M. le président. M. Gérard Larcher attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la situation des hôpitaux de la région d'Ile-de-France, au regard du taux d'évolution des budgets hospitaliers pour 1998 de 2,2 %. Un grand nombre d'établissements, devant l'évolution de la masse salariale et celle du coût engendré par la réglementation sur la sécurité des soins, ne pourront tenir leur budget que s'ils bénéficient de cette évolution totalement. Or, les décisions prises par les services ministériels - direction des hôpitaux - qui définissent les évolutions régionales, et par l'agence régionale d'hospitalisation de la région d'Ile-de-France vont modifier en la diminuant cette évolution de 2,2 %.
En conséquence, il lui demande quelles dispositions il compte prendre afin que de nombreux hôpitaux, notamment de la région d'Ile-de-France, ne se retrouvent pas, dans les faits, avec des taux d'évolution de zéro ou des taux négatifs, qui entraîneraient d'importantes suppressions d'emplois ou des abandons d'activité médicale. (N° 110.)
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur la situation des hôpitaux de la région d'Ile-de-France au regard du taux d'évolution des budgets hospitaliers pour 1998, fixé à 2,2 %, soit, je le note, un taux supérieur à ce qu'il était l'an dernier.
Un grand nombre d'établissements, devant l'évolution de la masse salariale et celle du coût engendré par la réglementation sur la sécurité des soins, ne pourront tenir leur budget que s'il y a bien une croissance de 2,2 %.
Or, nous savons qu'en raison d'une redéfinition nationale, la région d'Ile-de-France, comme l'an dernier d'ailleurs, ne bénéficiera pas d'une telle croissance et qu'il conviendra, avec une marge de manoeuvre qui n'est pas encore connue parce que le taux ne l'est pas non plus, de procéder à un certain nombre de redéploiements.
Lors du débat sur le budget de la santé, Mme Aubry et vous-même avez dit que ces décisions étaient d'abord de nature politique, qu'elles ne pouvaient être laissées aux seules directions d'agence ou à la seule administration.
J'aimerais donc savoir dans quelles conditions, notamment de transparence, vous envisagez ces redéploiements, ainsi que l'utilisation des fonds de restructuration et des fonds d'accompagnement social.
Les hôpitaux d'Ile-de-France connaissent des situations très contrastées en fonction de leur localisation, de leur nature, des transferts de flux de population et, pour les hôpitaux de la grande périphérie de la région, de l'interférence avec les hôpitaux d'autres régions - région Centre, région Haute-Normandie, région Champagne. Il y a donc lieu de définir une politique globale.
Je souhaite également attirer votre attention sur les moyens prioritaires qui ont été donnés à la psychiatrie par rapport aux moyens nécessaires aux hôpitaux généraux pour répondre à un certain nombre de préoccupations en matière de sécurité, définie par vous comme étant une priorité.
Les hôpitaux de la région d'Ile-de-France sont impatients de connaître les véritables chiffres.
A cet égard, il nous faudra sans aucun doute bouleverser la réglementation en la matière, car le débat sur le financement de la sécurité sociale, qui se déroule dans les contraintes de temps que l'on connaît, n'étant clos qu'au mois de décembre, il est aujourd'hui impossible d'avoir des débats crédibles et constructifs dans les conseils d'administration des établissements, dans l'ignorance où nous sommes des données chiffrées.
Voilà quelques-unes des préoccupations dont je voulais me faire l'écho, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, vos préoccupations sont aussi les miennes. Les chiffres seront connus à midi, mais je vais vous en donner la primeur.
L'Ile-de-France, ce n'est pas simple. Vous êtes, si j'ose dire, payé pour le savoir !
M. Gérard Larcher. Payé, non !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. J'ai dit : « si j'ose dire » !
Le système hospitalier français, vous le savez, est engagé dans un double processus d'adaptation de l'offre de soins aux besoins - encore faut-il connaître ces besoins ! - et de réduction des inégalités de ressources entre établissement de santé et entre régions. Vous l'avez justement souligné.
La région d'Ile-de-France est très particulière. Elle est évidemment concernée par ces deux objectifs, mais elle supporte et subit à la fois le poids d'hôpitaux nombreux et d'une dotation qui fut très longtemps et qui est encore tout à fait spécifique.
Dans cette région, l'offre de soins est qualitativement satisfaisante, mais elle est caractérisée par une certaine centralisation sur Paris des structures d'hospitalisation, dont pâtissent les départements de la petites couronne.
Il convient donc de procéder à un rééquilibrage géographique, en accompagnant le développement des hôpitaux situés dans les zones de croissance de la population, en particulier en Seine-et-Marne, dans le Val-d'Oise et dans l'Essonne.
La démarche visant à allouer des ressources aux établissements en Ile-de-France mettra notamment l'accent sur l'utilisation optimale de ce qu'on appelle - c'est leur dénomination, assez triste, j'en conviens - les plateaux techniques, l'organisation de coopération largement amorcée entre établissements et la promotion des réseaux de soins.
L'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France a également exprimé - vous avez eu raison de le souligner - son intention de renforcer les moyens de la psychiatrie et des soins de suite et de réadaptation. Tout cela doit se faire quasiment en même temps, et c'est assez difficile.
Sur le plan budgétaire donc, la réduction des inégalités dans l'accès aux soins se traduit nécessairement par une péréquation - un mot qui m'a toujours fait rêver : il signifie surtout qu'on enlève d'un côté pour mettre de l'autre - entre les régions, qui va se poursuivre en 1998.
Mais, après avoir fait l'objet d'une réfaction en 1997, la dotation limitative de dépenses hospitalières de la région d'Ile-de-France va connaître une évolution plus favorable en 1998.
Les dotations par région seront annoncées aujourd'hui à midi ; je vais toutefois vous indiquer les grandes lignes du dispositif arrêté par le Gouvernement.
La progression des dotations hospitalières pour 1998 traduit l'effort important de la collectivité nationale pour assurer dans les meilleures conditions la prise en charge des soins hospitaliers tout en accélérant la nécessaire recomposition du système hospitalier, avec pour objectifs l'accessibilité, la sécurité - vous l'avez souligné - et la réduction des inégalités ; inégalités entre les régions en moyenne.
Je dois vous le dire avant de donner les chiffres, la révision anticipée des schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS, sera lancée dans les régions dès le début de l'année 1998. Cela participe évidemment de cette démarche.
Le comité de pilotage s'est réuni jusqu'au début décembre. Il a fourni un rapport intéressant. Les SROS commenceront leur travail dès le mois de janvier 1998.
La dotation régionale de l'Ile-de-France évoluera donc positivement en 1998. Sa dotation régionalisée, déléguée dans les tous prochains jours, augmentera de 0,35 %. (M. Gérard Larcher marque sa déception.)
Je vois votre mouvement de tête ! A ces 0,35 % viendront s'ajouter des mesures nouvelles en cours d'année, comme notamment les mesures salariales, dont la nature et l'ampleur ne sont pas encore connues à ce jour, sinon je vous les donnerais.
En moyenne, ces mesures nationales complémentaires viendront compléter les dotations régionalisées à hauteur de 0,59 %.
La méthode de correction des inégalités entre régions, adoptée pour 1998, prévoit un taux plancher dont bénéficie l'Ile-de-France. Ce plancher permet aux régions surdotées de procéder aux adaptations nécessaires du tissu hospitalier. Toutes ces belles tournures de phrases signifient, en fait, que les hôpitaux recevront moins d'argent...
Pour atteindre l'objectif visant à adapter dans de bonnes conditions le tissu hospitalier français et à améliorer ainsi l'accès aux soins et leur qualité, les actions à mener, sous l'égide des agences régionales de l'hospitalisation, nécessitent une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs de santé et des élus concernés, à laquelle je suis disposé à veiller tout particulièrement, notamment dans cette région.
Pour appuyer ces actions, vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, doté de 500 millions de francs financés sur crédits d'Etat, et le fonds d'accompagnement social destiné à favoriser la mobilité et la formation des personnels, financé sur le budget de l'assurance maladie, à hauteur de 300 millions de francs, seront opérationnels en 1998.
L'annonce que je vous ai faite n'est pas encore connue, les taux notamment ne seront divulgués qu'à midi. Que peut-on en dire ? Evidemment, diriger un des établissements en question est toujours très difficile pour des problèmes de personnel, que vous avez vous-même soulignés. De plus, la région d'Ile-de-France a une particularité, cette extraordinaire concentration et le poids de l'assistance publique qui est considérable. Or, tout en prenant en compte la dotation qui, pendant des années, fut relativement massive, il nous faut faire attention à l'évolution et des revendications des personnels bien entendu, et de certains plateaux techniques, et de certains aménagements.
En outre, compte tenu du poids considérable de l'Assistance publique, il ne faut pas sous-doter - c'est pourquoi nous avons augmenté un peu la dotation - les hôpitaux périphériques, qui ont un rôle à jouer. En effet, l'idée est de les rendre complémentaires les uns des autres et là, monsieur le sénateur, vous le savez, la tâche est rude. Mais vous aurez peut-être l'occasion de vous y atteler vous-même...
M. Gérard Larcher. Je demande la parole.
M. le président. Je vous donne la parole, monsieur Larcher, sans doute pour exprimer votre satisfaction à l'annonce de cette augmentation considérable des crédits des établissements hospitaliers d'Ile-de-France ! (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Il s'attendait à une évolution négative !
M. Gérard Larcher. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir donné au Sénat, avec trois quarts d'heure d'avance, cette information qui, naturellement, ne va pas transporter d'une joie immense les présidents de conseil d'administration des établissements d'Ile-de-France.
Au-delà de ces 0,35 %, avec lesquels nous ne ferons pas de miracle, il convient de se rendre compte que nous allons être amenés à modifier notre fonctionnement, ce qui était l'un des objectifs de la réforme.
Cette modification du fonctionnement doit se faire en ayant à l'esprit un objectif de qualité et de service public. En effet, notre préoccupation première est de répondre le mieux possible, dans les bassins de population considérés, aux besoins de santé, tant en matière préventive que curative, d'accompagner les restructurations nécessaires et, en même temps, d'apprécier dans quelles conditions les moyens en personnel pourront être maintenus ou ne pas être trop réduits.
Or, vous savez que près de 80 % du budget de fonctionnement de nos établissements sont consacrés aux dépenses de personnel ; c'est dire combien de personnels de remplacement, de personnels contractuels les directeurs des établissements vont être dans l'obligation de supprimer afin de permettre aux personnels titulaires de s'adapter à de nouvelles fonctions et à de nouvelles missions.
Je souhaite donc savoir si la région d'Ile-de-France bénéficiera de manière significative de fonds de restructuration et de fonds d'accompagnement sociaux, parce qu'elle sera conduite à diligenter, plus rapidement encore que d'autres régions, sa propre restructuration.
Dans le même temps, il ne faut pas oublier qu'il y a, dans la région d'Ile-de-France, notamment à sa périphérie, des secteurs où des problèmes sanitaires se posent avec une acuité particulière et auxquels il faut répondre de manière spécifique. Je pense notamment à un établissement que je connais bien, le nouveau centre hospitalier de Mantes-la-Jolie.
Cet établissement participe de la politique de la ville et joue un rôle primordial tant en matière préventive que curative.
Je souhaite donc que ces transferts se fassent dans des conditions de parfaite transparence, mais aussi de partenariat avec les institutions représentatives de l'hospitalisation en Ile-de-France afin que nous puissions ensemble, dans des conditions budgétaires qui sont celles que vous nous annoncez aujourd'hui, faire du mieux possible, dans un dialogue constant et permanent avec les personnels médicaux et non médicaux, avec les directeurs d'établissement, qui n'ont pas une tâche facile, mais aussi avec les usagers. En effet, et vous le disiez vous-même, l'émergence de l'usager exigeant en matière de qualité et de sécurité est sans doute une force de la transformation de l'hôpital de demain. Le service public ne peut être maintenu qu'à ce prix.
Bien entendu, nous entendons que le secteur privé ne soit pas traité d'une manière par trop inégale. L'hôpital public a parfois le sentiment, depuis quelque temps, de n'être ni assez entendu ni assez écouté. Ses préoccupations de service public doivent donc être réaffirmées avec force.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous me posez trois questions, sinon quatre. La première porte sur les personnels.
Vous regrettez que le taux annoncé ne permette pas d'éviter la suppression de certains postes. Puisqu'il est positif, j'espère que vous n'y serez pas contraint.
Bien entendu, je comprends que chaque responsable d'établissement souhaite un taux supérieur. J'en suis conscient, mais les disparités entre les régions ne nous ont pas encore permis d'y parvenir. Elles ne nous ont pas permis non plus, dans le temps qui nous était imparti, avec des difficultés de répartition quasi scientifiques et mathématiques, voire curieuses, ...
M. Gérard Larcher. Très curieuses !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. ... d'ajuster les données de manière plus humaine. Toutefois, Mme Martine Aubry et moi-même le ferons. J'espère que vous n'aurez pas à mettre à exécution les menaces qui pèsent sur la tête de certains personnels non titulaires.
En deuxième lieu, vous évoquez l'hôpital de Mantes-la-Jolie. Il s'agit d'un établissement superbe, qui doit être complété par des réseaux qui le relient à la ville. Si l'hôpital lui-même - aussi belle que soit son architecture, et en l'occurrence la symbolique est plutôt réussie - n'est pas en réseau avec la ville, ce ne sera pas suffisant, car des tâches très précises l'attendent.
Sur ce point, vous avez tout à fait raison d'insister sur la complémentarité des acteurs locaux - les personnels, les syndicats, les élus et les libéraux - et ce que l'on appelle les « réseaux », qui constituent une part de notre avenir même si les espoirs sont parfois excessifs.
Le problème le plus difficile, évidemment, est de savoir comment nous pourrons, compte tenu de cette sécurité dont vous avez parlé, assurer à l'hôpital la possibilité d'être près des gens.
C'est la bouteille à l'encre ; il faut négocier, toujours, pour que ces structures de proximité s'adaptent et se complètent. Vous connaissez des exemples précis où la négociation est engagée depuis longtemps, où les concertations sont efficaces, malgré des crises à répétition. C'est toujours comme cela : on y parvient.
Il faut faire accepter aux praticiens hospitaliers, aux populations, que tout ne soit pas présent à côté d'eux, et vous le savez très bien dans votre région. Mais, en même temps, il faut insister - c'est en quelque sorte votre quatrième question - sur la nécessité de travailler dans le secteur public. Les disparités de salaires sont telles entre secteur privé et secteur public hospitalier qu'il faut être un héros, avoir l'âme chevillée au corps, pour travailler dans le service public.
C'est une véritable quadrature du cercle. Avec le plan Juppé, on s'imaginait qu'en encadrant les dépenses on allait pouvoir redéployer. Mais on ne peut pas tout faire. Si l'on veut restructurer les métiers du service public hospitalier, cela coûtera encore de l'argent. Il nous faut donc attendre parce que l'on ne peut pas dépenser trop, et pourtant il faudrait le faire, notamment dans les spécialités qui nous échappent, en particulier la psychiatrie, l'obstétrique, la radiologie, etc.
M. Gérard Larcher. L'anesthésie !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. J'oublie l'essentiel, l'anesthésie. Sans revalorisation, comment voulez-vous convaincre ces spécialistes de rester dans le secteur public ?
M. Gérard Larcher. C'est vrai !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Vous aurez du travail, monsieur le sénateur !
(M. Paul Girod remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la présidence).

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

Fermeture de la clinique de Choisy-le-Roi