ALLOCATION SPÉCIFIQUE AUX CHÔMEURS
DE MOINS DE SOIXANTE ANS

Adoption d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 220 rectifié, 1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à ouvrir le droit à une allocation spécifique aux chômeurs âgés de moins de soixante ans ayant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse. [Rapport n° 256 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Madelain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale institue une allocation spécifique en faveur des personnes qui ont validé, au cours de leur vie professionnelle, quarante annuités ou plus de période d'assurance à l'assurance vieillesse et qui se retrouvent en situation de chômage de longue durée, alors qu'elles ne peuvent pas prétendre à l'obtention d'une retraite à taux plein, n'ayant pas encore atteint l'âge de soixante ans.
Du point de vue de la justice sociale, leur situation mérite d'être améliorée, car il s'agit de travailleurs qui ont une vie professionnelle bien remplie, souvent effectuée dans des conditions difficiles.
Les statistiques de l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, l'UNEDIC, font apparaître qu'il s'agit, dans deux cas sur trois, d'hommes dont 41 % sont ouvriers alors que cette catégorie socioprofessionnelle ne représente que 30 % des cotisants.
Ayant commencé à travailler plus précocement que leurs cadets, parfois dès l'âge de quatorze ou quinze ans, astreints à des tâches souvent plus exigeantes, ces salariés sont aussi ceux qui ont le moins de chance de retrouver un emploi après un licenciement, en l'état actuel du marché du travail. Agés de moins de soixante ans, ils ne peuvent percevoir leur retraite, bien qu'ayant cotisé 160 trimestres.
Lorsqu'ils sont licenciés et que leur situation de chômage se prolonge, ces salariés épuisent leur droit à indemnisation au titre de l'assurance chômage et bénéficient alors de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS. Lorsqu'ils n'ont pas le statut de salariés, ce qui est souvent le cas dans le secteur agricole, ces travailleurs peuvent obtenir le versement du RMI.
Au total, 20 000 personnes environ vivent aujourd'hui de l'ASS ou du RMI, bien qu'elles aient cotisé plus de quarante ans à la sécurité sociale. La proportion de titulaires du RMI est d'environ 10 %, soit 2 000 personnes au moins.
Cette proposition de loi répond non seulement à un impératif de justice sociale, mais aussi à un souci d'équité, car elle corrige un peu les fortes disparités qui existent du point de vue de l'accès à la retraite.
La France est aujourd'hui l'un des pays où le taux d'inactivité des personnes de cinquante-cinq à soixante-quatre ans est le plus élevé, en raison, notamment, des dispositifs de préretraite qui sont montés en puissance au début des années quatre-vingt.
En outre, diverses dispositions protectrices ont été mises en place depuis 1995 en faveur des salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans dans le cadre des conventions de l'UNEDIC.
En septembre 1995, les partenaires sociaux ont conclu un accord au sein de l'UNEDIC instituant l'allocation de remplacement pour l'emploi, dite ARPE.
Cet accord permet aux salariés qui ont cotisé quarante ans et plus à la sécurité sociale de mettre fin à leur activité professionnelle et de bénéficier d'une allocation égale à 65 % de leur salaire de référence, sous réserve de l'engagement de leur entreprise de procéder en contrepartie à des embauches.
Malheureusement pour eux, le dispositif de l'ARPE s'applique non pas aux chômeurs mais aux salariés actuellement en activité pour lesquels l'entreprise accepte, lors de leur départ, de procéder à une embauche compensatrice.
Créé également sur l'initiative des partenaires sociaux, existe depuis le 1er janvier 1997 un second dispositif protecteur pour les bénéficiaires de l'assurance chômage qui justifient de 160 trimestres validés : c'est l'allocation chômeurs âgés - l'ACA - qui est d'un même montant que l'allocation unique dégressive destinée aux chômeurs, soit 57,4 % du salaire de référence qui ne fait pas l'objet de coefficient dégressif, et ce jusqu'à l'âge de soixante ans. Pour mémoire, je rappelle que l'ACA concerne 48 000 anciens salariés pour un coût annuel de 4,8 milliards de francs.
Cependant, cette mesure ne concerne que les personnes qui relèvent du régime d'assurance chômage, c'est-à-dire celles qui n'ont pas épuisé à ce jour leurs droits à indemnisation par l'UNEDIC, lesquels peuvent se prolonger au maximum sur cinq ans.
Elle ne recouvre donc pas ceux qui étaient déjà chômeurs de longue durée au 1er janvier 1997 et qui, à cette date, avaient quitté l'UNEDIC pour entrer dans un régime de solidarité nationale, soit au titre de l'allocation spécifique de solidarité, soit au titre du RMI.
Le caractère injuste du sort ainsi réservé aux chômeurs âgés de plus de 55 ans arrivés en fin de droits au regard de l'assurance chômage et qui ont cotisé sur une période leur ouvrant droit à une retraite à taux plein a été évoqué par différents groupes parlementaires, de la majorité ou de l'opposition, sous la précédente législature.
Diverses propositions de loi ont été déposées sur tous les bancs des deux assemblées, suggérant d'avancer l'âge de départ de la retraite à taux plein pour les salariés ayant cotisé pendant 160 trimestres. Ces propositions présentaient l'inconvénient de menacer l'équilibre du régime d'assurance vieillesse qui est déjà très précaire.
Finalement, c'est lors de la discussion du projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale que l'Assemblée nationale a adopté, le 18 avril 1997, c'est-à-dire à la veille de la dissolution, un amendement du Gouvernement dont la conception était très proche du texte que nous examinons aujourd'hui et qui était destiné aux mêmes bénéficiaires.
M. Jacques Barrot, en séance publique, avait donné plusieurs précisions sur la nature des dispositions réglementaires envisagées, qui témoignent du degré de préparation du dispositif.
Les intéressés devaient obtenir une majoration égale à environ 50 % du minimum social dont ils relevaient, l'objectif étant de parvenir à un niveau de ressources équivalent à celui de la « retraite à taux plein d'un salarié au SMIC », sans compter les retraites complémentaires.
Le ministre du travail et de l'emploi avait indiqué qu'il avait fait le choix d'une allocation forfaitaire, à ses yeux plus simple et devant « avantager notamment les revenus modestes ».
Le dispositif que nous examinons aujourd'hui, qui tend à créer une allocation forfaitaire, est donc quasiment le décalque de celui qui avait été préparé au premier semestre de 1997 par le précédent gouvernement. On ne peut que regretter le retard avec lequel il est aujourd'hui mis en oeuvre.
Il est bon de rappeler que la décision a été prise d'inscrire la discussion d'une proposition de loi, après que M. Jospin eut reçu M. Alain Bocquet le 23 décembre dernier, au moment où commençait à prendre naissance le mouvement des chômeurs, qui témoigne a posteriori combien la mise en place d'une loi contre les exclusions répondait à une aspiration forte, trop longtemps retardée.
Comment se présente le dispositif qui nous est transmis par l'Assemblée nationale ?
Il concerne les anciens salariés ou les non-salariés actuellement sans emploi qui remplissent deux conditions : avoir validé au moins 160 trimestres, c'est-à-dire quarante annuités, dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ou des périodes reconnues équivalentes ; être allocataire, soit de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, soit du revenu minimum d'insertion, le RMI.
Je vous rappelle que le montant de base de l'ASS est de 2 264 francs par mois. Il est porté à 3 260 francs pour les personnes âgées de plus de 55 ans et totalisant vingt ans d'activité salariée ou âgées de 57 ans et demi et justifiant de dix années de travail, ce qui est le cas des personnes visées par le texte ; le montant du RMI est de 2 430 francs pour une personne seule et de 3 640 francs pour un ménage sans enfant à charge.
Comment fonctionnera le dispositif ? Cela résultera largement du décret auquel renvoie le texte.
Les intéressés continueront à percevoir le minimum social dont ils relèvent aujourd'hui, c'est-à-dire l'ASS ou le RMI. Ils recevront, en plus, l'allocation spécifique d'attente d'un montant de 1 750 francs.
Le revenu dont ils disposeront en fin de mois s'élèvera donc à 5 003 francs pour un titulaire de l'ASS majorée, à 4 180 francs pour un titulaire du RMI et à 5 400 francs pour un ménage au RMI.
L'allocation est versée sans condition d'âge minimum et jusqu'à ce que la personne concernée puisse obtenir sa retraite à taux plein, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle ait soixante ans.
La nouvelle allocation sera exonérée du paiement de cotisations de sécurité sociale et de la CSG. En revanche, son bénéficiaire devra acquitter la CRDS, ce qui représentera environ 8 francs par mois. Cette mesure de solidarité semble justifiée car le niveau de revenu atteint est sensiblement supérieur à celui qui est procuré par le RMI ou par l'ASS, sachant que la CRDS est payable au premier franc sur les retraites quel que soit leur montant.
Le dispositif représente une dépense que le Gouvernement évalue à 375 millions de francs en année pleine.
Selon les informations qui m'ont été communiquées, il a vocation à être pris en charge par le fonds de solidarité qui assure déjà le financement de l'ASS et qui est alimenté à la fois par une subvention de l'Etat de 8,11 milliards de francs et par une contribution sur les rémunérations des agents de l'Etat qui représente environ 7 milliards de francs de recettes.
Ce dispositif soulève cependant deux questions.
La première porte sur le choix entre une allocation forfaitaire et une allocation proportionnelle au dernier revenu d'activité de l'intéressé.
M. Jacques Barrot, en avril 1997, s'était prononcé pour une allocation légèrement modulée mais qui n'était pas proportionnelle au revenu. Ce principe d'une allocation forfaitaire était repris, en août 1997, dans une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par Mme Nicole Catala et les membres du groupe du RPR.
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, en examinant la proposition de loi de M. Alain Bocquet, qui proposait l'allocation forfaitaire de 1 750 francs, a décidé de joindre à cet examen la proposition de loi déposée en octobre 1997 par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste. On peut regretter que la commission n'ait pas cru bon d'y joindre la proposition de Mme Catala qui avait le même objet.
La proposition de loi du groupe socialiste prévoyait une allocation complémentaire permettant d'assurer un revenu de remplacement équivalent à 57 % du salaire brut moyen de la dernière année de travail. C'est ce dispositif qui avait été repris par la commission.
Toutefois, en séance publique, le rapporteur du texte, suivi par la majorité des députés, s'est finalement rallié à un amendement du Gouvernement revenant au dispositif d'allocation forfaitaire initialement prévu dans la proposition de loi de M. Alain Bocquet.
La raison de ce choix tient à la nécessité de garantir un niveau d'allocation décente aux revenus les plus modestes.
Les statistiques de l'UNEDIC font apparaîte que 63 %, c'est-à-dire près des deux tiers, des bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité, l'ASS, âgés de plus de cinquante-cinq ans et ayant validé quarante annuités de cotisations, perçoivent un salaire mensuel de référence de 8 600 francs après revalorisation. Or 57 % de 8 600 francs représentent 4 900 francs.
Cela signifie que, dans un système purement proportionnel, près de deux chômeurs sur trois obtiendraient une allocation complémentaire moins élevée que l'allocation forfaitaire de 1 750 francs.
Pour les revenus d'activités les plus faibles, l'allocation proportionnelle n'atteindrait même que 300 francs par mois, ce qui est insignifiant.
La seconde difficulté du système proportionnel est plus technique : pour les personnes non salariées, il est souvent plus difficile de faire apparaître le montant exact du revenu de la dernière année d'activité.
Enfin, il peut arriver que certaines personnes, après avoir été licenciées, aient repris une activité moins rémunérée. Ces personnes seraient toutes automatiquement pénalisées, malgré leur bonne volonté, par la référence aux revenus de leur dernière année d'activité.
La commission des affaires sociales a donc reconnu les avantages du mécanisme d'allocation forfaitaire dont il convient de conserver l'acquis, tout en s'interrogeant sur les améliorations qui pourraient être apportées pour mieux tenir compte des efforts fournis et du niveau atteint au cours de la carrière professionnelle des intéressés.
Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale soulève une seconde question plus accessoire, celle du circuit chargé de la gestion de l'allocation.
Si les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique pourront percevoir leur allocation complémentaire près des ASSEDIC comme ils le font déjà, il en va différemment pour les titulaires du RMI qui relèvent, soit d'une caisse d'allocations familiales, soit d'une caisse de mutualité sociale agricole.
Pour ces derniers, il semble logique de prévoir qu'ils puissent percevoir leur RMI et leur allocation spécifique d'attente au même guichet.
A cette fin, la commission a adopté un amendement prévoyant que le service de l'allocation spécifique d'attente se ferait dans les conditions prévues par des conventions entre l'Etat et les organismes payeurs : ASSEDIC, Caisse nationale des allocations familiales et caisse centrale de mutualité sociale agricole.
En conclusion, sous réserve des observations présentées et de l'amendement évoqué ci-dessus, la commission des affaires sociales a adopté la présente proposition de loi. Elle vous demande, mes chers collègues, de la suivre dans cette démarche. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient, en l'absence de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité - retenue à l'Assemblée nationale, vous le savez, par le débat sur la réduction du temps de travail - d'intervenir au nom du Gouvernement sur la proposition de loi présentée par le groupe communiste de l'Assemblée nationale, qui vous est désormais soumise après avoir été votée à l'unanimité par les députés.
Cette proposition de loi vise à instaurer une allocation d'attente pour les chômeurs ayant cotisé pendant quarante ans au régime d'assurance vieillesse et aujourd'hui allocataires du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de solidarité spécifique.
L'analyse faite à propos de l'allocation chômeurs âgés, l'ACA, qui concerne à peu près les mêmes publics, montre qu'il s'agit de personnes qui ont commencé à travailler tôt, très tôt, il y a plus de quarante ans, et qui ont supporté des conditions de travail souvent pénibles. Environ 44 % des bénéficiaires sont des ouvriers, alors que ceux-ci ne représentent qu'à peine 30 % des salariés, et 44 % viennent de l'industrie, qui ne regroupe qu'un quart des salariés.
Il est équitable que l'on donne à ces hommes et ces femmes, qui ont contribué pendant plus de quarante ans non seulement à l'assurance vieillesse, mais également à la prospérité du pays, un revenu décent dans l'attente de la retraite. Cette solution s'impose avec d'autant plus de force qu'ils n'ont malheureusement que peu de perspectives de retour à l'emploi.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a accueilli très favorablement la proposition de loi mise à l'ordre du jour par le groupe communiste de l'Assemblée nationale dans le cadre de la séance mensuelle réservée et a dégagé, sans attendre le débat en première lecture à l'Assemblée nationale, les moyens nécessaires sur le fonds de solidarité qui finance l'allocation de solidarité spécifique.
Au cours des dernières années, les parlementaires, de la majorité comme de l'opposition - il faut rendre justice à chacun, comme l'a fait avec beaucoup de rigueur M. le rapporteur - ont déposé des propositions successives, faisant ainsi écho aux revendications légitimes de ces hommes et de ces femmes.
Le Gouvernement tient, pour sa part, à souligner le rôle particulier joué par la proposition de loi de M. Berson, déposée le 10 juillet 1996 et examinée en séance publique à l'Assemblée nationale le 12 décembre 1996 dans le cadre de la séance mensuelle réservée. M. Barrot, alors ministre du travail et des affaires sociales, avait fait obstacle au texte en opposant l'article 40 de la Constitution.
Dès la fin de 1996, les partenaires sociaux ont décidé de mettre en place un régime spécial d'indemnisation pour les chômeurs ayant cotisé quarante ans et relevant du régime chômage : il s'agit de l'allocation chômeurs âgés, l'ACA. Les intéressés perçoivent, jusqu'à la liquidation de leur retraite, une indemnité dont le montant est équivalent à celui de l'allocation unique dégressive, l'AUD, au premier jour de l'indemnisation, c'est-à-dire avant application des coefficients de dégressivité.
Mais le système mis en place par l'UNEDIC n'a pas apporté de réponse aux chômeurs ayant épuisé leurs droits à l'assurance chômage. La majorité issue des élections du printemps dernier a fait du règlement de leur situation une de ses priorités. Ainsi, le Premier ministre indiquait avec force dans sa déclaration de politique générale que « tout chômeur ayant cotisé quarante ans doit pouvoir cesser son activité dans des conditions satisfaisantes ». La majorité a travaillé en ce sens depuis lors. Ce travail a abouti au dépôt de deux propositions de loi : l'une émanant du groupe socialiste et l'autre du groupe communiste de l'Assemblée nationale.
Les députés ont beaucoup débattu de la méthode à suivre, tant au sein de la commission des affaires sociales qu'en séance publique.
Deux méthodes, qui ont chacune leur justification et leur cohérence, étaient en effet envisageables. La première, s'inspirant de l'allocation chômeurs âgés, repose sur une allocation d'attente représentant 57 % du dernier salaire reçu. La seconde, d'un coût budgétaire identique, vise à articuler le mécanisme sur une logique de solidarité en faisant bénéficier tout le monde d'un montant identique - 1 750 francs par mois - qui vient s'ajouter au RMI ou à l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS.
La première méthode écarterait du bénéfice de l'allocation ceux qui en ont le plus besoin. Il apparaît en effet que, pour 63 % des hommes et des femmes concernés, le dernier salaire représente moins de 8 600 francs ; ils auraient donc reçu une allocation inférieure à 4 900 francs.
La seconde méthode permet à la quasi-totalité des allocataires de percevoir au moins 5 000 francs de revenu net mensuel. La plupart des futurs bénéficaires de l'allocation spécifique d'attente sont aujourd'hui allocataires de l'ASS au taux majoré, applicable aux chômeurs de plus de cinquante-cinq ans et sous certaines conditions d'activité antérieure, qui s'établit à 3 298 francs par mois depuis le 1er juillet 1997. Si l'on ajoute 1 750 francs, le montant total des allocations reçues dans l'attente de la retraite représente 5 048 francs par mois.
Aussi le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, Mme Muguette Jacquaint, et M. Jean Le Garrec ont-ils proposé, par amendement, de retenir le principe d'une allocation forfaitaire. Parce que la solidarité vis-à-vis des plus démunis, notamment de ceux qui sont en fin de carrière et qui ont occupé des emplois difficiles et souvent précaires, est sans doute ce qu'on attend le plus aujourd'hui, le Gouvernement a exprimé son total accord sur ce choix.
Votre commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à confier le service de l'allocation spécifique d'attente à l'organisme en charge de l'allocation qu'elle vient compléter : caisse d'allocations familiales ou mutualité sociale agricole pour l'allocation de revenu minimum d'insertion, ASSEDIC pour l'allocation de solidarité spécifique. C'est une précision de bon sens, qui apporte une réelle amélioration au texte. Aussi, sous réserve d'un sous-amendement de clarification, le Gouvernement émettra-t-il un avis favorable sur cette proposition.
Le Gouvernement entend, quant à lui, soumettre à votre assemblée un amendement précisant que le financement de la nouvelle allocation sera assuré, au même titre que celui de l'allocation de solidarité spécifique, par le fonds de solidarité, étant entendu que le financement complémentaire de ce fonds sera pris en charge par le budget de l'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi représente une contribution importante à la réponse globale que la majorité s'emploie à construire pour faire enfin reculer le chômage et l'exclusion dans ce pays.
Il s'agit tout d'abord de combattre la détresse de ceux qui sont les plus démunis.
C'est ainsi que le Gouvernement a décidé le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, la revalorisation de l'aide personnalisée au logement et de l'allocation de solidarité spécifique, toutes deux non revalorisées depuis juillet 1994. Au-delà, le Gouvernement s'est engagé à achever dans les meilleurs délais le rattrapage du pouvoir d'achat perdu par l'allocation de solidarité spécifique.
Parallèlement à ce travail structurel, qu'il convient de poursuivre, il faut évidemment prendre en compte la situation de ceux qui n'ont pas le temps d'attendre. Le milliard de francs dégagé par M. le Premier ministre permettra à ceux qui sont en train de perdre pied de faire face à l'urgence.
Il s'agit ensuite et surtout de s'attaquer à la racine du mal. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a fait de l'emploi sa priorité.
Il l'a montré en relançant la consommation et la croissance ; nous commençons à percevoir les premiers résultats de cette action, même s'ils sont encore modestes et fragiles. Il l'a montré aussi en présentant en premier au vote du Parlement le projet de loi de développement d'activités pour l'emploi des jeunes, et Mme Martine Aubry vient d'indiquer à l'Assemblée nationale que plus de 40 000 jeunes bénéficiaient d'ores et déjà de ce dispositif.
L'emploi est, bien sûr, également au coeur du projet de loi sur les trente-cinq heures, dont l'examen a débuté voilà une semaine à l'Assemblée nationale et qui se poursuit en ce moment même. Ce texte ne résoudra pas tout, on l'a dit et redit, mais il constitue une voie importante pour faire reculer durablement le chômage dans notre pays : nous le souhaitons, nous l'espérons, nous le croyons.
Donner la priorité à l'emploi, c'est faire reculer l'exclusion en rompant la spirale du chômage de longue durée.
C'est ce que nous faisons en recadrant tous les dispositifs d'aide à l'emploi - contrats emploi-solidarité, contrats initiative emploi et aides aux chômeurs de longue durée - mais aussi en nous efforçant de redonner un contenu au « I » du RMI. Dans trop de départements, en effet, ces dispositifs ne sont pas utilisés pour faciliter l'insertion des RMistes, qui n'attendent qu'une chose : sortir de l'assistance et retrouver la voie de l'emploi.
C'est aussi ce que nous faisons en préparant un grand programme de prévention et de lutte contre les exclusions.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous demande de bien vouloir adopter la proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise. En conservant l'équilibre général du texte adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, et en lui apportant les améliorations proposées initialement par votre commission des affaires sociales, votre assemblée ouvrirait la voie à un vote conforme en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, ce qui permettrait de répondre dans les plus brefs délais à la longue attente des chômeurs en fin de droits ayant cotisé pendant quarante ans au régime d'assurance vieillesse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui tend à réparer une injustice en mettant fin à une réalité choquante, particulièrement révélatrice des iniquités de notre époque.
En effet, au-delà d'un certain âge, on devient la cible privilégiée des licenciements économiques et, licencié à partir de ce même âge, on plonge presque inéluctablement dans le chômage de longue durée, les entreprises se refusant à embaucher des personnes qui ont pourtant acquis des compétences et une expérience solides.
Les chiffres sont éloquents : plus de 63 % des demandeurs d'emploi de plus de cinquante ans sont en chômage de longue durée, et les femmes sont encore plus durement frappées que les hommes.
Les perspectives sont sombres, à tel point que, au-delà de cinquante-cinq ans, ces demandeurs d'emploi sont dispensés de rechercher un travail.
Notre rapporteur relève ce qu'il considère comme une spécificité française : un taux d'inactivité important pour les personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans. Il souligne le poids des formules de préretraite dans le développement de ce phénomène.
Mais il apparaît que, depuis 1992, le volume des dispenses de recherche d'emploi dépasse très largement celui des préretraites. C'est donc une donnée qu'il convient de manier avec beaucoup de circonspection, d'autant que, nous le savons, elle recouvre des réalités différentes.
En effet, certains employeurs n'hésitent pas à exploiter au maximum le dispositif des préretraites FNE, voire à le détourner de son objectif, afin de rajeunir, aux frais de la collectivité, leur pyramide des âges, masquant ainsi de réelles carences en matière de gestion prévisionnelle de l'emploi.
Il convient donc, lorsqu'on analyse le taux d'inactivité des cinquante-cinq ans - soixante-quatre ans, plus élevé en France, de situer les véritables responsabilités.
C'est la raison pour laquelle Mme Aubry a recommandé une très grande vigilance sur le recours à cette mesure.
Au fil des années, plusieurs facteurs sont venus aggraver la situation de ces chômeurs de longue durée. L'UNEDIC a instauré la dégressivité de l'indemnisation du chômage. Le pouvoir d'achat des allocataires de l'ASS a connu une érosion de l'ordre de 10 % au cours de la décennie 1986-1995. L'ancienne majorité a diminué le plafond de ressources pour ces mêmes allocataires, le faisant passer de 10 362 francs à 8 141 francs pour un couple.
Il était même prévu que « feu » le projet de loi de cohésion sociale organiserait le redéploiement d'une partie des crédits affectés à l'ASS au profit des plus démunis. Nous avions alors dénoncé, avec les associations que nous avions rencontrées, ce transfert consistant à prendre aux pauvres pour donner aux plus pauvres.
C'est pourquoi, dès son arrivée au Gouvernement, Lionel Jospin a souhaité revaloriser les aides de solidarité telles que l'ASS, ce qui n'avait pas été fait depuis 1994.
Il vient, parallèlement, de confier à Mme Joint-Lambert une mission de réflexion sur les conditions d'articulation et de cohérence entre les systèmes d'indemnisation du chômage et les minima sociaux, mission dont les conclusions seront intégrées dans le futur projet de loi de lutte et de prévention contre l'exclusion, que nous examinerons très prochainement.
Cette remise à plat s'impose. En effet, les élus locaux que nous sommes ont, à maintes reprises, pu constater les aberrations et les effets pervers engendrés par l'application de règles prévues pour ces dispositifs qui, trop souvent, pénalisent les bénéficiaires.
Au passage, j'appellerai nos collègues de l'opposition à un peu plus de réserve quand ils critiquent les délais dans lesquels le Gouvernement nous soumettra ce projet de loi.
Est-il nécessaire de leur rappeler que le gouvernement de M. Alain Juppé avait mis deux ans pour élaborer un projet qui, finalement, a été sacrifié sans aucun scrupule sur l'autel des grandes manoeuvres électorales ?
Aujourd'hui, par leur mobilisation sans précédent, les chômeurs prennent la parole et dénoncent l'inadaptation des dispositifs existants à la gravité de leur détresse. Ils martèlent une évidence : l'importance d'un travail pour se définir dans notre société, pour y trouver sa place.
C'est en ce sens qu'ils ont manifesté mardi dernier en faveur de la diminution du temps de travail, afin qu'elle se traduise par des créations d'emplois.
Voilà plus d'un an que des associations de chômeurs regroupant ceux qui sont concernés par la proposition que nous discutons aujourd'hui ont interpellé les parlementaires, afin que leur situation particulière soit prise en compte par le législateur.
Ces chômeurs sont souvent trop âgés pour retrouver un emploi, mais trop jeunes pour faire valoir leurs droits à la retraite alors qu'ils satisfont une partie des conditions légales exigées, à savoir les 160 trimestres de cotisation.
Ayant épuisé leurs droits à l'assurance chômage, ils ne dépendent plus de l'UNEDIC et ne perçoivent alors que l'ASS ou le RMI ; or ce sont des revenus qui se situent dans une fourchette de 2 430 francs à 3 260 francs pour une personne seule.
La proposition de loi, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, crée une allocation complémentaire qui doit permettre d'augmenter leurs revenus jusqu'à ce qu'ils perçoivent leur retraite à taux plein, à soixante ans.
M. le rapporteur nous a présenté de façon très instructive les trois dispositifs qui ont été mis en place depuis deux ans à destination de publics sensiblement identiques.
L'ARPE s'adresse à des personnes qui sont toujours en activité et dont le départ en préretraite est compensé par une embauche. Ce système a fait ses preuves : la contrepartie d'embauche est étroitement surveillée et les trois partenaires y trouvent leur intérêt, le préretraité, bien entendu, l'employeur et la personne nouvellement embauchée.
L'ACA vise des chômeurs qui ressortissent du régime de l'UNEDIC, auxquels on garantit le versement du montant maximal de l'allocation unique dégressive, l'AUD, jusqu'à leurs soixante ans.
Dans ces deux cas, les partenaires sociaux ont décidé que les régimes d'indemnisation seraient calculés en fonction d'un pourcentage du salaire antérieur de référence, soit 65 % pour le bénéficiaire de l'ARPE et 57,4 % pour le bénéficiaire de l'ACA.
C'est donc au regard de ces deux allocations que les associations de chômeurs ont formulé leur revendication. Ils appartiennent en effet à la même génération, ont aussi démarré leurs parcours professionnels très jeunes, et ont donc largement contribué au financement de notre protection sociale et à l'enrichissement de notre pays.
Le nombre de personnes concernées s'élève à environ 120 000 pour l'ARPE et à 48 000 pour l'ACA. On évalue à plus de 20 000 le nombre des personnes qui bénéficieraient de la future allocation spécifique d'attente. Pour trouver le complément de ressources, deux solutions, que M. le rapporteur a rappelées, ont été successivement envisagées.
En 1996, lors de la discussion de la proposition de loi de M. Michel Berson à l'Assemblée nationale, les parlementaires avaient opté pour un régime d'allocation proche de l'ARPE. A l'époque, le mécanisme proposé appréhendait l'ensemble des chômeurs totalisant quarante annuités, y compris ceux qui relèvent de l'UNEDIC. L'exigence d'égalité commandait dès lors que l'on octroie à l'ensemble de ces chômeurs la même allocation complémentaire, sur la base de 65 % du salaire brut de référence.
Les travaux récents de l'Assemblée nationale sur la nouvelle proposition de loi de M. Ayrault ont privilégié une approche identique, en s'alignant toutefois sur les modalités de calcul de l'allocation aux chômeurs âgés, récemment mise en place par les partenaires sociaux, soit 57,4 % du salaire brut antérieur de référence.
Un amendement de M. Bocquet est venu modifier la logique des propositions de loi en prévoyant une allocation forfaitaire qui devrait permettre à l'ensemble des bénéficiaires potentiels de percevoir au total un revenu moyen de 5 000 francs jusqu'à leur retraite. Le Gouvernement a précisé à cette occasion que cette allocation, fixée par décret, devrait atteindre 1 750 francs.
Nous sommes ici au coeur de la difficulté que présente ce texte par ailleurs consensuel : chacun des modes de calcul induit ses propres « injustices ».
L'allocation forfaitaire permettrait d'assurer un revenu proche d'une retraite à taux plein à un salarié payé au SMIC, ce que ne permettrait pas dans tous les cas le calcul fondé sur un pourcentage de salaire antérieur. Elle favoriserait donc la majorité des 20 000 personnes concernées, qui ont souvent connu des fins de carrière accidentées, entrecoupées de périodes de « petits boulots », de chômage, ou de contrats faiblement rémunérés. Le groupe socialiste partage entièrement cette préoccupation.
Toutefois, cette allocation pénaliserait, selon les estimations, environ 7 000 personnes ayant perçu des salaires plus élevés avant leur licenciement et qui demandent que leur soit appliqué le même régime qu'aux chômeurs bénéficiant de l'ACA.
Vous nous indiquez, monsieur Madelain, que le montant moyen de l'ACA s'élève à 7 700 francs, soit 2 000 francs de plus que ce que représentera la future allocation spécifique d'attente. Nous considérons que la revendication de ces salariés, dont la contribution aux régimes de retraite a été importante, est parfaitement légitime.
Les sénateurs socialistes ont donc déposé un amendement susceptible de concilier les exigences de justice et de solidarité des uns et des autres.
Cet amendement tend à préserver les avantages résultant du calcul forfaitaire de l'allocation afin de ne pas défavoriser les personnes dont les salaires ont été particulièrement faibles, mais, dans le même temps, il vise à compléter l'article adopté à l'Assemblée nationale, et il pose le principe d'une majoration du montant de l'allocation calculée par référence au taux de 57,4 % du salaire antérieur.
Cet ajout nous paraît répondre à une logique proche de celle qui a inspiré la dispense de recherche d'emploi pour les chômeurs âgés, la DRE, à savoir la cessation anticipée d'activité.
Mais, au-delà des 20 000 bénéficiaires potentiels de cette allocation d'attente, et quel que soit le mode de calcul qui sera retenu pour cette dernière, c'est l'ensemble des difficultés auxquelles sont confrontées les personnes qui subissent au quotidien la précarité que nous devrons traiter lors de l'élaboration du texte sur les exclusions. Déjà, Mme Aubry et M. Besson ont formulé des propositions liées au droit au logement, notamment en cas d'impayés.
Cependant, M. le secrétaire d'Etat comme M. le rapporteur l'ont souligné, l'amélioration de la situation des chômeurs réside avant tout dans l'amélioration de la situation de l'emploi dans notre pays.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le combat pour l'emploi doit se mener sur plusieurs fronts. Le Gouvernement s'y est déjà engagé avec détermination...
M. Roland Courteau. C'est exact !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. ... aux côtés de l'UNEDIC lorsqu'il s'est agi de conforter financièrement le dispositif de l'ARPE, particulièrement efficace en terme de création d'emplois, afin de la généraliser à l'ensemble des personnes ayant cotisé quarante ans. On ne peut que regretter que le CNPF ait décidé de bloquer les négociations sur ce point !
Le combat pour l'emploi se mène bien sûr aussi dans le cadre de la réduction du temps de travail, mais, là encore, les organisations patronales s'enferrent dans une bataille dogmatique alors que, sur le terrain, les plus novateurs d'entre eux enregistrent déjà des résultats significatifs.
Le combat passe encore par la promotion de nouveaux métiers liés aux évolutions de notre société, et on les voit émerger avec le plan emplois-jeunes.
Enfin, le Gouvernement a pris de multiples mesures permettant la relance de la consommation interne afin de soutenir la croissance, dont chacun sait qu'elle est déterminante dans la lutte pour l'emploi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans ce combat, nous, parlementaires socialistes, nous engageons à vos côtés et nous nous engageons sur le présent texte ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous nous réjouissons de voir débattue une proposition de loi présentée par le groupe communiste de l'Assemblée nationale.
Lors de ma dernière intervention sur le projet de budget de l'emploi et de la solidarité pour 1998, le taux de chômage en France s'élevait à 12,4 % de la population active. Aujourd'hui, selon les dernières statistiques mensuelles de décembre 1997, on enregistre une baisse sensible puisque ce taux est ramené à 12,2 %. Les jeunes sont les principaux bénéficiaires de cette baisse.
La tendance au recul du nombre de chômeurs, qui s'établit maintenant à 3 027 000, est encourageante, mais elle ne doit ni dissimuler l'état inquiétant de notre marché de l'emploi, ni nous démobiliser au moment où, par le biais d'une réduction massive du temps de travail conjuguée avec une relance de la consommation, il nous serait permis d'impulser une reprise de la croissance.
Pouvons-nous réellement nous réjouir de cette baisse des chiffres du chômage, alors que, consécutivement aux politiques désastreuses de l'emploi menées jusqu'alors, l'emploi s'est qualitativement dégradé ? Ainsi, la catégorie des chômeurs ayant exercé une activité réduite a augmenté de 2,2 % et, si la reprise semble au rendez-vous, elle demeure empreinte de précarité, l'emploi intérimaire ne cessant de croître, après avoir progressé de 37 % l'an passé !
En décembre dernier, dans son rapport, le Commissariat général du Plan estimait à 7 millions le nombre de personnes touchées directement par le sous-emploi en France, en comptabilisant non seulement les chômeurs recensés mais aussi les sans-emplois en formation, les préretraités, les travailleurs à temps partiel ou sous contrats précaires...
Privant purement et simplement les ménages de ressources ou en réduisant ces dernières de façon significative, le chômage de masse a poussé inexorablement une frange de plus en plus importante de nos concitoyens dans la pauvreté, dans le surendettement, et la lutte contre les exclusions est devenue une des priorités à mettre en oeuvre.
Ainsi, en France, un ménage sur dix vit en dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire qu'il dispose de moins de 3 500 francs par mois pour satisfaire les besoins les plus élémentaires.
Depuis la fin des années soixante-dix, c'est en profondeur que le paysage social s'est modifié. De « nouvelles catégories » ont fait irruption, chômeurs de longue durée, travailleurs pauvres...
Un faisceau d'indices nous a alertés et a conduit le parti communiste à s'engager pour plus de justice sociale, pour une logique nouvelle de l'utilisation de l'argent, pour une politique véritablement créatrice d'emplois : augmentation du nombre d'impayés, de ménages surendettés, d'expulsions et de coupures d'électricité ; stages d'insertion insuffisants, quête quasi obsessionnelle de la baisse des charges pesant sur les entreprises ; recours massifs aux aides sociales locales, augmentation de 30 % des consultations de Médecins du monde, 61 millions de repas servis par les Restos du coeur en 1996-1997 !
Voilà autant d'indicateurs témoignant, d'une part, de la déstructuration de notre société, qui exclut toujours plus d'hommes et de femmes, et, d'autre part, de l'inaptitude des dispositifs mis en place successivement pour répondre aux besoins nouveaux.
Pour éviter que des personnes ne soient laissées sans aucune ressource, tout un ensemble de minima sociaux a été mis en place au fil des ans. Financés par la redistribution, ce sont ainsi environ 80 milliards de francs qui ont été servis en 1996.
Cette somme peut paraître considérable. Toutefois, compte tenu des 3,5 millions d'allocataires et des 6 millions de personnes concernées, elle est toute relative, et, rapportée aux chiffres enregistrés tant par la Bourse que par les entreprises, elle est même dérisoire !
Divers rapports publiés récemment témoignent de l'incohérence du fonctionnement des minima sociaux et du faible niveau de vie qu'ils autorisent. Le conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts a, par exemple, mis l'accent sur la très grande disparité du montant des allocations servies. Créés par strates successives, les dispositifs, qui garantissent huit minima sociaux différents, s'empilent, alors qu'il serait souhaitable qu'ils s'articulent !
Les minima ont été conçus selon deux logiques distinctes. C'est volontairement qu'un large écart a été établi entre, d'une part, les minima destinés à ceux que l'on considère comme définitivement écartés de la vie active - minimum vieillesse, AAH - et, d'autre part, les minima, dont le niveau est moindre, alloués aux personnes encore en âge et en capacité de travailler - ASS, RMI, etc., l'objectif étant d'éviter l'écueil de la désincitation au travail.
Seulement, dans une société qui compte plus de trois millions de chômeurs et où les perspectives de retour à l'emploi pour certaines personnes comme les chômeurs de longue durée s'amenuisent, ces trop faibles allocations permettent à peine de survivre, d'autant que, bien souvent, les enfants des chômeurs sont eux-mêmes touchés par le chômage, de sorte que leurs maigres économies, s'ils en ont, fondent comme neige au soleil !
Depuis 1983, le nombre de personnes vivant de ces allocations minimales a explosé, mais l'effort consenti par la collectivité n'a pas suivi, l'UNEDIC et le patronat réussissant quant à eux à se décharger du fardeau des exclus de l'emploi.
L'exemple de l'ASS est très révélateur. Après de multiples tentatives, le CNPF est « enfin » parvenu, en 1984, à dénoncer la convention qui régissait jusqu'alors le régime d'assurance chômage.
Sous-tendue par une logique d'assurance s'opposant à la logique d'assistance, la nouvelle convention, signée le 24 juillet 1984, excluait de sa sphère d'intervention les chômeurs non indemnisés relevant désormais de la solidarité nationale, contraignant ainsi l'Etat à mettre en place l'allocation de solidarité spécifique.
Ajoutée au caractère dégressif de l'allocation chômage, renforcé en 1992, et combinée avec le développement des emplois précaires, qui limitent, de fait, la durée d'indemnisation, cette nouvelle « répartition des compétences » est responsable du basculement d'un grand nombre de demandeurs d'emploi vers l'exclusion.
Sur les 500 000 chômeurs de longue durée qui ont épuisé leurs droits à l'assurance chômage et qui relèvent du régime de solidarité de l'Etat, 80 % touchent moins de 3 000 francs par mois.
A l'absence de revalorisation de cette prestation depuis 1994, imputable à l'Etat, s'ajoutent les effets désastreux du nouvel accord syndicat-patronat relatif à l'UNEDIC et signé à la fin de 1996.
Excédentaire à cette époque, l'UNEDIC décide de baisser les cotisations patronales et salariales. Quant à elle, l'allocation unique dégressive, l'AUD, augmentait de 300 francs par mois tout en restant dégressive.
Les incidences de cet accord sur le budget de 1997 se chiffrent à 3,5 milliards de francs de dépenses supplémentaires. Par qui celles-ci ont-elles été supportées ? Par des chômeurs de longue durée qui ont déjà subi l'amputation de 600 millions de francs sur le budget, déjà bien peu important, du fonds social géré et financé par l'UNEDIC.
Concrètement, lorsque les chômeurs en difficulté se sont présentés récemment aux guichets de l'UNEDIC pour toucher des aides d'urgence de fin d'année, un refus leur a été opposé : les caisses étaient vides !
Suit alors l'appel des chômeurs parti de la cité phocéenne pour le versement d'une prime de Noël de 3 000 francs, appel relayé par les trois associations nationales de chômeurs : AC !, APEIS, MNCP, le comité de chômeurs de la CGT, qui, par le biais d'opérations coup de poing, ont occupé le devant de la scène.
Derrière l'abstraction des chiffres sont apparus des visages d'hommes et de femmes plus ou moins âgés qui vivent mal, fatigués de jongler pour se nourrir, se vêtir, se loger, se soigner et pour élever leurs enfants.
Méprisés par le CNPF pour qui « le régime d'assurance chômage n'est pas un bureau d'aide social », ces mouvements de personnes privées d'emploi - certains doutent de leur représentativité - sont soutenus par 70 % de la population.
Au-delà de leur revendication initiale et ponctuelle qui appelle des réponses immédiates, ils posent de véritables questions de fond nécessitant des réformes structurelles. Comment ne pas souscrire à leur demande de revalorisation des minima sociaux pour enfin vivre décemment, de remise à plat du système d'indemnisation du chômage, de retour à sa véritable mission du fonds social des ASSEDIC, d'une allocation pour les jeunes ?
Face aux demandes des chômeurs qui, en fait, revendiquent un vrai emploi et défendent tout simplement leur dignité, le Gouvernement s'est avancé.
Bien sûr, et je le regrette, aucune hausse des minima sociaux n'a été consentie. Toutefois, les mesures annoncées, telles que la revalorisation de 3 % de l'ASS et le rattrapage pour certains, la création du fonds social d'urgence et la mission de Mme Join-Lambert, vont dans le bon sens.
En revanche, que ce soit à l'UNEDIC ou au CNPF, aucun des dirigeants ne semble vouloir prendre ses responsabilités, l'indifférence restant de mise.
Permettez-moi d'étayer mon propos par deux points très révélateurs de l'attitude condamnable du CNPF.
En premier lieu, lorsque le Gouvernement propose d'abonder l'ARPE de 40 000 francs par personne si les partenaires sociaux acceptent de l'ouvrir à tous les salariés qui ont commencé à travailler à quatorze ou quinze ans, alors que, actuellement, elle est ouverte aux salariés nés en 1940, le patronat reste silencieux ; il refuse.
A l'inverse, lorsque son président s'exprime, c'est pour assimiler le chômage à l'infirmerie et pour mépriser, une fois de plus, par ses propos déplacés, la situation dramatique de millions de personnes !
Nous avons décidé de nous engager au côté des chômeurs pour soutenir leurs revendications, que nous jugeons légitimes.
Lorsque des réponses immédiates pouvaient être trouvées, les parlementaires communistes ont appelé le Gouvernement à faire davantage.
C'est dans cet esprit que nous avons déposé, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, une proposition de loi tendant à ouvrir le droit à une allocation spécifique aux chômeurs âgés de moins de soixante ans, bénéficiaires de l'ASS ou du RMI et ayant cotisé pendant quarante ans. C'est l'objectif du texte que nous examinons aujourd'hui.
Je rappelle que, à diverses reprises, par le biais de questions écrites, j'ai eu l'occasion d'attirer l'attention des gouvernement successifs sur la situation précaire, parfois humiliante, dans laquelle se trouvent les demandeurs d'emploi de longue durée en raison de leur exclusion des dispositifs existants.
En effet, jusqu'à présent, les efforts consentis par les partenaires sociaux sont restés centrés sur les salariés âgés qui peuvent bénéficier de l'ARPE dès cinquante-huit ans ou les chômeurs âgés qui relèvent du régime d'indemnisation par le biais de l'allocation chômeurs âgés.
Aujourd'hui, la possibilité de mettre fin à de réelles discriminations nous est offerte. Notre groupe entend bien la saisir en votant le texte, et j'espère que le Sénat, à l'instar de l'Assemblée nationale, l'adoptera à l'unanimité.
Au-delà de la revendication de la paternité du texte, examinons le dispositif qu'il institue.
L'objectif est simple : il s'agit d'assurer à tout chômeur titulaire du RMI ou de l'ASS, qui totalise 160 trimestres de cotisation à l'assurance vieillesse, sans condition d'âge, un revenu mensuel d'au moins 5 000 francs.
Cette allocation d'attente, nous l'avons voulue forfaitaire et non proportionnelle aux revenus antérieurement perçus afin d'éviter qu'elle ne soit vécue difficilement par les deux tiers des chômeurs. Nous souhaitons qu'elle permette aux personnes concernées de vivre dignement. Il ne faut pas oublier que près de 65 % des bénéficiaires de l'ASS sont issus de catégories socioprofessionnelles modestes. Ils étaient manoeuvres, ouvriers, employés non qualifiés et percevaient donc un faible salaire. Opter pour une allocation proportionnelle aboutirait, comme le prévoyait le test initial, à les priver de la garantie d'un minimum de 5 000 francs.
Cette allocation complémentaire de 1 750 francs, non soumise aux prélèvements sociaux, sauf à la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, représente un engagement financier de 375 millions de francs.
Dans le contexte actuel, la proposition de loi permet d'apporter une réponse aux 20 000-22 000 personnes qui ont commencé à travailler très jeunes et assez rudement et qui pour autant ne peuvent faire valoir leurs droits à la retraite alors que, paradoxalement, elles ont cotisé pendant un nombre suffisant d'années.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Guy Fischer. Adopter de telles dispositions, c'est franchir un premier pas positif, mais ce n'est, selon nous, qu'une étape, la prochaine devant prendre en considération, notamment, les cadres qui sont victimes du chômage de longue durée. Des amendements ont été présentés en ce sens. Pour notre part, nous ne pouvons qu'y souscrire s'il s'agit d'apporter un plus, à savoir accroître la justice sociale et corriger de fortes disparités.
En effet, conçue comme un tremplin, cette proposition de loi doit être, pour nous, l'occasion de réaffirmer notre attachement au droit à la retraite pour toute personne qui compte trente-sept annuités et demie de cotisation à l'assurance vieillesse.
C'est aussi l'occasion, pour notre groupe, de dénoncer encore une fois le caractère restrictif des conditions d'entrée dans les dispositifs de solidarité, et plus particulièrement dans celui de l'ASS.
Ces conditions ont été durcies par le gouvernement de M. Juppé. Est-il nécessaire de rappeler que ce sont les mesures Barrot de décembre 1996 qui, en renforçant et les conditions de ressources et les conditions de durée de travail, sont la cause directe de la variation négative observée depuis juillet 1997 en ce qui concerne le nombre des bénéficiaires de l'ASS, alors que le chômage de longue durée a crû de façon importante ? Des millions de Français ont ainsi été exclus du bénéfice de l'ASS.
En novembre 1996, les demandes rejetées au titre de l'ASS s'élevaient à 39,6 % ; un an après, on est passé à 52,9 % et l'UNEDIC prévoit la décroissance continue du nombre des bénéficiaires qui, de fait, se retrouvent exclus du dispositif que nous nous apprêtons à mettre en place.
Cette dernière remarque me conduit à penser qu'il est impératif de réformer en profondeur tant le système d'indemnisation du chômage que le maquis des minima sociaux, avec le souci d'articuler au mieux les deux systèmes, qui doivent non seulement coexister mais être complémentaires. C'est une tâche à laquelle le groupe communiste républicain et citoyen et moi-même entendons consacrer toute notre énergie lors de prochaines discussions parlementaires, notamment au cours de l'examen du projet de loi contre les exclusions.
Bien entendu, nous voterons la présente proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi qui a pour objet d'accorder aux chômeurs de moins de soixante ans ayant cotisé pendant quarante années au régime de l'assurance vieillesse le bénéfice d'une allocation forfaitaire qui devrait être fixée à 1 750 francs par mois.
Ainsi que l'a rappelé le rapporteur de la commission des affaires sociales, notre excellent collègue M. Jean Madelain, un dispositif similaire avait été adopté par la précédente majorité lors de la discussion du texte tendant à renforcer la cohésion sociale. Il est donc tout à fait regrettable d'avoir tant attendu pour inscrire à l'ordre du jour un texte qui faisait l'unanimité et, surtout, de le faire sous la pression de la rue, comme vient de l'exposer l'orateur du groupe communiste républicain et citoyen.
Vous me permettrez de souligner que la situation des travailleurs de plus de cinquante ans est marquée par de profondes inégalités. Les dispositifs tels que le Fonds national de l'emploi ou ce que j'appellerai « les préretraites maison » côtoient à la fois le RMI et l'allocation de solidarité spécifique, sans compter les droits avancés à la retraite, justifiés jadis par une pénibilité aujourd'hui disparue mais pérennisés jusqu'à présent par la solidarité.
Ce sont les raisons pour lesquelles le dispositif qui est proposé constitue, me semble-t-il, une mesure de justice et c'est pourquoi le groupe du RPR lui apportera son soutien.
Toutefois, je souhaiterais vous faire part des interrogations que m'a inspirées ce texte.
La première est relative à l'opportunité du choix d'une allocation forfaitaire, au lieu d'une allocation qui serait fondée sur les derniers salaires perçus par les personnes concernées. Notre excellent rapporteur a indiqué que le principe d'une allocation forfaitaire devait être préféré car celle-ci offrait une solution bien plus satisfaisante pour la majorité des personnes intéressées par cette proposition de loi.
En revanche, tel n'est pas le cas pour une partie de ceux qui ont effectué une longue carrière professionnelle, notamment en tant que cadres, et qui ont cotisé en fonction de leur revenu qui était plus élevé que celui des autres.
On peut donc se demander s'il ne serait pas souhaitable de compléter le dispositif qui nous est proposé en ajoutant à l'allocation forfaitaire une seconde allocation qui serait, elle, fixée en fonction des derniers salaires perçus. Il s'agit non pas de créer un système identique à une préretraite, mais de permettre aux personnes concernées d'avoir un niveau de vie proche de celui qui est assuré aux bénéficiaires de l'allocation chômeurs âgés.
C'est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à adopter l'amendement qui a été déposé par notre excellent collègue M. Louis Souvet et les membres de notre groupe. Je suis tout a fait conscient qu'il alourdit le budget consacré à la nouvelle allocation, monsieur le secrétaire d'Etat, mais le Gouvernement et la majorité actuelle ne peuvent, me semble-t-il, être insensibles à cette disposition qui rejoint le texte initial de la proposition de loi sans en avoir les défauts, c'est-à-dire sans pénaliser les personnes les plus modestes.
En outre, le nombre de personnes concernées diminuera chaque année. Aussi le surcoût assez modeste et dégressif dans le temps pourrait-il être pris en charge par la solidarité nationale.
Ma deuxième interrogation concerne le chômage de longue durée qui ne trouve pas sa solution dans ce texte, même si ce dernier constitue un premier pas dans le bon sens.
Le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, a choisi de tout miser sur la création d'emplois parapublics - certes, on prétend parfois qu'ils relèveront un jour du secteur marchand - en faveur des jeunes, ignorant totalement les chômeurs plus âgés. Comment s'étonner alors que ceux qui étaient jusqu'à présent discrets se révoltent actuellement et revendiquent des mesures équivalentes ?
Mais le coût de cette mesure en faveur des jeunes pour la création d'emplois le plus souvent artificiels - et c'est un euphémisme ! - ne vous permet plus de répondre à la détresse de ceux qui ont pour seul défaut d'avoir plus de trente ans. Heureusement pour notre pays, une légère reprise économique vous permet d'afficher des résultats, en termes d'emplois, sensiblement meilleurs. Mais ils ne seront pas éternels, surtout si vous persistez à nous asséner que la seule solution, ce sont les trente-cinq heures, telles que vous les concevez. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Le Gouvernement n'a pas une démarche honnête en laissant croire aux chômeurs que l'obligation de réduire le temps de travail dans les entreprises leur donnera des emplois. Toutes les expériences passées, comme celles qui ont été effectuées à l'étranger, sont significatives à cet égard. Nombreuses sont les études qui démontrent que la baisse du taux de chômage est pratiquement inversement proportionnelle à la baisse obligatoire du temps de travail.
La majorité plurielle a récemment comparé son système d'aide à la réduction du temps de travail à notre proposition de réduire les cotisations sociales qui pèsent sur les bas salaires. Cela n'a rien à voir !
Vous allez subventionner sur des fonds publics la création d'emplois de manière arbitraire, sans que cela corresponde à un besoin des entreprises.
Nous, nous proposons de laisser le libre choix de son investissement à l'entreprise, car c'est son dynamisme et ses capacités d'investissement qui permettent de créer effectivement des emplois durables.
Avec son système, le Gouvernement va être confronté à un extraordinaire effet d'aubaine qui - j'en ai peur - tel un soufflé, retombera une fois les aides disparues.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, vous me permettrez de m'interroger sur la capacité de financer ces aides qui se font chaque jour plus alléchantes pour séduire les entreprises récalcitrantes et pour leur faire avaler la pilule ; mais cette dernière doit rester amère, puisque vous ne semblez pas faire beaucoup d'adeptes dans les entreprises, notamment dans les petites et moyennes entreprises.
Quant à la pilule que vont devoir avaler nos concitoyens lorsqu'ils recevront l'addition, elle aura un goût encore plus difficile à supporter, et ce pour un résultat bien incertain.
Ma dernière interrogation concernera les pistes de réflexion qu'il me semble nécessaire d'aborder pour réduire le chômage de longue durée.
Tout d'abord, la comparaison des taux de chômage par profession indique le sens du mouvement souhaitable : celui d'une augmentation du niveau général des qualifications. Ainsi, s'agissant des professions techniques, les ouvriers non qualifiés connaissent un taux de chômage de 12 points supérieur à celui des ouvriers qualifiés et de 18 points supérieur à celui des techniciens.
Cet effort à accomplir devrait porter sur la lutte contre l'allongement de la durée du chômage. En effet, cette durée va de pair avec l'exclusion presque définitive du marché du travail de nombreux salariés, en raison de l'impossibilité pour les chômeurs de longue durée de trouver un emploi.
La deuxième piste de réflexion vise le combat à mener contre les freins à la recherche d'une activité. Ainsi, lorsqu'une personne inactive ou au chômage prend ou reprend un emploi, le niveau de vie de son ménage peut ne pas progresser de manière importante ; il peut même diminuer.
Il me paraît indispensable de réfléchir aux minima sociaux et au système d'indemnisation du chômage afin de rendre plus incitative la reprise du travail.
A cet égard, par exemple, il me semble que toute initiative tendant à activer les dépenses passives du chômage, tel le maintien d'une certaine indemnisation après la reprise de l'emploi, ou le « I » de RMI, c'est-à-dire l'obligation de constituer un projet d'insertion, doit être recherchée et encouragée. Nous devons absolument quitter la culture d'assistance dans laquelle nous nous installons.
Enfin, j'en viens à la troisième piste : l'emploi aidé ne doit-il pas être systématiquement réservé à ceux qui sont les moins susceptibles de retrouver un emploi, ceux qui sont les plus fragiles, les plus exclus, ceux qui, malheureusement, n'espèrent plus ? Ces aides, si onéreuses soient-elles, sont indispensables pour que ces personnes ne sombrent pas dans un sentiment d'inutilité qui les pousse au désespoir.
Aujourd'hui, nous allons adopter un texte de justice et d'équilibre. Il n'est certes qu'une étape, mais il est essentiel sur la longue route que nous devons parcourir pour mettre un terme définitif, je l'espère, aux exclusions. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur Chérioux, j'ai noté avec satisfaction que vous avez employé, pour clore la péroraison de votre discours, les mêmes expressions que le Premier ministre, en appelant à la culture de responsabilité et non à la culture d'assistance. Je vous en sais gré.
Auparavant, vous avez prononcé à propos des trente-cinq heures un certain nombre de phrases définitives dont je vous laisse bien évidemment la responsabilité.
Je prends simplement rendez-vous avec vous pour juger dans quelques mois, peut-être dans quelques années, des conséquences de cette réduction du temps de travail.
Je vous rappellerai simplement que, dans un premier temps, rien n'est obligatoire, sauf la négociation. Cela ne permet à personne, dans cette digne et haute assemblée ou ailleurs, de préjuger la prochaine loi qui fixera de façon plus ferme le temps de travail dans notre pays. J'indique que ce dernier, loin de croître, n'a cessé de diminuer avec les progrès de notre époque. Je sais qu'un certain nombre d'adaptations sont nécessaires en fonction du travail, de l'entreprise, des modes d'activité des entreprises. C'est bien ce que nous voulons faire en demandant dans un premier temps, dans un pays qui n'y recourt pas suffisamment, une négociation entre les partenaires. Nous verrons bien. J'espère comme vous que cette voie sera celle de la fin du chômage.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Après l'article L. 351-10 du code du travail, il est inséré un article L. 351-10-1 ainsi rédigé :