Séance du 27 octobre 1998







M. le président. La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 270, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Franck Sérusclat. Madame la ministre de la culture et de la communication, je ne m'attendais pas, vous vous en doutez, à ce que ce soit vous qui veniez répondre, ce matin, à cette question que j'avais posée à Mme Martine Aubry, voilà un an ; mais je suis persuadé que vous avez les qualités et les capacités requises pour le faire.
Cette question orale, qui reprend, en fait, une question écrite à laquelle je n'avais pas eu de réponse, concerne la recherche par des enfants abandonnés, adoptés ou non, de l'identité de leur parents d'origine.
Je ne sais si vous avez eu vous-même à vous préoccuper parfois de ces recherches, madame la ministre ; dans l'affirmative, vous savez qu'elles sont toujours angoissantes pour ceux qui souhaitent connaître une origine qu'ils ignorent.
Je tiens à faire quelques rappels sur cette question, avant de vous demander des précisions sur les chances, accrues ou non, d'aboutissement de ces recherches. L'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale, tel que modifié par la loi du 5 juillet 1996 relative à l'adoption, a permis de préciser quelque peu la situation des enfants abandonnés. Il énonce, en effet, qu'une personne qui remet un enfant de moins d'un an au service de l'aide sociale à l'enfance peut demander le secret de son identité, secret ne signifiant pas anonymat.
On a également tendance à parler d'anonymat pour l'accouchement « sous X », alors qu'il s'agit du secret des informations données, secret que l'on peut envisager de lever, ce qui est impossible dans le cas de l'anonymat. Celui qui donne des indications est donc informé, au moment où il les donne, de la possibilité d'une demande ultérieure de levée du secret.
Les documents contenant les renseignements sont ensuite conservés sous la responsabilité du président du conseil général, qui les tient à disposition de l'enfant, ainsi que le prévoit l'article 62-1 du code de la famille et de l'aide sociale.
Mes questions sont les suivantes.
La demande de secret formulée par la mère interdit-elle que ce secret soit levé, bien évidemment avec son accord et après qu'elle eut été informée de la demande de levée de ce secret par son enfant qui la recherche ?
Les dispositions de la loi du 5 juillet 1996, date avant laquelle la possibilité expresse de demander la levée du secret n'existait pas, sont-elles rétroactives ?
Enfin, que penser du comportement, encore trop fréquent, des agents des services sociaux qui ont tendance à s'opposer à cette levée du secret ou à ne pas y donner suite en invoquant, par exemple, la notion de « secret absolu », qui ne figure nulle part dans les textes ?
Ainsi, je connais un cas, dans la région marseillaise, où le refus a été fondé sur le fait que tant de femmes portaient le même nom que la mère d'origine qu'on ne voyait pas comment on pourrait rechercher correctement la personne concernée, alors que l'identité de cette dernière est tout de même mentionnée dans les dossiers. De même, on a dit à une personne qui cherchait à retrouver sa mère que celle-ci avait une déformation du palais et qu'elle avait eu un autre enfant. On savait donc très bien de qui il s'agissait. Mais l'agent a prétexté que ce n'était pas à lui de faire les recherches ; il aurait pourtant pu, à la rigueur, donner le nom, de manière que la personne fasse elle-même les recherches si elle le souhaitait.
En outre, on a invoqué la non-rétroactivité de ce texte de loi puisque, en l'occurrence, le demandeur était né en 1956.
Je suis persuadé, madame la ministre, que vous saurez apporter des réponses utiles à mes questions.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, permettez-moi, tout d'abord, puisque c'est la première fois, je crois, que vous assurez la présidence à l'occasion de cette séance de questions orales sans débat, de saluer l'événement.
M. le président. Je vous remercie, madame le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous avez marqué votre surprise en me voyant seule au banc du Gouvernement. En fait, Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, et M. Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, sont retenus ce matin à l'Assemblée nationale par le débat sur la loi de financement de la sécurité sociale, et ce en raison d'une modification de l'ordre du jour initial.
Je serai donc polyvalente, ce matin, puisque je remplacerai également Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention de madame la ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'interprétation qu'il convient de faire de l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale.
Vous l'avez rappelé, la loi du 5 juillet 1996 réformant le régime juridique de l'adoption a modifié les conditions dans lesquelles les enfants accueillis par les services de l'aide sociale à l'enfance peuvent avoir accès à leur histoire familiale lorsque leurs parents ou l'un d'entre eux ont demandé que soit préservé le secret de leur identité.
Selon l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale, la demande de secret est conditionnée par l'âge de l'enfant : celui-ci ne doit pas avoir atteint l'âge d'un an. Par ailleurs, le secret ne concerne plus l'état civil de l'enfant, il porte désormais sur l'identité des parents.
Trois obligations s'imposent en outre au service chargé de l'aide sociale à l'enfance.
Il lui revient, en premier lieu, d'informer la personne demandant l'admission de l'enfant de la possibilité de protéger le secret de son identité. Dans ce cas, conformément à l'article 62, alinéa 4°, il doit en être fait mention au procès-verbal d'admission de l'enfant.
Il appartient, en second lieu, au service d'informer la personne souhaitant préserver le secret de son identité de la possibilité de lever ultérieurement ce secret. Le procès-verbal doit également mentionner que cette information a été communiquée à l'intéressé.
Il convient à cet égard de préciser que ce droit de la personne de faire connaître, à tout moment, son identité était déjà applicable avant le vote de la loi du 5 juillet 1996.
Enfin, il est de la responsabilité du service d'indiquer au demandeur que, dans le cas où il lèverait le secret, seuls pourront être informés de sa décision le représentant légal de l'enfant, l'enfant devenu majeur ou ses descendants en ligne directe s'il est décédé. Ces informations pourront être transmises à ces personnes, sous réserve qu'elles aient, au préalable, expressément formulé cette demande auprès du service.
En revanche, la loi ne prévoit pas, lorsque l'enfant souhaite consulter son dossier, que le service de l'aide sociale à l'enfance doive rechercher les parents afin de leur faire savoir que celui-ci demande à connaître leur identité.
Dans l'esprit du législateur, la levée du secret ne produit pleinement ses effets que lorsque deux volontés se rencontrent : celle des parents de se faire connaître, d'une part, et celle de l'enfant de connaître ses origines familiales, d'autre part.
Il reste que, si cette loi paraît mieux prendre en compte que dans le passé l'aspiration de beaucoup de personnes à connaître leurs origines familiales, elle n'exclut pas pour autant la possibilité qu'une nouvelle réflexion soit prochainement menée sur cette difficile et douloureuse question dont vous avez remarquablement détaillé la problématique.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, au nom de mes collègues, des réflexions que vous avez bien voulu exprimer et dont je leur ferai part.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir bien précisé que, dans l'esprit du législateur, la levée du secret de l'identité ne peut se faire dans de bonnes conditions que lorsque les deux parties concernées en manifestent la volonté.
Vous avez par ailleurs indiqué que si l'agent des services de l'aide sociale à l'enfance n'était pas chargé de faire lui-même la recherche, il devait fournir les éléments pour y procéder. C'est le point important. Si l'agent ne fait pas lui-même la recherche, ce qui est tout à fait acceptable, il doit fournir les éléments de la recherche.
S'agissant des hypothèses d'avenir, il est exact qu'avec mon ami le député Jean-Paul Bret nous préparons une proposition de loi portant sur ce point particulier qui sera présentée simultanément, dans les mêmes termes, à l'Assemblée nationale, par lui, et au Sénat, par moi.
Je retiendrai les informations que vous venez de donner et que je vous remercie à nouveau d'avoir apportées.

AVENIR DU SERVICE D'ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE
DE L'HÔPITAL ROBERT-DEBRÉ