Séance du 11 juin 1998







M. le président. Par amendement n° 348, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 19, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé, auprès de la Caisse des dépôts et consignations, un fonds mutuel d'aide aux impayés de loyers et de charges, alimenté par les rémunérations du capital des cautions versées par les locataires du parc locatif privé. Cette aide aux impayés est versée par le FSL. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités pratiques du précédent alinéa. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement part d'un constat : les moyens du Fonds de solidarité pour le logement, même si le Gouvernement a fait part de sa volonté de les augmenter d'une manière très importante, deviennent insuffisants au regard de la situation de plus en plus difficile des familles défavorisées et, surtout, de l'accroissement de leur nombre.
Le Fonds de solidarité pour le logement, institué par la loi du 31 mai 1990, est destiné à accorder des aides financières, sous forme de prêts ou de subventions, à des personnes défavorisées entrant dans un logement locatif ou qui, étant locataires, se trouvent dans l'impossibilité d'assumer leurs obligations relatives au paiement du loyer ou de ses charges. Il joue un rôle essentiel : plus de 160 000 ménages en ont bénéficié en 1995. Et leur nombre ne fait que croître.
Le FSL accorde des aides aux locataires du parc public, mais également du parc privé. Cela est le résultat de décisions récentes et, notamment, du fait que le FSL est abondé par la taxation en provenance du supplément de loyer de solidarité imposé aux organismes HLM.
Jusque-là, il n'y a rien de choquant. Mais cela se croise quand on regarde qui abonde le fonds : ce sont, en premier lieu, l'Etat et le département. Les communes, régions, offices HLM peuvent également y contribuer. Mais, dans le cadre de l'exercice des compétences, notamment du risque de transfert de charges, très peu de communes se sont engagées dans cette voie.
En revanche, les bailleurs privés ne sont à aucun moment sollicités. Il nous paraît normal de le faire, surtout que ces derniers pratiquent trop souvent une politique de loyers élevés.
Nous proposons de faire participer les bailleurs privés à la prévention des difficultés de leurs locataires et à la lutte contre les exclusions.
Nous suggérons aussi de créer un fonds mutuel d'aide aux impayés de loyers auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Ce fonds serait alimenté par les rémunérations du capital des cautions versées par les locataires du parc locatif privé. En effet, bien souvent, les locataires se plaignent de ne pouvoir récupérer leur caution qu'après de nombreux méandres et difficultés.
Tel est l'objectif de cet amendement qui, vous l'avez compris, pose un véritable problème.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'idée de créer un fonds mutuel d'aide aux impayés de loyers est intéressante. Cela dit, il faut éviter de monter des machineries trop lourdes qui pénalisent par le biais de prélèvements pesant sur les propriétaires bailleurs.
La commission des affaires sociales préfère faire confiance à l'initiative privée et vous proposera, mes chers collègues, à l'article 30, de créer des incitations fiscales favorables en ce domaine. Elle est donc défavorable à la solution proposée dans l'amendement n° 348.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est bien conscient que les auteurs de cet amendement posent un réel problème et - je l'indique à M. le rapporteur - il ne m'a pas semblé que, dans leur esprit, il s'agissait d'un nouveau prélèvement.
La création de ce fonds nécessiterait, en revanche, une centralisation des cautions versées et ce serait la rémunération de cette cagnotte centralisée qui alimenterait le fonds mutuel suggéré.
L'idée, selon moi, ne manque pas d'intérêt. Simplement, comment peut-on réagir devant une telle proposition ?
Les rapports locatifs sont aujourd'hui régis par la loi du 6 juillet 1989, que vous avez eu l'occasion de voter, et qui s'est voulue un texte d'équilibre et d'apaisement dans les rapports locatifs.
Dès sa première année d'application, le nombre des litiges dont les instances de conciliation étaient saisies a diminué de 80 %, ce qui traduit bien un immense dégonflement des tensions.
Il faut dire que la loi du 6 juillet 1989 avait fourni l'occasion d'annuler toute une série de dispositions de la loi Méhaignerie de 1986. Cette dernière avait prévu une application en deux temps et soulevait, avec son régime permanent, mis en place après des mesures transitoires, d'énormes difficultés.
La loi de 1989 était donc bienvenue ; elle a permis d'apaiser les relations entre bailleurs et locataires, mais sans mettre fin, bien au contraire, à la concertation entre les deux parties. Depuis cette loi, en effet, les deux parties travaillent activement au sein de la Commission nationale de concertation. Or, vous le savez, c'est cette instance qui avait élaboré des propositions de retouches à la loi du 6 juillet 1989, propositions qui ont été incluses par la représentation nationale dans la loi relative à l'habitat votée en 1994 sur une proposition conjointe des deux parties.
Il nous semble donc pertinent de ne pas oublier cette instance de concertation et il est souhaitable que les propositions puissent cheminer dans ce cadre.
Bien évidemment, il serait bon d'observer comment les partenaires réagissent et de savoir s'ils acceptent de reprendre cette proposition.
De ce fait, il serait bon, monsieur le sénateur, que vous saisissiez une ou plusieurs associations participant à la Commission nationale de concertation. Il s'agit des grandes associations de locataires - la Confédération nationale du logement, la Confédération générale du logement, la Confédération syndicale du cadre de vie, notamment - qui siègent aux côtés de l'Union nationale de la propriété immobilière.
Pour ma part, je vous propose, compte tenu du fait que, depuis maintenant neuf ans, une pratique de concertation s'est établie, de tenir informé le président de la Commission nationale de concertation de cette proposition.
Peut-être un cheminement positif par cette procédure nous amènera-t-il à être saisis d'une proposition dont vous aurez été les inspirateurs. En revanche, il est certain que passer outre ce qui est désormais une tradition de travail en commun de tous ces partenaires serait mal perçu.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 348.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous allons maintenir cet amendement car nous estimons qu'il permettra d'améliorer les relations entre les locataires et les bailleurs.
Dans les copropriétés à caractère social situées dans les grands ensembles, les locataires éprouvent des difficultés pour mener à bien les réhabilitations qui s'imposent du fait de l'évolution de la législation. Par le biais des OPAH, il est possible de les aider.
Les sommes ainsi accordées paraissent dérisoires par rapport à celles qui ont pu être affectées au logement social et il faut encore réfléchir pour soutenir ce parc privé qui contribue à l'équilibre social dans les grands ensembles. La solidarité de la nation doit jouer.
Par ailleurs, on constate une dégradation des relations entre les copropriétaires. Ceux qui sont solvables supportent en effet de moins en moins bien les charges de plus en plus importantes générées par les difficultés que rencontrent les propriétaires dont les locataires sont insolvables ou qui n'acquittent plus leurs charges. Les ventes aux enchères se font dans des conditions difficiles.
Si l'on veut maintenir l'équilibre social dans les grands ensembles et relever ce nouveau défi, il faut que nous soyons en mesure d'imaginer de nouvelles propositions pour améliorer les relations entre les locataires et les copropriétaires.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. André Vezinhet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Il s'agit d'un problème que j'ai évoqué devant vous, monsieur le secrétaire d'Etat, lors de la réunion conjointe de la commission des affaires sociales et de la commission des affaires économiques, et qui concerne l'abondement du FSL par les différentes parties qui en sont, à un autre niveau, les bénéficiaires.
Vous m'aviez à juste titre répondu que la contribution à la taxe additionnelle en tenait lieu. Il n'en demeure pas moins qu'un vrai problème est posé. Mais vous nous avez suggéré de suivre certaines pistes.
C'est la raison pour laquelle, même si je m'abstiens lors du vote sur cet amendement, je salue le fait que ses auteurs aient porté ce débat devant la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 348, repoussé par commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 19