Séance du 4 juin 1998







M. le président. Par amendement n° 15, Mme Beaudeau, M. Bécart et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 1er, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les interdictions mentionnées à l'article 1er de la présente loi s'appliquent à toute mine équipée d'un dispositif de protection qui fait partie de celle-ci, est relié à celle-ci, attaché à celle-ci ou placé sous celle-ci, et qui se déclenche en cas de tentative de manipulation ou autre dérangement involontaire de la mine. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La convention d'Ottawa, dans son article 2, exclut de façon explicite les mines antivéhicules équipées de dispositifs antimanipulation, alors que les Etats présents à Oslo, lors de la négociation du traité, avaient reconnu que ces mines, lorsqu'elles peuvent être déclenchées par un acte involontaire, devraient être considérées comme des mines antipersonnel.
En effet, certains systèmes dits « de protection » ont été développés récemment par des entreprises d'armement pour remplir la fonction tenue précédemment par des mines antipersonnel. Ils visent à défendre ou protéger des zones sensibles ou des engins de combat tels que les blindés.
Ces matériels, qui sont dotés de nouvelles technologies, comportent également des aspects antipersonnel, puisque le simple fait de déplacer la mine antivéhicule ou le dispositif antimanipulation relié à celle-ci peut suffire à activer le déclenchement automatique de la mine.
Ce type de mines est, certes, conçu pour exploser en cas d'intrusion de blindés, mais le dispositif antimanipulation solidaire de la mine, est, lui, destiné à blesser ou tuer toute personne, par exemple les troupes du génie ayant l'intention de déplacer ou d'enlever la mine antichar.
Ces mines ont des caractéristiques qui peuvent donc les assimiler à des mines antipersonnel.
En outre, l'article 3, alinéa 3, du protocole II sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs de la convention de 1980, tel qu'il a été modifié le 3 mai 1996, apporte les précisions suivantes : « Il est interdit en toutes circonstances d'employer des mines, des pièges ou d'autres dispositifs qui sont conçus pour causer des maux superflus ou des souffrances inutiles, ou sont de nature à causer de tels maux ou de telles souffrances. »
Faut-il considérer de tels maux ou de telles souffrances comme « utiles » sur le plan militaire, dès lors que ce sont les armes blindées qui sont visées par les mines antichars et non les personnes ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Goulet, rapporteur. Cet amendement tend, lui aussi, à étendre le champ d'application des interdictions de matériels qui figurent dans la convention d'Ottawa, notamment aux mines antivéhicules, qui sont munis de dispositifs de protection. On ne peut en aucun cas, me semble-t-il, assimiler les mines antipersonnel, qui frappent de manière automatique et aveugle, aux mines antichars, dont les dispositifs de protection se déclenchent en cas d'action volontaire pour déplacer ou neutraliser la mine.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Il s'agit là de deux sujets différents ! Si le monde associatif et de nombreux Etats, dont le nôtre, se sont engagés pour mettre fin à l'usage des mines anti-personnel, c'est, fondamentalement, en raison de leur banalisation et de leur extension géographique.
Si on en était resté à l'usage militaire traditionnel connu il y a trente ou quarante ans, ce problème n'aurait pas du tout pris la même ampleur. Mais, actuellement, dans des dizaines de pays, des mines antipersonnel sont dispersées de façon aveugle dans des zones qui ne font aucunement l'objet d'affrontements militaires et dans lesquelles des dizaines de milliers de civils, qui sont complètement étrangers à la bataille, se trouvent menacés.
Les dispositifs en question sont placés sur les mines antichars, donc sur un champ de bataille. Personne ne peut être touché de façon accidentelle par ces armes, à l'exception d'un militaire qui serait engagé dans une action de combat consistant à priver d'efficacité des mines antichars.
L'objectif fondamental de la convention et de la législation, qui est d'éliminer les armes susceptibles de blesser des personnes étrangères à la bataille, ne s'applique pas à de tels dispositifs. S'il existe, dans une zone où s'est produit un affrontement militaire, un champ de mines antichars, vous pouvez être certain que tout le monde le sait.
Par conséquent, il s'agit bien d'une arme substantiellement différente, qui fait partie de la bataille antichar, d'où le raisonnement que je tenais tout à l'heure et qui me conduit à m'opposer à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 16, Mme Beaudeau, M. Bécart et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les interdictions mentionnées à l'article 1er de la présente loi s'appliquent à tout dispositif ou matériel, conçu, construit, ou adapté pour tuer ou blesser et qui fonctionne à l'improviste quand une personne déplace un objet en apparence inoffensif ou s'en approche, ou se livre à un acte apparemment sans danger. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le protocole II de la Convention de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques, adopté par le Sénat le 24 juin 1997, prévoit, à l'article 7, un certain nombre de restrictions de l'emploi de pièges.
De nombreux modèles de mines antivéhicules sont « piégeables » grâce à l'imagination créatrice des combattants.
Selon le type de système d'allumage, une simple traction de cinq à vingt-cinq kilogrammes peut suffire à activer le déclenchement d'une mine, c'est-à-dire le poids d'un enfant.
Dans l'exposé des motifs qui accompagne notre amendement, nous citons des exemples de mines antichars adaptées à partir de système « antirelevage » ou de système d'allumage.
Ce sont autant d'exemples qui montrent que, s'il est difficile de « museler » l'imagination meurtrière, il est en revanche possible d'interdire la fabrication, l'usage et le commerce des dispositifs constitutifs des mines antivéhicules.
De telles interdictions deviennent urgentes à l'heure où l'interdiction totale des mines antipersonnel va probablement entraîner le développement de tous les systèmes de piégeage des mines antichars ou d'autres moyens techniques destinés à fabriquer des pièges que je considère assimilables à des mines antipersonnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Goulet, rapporteur. Les signataires de cet amendement restent dans leur propre logique ; les membres de la commission restent dans la leur. On ne peut élargir le champ d'application aux mines antichars, qui sont pourvues de dispositifs de protection.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Le Gouvernement partage le raisonnement de la commission. Il émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2