Séance du 20 octobre 1998







M. le président. La parole est à M. Roujas, auteur de la question n° 302, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Gérard Roujas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux aborder la question des aires de services sans rappeler au préalable que l'A 64, dans son tronçon situé entre Muret et Martres-Tolosane, a été réalisée sur le tracé même de l'ancienne RN 117.
Cette option a entraîné la suppression de nombreux services aux usagers qui sont installés depuis de nombreuses années le long de cette route nationale.
Le dossier soumis à l'enquête publique en 1989 ne comportait que la réalisation d'un seul couple d'aires de services sans en préciser l'emplacement.
Afin de conserver aux usagers de ce tronçon un minimum de services et de compenser la fermeture d'établissements dont l'activité était essentiellement liée au trafic automobile - stations-service, restaurants, etc. - les élus locaux, dont je fais partie, ont souhaité que deux aires soient réalisées sur ce tronçon.
Notre proposition a été retenue et figure dans la décision ministérielle du 7 octobre 1994 approuvant les travaux d'aménagement de l'autoroute et leur financement.
L'appel d'offres lancé au début de l'année 1997 prévoyait la réalisation de deux couples d'aires, l'un à Capens, l'autre à Martres-Tolosane.
Or, bien que onze dossiers aient été retirés, un seul candidat a remis une offre, et seulement pour un couple d'aires, à Capens.
Cet état de fait ne me convient pas et soulève de nombreuses interrogations.
Cette situation ne me satisfait pas car elle va à l'encontre du souhait exprimé par les élus locaux et retenu par le ministère.
Elle ne me satisfait pas non plus car, en l'état actuel des choses, entre l'aire de service de Ponlat-Taillebourg, sur la portion à péage en site propre, et l'aire de Capens, la distance est de 70 kilomètres. Cet intervalle est largement supérieur à la distance moyenne entre deux aires, qui est de 45 kilomètres environ.
Cet état de fait soulève également quelques interrogations.
Comment expliquer qu'un seul groupe pétrolier ait répondu à l'appel d'offres ?
Je ne vous cacherai pas que mon interrogation est forte quant à une entente tacite entre les différents groupes, et tous les arguments qui pourront être employés ne parviendront qu'avec difficulté à dissiper un certain malaise.
Comment expliquer qu'un groupe comme Elf-Aquitaine, qui, après les restructurations que l'on sait, a quasiment déserté le bassin d'emploi de Boussens, provoquant un marasme sans précédent dans ce secteur, n'ait pas eu la décence de répondre à l'appel d'offres pour le couple d'aires précisément situé dans cette zone ?
Enfin, pourquoi l'administration n'a-t-elle pas procédé, alors qu'elle ne devait certainement pas ignorer les conclusions de l'étude de faisabilité, à un appel d'offres pour des aires croisées au lieu d'un appel d'offres pour des couples d'aires indissociables ?
Cela aurait, sans aucun doute, favorisé la concurrence entre les différents groupes pétroliers.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez répondre à l'ensemble de ces questions. Sachez que les élus locaux et les populations concernés que j'ai l'honneur de représenter seront attentifs à vos réponses.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, je suis heureux d'être le premier des membres du Gouvernement à assister à une séance placée sous votre présidence.
Monsieur le sénateur, la réalisation du tronçon Muret - Martres-Tolosane de l'autoroute A 64, long de 38 kilomètres environ et hors péage, a été déclarée d'utilité publique le 14 décembre 1989. Le dossier soumis à l'enquête publique préalable et à l'avis du Conseil d'Etat comportait la mention d'un seul couple d'aires de services, dont la localisation serait arrêtée ultérieurement.
La transformation en autoroute de la route nationale 117 impliquait, en raison même du statut autoroutier, la fermeture des accès de toutes les propriétés riveraines de la voie, notamment des nombreux restaurants, stations-service et garages qui tirent l'essentiel de leur activité du trafic automobile.
Ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, les responsables locaux - dont vous êtes - ont donc vivement souhaité que deux couples d'aires soient créés sur cette section, respectivement à Capens et Martres-Tolosane, ce qui a été accepté et inscrit dans la décision du 7 octobre 1994 approuvant la réalisation de l'autoroute.
Cette décision définit le principe d'organisation du service à l'usager sur la partie hors péage de l'autoroute A 64, mais elle n'a pas de caractère exécutoire. En effet, si l'Etat définit le cadre du service à l'usager, il confie la charge de la construction, de l'exploitation et de l'entretien des aires de services le plus souvent à des sociétés privées, au moyen d'une concession. La concession est attribuée après un appel d'offres ouvert, où chacun est libre de se présenter.
Compte tenu des équipement exigés - vous les connaissez - et des contraintes de fonctionnement - ouverture 24 heures sur 24 et sept jours sur sept - la construction et l'exploitation d'une aire de services représentent une opération coûteuse, qui nécessite des investissements importants. L'implantation des aires de services doit donc concilier les impératifs du meilleur service possible aux usagers et de rentabilité potentielle des équipements.
Une distance suffisante entre les aires de services est un élément qui concourt à cette rentabilité.
Sur l'ensemble du réseau autoroutier français, l'écartement moyen entre les aires de services est voisin de 45 kilomètres et même sensiblement plus élevé - de 50 à 60 kilomètres - sur les autoroutes hors péage où les nombreux échangeurs permettent aux usagers, surtout s'ils sont locaux, de quitter facilement l'autoroute pour se ravitailler.
L'organisation envisagée sur l'itinéraire de 110 kilomètres entre Toulouse-Montréjeau, incluant la rocade ouest de Toulouse, se traduisait par la création de quatre couples d'aires de services, éloignés de moins de 30 kilomètres en moyenne, les aires de Capens et de Martres-Tolosane n'étant distantes, de surcroît, que de 21 kilomètres.
Une étude de faisabilité de ces deux couples d'aires menée en 1995 par la société SCETAUROUTE a conclu à une rentabilité faible, voire aléatoire pour l'un des deux couples, ce qui explique sans doute le résultat de l'appel d'offres.
Cet appel d'offres a été lancé au début de l'année 1997, sur une base particulièrement large, puisque les huit grandes compagnies pétrolières, mais aussi un pétrolier indépendant et deux sociétés d'aménagement, ont retiré des dossiers de candidature. Le délai de réponse a dû être prolongé devant l'absence de propositions des candidats. Cinq d'entre eux, dont l'un a priori peu suspect de concertation avec les grands groupes pétroliers, ont fait savoir qu'ils ne répondraient pas en raison de l'insuffisance prévisible de rentabilité.
Un seul candidat a remis une offre, en acceptant de ne construire qu'un unique couple d'aires, ce qui correspond, en termes de distance entre les aires de services, à la situation constatée sur l'ensemble du réseau autoroutier.
Lancer des appels d'offres « croisés » au lieu d'un appel d'offres unique pour chaque couple d'aires indissociable aurait peut-être accru le nombre de propositions mais, vous l'avez souligné, n'aurait certainement pas changé les conditions économiques et de concurrence le long de l'itinéraire. Il est très vraisemblable que les réponses se seraient limitées aussi à deux aires au total, une dans chaque sens, à l'emplacement apparaissant le plus intéressant.
Monsieur le sénateur, je comprends la déception éprouvée par les élus et les acteurs économiques locaux, mais, dans le système d'attribution des concessions, qui est fondé, vous le savez, sur la liberté de la concurrence, rien ne peut obliger aujourd'hui un candidat à répondre à une consultation et à accepter des conditions ne lui permettant pas d'amortir ses investissements.
Mes services étudient actuellement une solution consistant à réaliser, en complément des aires de services de Capens, un couple d'aires de repos à Martres-Tolosane sur financement de l'Etat, dont les collectivités locales pourraient assurer l'entretien et, en contrepartie, y installer des animations et des équipements tels que des maisons de pays pour la promotion de la région et de ses ressources touristiques. Cette solution permettrait d'assurer un service à l'usager satisfaisant sur l'itinéraire, dans un premier temps, tout en réservant la possibilité d'une transformation future des aires de repos en aires de services.
M. Gérard Roujas. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos explications, mais aussi de vos réponses écrites que j'ai déjà diffusées auprès des maires du secteur.
Je ne suis pas totalement convaincu en ce qui concerne l'éventualité d'une aire de repos à Martres-Tolosane.
Toutefois, je vous sais gré de votre volonté de prendre en considération ce dossier et de l'effort financier que vous êtes prêt à consentir.
Ce type d'aire, sans aucun service, ne peut en aucun cas satisfaire les élus locaux.
Je ne suis pas un libéral, et ce dossier ne fait que conforter ma position. Lorsque l'Etat n'intervient pas, les puissants groupes pétroliers ou autres s'entendent sur le dos des usagers.
L'administration joue-t-elle pleinement son rôle pour éviter de telles ententes ? Dans cette affaire, je n'en suis toujours pas convaincu.
Je constate que l'option d'un appel d'offres avec des aires croisées n'a pas été retenue par l'administration alors que cette solution était meilleure à tout point de vue et aurait permis de faire jouer la concurrence.
Je veux bien admettre à la rigueur que deux couples d'aires ne soient pas rentables ; en revanche, un seul couple l'est. Il suffit pour s'en convaincre de constater le succès du couple d'aires de Capens depuis son ouverture.
Alors pourquoi n'y-a-t-il eu qu'un seul candidat ?
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mes doutes ne sont pas dissipés.

TRANSFERT D'ORLY À ROISSY DES VOLS LONG-COURRIERS
ET DES ACTIVITÉS DE FRET D'AIR FRANCE