M. le président. « Art. 1er. - Après l'article L. 212-1 du code du travail, il est inséré un article L. 212-1 bis ainsi rédigé :
« Art. L. 212-1 bis. - Dans les établissements ou les professions mentionnés à l'article L. 200-1 ainsi que dans les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine à compter du 1er janvier 2002. Elle est fixée à 35 heures par semaine à compter du 1er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de 20 salariés ainsi que pour les unités économiques et sociales de plus de 20 salariés reconnues par convention ou décidées par le juge, sauf si cet effectif est atteint entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001. L'effectif est apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 421-1. »
Par amendement n° 1, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 1er est, bien sûr, le plus important du projet de loi, puisqu'il prévoit l'abaissement de la durée légale du travail hebdomadaire.
Son aspect autoritaire ou imposé concentre les critiques des acteurs de la vie économique. La commission considère qu'il pourrait avoir un impact négatif sur l'emploi et vous demande donc, mes chers collègues, d'adopter cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous voterons bien évidemment pour la seconde fois contre l'amendement de la commission, et pour les mêmes raisons.
Contrairement à la majorité du Sénat, nous estimons indispensable de fixer une date butoir, un objectif dans le temps pour la réduction du temps de travail.
L'expérience que nous avons tous du peu de résultats ayant découlé de l'accord interprofessionnel de 1995 justifie cette prise de position.
Quant à la loi Robien, quel que soit son intérêt, elle ne demeure, avec les 2 000 accords conclus sur cette base, qu'une expérience.
Rien de déterminant ne se fera sans une impulsion législative forte.
Dans le même temps, ce projet de loi est un texte d'orientation et d'incitation qui préserve l'équilibre entre la nécessité d'avancer de manière déterminée et les modalités de négociation, qui sont établies de manière fort souple, décentralisées et financièrement intéressantes pour les entreprises qui agiront rapidement.
C'est ainsi que dans la nouvelle rédaction de cet article 1er a été introduite une modification relative aux entreprises qui atteindront le seuil de vingt salariés entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001.
Nous observons d'ailleurs que le langage outrancier de certains représentants du patronat s'est fait considérablement plus nuancé depuis l'examen de ce projet de loi en première lecture par notre assemblée.
Faut-il y voir un effet de la volonté du Gouvernement ? Ne serait-ce pas plutôt que la mobilisation massive, espérée et annoncée des entrepreneurs à travers tout le pays a fait long feu et n'a pas dépassé les appareils patronaux, plus politisés ?
Dans la réalité que nous constatons chaque jour dans nos départements, les acteurs du tissu économique apparaissent décidés à se saisir de ce projet de loi, et ce pour plusieurs raisons, dont, me semble-t-il, deux principales.
D'une part, le chômage est devenu pour notre économie un tel handicap, un tel frein à l'investissement et à la consommation que les patrons, surtout les patrons de petites et moyennes entreprises, sont décidés à participer aux moyens nouveaux mis en oeuvre pour le combattre et faire redémarrer notre économie. D'autre part, ce texte réalise un équilibre entre un objectif clair et une grande liberté de négociation, soutenue par les moyens de l'Etat. C'est une double opportunité que les employeurs, éloignés de la réalité virtuelle des officines parisiennes, veulent saisir rapidement.
D'ores et déjà, la presse spécialisée se fait l'écho d'accords de méthode signés dans des entreprises aussi intéressantes et significatives - M. Weber en parlait tout à l'heure - qu'Eurocopter, filiale d'Aérospatiale et de Dasa et Photo Service, établissement du groupe GPS, qui compte 1 400 salariés.
Les dirigeants de la SNECMA ont également fait part de leur intérêt pour les 35 heures. S'agissant d'entreprises comme la SNECMA ou Eurocopter, nous attirons l'attention sur le fait qu'elles sont fortement exposées à la concurrence internationale et que l'argument - éculé - du coût trop élevé du travail en France dans un monde livré à une concurrence féroce ne tient pas ici et ne semble d'ailleurs pas avoir un effet dissuasif.
Nous devons au contraire observer avec attention l'attitude de ces entreprises qui optent pour une gestion de leur personnel et de leur pyramide des âges fondée sur la prévision à long terme et non sur le court terme.
Devrions-nous préférer, dans ce domaine de l'aéronautique, la méthode Boeing, la méthode libérale dure, qui consiste à embaucher puis à débaucher brutalement les salariés par dizaines de milliers ?
Il n'est certainement pas rationnel de gérer ainsi son personnel, pour se trouver ensuite dépourvu de main-d'oeuvre compétente lorsque les commandes reviennent. L'intérêt de l'entreprise n'est pas dans cette gestion par à-coups, qui lui fait perdre un capital précieux d'expérience et aussi de motivation.
Les employeurs européens semblent bien le comprendre, puisque les plus performants d'entre eux optent pour une gestion prévisionnelle et négociée des temps et des effectifs. Cette politique permet de ne pas rompre le fil qui relie durablement les salariés aux entreprises. Elle préserve le climat social et constitue un puissant facteur de motivation et de développement économique durable.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Comme de juste et comme en première lecture, la majorité de la commission des affaires sociales de notre Haute Assemblée nous propose de procéder à la suppression de l'article 1er du présent projet de loi.
S'il est vrai que la qualité première d'une opposition est de s'opposer, vous ne pourrez m'empêcher de penser que la proposition qui nous est faite est quelque peu vaine, attendu que, à la suite de l'échec prévisible de la commission mixte paritaire, c'est finalement le texte de l'Assemblée nationale qui deviendra celui de la loi.
Qu'est-ce qui peut donc légitimer la position de la commission des affaires sociales ?
Sa volonté de ne fixer aucun cadre contraignant à la négociation sur la réduction du temps de travail, comme si les contraintes de l'organisation actuelle du travail, que l'on nous a présentées en 1993 lors de la discussion de la loi quinquennale comme garantie d'une plus grande souplesse dans la gestion des temps d'activité, n'étaient pas d'abord vécues par les salariés et, par voie de conséquence, par leurs familles ?
Ou serait-ce sa volonté de suivre, dans le cadre de ce texte, les préoccupations des « entreprises » ou plutôt - nous l'avons dit - celles du patronat, qui veut aujourd'hui se servir de la réduction du temps de travail pour peser encore sur les salaires et remettre en cause - c'est le problème de la déréglementation - les garanties collectives des salariés, comme cela se produit déjà dans le secteur bancaire, dans le commerce de grande distribution ou dans le secteur du sucre, ce dernier ne souffrant pas, pour peu qu'il m'en souvienne, d'une crise de rentabilité, puisque ses résultats sont en progression ?
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous soyons clairement opposés à cet amendement de suppression de l'article 1er, qui porte la marque du CNPF, dont la représentativité est d'ailleurs aujourd'hui sujette à caution.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est supprimé.

Article additionnel après l'article 1er