Séance du 11 juin 1998







M. le président. Par amendement n° 137, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose de compléter le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 31 pour l'article L. 642-15 du code de la construction et de l'habitation par une phrase ainsi rédigée : « Le montant de la déduction du coût d'amortissement ne peut excéder le montant de l'indemnité. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Nous nous trouvons ici devant un problème assez délicat : il est prévu que le titulaire du droit d'usage reçoive une indemnisation calculée dans les conditions prévues à l'article L. 641-15.
Qu'on le veuille ou non, cette indemnisation aura un caractère relativement forfaitaire ! C'est d'ailleurs l'un des points, si j'ai bien lu certains exposés des motifs - pas forcément le vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je crois qu'il a repris celui du gouvernement précédent - qui a constitué l'une des difficultés de l'application de l'ordonnance de 1945 pour les réquisitions de 1995 et de 1996. En effet, on ne disposait pas de base juridique pour déterminer comment indemniser les titulaires du droit d'usage, en l'occurrence les propriétaires. Donc, vous cherchez une base juridique, et personne ne vous conteste la nécessité d'y parvenir.
Mais vous prévoyez juste après que l'indemnisation sera diminuée de l'amortissement des travaux exposés par l'attributaire. Fort bien ! Mais si l'amortissement est supérieur à l'indemnité, que se passe-t-il ? Réponse, dans l'état actuel du texte : le propriétaire indemnise l'attributaire. C'est tout de même un peu curieux !
Prenons le cas d'un propriétaire qui a décidé de construire des bureaux. Entre parenthèses, les spéculateurs privés ne sont pas seuls à s'être trompés ; il est également des organismes d'Etat qui se sont peut-être engagés à la légère. N'insistons pas !
Lesdits bureaux ne se louent pas, car nombreux sont ceux qui ont eu le même réflexe, et qu'il y a un excès de bureaux sur le marché. Il faut donc les transformer en appartements et on les réquisitionne à cette fin.
Fort bien ! Mais qui paiera, en définitive, la différence ? C'est bien le propriétaire puisqu'on va non seulement lui prendre son bien, le transformer et lui dire qu'en plus c'est à ses frais dans la mesure où on va lui verser une indemnité qui sera diminuée du prix de la transformation. En outre, si la diminution est supérieure à l'indemnité, il pourrait même être obligé de payer la différence.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut tout de même raison garder et pour le moins prévoir que l'indemnité ne peut être inférieure à zéro. Cela me semble relever du simple bon sens.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je tiens à bien préciser les choses.
A première vue, nous avions conclu à un avis défavorable. Puis, l'approfondissement de notre réflexion nous a fait percevoir l'intérêt de la démarche mais en même temps les risques au niveau de l'application que comportait la rédaction proposée.
L'objet de la réquisition n'est pas, bien évidemment, de faire des travaux importants. Il est souhaitable que le loyer versé chaque mois par l'occupant puisse au minimum payer les frais de gestion et rembourser le montant des travaux réalisés.
Pour éviter les problèmes d'application que je viens d'évoquer, nous proposons, pour notre part, d'ajouter à l'article L. 642-15 du code de la construction et de l'habitation tel que vous le proposez, un alinéa ainsi rédigé : « L'amortissement du montant des travaux ne doit pas être supérieur au loyer défini à l'article L. 642-22, diminué des frais de gestion des locaux. »
Nous aurions ainsi la garantie que vous appelez de vos voeux sans avoir les problèmes d'application.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez bien dit que vous complétiez notre amendement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Non, je propose une autre rédaction.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Ce n'est pas du tout la même chose.
Vous dites que l'amortissement du montant des travaux ne doit pas être supérieur au montant du loyer que va payer le bénéficaire. Mais cela n'a plus de rapport avec l'indemnité qui va être versée au détenteur du droit d'usage.
Il y a donc là quelque chose que je ne cerne pas. Il n'y a, en effet, pas de rapport juridique, me semble-t-il, entre le loyer qui va être mis à la charge du bénéficiaire, au cas par cas, et l'indemnité qui va être versée au titulaire du droit d'usage. Ces deux sommes sont calculées de manière indépendante.
J'aurais été plus à l'aise, monsieur le secrétaire d'Etat, si vous aviez accepté mon amendement, au besoin combiné avec le vôtre.
En outre, un problème se pose à la fin de la réquisition si la totalité des diminutions est inférieure à la totalité du coût des travaux. Vous avez prévu le cas où le propriétaire reprend possession de son bien au bout de neuf ans. Mais au bout de douze ans, que se passe-t-il ?
Cette question mérite un approfondissement technique assez pointu. Je préférerais donc que le Sénat adopte l'amendement, afin d'ouvrir la navette, après quoi nous pourrons mettre au point une rédaction qui soit plus adéquate et qui vise tous les cas de figure.
Et si amendement du Gouvernement il y a, j'y serai, hélas ! défavorable pour les raisons que je viens d'indiquer.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur pour avis, s'il paraît souhaitable que le montant de l'amortissement du coût des travaux ne soit pas supérieur au montant du loyer versé par les occupants diminué des frais de gestion, étant entendu que l'objet de la réquisition n'est pas de faire des travaux importants, comme je le disais à l'instant, l'amendement pose cependant des problèmes de rédaction qui me font, bien évidemment, accepter la perspective d'un approfondissement de la question.
Que voulons-nous dire ? Le montant de l'indemnité mentionné est calculé en déduisant le coût de l'amortissement des travaux. Il importe donc de savoir non pas si le coût de l'amortissement est supérieur à l'indemnité, mais si celle-ci reste positive compte tenu de la déduction de ce coût. Voilà la préoccupation du Gouvernement, qui croyait avoir compris la vôtre !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Nous nous comprenons bien : deux versements sont mis en oeuvre parallèlement, pas en même temps, d'ailleurs. Et ce sera le problème des attributaires qui vont recevoir un local : ils devront payer l'indemnité le lendemain, tout en faisant l'avance des frais des travaux - nous en avons parlé tout à l'heure - même s'ils sont subventionnés, alors qu'ils ne commenceront à avoir des rentrées qu'au moment où ils auront logé quelqu'un dans ledit local.
Premier calcul : l'attributaire paie l'indemnité au titulaire du droit d'usage, l'indemnité étant diminuée, le moment venu, de l'amortissement des travaux.
Second calcul : l'attributaire reçoit du bénéficiaire un loyer.
Mais il n'y a pas de rapport de droit entre les deux, et c'est bien ce point qu'il faut que nous approfondissions ensemble.
De toute façon, l'idée qu'il faut purger de nos esprits, c'est qu'un titulaire de droit d'usage se trouve obligé de verser à l'attributaire une somme correspondant à la différence entre l'indemnité à laquelle il a légitimement droit, mais qui peut être réduite à zéro, et la réalité de l'amortissement des travaux, qui peut être supérieur à l'indemnité à laquelle il a droit. Sinon, on se trouve devant un cas de figure que, pour être franc, personne n'imagine.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 137, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 642-15 du code de la construction et de l'habitation.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES L. 642-16 À L. 642-21 DU CODE
DE LA CONSTRUCTION ET DE L'HABITATION