M. le président. M. Auguste Cazalet souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la vive inquiétude suscitée auprès des élus et de la population d'Aquitaine par les lenteurs et atermoiements entourant le projet autoroutier Pau-Bordeaux.
Il lui rappelle que les collectivités territoriales et les acteurs socio-économiques d'Aquitaine ont constamment exprimé leur volonté de voir aménager un itinéraire performant entre Bordeaux et Pau, que les conditions d'échange par la route entre Bordeaux et les principales villes du Sud-Ouest intérieur se sont constamment dégradées et que ce vaste espace central de l'Est aquitain et de l'Ouest pyrénéen n'est irrigué que par de simples routes à deux voies traversant de nombreuses agglomérations.
Or, depuis le choix d'Alain Juppé de concéder cet itinéraire à une société autoroutière, ce projet s'est arrêté à la définition de la bande des 300 mètres. L'incertitude régnant autour de ce dossier devient insupportable : ainsi des maires ne peuvent répondre à des demandes de permis de construire, des entreprises retardent des projets d'investissement. Une remise en cause de ce projet serait non seulement ressentie comme un affront mais aussi comme le non-respect du principe de la continuité républicaine qui, dans un domaine d'intérêt général, devrait s'imposer à tous.
Il lui demande de bien vouloir tout mettre en oeuvre pour que l'A 65 soit réalisée. Il lui demande également de bien vouloir lui indiquer s'il compte étudier l'hypothèse de la réouverture de la ligne ferroviaire Pau-Canfranc, dont il connaît l'intérêt constant et permanent qu'elle suscite en Béarn et en Aragon depuis près de vingt-six ans. (N° 133.)
La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un de mes amis se demandait fort à propos si le Béarn n'était pas le mal-aimé de la circulation routière et ferroviaire. En effet, le flou le plus total entoure les dossiers de l'autoroute Pau-Bordeaux, de la liaison Pau-Oloron, des nécessaires aménagements de la RN 134 permettant l'accès au tunnel du Somport, ou encore de la réouverture éventuelle de la ligne Pau-Canfranc.
Vous le savez, monsieur le ministre, une remise en cause du projet d'autoroute Pau-Bordeaux serait ressentie par les élus et la population d'Aquitaine non seulement comme un véritable affront mais encore comme une violation du principe de la continuité républicaine qui, dans une affaire d'intérêt général, devrait s'imposer à tous.
Depuis le choix d'Alain Juppé de concéder cet itinéraire à une société autoroutière, le projet s'est arrêté à la définition de la bande des 300 mètres.
Les lenteurs et atermoiements que nous constatons ont de quoi inquiéter l'ensemble des personnes concernées. Des maires ne peuvent donner de réponse à des demandes de permis de construire ; des entreprises retardent des projets d'investissement.
Depuis que votre collègue Mme Voynet a demandé de suspendre les études, nous sommes en droit de nous interroger sur le sort qui sera réservé à ce projet.
On entend dire aussi que la direction des routes envisagerait une vaste réforme du financement des autoroutes, qui pourrait déboucher sur la création d'un établissement public dont le financement serait assuré à la fois par le produit des péages et par les crédits de l'Etat.
Quelle que soit la réalité des paroles des uns ou des intentions des autres, les Aquitains, eux, n'attendent qu'une seule chose : que ce projet soit réalisé.
Il serait raisonnable de mettre fin à une situation probablement unique en Europe : celle qui voit un chef-lieu de département dépourvu de toute liaison rapide avec sa capitale, et je parle là sous le contrôle du président du conseil régional.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner les assurances que nous attendons ?
Je crois, par ailleurs, me souvenir que vous n'étiez pas opposé à la réouverture de la ligne Pau-Canfranc. Au demeurant, Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement envisage sérieusement d'étudier cette hypothèse.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses que vous voudrez bien m'apporter, en vous demandant de me préciser le calendrier qui sera appliqué, afin que nous sachions une fois pour toute où l'on va. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour donner une réponse à laquelle tous les Aquitains, y compris le président de séance, seront très attentifs.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je tiens d'abord à vous rassurer : le Béarn n'est pas le mal-aimé du Gouvernement, en tout cas pas du gouvernement actuel !
Je vais m'efforcer de répondre aux différentes questions que vous avez posées.
S'agissant d'abord de la liaison ferroviaire Pau-Canfranc, vous le savez, la ligne est fermée depuis 1970, à la suite d'un accident survenu sur le viaduc de l'Estanguet.
Le coût minimal de son réaménagement a été évalué à plus de un milliard de francs. La mise en place d'une ligne plus performante représenterait, quant à elle, un investissement plus important.
L'intérêt d'une liaison ferroviaire à ce niveau est induscutable. En effet, la réactivation, à moyen terme, de la ligne Pau-Canfranc pourrait permettre d'écouler un trafic fret, notamment par ferroutage. Toutefois, une telle décision ne peut être prise qu'en concertation avec les autorités espagnoles - sinon, à terme, elle perdrait de son efficacité - pour lesquelles le coût de l'investissement est beaucoup plus élevé. Mais nous avons senti, lors du dernier sommet franco-espagnol, une réelle volonté des Espagnols d'activer cette réalisation.
J'en viens maintenant au deuxième aspect de votre question, monsieur le sénateur.
En ce qui concerne le projet d'autoroute A 65, il convient d'abord de noter qu'il n'a pas été inscrit au schéma directeur routier national par les deux précédents gouvernements. Je le dis et je le répète, afin que vous l'entendiez, puisque vous parlez du respect des engagements.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de 1995 avait prévu qu'un grand schéma national devait être présenté au Parlement avant toute modification du schéma des routes et autoroutes. Tel n'a pas été le cas. Ces dysfonctionnements ont conduit le Gouvernement actuel à proposer au Parlement un projet de loi destiné à réformer la loi de 1995 ; la discussion de ce texte interviendra au cours du premier semestre de 1998. C'est ma collègue Dominique Voynet qui vous le présentera.
Ce projet de loi définira des critères précis permettant d'apprécier la pertinence des investissements publics et les schémas de services seront définis dans la foulée.
Les études et concertations relatives au projet d'autoroute A 65 reliant Bordeaux à Pau permettront donc d'envisager son inscription dans les schémas de services.
Pour ce qui est du financement d'une telle opération, je vous rappelle - cela aussi vous le saviez avant le changement de gouvernement et je vous le confirme - aujourd'hui que, à partir du 1er janvier 1998, le système de concession des autoroutes sera modifié à l'échélon européen. On ne pourra plus adosser des tronçons d'autoroutes à des autoroutes existantes qui sont concédées. Il faudra, dans chaque cas, lancer un appel d'offres et mettre sur la table tous les financements publics qu'impliqueront ces réalisations.
Par ailleurs, si on laissait subsister la situation actuelle, étant donné que, souvent, les nouveaux tronçons d'autoroutes sont moins rentables que ceux qui existent déjà, comme on n'aura plus le droit d'adosser ces portions d'autoroutes à des autoroutes concédées, les sociétés autoroutières risquent de se trouver dans une situation d'endettement telle que notre système de financement lui-même se trouverait compromis.
L'endettement actuel est estimé à 120 milliards de francs et, si on laisse les choses aller au fil de l'eau, il s'élèvera à 200 milliards de francs dans les quatre à cinq années à venir.
Par conséquent, quand je vous dis qu'une réflexion s'impose à la fois pour le financement des routes et des autoroutes concédées et non concédées, ce n'est pas une vue de l'esprit ! En effet, compte tenu tant de la réforme qui va intervenir à l'échelon européen que de la situation actuelle, nous sommes obligés d'agir.
Cette réforme des financements sera très difficile à réaliser, car il ne faut pas perdre les avantages du système en vigueur, tout en gardant à l'esprit les problèmes juridiques et réglementaires, qui sont tout à fait réels.
Toutefois, je peux vous assurer, contrairement à ce qui peut se dire ici ou là, que tout cela fera l'objet d'une concertation. Naturellement, le Parlement - et tout particulièrement le Sénat - sera consulté.
Le Gouvernement, soucieux de l'investissement indispensable dans les infrastructures, travaille actuellement à un projet de réforme des financements routiers et autoroutiers.
Il s'agit, pour la liaison A 65 Bayonne-Pau, comme pour plusieurs autres liaisons annoncées mais non financées, d'examiner les conditions de leur réalisation et de promouvoir l'intérêt général dans le cadre d'une bonne gestion des deniers publics.
M. Auguste Cazalet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le ministre, je ne voudrais pas être désagréable avec vous, nous nous connaissons bien. Toutefois, s'agissant de votre réponse au sujet de la liaison Pau-Bordeaux, j'ai envie de vous dire que je ne crois plus au père Noël depuis longtemps.
Je suis encore très pessimiste aujourd'hui et je pense que mes activités politiques seront terminées lorsque cette autoroute verra le jour.
En ce qui concerne la ligne ferroviaire Pau-Canfranc, je pose des questions depuis 1978 - j'en ai posé aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, à chaque législature - et vous êtes le premier ministre a essayer d'être un peu plus explicite que les autres. Mais, là aussi, je perds la foi et, bientôt, je ne croirai plus en rien.
Monsieur le ministre, faites-moi au moins mentir pour l'autoroute Pau-Bordeaux, car, véritablement, j'y perds mon latin (Sourires - M. Pierre Fauchon applaudit.) !

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