour chaque département et pour chaque région, le produit de la taxe d'habitation sera le même qu'auparavant, il y aura, à l'intérieur de chaque commune mais aussi, dans un certaine mesure, à l'intérieur de chaque département et de chaque région, des transferts de taxe d'habitation.
Le Gouvernement, qui est éclairé en la matière par les travaux réalisés en 1996 par le Comité des finances locales, va donc étudier ce dossier en détail avec les parlementaires qui le souhaitent, de façon que les hausses et les baisses que les contribuables auront à supporter s'effectuent prudemment, sans que, dans le même temps, l'Etat soit amené à y consacrer trop d'argent.
Enfin, monsieur Massion, vous êtes, je crois, le seul à avoir insisté sur le dispositif de lutte contre la fraude fiscale qui figure dans le projet de loi de finances.
L'intention du Gouvernement est claire en la matière : il s'agit de mieux lutter contre la grande fraude fiscale internationale. C'est tout à fait important. Il ne s'agit pas de tourmenter les salariés ou l'immense majorité des contribuables, mais de lutter contre l'évasion fiscale, contre la fraude fiscale et contre un certain nombre de souplesses offertes par des dispositifs très complexes et par des perméabilités croissantes au sein de l'Europe - et pas seulement de l'Europe, d'ailleurs.
Vous aurez l'occasion d'étudier cette question, car l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, un dispositif assez complet à ce sujet, à partir d'un rapport parlementaire de M. Brard.
M. Peyrefitte a développé un exposé que je respecte entièrement dans sa forme brillante, mais un peu moins sur le fond. Il a évoqué une sorte de mystique de l'Etat omnipotent. J'ai eu le sentiment, à l'écouter, qu'il pratiquait une sorte de dogmatisme de l'Etat absent et du chacun pour soi.
Dans le modèle européen, dans lequel nous nous reconnaissons tous, il y a un rôle pour l'Etat, qui doit stimuler l'activité économique et assurer un minimum - sinon un maximum - de solidarité sociale. Je ne vois pas en quoi il serait conforme aux défis de la modernité, que M. Peyrefitte a évoqués à juste titre, de réduire le budget de l'éducation nationale ou celui de la recherche, comme tend à le faire le budget alternatif qui a été élaboré patiemment, courageusement et rigoureusement par votre commission des finances.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas bien se préparer à la bataille de l'intelligence que de réduire le budget de la recherche ou celui de l'éducation nationale, que de brimer le budget de la culture. Les dépenses que l'Etat prévoit dans ces trois domaines - que je cite parmi d'autres - sont utiles pour l'avenir : ces domaines ne relèvent pas d'une conception ambitieuse du rôle de notre pays au xxie siècle.
M. Fréville m'a interrogé sur la croissance et sur les déficits. Je crois avoir déjà répondu sur ces deux questions.
Il nous a présenté des calculs extrêmement subtils tendant à montrer qu'il n'y avait pas de véritable baisse du déficit ni de réelle réduction d'impôt ou de vraie priorité dans les dépenses. Or, même avec toute la subtilité du monde, on ne peut pas ne pas constater que le projet du Gouvernement fait vraiment baisser les déficits, allège vraiment les impôts et accroît les dépenses avec mesure, en tout cas beaucoup moins que vous le souhaiteriez.
Cela étant, j'ai relevé deux points positifs dans son intervention.
Vous avez tout d'abord considéré, monsieur Fréville, que la baisse des droits de mutation était une bonne idée. Il est trop rare de recevoir des compliments de la majorité sénatoriale pour ne pas vous remercier d'en avoir formulé un !
Vous avez aussi évoqué la réintégration des crédits d'article, c'est-à-dire l'effort de transparence - à hauteur de 45 milliards de francs - réalisé par le Gouvernement pour présenter, ce qui était souhaitable depuis 1958, le projet de budget de la façon la plus sincère possible.
Vous m'avez interrogé à propos de la taxe professionnelle et de la surimposition de l'outillage. Il me semble avoir déjà répondu sur ce point : la taxation de ce que vous appelez « l'outillage » est l'élément de plus dynamique de la taxe professionnelle. Même entre 1992 et 1997, alors que l'investissement des entreprises a été réellement médiocre pendant cette période, la base de la taxe professionnelle a crû de 30 %. Je ne pense donc pas que cet impôt décourage la modernisation. De toute façon, il a un rendement suffisant.
Quant au choix que vous avez évoqué, en citant M. Malinvaud, entre baisse des cotisations sociales sur le travail peu qualifié et taxe professionnelle, je crois que les mesures que nous prenons en matière de taxe professionnelle portent pour l'essentiel sur des activités de main-d'oeuvre qui concentrent une forte proportion d'emplois non qualifiés.
En ce qui concerne la dette - je vous prie de m'excuser si je condense mes réponses - vous avez indiqué qu'il faudrait encore quelques années pour la stabiliser. Nous serons, en 1999, à 2,3 % de déficit public en pourcentage du produit intérieur brut, toutes administrations confondues. Or les travaux des spécialistes montrent que la dette est stabilisée lorsque le déficit s'établit à 2,1 %.
Je vous promets que, dès l'an 2000, la dette commencera à diminuer en pourcentage du produit intérieur brut, et nous aurons l'occasion alors d'enregistrer un événement exceptionnel puisque cela fait vingt ans que nous l'attendions.
M. Sergent a évoqué les collectivités locales et il a dit sur ce sujet tout ce qu'il fallait dire. Je n'ai donc rien à ajouter. Il a bien montré, notamment, que nous nous orientions vers la restauration d'un climat de confiance entre l'Etat et les collectivités locales, climat qui avait été profondément corrodé par le pacte de stabilité.
Je ne veux pas prolonger le débat, mais je considère comme M. Sergent que l'Etat et les collectivités locales sont côte à côte dans la bataille pour la croissance.
S'agissant du développement des emplois-jeunes, je rappelle que 17 000 contrats avaient déjà été conclus par les communes fin septembre. C'est le début d'un processus qui est tout à fait positif.
L'Etat et les collectivités locales sont également côte à côte dans la bataille pour l'aménagement rural et pour le développement de la politique de la ville.
Par ailleurs, M. Sergent a évoqué le fonds de compensation de la TVA. Cela fait très longtemps que les élus attendaient que les travaux d'aménagement des berges de torrents puissent bénéficier de ce fonds, même lorsque ces travaux sont entrepris sur des berges inondables qui n'appartiennent pas aux collectivités locales maîtres d'oeuvre. Le Gouvernement a accepté ce principe.
Enfin, monsieur Sergent, s'agissant de la M 14, c'est-à-dire du changement du système compable des collectivités locales, je souhaite rendre hommage aux élus qui ont réalisé cette transition avec beaucoup de courage et d'abnégation.
J'indique que de nouvelles maquettes budgétaires ont été publiées ce mois-ci. Elles résultent d'un travail piloté par M. Frécon au sein de l'Association des maires de France, conjointement avec l'Etat.
Aujourd'hui, nous allons marquer une pause en la matière ; les maquettes budgétaires qui viennent d'être publiées vont maintenant vivre leur temps sans que l'on change perpétuellement les systèmes comptables.
M. Bourdin a conclu son intervention par une observation qui aurait pu être placée en exergue de notre débat. En effet, il s'est fait l'écho des travaux qui ont été menés par le Sénat avec des organismes économiques très sérieux sur trois sujets : l'évolution de l'environnement international, les perspectives à moyen terme de notre pays et l'évolution du financement de la sécurité sociale.
Je dis au nom du Gouvernement qu'il me paraît bon que le Sénat soit doté - ce qui est le cas depuis quelques années - de sa propre capacité d'analyse et de prévision dans le domaine économique. En s'appuyant sur les meilleurs partenaires français possibles en France, la Haute Assemblée est ainsi en mesure d'apporter des arguments pertinents au débat.
S'agissant de l'environnement international, vous avez parlé du dollar, qui constitue effectivement un paramètre important de la croissance européenne. J'y vois une raison supplémentaire pour que nous parvenions, au niveau européen, à une bonne coordination des politiques budgétaires et à une bonne harmonisation entre celles-ci et la politique monétaire qui sera menée par la Banque centrale européenne à partir de 1999.
Vous avez confirmé, pour l'essentiel, que la croissance européenne atteindrait l'an prochain 2,5 % au lieu de 2,7 %, la France étant un peu en avance à cet égard. Ces chiffres me paraissent tout à fait raisonnables. Vous avez attiré notre attention sur le fait, à mon sens essentiel, que, même si la croissance est forte - 2,7 % en 1999 et 2,5 % entre 2000 et 2003 - le taux de chômage demeurera à un niveau encore difficilement supportable : de l'ordre de 10 % à 11 %.
Personnellement, j'en tire la conclusion que la politique de lutte contre le chômage, c'est un peu, pour prendre une image, comme la fusée Ariane : il y a le corps de la fusée, la croissance, croissance sans laquelle il y aurait une explosion du chômage ; mais il y a aussi, parce que la croissance doit être consolidée, soutenue, deux fusées annexes, deux boosters, si vous me permettez d'employer ce terme, qui sont, d'un côté, la politique de réduction du temps de travail, de l'autre, la politique des emplois-jeunes.
Il est important, à mes yeux, que la politique de l'emploi soit une politique de croissance complétée - il n'est pas question de substitution ! - par une politique ambitieuse en matière de réduction négociée du temps de travail - les premiers résultats sont tangibles alors que les textes ne sont parus qu'au mois de juillet - et en matière d'emplois-jeunes, où les choses se passent fort bien, puisqu'on en sera à 150 000 emplois-jeunes à la fin de l'année et que l'on vise les 250 000 à la fin de l'année suivante.
Les emplois-jeunes, qui n'ont pas très bonne presse au sein de la Haute Assemblée, ne sont pas - je tiens à le dire - de faux emplois publics. C'est un sas qui permet à des jeunes en grande difficulté ou au chômage de retrouver confiance en eux-mêmes et en l'avenir. Ils ont en effet cinq ans devant eux pour apprendre à travailler, pour perfectionner leur formation, après quoi ils partiront dans les entreprises ou passeront des concours administratifs.
Avec à peine un an de recul, on constate déjà que les jeunes ayant bénéficié des premiers emplois-jeunes sont nombreux à profiter des embauches offertes par les entreprises, laissant ainsi leur place dans le dispositif à d'autres jeunes. Ce dispositif est donc bon non seulement du point de vue social mais également du point de vue économique.
En matière de finances publiques, selon vous, si nous continuons l'effort grâce à la croissance - je ne vous contredirai pas sur ce point, me contentant d'ajouter que ce n'est pas seulement grâce à la croissance - nous devons cependant dépenser mieux, et donc redéployer. C'est la tâche à laquelle je m'emploie.
Si la croissance est là, si elle arrange beaucoup de choses, elle n'arrange pas tout. L'exemple américain, que M. Strauss-Kahn a cité hier, est à cet égard significatif, me semble-t-il.
Si nous avions - mais ne rêvons pas ! - six à sept années de croissance continue, grâce à une bonne politique budgétaire et à une bonne politique monétaire, nous arriverions peut-être à supprimer complètement les déficits publics, comme les Etats-Unis y sont parvenus.
La croissance est donc bien - vous l'avez dit - la bonne manière, accompagnée de politiques structurelles patientes de redéploiement des dépenses vers les véritables priorités, d'arriver à une situation meilleure des finances publiques.
S'agissant du financement de la sécurité sociale, monsieur Bourdin, vous avez cité le rapport de M. Malinvaud. Le débat est en cours. Il n'est pas facile de modifier l'assiette des cotisations patronales. Divers scénarios existent, y compris dans le rapport de ce grand économiste que vous avez cité.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité va mettre à profit les premiers mois de l'année 1999 pour étudier - le Gouvernement aime débattre avant de décider - les meilleures solutions en matière de diminution des cotisations patronales.
Monsieur le président, j'ai tenu à répondre aussi précisément que possible à tous ceux qui ont bien voulu participer à ce débat de politique générale, en prélude à l'examen, article par article, du projet de budget pour 1999 qui vous est soumis par le Gouvernement.
Depuis hier, nous avons échangé des arguments à l'appui de deux logiques : la logique qui inspire le projet gouvernemental et celle qui inspire le projet alternatif de la commission. Nous aurons encore l'occasion de débattre. En conclusion, ce dont je me félicite, c'est que, si il y a deux logiques, il n'y ait qu'un seul dialogue républicain. (Applaudissements.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, chacun des intervenants aura sans doute apprécié votre réponse dense, riche et argumentée, dont la Haute Assemblée dans son ensemble n'a pu que tirer profit.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3