M. le président. La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 202, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérard Delfau. Madame le garde des sceaux, je voudrais attirer votre attention sur la déplorable situation dans laquelle se trouve la profession de syndic et d'administrateur de biens.
Les révélations qui se succèdent sur des pratiques délictueuses, parfois, lit-on, cautionnées par les services fiscaux, et les mises en examen n'ont, à ma connaissance - mais peut-être suis-je mal informé - pour l'instant, pas conduit la Chancellerie à prendre des mesures de remise en ordre.
Or, cette situation, outre qu'elle est très préjudiciable à ceux qui en sont victimes, nuit gravement à tous ceux qui exercent honnêtement ce métier et qui, heureusement, sont nombreux.
Il est donc temps de réagir, d'autant que, comme j'ai pu le constater en examinant d'un peu plus près cette question, nombre de pratiques qui ne paraissent pas conformes à l'intérêt bien compris des deux parties sont permises par la réglementation actuelle. Au-delà des délits constitués, sur lesquels se penche la justice, il y a toute une zone d'habitudes, à la limite du droit, devant lesquelles le citoyen se trouve désarmé, tant le législateur s'est montré précautionneux par rapport à cette profession.
Madame le garde des sceaux, que comptez-vous faire pour remédier à cet état de fait ?
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu m'interroger sur les intentions du Gouvernement pour remédier aux pratiques contestables de certains syndics de copropriété.
Je rappelle tout d'abord que le droit positif comprend déjà des règles visant à protéger non les professionnels concernés, mais leur clientèle.
Ainsi, la réglementation à laquelle sont soumis les administrateurs de biens et les syndics de copropriété prévoit que chaque année, à l'occasion du renouvellement de leur carte professionnelle, le préfet vérifie le casier judiciaire des intéressés et s'assure que leurs activités sont couvertes par une assurance de responsabilité civile professionnelle et par une garantie financière suffisante pour assurer le remboursement des fonds détenus pour le compte d'autrui.
En outre, cette réglementation prévoit notamment que le « mandataire ne peut demander ni recevoir, directement ou indirectement, d'autres rémunérations, à l'occasion des opérations dont il est chargé, que celles dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat ou dans la décision de nomination, ni de personnes autres que celles qui y sont désignées. »
D'une manière plus générale, en cas de non-respect des obligations légales ou contractuelles qui leur incombent, ces professionnels engagent, sur les bases du droit commun, leur responsabilité civile et, le cas échéant, leur responsabilité pénale pour escroquerie, faux et usage de faux.
Les procédures qui sont en cours devant nos juridictions répressives, auxquelles vous avez fait allusion, monsieur le sénateur, montrent l'effectivité de notre droit positif.
Cependant, je crois, comme vous, qu'il faut agir aussi dans un souci de prévention et qu'il importe de compléter le dispositif existant, pour mettre un terme à certaines pratiques qui peuvent échapper à la loi pénale sans être pour autant satisfaisantes. C'est pourquoi une réflexion est en cours à la Chancellerie afin de réformer la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété. Cette réflexion, qui, dans une deuxième étape, associera tous les acteurs de la copropriété, a pour objet essentiel d'assurer une plus grande transparence, une meilleure lisibilité de la comptabilité des syndicats, un meilleur contrôle de la gestion des syndics, notamment lors de la passation des marchés de travaux et fournitures, car c'est là, en effet, qu'un certain nombre d'abus ont eu lieu.
Parallèlement, des actions pourront être menées avec les partenaires concernés, tendant à mieux informer et former les copropriétaires. Enfin, et sans exclure une réforme de loi Hoguet sur certains points, j'ai d'ores et déjà demandé à mes services de revoir les dispositions du décret concernant l'accès à la profession afin d'améliorer la compétence des professionnels de l'immobilier.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse, qui est très complète.
Depuis quelque temps, la vérification annuelle à laquelle procèdent les préfets doit sans doute être plus méticuleuse, et c'est utile. Je suis bien sûr particulièrement satisfait d'apprendre qu'une réflexion est en cours pour réformer, le cas échéant, la loi de juillet 1965. C'est en effet le noeud du problème. Au-delà des dispositifs à mettre en place pour éviter que les pratiques ne deviennent délictueuses, une volonté politique s'impose. La profession doit avoir le sentiment que les règles de la morale ordinaire s'appliquent à tous, y compris dans ce secteur. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nombre de professionnels sont honnêtes et pâtissent des égarements de certains de leurs collègues.
Je voudrais prolonger cette réflexion en vous demandant d'examiner très rapidement la question, s'agissant toujours de la profession de syndic et d'administrateur de biens, des sinistres économiques. En effet, il règne, là aussi, une opacité quasi totale.
Sachez, madame la ministre, qu'en ma qualité de maire ou de parlementaire, lorsque je suis saisi par un chef d'entreprise en difficulté, il m'arrive de ne pas réussir à joindre au téléphone certains syndics de mon département, alors même que, parfois, l'argent de ma commune ou d'une autre collectivité peut être engagé.
J'ai en mémoire ce chiffre terrifiant selon lequel 80 % environ des plans de reprise aboutissent en fait à une liquidation d'entreprise.
Si ce second volet est apparemment distinct, il présente toutefois des analogies par l'esprit qui le régit et par le type de profession qu'il concerne. Il me paraît donc mériter aussi l'effort urgent de la Chancellerie. Je vous en remercie par avance de ce que vous entreprendrez.

RÉGIME DE RETRAITE DES MAGISTRATS
RECRUTÉS À TITRE EXCEPTIONNEL