Séance du 16 novembre 1998







M. le président. « Art. 2. - I. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables au solde cumulé du produit de la contribution sociale de solidarité résultant de l'application du premier alinéa dudit article, constaté au 31 décembre 1998.
« II. - Un prélèvement d'un milliard de francs est opéré en 1999 sur le produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles.
« Les dispositions du b du 2° de l'article L. 139-2 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables, pour l'exercice 1999, au régime des exploitants agricoles.
« III. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa de l'article L. 651-1, les références : "aux articles L. 621-3, L. 721-1 et L. 723-1," sont remplacées par les mots : "aux 1° et 2° de l'article L. 621-3, ainsi qu'au profit du Fonds de solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1," ;
« 2° L'article L. 651-2-1 est ainsi modifié :
« a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le cas échéant, le solde du produit de la contribution résultant de l'application des dispositions de l'alinéa précédent est versé au Fonds de solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1. » ;
« b) La première phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : "et le Fonds de solidarité vieillesse" ;
« 3° Le premier alinéa de l'article L. 135-3 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, du solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés visé au deuxième alinéa de l'article L. 651-2-1. »
« Les dispositions du présent III entrent en vigueur à compter de l'exercice 1999.
« IV. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° L'article L. 135-1 est ainsi modifié :
« a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds a également pour mission de gérer un fonds de réserve pour les régimes d'assurance vieillesse visés à l'article L. 222-1 et aux 1° et 2° de l'article L. 621-3. »,
« a bis) Au deuxième alinéa, les mots : "qui est assisté d'un comité de surveillance composé notamment de membres du Parlement" sont remplacés par les mots : "qui est assisté dans les missions mentionnées aux premier et deuxième alinéas d'un comité de surveillance composé notamment de membres du Parlement, de représentants des assurés sociaux désignés par les organisations syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au plan national ainsi que de représentants des employeurs et travailleurs indépendants désignés par les organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs indépendants représentatives", »
« b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les opérations du Fonds de solidarité vieillesse correspondant à chacune des missions respectivement mentionnées au premier et au deuxième alinéa du présent article sont retracées en deux sections distinctes. » ;
« 2° Au premier alinéa de l'article L. 135-2, les mots : "Les dépenses prises en charge par le fonds visé à l'article L. 135-1 sont les suivantes" sont remplacés par les mots : "Les dépenses prises en charge par le Fonds de solidarité vieillesse au titre du premier alinéa de l'article L. 135-1 sont les suivantes" ; »
« 3° L'article L. 135-3 est ainsi modifié :
« a) Au premier alinéa, les mots : "Les recettes du fonds sont constituées par" sont remplacés par les mots : "Les recettes du fonds affectées au financement des dépenses mentionnées à l'article L. 135-2 sont constituées par", »
« b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les recettes et les dépenses du fonds de la première section doivent être équilibrées, dans des conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale. » ;
« 4° Les articles L. 135-4, L. 135-5 et L. 135-6 deviennent respectivement les articles L. 135-1-1, L. 135-4 et L. 135-5 ;
« 5° Après l'article L. 135-1-1, il est créé une section 1 intitulée : "Opérations de solidarité" et comprenant les articles L. 135-2 à L. 135-5 ;
« 6° Après l'article L. 135-5, il est inséré une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Fonds de réserve

« Art. L. 135-6 . - Les recettes du fonds affectées aux missions définies au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 sont constituées par :
« 1° Une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, du solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés visé au deuxième alinéa de l'article L. 651-2-1 ;
« 2° Tout ou partie du résultat excédentaire de la première section, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ;
« 3° Toute ressource affectée au fonds de réserve en vertu de dispositions législatives. »
Sur l'article, la parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Madame la ministre nous a annoncé que le Gouvernement subordonnait toute réforme des régimes de retraite au diagnostic sur les retraites demandé au Commissariat général du plan.
Je réitère la question que j'ai posée lors de la discussion générale : était-il véritablement nécessaire d'établir un nouveau rapport sur les retraites, trois ans à peine après la publication de l'étude du Commissariat général du plan consacrée aux « perspectives à long terme des retraites », dont les enseignements étaient suffisamment éloquents, pour engager sans tarder les réformes nécessaires ?
Ce rapport de 1995 a mis en lumière l'ampleur des déséquilibres futurs de nos régimes de retraite.
Il évalue ainsi les besoins de financement annuels du seul régime général à 107 milliards de francs en 2015. Si l'on additionne les besoins de financement annuels en 2015 des différents régimes étudiés par ce rapport, on obtient un total de 330 milliards de francs par an. Et encore ce rapport n'a-t-il étudié qu'une partie des régimes de salariés : les besoins de financement totaux de l'ensemble des régimes de retraite en 2015 seront donc supérieurs à ce chiffre.
Face à ces difficultés prévisibles, le Gouvernement propose d'ores et déjà, sans attendre les conclusions du nouveau diagnostic, de créer un fonds de réserve pour les retraites, dont la finalité et les modalités de financement restent particulièrement floues.
En annonçant la constitution d'un tel fonds de réserve, le Gouvernement semble faire le choix de la « répartition provisionnée » préconisée par M. Olivier Davanne dans son rapport au Conseil d'analyse économique. La répartition provisionnée désigne la constitution de réserves au sein des régimes de répartition.
Dans un système de répartition provisionnée, les régimes de retraite se concentrent sur leur rôle « d'assureurs intergénérationnels » et gèrent des réserves financières importantes. Les jeunes générations héritent ainsi en contrepartie de la dette implicite laissée par leurs parents d'un patrimoine, productif de revenus, qui allège le poids des cotisations retraite payées par les actifs.
La constitution de réserves peut avoir deux objectifs. Ou bien un simple lissage : les sommes accumulées sont dépensées au moment où les besoins de financement l'exigent, jusqu'à la disparition totale du fonds. Ou bien la constitution d'un fonds durable et permanent dont les revenus financiers permettent de faire face aux besoins de financement.
Selon que l'on choisit l'une ou l'autre des deux options, les montants nécessaires sont très différents. Ils sont naturellement beaucoup plus élevés dans l'hypothèse de la création d'un fonds permanent.
A ce jour, le Gouvernement n'a pas encore indiqué quelle serait véritablement la finalité du fonds de réserve ainsi créé.
En outre, les dotations financières affectées à ce fonds de réserve ne semblent pas à la hauteur des enjeux.
Le fonds de réserve devrait en effet, dans l'immédiat, être alimenté à hauteur de 2 milliards de francs par un prélèvement sur les excédents d'une taxe sur le chiffre d'affaires des entreprises, créée pour alimenter les régimes de sécurité sociale des personnes non salariées. Cette somme - il faut le souligner - correspond à un jour de versement de prestations vieillesse de notre pays.
MM. Alain Gournac et Jean Chérioux. Eh oui, un jour !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme la réforme Balladur !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le Gouvernement a également évoqué - mais sans s'engager formellement - une éventuelle affectation des fonds propres des caisses d'épargne, pour un montant de 15 milliards de francs environ.
Or pour que le fonds de réserve apporte, par les revenus financiers qu'il dégagera, une réponse crédible aux besoins futurs, il faudrait en réalité atteindre très rapidement un montant d'encours colossal, évalué, selon les hypothèses, qui font apparaître, il est vrai, des différences importantes, entre 4 000 et 9 000 milliards de francs. Je signale au passage que 4 000 milliards de francs, c'est plus de deux fois le budget de l'Etat.
L'éventualité d'une surcotisation pour alimenter ce fonds n'a pas été exclue par le Gouvernement.
La commission des affaires sociales se demande toutefois si les actifs - j'imagine que le Gouvernement doit se poser la question également - accepteront de bonne grâce cette surcotisation qui constitue indéniablement une augmentation des prélèvements obligatoires.
Cette question est qualifiée par les économistes de « problème de la transition » qui fait référence au fardeau que doivent subir les générations actuelles de travailleurs contraints de financer aussi bien leur propre compte de retraite que les pensions des retraités actuels ou des travailleurs plus âgés.
Par la création de ce fonds de réserve, le Gouvernement prend le risque de susciter des espoirs qui seront vite déçus. Il y aurait, en effet, un grand péril si nos compatriotes étaient amenés à considérer que ce fonds permettra de résoudre les difficultés futures des régimes de retraite. A l'évidence, ce fonds de réserve, dont la dotation est très faible, ne peut constituer à lui seul une solution réaliste aux déséquilibres futurs de nos régimes de retraite. Tant que nous n'obtiendrons pas des précisions en ce qui concerne son avenir, son montant et ses dotations, la manière dont il sera géré et ses modalités de contrôle, il nous paraîtra sage de ne pas aller plus loin.
M. le président. Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 2 du présent projet de loi concerne le financement des retraites du régime général.
Il crée, de manière tout à fait concrète, un fonds de réserves pour pallier les insuffisances éventuelles de financement de ces retraites.
Pour l'année 1999, le fonds sera alimenté par un versement d'un milliard de francs en provenance de la contribution sociale de solidarité des sociétés, versement qui pourrait, les années ultérieures, être couplé avec d'autres ressources qui seront définies par la voie législative.
Madame la ministre, la question du financement des retraites doit, selon nous, être replacée dans un cadre beaucoup plus large.
Le véritable problème qui est posé n'est pas en effet celui de la réponse conjoncturelle aux besoins de financement, mais celui de la définition de solutions durables pour un financement stable.
En l'espèce, nous ne pouvons évidemment omettre d'évoquer le problème de la démographie, que d'aucuns ont posé et mis en exergue.
La fin de la période d'activité professionnelle des classes d'âge du baby-boom produirait, si l'on en croit certains, un effet sur le ratio actifs-retraités tel que l'équilibre du régime par répartition ne serait plus assuré avec la même certitude.
Nous devons nous poser la question : à qui fera-t-on croire que cette voie constitue la source de toutes nos difficultés ?
Cette appréciation de la situation démographique pose naturellement les véritables interrogations et nous savons, madame la ministre, que vous vous les êtes posées.
Il s'agit notamment de savoir quel est l'impact de la précarisation des conditions de travail et de la persistance d'un niveau de chômage élevé sur le niveau des recettes des régimes de retraite.
Il est tout de même significatif que, dans notre pays, les régimes de retraite soient entrés en zone de turbulence, si l'on peut dire, dès lors que le chômage s'est massifié et que la précarité s'est développée.
Aujourd'hui, on compte quatre fois plus de travailleurs précaires que voilà quinze ans.
Cela ne peut manquer d'avoir des conséquences sur le financement des régimes de retraite, comme d'ailleurs sur l'ensemble des comptes sociaux. Cela peut aussi avoir à long terme des conséquences pour les travailleurs eux-mêmes, au regard de la consistance de leurs droits à pension.
On ne peut aussi manquer de souligner en termes de recettes des régimes de retraite que, de façon globale, la contribution des entreprises au financement des retraites s'est trouvée réduite ces dernières années, alors même que les prélèvements effectués sur les salariés et les ménages connaissaient pourtant une hausse assez régulière.
Au cours des années quatre-vingt, on a ainsi assez largement fiscalisé les recettes du régime d'assurance vieillesse, sans que cela produise d'effet positif durable sur sa situation financière. C'est un constat.
Le mouvement s'est d'ailleurs poursuivi avec la réforme de 1993 qui n'a pas résolu, loin s'en faut, les difficultés de l'assurance vieillesse et dont les effets pèsent en revanche lourdement sur le pouvoir d'achat des retraités et des pensionnés.
La constitution d'un fonds de réserve ne doit donc pas faire oublier la nécessité, dans ce domaine de l'assurance vieillesse comme en d'autres, d'une profonde réforme des cotisations sociales des entreprises et des modalités de financement du régime général de protection sociale.
Là est sans doute la véritable solution aux problèmes posés, madame la ministre.
Quelques mots, pour terminer, sur la question de la retraite par capitalisation, ce que l'on appelle communément « les fonds de pension ».
Nous nous félicitons que les principes ayant guidé l'élaboration de la loi Thomas soient aujourd'hui abandonnés.
Permettez-moi d'ailleurs d'observer que ce texte était sans doute très mauvais et très mal conçu puisque le gouvernement de l'époque n'avait pas osé le présenter lui-même et avait demandé à un député de la majorité d'alors de le proposer.
MM. Charles Descours, rapporteur, et Alain Gournac et Jean Chérioux. Comme pour le PACS ! (Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Aucune comparaison, mes chers collègues !
Nous doutons de la capacité des fonds de pension à répondre aux besoins de financement des retraites.
L'une des raisons de ce doute est que le financement, par voie de cotisations, desdits fonds pèsera naturellement sur les recettes normales du régime par répartition, et singulièrement sur les salaires.
Quant au remplacement d'un prélèvement dit obligatoire par un prélèvement facultatif qui aura vite un caractère d'obligation, nous ne voyons pas là, malheureusement, de différence sensible.
Il faut que l'on cesse de tromper les gens : les fonds de pension ont vocation non pas à répondre à des inquiétudes, même légitimes, mais plutôt à livrer à la spéculation boursière des sommes chaque fois plus importantes et consacrées à de nouveaux et spectaculaires gâchis de ressources.
Ce sont là, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques observations que nous voulions faire sur cet article 2.
M. Jean Chérioux. Vive les prélèvements obligatoires !
M. le président. Sur l'article, la parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Le registre de mon intervention sera différent, mais le sujet est le même.
L'ensemble des experts sont d'accord pour reconnaître que, en 2005-2010, les régimes de retraite de base et les régimes complémentaires connaîtront un déséquilibre chronique.
Ainsi, M. Raoul Briet, dans son rapport relatif aux perspectives à long terme des retraites, analyse avec précision la situation de chaque régime. Le régime des retraites complémentaires des salariés du secteur privé, l'ARRCO, devrait normalement rester excédentaire jusqu'en 2010, au prix d'une hausse progressive des cotisations. Rappelons, par ailleurs, que l'ARRCO ne liquide les pensions à taux plein qu'à soixante-cinq ans, le surcoût de la retraite à soixante ans pour ces régimes étant assuré par une structure spécifique, créée en 1983.
Mais, comme l'AGIRC, l'ARRCO risque de connaître de graves problèmes financiers dès 2015. A ce moment-là, tous régimes confondus, le besoin de financement pourrait atteindre près de 400 milliards de francs.
Quant aux causes de cette situation, elles suscitent de vifs débats entre responsables politiques et partenaires sociaux. Ces derniers, les syndicats de salariés en fait, insistent sur l'influence du chômage sur les difficultés présentes et futures des régimes de retraite. Nul ne peut nier, en effet, les méfaits de la crise économique, et du problème plus précis de la diminution de la durée de la carrière des actifs, sur la situation financière de la protection sociale.
Par ailleurs, comment ignorer l'impact de la dénatalité, du vieillissement de la population française ? Un taux de natalité de 1,6 ou 1,7 est manifestement insuffisant pour assurer le renouvellement des générations.
Le rapport cotisants-retraités risque donc de se dégrader encore dans l'ensemble des régimes, en particulier dans le secteur public. C'est pourquoi il est plus que jamais nécessaire de mener une politique familiale plus ambitieuse. S'agissant de la dénatalité, il n'y a pas de fatalité : l'exemple de la Suède, voilà quelques années, l'a démontré.
En attendant de connaître les conclusions de la mission Charpin, on peut s'interroger sur l'efficacité du dispositif que le présent projet de loi tend à instituer avec le fonds de garantie des régimes de retraite par répartition. L'idée est louable, certes, mais les modalités sont critiquables ; cela a déjà été dit.
Le montant, tout d'abord, est dérisoire. Quant au fait d'affecter à ce fonds, à terme, une partie des fonds propres des caisses d'épargne et des recettes de privatisation, cela demande un examen plus approfondi et devrait faire l'objet d'un projet de loi spécifique.
S'agissant des recettes de privatisation, rappelons que c'est le gouvernement précédent qui, en 1995, a décidé de les imputer sur un compte d'affectation spéciale concourant au désendettement de l'Etat. Il s'agissait d'une mesure particulièrement courageuse, prise dans un souci de transparence budgétaire et d'assainissement financier.
Modifier l'affectation de ces fonds pose donc un problème plus large. La réduction de la dette par habitant, qui atteint à présent 192 000 francs, doit rester notre priorité. Mais est-ce-vraiment à l'Etat et à la communauté nationale d'assurer continuellement le renflouement des régimes de retraite dont certains sont structurellement déficitaires ?
La question du maintien du pouvoir d'achat des retraites appelle une réponse volontariste et innovante : la création d'un nouvel étage de retraite complémentaire par capitalisation, alors que la loi de 1997 devrait être prochainement abrogée. Ce sera l'objet d'un amendement de mon groupe parlementaire lors de cette discussion.
M. Jacques Machet. Très bien ! M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Avant d'aborder les amendements qui ont été déposés sur cet article important créant le fonds de retraite, je voudrais avoir l'avis de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur une information parue tout à l'heure dans un grand journal du soir : le président de la caisse régionale d'assurance maladie du Sud-Est laisse entendre que des pensions sont versées à des morts à l'étranger, du fait d'« un système de contrôle fort vulnérable et désuet ».
La Caisse nationale d'assurance vieillesse répond que, « si les fraudes existent, elles ne peuvent être que ponctuelles et en aucun cas représenter des surcoûts de dépenses massifs ».
Ce n'est pas, loin s'en faut, une réponse très satisfaisante. J'aimerais donc connaître sur ce point l'avis du ministre de tutelle. (M. Machet applaudit.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, vous savez comme moi que la CNAM ne dépend pas l'Etat. Je ne me permettrai pas de vouloir étatiser la CNAM, comme cela m'a d'ailleurs été reproché par certains de vos collègues.
Si les faits que vous évoquez étaient avérés, je serais la première à exprimer à la CNAM le souhait du Gouvernement de voir effectuer les contrôles les plus appropriés possible. Mais nous sommes, je le répète, dans un domaine relevant des partenaires sociaux, et je me garderai bien d'intervenir à cet égard.
Pour le reste, je rappellerai rapidement certaines choses.
M. Vasselle déclare que tout était déjà dans le rapport de 1995 sur les retraites. Pourquoi, par conséquent, n'avoir rien fait entre 1995 et 1997 pour régler définitivement ce problème ?
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Par ailleurs, vous me demandez pourquoi nous faisons établir un nouveau rapport. Je crois l'avoir déjà dit très clairement : on ne peut considérer savoir ce qui se passe s'agissant des retraites en se contentant de comparer le montant final des retraites au montant des salaires, sans étudier quelles ont été les contributions des salariés et quel était le contenu du contrat social que ceux-ci avaient passé avec leur entreprise. C'est la raison pour laquelle nous avons effectivement souhaité qu'un rapport plus complet soit élaboré par le commissariat général du Plan.
Vous nous reprochez de tarder ; mais quand nous ne tardons pas et que nous créons un fonds de réserve, vous nous demandez pourquoi nous agissons si vite ! Là aussi, il faudrait savoir ! Eh bien nous créons ce fonds dès maintenant car il n'y a pas de temps à perdre pour trouver les moyens d'alimenter un fonds pour les retraites.
En revanche, il nous semble que, sur un sujet d'une importance aussi cruciale pour notre société - je rejoins là les propos de Mme Beaudeau -, il est utile d'instaurer un grand débat public. Nous l'engagerons et, je le dis devant cette assemblée, j'espère qu'il réunira l'ensemble des partis politiques de notre pays, car ce problème, qui se pose à nous sur le moyen et le long termes, imposera qu'un certain consensus se dégage quant à la façon de le traiter...
M. Jacques Machet. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... dès lors que nous sommes d'accord sur les prémisses, à savoir défendre et conforter nos régimes de retraite par répartition et mettre en place une épargne retraite à long terme dont tous nos concitoyens puissent bénéficier et qui soit comme le troisième étage, si je puis dire, d'une fusée comportant en outre le régime général et les régimes complémentaires.
Le Gouvernement a donc souhaité, pour montrer sa volonté de conforter les régimes de retraite par répartition, verser à ce fonds de retraite les 2 milliards de francs d'excédents qu'il était possible de dégager.
Comme vous l'avez dit vous-même, d'autres sources permettront par ailleurs de l'alimenter. Je pense qu'il s'agit d'une sage précaution.
Pour le reste, il vaut mieux, à mon avis, attendre d'avoir engagé ce débat public et de nous être mis d'accord pour que ce fonds de réserve devienne éventuellement autonome et soit doté d'un conseil particulier. Nous définirons alors ensemble la façon dont ces fonds seront gérés et utilisés. Je crois que cela participe aussi de notre souci de concertation, et c'est la raison pour laquelle nous avons mis de l'argent de côté quelques mois, avant de décider, tous ensemble je l'espère, de son emploi.
M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi de quatre amendements, déposés par MM. Descours et Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 40 tend, à la fin du texte proposé par le a) du 1° du IV de l'article 2 pour être inséré après le premier alinéa de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale, à supprimer les mots : « visés à l'article L. 222-1 et aux 1° et 2° de l'article L. 621-3 ».
L'amendement n° 41 vise à supprimer le a bis) du 1° du IV de l'article 2.
L'amendement n° 42 a pour objet de rédiger ainsi le texte présenté par le 6° du IV de l'article 2 pour l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale :
« Art. L. 135-6. - Les recettes du fonds affectées aux missions définies au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 sont constituées par toute ressource affectée en vertu de dispositions législatives. »
L'amendement n° 43 tend à compléter l'article 2 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« V. - Les missions, les statuts et les ressources du fonds de réserve mentionné à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale sont déterminés par une loi tendant à assurer l'équilibre à long terme des régimes d'assurance vieillesse, portant réforme des régimes spéciaux de retraite et instituant un régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat.
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre ces quatres amendements.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, j'ai bien écouté votre intervention. Je me réjouis de constater que vous faites appel à un consensus. S'agissant du fonds de réserve, nous sommes d'accord sur le principe, mais pas sur la forme. En revanche, l'intervention de Mme Beaudeau me laisse à penser que le consensus sur le troisième étage de l'épargne retraite fait l'objet, au sein de la majorité, de quelques difficultés. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
J'en viens maintenant aux quatre amendements déposés par la commission des affaires sociales sur le fonds de réserve.
La décision de créer ce fonds de réserve soulève un certain nombre d'interrogations que vient de rappeler Alain Vasselle et qui n'ont pas reçu de réponse.
Je constate en outre que rien n'est dit sur les modalités de gestion de ce fonds : quel sera l'horizon de placement et, par conséquent, les supports financiers de ce fonds ? Qui sera chargé de la gestion du fonds ? Quelles seront les modalités de contrôle ? Et ce que je viens d'indiquer sur la CNAV nous fait dire que les modalités de contrôle ne sont pas neutres. Le projet de loi est muet sur tous ces points.
En réponse à nos questions, vous avez indiqué, madame le ministre, que ce fonds devait être géré de manière collective selon des modalités qui seront définies après une large concertation au vu des conclusions du rapport du commissariat général du Plan.
Je souhaite que vous ne soyez pas déçue, et que les choses ne se terminent pas comme dans la pièce En attendant Godot : ils attendent toujours ! J'espère donc que M. Charpin ne sera pas Godot ! Enfin, nous verrons !
Les décisions concrètes sont donc renvoyées, une fois de plus, à des textes ultérieurs.
La décision de créer ce fonds de réserve revêt une dimension essentiellement symbolique et politique. Le Gouvernement craignait manifestement de se faire accuser d'attentisme sur la question des retraites ; il a souhaité prendre une initiative à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Ce contexte explique le caractère un peu précipité de cette décision.
Les objectifs de ce fonds de réserve sont flous, les modalités de financement apparaissent dérisoires par rapport aux besoins futurs - M. Vasselle vient de le dire - et les modalités de gestion restent à définir.
Aujourd'hui, nous considérons que le Gouvernement ne présente pas un dispositif cohérent et crédible, et que le projet de loi est très inachevé. Vous avez d'ailleurs vous-même évoqué, madame le ministre, le caractère de « solution transitoire » du dispositif que vous présentez.
La commission des affaires sociales aurait pu proposer la suppression de ce fonds de réserve. Mais sans nul doute, et avec un peu de mauvaise foi, vous l'auriez accusée de vouloir s'opposer à la pérennisation des retraites par répartition. Elle n'ira donc pas dans ce sens pour vous éviter d'avancer cet argument. De plus, elle a considéré que la suppression de cette mesure symbolique aurait une valeur qu'elle ne souhaite pas donner à la suppression du fonds de réserve.
Ayant pris acte de la mesure « symbolique » - je reprends votre terme - que constitue la création de ce fonds de réserve, la commission a cependant jugé inutile de faire semblant d'attribuer à ce fonds un embryon de ressources, de peaufiner la composition d'un comité de surveillance ou de préciser les régimes bénéficiaires.
De telles dispositions semblent déplacées alors même que restent parfaitement indéterminés la nature des « vraies » ressources qui alimenteront le fonds et qui, de toute façon, devront se chiffrer en centaines de milliards de francs alors que nous en sommes à 2 milliards de francs, l'affectation de ces ressources, leur mode et leur horizon de placement ou, enfin, les modalités de gestion.
En réalité, les différentes dispositions relatives au fonds de réserve forment un tout dont il n'est pas possible de dissocier certains éléments.
La commission considère que la mise en place d'un tel fonds de réserve relève, à l'évidence, d'un texte d'ensemble cohérent et complet incluant des mesures permettant de faire cesser les déficits actuels, de clarifier la situation des régimes spéciaux et de définir un véritable régime des fonctionnaires de l'Etat.
La commission propose donc quatre amendements.
Tout d'abord, l'amendement n° 40 vise à supprimer la liste des régimes bénéficiaires du fonds de réserve - il n'y a pas de raison que des régimes en soient bénéficiaires alors que d'autres en sont exclus, et l'on ne voit d'ailleurs pas très bien en fonction de quoi.
Ensuite, l'amendement n° 41 tend à supprimer les modifications de la composition du comité de surveillance du FSV, le fonds de solidarité vieillesse.
Quant à l'amendement n° 42, il a pour objet de supprimer le circuit complexe permettant d'affecter au fonds de réserve une ressource symbolique. Avouez que le cheminement de la C3S jusqu'à ce fonds de réserve est difficile à suivre et qu'il s'apparente même à un véritable jeu de piste !
Enfin, l'amendement n° 43 prévoit que les missions, statuts et ressources du fonds de réserve seront déterminés par une loi tendant à assurer l'équilibre à long terme des régimes d'assurance vieillesse, portant réforme des régimes spéciaux de retraite et instituant un régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat.
Nous souhaiterions le dépôt, au cours des six prochains mois, d'un projet de loi concernant l'ensemble des retraites - non seulement celles des salariés mais aussi celles des fonctionnaires de l'Etat - ce qui nous permettrait de débattre sereinement d'un problème qui intéresse l'ensemble de notre pays.
Je suis heureux, madame le ministre, que vous ayez indiqué que cette question transcendait les gouvernements ; mais je ne l'ai pas toujours entendu dire par vos amis quand M. Balladur a réformé les régimes de retraite en 1993 ! Peut-être aurons-nous avancé dans la compréhension de ce problème lorsque vous présenterez votre propre programme de réforme.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 40 à 43 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, nous arriverons à nous mettre d'accord pour l'avenir si nous abordons le sujet sans a priori.
Pour ma part, je ne considère pas a priori que les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux des fonctionnaires, sont vraiment plus favorables. Je le répète, il y a un contrat social général et, si nous nous amusons à comparer les salaires versés, le niveau de retraite et les contributions, nous aurons sans doute des surprises. C'est pourquoi le rapport du commissariat général du Plan peut être utile. Nous ne parviendrons à mon avis à traiter ce problème difficile que si nous l'abordons sans a priori - j'insiste sur ce point - et en ne montrant pas du doigt certaines catégories ; c'est en tout cas le schéma du Gouvernement.
Par ailleurs, l'un de vos arguments essentiels est de dire que le fonds de réserve ne sera doté que de 2 milliards de francs, somme symbolique que vous refusez donc.
Or, la réforme de M. Balladur, qui avait d'ailleurs été largement préparée par le travail de Michel Rocard, a apporté 2 milliards de francs par an, et vos amis l'ont considérée comme une très grande réforme.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ah oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit du même montant. On ne peut donc considérer que 2 milliards de francs, d'un côté, sont à l'origine d'une importante réforme et, de l'autre, ne sont que symboliques et méritent d'être rejetés, comme vous le faites de manière un peu rapide, me semble-t-il.
S'agissant des divers amendements, vous comprendrez que je ne puisse les accepter.
Tout d'abord, en première intention - tout cela pourra être discuté - le Gouvernement souhaite limiter le champ du fonds de réserve au régime général et à certains régimes alignés de non-salariés, ce qui est cohérent avec une alimentation par la C3S dont vous nous avez parlé par ailleurs et avec l'effort de rééquilibrage financier qui est entamé dans ces régimes.
Je voudrais redire devant le Sénat que, si nous ne prenions pas ces 2 milliards de francs d'excédents de la C3S, qui, je vous le rappelle, est constituée d'une taxe pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs, cette somme serait versée au budget annexe des prestations agricoles, le BAPSA, c'est-à-dire au budget de l'Etat. Il me paraît donc préférable d'affecter cette somme au financement de la sécurité sociale plutôt qu'au budget de l'Etat.
Je suis d'autant plus étonnée que vous ne soyez pas favorable au maintien pérenne de l'affectation des excédents de la C3S au budget de la sécurité sociale que votre position n'a pas été partagée, à l'Assemblée nationale, par les groupes que vous représentez. Pour ma part, je considère que c'est une bonne mesure qui permet aux grandes entreprises de contribuer au financement de la sécurité sociale. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 40.
De même, vous souhaitez que le FSV, dont vous regrettez par ailleurs que son conseil de surveillance soit étendu aux partenaires sociaux, soit géré par ces mêmes partenaires sociaux. Nous ne l'avions pas prévu au départ, considérant que ce fonds ne resterait au sein du FSV que pendant quelques mois ; mais, pour que chacun soit rassuré, nous avons accepté de modifier la composition du conseil de surveillance. Le Gouvernement est donc également défavorable à l'amendement n° 41.
Il en est de même s'agissant des amendements n°s 42 et 43, qui rejoignent ce que j'ai dit à propos de la dotation initiale. Si ces 2 milliards de francs ne règlent pas la totalité du problème - personne ne le dit d'ailleurs - les parts sociales des caisses d'épargne qui viendront abonder ce fonds représentent 12 à 15 milliards de francs, ce qui est loin d'être négligeable. Et nous trouverons sans doute d'autres ressources.
Tout cela montre la volonté du Gouvernement d'engager sans tarder la consolidation de nos régimes par répartition. C'est là toute l'importance de l'article 2. Le Gouvernement ne peut donc être que défavorable à l'ensemble de ces amendements.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. J'ai bien écouté vos arguments, madame le ministre. Je crois pour ma part que l'excédent de la C3S peut rester au sein du FSV et donc dans les régimes de sécurité sociale. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que cet excédent ne doit pas repartir dans le budget de l'Etat. Nous sommes d'ailleurs très sensibles à ce genre de choses.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 40.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans le cadre des explications de vote sur l'amendement n° 40, qui vient d'être défendu avec pertinence par notre collègue M. Descours, permettez-moi, madame la ministre, de relever les observations que vous avez formulées en réponse à mon intervention sur l'article 2.
Vous avez commencé par indiquer que les gouvernements qui vous avaient précédé, tant celui de M. Juppé que celui de M. Balladur, avaient peu fait ou n'avaient rien fait et que les réformes engagées par M. Balladur ne représentaient qu'une recette annuelle de 2 milliards de francs.
Mes chers collègues, il m'apparaît nécessaire d'apporter quelques précisions, car on ne peut pas laisser dire que rien n'a été fait avant que le gouvernement socialiste assume les responsabilités du pouvoir au plan national !
Il faut rappeler qu'en 1993 les mesures législatives et réglementaires qui ont été prises par M. Balladur et par Mme Veil ont eu pour objet de jouer sur la durée des cotisations et sur la prise en considération des meilleures années pour le calcul du montant de la retraite. Elles ont eu pour effet de représenter une économie, par rapport au déficit de la branche vieillesse de la sécurité sociale, de l'ordre de 2,5 milliards de francs.
Quand M. Balladur a proposé cette réforme, il se projetait sur les besoins de la branche vieillesse à l'horizon 2000-2005. Or nous savons qu'à partir de l'an 2000 et jusqu'en 2005, ce sont les générations creuses qui vont faire valoir leur droit à la retraite, et qu'elles pèseront moins sur le déficit de la branche vieillesse, puisque les chiffres nous montrent qu'en 2001 le déficit de la branche vieillesse - si la situation reste la même sur le plan conjoncturel - ne serait que l'ordre de 2 milliards de francs, l'équilibre pouvant être atteint autour de 2002. C'est bien dans cette perspective que la réforme Balladur a été mise en place !
Mais M. Balladur avait également mis en place d'autres éléments de réforme. Il faut savoir qu'avant 1993 l'ensemble du non-contributif était supporté par la branche vieillesse et que cela représentait une somme d'au moins 60 milliards de francs par an.
M. Jean Chérioux. C'est tout à fait exact !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le gouvernement de M. Balladur a donc eu le courage d'engager une réforme se traduisant par une augmentation des recettes au profit du non-contributif - qui doit être financé par le produit de la solidarité nationale - avec un accroissement de la CSG de 1,3 point...
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... et une augmentation des droits sur les alcools, qui sont venus alimenter le fonds de solidarité vieillesse, mais également avec une disposition sur la prévoyance qui a servi à alimenter ce fonds.
Tout cela a permis, depuis 1993, d'améliorer la situation de la branche vieillesse de 60 milliards de francs par an. Cinq ans plus tard, cela représente donc une somme de 300 milliards de francs, ce qui n'est tout de même pas nul.
Que l'on ne nous dise donc pas aujourd'hui que ni M. Balladur ni M. Juppé n'ont rien fait sur le sujet ! Lorsque M. Juppé a pris ses fonctions en 1995, la réforme de 1993 commençait à produire ses effets. Il est vrai qu'il a pris peu de temps après une initiative qui n'a pas été bien ressentie par une partie des « bénéficiaires » - ce terme doit sans doute être relativisé, ainsi que Mme la ministre l'a fait remarquer à M. Descours - des régimes spéciaux. Et vous vous souvenez sans doute de ce qui s'est passé lorsqu'on a voulu s'attaquer aux régimes spéciaux des cheminots : force est de constater que les négociations se sont traduites par un échec.
Mais, que je sache, depuis 1997, il s'est écoulé maintenant plus d'une année, et je n'ai pas vu, de la part du Gouvernement, une initiative structurelle forte en faveur de la branche vieillesse. Vous n'avez pas réuni les responsables des ces régimes pour étudier comment on pouvait s'attaquer à la situation d'un certain nombre de régimes spéciaux, pour engager une réforme structurelle à ce niveau. Evidemment, c'est un domaine très sensible et, quand on y touche, c'est douloureux.
M'exprimant ainsi, je ne vise pas spécifiquement les fonctionnaires, mais je n'oublie pas la CNRACL et ce qui a été fait à ce sujet par les gouvernements successifs : comme nous l'avons reconnu avec M. Domeizel, alors qu'il y avait un excédent annuel de 17 milliards de francs, on a fait jouer la compensation démographique - comme pour d'autres régimes - mais la surcompensation a placé la CNRACL dans une situation particulièrement délicate et difficile aujourd'hui.
Enfin, s'agissant de l'excédent généré par la C3S, je confirme ce qu'a dit M. Descours tout à l'heure : si notre amendement est adopté, les 2 milliards de francs qui n'iront pas au fonds de réserve resteront cependant dans le fonds de solidarité vieillesse.
Antérieurement, les excédents éventuels de la C3S étaient affectés au BAPSA, de sorte que cet argent n'était pas perdu : il était destiné à alimenter les besoins de la sécurité sociale, soit directement au profit du régime général, soit au profit de régimes alignés comme ceux des agriculteurs ou des artisans.
Voilà les précisions que je tenais à apporter pour que l'on cesse de penser que rien n'avait été fait auparavant et qu'il a fallu attendre l'arrivée au pouvoir de M. Jospin pour qu'enfin, en 1998, on s'attaque à des réformes structurelles concernant la branche vieillesse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. C'est tout à fait exact !
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Après avoir écouté avec attention les intervenants successifs, notamment M. Vasselle, je considère que les propos qui ont été tenus après ceux de Mme le ministre sont significatifs.
Comment peut-on dire que rien n'a été fait ?
Cela étant, qu'il s'agisse de la durée des cotisations - quarante ans - ou du calcul de référence - les vingt-cinq meilleures années - ces mesures ne s'appliquent qu'aux assujettis au régime général. C'est une injustice par rapport aux personnes qui relèvent des régimes spéciaux. Je m'étonne qu'au-delà des chiffres on ne le signale pas ! Nos concitoyens sont donc soumis à un double traitement, et il en va de même pour les pensions de réversion.
L'équité et la justice entre les Français doivent être recherchées dans l'application de toutes ces mesures et je considère qu'il est très réducteur de cantonner le débat aux seuls chiffres. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. D'abord, je ne peux pas laisser dire que j'aurais dit que rien n'a été fait. Je ne l'ai pas dit, c'est M. Vasselle qui l'a laissé entendre.
Ensuite, ce n'est pas moi qui cantonne le débat aux chiffres : vous venez d'expliquer pendant un certain temps, monsieur Vasselle, qu'un fonds de réserve de 2 milliards de francs était négligeable. Je souhaiterais élever quelque peu le débat, et permettez-moi de vous dire, monsieur le sénateur, que je partage votre point de vue.
En tout état de cause, je ne me suis pas permis de dire que rien n'avait été fait.
M. Jacques Oudin. C'est pourtant ce que nous avons entendu !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Grâce aux services des comptes rendus, nous saurons quels ont été réellement mes propos à la lecture du Journal officiel !
J'ai simplement constaté qu'à vous entendre les 2 milliards de francs de M. Balladur représentaient une grande réforme alors que les 2 milliards de francs du fonds de réserve n'étaient rien. Voilà ce que j'ai dit ! Mais peut-être ne m'avez-vous pas écoutée... (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR.)
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je croyais avoir compris, grâce aux explications très claires de M. Vasselle, qu'aucun rapprochement ne pouvait être établi entre 2 milliards de francs d'un côté et 2 milliards de francs de l'autre. En quelque sorte, les 2 milliards de francs du fonds de réserve sont conjoncturels et représentent l'utilisation logique des excédents. Ils ne sont cependant pas du tout comparables à des mesures structurelles prises par le gouvernement Balladur, qui, comme nombre de mesures structurelles, sont souvent impopulaires, surtout quand l'opposition en conteste le principe même.
Voilà ce que j'avais retenu des explications de M. Vasselle, et je crois, madame la ministre, que vous devriez nous en donner acte. Non, on ne peut pas comparer les 2 milliards de francs Aubry et les 2 milliards de francs Balladur !
M. Alain Gournac. Tout à fait !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ah non, ce n'est pas la même chose, c'est clair !
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. J'ai eu l'occasion, lors de la discussion générale, de donner notre sentiment sur la création des fonds de réserve, démarche que nous approuvons.
Par-delà toutes les critiques qui peuvent être formulées ici ou là - et elles ont été nombreuses cet après-midi - ayons tous l'honnêteté de reconnaître qu'avec la création de ce fonds un nouveau virage est amorcé : le Gouvernement abandonne enfin une gestion à courte vue qui risquait de compromettre le système par répartition.
S'agissant du rattachement de ce fonds au fonds de solidarité de vieillesse, j'ai compris que Mme la ministre avait été sensible à l'idée consistant à séparer plus nettement les différents fonds pour éviter, à terme, toute confusion.
Un dispositif mieux élaboré, instaurant un fonds distinct et indépendant du FSV, sera, je l'espère, mis à l'étude pour l'année prochaine.
Quoi qu'il en soit, nous voterons contre tout amendement qui remettrait en cause ou qui fragiliserait la mise en oeuvre d'un fonds de réserve qui est, à nos yeux, indispensable et judicieux.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 41.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. La rédaction proposée pour le paragraphe a bis de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale. Il s'agit de mettre en place, comme nous le souhaitions, un comité de surveillance composé de parlementaires, de représentants des assurés, des employeurs et des travailleurs sociaux.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 41, qui tend à supprimer cette disposition.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à l'heure, Mme la ministre avait le sentiment que nous étions fondamentalement opposés à l'association de l'ensemble des partenaires sociaux à la gestion du fonds parce que nous avions déposé un amendement de suppression.
Il convient de replacer cet amendement dans le contexte de la démarche de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que nous ne sommes pas opposés par principe à la création du fonds de réserve. Par conséquent, ne nous faites pas dire, madame la ministre, ce que nous n'avons pas dit : nous disons simplement qu'alimenter ce fonds de 2 milliards de francs est vraiment trop symbolique par rapport à l'ensemble des besoins. Ces 2 milliards de francs, de toute façon, resteraient en réserve et ne seraient pas utilisés à d'autres fins, on les laisserait dans le fonds de solidarité vieillesse.
Pour le reste, nous ne savons pas s'il sera alimenté de façon pérenne ni à quelle hauteur,...
M. Alain Gournac. On ne sait rien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... ni comment il sera géré, puisque le Gouvernement n'a pas formulé de propositions sur ce point.
Cette disposition n'est que le résultat d'un amendement déposé par le groupe communiste à l'Assemblée nationale et nous ne savons pas comment les fonds seront gérés, ni ce qu'ils vont dégager comme produit financier à terme pour assurer les dépenses futures. Comme nous ne connaissons pas non plus les mesures de contrôle qui vont être prises, tout cela est beaucoup trop flou.
Le groupe communiste républicain et citoyen n'a d'ailleurs pas manqué de le rappeler au cours de la discussion générale, et M. Fischer a bien dit que ce fonds de réserve soulevait de nombreux problèmes. Cette question se pose donc au sein de tous les groupes de la Haute Assemblée, hormis le groupe socialiste qui, par solidarité vis-à-vis du Gouvernement, adopte une attitude d'approbation aveugle sur ce dossier.
M. Claude Estier. Non, pas aveugle !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. C'est par conviction !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En ce qui concerne la participation des partenaires sociaux à la gestion de ce fonds, nous n'avons pas d'opposition de principe. C'est par cohérence avec l'amendement précédent que la commission a déposé l'amendement n° 41. Ne nous faites donc pas dire ce que nous n'avons pas dit, et ne nous prêtez pas des intentions que nous n'avons pas.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je crois décidément que je m'exprime mal !
J'ai dit tout à l'heure que je ne comprenais pas que vous demandiez à la fois que les partenaires sociaux ne participent pas au conseil de surveillance du fonds, alors que vous souhaitiez par ailleurs qu'ils gèrent ledit fonds.
Je ne vous ai pas soupçonné de vouloir écarter les partenaires sociaux : je vous ai demandé pourquoi vous vouliez les supprimer alors que vous souhaitiez leur participation !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je n'ai pas dit cela, madame la ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, soit je m'exprime mal, soit j'articule mal. J'aimerais en tout cas que l'on ne m'impute pas des critiques que je n'ai pas portées. Seule la contradiction entre vos propos m'avait étonnée, et je ne comprends pas cette contradiction.
Je le redis pour que vous ne croyiez surtout pas que j'imagine qu'un jour vous puissiez ne pas souhaiter que les partenaires sociaux gèrent les fonds de retraite ! Nous y reviendrons lorsque nous parlerons du système définitif l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Pour que tout soit clair, madame le ministre, si vous nous proposez un amendement ainsi rédigé : « Il est créé un fonds de réserve dont les modalités d'alimentation, de gestion et de contrôle seront définies par une loi déposée avant juin 1999 »,...
M. Alain Gournac. Là, d'accord !
M. Charles Descours, rapporteur. ... nous le voterons.
Vous avez la chance de pouvoir amender le texte jusqu'au dernier moment. Saisissez cette chance, et nous vous suivrons !
M. le président. Monsieur le rapporteur, la commission a également le droit d'amender en séance, et ce jusqu'à la fin du débat.
M. Charles Descours,. rapporteur. En l'espèce, le Gouvernement a ce droit !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Sa simple lecture ainsi que les observations de M. le rapporteur sur ses objectifs ne peuvent que justifier notre opposition à cet amendement de la commission.
L'une des données essentielles de ce projet de loi est en effet de revenir sur la question du financement des retraites.
C'est peu dire qu'un débat pour le moins controversé s'est ouvert sur ce sujet dans l'opinion publique, voire au sein des associations, des organisations syndicales, des partis politiques et des assemblées parlementaires.
On nous présente comme inéluctable une détérioration de nos régimes de retraite due au « basculement démographique » des tranches d'âge du baby-boom, du statut d'actif à celui d'inactif.
Une telle présentation de la situation appelle plusieurs observations fondamentales.
Cette manière de présenter le devenir de nos régimes de retraite est à la base d'une vaste campagne d'intoxication destinée à justifier la mise en place de régimes de retraite par capitalisation, dont le moins que l'on puisse dire est que la finalité est non pas de fournir un revenu aux salariés, mais plutôt de distraire de la masse salariale des éléments de plus en plus importants tirés de la richesse créée par le travail pour les réinjecter dans les circuits financiers.
Cette présentation de la situation nous semble fallacieuse à deux titres au moins.
En premier lieu, on fait rapidement l'économie d'un élément clé dans toute analyse de l'avenir de la protection sociale, à savoir le niveau et la qualité de l'emploi.
Je vous invite, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, à vous demander pourquoi l'aggravation de la situation des comptes sociaux, comme des comptes publics de façon générale, d'ailleurs, est allée de pair avec le développement du chômage et le maintien de celui-ci à un niveau particulièrement préoccupant, avec le développement de la précarisation du travail - on compte aujourd'hui quatre fois plus de salariés précaires dans ce pays qu'il y a quinze ans - et avec un raccourcissement de la période d'activité effective de chaque salarié.
Comment réfléchir au devenir de la protection sociale sans mettre en question toutes les politiques qui, sous prétexte d'alléger le coût du travail - rappelez-vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, avec quelle frénésie vous avez pu amender la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, en ce sens, ou encore accepter les règles de la loi Robien ! - n'ont, en fait, conduit qu'à rendre toujours plus défavorable à l'emploi le partage de la richesse créée par le travail ?
Dois-je vous rappeler, une fois de plus, comme pour enfoncer un clou déjà bien martelé, que la part des salaires dans la richesse créée dans notre pays est aujourd'hui inférieure à ce qu'elle était en 1970, époque où le secrétaire d'Etat à l'emploi, un certain Jacques Chirac, multipliait les initiatives pour éviter que le chômage ne dépassât la barre des 500 000 victimes ?
Dois-je vous rappeler que le prélèvement des dividendes versés aux actionnaires par nos entreprises a progressé deux fois plus vite que le niveau général de la production depuis cette même année 1970 ?
On ne peut non plus oublier que cette logique de réduction du coût du travail a été, contre toute logique, jusqu'à la réduction pure et simple du niveau de la contribution des entreprises au financement de la protection sociale, singulièrement du régime vieillesse.
Eh oui ! ne l'oublions pas, les régimes de retraite, avec leurs difficultés structurelles dont on nous rebat les oreilles, sont aujourd'hui victimes, entre autres, de la réduction de la contribution des entreprises à leur financement.
La commission des affaires sociales - on s'en serait un peu douté ! - n'a pas d'objections majeures à opposer à la constitution d'un fonds de réserve pour le financement des retraites.
Mais, pour le coup, elle ne ferme pas la porte, si l'on peut dire, à toute utilisation éventuelle des excédents de telle ou telle branche de la protection sociale pour alimenter et pérenniser les ressources du fonds.
En quelque sorte, c'est un peu le retour de la compensation entre branches que vous nous proposez ! Mais, dans ce cas - je suis désolé de vous le dire - il n'aurait pas fallu, un beau jour de 1994, voter la séparation des branches ! Nous pourrions nous dispenser de tels artifices législatifs, si l'on avait maintenu les règles jusqu'alors en vigueur.
Et comme si cela ne suffisait pas, la commission nous ressert finalement le plat de l'application des règles propres au régime général de retraite aux régimes dits « spéciaux ».
Reconnaissons là à la majorité de la commission une certaines constance !
Elle a défendu, en son temps, la réforme des retraites Balladur, allongeant la durée de cotisations et remettant en cause le droit à la retraite à soixante ans à taux plein, et cette position est, certes, logique.
Elle est aussi logique au regard du coup de force pratiqué, sous la pression des événements et du gouvernement de M. Juppé, largement contesté dans le pays, un beau jour de décembre 1995, pour faire passer coûte que coûte le plan Juppé et ses ordonnances, dont le contenu est encore aujourd'hui pour le moins discutable.
Le voeu des auteurs de cet amendement est clair : après avoir réduit les garanties offertes aux salariés du régime général, il s'agit de s'attaquer au niveau des retraites des salariés des régimes spéciaux.
Nous ne pouvons les suivre dans cette voie.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, raporteur. A l'occasion de l'examen d'un amendement relativement anodin, nous avons eu droit à un survol de la situation de l'emploi dans notre pays depuis dix-sept ans.
Puis-je simplement rappeler à M. Fischer que, au cours de ces dix-sept années qui nous séparent de 1981, il a été plus souvent dans la majorité que moi : onze ans contre six ? Si, donc, il y a eu au cours de cette période une augmentation de l'emploi précaire, c'est au moins autant à lui et à ses amis qu'on le doit qu'aux miens !
M. Alain Gournac. C'est clair !
M. Charles Descours, rapporteur. Je ne comprends donc pas qu'on puisse nous donner des leçons à cet égard. A moins que vous n'ayez envie, monsieur Fischer, de faire un acte de contrition et que vous vous repentiez d'avoir soutenu et de soutenir encore un gouvernement !
M. Guy Fischer. M. Huriet nous a déjà demandé tout à l'heure de faire repentance. Pas deux fois !
M. Jean Chérioux. Il faut leur parler d'autocritique ; c'est le langage qu'ils connaissent !
M. Charles Descours, rapporteur. J'avais cru comprendre que, depuis le XXIIe Congrès, il n'y avait plus d'autocritique ! Mais si elle est maintenue, je vous invite à en faire une, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Reportez-vous aux travaux du comité national d'aujourd'hui, vous verrez !
M. Charles Descours, rapporteur. L'augmentation du nombre des emplois précaires, elle a eu lieu sous tous les gouvernements. Ceux que vous avez soutenus ont eu le pouvoir onze ans, ceux que nous avons soutenus, six ans : vous êtes donc deux fois plus responsables que nous. (Sourires.)
M. Guy Fischer. Vous, vous avez vraiment mis le paquet !
M. Charles Descours, rapporteur. Et puisque vous avez fait allusion à Jacques Chirac et au seuil des 500 000 chômeurs, il me souvient que M. Mitterrand avait dit que la barre des deux millions de chômeurs ne serait jamais franchie !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cela n'a rien à voir avec le débat sur le fond !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article additionnel après l'article 2