Séance du 5 novembre 1998







M. le président. La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.
Tout le monde connaît l'expression « La grande muette ». Si l'armée française est ainsi qualifiée, c'est bien parce que, outre ses qualités d'efficacité et de respectabilité, elle n'a jamais fait preuve d'indiscrétion organisée durant les moments les plus forts et les plus sensibles de notre histoire.
Toutefois, il est bien évident que l'affaire du commandant Bunel, accusé « d'intelligence avec une puissance étrangère », nuit à l'image de l'armée et, plus globalement, à la crédibilité de la France sur la scène internationale. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je m'adresse à vous sur ce sujet, car cet acte isolé a profondément choqué les Français, et en particulier la communauté militaire.
Sachant le dossier en cours d'instruction, je comprends qu'une certaine dose de confidentialité entoure cette question.
J'aimerais simplement connaître les actions que vous envisagez de mener afin de prémunir notre pays contre ce type d'espionnage, déjà observé, malheureusement, à six reprises entre 1964 et 1987.
Depuis la création des premières organisations internationales, la France est l'un des pays qui s'est le plus souvent investi sur les différents théâtres d'opérations extérieures. Il est d'ailleurs reconnu et respecté à ce titre.
Afin que l'armée ne soit pas injustement soupçonnée en raison d'un acte marginal et afin que, par ailleurs, soit mis un terme aux rumeurs concernant l'existence d'une connivence franco-serbe, il serait souhaitable que nous ayons quelques éclaircissements sur cette affaire regrettable. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, je vous remercie de la clarté de votre question et de l'esprit de responsabilité avec lequel vous la posez.
Une enquête interne rapide et concluante a permis, à partir des premiers indices dont nous disposions, de conclure que le militaire dont vous avez parlé s'était rendu coupable d'un acte individuel - vous l'avez dit, et c'est exact - constituant, d'après le dossier dont je dispose, une infraction pénale caractérisée.
J'ai donc décidé, avec l'assentiment du Premier ministre et du Président de la République, de saisir la justice en me fondant sur les éléments qui ont été recueillis par les services de la défense.
En d'autres circonstances, on aurait pu se poser la question de savoir si l'on réglait l'affaire en famille, comme l'on dit, évitant ainsi certaines conséquences. Mais je veux appeler votre attention sur le fait que la facture éthique et politique du règlement « en douce » de ce genre d'affaires est, en réalité, plus lourde que celle qui s'établit lorsque l'on assume clairement les responsabilités de l'Etat.
Une divulgation a été constatée à partir du moment où la justice a été saisie. Elle est regrettable. Je réaffirme cependant ma confiance en l'autorité judiciaire pour mener, dans cette affaire, une instruction et rendre un jugement conformes en tout point à nos lois.
Nous avons évalué les conséquences de cette fuite avec les responsables militaires de l'Alliance et nous avons apprécié ensemble, dès que l'information a été connue de nous, les précautions qu'il importait de prendre.
Je peux confirmer au Sénat qu'à aucun moment les actes de diffusion qui ont été accomplis par M. Bunel n'ont mis en péril la faisabilité et la sécurité des opérations qui avaient été préparées au sein de l'Alliance.
Reste la question des rapports de confiance et de crédibilité entre notre pays et ses alliés en Europe et dans l'ensemble euro-atlantique.
M. Hubert Védrine a dit, lors d'un point de presse que nous avons tenu en commun tout à l'heure, que, dans les contacts incessants que nous avions eus ces jours-ci sur de multiples dossiers avec nos partenaires, aucun élément de fragilisation ne lui était apparu. J'étais moi-même au contact des quatorze autres ministres de la défense de l'Union européenne à Vienne, hier matin. Cette approche s'est confirmée.
Vous aurez sans doute, lors de l'examen du budget de la défense, à constater que nous nous engageons, avec nos partenaires européens et nos amis américains, dans un mécanisme de sécurisation de la mission des observateurs du Kosovo qui confirmera l'étroitesse des rapports de confiance entre tous les alliés.
Cela est dû, je crois, au respect qu'ont acquis nos militaires dans les opérations récentes où ils se sont trouvés engagés aux côtés de leurs camarades des armées alliées. Je veux notamment souligner la crédibilité renforcée de nos éléments des trois armées engagés dans la force commune de Bosnie au cours des dernières années, l'objectivité et le professionnalisme de nos officiers ayant été soulignés.
Certes, les mesures de sécurité sont toujours à parfaire - cela fait partie de nos exigences de rigueur - mais l'objectif d'excellence éthique et opérationnelle que nous assignons en permanence à nos armées, objectif soutenu et compris par la représentation nationale - je vous remercie d'en avoir fait état - est également, je puis vous l'assurer, celui de l'ensemble des officiers de notre pays. Nous pouvons donc leur faire confiance pour l'atteindre. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

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