M. le président. « Art. 65. - I. - Le II de l'article 113 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) est ainsi modifié :
« 1° Les mots : "; elles s'appliquent jusqu'au 31 décembre 1997" sont supprimés ;
« 2° Les mots : "entre les 1er octobre 1996 et 31 décembre 1997" sont remplacés par les mots : "à partir du 1er octobre 1996" » ;
« 3° Les mots : "pendant cette même période" sont remplacés par les mots : "à partir de cette date". »
« II. - Au 5° de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale, les mots : "de l'article L. 241-6-1" sont remplacés par les mots : "des articles L. 241-6-2 et L. 241-6-4, et de l'article 7 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle".
« III. - Les articles L. 241-6-1 et L. 241-6-3 du même code sont abrogés.
« IV. - L'article L. 241-6-4 du même code est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "par dérogation aux dispositions de l'article L. 241-6-1" sont supprimés ;
« 2° Au troisième alinéa, les mots : "versés par les employeurs visés à l'article L. 241-6-1" sont remplacés par les mots : "versés à des salariés dont l'emploi emporte l'obligation édictée par l'article L. 351-4 du code du travail et à des salariés mentionnés au 3° de l'article L. 351-12 du même code, par des employeurs" ;
« 3° Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Elles ne sont pas applicables aux gains et rémunérations versés par les organismes visés à l'article 1er de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.
« Le bénéfice des dispositions du présent article ne peut être cumulé avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale, à l'exception de l'abattement prévu à l'article L. 322-12 du code du travail, ni avec l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou montants forfaitaires de cotisations. »
« V. - L'article L. 241-13 du même code est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "le salaire minimum de croissance majoré de 20 % puis de 33 % à compter du 1er octobre 1996" sont remplacés par les mots : "le salaire minimum de croissance majoré de 30 %" » ;
« 2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le nombre d'heures rémunérées est inférieur à la durée légale ou conventionnelle du travail applicable sur un mois civil, le montant de la réduction est calculé au prorata du nombre d'heures rémunérées au cours du mois considéré. » ;
« 3° Les troisième, quatrième et cinquième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le plafond et le coefficient afférents aux gains et rémunérations égaux ou supérieurs à 169 fois le salaire minimum de croissance peuvent être adaptés pour certaines catégories de salariés relevant de professions soumises à des dispositions spécifiques en matière de durée maximale du travail, sous réserve du respect de ces dispositions, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. »
« VI. - A l'article 1062-1 du code rural, les références : "L. 241-6-1" et "L. 241-6-3" sont supprimées.
« VII. - Aux articles 1062-2 et 1062-3 du même code, les mots : "et jusqu'au 31 décembre 1997" sont supprimés.
« VIII. - A l'article L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale et à l'article 1062-3 du code rural, les mots : "supérieurs à 169 fois le salaire minimum de croissance majoré de 21 % et" sont supprimés.
« IX. - Les dispositions du présent article prennent effet à compter du 1er janvier 1998. Elles sont applicables aux gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 1998 ou, pour les marins salariés, aux services accomplis à compter de cette date. »
Sur cet article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'examen de cet article 65, qui est relatif à l'aménagement de la réduction dégressive des cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires, conduit mon groupe à s'interroger sur deux points.
Il s'interroge tout d'abord sur le bien-fondé de tels allégements de charges, en tentant d'établir une sorte de bilan coût-avantage de cette mesure, ainsi que sur la nécessité de réorienter les aides publiques à l'emploi.
Instauré par le gouvernement de M. Alain Juppé, dispositif phare, le système d'allégement ou d'exonération de charges sociales pesant sur les bas salaires avait pour objet la réduction du coût du travail.
Dans le cadre du « donnant donnant », cette politique des aides à l'emploi affichait comme ambition la création ou le maintien d'emplois peu qualifiés, notamment. Ainsi, étaient exonérés de cotisations sociales les employeurs pour les salaires inférieurs à 133 % du SMIC.
Sur cet objectif de réduction des chiffres du chômage, un constat s'impose : celui de l'échec !
Pour les finances publiques, le coût de cette mesure s'élève à environ 40 milliards de francs, soit l'équivalent de la création de 45 000 emplois environ.
Ces aides représentent une charge très lourde pour l'Etat.
Quant au financement de notre système de protection sociale, précisément de la branche famille, qui, à l'origine, était uniquement alimentée par les cotisations patronales, il a été mis en péril. De plus, les salariés peu qualifiés n'ont aucunement bénéficié de formation ou de hausse de salaire.
Le nouveau gouvernement s'est interrogé sur l'existence de tels allégements. Dans le projet de budget pour 1998, le plafond d'exonération est ramené à 130 % du SMIC et le principe de proratisation pour le temps partiel est rétabli. En abaissant le seuil des salaires concernés, on ralentit le mécanisme d'allégement des charges sociales ; toutefois, le système n'est pas totalement remis en cause.
Au cours du débat budgétaire, alors qu'elle défendait les crédits de son ministère, Mme Aubry nous a dit son intention de déposer sur le bureau du Parlement un rapport qui ferait le point de l'ensemble des aides à l'emploi. Nous souhaitons que ce rapport nous permette de réorienter ces aides.
En effet, il nous semble que, dès cette année, par l'intermédiaire de la loi de finances, il aurait été possible de freiner beaucoup plus, voire d'interrompre ce mouvement d'allégement des charges sur les salaires. Vous le savez, il faut réorienter ces aides publiques à l'emploi dans le secteur privé.
Pour notre part, nous ne prônons pas leur arrêt brutal. Nous dénonçons seulement leur manque d'efficacité, leur excès dû principalement au fait qu'elles s'inscrivent dans les objectifs patronaux de flexibilité, de réduction du coût du travail, conduisant au développement de la précarité.
Nous ne sommes d'ailleurs pas totalement persuadés que les aides aient vraiment servi en priorité à l'emploi, à la progression des salaires et à l'amélioration de la qualification.
Aux réductions des charges, monsieur le secrétaire d'Etat, nous préférons les aides publiques qui serviraient en quelque sorte à bonifier les crédits d'entreprises réellement créatrices d'emplois, assurant une modulation des taux d'intérêt jusqu'à un taux négatif. Vous le voyez, nous voulons des aides à l'emploi plus efficaces et plus encadrées.
M. le président. Par amendement n° II-154, M. Souplet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent, au II de l'article 65, de remplacer les mots : « des articles L. 241-6-2 et L. 241-6-4 » par les mots : « de l'article 1062-3 du code rural ».
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Les exonérations des cotisations d'allocations familiales consenties, au titre de l'emploi de main-d'oeuvre, aux entreprises situées en zones de rénovation rurale, aux termes de l'article L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale, aux entreprises nouvelles au sens fiscal, selon l'article 7 de la loi quinquennale, et aux exploitants assujettis au régime agricole sur la base de la surface minimum d'installations, selon l'article 1062-3 du code rural, introduites par l'article 113 de la loi de finances pour 1996 procèdent, en matière de modalités de calcul, de l'application de règles identiques.
Il importe que le coût intégral de ces exonérations soit compensé par le budget de l'Etat, comme le prévoit l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale inséré par la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994, afin de garantir les ressources de la caisse nationale des allocations familiales.
La rédaction actuelle de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale relatif aux ressources de cet organisme prévoit la compensation par le budget de l'Etat des seules exonérations accordées au titre de l'article L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale et de l'article 7 de la loi quinquennale.
Il convient d'adopter le même principe s'agissant de l'exonération mise en oeuvre par l'article 1062-3 du code rural.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement de précision.
En effet, si nous avons bien compris, les dispositifs se sont un peu superposés et on peut se poser des questions sur leur application.
La commission souhaite entendre la réponse du Gouvernement et, si cette réponse apaisait les inquiétudes de M. Machet, elle conseillerait à celui-ci de retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter , secrétaire d'Etat. Cet amendement pose le problème de la compensation des exonérations de cotisations d'allocations familiales consenties aux exploitants assujettis au régime agricole.
Il est vrai que les salariés agricoles ouvrent droit, pour les entreprises qui les emploient à deux types d'exonération de cotisations d'allocations familiales suivant la zone où est située l'entreprise.
Si l'entreprise est située dans une zone de revitalisation rurale - les ZRR -, cette exonération, totale jusqu'à 1,5 SMIC, est intégralement compensée par le budget de l'Etat, qu'il s'agisse de salariés d'exploitants ou de non-exploitants.
En dehors de ces zones, et pour les seuls salariés non occasionnels des exploitants agricoles cette exéonération, totale jusqu'à 1,5 SMIC et de moitié entre 1,5 et 1,6 SMIC, est partiellement compensée selon les règles applicables à l'ensemble des entreprises pour les salaires allant jusqu'à 1,3 SMIC.
Pour les salaires compris entre 1,3 et 1,6 SMIC, il a été considéré que cette mesure était compensée par le passage de l'assiette cadastrale à l'assiette réelle pour les cotisations d'allocations familiales des salariés des exploitants. J'admets bien volontiers que ce système est assez compliqué.
Ainsi, la mise en oeuvre concomitante des mesures d'exonération et de la réforme de l'assiette permet d'assurer une totale neutralité pour les comptes de la branche famille et garantit les ressources de la caisse nationale des allocations familiales, principe auquel le Gouvernement est, comme vous, attaché.
Je pense, monsieur le sénateur, que ma réponse doit vous donner satisfaction. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, sinon je serai obligé de m'y opposer.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Compte tenu des explications données par le Gouvernement, qui éclairent l'application des différents dispositifs, explications qui n'étaient pas inutiles - M. le secrétaire d'Etat a bien voulu admettre que les choses étaient compliquées -...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Alain Lambert, rapporteur général. ... je pense que notre collègue Jacques Machet a satisfaction. Je lui conseille donc de retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Machet, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Machet. Compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, je le retire.
M. le président. L'amendement n° II-154 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-91 est présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-155 est déposé par MM. Arnaud, Badré et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent à supprimer le 1° du V de l'article 65.
Par amendement n° II-137, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le texte présenté par le 1° du V de l'article 65 pour modifier le premier alinéa de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, de remplacer le taux : « 30 % » par le taux : « 25 % ».
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° II-91.
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'article 65 est un article très important. Il aménage le dispositif de ristourne dégressive fusionnée des cotisations sociales sur les bas salaires.
Je rappelle que cette ristourne est maximale pour les salaires égaux au SMIC - elle atteint alors 1 210 francs - et qu'elle diminue ensuite jusqu'aux salaires égaux à 1,33 SMIC, pour lesquels l'avantage devient nul. Elle concerne, aujourd'hui, mes chers collègues, près de cinq millions de salariés.
L'article 65 a trois objets principaux.
En premier lieu, il pérennise le dispositif : en deuxième lieu, il ramène au prorata du temps travaillé l'avantage de la ristourne - cette mesure permet 4 milliards de francs d'économie pour le budget de l'Etat ; en troisième lieu, il ramène le plafond des salaires concernés de 1,33 à 1,3, ce qui permet une économie de 2,1 milliards de francs.
Pour être exhaustif, je me dois de signaler que le Gouvernement s'apprête, par décret, à geler le SMIC au niveau de 1997 pour calculer les ristournes applicables en 1998, ce qui permet encore une économie de 400 millions de francs.
La commission des finances estime que la politique d'allégement sur les bas salaires a permis, selon les documents actés par la conférence internationale sur l'emploi et les salaires du 10 octobre 1997, de défendre l'emploi peu qualifié dans un contexte défavorable.
C'est pourquoi elle propose de rétablir à 1,33 SMIC le plafond des salaires concernés par la ristourne dégressive, afin de ne pas freiner une des mesures pour l'emploi qui lui semble des plus utiles parce qu'elle touche au coût du travail peu qualifié, qui est excessif dans notre pays.
MM. Alain Gournac et Michel Mercier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° II-155.
M. Philippe Arnaud. M. le rapporteur général a parfaitement exposé l'objet de cet amendement.
J'ai entendu tout à l'heure les explications de Mme Beaudeau avec beaucoup d'intérêt, mais je dois dire que je suis extrêmement inquiet quant aux conclusions qu'elle tire. Ce n'est pas surprenant, d'ailleurs, puisque ses prises de position sont fondamentalement opposées aux nôtres.
Madame, dans le domaine de l'emploi, il y a urgence. Je crois que le Gouvernement l'a montré en sollicitant la possibilité de créer rapidement de nouveaux emplois pour les jeunes.
S'il est vrai que ces dispositifs sont modestes dans leurs effets, il n'en reste pas moins que cinq millions de salariés sont touchés et, si les résultats sont modestes, c'est peut-être parce que l'aide est modeste.
Il est certain que, si l'Etat prend en charge la quasi-totalité des salaires augmentés des charges sociales pour les nouveaux emplois, les chances de succès seront plus grandes.
Cela dit, je crois que l'objectif recherché par le Gouvernement est bien de permettre aux jeunes qui sont concernés de s'orienter, dans les cinq ans à venir, vers le secteur privé, vers le secteur marchand, et de faire en sorte que ces emplois soient pérennisés et donc solvabilisés.
En ce moment, nous traitons d'emplois qui existent dans le secteur marchand, surtout dans les toutes petites entreprises, puisqu'il s'agit des bas salaires et d'emplois non qualifiés.
Faisons en sorte de maintenir ces emplois ! Faisons en sorte que ces salariés peu qualifiés ne se retrouvent pas à la rue, à cause de charges trop lourdes !
M. le président. La parole est à M. Pagès pour défendre l'amendement n° II-137.
M. Robert Pagès. M. Arnaud ne sera pas étonné que je ne partage pas son point de vue.
En effet, l'amendement n° II-137 vise à réduire encore un peu plus le taux de prise en charge par le budget de l'Etat,...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Quelle erreur !
M. Robert Pagès. ... au titre du chapitre 44-75 du budget des charges communes, des cotisations sociales dues normalement par les entreprises pour ce qui concerne les prestations familiales.
Ce dispositif est d'un coût élevé - plus de 40 milliards de francs - et nous nous interrogeons sur sa portée réelle.
Evidemment, nous aurons l'occasion de revenir sur cette question à propos de la discussion des amendements n°s II-91 et II-155, qui visent, à la surprise générale, à majorer les dépenses publiques de 6,5 milliards de francs.
Cette proposition pourrait paraître surprenante, venant de la commission des finances qui a déployé depuis deux semaines toute son énergie et les moyens informatiques les plus modernes pour réduire les dépenses publiques au travers d'amendements divers et variés de réduction des crédits des titres III et IV.
Passons sur cet épiphénomène qui montre simplement que la majorité sénatoriale peut réhabiliter la dépense publique quand elle tombe dans l'escarcelle des entreprises et la condamner quand elle concerne les ménages ou les salariés. (Protestations sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Revenons à l'essentiel : la question de l'efficacité même de la ristourne dégressive.
Qu'ont donc fait les entreprises de cette ristourne dégressive, qui, depuis le vote de la loi quinquennale sur l'emploi en décembre 1993, a coûté au budget de l'Etat, d'abord 9 milliards de francs, puis 17 milliards de francs, puis encore 36 milliards de francs et, désormais, 42 milliards de francs ?
En quatre ans, ce sont près de 105 milliards de francs qui ont été ainsi mobilisés par cette ristourne dégressive, c'est-à-dire le produit d'une année moyenne sur la période de l'impôt sur les sociétés.
A quoi ont donc bien pu servir ces sommes considérables ?
Ont-elles servi à augmenter les salaires plus que la croissance du produit intérieur brut ne le permettait ?
Apparemment ce n'est pas le cas, puisque la part des salaires dans la valeur ajoutée était, à la fin de 1996, la même qu'en 1993. Cette part des salaires dans la valeur ajoutée est même largement inférieure à celle des années 1981-1982 et elle est de trois points inférieure au taux atteint en 1970.
Il y a, en revanche, deux domaines dans lesquels ce processus d'allégement du coût du travail, selon la terminologie en vigueur, a pu jouer.
C'est d'abord celui de la réduction des intérêts dus par les entreprises non financières auprès des établissements de crédit, même si l'essentiel de cet allégement est plutôt imputable à la réduction du niveau des investissements productifs et à la baisse globale des taux d'intérêt.
C'est surtout celui de l'accroissement des dividendes versés, qui ont crû, entre 1993 et 1996, de près de 100 milliards de francs, selon une moyenne annuelle de 7 % à 8 %, représentant un montant assez proche de celui du cumul de l'allégement des cotisations familiales.
Cette politique d'allégement du coût du travail n'a donc pas eu, de notre point de vue, d'effets positifs sur l'emploi et l'investissement et son produit a, selon toute vraisemblance, été utilisé ailleurs que là où le besoin s'en faisait effectivement sentir.
Nous pensons donc qu'il faut donner à la dépense publique sur l'emploi un contenu différent de celui qu'elle a eu jusqu'ici.
Voilà pourquoi nous approuvons les termes de l'article 52 du présent projet de loi, qui institue le crédit d'impôt pour création d'emplois, et nous sommes plus que réservés sur le maintien de l'« abattement famille » au niveau fixé par l'article 65.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite donc à adopter notre amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-137 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il est très défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s II-91 et II-155, ainsi que sur l'amendement n° II-137 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement pourrait être dans une situation confortable, à mi-chemin entre deux propositions opposées. En effet, M. le rapporteur général et M. Arnaud proposent de porter le plafond à 1,33 fois le SMIC, alors que M. Pagès, après que Mme Beaudeau eut développé l'idée selon laquelle il vaut mieux aider directement les entreprises que de leur consentir des réductions de charges, a milité pour un plafond de 1,25 fois le SMIC.
Je voudrais justifier devant la Haute Assemblée le traitement que le Gouvernement a appliqué à la ristourne dégressive et, par là même, dissiper un certain nombre d'idées fausses.
Dans la mesure où le Gouvernement propose de ramener le plafond de la ristourne dégressive de 1,33 à 1,30 fois le SMIC, vous pourriez considérer qu'il souhaite réduire autant que faire se peut la portée de cette mesure. Mais il faut se souvenir que, le 1er juillet 1997, le SMIC a été revalorisé de 4 % et que, de ce fait, pour une entreprise, le plafond passe de 8 521 francs au premier semestre de 1997 à 8 663 francs en 1998.
Par conséquent, il s'agit simplement pour le Gouvernement d'accompagner la revalorisation du SMIC.
Pour se convaincre de la confiance, fût-elle mesurée, que le Gouvernement place dans le dispositif des exonérations de cotisations sociales pour la main-d'oeuvre non qualifiée, il suffit de constater que l'ensemble des sommes consacrées aux allégements de charges atteignent, dans le présent projet de loi de finances, 44,1 milliards de francs, en hausse de 2,3 % par rapport au budget de 1997, ce qui n'est pas négligeable.
Ainsi, en la matière, le Gouvernement a adopté une attitude prudente : il a tenu compte de la hausse du SMIC sans remettre fondamentalement en cause le dispositif.
En revanche, le Gouvernement s'est attaché à faire en sorte qu'une économie soit réalisée pour certains salariés travaillant à temps partiel.
En tout cas, le Gouvernement souhaite observer la situation pendant un an encore pour voir si le principe d'allégement des charges pesant sur le travail peu qualifié débouche enfin sur des résultats concrets.
Jusqu'à présent, les études n'ont pas fait apparaître de résultats particulièrement tangibles, mais il se peut que la médiocrité de la croissance française depuis six ans n'ait pas permis aux entreprises de profiter pleinement de ce dispositif d'exonération.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement estime qu'il est sage de s'en tenir au taux de 1,30 fois le SMIC et demande le rejet des trois amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-91 et II-155.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. En fait, ces deux amendements visent à maintenir en l'état la ristourne dégressive sur les cotisations d'allocations familiales normalement dues par les entreprises.
Ce dispositif est aujourd'hui particulièrement coûteux puisqu'il donne lieu à une dépense budgétaire représentant 40 milliards à 42 milliards de francs, c'est-à-dire bien plus que les sommes dévolues à de nombreux budgets civils.
Il présente, en outre, le défaut essentiel d'être en quelque sorte annexé au budget des charges communes et donc gagé par l'émission de titres de dette publique, obligations ou bons du Trésor.
Il a cependant un avantage : celui de mettre en évidence la persistance dans notre pays de niveaux de rémunération manifestement inadaptés à la réalité de la production de richesses.
D'ailleurs, dans l'objet de l'amendement n° II-155, nos collègues du groupe centriste indiquent que cinq millions de salariés du secteur privé sont concernés par l'application de ce dispositif d'allégement des cotisations.
Au demeurant, il y a là, si j'ose dire, « tromperie sur la marchandise » car, en réalité, ce ne sont pas les salariés qui sont concernés : ce sont les entreprises qui bénéficient, à proportion des effectifs entrant dans le champ du dispositif, d'une remise particulièrement importante sur leurs cotisations.
Dans les faits, la ristourne dégressive est d'un montant égal au quart des cotisations normalement dues par les entreprises, ce qui nous donne à penser que, si l'on décidait demain de porter le taux de prélèvement de 5,4 % à 4,1 % environ, on serait dans une situation tout à fait identique.
Quoi qu'il en soit, il convient de poser une question fondamentale : les emplois qui sont concernés par l'application de la ristourne dégressive sont-ils, oui ou non, des emplois peu qualifiés ?
Nous pensons, nous, qu'une part essentielle des emplois concernés exige un certain niveau de qualification que le niveau de la rémunération offerte au salarié ne prend pas véritablement en compte, ce qui traduit la pression sur les salaires, laquelle a, depuis plusieurs années, des effets négatifs sur la demande intérieure et réduit d'autant les débouchés de nos entreprises.
La ristourne dégressive est donc vécue plutôt comme une aubaine par les entreprises, dont la politique salariale se trouve ainsi justifiée.
J'observe d'ailleurs que les salariés gagneraient en compréhension du dispositif si leur employeur avait le bon goût de leur préciser, notamment à l'occasion des négociations salariales annuelles, le montant de la ristourne dont il bénéficie.
L'existence de ce dispositif a, enfin, un effet pervers bien connu : il encadre très strictement les perspectives de promotion interne des salariés, car l'entreprise rechigne à perdre le bénéfice de la ristourne.
La ristourne crée donc les conditions d'une stagnation des qualifications et des rémunérations qui engendre un modèle social inadapté aux exigences du temps.
Mes chers collègues, nous ne relancerons pas la machine économique avec des salariés sous-payés, aux qualifications et aux acquis professionnels non reconnus.
Nous pensons que, si l'Etat doit intervenir dans le champ de l'emploi, il convient qu'il le fasse selon d'autres modalités que celles que nous critiquons ici.
Nous voterons donc contre les amendements n°s II-91 et II-155.
M. René Régnault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Approuvant la solution proposée par le Gouvernement, nous voterons contre ces deux amendements, qui ne nous paraissent d'ailleurs pas en cohérence avec le souhait de la majorité sénatoriale de voir diminuer les dépenses de l'Etat.
En effet, l'adoption de ces amendements entraînerait mécaniquement l'augmentation de la compensation que l'Etat doit verser annuellement aux organismes de sécurité sociale.
Nous nous y opposons donc, au premier chef, au nom du souci de ne pas augmenter le déficit budgétaire, et nous manifestons là, me semble-t-il, une cohérence plus grande que nos collègues de la majorité sénatoriale.
Par ailleurs, nous estimons qu'il ne doit plus y avoir, comme par le passé, de croissance exponentielle des exonérations de charges sociales sans contrepartie en termes de créations d'emplois. Sinon, à quoi cela sert-il ? Nous le savons, ces exonérations généreusement distribuées ont trop souvent suscité des effets d'aubaine, les employeurs embauchant des salariés dont ils avaient en toute hypothèse besoin, mais profitant du système pour en reporter le coût sur la collectivité nationale.
Il en résulte que cela ne produit aucune ressource nouvelle pour l'Etat, ni de cotisations supplémentaires pour la sécurité sociale, ni un surcroît de consommation. Il s'agit donc d'une opération à fonds perdus.
S'agissant plus particulièrement des exonérations de charges sur les bas salaires, ce système coûte aujourd'hui environ 40 milliards de francs par an. Il concerne six millions de salariés, et les experts estiment qu'il aurait permis la création nette de 40 000 emplois. Dès lors, le moment n'est-il pas venu, alors que notre pays compte encore trois millions et demi de chômeurs, selon le bureau international du travail, de réfléchir à l'efficacité d'une mesure aussi onéreuse ?
Est-il normal que les contribuables continuent à soutenir ainsi certaines activités, alors que, on le sait fort bien, les emplois dans ces secteurs - je pense notamment à la grande distribution - sont précaires, que le temps partiel y est couramment subi et que les marges dégagées par ces entreprises sont néanmoins les plus importantes de toute notre économie ?
Il est donc nécessaire de remettre tout cela à plat et d'étudier des modalités mieux adaptées, profitant, certes aux entreprises, qui doivent demeurer compétitives, mais aussi aux salariés, en termes de conditions de travail.
Le Gouvernement agit sagement en décidant de maintenir la dotation pour la ristourne dégressive à 40 milliards de francs, ce qui est déjà tout à fait considérable, et en proposant d'étudier, dès l'année prochaine, une modification de l'assiette des cotisations patronales de sécurité sociale.
Nous devons avoir le double souci de ne pas pénaliser le travail des salariés les moins qualifiés et de ne pas pénaliser les entreprises qui les emploient, mais nous devons aussi veiller, en tant que garants de l'intérêt général - ce qui dépasse la seule économie - à ne pas faire subventionner par le budget de l'Etat la baisse des salaires et la précarité.
Dès cette année, le Gouvernement s'est engagé dans la voie de l'amélioration du pouvoir d'achat des salariés par le transfert des cotisations maladie vers la CSG. Il appartient maintenant aux entreprises, particulièrement à l'occasion de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, de percevoir les fruits des avantages consentis par la nation, mais aussi de savoir innover, pour mieux produire et mieux motiver leurs salariés.
En conséquence, mes chers collègues, nous vous invitons à voter, comme nous, contre les amendements identiques de la commission et du groupe de l'Union centriste.
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Je viens d'entendre évoquer un possible effet d'aubaine. L'effet d'aubaine est certain s'agissant des emplois qui ont été mis récemment à la disposition des collectivités ou des associations.
M. René Régnault. C'est une bonne chose pour les collectivités locales !
M. Philippe Arnaud. Je suis moi-même élu local et j'ai, certes, entendu trop de mes collègues avouer dans les couloirs cet effet d'aubaine. Il est d'ailleurs tout à fait compréhensible dès lors que l'on finance quasiment 100 % de l'emploi considéré.
Je suis d'accord avec Mme Beaudeau lorsqu'elle affirme que l'imporant est de relancer la machine économique, mais je ne suis pas sûr que ces nouveaux emplois publics, parapublics ou associatifs soient bien de nature à favoriser cette relance.
La machine économique ne sera relancée que par les entreprises, singulièrement par des petites entreprises. Je vous appelle d'ailleurs à ne pas faire l'amalgame entre les grandes entreprises dont les capitaux seraient détenus par quelques grands messieurs qui feraient des profits sur le dos des salariés. (Murmures sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Ce temps est révolu !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous êtes naïf, mon cher collègue !
M. Philippe Arnaud. Il y a des millions de petits artisans, de petits commerçants, qui sont effectivement les employeurs...
M. Alain Gournac. Exactement !
M. Philippe Arnaud. ... de main-d'oeuvre souvent peu qualifiée,...
M. Jean Grandon. Tout à fait !
M. Philippe Arnaud. ... et heureusement que ces entreprises sont là !
(M. Jacques Machet applaudit.)
Par conséquent, toute mesure d'allégement des charges permettant à ces nombreuses petites entreprises de se maintenir, de conserver leurs salariés, voire d'en embaucher - même si les effectifs demeurent nécessairement modestes, est bienvenue.
C'est pour cette raison que je persiste à demander au Sénat d'adopter mon amendement en même temps que celui de la commission des finances.
M. René Régnault. Vous demandez à l'Etat de payer les emplois !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je ne voudrais pas empêcher notre excellent collègue Robert Pagès de se joindre à la proposition de la commission des finances et de Philippe Arnaud. Il s'est trompé, me semble-t-il, sur l'évaluation de nos propositions : il les a chiffrées à 6,5 milliards de francs, alors qu'il s'agit de 2,1 milliards de francs. Cette précision lui permettra sûrement de réviser sa position et de se rallier à notre proposition.
Tout à l'heure, notre collègue René Régnault a évoqué le problème de la cohérence. Je souhaite lui dire que la cohérence de la majorité sénatoriale a été totale et continue tout au long de la discussion budgétaire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. C'est vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau. On vous le reconnaît, monsieur le rapporteur général !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Nous n'avons jamais voulu esquiver les vrais débats. Nous n'avons jamais cherché de prétextes pour constater nos désaccords.
Vous voulez soutenir l'emploi par la création d'emplois publics.
M. René Régnault. Par l'émergence d'entreprises nouvelles !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Nous ne le voulons pas ! Nous pensons que les emplois publics détruisent les emplois privés. (Très bien ! et applaudissements ur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Par conséquent, il est clair que le choix du Sénat est celui de l'emploi privé.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. René Régnault. Payé par l'Etat !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il est indispensable que les emplois à bas salaire puissent être aidés. Madame Beaudeau, il s'agit de soutenir non pas les entreprises, mais ceux qui, dans ce pays, offrent des emplois ! L'erreur fondamentale que vous commettez est de penser que l'on puisse inventer des emplois sans entreprises.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Personne ne connaît d'emploi sans entreprise, à défaut de l'emploi public payé par les contribuables ! Ce n'est pas la voie que nous voulons pour la France ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-91 et II-155, repoussés par le Gouvernement.

(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-137 n'a plus d'objet.
M. Robert Pagès. Dommage !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 65, ainsi modifié.

(L'article 65 est adopté.)
(M. Jean Delaneau remplace M. Michel Dreyfus-Schmidt au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU,
vice-président

Article 65 bis