M. le président. La parole est à M. Oudin, auteur de la question n° 207, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jacques Oudin. Madame le ministre, un principe de base de notre démocratie veut que, lorsqu'une loi est votée par le Parlement, elle soit mise en oeuvre par le Gouvernement et, bien sûr, respectée par les administrations comme par l'ensemble des citoyens.
Aussi bien le précédent Président de la République que l'actuel ont régulièrement insisté auprès des gouvernements successifs pour qu'ils fassent en sorte que les textes votés par le Parlement soient appliqués rapidement. D'ailleurs, cela allait de pair avec le souci affiché de revaloriser le rôle du Parlement.
Le Sénat a un défaut : il a la mémoire longue. Voyant passer les années, il s'étonne parfois du non-respect de certaines dispositions législatives. Je citerai trois exemples qui se trouvent concerner le ministère de l'environnement.
Tout d'abord, l'article 41 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, à la protection et à la mise en valeur du littoral prévoit le dépôt sur le bureau des assemblées d'un rapport annuel analysant l'application de la loi. Or, entre 1986 et 1998, malgré de nombreux rappels émanant de parlementaires, jamais le rapport en question n'a été remis au Parlement.
Ensuite, un décret en Conseil d'Etat est prévu par l'article 22 de la loi n° 93-24 du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages, qui n'a jamais été appliqué à ce jour. Cet article concerne la composition de la commission départementale des sites, perspectives et paysages et rend cette instance paritaire entre les représentants des élus et ceux de l'administration et des associations.
Enfin, troisième exemple, un décret en Conseil d'Etat est prévu par l'article 9 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Il devait avoir pour objet de modifier la composition du conseil départemental de l'environnement. Ce décret n'est pas paru.
Bien entendu, depuis sept ans, je rappelle le Gouvernement à ses obligations. En 1991, j'avais posé à peu près les mêmes questions. Je n'avais pas reçu de réponses sur deux d'entre elles. Il m'avait toutefois été répondu, le 25 juin 1992, que le rapport prévu par l'article 41 de la loi de 1986 devait paraître dans les semaines à venir.
J'ai recommencé à interroger le Gouvernement en septembre 1996 - voyez que peu importe le gouvernement - s'agissant de la parution des textes, mais je n'ai pas obtenu de réponse.
A l'occasion d'une autre question posée en septembre 1996, il m'a été indiqué que le décret en Conseil d'Etat serait prochainement publié. Quant aux autres questions, je n'ai pas reçu de réponse.
J'ai interrogé de nouveau le Gouvernement en juillet 1997. Il m'a été répondu, par deux fois, dans deux réponses successives, que ces textes allaient paraître rapidement.
Madame le ministre, cela ne me paraît pas raisonnable. Il n'est pas bon pour notre démocratie qu'un Gouvernement ne mette pas en application les lois votées par le Parlement, lois qui sont d'ailleurs proposées par ledit Gouvernement. Il est de votre devoir - je dirai presque de votre honneur - de faire cesser de telles pratiques !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, autant le dire en un mot : vous avez parfaitement raison !
L'explication de la situation que vous venez de décrire est simple. Au départ, ce ministère a été conçu comme un tout petit ministère, un ministère de mission, chargé de faire travailler les autres ministères et d'être, en quelque sorte, la mouche du coche. Il est devenu, après quelques années, un ministère régalien, chargé de très lourdes responsabilités, notamment en ce qui concerne la transposition de directives communautaires, d'une part, et l'application d'une réglementation en matière d'environnement de plus en plus importante, d'autre part, alors que ses moyens n'ont jamais suivi. C'est ainsi, vous devez le savoir, que la mission juridique du ministère est assurée par un juriste mis à disposition par un autre ministère.
Ce ministère est conduit à faire face à un contentieux communautaire de plus en plus lourd et à engager des concertations approfondies avec certaines associations d'élus, ou certains industriels. Or il dispose souvent de moyens très inférieurs à ceux de ses interlocuteurs. Il m'arrive de rêver des moyens dont disposent certains conseils régionaux et certaines associations d'élus, telle l'Association des maires de France, pour faire face à mes missions.
Cela dit, monsieur le sénateur, je vais tenter de vous répondre de façon plus précise en ce qui concerne les trois exemples que vous avez cités.
Je mets de côté le problème de la parution du rapport annuel prévu par l'article 41 de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. En effet, l'application de cette loi relève, plus précisément, de mon collègue Jean-Claude Gayssot. Je ne doute pas qu'il voudra bien vous transmettre les éléments d'information qui vous sont nécessaires.
En ce qui concerne le décret prévu par l'article 22 de la loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages, une expertise juridique a été engagée dès ma prise de fonctions, afin que des mesures relatives à la composition des commissions départementales des sites, perspectives et paysages soient prises. Nous avons souhaité, je peux vous l'assurer, que la proportion des élus au sein de ces commissions, précisée à l'article 22 de la loi, soit conservée.
Vous avez eu raison de m'alerter sur la durée anormale de cette expertise. Je m'assurerai personnellement de la mise en oeuvre très rapide des mesures qui nous seront proposées pour, enfin, faire aboutir ce dossier. Cinq ans pour prendre ce décret, c'est effectivement trop long.
S'agissant du décret relatif à la composition du conseil départemental de l'environnement, prévu par l'article 9 de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, il est indiqué par cet article que le conseil départemental de l'environnement doit être composé, notamment, de membres de la commission des sites, perspectives et paysages, du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage, de la commission départementale des carrières, du conseil départemental d'hygiène, représentant de façon équilibrée et en tenant compte de leur représentativité les différents intérêts en présence.
Le problème posé est double : il s'agit, d'une part, d'éviter qu'une composition trop étendue du conseil départemental de l'environnement ne paralyse son fonctionnement et, d'autre part, et surtout, de s'assurer que ce conseil joue un rôle substantiel ne faisant pas double emploi avec bon nombre d'autres instances existantes. Nous avons, là encore, relancé une concertation, qui devrait être relativement brève, pour permettre la publication prochaine du décret prévoyant la mise en place de ce conseil départemental de l'environnement.
Je souhaite éviter, monsieur Oudin, d'être exposée à une prochaine question orale sans débat sur le même sujet, où j'aurais vraiment honte de répondre à vos interpellations.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Permettez-moi d'abord, madame le ministre, de vous remercier de votre franchise. Mais je vais vous décevoir, car je vous reposerai, ainsi qu'à M. Gayssot, cette question dans trois mois.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne veux pas m'y exposer !
M. Jacques Oudin. Il est toujours un peu troublant d'entendre rappeler l'unicité du Gouvernement et de voir les ministres se renvoyer la balle l'un à l'autre. Si le Gouvernement est unique et solidaire, au moins doit-il prendre ses responsabilités quant à la parution des textes. Songez au parlementaire qui s'intéresse à ce sujet et qui, chaque année, pendant douze ans, a demandé si le rapport allait lui être présenté ! Des parlementaires en mission ont rédigé des rapports, comme M. Yvon Bonnot sur la loi sur le littoral. Un groupe de travail a été créé par votre prédécesseur, qui a remis en janvier dernier ses conclusions. Or le Gouvernement n'est pas en mesure de rendre ce rapport !
Dans les réponses extrêmement précises que vous avez bien voulu m'apporter, madame le ministre, vous avez indiqué que la concertation avait été relancée sur tel ou tel article. Permettez-moi de vous dire qu'il est curieux que cette concertation soit engagée après l'adoption de la loi. On aurait pu penser que les consultations préalables au vote du texte par le Parlement avaient été suffisamment nombreuses. Des débats en commission, puis dans l'hémicycle ont eu lieu, un vote est intervenu, et l'on s'aperçoit ensuite qu'il faut lancer une nouvelle concertation pour déterminer si le texte peut être appliqué ! Notre République ne peut pas fonctionner si l'on procède de cette façon !
Pour en revenir à mon propos initial, il y va de l'honneur de la démocratie que le Gouvernement et le Parlement travaillent à l'unisson pour faire paraître les textes, que l'on demande ensuite aux citoyens de respecter scrupuleusement. Il existe là une iniquité qui fausse le contenu de la démocratie. Je tenais à vous le rappeler au travers des exemples concrets. De tels exemples sont trop nombreux pour que le Parlement ne s'en soucie pas !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, votre réponse appelle de ma part deux remarques.
Tout d'abord, j'aimerais, effectivement, que la concertation soit menée à chaque étape de l'élaboration de l'outil législatif. Malheureusement, vous le savez bien, ce n'est pas toujours possible. Il arrive que des amendements adoptés dans les dernières minutes d'un débat parlementaire viennent ruiner cette belle logique.
En ce qui concerne le conseil départemental de l'environnement, la liste de ses missions est suffisamment floue pour qu'il soit nécessaire de préciser de nouveau ce qui relève de cette nouvelle instance et ce qui appartient de façon exclusive à d'autres organismes préexistants.
La deuxième remarque est une invitation à relayer les efforts désespérés de la ministre de l'environnement lors de chaque exercice budgétaire. Il me semble, en effet, que ce ministère ne dispose pas des moyens lui permettant de faire face, de façon responsable, à l'ensemble de ses missions. Il s'agit là non pas d'un exercice budgétaire traditionnel, où l'on négocierait une petite augmentation de 0,5 % du budget, mais d'un nécessaire saut qualitatif et quantitatif donnant à ce ministère la possibilité de faire face à ses nouvelles missions, qui en font un ministère régalien à part entière.

SUPPRESSION DE LA GARE DE CHÂTEAU-CHINON