Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.
Si l'on en croit la presse de la semaine dernière, la signature de l'accord multilatéral sur l'investissement serait reportée.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Cet accord présente, en effet, en l'état, de nombreux dangers pour notre culture et notre démocratie.
Le principe de non-discrimination dans le traitement des investisseurs étrangers, assorti de la possibilité pour ceux-ci de traduire en justice un Etat qui ne respecterait pas cette règle, conduirait concrètement à faire disparaître toutes les mesures d'aide à la création et les mesures de soutien aux industries culturelles et audiovisuelles.
Je voudrais m'en tenir à quelques exemples.
L'accord multilatéral sur l'investissement, couramment appelé AMI, remettrait en cause notre politique audiovisuelle qui vise à privilégier les productions françaises et européennes.
Cet accord nous obligerait à aider de la même manière les plus grosses productions américaines et les films français.
Cet accord remettrait en cause notre système de protection des droits d'auteur et, de façon plus générale, de la propriété intellectuelle, qui serait alors assimilée à un simple investissement.
L'AMI nous interdirait de privilégier la diffusion de la chanson française ou, plus largement, de la langue française.
Je voudrais saluer le remarquable travail d'analyse, de mobilisation et de sensibilisation de l'opinion publique qu'ont mené les créateurs français et leurs organisations depuis de longs mois.
Tout comme les négociations du GATT s'apprêtaient à assimiler la culture à une simple marchandise, l'AMI, tel qu'il est rédigé actuellement, s'apprête à ne faire aucun cas des politiques culturelles nationales, pourtant garantes du pluralisme et de la diversité, pour laisser place à une logique purement économique et libérale qui conduirait inéluctablement à l'uniformité.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud. Aujourd'hui, madame la ministre, vous le savez, c'est avec des images que l'on conquiert le monde ; les Américains l'ont bien compris. Et c'est la culture qui permet aux peuples de se connaître et de se reconnaître dans toutes leurs différences.
Aussi l'engagement de la France à défendre l'exception culturelle est-il non pas l'expression d'un protectionnisme frileux, mais l'affirmation forte que l'identité culturelle des peuples doit pouvoir s'épanouir dans toute sa diversité. (M. Hamel applaudit.)
M. le président. Venez-en à votre question, madame Pourtaud !
Mme Danièle Pourtaud. Aussi, madame la ministre, saluons-nous la force de votre engagement pour défendre l'exception culturelle, engagement qui est aussi celui du Gouvernement,...
M. Dominique Braye. La question !
Mme Danièle Pourtaud. ... comme vous l'avez affirmé devant les créateurs rassemblés à l'Odéon, le 16 février dernier.
M. le président. Posez votre question !
Mme Danièle Pourtaud. Nous savons malheureusement que bon nombre de pays, même en Europe, ne sont pas encore acquis à cette cause.
M. le président. Votre question !
Mme Danièle Pourtaud. J'y arrive ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. La question !
Mme Danièle Pourtaud. L'accord étant vraisemblablement différé, pouvez-vous nous dire ce que le Gouvernement compte faire pour sensibiliser au moins nos partenaires européens sur la nécessité de l'exception culturelle et si celle-ci a une chance de s'imposer ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice (Rires sur les travées du RPR),...
M. Dominique Braye. Madame la maire !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. ... merci de continuer à vous intéresser, comme vous l'avez déjà fait lors de mon audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat, le 29 janvier dernier, à cette question de l'exception culturelle, exigée par le Gouvernement français dans le cadre des négociations de l'AMI.
Comme vous l'avez souligné, la réunion du groupe de haut niveau qui s'est tenue les 16 et 17 février dernier n'a pas permis de créer les conditions d'un accord susceptible de satisfaire la France, puisque celle-ci, au travers de son gouvernement, a rappelé ses quatre conditions : la première a trait à la demande d'exception générale culturelle ; la deuxième est la possibilité de sortir de la discrimination opérée actuellement par les lois à portée extraterritoriale, comme la loi Helms-Burton ; la troisième est le respect de l'intégration économique et monétaire européenne ; la dernière condition est, évidemment, le refus de toute clause de dumping environnemental ou social.
Pour être tout à fait claire, considérant qu'il n'est pas question d'accepter que, d'une quelconque façon, soit limitée la liberté du Gouvernement et du Parlement de prendre les mesures et les réglementations à portée générale qui leur paraissent s'imposer pour la protection de l'environnement, le droit du travail, la défense du consommateur ou la fiscalité, ni, bien entendu, d'autoriser une entreprise étrangère à venir les contester au nom des dispositions de l'AMI, le Gouvernement français a voulu, pour lever toute ambiguïté, faire inscrire cette exigence dans le texte.
Néanmoins, concernant l'exception culturelle, je continuerai d'être vigilante dans la période qui nous sépare des 27 et 28 avril prochain.
J'ai adressé un courrier à l'ensemble de mes collègues de l'Union européenne et je continue à maintenir le contact afin de susciter la possibilité d'un accord avec la position française.
Nous souhaitons également pouvoir affirmer notre position à deux occasions : d'une part, au conseil informel des ministres de la culture, à Manchester, les 15 et 16 mars prochain ; d'autre part, lors de la séance de conclusion, à laquelle j'ai été invitée, des assises audiovisuelles de Birmingham, au début du mois d'avril.
Plus nous expliquons, plus nous pouvons exposer les conséquences que vous avez rappelées, madame la sénatrice (Murmures), concernant cet accord, plus nos collègues sont sensibilisés aux risques que cela comporte pour le pluralisme de l'information et, tout simplement aussi, pour le droit à la culture de tous nos peuples. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, et sur certaines travées du RDSE.)

APPLICATION DE LA LOI DE ROBIEN

M. le président. La parole est à M. Malécot.