Séance du 29 juin 1998







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Flandre, pour explication de vote.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, quelque 6 000 enfants échapperaient, en France, au système scolaire et les trois quarts d'entre eux recevraient une instruction sous influence sectaire ; c'est ce qui ressort de la discussion qui vient d'avoir lieu.
Ce chiffre effrayant appelle toute notre attention sur un phénomène dû à un détournement de notre législation relative à l'obligation scolaire.
L'éducation nationale a commencé à mettre en place une politique de prévention et de surveillance de cette situation dont on n'a pris conscience que trop récemment.
Le législateur a également un rôle à jouer dans cette lutte contre l'insidieuse manipulation des cerveaux des enfants par des personnes sans scrupule.
Les conclusions de la commission des affaires culturelles présentées par notre collègue Jean-Claude Carle dégagent un certain nombre de pistes pour remédier à cette marginalisation scolaire des enfants relevant du phénomène sectaire.
En renforçant le contrôle existant sur l'instruction de l'enfant dans sa famille ou dans un établissement hors contrat, ce texte permet de protéger cet enfant sans cependant porter atteinte au principe de la liberté de l'enseignement.
Ainsi, le contrôle est élargi et devra porter également sur le droit à l'épanouissement de l'enfant, à la socialisation et à la citoyenneté.
De même, l'idée de renvoyer à un décret le contenu précis des connaissances de base et de culture générale susceptibles d'être évaluées est précieuse, car elle fournit des éléments objectifs au juge afin de lui permettre d'instruire le dossier.
Quant aux sanctions qui seront désormais applicables aux parents qui ne respecteront pas l'obligation scolaire, elles seront réalistes et adaptées à chaque cas.
J'approuve totalement le durcissement des peines relatives au refus intentionnel de la famille d'inscrire son enfant dans un établissement en dépit d'une mise en demeure de l'inspecteur d'académie. Il s'agit en effet d'un délit grave commis par une personne qui s'oppose volontairement à une décision prise par les autorités compétentes pour sauvegarder un enfant d'un avenir néfaste.
Il me semble que les travaux de la commission des affaires culturelles ont permis d'aboutir à un texte juste et équilibré. Cette proposition de loi marque un réel progrès dans la lutte contre le phénomène sectaire.
Pour ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les conclusions de la commission des affaires culturelles dont nous achevons l'examen ont pour origine deux propositions de loi présentées par des sénateurs du groupe des Républicains et Indépendants, MM. Serge Mathieu et Nicolas About, groupe auquel appartient également notre rapporteur, M. Jean-Claude Carle.
Tous trois montrent l'importance que nous accordons à la lutte contre le phénomène sectaire, car c'est bien de cela qu'il s'agit au travers du renforcement du contrôle de l'obligation scolaire, lorsque l'instruction est assurée au sein de la famille ou dans un établissement d'enseignement privé hors contrat.
Le véritable objectif des propositions de Serge Mathieu et de Nicolas About est de protéger les enfants mineurs de familles appartenant à des sectes. Nous pouvons l'écrire dans l'exposé des motifs mais pas dans la loi, car il faudrait pour cela donner une définition précise de ce qu'est une secte, ce qui n'est pas encore le cas. C'est ce qu'ont très bien expliqué les différents orateurs, en particulier notre rapporteur, dont je tiens à saluer la contribution.
La démarche adoptée par le Sénat est en effet la bonne. Bien sûr, nous aurions pu organiser un débat sur les sectes, citer quelques exemples, souvent dramatiques. Mais il nous a semblé préférable d'adopter une démarche sans doute plus modeste mais en réalité plus efficace.
En renforçant le contrôle de l'instruction assurée dans la famille, en permettant une évaluation de l'enseignement dispensé dans les établissements privés hors contrat et en sanctionnant plus fermement les parents qui omettent délibérément de déclarer leurs enfants non scolarisés, nous nous attaquons à l'un des comportements les plus nuisibles des sectes, celui qui prive les enfants d'une véritable instruction. Et nous le faisons dans le respect de la liberté de l'enseignement, ce qui est essentiel.
Le dispositif auquel nous avons abouti permet d'agir sans attendre, dans un domaine où l'Etat est trop souvent démuni. Il s'agissait donc de lui donner aussi des moyens.
Les amendements adoptés au cours de la discussion contribuent au renforcement d'une lutte qui ne fait que débuter et qui sera longue, car elle demandera certainement beaucoup de suivi.
Dans ces conditions, le groupe des Républicains et Indépendants votera le texte tel qu'il résulte des travaux de notre Haute Assemblée.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission. Je souhaiterais ajouter quelques mots pour me réjouir, au terme de ce débat, de son aboutissement.
Voilà du bon travail législatif, madame la ministre. Une initiative parlementaire, deux propositions de loi examinées en commission, un excellent travail de notre rapporteur et, j'ai la faiblesse de le penser, de la commission, travail complété en assemblée, amendé par le Gouvernement lui-même et par un certain nombre de collègues ont permis d'aboutir à un texte qui, j'en suis persuadé, va recueillir l'accord unanime du Sénat.
C'est donc un moment assez fort, et même si le texte en lui-même est modeste, le sujet qu'il traite ne l'est pas. Il est très important, on le sait.
Il n'y a de bonnes lois que celles qui prennent en compte les réalités, et il me semble que celle que nous allons voter prend en compte les réalités parce qu'elle vise à traiter un problème d'actualité en donnant à l'obligation d'instruction un contenu moderne.
L'amendement déposé par le Gouvernement qui visait à insérer un article additionnel avant l'article 1er, complète de façon fort intéressante le texte que la commission avait adopté, et je m'en réjouis.
Madame la ministre, je terminerai ce court propos après avoir, une nouvelle fois, remercié notre rapporteur Jean-Claude Carle, et, me tournant vers vous, je vous dirai que, maintenant, le sort de ce texte est un peu et même beaucoup, entre vos mains. Faites en sorte, madame la ministre, puisque vous considérez que ce texte est important et nécessaire, qu'il soit examiné le plus rapidement possible par l'Assemblée nationale et qu'il devienne une loi de la République. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote pour.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité.

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