M. le président. « Art. 5. - I. - Il est créé, dans le livre II du code rural, un titre XII ainsi rédigé :

« TITRE XII

« AGENCE FRANÇAISE
DE SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

« Art. 365. - L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments mentionnée au chapitre VII du livre VIII du code de la santé publique est consultée, sauf cas d'urgence dûment motivé, sur tous les projets de dispositions réglementaires prises en application des titres IV, IV bis et X du présent livre ainsi que sur les autres dispositions relatives à la qualité sanitaire des denrées destinées à l'alimentation humaine ou animale.
« Les avis émis par l'agence sont rendus publics.
« Dans les cas d'urgence mentionnés au premier alinéa, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments est informée sans délai des dispositions arrêtées.
« Elle est en outre consultée lors de l'élaboration des projets de loi relevant des domaines visés au premier alinéa. »
« II. - Le code de la consommation est ainsi modifié :
« 1° L'article L. 241-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les décrets prévus au présent article sont pris après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments lorsqu'ils portent sur des produits entrant dans son champ de compétence et qu'ils comportent des dispositions visant à prévenir des risques sanitaires ou nutritionnels. Ces avis sont rendus publics. »
« 2° Il est inséré un article L. 221-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-10. - Les décrets établis en application de l'article L. 221-3 sont pris après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments lorsqu'ils concernent des produits entrant dans leur champ de compétence. Ces avis sont rendus publics. »
« Les arrêtés établis en application de l'article L. 221-5 sont pris selon les mêmes modalités, sauf en cas d'urgence, où ils sont notifiés sans délai à l'agence compétente. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements présentés par M. Huriet, au nom de la commission.
L'amendement n° 6 vise à rédiger comme suit le texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article 365 du code rural :
« Art. 365. - L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments est consultée sur les projets de dispositions législatives ou réglementaires relatives à la lutte contre les maladies des animaux ou au contrôle de produits végétaux susceptibles d'être consommés par l'homme, à la qualité et à la salubrité des denrées propres à l'alimentation humaine et animale, au traitement des denrées impropres, aux importations, exportations et échanges intracommunautaires d'animaux, de produits animaux et de produits destinés à l'alimentation humaine ou animale.
« Les avis émis par l'agence sont rendus publics. »
L'amendement n° 7 rectifié tend, dans la première phrase du texte proposé par le 1° du paragraphe II de ce même article pour compléter l'article L. 214-1 du code de la consommation, à supprimer les mots : « et qu'ils comportent des dispositions visant à prévenir des risques sanitaires ou nutritionnels ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. L'esprit qui sous-tend ces amendements est comparable à celui des amendements précédents. Par conséquent, je ne reprendrai pas les arguments que j'ai développés tout à l'heure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 23, M. Descours propose :
I. - De rédiger comme suit le second alinéa du texte présenté par le 2° du paragraphe II de l'article 5 pour l'article L. 221-10 du code de la consommation :
« Les arrêtés établis en application de l'article L. 221-5 sont pris sur avis conforme de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. »
II. - De compléter cet article par les dispositions suivantes :
« ...° - L'article L. 221-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les produits entrant dans le champ de compétence de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, les résultats des investigations et les propositions mentionnés au premier alinéa sont transmis, dans les mêmes conditions, au directeur général de l'agence. En cas de danger grave ou immédiat, l'arrêté conjoint mentionné au deuxième alinéa est pris sur avis conforme de l'agence.
« ...° - L'article L. 221-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Agence française de sécurité sanitaire exerce les pouvoirs prévus au présent article pour les produits entrant dans son champ de compétence. »
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. J'avais déjà parlé de cet amendement dans mon exposé liminaire, au cours de la discussion générale. Sans revenir sur le fond du débat, il est évident que les discussions que nous avons eues lors de l'examen des amendements précédents ont éclairé la volonté qui a sous-tendu l'amendement n° 23 : l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments doit avoir un vrai pouvoir.
Cet amendement tend à compléter le texte de la proposition de loi en distinguant la réglementation applicable aux produits et la police sanitaire.
L'élaboration de la réglementation est inconstestablement une compétence ministérielle qui ne saurait être remise en cause. L'amendement prévoit donc une simple consultation de l'agence.
En revanche, l'agence doit avoir des pouvoirs importants en matière de police sanitaire. Dans le cas contraire, je ne vois pas non seulement quel serait son intérêt, mais également quelle serait sa crédibilité.
Nous prévoyons un avis conforme de l'agence, ce qui va moins loin que pour l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Toutefois, il convient de rappeler que la faculté pour l'agence de formuler des recommandations publiques au ministre est d'ores et déjà prévue par la proposition de loi.
Je tiens à souligner que si ces recommandations, faites par des scientifiques dont l'indépendance est reconnue, n'étaient pas suivies par le Gouvernement, j'imagine mal, monsieur le ministre, de quels sous-entendus vous-même ou vos successeurs seriez suspectés.
Dans la mesure où des avis publics sont rendus par une agence indépendante, je crois utile de considérer que cette agence a un pouvoir de police sanitaire. Cette disposition n'a nullement pour objet de faire obstacle au pouvoir de l'Etat que, bien entendu, je respecte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Huriet, rapporteur. La commission est très favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. L'agence a pour mission de conseiller le Gouvernement en matière de sécurité sanitaire. A ce titre, il est légitime qu'elle donne un avis sur les textes qui sont pris en application de l'article L. 221-5.
En revanche, en cas de danger grave ou immédiat, le Gouvernement doit conserver son pouvoir de décision et, dans les cas d'urgence, la décision doit être prise immédiatement.
C'est pour cette seule raison que le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 23.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le ministre, nous avons eu des expériences sous un gouvernement précédent concernant, par exemple, du lait en poudre émanant d'une industrie française, qui avait entraîné des désordres sévères pour des nourrissons en Angleterre. Treize jours ont été nécessaires pour prendre l'arrêté, parce qu'il fallait la signature de six ministres. Or, pardonnez-moi de le dire, la convocation et la consultation d'une agence indépendante ne nécessitent pas des délais plus importants que la signature de six ministres. Mon propos est amical ; il n'est pas du tout dirigé contre vous, monsieur le ministre, ni contre ce gouvernement, puisqu'il s'agissait alors du gouvernement précédent.
Par conséquent, la raison liée au temps que vous invoquez est un faux argument. L'expérience a montré que cela ne correspondant pas à la réalité des choses.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ce matin, lors de mon intervention dans la discussion générale, j'ai tenu à évoquer quelques cas prouvant la célérité de la prise de décision.
Dans l'exemple qui a été cité, il a été avancé le chiffre de six ministres, plus l'échelon de l'agence. Dans les cas que j'ai présentés, il est tout à fait possible à trois ministres de prendre la décision avec célérité. C'est pourquoi je confirme la position défavorable du Gouvernement sur cet amendement.
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je ne souhaitais pas intervenir, mais j'ai constaté la force de l'argumentation développée à l'instant par l'auteur de l'amendement.
Monsieur le ministre, dans la conception que vous défendez constamment, vous reconnaissez à l'agence une fonction prédominante, voire exclusive, en matière d'évaluation, c'est-à-dire la nécessité qu'elle soit dotée de moyens d'expertise scientifiquement valables.
Je ne comprends pas comment, quel que soit le degré d'urgence, un ministre pourrait se passer de la capacité d'expertise d'une agence dont il reconnaît les attributions. Il y a là une contradiction !
Vous invoquez le problème des délais, monsieur le ministre. Je veux bien ! Mais l'autorité compétente sera, de toute façon, amenée à prendre dans l'urgence des décisions qui risquent d'être particulièrement complexes. Dans ces conditions, pour quelle raison un ministre se priverait-il des capacités d'expertise reconnues à une agence, dont il exerce d'ailleurs la cotutelle ?
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. C'est avec beaucoup moins de sérénité que mes collègues que je voterai cet amendement. (Sourires.) Je suis en effet conduit, en qualité de membre de la majorité gouvernementale, à voter contre la position du ministre de l'agriculture et de la pêche.
Néanmoins, les craintes du ministre sur la capacité de l'agence à prendre des décisions dans l'urgence ne semblent pas fondées, surtout si, comme c'est le cas pour l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, c'est le directeur de l'agence lui-même qui propose le retrait de l'aliment concerné. Cela donne au ministre une liberté supplémentaire, celle de pouvoir remettre en cause ce retrait, comme le prévoient les textes concernant l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Par conséquent, loin de constituer une entrave à l'action du ministre, cela lui apporte une aide puissante, qui lui donne beaucoup plus de recul et de liberté pour, le cas échéant, remettre en cause la décision qui aura été prise par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments s'il s'avérait que, pour des raisons diverses, elle ne correspondait pas à la conception que le ministre peut avoir de la sécurité sanitaire.
Par ailleurs, c'est tout de même le ministre qui nomme le directeur de l'agence ! Par conséquent, il existe entre le ministre et le directeur un lien permanent et le ministre a toujours la possibilité, si ce directeur ne lui convient pas, de le changer. (Sourires.)
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'ai déjà indiqué les raisons pour lesquelles cet amendement ne nous permettait pas de prendre des décisions en situation d'urgence. J'ai évoqué, ce matin, comment il a été possible, en matière de listéria, de prendre une décision en trois jours et, s'agissant de l'ESB, de prendre une décision en un jour.
Bien évidemment, dans tous les cas, nous consulterons l'agence, quitte à apporter ensuite des aménagements à la décision qui serait prise.
Voilà qui précise, si nécessaire, la position du Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6 (priorité)