M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. C'est à vous, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, que j'ai l'intention d'adresser ma question.
Comment parler de la Nouvelle-Calédonie sans évoquer d'abord le drame d'Ouvéa, la mémoire des Français Kanaks et des gendarmes de métropole dont la mort tragique avait ému l'ensemble du pays, ainsi que l'odieux assassinat de l'homme de paix et de dialogue qu'était Jean-Marie Tjibaou.
Après tant de violences et de passions exacerbées, le gouvernement de Michel Rocard avait réussi à réunir, pour dialoguer, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, ainsi que les forces politiques calédoniennes en vue d'aboutir à ce que l'on a appelé les « accords de Matignon ».
Ces accords ont permis aux Calédoniens de connaître dix ans de paix, de reconnaissance mutuelle, de fraternité retrouvée. Des négociations, certes difficiles, mais finalement fructueuses, ont abouti dans les domaines identitaire, économique, social et culturel. Obtenue tout dernièrement, sous l'impulsion de M. le Premier ministre, la levée du préalable minier assurera le développement économique de la province Nord.
L'engagement personnel de M. le Premier ministre, votre remarquable travail, monsieur Queyranne, de même que la volonté des forces politiques de construire un avenir dans un destin commun ont abouti aux récents accords de Nouméa. Comment ne pas s'en réjouir ?
Sur les bases d'une citoyenneté reconnue de la Nouvelle-Calédonie, un nouveau statut doit être élaboré. Le temps presse, puisque la consultation référendaire doit intervenir avant la fin de cette année 1998. Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous nous préciser le calendrier ainsi que la méthode mise en oeuvre pour associer, comme promis, l'ensemble des forces politiques du territoire ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les dix années qui viennent de s'écouler, marquées par le drame d'Ouvéa, mais aussi par les accords de Matignon, voulus par le gouvernement de M. Michel Rocard.
Ces accords de Matignon ont permis d'amener en Nouvelle-Calédonie une période de paix, de développement, de partage des responsabilités entre toutes les communautés qui y vivent, et d'abord entre la communauté kanake et la communauté européenne.
Vous savez que les accords de Matignon prévoyaient l'organisation d'un référendum d'autodétermination avant le 31 décembre 1998, référendum prévu par l'article 53 de notre Constitution.
Dès 1991, M. Lafleur, président du RPCR, évoquait la possibilité d'éviter ce référendum d'autodétermination, référendum couperet - puisque la réponse, qu'elle soit « oui » ou « non », aurait conduit à diviser la Nouvelle-Calédonie à nouveau en deux camps - en préconisant une solution consensuelle à laquelle le FLNKS se ralliait, mais il restait encore à élaborer une telle solution.
Après la question minière, qui a été réglée au début du mois de février de cette année, nous avons entrepris des discussions bilatérales et trilatérales avec les deux partenaires historiques des accords de Matignon, le RPCR et le FLNKS.
C'est le 24 février que le Premier ministre, M. Jospin, a ouvert ces discussions, qui se sont poursuivies à Paris et à Nouméa, de façon à parvenir à rapprocher des points de vue qui, au départ, vous le savez tous, étaient éloignés.
Ces discussions, je crois, ont contribué à trouver un point d'équilibre entre les aspirations des deux communautés qui s'est traduit par un document qu'on appelle « les accords de Nouméa ». Ce document est important sur le plan non seulement du volume - dix-huit pages - mais aussi des perspectives qu'il trace pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
J'avais été très frappé en me rendant en Nouvelle-Calédonie par cette incertitude qui régnait : qu'allait-il se passer pour les populations après 1998 ? Cette incertitude était, évidemment, lourde pour les choix à effectuer en matière d'investissement, de formation des jeunes, pour toutes les décisions qui concernent la vie des populations.
Au travers de ce document, nous avons reconnu, dans un préambule, la place de l'identité kanake, qui a d'abord été mutilée en raison des événements de la colonisation, mais qui doit maintenant être remise au coeur du développement de la Nouvelle-Calédonie.
Nous avons également reconnu que les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie doivent essayer de construire un avenir partagé.
Dans le document de Nouméa figurent des orientations fortes en matière d'organisation institutionnelle, de développement économique et social, avec la perspective, vous le savez, de l'organisation d'un nouveau référendum d'ici à vingt ans ou peut-être, si le congrès en décide autrement, dans une période de quinze à vingt ans, entre 2013 et 2018.
Au cours de cette période de quinze à vingt ans, nous assurerons les transferts de souveraineté et de compétences, sachant que, à la fin de cette période, l'Etat conservera uniquement ce que l'on appelle les compétences régaliennes, c'est-à-dire l'ordre public, la défense, la monnaie, la justice, les relations internationales.
Les transferts de compétences devront s'accompagner - il me paraît important, en effet, de préparer les femmes et les hommes à assumer le destin du pays - d'un important effort de formation, de rééquilibrage économique et de développement social.
Tel est l'esprit des accords de Nouméa. Nous aurons, bien sûr, sur le plan législatif, parlementaire, un important travail à réaliser.
D'abord, nous examinerons un projet de loi constitutionnelle que M. le Premier ministre soumettra à M. le Président de la République, puisque c'est ce dernier qui engage les procédures en matière de révision constitutionnelle. Vous savez que M. le Président de la République a accueilli favorablement cette démarche. Ce projet de loi constitutionnel permettra d'aborder un certain nombre d'aspects fondamentaux concernant l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Ensuite, un projet de loi, probablement organique, fixera le nouveau régime des institutions. C'est un travail qui nous occupera, je pense, d'ici à l'automne.
Enfin seront soumises à référendum - cette solution consensuelle - les dispositions organiques autorisées par la révision constitutionnelle, dispositions qui préciseront l'organisation de la Nouvelle-Calédonie.
Si ces dispositions étaient favorablement accueillies par le Parlement et par le corps électoral en Nouvelle-Calédonie, il y aurait ensuite en 1999...
M. Jacques Machet. C'est trop long !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. ... la mise en place de nouvelles institutions.
M. le président. Je vous demanderai de bien vouloir conclure, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Tel est l'esprit des accords de Nouméa et le calendrier prévu. Je souhaite qu'à travers ces démarches que nous aurons à entreprendre tous ensemble nous tracions, pour la Nouvelle-Calédonie, l'avenir de paix et de développement qu'ont voulu définir à Nouméa les communautés membres par le biais de leurs principales formations politiques. (Applaudissements sur les travées socialistes. - MM. Hyest et Lanier applaudissent également.)

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