M. le président. « Art. 25. - I. - L'article 6 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une Commission des opérations de bourse est ainsi rédigé :
« Art. 6 . - I. - L'appel public à l'épargne est constitué par :
« - l'admission d'un instrument financier mentionné à l'article 1er de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières aux négociations sur un marché réglementé ;
« - ou par l'émission ou la cession d'instruments financiers dans le public en ayant recours soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement.
« Toutefois, l'émission ou la cession d'instruments financiers auprès d'investisseurs qualifiés ou dans un cercle restreint d'investisseurs ne constitue pas une opération par appel public à l'épargne, sous réserve que ces investisseurs agissent pour compte propre.
« II. - Un investisseur qualifié est une personne morale disposant des compétences et des moyens lui permettant de réaliser des transactions sur instruments financiers sans bénéficier de la protection conférée par le régime d'information prévu au III. Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières sont réputés agir en qualité d'investisseurs qualifiés.
« Un cercle restreint d'investisseurs est composé de personnes morales ou physiques, dont le nombre est inférieur à un seuil fixé par un règlement de la Commission des opérations de bourse, ou dont le nombre est plus important mais qui sont liées à l'émetteur par des relations professionnelles, personnelles ou familiales.
« Un règlement de la Commission des opérations de bourse définit, après avis du Conseil des marchés financiers, la liste des catégories auxquelles doivent appartenir les investisseurs qualifiés, ainsi que le cercle restreint d'investisseurs.
« III. - Sans préjudice des autres dispositions qui leur sont applicables, les personnes autres que l'Etat qui se livrent à une opération par appel public à l'épargne doivent, au préalable, publier et tenir à la disposition de toute personne intéressée un document destiné à l'information du public, portant sur le contenu et les modalités de cette opération, ainsi que sur l'organisation, la situation financière et l'évolution de l'activité de l'émetteur, dans des conditions prévues par un règlement de la Commission des opérations de bourse.
« Le règlement mentionné au premier alinéa du présent paragraphe fixe également les conditions dans lesquelles l'émetteur dont les titres ont été émis ou cédés dans le cadre d'une opération par appel public à l'épargne procède à l'information du public.
« Ce règlement précise, par ailleurs, les modalités et les conditions dans lesquelles une personne morale peut cesser de faire appel public à l'épargne. »
« II. - A l'article 7 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 précitée, les mots : "la société" sont remplacés par les mots : "l'émetteur".
« III. - L'article 7-1 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 précitée est abrogé.
« IV. - L'article 72 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée est abrogé. »
Par amendement n° 14, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi le II du texte présenté par le I de cet article pour l'article 6 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 :
« II. - Les établissements de crédit, les entreprises d'investissement, y compris celles exerçant l'activité visée au d de l'article 4 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 précitée, les sociétés d'assurance régies par le code des assurances, les organismes de placement collectif et les institutions visées à l'article 8 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, sont des investisseurs qualifiés.
« Sont également considérées comme des investisseurs qualifiés :
« - les personnes physiques qui se déclarent comme telles auprès de l'émetteur et qui remplissent les conditions définies par un règlement de la Commission des opérations de bourse, pris après avis du Conseil des marchés financiers ;
« - les personnes morales disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers et qui appartiennent à l'une des catégories définies par un règlement de la Commission des opérations de bourse, pris après avis du Conseil des marchés financiers.
« Un cercle restreint d'investisseurs est composé de personnes morales ou physiques, autres que les investisseurs qualifiés, liées aux actionnaires ou aux dirigeants de l'émetteur par des relations professionnelles, personnelles ou familiales. Sont réputés constituer de tels cercles, ceux composés de moins de trois cents personnes.
« Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit de l'un des articles importants du texte, puisque c'est celui qui définit pour la première fois l'appel public à l'épargne.
Je rappelle à nos collègues que cette notion sert de frontière entre le droit boursier et le reste du droit commercial.
Lorsqu'il y a appel public à l'épargne, on applique les garanties de transparence de l'information, en particulier, qui visent à sécuriser l'ensemble des actionnaires investis sur des marchés réglementés ou sur d'autres catégories de marchés financiers.
Le Gouvernement propose une définition de cet appel public à l'épargne. La commission des finances, quant à elle, souhaiterait aller un peu plus loin que le Gouvernement, c'est-à-dire préciser encore davantage cette définition.
Pour nous, la notion d'appel public à l'épargne se définit par référence aux méthodes de placement des titres, mais aussi - sur ce point, nous sommes d'accord avec le Gouvernement - par rapport à la nature des investisseurs. Il faut voir qui achète les titres et s'interroger sur le niveau de compétence des investisseurs concernés.
Les investisseurs « quelconques » ont plus besoin d'être protégés que les professionnels, qui peuvent viser des opérations plus complexes, des produits nécessitant des capacités d'analyse et, surtout, des prises de risques.
Pour cerner la notion d'appel public à l'épargne, il faut, selon nous, exclure quatre catégories d'intervenants : les trois premières forment une rubrique globale que nous appellerons « investisseurs qualifiés » et la quatrième catégorie constitue une autre rubrique que nous appellerons « cercle restreint d'investisseurs ».
Les investisseurs qualifiés doivent, selon nous, être constitués en trois catégories. La première est composée de professionnels : ceux qui bénéficient des autorisations ou des agréments nécessaires, comme les établissements de crédit, les entreprises d'investissement, y compris les gérants de capitaux dûment agréés, les sociétés d'assurance, les organismes de placement collectif et les différentes institutions visées à l'article 8 de la loi bancaire.
La deuxième catégorie, nous semble-t-il - et sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaitons apporter une innovation par rapport à ce que vous nous proposez -, il doit comporter les personnes physiques qui peuvent être considérées comme les investisseurs qualifiés. Il s'agit des personnes physiques qui font une démarche volontaire, c'est-à-dire celles qui se déclarent comme investisseurs avertis auprès de l'émetteur de valeurs mobilières. Elles doivent remplir certaines conditions qu'il appartient, selon nous, à la Commission des opérations de bourse, après avis de marchés financiers, de définir.
Pourquoi ?
Lorsque quelqu'un gagne au loto, il peut se retrouver avec une somme d'argent considérable à investir. Ce n'est pas pour autant qu'il sera un investisseur averti. On risque de lui vendre tout et n'importe quoi.
S'il s'agit d'un ancien dirigeant d'une grande entreprise à la retraite, il est averti de ce qui se passe sur les marchés financiers ; il dispose de compétences et peut être considéré comme investisseur averti.
Pour nous, le critère n'est ni le montant des capitaux investis ni la richesse de l'individu ; ce sont plutôt les compétences dont ce dernier peut faire usage en intervenant en tant qu'acquéreur de titres sur un marché.
Une troisième catégorie d'investisseurs qualifiés est constituée par les personnes morales qui disposent des compétences et des moyens nécessaires - c'est toujours la même logique - comme, par exemple, une grande société industrielle dont le trésorier intervient sur les marchés, ou une mutuelle d'assurance qui a pour objet d'investir les fonds en représentation de réserves techniques sur les différents marchés financiers.
Ces trois catégories professionnelles, à savoir les investisseurs avertis, les personnes physiques et les personnes morales, représentent par conséquent les investisseurs qualifiés.
Par ailleurs, il y a la notion de cercle restreint d'investisseurs, en d'autres termes les investisseurs proches de l'entreprise. C'est une innovation que vous apportez dans votre texte et qui me semble aller dans le bon sens, car il s'agit des investisseurs en fonds propres qui vont accompagner le développement de l'entreprise.
Comment définir ce cercle restreint d'investisseurs ? Il faut qu'il s'agisse de personnes liées à l'entreprise, vous le dites, « par des relations professionnelles, personnelles ou familiales ». Là se pose un autre problème - qui a été assez longuement évoqué à l'Assemblée nationale, tant à la commission des finances qu'en séance - c'est celui de savoir s'il faut fixer dans la loi un seuil quantitatif et dire que, en deçà de ce seuil, on n'est jamais en appel public à l'épargne, mais que, au-delà de ce seuil, on est en appel public à l'épargne parce qu'il y a un nombre important d'actionnaires.
Il faut savoir que cette règle quantitative est appliquée par la Commission des opérations de bourse en vertu de ses règlements depuis une vingtaine d'années. C'est la règle des 300 actionnaires : à plus de 300 actionnaires, on est en appel public à l'épargne ; à moins de 300 actionnaires, on n'y est pas. Jusqu'ici, ce seuil quantitatif n'a pas été fixé par la loi. Il l'a été par le pouvoir réglementaire en tant qu'il homologue les règlements de la Commission des opérations de bourse.
Nous avons pensé, au sein de la commission des finances, qu'il fallait faire figurer dans la loi le seuil quantitatif en le maintenant à 300 personnes. En effet, si on ne le fait pas, sachant que nous nous efforçons ici de redéfinir la notion et de clarifier les choses, on confie à la Commission des opérations de bourse, institution très respectable, autorité indépendante, le soin de définir elle-même son champ de compétence.
Qu'on lui demande de préciser un certain nombre de modalités d'application dans son règlement, qui sera homologué par décret, c'est très bien, c'est même indispensable. Mais permettre à cette autorité de définir son champ de compétence et, ensuite, d'expliquer ce qu'elle compte faire dans ce champ de compétence, eu égard à notre conception du rôle du législateur et de la place de la loi, ne nous paraît pas satisfaisant.
Cela rejoint tout un débat, mes chers collègues, sur la place des autorités administratives indépendantes, dont d'aucuns considèrent qu'elle a parfois été un peu trop élargie par rapport à la norme de droit public posée par la loi et par le règlement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai essayé d'exposer de façon synthétique les divers éléments qui composent cet amendement n° 14. Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais ces dispositions nécessitaient véritablement d'être décortiquées et bien comprises pour que nous puissions les voter en toute connaissance de cause.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Marini a détaillé avec beaucoup de précision des propositions importantes assez complexes tendant à modifier le régime de l'appel public à l'épargne.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour une série de raisons que je vais m'efforcer dedétailler.
Tout d'abord, afin d'assurer la transparence du marché et la bonne information des épargnants, le Gouvernement a souhaité limiter les catégories de personnes pour lesquelles les entreprises émettrices pouvaient être dispensées des informations prévues dans le cadre de l'appel public à l'épargne, qui doit rester la règle.
Dans le texte du Gouvernement, ces investisseurs qualifiés sont exclusivement des personnes morales qui interviennent pour leur propre compte ou, par exception, des OPCVM.
Vous proposez, vous, monsieur le rapporteur, d'aller beaucoup plus loin. Or en augmentant autant le nombre des investisseurs qualifiés, on risquerait de vider le dispositif de son sens et de réintroduire une opacité qui ne me paraît pas souhaitable.
En particulier, vous proposez que des personnes physiques puissent être considérées comme des investisseurs qualifiés. Pour être en quelque sorte homologué, il faudrait satisfaire à des conditions fixées par un règlement de la COB, institution sur laquelle vous émettez par ailleurs des réserves. Or ces conditions ne sont nullement précisées.
S'il s'agit de dire que la personne doit déjà détenir un portefeuille financier important, il y a là une approche « censitaire » que le Gouvernement ne peut approuver en ce qu'elle distingue les épargnants selon le volume de leur fortune. Au demeurant, le fait d'être un particulier fortuné n'implique pas automatiquement que l'on soit un professionnel de la finance.
Par ailleurs, vous incluez des gestionnaires individuels pour le compte de tiers parmi les investisseurs qualifiés. Or ces gestionnaires sont, pour employer un terme technique, « transparents » pour l'investisseur, c'est-à-dire qu'ils ne lui apportent aucune possibilité de dispersion des risques, de liquidité de l'investissement ; ils ne constituent pas un facteur de précaution particulier. Il n'est donc pas souhaitable de considérer ces gestionnaires, même si ce sont de grands professionnels, comme des investisseurs qualifiés.
Autre raison de m'opposer à cet amendement : en énumérant dans la loi elle-même de nouvelles catégories d'investisseurs qualifiés, en plus de celles que le Gouvernement y a inscrites, vous vous mettez dans l'obligation de dresser une liste exhaustive. Or, malgré tout le respect que m'inspirent vos propositions, car elles sont la marque de votre grande compétence, je constate que vous avez oublié des organismes importants. Vous mentionnez les sociétés d'assurance régies par le code des assurances, mais vous omettez de citer les institutions de prévoyance qui sont régies par le code de la sécurité sociale, ainsi que - et certains d'entre nous y seront très sensibles - les mutuelles qui sont régies par le code de la mutualité.
S'agissant du cercle restreint d'investisseurs, vous voulez faire apparaître un seuil quantitatif dans la loi. Je crois que, en l'espèce, vous faites preuve d'un certain manque de souplesse. De plus, le seuil de 300 que vous proposez de fixer est nettement plus élevé que celui auquel le Gouvernement pourrait penser : M. Strauss-Kahn, à l'Assemblée nationale, avait évoqué le nombre de 100 investisseurs comme un seuil possible.
J'ai déjà fait allusion à la méfiance que paraît vous inspirer la Commission des opérations de bourse, et c'est cette méfiance qui vous conduit à prévoir que les conditions d'application de cet article seront précisées par un décret en Conseil d'Etat. Autrement dit, vous proposez de superposer des strates réglementaires, ce qui ne va guère dans le sens de la simplification.
La COB existe ; en la créant, le législateur en a fait une autorité administrative indépendante chargée de veiller à la protection de l'épargne.
En outre, le législateur a autorisé la COB à proposer des règlements au ministre chargé de l'économie et des finances, qui peut les homologuer par arrêté. Cette délégation du pouvoir réglementaire est strictement encadrée par les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat.
Il me semble que les règlements dont il est ici question répondent à ces critères et qu'ils n'empiètent pas sur les principes fondamentaux, qui relèvent strictement du législateur. Aussi le recours en Conseil d'Etat que vous suggérez est-il inutile. Ces règlements de la COB, pour l'essentiel, existent déjà, et cette redondance est superflue.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, si l'on retient le critère de la compétence pour définir l'investisseur qualifié, je ne vois pas au nom de quoi les gérants de capitaux, agréés en tant que tels en vertu de la loi du 2 juillet 1996, sur la base de programmes d'activité, avec un contrôle technique et déontologique, ne seraient pas considérés comme des investisseurs qualifiés.
S'agissant des personnes physiques, je pense avec vous que le critère du montant quantitatif de capitaux - vous allez jusqu'à parler d'« approche censitaire » - n'est pas pertinent. Je crois d'ailleurs l'avoir dit dans mon intervention initiale.
Il faut toutefois rappeler que les investisseurs avertis sont ceux qui, consciemment, se placeraient sous un régime leur donnant beaucoup moins d'informations et de garanties que les autres : plus compétents et plus avertis que les autres, ils auraient besoin de moins de protections et de moins de garanties. Ils investissent à leurs risques et périls. Je crois qu'il faut éviter les allusions à des faits qui sont étrangers à ce débat.
Par ailleurs, je n'éprouve pas de méfiance à l'égard de la Commission des opérations de bourse. Je la respecte et j'apprécie énormément son travail. Toutefois, je souhaite que cette commission soit, comme le CSA et un certain nombre d'autorités administratives indépendantes, maintenue à sa place. Il faut que ces institutions remplissent leur mission légale, toute leur mission légale, mais rien que leur mission légale.
Or les règles générales qui sont appliquées ne peuvent l'être qu'en vertu du pouvoir réglementaire. Une norme générale édictée par la Commission des opérations de bourse n'a de valeur juridique que si elle est homologuée par le pouvoir réglementaire.
Doit-il s'agir d'un décret en Conseil d'Etat ou d'un décret simple ? Sur ce point, je suis prêt à rectifier l'amendement. Il reste que le décret pour l'application de cet article est indispensable si l'on veut se conformer à notre ordre constitutionnel.
S'agissant des organismes que j'aurais omis de viser dans mon énumération, je crois avoir évoqué les mutuelles, et ce n'était qu'un exemple : j'aurais pu aussi parler des institutions de prévoyance sociale au titre des personnes morales disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur les instruments financiers, appartenant à l'une des catégories définies par un règlement de la Commission des opérations de bourse. Il est tout à fait logique que la Commission des opérations de bourse y fasse figurer, notamment, les mutuelles d'assurance régies par le code de la mutualité et les institutions de prévoyance sociale, tout comme d'autres établissements, organismes ou entreprises.
Je n'ai donc en aucun cas voulu les exclure. Au contraire, il est prévu qu'elles figurent dans la liste, si la COB voit les choses comme il est raisonnable de les voir.
Enfin, pour ce qui est du seuil des 300 personnes, il faut rappeler que c'est la situation actuelle.
A l'Assemblée nationale, M. Strauss-Kahn a eu une controverse avec M. Migaud, rapporteur général, qui était - il y a là une convergence peut-être un peu étonnante - de l'avis que je viens d'exprimer, considérant que le seuil de 300 devait être inscrit dans la loi.
Selon M. Strauss-Kahn, il faudrait que ce soit très souple et que l'on confie à la COB le soin, en quelque sorte, de « jeter la balle » en fixant un seuil de 100, après quoi on ajusterait si les circonstances devaient conduire à des ajustements.
Sur cette question, je formule les plus expresses réserves. En effet, si l'on veut que la distinction soit claire entre l'appel public à l'épargne et le reste, il ne faut pas que le critère puisse changer de manière impromptue.
La distinction entraîne, d'un côté, plus d'informations, plus de garanties, plus de contrôles, la possibilité de mettre en oeuvre toutes les procédures du droit boursier - notamment en matière de recherche de délit d'initié - des sanctions, bref, toute une série de conséquences précises. Si le critère est flottant ou soumis à des variations un peu trop rapides, ce que laissait entendre M. Strauss-Kahn, je crois que nos marchés financiers pécheront par manque de sécurité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai beaucoup apprécié que vous ayez tenu à me répondre de manière détaillée, mais vous ne m'avez malheureusement pas convaincu et, à ce stade, je ne peux que maintenir mon amendement.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sauttier, secrétaire d'Etat. Je veux seulement dire à M. Marini que je persiste à penser que son amendement présente des risques et qu'il est discriminatoire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est à titre personnel que j'interviens ici puisque nous n'avons pu, au sein de mon groupe, débattre de cet amendement.
Philippe Marini sait que, en commission des finances, cet amendement a soulevé un certain nombre d'interrogations de notre part, et je dois dire que l'avis qu'a présenté M. le secrétaire d'Etat a renforcé mon trouble.
Nous ne voudrions pas, en votant cet amendement, donner en quoi que ce soit le sentiment que les conditions de l'appel à l'épargne publique sont affaiblies.
C'est la raison pour laquelle je me permets d'exprimer le souhait de voir Philippe Marini retirer son amendement, afin qu'une réflexion nouvelle s'engage entre lui et le Gouvernement sur cette question difficile dont l'importance politique est significative. S'il le maintient, je ne pourrai que m'abstenir.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Mon cher collègue, en aucun cas cet amendement ne peut affaiblir le régime de l'appel public à l'épargne. Il s'agit, au contraire, d'en préciser les critères de la manière la plus concrète possible.
M. René Régnault. C'est discriminant !
M. Philippe Marini, rapporteur. Forcément ! Dès lors qu'il existe une limite, il y a un régime qui s'applique d'un côté et un autre régime qui s'applique de l'autre côté ! Il s'agit bien d'établir une discrimination. Mais nous avons essayé d'écrire cela de la façon la plus précise possible, s'agissant d'une matière très technique et singulièrement complexe.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, rejeté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 15, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter in fine l'article 25 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« V. - Dans les deuxième et troisième alinéas de l'article 2 de la loi n° 72-6 du 3 janvier 1972 relative au démarchage financier et à des opérations de placement et d'assurance, après les mots : "ou à la résidence des personnes," sont insérés les mots : "autres que des investisseurs qualifiés,". »
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'exclure les investisseurs qualifiés, tels que nous venons de les définir, du dispositif de la loi sur le démarchage financier, ce qui, je crois, va de soi.
Toutefois, il convient d'insister, monsieur le secrétaire d'Etat, sur l'urgence d'une réforme du démarchage financier, qui est régi par une loi de 1972 devenue aujourd'hui complètement obsolète.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui tend à introduire la notion d'investisseur qualifié dans la législation sur le démarchage.
Je rappelle que l'article 25, dans sa version gouvernementale, ne modifie ni la définition ni les conditions d'exercice de l'activité de démarchage.
La Haute Assemblée a pris une décision que le Gouvernement condamne, et je lui laisse le soin d'apprécier si sa proposition pose problème de ce point de vue.
En la matière, il faut continuer à adopter une démarche prudente. Peut-être convient-il de reprendre la loi de 1972, mais je pense que le moment est mal choisi pour le faire.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 131, M. Loridant propose de compléter in fine l'article 25 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l'article 274 de la loin° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales est complété par une phrase ainsi rédigée : "Toute cession effectuée en violation des statuts est nulle." »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. L'amendement n° 131, de caractère technique, a cependant une portée bien particulière pour un certain nombre de sociétés dites « fermées ». Il existe, en effet, dans notre droit, des sociétés dont le nombre d'actionnaires est limité et au sein desquels les tiers ne peuvent pas acheter de parts.
A l'occasion de cessions, d'héritages ou de tout événement survenant soit dans la vie de la société, soit dans celle de ses actionnaires, certains détenteurs sont amenés à vendre leurs parts à des tiers. Ce faisant, ils peuvent être amenés à tomber sous le régime des sociétés faisant appel public à l'épargne et, de ce fait, être soumis à certaines obligations lourdes, notamment l'agrément de la Commission des opérations de bourse.
Il s'agit donc ici, pour des sociétés fermées qui ne voudraient en aucun cas s'ouvrir et devoir assumer les contraintes liées à l'appel public à l'épargne, de prévoir dans leurs statuts que toute cession de parts qui ne serait pas agréée par les statuts serait nulle de plein droit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je suis favorable au principe de la liberté contractuelle. Les dispositions qui sont prises par les actionnaires, lorsqu'ils décident de rédiger les statuts d'une société anonyme, sont à mes yeux comme la Constitution de la société. M. Loridant propose qu'une violation de la Constitution, en quelque sorte, entraîne la nullité de cessions de titres ainsi effectuées en contravention avec les clauses d'agrément formellement prévues par les statuts.
Je ne suis pas choqué de cette démarche, mais, bien entendu, avant de me prononcer au nom de la commission, je souhaiterais, monsieur secrétaire d'Etat, recueillir votre avis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui est, certes, technique, mais qui a pour vocation d'assurer une meilleure sécurité du marché.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 131, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 25, modifié.

(L'article 25 est adopté.)

Articles 26 et 27