M. le président. « Art. 35. _ I. _ Après le I quinquies de l'article 1648 A du code général des impôts, il est inséré un I sexies ainsi rédigé :
« I sexies . _ A compter du 1er janvier 1998, lorsqu'à la suite d'une opération d'apport, de scission d'entreprise ou mise à disposition de biens visés à l'article 1469, intervenue après le 31 décembre 1995, les éléments d'imposition d'un établissement qui a donné lieu, l'année de l'opération ou l'année précédente si l'opération intervient le 1er janvier, aux prélèvements prévus aux I, I ter et I quater , sont répartis entre plusieurs établissements imposables dans la même commune au nom d'entreprises contrôlées en droit directement ou indirectement par une même personne, ces établissements sont réputés n'en constituer qu'un seul pour l'application des dispositions du présent article, sous réserve que leur activité consiste en la poursuite exclusive d'une ou plusieurs activités précédemment exercées dans l'établissement d'origine.
« Ces dispositions sont définitivement inapplicables lorsqu'au 1er janvier d'une année les conditions relatives à l'activité et au contrôle ne sont pas remplies. »
« II. _ Le I bis du même article est ainsi modifié :
« 1° Les mots : "pour l'application du I" sont remplacés par les mots : "pour l'application des I et III" ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du I sexies ne sont alors pas applicables. »
« III. _ Le III du même article est ainsi modifié : »
« 1° Dans le premier alinéa, après le mot : "établissement", sont insérés les mots : "au sens du I bis " ;
« 2° Le dernier alinéa est supprimé. »
Sur l'article, la parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. L'article 35 du collectif budgétaire porte sur l'optimisation fiscale qui se pratique en matière de taxe professionnelle par des établissements de taille exceptionnelle.
On sait, en effet, qu'en vertu des dispositions de l'article 1648 A du code général des impôts ces établissements sont écrêtés à la base pour alimenter les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.
Dans l'absolu, il suffit de procéder à une opération de démembrement juridique de l'établissement concerné pour aboutir à faire jouer des effets de seuil particulièrement favorables afin de diminuer le niveau global d'imposition de l'entreprise, ou plutôt celui du groupe auquel elle est rattachée. Evidemment, cette pratique a des effets particulièrement négatifs pour l'abondement des fonds départementaux.
Ces établissements de taille exceptionnelle sont, en général, de grandes unités de production d'énergie, du type centrale nucléaire, de grandes unités de production industrielle du type usine de construction automobile, ou encore des établissements comme des raffineries de pétrole ou des centres de stockage.
Nous pouvons d'ailleurs noter ici que le statut d'établissement exceptionnel n'est pas dévolu à des zones de pluri-activité économique comme peuvent l'être, par exemple, des marchés d'intérêt national, alors même que l'existence de ces zones motive bien souvent l'existence de bases d'imposition importantes et le recours à la cotisation versée au fonds national de péréquation. Mais fermons la parenthèse.
Pour ce qui est des fonds départementaux, force est de constater qu'ils sont particulièrement importants dans des départements de notre pays où la tradition industrielle est assez récente et où la réalité rurale est encore prégnante.
L'exemple type pourrait être celui du département de Seine-Maritime.
M. Charles Revet. Merci !
M. Paul Loridant. Ce département accueille plusieurs établissements exceptionnels. Il ne compte pas moins de sept cent cinquante communes, dont une grande partie présente un caractère rural marqué.
M. Charles Revet. Il y a exactement sept cent quarante-cinq communes ! (Sourires.)
M. Paul Girod. C'est peu !
M. Paul Loridant. Dans cette affaire, il me semble tout à fait critiquable qu'un vide juridique ait été mis à profit par certaines entreprises pour élaborer une stratégie d'optimisation fiscale, se libérant ainsi de leurs obligations fiscales aux dépens des communes de rattachement et du département où elles sont implantées. L'article 35 vise donc à combler ce vide juridique. Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, nous voudrions avoir l'assurance que tel est bien le cas et qu'on a bien « bordé » le dispositif.
Nous souhaitons donc neutraliser les pratiques de filialisation artificielle de certains groupes qui tentent ainsi d'échapper en partie à l'impôt au détriment des fonds de péréquation départementaux et, en conséquence, des communes particulièrement défavorisées.
Cette orientation est d'ailleurs proche d'une disposition de la loi de finances pour 1997 qui, en son article 24, prévoyait de ne pas retenir certains coûts induits par les opérations de filialisation, en l'occurrence les loyers, dans le montant des charges venant en déduction de la valeur ajoutée des entreprises assujetties à la taxe professionnelle et donc utilisés a priori pour bénéficier du plafonnement au titre de la valeur ajoutée.
Bref, il importe, en adoptant cet article 35, d'établir la neutralité fiscale des décisions de gestion des entreprises en évitant toute discrimination en faveur de celles d'entre elles qui voudraient optimiser leur taxe professionnelle.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les observations que le groupe communiste républicain et citoyen souhaitait faire en abordant cet article 35, si important pour les finances locales de nos communes et de nos départements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 35, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le texte présenté par le I de l'article 35 pour le paragraphe I sexies à insérer dans l'article 1648 A du code général des impôts, après les mots : « à l'article 1469 », de supprimer les mots : « intervenue après le 31 décembre 1995, ».
Par amendement n° 23, M. Revet propose, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 35 pour le I sexies à insérer dans l'article 1648 A du code général des impôts, de remplacer l'année : « 1995 » par l'année : « 1993 ».
La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 35.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, en intervenant sur l'article 35, j'ai, en fait, présenté cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Revet, pour défendre l'amendement n° 23.
M. Charles Revet. Il s'agit d'un amendement de cohérence, et même de bon sens.
L'Assemblée nationale a adopté, voilà quelques jours, sur proposition de sa commission des finances, des dispositions qui s'inspirent très largement, vous me l'accorderez, d'un amendement que j'avais moi-même déposé il y a quelques semaines, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998. Vous m'aviez alors demandé, monsieur le secrétaire d'Etat, de le retirer en indiquant qu'il pourrait être réexaminé lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1997. Eh bien, nous y sommes !
Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait adopté cet amendement.
Il paraît quand même tout à fait illogique que l'on pérennise une situation dans laquelle une entreprise peut artificiellement se diviser en plusieurs filiales, dont l'une regroupe les immobilisations et les matériels, à l'exclusion du personnel, et l'autre le personnel, à l'exclusion des immobilisations et des matériels, et échapper ainsi à certaines dispositions en matière de taxe professionnelle. C'est d'autant moins acceptable qu'il faut, d'un autre côté, pérenniser les ressources des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, qui permettent, chacun le sait, non seulement en Seine-Maritime, monsieur Loridant - et je vous remercie d'avoir évoqué la situation de mon département - mais aussi ailleurs, une certaine péréquation en faveur de communes disposant souvent de faibles ressources.
Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, un problème se pose si nous en restons aux dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, car nous serons alors devant un nouveau paradoxe. Prenons deux entreprises qui, avant 1993, étaient exactement dans la même situation et exerçaient la même activité : celle qui aurait opté en 1994 resterait soumise au statut de son choix, mais celle qui aurait opté en 1995 reviendrait, en revanche, à la situation antérieure ! Et je parle bien de deux entreprises identiques ! Il ne s'agit pas de rétroactivité, il s'agit de faire en sorte que toutes les entreprises soient traitées de la même façon.
Je propose donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de ramener la date-butoir suggérée par l'Assemblée nationale de 1995 à 1993. Nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen vont d'ailleurs un peu plus loin.
C'est simplement un souci de cohérence et de bon sens. A défaut, on aura, certes, corrigé une anomalie, mais on aura introduit une nouvelle disparité entre entreprises exerçant quelquefois la même activité économique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 35 et 23 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Dans la recherche de paternité, la commission des finances veut bien témoigner en faveur de M. Revet, qui a fécondé cette idée, aujourd'hui réalisée, et qui ne semble plus répondre tout à fait à sa préoccupation.
La commission des finances a estimé que vous aviez déjà en partie satisfaction, monsieur Revet ; n'en soyez pas trop désolé, car cela résout tout de même bien le problème pour l'avenir.
Vous appelez l'attention du Gouvernement sur la difficulté qu'engendre le dispositif dans sa rédaction actuelle et vous proposez, même si vous refusez cette appellation, une sorte de rétroactivité.
Cela a paru assez difficile à la commission des finances. Elle a préféré, de ce point de vue, s'en rapporter à l'avis technique qui sera donné par le Gouvernement dans un instant.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 35 et 23 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'article est certainement bon parce qu'il a de nombreux pères, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat !
Le seul point en discussion, c'est la date. Le Gouvernement, en proposant le 1er janvier 1996, évite de créer une insécurité juridique, insécurité que connaîtraient les entreprises si l'on remontait jusqu'au 31 décembre 1993, comme le propose M. Revet, ou jusqu'aux calendes grecques, comme le propose M. Loridant.
La sagesse serait d'en rester à la date du 1er janvier 1996. Il est important que le Parlement ait ainsi, si je puis dire, colmaté une brèche. C'est une bonne chose.
Pour toutes ces raisons, je demande aux auteurs des deux amendements de bien vouloir les retirer.
M. le président. L'amendement n° 35 est-il maintenu ?
M. Robert Pagès. Nous allons le retirer, monsieur le président, de façon à attirer l'attention de la Haute Assemblée sur l'amendement proposé par notre collègue M. Revet, qui connaît bien la situation.
Je comprends l'argument technique employé par M. le secrétaire d'Etat, selon lequel remonter aux calendes grecques risquerait de poser des problèmes techniques insurmontables.
Mais s'agissant d'une date relativement proche, comme celle que propose M. Revet, il m'apparaît qu'avec un peu de volonté politique ces difficultés techniques pourraient être surmontées, en raison, notamment, de l'extrême importance de la question.
Nous qui accordons beaucoup d'intérêt à la Seine-Maritime, bien entendu, mais également à d'autres départements, nous retirons donc notre amendement pour nous rallier à l'amendement n° 23.
M. le président. L'amendement n° 35 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
M. Charles Revet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Il faut véritablement revoir la situation, monsieur le secrétaire d'Etat.
En effet, on ne peut, d'un côté, essayer d'améliorer les choses et, de l'autre, créer une nouvelle disparité entre des entreprises qui exercent la même activité selon que l'année retenue sera 1993 ou 1994.
C'est vraiment une question de bon sens, monsieur le secrétaire d'Etat, et c'est pourquoi je vous demande d'accéder à cette demande, qui paraît tout à fait fondée.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission éprouve les mêmes appréhensions que le Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 35, ainsi modifié.

(L'article 35 est adopté.)

Article additionnel après l'article 35