M. le président. « Art. 58. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1768 quater ainsi rédigé :
« Art. 1768 quater . _ Toute personne, organisme ou groupement qui délivre irrégulièrement des certificats, reçus, états ou attestations permettant à un contribuable d'obtenir une déduction du revenu ou du bénéfice imposables, ou une réduction d'impôt, est passible d'une amende fiscale égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur ces documents.
« Cette amende est établie et recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes garanties et privilèges que ceux prévus pour l'impôt sur le revenu. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cet impôt.
« Les dirigeants de droit ou de fait des personnes morales émettrices des documents mentionnés au premier alinéa, qui étaient en fonction au moment de la délivrance, sont solidairement responsables du paiement de l'amende, si leur mauvaise foi est établie. »
Par amendement n° II-88 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 1 768 quater à insérer dans le code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« Le contribuable ne fait pas l'objet d'un redressement si aucune collusion n'est établie entre lui et la personne, l'organisme ou le groupement ayant délivré les documents mentionnés à l'alinéa précédent. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. La commission des finances a tenu compte des arguments présentés par le Gouvernement en faveur de l'insertion dans le code général des impôts d'une amende fiscale à l'encontre de toute personne, organisme ou groupement qui délivre irrégulièrement des attestations de versement ouvrant droit à réduction ou déduction d'impôt.
Dans le cadre de la législation en vigueur, l'administration fiscale ne dispose en effet, face à une telle situation, que d'une seule possibilité : opérer un redressement à l'égard du contribuable qui a bénéficié de cette réduction d'impôt et appliquer un intérêt de retard.
Selon la commission, le système proposé ne doit pas autoriser l'administration à sanctionner et le contribuable et la personne ou l'institution qui a délivré l'attestation.
L'amendement vise à préciser que, si le contribuable est de bonne foi, il ne fera pas l'objet du redressement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne suis pas favorable à cet amendement, qui risque d'être interprété par les donateurs indélicats au détriment de l'intérêt général.
Il ne me semble pas opportun d'inscrire cette règle dans la loi et de s'interdire ainsi tout recours à l'encontre des contribuables sauf dans l'hypothèse de collusion entre ces derniers et l'organisme qui délivre les certificats, d'autant que cette collusion serait difficile à prouver.
De plus, le taux de 25 % qui est proposé est inférieur à certains taux de déduction ou de réduction applicables en la matière. Il existe, par exemple, une réduction de 50 % pour certains dons. Dès lors, l'application des seules amendes ne permettrait pas au Trésor de compenser la totalité du préjudice qu'il a pu subir.
Il m'apparaît donc nécessaire de conserver la possibilité d'effectuer des redressements, uniquement dans les cas qui le méritent.
En résumé, monsieur le rapporteur général, je ne serais pas opposé à un dispositif restreignant les facultés de redressement de l'administration dans l'hypothèse que vous visez, mais il me semble que la limitation au cas de collusion est trop restrictive.
Je demande donc au Sénat de rejeter l'amendement qui lui est proposé.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-88 rectifié.
M. Michel Sergent. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Cet amendement tend à supprimer, pour le contribuable, tout redressement à la suite de la délivrance d'une fausse attestation, puisqu'en fait il conviendrait que l'administration démontre une collusion entre l'organisme et lui, ce qui alourdit la procédure et la rend aléatoire.
Si je souscris à l'idée d'une véritable réforme permettant aux associations de ne plus être dans la situation juridico-fiscale fragile où elles sont actuellement, je souhaiterais rappeler ici que cette mesure va avoir beaucoup d'importance pour d'autres secteurs que le secteur associatif.
Je veux parler, en particulier, du secteur de l'assurance. Nous savons que, depuis plusieurs années, depuis que l'avantage fiscal à l'entrée a été supprimé pour la plupart des contrats, de nombreuses fraudes ont été constatées, notamment par le biais de fausses attestations portant des mentions antidatées, permettant ainsi aux bénéficiaires de conserver leur avantage fiscal.
La mesure sur l'assurance-vie qui est prévue dans ce projet de budget nous fait craindre à nouveau ce genre de pratique.
Si l'amendement n° II-88 rectifié était adopté, sauf à démontrer, pour chaque cas, la collusion, les contribuables qui sont les bénéficiaires de ces cas précis seraient exemptés. Cela n'est pas juste, puisque ce type de malversation d'écriture leur profite au premier chef.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. A l'occasion de l'examen de cet article 58 du projet de loi de finances, nous nous posons plusieurs questions.
Nous sommes évidemment favorables, par principe, à toute mesure qui permet de lutter contre la fraude fiscale, d'autant que la grande complexité à laquelle est parvenue notre législation favorise, notamment sous la forme de l'évasion fiscale, le développement de la fraude.
Il est, hélas ! quelques professionnels de la gestion comptable d'entreprise ou d'association qui utilisent régulièrement les multiples possibilités offertes par notre législation pour dissimuler des montants plus ou moins importants de droits à payer, et cette situation est regrettable.
Je pense, par exemple, aux abus auxquels a donné lieu l'application des dispositions relatives au crédit d'impôt-recherche, au crédit d'impôt-formation, ou encore aux dispositions prévues à l'article 44 sexies du code général des impôts relatif à l'exonération temporaire d'impôt sur les sociétés.
Mais, bien entendu, l'une des questions qui nous est posée est celle de l'impôt sur le revenu, notamment de l'ensemble des justificatifs que les particuliers doivent fournir à l'appui de leur demande pour bénéficier d'une réduction d'impôt définie aux articles 199 quater à 200 du code général des impôts.
Cela peut porter, par exemple, sur les frais réels déclarés par certains salariés. Force est de constater, dans ce cadre, que la rédaction de l'article 58 pose quelques problèmes. Il est à craindre, en effet, que son interprétation ne génère un contentieux important.
La bonne foi tant du contribuable que de l'organisme, de l'association, du groupement ou de l'entreprise délivrant le certificat concerné sera, en effet, parfois difficile à prouver et nous pouvons redouter quelques abus dans l'application du droit fiscal.
Nous vous saurions gré, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir nous assurer que la mesure définie à l'article 58 sera appliquée de manière équitable et en conformité avec l'intention du législateur, quitte à s'en prémunir par la voie d'une circulaire auprès des services fiscaux.
Nous ne voterons évidemment pas l'amendement de la commission des finances, qui nous semble d'une interprétation et d'une application délicates, mais nous attendons de vous des précisions sur la nature des procédures mises en oeuvre dans le cadre de cet article 58. En effet, nous ne souhaitons pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que cet article crée des difficultés aux salariés qui demandent à bénéficier des frais réels.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Les explications de vote que nous venons d'entendre, et plus encore l'explication fournie par M. le secrétaire d'Etat voilà un instant, m'amènent à rappeler la préoccupation de la commission des finances, qui n'est pas opposée à celle du Gouvernement.
Il est écrit dans le commentaire de l'article 58 figurant dans le rapport et qui a été lu en détail par certains de nos collègues que ce dispositif n'est acceptable que s'il n'entraîne pas systématiquement une double sanction et du contribuable et de la personne ou de l'organisme délivrant irrégulièrement un certificat.
Or, le texte adopté par l'Assemblée nationale ne mentionne nulle part le fait que l'introduction de cette demande conduit à ne plus opérer de redressement sur le contribuable de bonne foi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dès lors que votre réponse éclairerait de manière non équivoque et non ambiguë ceux qui auront à appliquer la loi, nous pourrions trouver un accord, tant il est vrai que la commission partage la préoccupation du Gouvernement.
Ce qui compte, c'est que le contribuable de bonne foi ne soit pas victime de tracasseries.
Prenons un exemple : un contribuable reçoit de bonne foi des certificats d'une association déclarée d'utilité publique ou d'une fondation qui lui ont fait croire qu'il peut bénéficier d'une réduction ou d'une déduction fiscale ; il ne s'est pas assuré que ladite association ou ladite fondation remplissait toutes les conditions.
Ce qui compte, c'est que le contribuable soit clairement informé. Si le Gouvernement pouvait nous donner tous apaisements à cet égard, la commission des finances serait prête à s'en remettre à son avis.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je voudrais tenir des propos rassurants, d'abord à destination de M. Loridant. Il est clair que le dispositif proposé ne concerne en rien les justificatifs délivrés en vue de déduire les frais professionnels des salariés, qui sont donnés par le contribuable sous sa propre responsabilité : kilométrages parcourus, achats de vêtements, etc.
Vous craignez, monsieur le sénateur, que cet article 58 ne dissuade les salariés d'être taxés aux frais réels. Votre crainte n'a pas lieu d'être.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, dans la plupart des cas, le dispositif proposé par le Gouvernement n'entraînera pas de doubles sanctions. Je peux vous confirmer que les contribuables de bonne foi ne sont pas - et ne sont d'ailleurs jamais - inquiétés en cas d'attestation inexacte.
Je ne sais pas si cette confirmation est de nature à vous rassurer, mais elle est claire. Dans ces conditions, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-88 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 58, ainsi modifié.

(L'article 58 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 58