M. le président. « Art. 66. - A l'article L. 612-5 du code de la sécurité sociale, après les mots : "les personnes qui commencent ou reprennent", sont insérés les mots : ", avant le 1er janvier 1998,". »
Sur cet article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le devenir de l'aide destinée aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise est quelque peu conditionné par l'article 66 du projet de loi de finances.
Cet article tend, en effet, à mettre un terme à la formule précédente et à développer désormais un autre type d'intervention, fondé à la fois sur le conseil en gestion, au travers du chèque-conseil, dont la dotation est équivalente à ce qui restait du financement de l'ACCRE, et sur la mise en place d'un système d'avances remboursables, au travers des mesures adoptées dans le cadre de la loi instituant les emplois-jeunes. Ce sont donc 240 millions de francs qui vont être ainsi dépensés pour ce type d'action.
Par ailleurs, le dispositif de prise en charge des cotisations sociales demeure pour partie, en étant recadré sur les besoins existants.
Pour notre part, il nous semble important de souligner que la meilleure façon d'assurer la permanence des activités nouvelles créées dans le cadre de ce type de dispositif passe par une autre logique que celle qui consiste à ne prendre en compte que l'aspect « coût du travail ».
Un nouvel entrepreneur est, en effet, d'abord confronté à des coûts d'établissement et d'emprunt, voire à une insuffisance de fonds propres qui nécessitent une intervention publique d'une tout autre nature que celle qui a été jusqu'à présent choisie.
Je retiens que le Gouvernement semble avoir choisi cette voie. Je ne peux manquer de souligner que nous y sommes attentifs et que nous apprécions à sa juste valeur cette réorientation de l'aide aux nouvelles entreprises qui nous amène à réfléchir de manière « expérimentale » sur la nature de l'intervention publique en matière d'emploi.
Je pense même que l'on devrait, à l'avenir, poser en termes nouveaux la question de la dépense publique pour l'emploi qui a trop été perçue, durant ces dernières années, comme portant prioritairement sur les coûts salariaux et pas assez sur les relations de l'entreprise avec son environnement économique et financier.
Cette position nous fait solliciter un examen critique de l'ensemble de la dépense pour l'emploi, dans toutes ses composantes.
Nous devons en particulier, et nous l'avons déjà fait, nous interroger sur les crédits du budget de l'emploi, ceux des charges communes qui y sont consacrés, par exemple les 40 milliards de francs de la ristoune dégressive, sur les exonérations d'impôt sur les sociétés ou encore sur les exemptions de taxe professionnelle motivées par l'emploi.
Cette réflexion est ouverte et nous y participerons dans les mois et les années à venir. Nous voterons donc l'article 66.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-101, M. Gournac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent de supprimer l'article 66.
Par amendement n° II-92, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit l'article 66 :
« Dans le premier alinéa de l'article L. 612-5 du code de la sécurité sociale, après les mots : "par le présent titre", sont insérés les mots : "et dont les revenus au sens de l'article L. 131-6 n'excèdent pas 40 % du plafond de la sécurité sociale". »
La parole est à M. Gournac, pour présenter l'amendement n° II-101.
M. Alain Gournac. Par cet amendement, nous proposons tout simplement de supprimer l'article 66, car chaque fois qu'il nous est proposé une mesure allant à l'encontre de l'emploi, nous devons nous battre pour ne pas l'accepter.
L'exonération à concurrence de 30 % des cotisations d'assurance maladie et maternité des non-salariés au titre des vingt-quatre premiers mois d'activités avait été décidée pour favoriser la création d'entreprises indépendantes. Nous savons tous en effet que, durant les deux premières années, ces entreprises sont confrontées à de grandes difficultés de trésorerie et croulent sous les cotisations à payer. Bien souvent, elles finissent d'ailleurs par disparaître avec toutes les conséquences qui en résultent pour l'emploi.
Il nous est aujourd'hui demandé de supprimer cette disposition, qui avait des effets très positifs. Nous ne sommes pas d'accord, et c'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 66.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° II-92 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° II-101.
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'argumentation développée par M. Gournac est intéressante. La suppression de l'article 66 qu'il propose est tout à fait concevable, pour les raisons qu'il vient d'expliquer. D'ailleurs, du fait du basculement vers la CSG d'une partie des cotisations d'assurance maladie et maternité, le maintien en l'état du dispositif coûterait moins cher en 1998 qu'en 1997, puisqu'il reviendrait à 375 millions de francs contre 700 millions de francs.
Néanmoins, la commission des finances vous propose un dispositif qui ne maintient que partiellement le système actuel et qui repose sur deux arguments.
D'une part, le basculement vers la CSG est une donnée qu'il faut prendre en compte. D'autre part, depuis le début de la discussion, nous avons marqué notre attachement à la maîtrise de la dépense publique ; en outre, nous avons voulu éviter ainsi le maintien éventuel d'effets d'aubaine constatés.
M. Barrot avait proposé un dispositif qui avait d'ailleurs fait l'objet d'un avis favorable en première délibération à l'Assemblée nationale avant d'être rejeté au cours d'une seconde délibération. L'objectif du Sénat est, bien sûr, d'adopter des dispositifs non seulement qu'il souhaite voir appliqués, mais aussi qui aient quelque chance de survivre au terme de la discussion budgétaire.
C'est pourquoi la commission des finances vous propose de réserver le bénéfice de l'exonération aux travailleurs indépendants dont les revenus sont inférieurs ou égaux à 40 % du plafond de la sécurité sociale et pour lesquels le basculement vers la CSG n'entraînera pas nécessairement une augmentation du revenu.
Elle vous suggère une nouvelle rédaction de l'article 66 qui a deux objectifs : le premier est que les créateurs et repreneurs d'entreprises à faibles revenus ne soient pas pénalisés et le second que l'Assemblée nationale ne puisse que l'approuver.
Tel est le sens de l'amendement de la commission des finances. Si M. Gournac voulait bien se rallier à notre position, il contribuerait à la renforcer et cet amendement aurait une chance d'être adopté.
M. le président. Monsieur Gournac, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Alain Gournac. Ayant été totalement convaincu par l'argumentation de M. le rapporteur général, je me rallie à l'amendement n° II-92 et je retire donc l'amendement n° II-101.
M. le président. L'amendement n° II-101 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-92 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. La commission des finances propose, par cet amendement, de supprimer l'article 6 afin, selon elle, de faciliter la création d'entreprises indépendantes.
Il me semble, en toute modestie, qu'à cette question d'une grande importance le Gouvernement apporte une solution qui est plus efficace pour alléger le poids de la cotisation minimale d'assurance maladie des travailleurs indépendants ayant de faibles revenus.
Le premier argument a déjà été avancé par M. le rapporteur général : le basculement des cotisations maladie sur la CSG qui a été prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 1998 permet d'alléger substantiellement le montant de cette cotisation minimale. Elle sera en effet divisée par deux, puisqu'elle passera de 7 500 francs à 3 885 francs. Cette mesure va donc dans le sens que vous souhaitez.
J'y ajouterai le dispositif d'aide aux chômeurs créateurs d'entreprises, que Mme Beaudeau a évoqué, dispositif qui a été récemment étendu par la loi du 16 octobre 1997 aux jeunes.
Ce dispositif est simple et ciblé sur des publics précis. Il présente plus d'intérêt que l'exonération de 30 % de la cotisation minimale d'assurance maladie et maternité puisqu'elle porte sur la totalité des cotisations. Qui plus est, en pratique, 70 % des créateurs d'entreprises individuelles bénéficient de cette mesure.
Si j'ajoute encore l'exonération des cotisations maladie pour les entrepreneurs individuels dans les zones de revitalisation rurale et l'exonération pendant cinq ans de la totalité des cotisations maladie pour les créateurs-repreneurs dans les zones franches urbaines, vous constaterez que les dispositifs en vigueur sont très suffisants. En conséquence, l'exonération de 30 % de la cotisation minimale ne se justifie plus. C'est pourquoi le Gouvernement demande le rejet de cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-92.
M. Marc Massion. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Nous estimons que l'exonération à concurrence de 30 % des cotisations maladie et maternité au titre des vingt-quatre premiers mois d'activité des professions non salariées n'a pas répondu aux espérances qui étaient placées en elle. Elle a, bien entendu, largement profité aux professions libérales qui disposaient de revenus élevés mais elle n'a pas eu d'effet décisif pour les créateurs d'entreprise ayant de faibles revenus.
Nous préférons donc la mise en place du basculement de la cotisation maladie sur la CSG qui profite à tous, salariés ou non-salariés, et qui apporte une meilleure réponse aux travailleurs indépendants qui ne disposent pas encore de ressources suffisantes.
Par ce biais, la cotisation minimale d'assurance maladie à laquelle 40 % des travailleurs non salariés sont soumis diminuera de moitié environ, passant de 7 500 francs à 4 000 francs environ.
Dans ces conditions, l'objectif de cet amendement est atteint et même dépassé. Ceux qui veulent créer une entreprise indépendante et qui ne disposent que de faibles revenus bénéficieront même d'un système plus favorable.
Nous ne voulons pas faire de démagogie à l'égard de telle ou telle catégorie sociale. Nous préférons mesurer les avantages objectifs que l'ensemble des professions indépendantes et des salariés retireront du dispositif issu de la loi de financement de la sécurité sociale.
C'est pourquoi nous appelons nos collègues à rejeter l'amendement n° II-92.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je tiens à rappeler que l'amendement de la commission se justifie par le fait que, malgré le basculement vers la CSG d'une partie des cotisations d'assurance maladie, les travailleurs indépendants, dont les revenus sont compris entre 50 000 et 65 000 francs, verraient leurs revenus baisser si l'exonération de 30 % devait être supprimée. L'amendement que je vous propose d'adopter permet d'y remédier.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-92, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 66 est ainsi rédigé.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1998.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance afin d'examiner les propositions qui nous sont soumises.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-neuf heures quinze).