M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Bohl, pour explication de vote.
M. André Bohl. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me serais abstenu de prendre la parole si je n'avais pas entendu dire à deux reprises que ce texte était d'origine prussienne.
Je ne peux pas admettre que l'on dise que ce texte est d'origine prussienne. En effet, il a été introduit dans la législation française en 1924 et il relève de la législation de l'Alsace-Lorraine. C'est le Parlement d'Alsace-Lorraine qui a voté ce texte. Je me devais de le rappeler.
Je ferai une seconde observation, si vous me le permettez, monsieur le secrétaire d'Etat.
Ce texte n'a pas un caractère de généralité. J'aurais préféré que l'on maintienne la rédaction du Sénat, pour laisser au Conseil d'Etat le soin de régler un certain nombre de dispositions particulières sur la durée. Il n'y a pas équilibre entre les cinq ans et les vingt-cinq ans. En effet, une personne qui a travaillé sur le territoire des départements d'Alsace-Moselle moins de vingt-cinq ans perd tous ses droits. Ce n'est pas juste !
Cela étant dit, je voterai ce texte et je formerai un voeu. Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous le savez, et comme le disait votre prédécesseur Théo Braun, ce texte est une mutuelle obligatoire et il n'est applicable ni aux fonctionnaires ni au personnel de la SNCF, ni surtout, aux personnes bénéficiaires du RMI et aux handicapés.
Il y a là un sujet de réflexion car un problème se pose au niveau de la gestion des oeuvres sociales. Nous éprouvons, dans nos bureaux d'aide sociale, des difficultés car toutes ces personnes qui bénéficient d'aides sociales sont obligées de demander des compléments et cela n'est pas juste. Si on pouvait leur étendre cette mutuelle obligatoire, cela faciliterait bien notre travail.
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le tout premier problème dont j'ai été saisi dès le lendemain de mon élection au Sénat, voilà deux ans et demi, était précisément celui du régime local d'assurance maladie dans nos départements de l'Est. A cette époque, il était déjà en suspens depuis de longues années.
C'est dire que je salue avec satisfaction l'aboutissement du long cheminement qui fait enfin droit à la légitime revendication des personnes injustement exclues du système local de protection.
Ce régime permet, en effet, grâce à une cotisation majorée, de bénéficier de prestations maladie plus favorables que celles du régime général.
Il s'agit donc d'un droit acquis, au sens non pas d'un privilège maintenu, mais bien de celui de la contrepartie d'une contribution financière, au demeurant obligatoire.
Or, en raison de la rigidité de la règle de la territorialité, se trouvaient exclus du régime tous ceux qui résidaient hors des départements concernés, mais qui y ont travaillé, ou les ont quittés, en fin de carrière, pour aller s'installer ailleurs.
La solution trouvée rétablit l'équité, tout en ne mettant pas en péril l'équilibre pérenne d'un régime auquel les Alsaciens-Mosellans sont profondément attachés.
C'est donc avec beaucoup de conviction que je voterai cette proposition de loi avec mes collègues du groupe du Rassemblement pour la République, comme nous l'avons fait lorsque le texte a été examiné dans cette enceinte en première lecture. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez à un sénateur qui n'est pas alsacien de dire quelques mots. (Sourires.)
Je tiens à féliciter les Alsaciens qui nous ont montré un exemple extraordinaire.
Mme Gisèle Printz. Et les Mosellans !
M. Jacques Machet. Et les Mosellans, en effet !
M. le président. Nous sommes tous sénateurs de la République ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Machet. Certes, mais cela n'en constitue pas moins pour les sénateurs qui ne sont pas de ces régions un exemple et une image qui mériteraient d'être examinés de plus près par l'ensemble national, n'est-ce pas, monsieur le secrétaire d'Etat ?
J'y vois le témoignage d'une volonté commune de faire ensemble quelque chose. Or, quand on s'y met tous ensemble, on trouve toujours une solution. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai d'abord à la première remarque de M. Bohl. Si je n'ai pas employé moi-même cette expression, je n'en avais pas moins compris qu'il s'agissait de l'état d'esprit régissant les systèmes sociaux mis en place par Bismarck.
M. Guy Fischer. C'est ce que nous avions compris !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Comme j'avais moi aussi compris, cela ne m'avait pas choqué. Je retiens donc la date de 1924 et l'origine alsacienne-lorraine de cette législation.
M. Bohl, ensuite, a fait remarquer que certains employés - notamment de la SNCF et de La Poste - étaient exclus du bénéfice de ces dispositions. Certes, mais ils dépendent du régime général qui, à défaut d'échapper à toute interrogation, ne leur en assure pas moins une couverture parfaite.
Quant aux bénéficiaires du RMI, ils sont totalement pris en charge par les conseils généraux. Nous reviendrons sur ce type de dispositions puisqu'elles relèvent - M. Fischer l'a rappelé - du futur projet de loi d'orientation de lutte contre les exclusions. Il nous faudra réfléchir lors de l'examen de ce texte à la répartition des rôles entre les conseils généraux et l'Etat.
S'agissant des handicapés, ils sont pris en charge par le régime général.
Ces observations étant faites, je veux tous vous féliciter mesdames, messieurs les sénateurs, de l'ambiance qui a régné tout au long de ces débats et qui change singulièrement de celle que l'on connaît en d'autres lieux. Je crois qu'elle nous satisfait tous, même si se sont exprimées quelques virilités exacerbées dont nous trouverons d'ailleurs trace dans le compte rendu d'aujourd'hui.
Ainsi, les choses ont avancé, et je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Machet, pour considérer que cela devrait nous servir d'exemple.
Cependant, je voudrais revenir sur la question des mutuelles. Nous nous sommes tous demandé si nous ne devrions pas prendre exemple sur ce régime pour l'étendre. Plusieurs points sont à considérer.
D'abord, les mutuelles ont été créées parce que le régime général devait faire face à des dépenses inconsidérées, d'où les réflexions qui me viennent, mais qui nous viennent à tous : ces dépenses étaient-elles justifiées, oui ou non ? En avait-on une vraie maîtrise ? L'évolution des techniques, l'évolution des pathologies, l'évolution personnelle de chacun d'entre nous, l'allongement de la durée de la vie et bien d'autres facteurs qui doivent être pris en compte justifiaient-ils ou non ces dépenses ? Nous n'avons pas vraiment répondu à toutes ces questions.
Ensuite, je ferai remarquer que les mutuelles, qui sont un dispositif très important dans notre pays, y verraient sans doute malice. Bien entendu, il faudrait en débattre avec elles, ce que nous faisons s'agissant du projet de loi d'orientation de lutte contre les exclusions.
Enfin et surtout, question importante : convient-il de maintenir la liberté d'adhérer ou non à une mutuelle ? Après tout, certains peuvent préférer dépenser un peu d'argent en cas d'affection, en cas de maladie, en cas d'accident de la vie. Doit-on leur laisser ce choix ?
Voilà autant de questions qui se posent à propos de notre système de protection sociale en général, des considérations beveridgiennes ou bismarkiennes sur la façon dont nous l'avons conçu. Il en va de notre responsabilité. Ne pourrions-nous pas, à la lumière de cet exemple, de cette bonne discussion et de la manière dont nous avons avancé tous ensemble, considérant que, dans les temps qui viennent, les pathologies se modifieront encore plus et la vie s'allongera, ce qui est un bien, envisager d'organiser un immense colloque pour savoir quel système nous souhaitons mettre en place pour l'avenir ?
En tout cas, je voulais vous remercier. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que cette proposition de loi a été votée à l'unanimité.
Mes chers collègues, je vous informe que M. Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, n'est pas encore arrivé au Palais du Luxembourg.
Nous allons donc interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures vingt.)