M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports et le logement : V. - Tourisme.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en ce dimanche soir, nous voici réunis pour une séance « de tourisme » en ce beau palais du Luxembourg.
L'examen du budget du tourisme pour 1998 est l'occasion de rappeler que, si la France a une longue histoire, digne de tous les voyages, elle est aussi une grande puissance touristique. Encore faut-il qu'elle le demeure. Il n'y a pas, en la matière, de situation acquise.
Après un début difficile, la saison d'été 1997 se présente bien. Elle s'annonce un peu moins bonne quant à la fréquentation française, qui connaît un certain tassement, sans doute révélateur d'un approfondissement de la crise sociale. En revanche, les résultats sont excellents en ce qui concerne la clientèle étrangère.
On note que les régions qui ont bénéficié tout particulièrement de la hausse de la clientèle étrangère au mois d'août ont été l'Auvergne, la région Rhône-Alpes, le Nord - Pas-de-Calais ainsi que la ville de Paris.
L'excédent de notre balance touristique pour 1997 devrait, en conséquence, être important.
Au cours du premier semestre de 1997, les recettes internationales ont représenté 73,4 milliards de francs, contre 65 milliards de francs lors du premier trimestre de 1996, soit une progression de 13 %.
Les dépenses des touristes français ont également progressé, mais plus faiblement, puisqu'elles s'élèvent à 42,6 milliards de francs au lieu de 40,9 milliards de francs lors du premier semestre de 1996.
De ce fait, le solde du poste « voyage » de la balance des paiements s'élève, pour le premier semestre, à 30,8 milliards de francs et connaît une progression de 27,8 % par rapport à la même période de l'année précédente.
Mes chers collègues, vous trouverez dans le rapport écrit de la commission des finances, d'autres informations qui, sans devoir déclencher des réactions exagérées, montrent que cette position est fragile.
Certes, avec 62,4 millions d'arrivées touristiques internationales en 1996, la France représente près de 10,5 % du marché des flux touristiques mondiaux et 18 % du marché européen. Notre pays confirme ainsi sa position de première destination touristique internationale, devant les Etats-Unis - 44,8 millions d'arrivées - et l'Espagne - 41,3 millions d'arrivées. Mais une analyse attentive devrait nous inciter à ne pas nous endormir sur nos lauriers.
A moyen terme, la France ne capte qu'une part modeste de l'accroissement du marché mondial du tourisme, dont la composante la plus dynamique se trouve aujourd'hui en Asie. Il existe d'ailleurs des risques de progression de ce tourisme vers l'Asie avec la dépréciation des monnaies asiatiques.
Mais il faut aussi souligner que, à court terme, il existe une forte pression concurrentielle.
L'Espagne, l'Italie, sont des concurrents redoutables. Certes, ces deux pays ont pu bénéficier, sous l'effet des dépréciations de leur monnaie, d'avantages compétitifs excessifs. Mais il faut aussi voir dans leur succès une meilleure adaptation de leur offre à la demande ou le résultat d'un effet de mode sur l'origine duquel il convient de s'interroger.
A cet égard, le cas des Japonais mérite d'être souligné. En effet, sur 16,7 millions de touristes japonais s'étant rendus à l'étranger en 1996, la France en a accueilli 855 000, ce qui représente une part de marché de 5 %, qui est certes importante, mais qui est néanmoins en baisse depuis 1994, année où elle avait atteint 7 %.
Rappelons que les séjours des Japonais en France représentent à peine 1,5 % de l'ensemble des séjours des touristes étrangers dans notre pays. Mais leurs dépenses représentent, quant à elles, près de 5 % de nos recettes touristiques.
Cet exemple doit nous inciter à surveiller attentivement notre position concurrentielle dans les pays à fort pouvoir d'achat.
Notons enfin, en termes de recettes touristiques internationales, que si les Etats-Unis sont en tête avec plus de 15 % du total, en Europe, les positions se sont rapprochées entre l'Espagne, la France et l'Italie. L'Espagne a progressé de manière très significative - plus 13,2 % - ses recettes dépassant pour la première fois celles de la France, qui, selon l'organisation mondiale du tourisme, se classe en deuxième position.
Je voudrais maintenant attirer l'attention de la Haute Assemblée et de Mme le secrétaire d'Etat sur un phénomène qui pourrait se révéler inquiétant : les premiers résultats de l'enquête aux frontières pour 1996 font apparaître, malgré une progression de 4 % des arrivées, une diminution de la durée moyenne des séjours de près d'une journée par rapport à 1994. Par ailleurs, on relève une augmentation importante du nombre des touristes en transit. La France ne doit pas devenir un simple lieu de passage, un pays que l'on traverse pour aller soit en Espagne, soit en Italie.
Bref, le secteur du tourisme ne va pas mal dans l'ensemble.
Il y aurait cependant beaucoup à dire sur la situation de la restauration. Mais je pense que mon collègue M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques développera cet aspect particulier du secteur du tourisme.
Le secteur du tourisme ne va donc pas mal. Ce n'est pas pour autant une raison pour que l'Etat continue, comme il l'a fait par le passé, en dépit de la bonne volonté des responsables, de se désintéresser du budget d'un secteur qui représente plus d'excédent commercial que l'automobile. Nous ne dirons jamais assez que le budget du tourisme, tout modeste qu'il soit, est un puissant catalyseur pour notre économie.
Dans un tel contexte, madame le secrétaire d'Etat, il faut reconnaître qu'en dépit de vos efforts votre budget n'est pas à la hauteur des besoins et, je n'en doute pas, à la hauteur de vos ambitions.
Effectivement, les crédits demandés au titre du tourisme pour 1998 s'élèvent à 338 millions de francs, soit une baisse de près de 5 % par rapport à ceux qui étaient inscrits dans la loi de finances initiale pour 1997.
Si l'on note un effort appréciable en matière de dépenses en capital - nous y reviendrons - l'essentiel de votre budget, madame le secrétaire d'Etat, c'est-à-dire les dépenses ordinaires, est en diminution, même si vous parvenez à maintenir les moyens d'action effectivement disponibles malgré les annulations de crédits intervenues au cours de l'exercice 1997.
Rappelons que le gel des crédits intervenu en début d'année 1997, sur l'initiative du gouvernement d'Alain Juppé, avait eu pour conséquence de rendre indisponibles plus de 38 millions de francs de crédits.
L'arrêté du 9 juillet 1997 pris par le nouveau gouvernement a transformé ces gels en annulations de crédits, sauf en ce qui concerne le chapitre 44-01 « Développement de l'économie touristique », pour lequel vous avez obtenu, madame le secrétaire d'Etat, le rétablissement de 10 millions de francs.
En ce qui concerne les dotations pour 1998, on remarque essentiellement deux baisses significatives, que je voudrais commenter brièvement, vous renvoyant au rapport écrit pour le détail de l'évolution des crédits.
La dotation de l'article 20-20 « Valorisation du produit touristique français - AFIT », qui concerne l'agence française de l'ingénierie touristique, voit son montant diminuer de près de 25 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997, même si les crédits demandés sont au niveau de 1997, après restrictions budgétaires. Vous m'avez fait savoir, madame le secrétaire d'Etat, que cette diminution ne porte pas atteinte à la capacité d'intervention de cet organisme, étant donné les réserves - 12 793 000 francs sont inscrits au bilan de 1996 - que celui-ci a pu constituer au cours de ses premières années d'activité.
La dotation de l'article 50 « Promotion à l'étranger - Maison de la France » régresse de plus de 9 % pour se situer à près de 10 millions de francs, soit un niveau inférieur à celui de 1997, qui n'avait pas été touché par les mesures de restrictions budgétaires. Il est précisé que les dotations affectées aux actions de promotion conduites en partenariat ne doivent diminuer que de 3,6 %, tandis que la subvention au groupement d'intérêt économique destinée au fonctionnement de la structure subit une baisse de 12,7 % de ses moyens, c'est-à-dire une diminution du même ordre que celle qui touche l'administration centrale.
Compte tenu des enjeux, de la concurrence accrue sur le marché mondial du tourisme, l'outil que constitue Maison de la France doit être préservé et sans doute développé. Mais je crois qu'il convient d'examiner les actions de cet organisme afin d'en apprécier l'efficacité et de voir quelles sont les conséquences d'une évolution qui tend à donner une part prépondérante aux financements des partenaires de l'Etat.
A ce sujet, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous informe que je me propose ès qualités de rapporteur spécial de la commission des finances de mettre à profit l'année 1998, et ce à la demande de M. le président de la commission des finances, M. Poncelet, pour donner un coup de projecteur particulier sur l'outil que constitue Maison de la France, contrôle qui s'exercera sur pièces, mais également sur place.
En définitive, on peut dire que ce projet de budget marque un coup d'arrêt à la dégradation qu'a connue le tourisme depuis plusieurs années.
Venons-en aux aspects franchement positifs de ce projet de budget.
M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial. Le tourisme, ce n'est pas seulement un domaine porteur, c'est aussi une source de devises. Le tourisme, ce n'est pas uniquement un facteur essentiel du développement régional, c'est également une source appréciable d'emplois dans des secteurs qui, avec tout leur maillage de petites et moyennes entreprises, représentent près de 9 % du produit intérieur brut.
Mais le tourisme, c'est aussi et surtout un mode d'épanouissement, ce sont les vacances, les vacances pour tous !
A cet égard, comment ne pas se féliciter de l'effort que vous faites, madame le secrétaire d'Etat, en faveur du tourisme associatif et, d'une façon générale, de tout ce qui permettra aux Français de partir en vacances, sachant que 40 % d'entre eux n'ont pas cette joie ?
Les associations jouent un rôle essentiel dans l'effort de redistribution des services de loisirs en direction des personnes et des familles en difficulté.
Votre objectif, madame le secrétaire d'Etat, est de définir des orientations fortes et relayées par des acteurs locaux, pour soutenir les associations, les comités d'entreprise, les collectivités locales afin qu'elles intensifient les actions en partenariat pour l'intégration des populations en difficulté ou, tout simplement, les personnes exclues des vacances.
Vous souhaitez d'abord donner une nouvelle impulsion au plan patrimoine.
Depuis 1990, le ministère contribue à la rénovation des hébergements touristiques gérés par les associations. Il s'agit des maisons familiales, des villages de vacances situés en zone rurale, sur le littoral et en montagne. Environ 10 000 lits par an bénéficient d'une subvention de rénovation et 40 000 places d'hébergement gérées par des associations qui interviennent dans le tourisme social doivent encore être réhabilitées.
En 1997, la direction du tourisme a engagé une programmation d'un volume de 8 millions de francs, pour dix-huit opérations.
Pour 1998, le projet de loi de finances prévoit l'ouverture de 20,3 millions de francs d'autorisations de programmes et de 16,9 millions de francs de crédits de paiement afin de poursuivre la politique engagée en matière de rénovation des hébergements touristiques à caractère social ou familial.
Vous avez l'intention - et je vous en félicite - de relancer la politique contractuelle en plus des différentes actions de renforcement du professionnalisme du secteur du tourisme associatif, que cofinance la direction du tourisme.
Enfin, vous avez l'intention, et je vous en félicite également, d'étendre le champ d'application du chèque-vacances aux petites entreprises. Vous ne manquerez pas, j'en suis sûr, madame le secrétaire d'Etat, d'évoquer ce sujet dans votre intervention.
Nous souhaiterions aussi avoir quelques informations sur la mise en oeuvre du plan emplois-jeunes dans le tourisme, secteur qui pourrait contribuer notablement à la réussite de ce plan.
M. le président. Mon cher collègue, il vous faut conclure.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial. Des propositions ont été faites par mon collègues Jean Vila, mon compatriote des Pyrénées-Orientales.
Je souhaiterais savoir aussi, madame le secrétaire d'Etat, quelles retombées vous attendez de la Coupe du monde de football sur le budget du tourisme.
Voilà donc les grandes lignes d'un budget qui ne répond, certes pas, à toutes nos attentes - sans doute pas aux vôtres non plus - mais qui me semble marquer, au-delà des chiffres, la volonté, que nous apprécions, de donner à votre secrétariat d'Etat toutes les responsabilités de coordination et d'impulsion dans un domaine réduit jusqu'à présent à la portion congrue budgétaire.
Malgré les réserves que l'on pourrait faire sur la modestie de ces crédits, la commission a décidé, par cohérence avec ses positions antérieures, de proposer l'adoption du budget du tourisme pour 1998. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Elle a bien fait !
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de respecter scrupuleusement les temps de parole, car, si la séance durait au-delà de zéro heure trente, le retard se répercuterait sur la journée de demain.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en 1996, le poids économique du tourisme dans l'économie nationale pouvait se résumer par les chiffres suivants : 62,4 millions d'arrivées de touristes étrangers, 667 milliards de francs consommés auprès des entreprises du secteur, soit 8,5 % du PIB, 750 000 emplois permanents.
Compte tenu des très belles performances réalisées en 1997, le solde de la balance des paiements pourrait s'établir à plus de 60 milliards de francs.
C'est dire que votre projet de budget, arrêté à 338 millions de francs, peut sembler bien modeste, mais votre rôle est néanmoins essentiel, car vous pouvez impulser des orientations et surtout corriger des dysfonctionnements.
La reconnaissance d'un département ministériel autonome va donner une meilleure lisibilité aux décisions prises par l'Etat et favoriser la coordination des actions des différents ministères menées dans ce domaine.
Les crédits de votre département ministériel sont en baisse apparente de 3,46 %. Toutefois, compte tenu de gels, puis d'annulations, les crédits sont en réalité reconduits par rapport aux crédits qui furent effectivement disponibles en 1997.
Dans ce contexte d'économies budgétaires, vous privilégiez le tourisme social à travers la relance effective du plan-patrimoine, qui finance la rénovation des hébergements touristiques et sociaux.
Cet effort financier est à saluer, car il devrait aider ce type de structures d'hébergement à retrouver sa finalité d'origine, à savoir offrir des structures de loisirs et de vacances à des familles modestes.
Mais, à l'inverse, vous avez décidé des économies sévères sur d'autres lignes de votre budget, dont certaines nous paraissent porteuses de risques à moyen terme. Il en est ainsi de la diminution des crédits consacrés au groupement d'intérêt économique Maison de la France.
En effet, si l'activité du tourisme mondial va connaître une croissance très soutenue dans les dix ans qui viennent, il ne faut pas sous-estimer la concurrence effrenée que se livrent les pays entre eux.
Dans ce contexte, la commission des affaires économiques émet les plus grandes réserves sur la diminution du financement public de Maison de la France, qui va inéluctablement entraîner une réduction des actions de promotion à l'étranger.
Ma deuxième mise en garde concernera le secteur de la petite hôtellerie indépendante, qui connaît de sérieuses difficultés.
Permettez-moi de citer l'exemple de mon département, dans lequel le tourisme représente une part très importante de l'activité économique. Sur la Côte d'Azur, le constat est sévère puisque, pour la seule année 1996, vingt-huit hôtels totalisant 371 chambres ont définitivement fermé.
Il est donc urgent, pour enrayer cette inquiétante diminution, d'accroître de manière significative les crédits du fonds SOFARIS à travers la convention en cours de négociation avec le Trésor.
L'hôtellerie, à laquelle j'associerai la restauration, représente un gisement d'emplois considérable qu'il faut encourager par des mesures adéquates.
L'un des freins à l'emploi est le coût trop élevé de la main d'oeuvre, et il faut saluer la mesure budgétaire d'allègement des charges sociales sur les avantages en nature décidée pour 1998 ; cette action devra être poursuivie et accentuée.
Il faut également obtenir au niveau européen - c'est important - que la restauration, qui est une activité à fort taux de main d'oeuvre, soit incluse dans la liste des secteurs éligibles à l'expérimentation sur trois ans de l'abaissement du taux de TVA.
Nous attendons du Gouvernement, madame la secrétaire d'Etat, qu'il prenne l'engagement d'appliquer cette mesure. Le coût fiscal immédiat sera compensé par les créations d'emplois et l'augmentation des rentrées fiscales au titre de la taxe professionnelle ou de l'impôt sur les sociétés.
Enfin, je voudrais attirer votre attention sur les effets très négatifs qui résultent de la transmission récente à Bruxelles du régime cadre d'interventions publiques en faveur du tourisme.
En l'absence d'encadrement communautaire spécifique concernant le tourisme, c'est le régime d'aide aux petites et moyennes entreprises qui est appliqué à travers le zonage PAT et hors PAT. Cela a pour effet d'aggraver la situation de certaines zones géographiques qui sont écartées des subventions zones PAT pour leur développement industriel et également pour leurs installations touristiques, alors même que ce secteur constitue une solution alternative crédible en matière de développement économique local et d'aménagement du territoire. Il faut donc, très rapidement, obtenir de Bruxelles un zonage spécifique.
Compte tenu de ces différentes réserves, la commission des affaires économiques et du Plan a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. Emmanuel Hamel. Moins de cinq minutes : bravo ! Dans les Alpes-Maritimes, on sait être clair et concis !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 12 minutes ;
Groupe socialiste, 11 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Besson.
M. Jean Besson. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens d'abord, au nom, je crois, de tous les parlementaires attachés au tourisme, à exprimer le plaisir avec lequel nous avons accueilli l'existence d'un département ministériel de plein exercice. Ce grand secteur de notre économie, dont l'importance requiert une présence plus affirmée et efficace de l'Etat, mérite en effet une telle reconnaissance.
Ces deux dernières années, j'avais commencé mon intervention en regrettant que les années se suivent et se ressemblent pour le budget du tourisme. Aujourd'hui, je suis heureux de ne pas avoir à réitérer ce constat.
Votre budget, madame le secrétaire d'Etat, est un budget de transition, encore marqué par les orientations de la période 1993-1997, mais où l'on voit poindre de nouvelles priorités, où l'on décèle des infléchissements positifs, même si des interrogations subsistent.
La première de ces inflexions positives est le coup d'arrêt que vous avez donné à la baisse brutale des crédits.
Entre 1993 et 1997, les crédits du tourisme ont été amputés de 100 millions de francs, ce qui correspond à une baisse record de près de 25 %. Y-a-t-il un autre département ministériel qui ait connu une telle saignée ? Fort heureusement, cette baisse vertigineuse semble avoir été stoppée puisque les crédits du projet de loi de finances pour 1998 font apparaître une hausse de 3 millions de francs par rapport aux crédits disponibles de 1997.
Le niveau des crédits restant largement insatisfaisant, le ministère du tourisme doit être en mesure d'utiliser l'ensemble de ses modestes moyens. Le budget du tourisme a fait l'objet dans le passé d'annulations massives et répétées en exécution, qui visaient à masquer des baisses de crédits. Nous ne comprendrions pas que de tels phénomènes se reproduisent en 1998 et nous attendons des engagements fermes du Gouvernement sur ce point.
La seconde orientation positive de ce budget pour 1998, c'est qu'il reflète de véritables priorités, contrairement à la politique de coupes claires et aveugles qui avaient cours ces dernières années. Madame le ministre, votre budget et, plus généralement, votre politique reflètent une priorité donnée au social et à l'emploi conforme à ce pour quoi les Français ont voté en juin dernier, et conforme aux orientations que s'est données le Gouvernement.
Vous avez annoncé pour 1998 un projet de loi permettant d'élargir l'accès aux chèques-vacances. Vous affichez votre volonté de voir s'accroître les aides aux vacances des handicapés. Nous saluons ces orientations, dont nous attendons impatiemment la traduction concrète.
En outre, vous nous proposez une relance significative du programme de rénovation des hébergements touristiques à caractère associatif, dont les dotations vont plus que doubler en 1998. Nous ne pouvons que saluer cette orientation et la relance de l'investissement touristique de l'Etat qu'elle implique.
Les dotations du programme de rénovation des hébergements touristiques à caractère associatif étaient passées de 30 millions de francs par an en 1992 à quelque 8 millions de francs en 1997, accompagnant une véritable démission de l'Etat en matière d'investissements touristiques. Ces dotations vont plus que doubler en 1998, pour répondre aux besoins urgents de réhabilitation des villages-vacances, des maisons familiales ou des campings associatifs, notamment pour permettre leur mise aux normes en matière d'hygiène et de sécurité.
Or nous connaissons tous l'impact positif des dépenses d'investissement public sur l'emploi, qui représente bel et bien une priorité de votre politique.
Cependant, madame le secrétaire d'Etat, permettez-moi de m'interroger sur deux questions qui sont essentielles pour l'efficacité de la politique touristique de l'Etat.
La première concerne la faiblesse, qui a déjà été soulignée par M. le rapporteur spécial, des moyens d'action de votre secrétariat d'Etat. Je tiens à vous signaler qu'à nos yeux ces moyens ont atteint leur minimum vital et que nous nous opposerons à l'avenir à toute nouvelle suppression d'emplois. Il en va de même en matière de moyens de fonctionnement, et nous considérons que de nouvelles amputations auraient forcément des conséquences sur l'efficacité, pour ne pas dire la réalité, de l'intervention de l'Etat.
En outre, je regrette vivement la baisse des crédits d'étude et d'informatique, alors qu'une meilleure connaissance des comportements touristiques est nécessaire et que le Gouvernement donne la priorité au développement des nouvelles technologies.
Mon second sujet d'interrogation concerne la politique territoriale et les relations entre l'Etat et les collectivités locales. Là encore, la politique du précédent gouvernement avait été particulièrement négative, et beaucoup parmi nous se souviennent encore des déclarations de M. Pons selon lesquelles la politique du tourisme ne devait pas se mêler d'aménagement du territoire. Nous croyons, pour notre part, que ces deux politiques publiques sont étroitement liées. Dans le même temps, l'étalement des contrats de plan, la suppression de la dotation touristique avaient alourdi les charges des collectivités, et singulièrement des communes.
Vous avez, madame le secrétaire d'Etat, affirmé votre volonté de rompre avec une telle politique. Toutefois, la faiblesse des moyens accordés aux délégations régionales du tourisme, dont vous soulignez vous-même le rôle essentiel comme interlocuteurs des collectivités locales, et du service d'étude et d'aménagement touristique de la montagne ne sont pas faits pour nous rassurer. Nous attendons de vous des signes forts dans ce domaine.
En conclusion, madame le secrétaire d'Etat, votre budget porte encore les traces du traitement qu'il a dû subir entre 1993 et 1997.
M. André Maman. Oh !
M. Emmanuel Hamel. Quelle partialité !
M. Jean Besson. Certes, le contexte budgétaire est difficile, mais nous considérons que avec l'effort qu'il a déjà fourni, le tourisme a largement payé sa contribution à la maîtrise des dépenses publiques. Nous attendons pour les années à venir un renforcement des moyens d'action de l'Etat dans le domaine touristique et une volonté franche d'établir un partenariat plus sain avec les collectivités locales.
Compte tenu des contraintes auxquelles il a fallu faire face cette année, la fin de la baisse des crédits et la priorité donnée au social, qui caractérisent ce projet de budget sont particulièrement méritoires. C'est pourquoi, madame le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste votera les crédits du secrérariat d'Etat au tourisme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'aborder notre débat d'aujourd'hui, je tiens à saluer la présence d'un interlocuteur du Gouvernement en charge de plein exercice du tourisme.
Ce secteur n'a jamais été reconnu à sa juste valeur, alors qu'il représente pas moins de 200 000 petites et moyennes entreprises, 750 000 emplois permanents, un million d'emplois indirects et qu'il a dégagé, en 1996, un chiffre d'affaires global de 700 milliards de francs et un solde excédentaire de 54,3 milliards de francs.
La renaissance d'un secrétariat d'Etat au tourisme témoigne d'une reconnaissance de l'importance de ce secteur dans la vie économique et sociale de notre pays.
Puisque l'activité touristique est marquée par son caractère décentralisé et la multiplication de ses intervenants, souhaitons qu'il soit aussi la promesse d'une meilleure cohérence et d'une plus grande coordination des actions.
Malheureusement, l'espoir qu'il suscite est quelque peu démenti par les chiffres. Avec 338 millions de francs de crédits, ce budget pour 1998 accuse une baisse de 5 %, la plus forte de tous les budgets de l'Etat. Il est vrai qu'une partie des crédits de la loi de finances initiale de 1997 avait été gelée par le précédent gouvernement avant d'être annulée par le vôtre, ramenant les crédits votés de 355,6 millions de francs à 335,2 millions de francs.
Cette diminution de crédits est d'autant plus remarquable qu'elle s'impute sur des dotations déjà peu substantielles à l'origine.
Il est assez illogique qu'un secteur aussi bénéfique pour l'économie, que je n'hésite pas à qualifier d'oasis pour l'emploi, mobilise aussi peu de crédits budgétaires.
Disons-le tout net, ce budget n'a pas toujours été l'objet d'une attention soutenue ; on a souvent eu tendance à penser que les acteurs du tourisme pouvaient se débrouiller seuls.
Certes, les emplois touristiques relèvent, pour l'essentiel, du secteur privé et l'Etat n'a pas à intervenir sur le terrain. L'impulsion doit venir d'en bas et du secteur privé, associé aux institutions régionales, départementales et locales.
Toutefois, le rôle de l'Etat n'en est pas moins essentiel dans la réalisation des grandes infrastructures nécessaires à la création de gisements touristiques nouveaux et dans la promotion.
J'adhère bien volontiers, madame le secrétaire d'Etat, aux objectifs que vous avez retenus, à savoir adapter l'offre touristique, développer le tourisme social, créer des synergies entre les administrations concernées et favoriser l'emploi. Tout cela va dans le bons sens et je ne doute pas de votre bonne volonté.
Mais compte tenu de la faiblesse de vos moyens, je ne crois pas, et nombre de mes collègues me rejoignent sur ce point, que ce budget est à la hauteur de ces ambitions. Je le regrette d'autant plus que vous avez été amenée à faire des choix, dont certains sont critiquables.
Les moyens des services subissent à nouveau la restriction budgétaire, avec une baisse de 10,3 %, l'essentiel des économies portant sur les dépenses de promotion et de communication, qui diminuent de 47,8 %. Venant de souligner le rôle essentiel de l'Etat dans la promotion, je m'étonne bien évidemment de ce choix mais j'y reviendrai un plus plus loin lors de l'examen d'autres postes.
Avec 180 millions de francs, les crédits du développement de l'économie touristique sont, eux aussi, en recul de 9,65 %.
Les seuls rescapés de cette rigueur dans ce domaine sont la promotion en France, le soutien au secteur associatif et les contrats de plan Etat-région.
En revanche, tous les autres postes sont en retrait. Deux baisses me semblent particulièrement préoccupantes : elles concernent la valorisation du produit touristique et la promotion à l'étranger.
S'agissant du premier point, vous nous avez indiqué que cette diminution ne porte pas atteinte à la capacité d'intervention de l'Agence française de l'ingénierie touristique, l'AFIT.
Si cette dernière doit s'attacher à optimiser son expérience et à dynamiser son partenariat, ses missions ambitieuses et utiles pour la constitution d'une offre touristique performante nécessiteraient, sinon des moyens plus importants, du moins des engagements inscrits dans la durée.
Par ailleurs, vous diminuez les crédits attribués au GIE Maison de la France, ce qui semble paradoxal puisque vous affirmez, par ailleurs, que l'accroissement de la fréquentation touristique constitue un autre axe fort de votre politique, et je partage votre avis.
La France, premier pays d'accueil touristique au monde avec plus de 62,4 millions de visiteurs étrangers, représente 10,5 % des flux touristiques mondiaux et 18 % du marché touristique européen. La bonne tenue de la dernière saison estivale devrait confirmer cette position, et je m'en réjouis.
Ces résultats très positifs, ajoutés à ceux que j'évoquais plus haut, ne nous autorisent cependant pas à faire preuve d'un optimisme excessif. Ils doivent être appréciés avec nuance.
En effet, la France a perdu, depuis 1990, des parts de marché et elle ne capte, aujourd'hui, qu'une partie relativement faible, puisqu'elle est de l'ordre de 10 % de l'accroissement de la demande mondiale constatée ces dernières années.
Par ailleurs, des données récentes montrent une diminution de la durée moyenne des séjours, en dépit d'une progression des arrivées.
La redistribution des flux touristiques notamment vers les pays asiatiques, mais aussi vers l'Espagne et l'Italie, doit nous encourager à améliorer constamment la qualité de notre accueil, de nos prestations et de nos équipements. Mais elle nécessite aussi d'intensifier nos efforts en faveur de la promotion pour fidéliser la clientèle qui nous est acquise et aller à la conquête de nouveaux clients.
J'avoue ne pas comprendre votre choix de diminuer les crédits affectés au GIE Maison de la France ; il ne peut qu'affecter le niveau de fréquentation touristique et pénaliser les petites et moyennes entreprises de ce secteur qui n'ont pas les moyens d'assurer leur promotion à l'étranger.
Certes, d'autres organes participent à la promotion, tels que les comités régionaux du tourisme, les CRT, qui y ont consacré plus de 200 millions de francs, soit la moitié de leur budget.
Vous souhaitez mobiliser un nouveau partenariat associant les collectivités territoriales et les grands opérateurs privés. Mais le désengagement de l'Etat dans cette structure ne les incitera pas à y participer plus.
Cette contrainte budgétaire devra conduire le GIE Maison de la France à rendre plus pertinentes ses actions, ce qui est plutôt positif. Mais je crains qu'elle ne l'amène aussi à se désengager des marchés traditionnels pour pouvoir assurer notre présence sur les marchés émergents. Pourtant, comme je le notais tout à l'heure, nous ne devons pas ignorer nos faiblesses sur les premiers.
Je ne voudrais pas conclure sur ce budget, madame le secrétaire d'Etat, sans évoquer l'un des aspects positifs de celui-ci : je veux parler de l'accroissement substantiel des crédits en faveur de la rénovation des hébergements touristiques à caractère associatif et de l'extension de l'accès au chèque-vacances.
Ces mesures donnent du coeur à un exercice bien souvent austère, et je m'y associe. Toutefois, la faiblesse du montant des crédits du fonds national d'aménagement du territoire, le FNADT, et la réorganisation territoriale à laquelle il doit être procédé nous préoccupent beaucoup.
Au-delà de ces considérations budgétaires, je souhaite évoquer un point auquel je suis particulièrement attaché et qui rejoint, d'une certaine manière, votre souci de favoriser l'emploi. Il s'agit du tourisme rural. Bien qu'il soit en évolution, celui-ci est encore modeste alors qu'il y a des raisons de penser qu'il pourrait offrir un avenir prometteur.
D'abord, il répond à l'évolution de la société et aux nouvelles aspirations. La clientèle se détourne progressivement du tourisme « industriel » et de ses univers surpeuplés de la mer et de la montagne. Les destinations lointaines souffrent, pour certaines, de l'insécurité qui s'y développe et, en général, de la crise économique.
Ensuite, la France possède de fortes potentialités, telles que la variété et la beauté des paysages, la préservation des milieux naturels, la richesse du patrimoine monumental et la gastronomie.
Considéré jadis comme le tourisme de cueillette, celui du pauvre, le tourisme de proximité, de découverte, de nature et de randonnée a aujourd'hui ses adeptes et ses connaisseurs.
Les initiatives et les projets locaux ne manquent pas ; la qualité de l'accueil, de l'hébergement et de l'animation s'est considérablement améliorée grâce à la mobilisation de ses acteurs. Je pense là, notamment, aux gîtes ruraux qui ont su se hisser au niveau des exigences de confort et de modernité de la clientèle.
Mais ce tourisme vert doit devenir un tourisme de marché, dans le respect de son authenticité, offert par des professionnels et encouragé par l'Etat.
Les acteurs locaux ont certainement encore beaucoup à faire dans cette voie : ils doivent notamment identifier et conquérir des clientèles diverses, telles que les séminaires d'entreprises, les classes vertes, les sportifs, le troisième âge et les institutions de santé, et trouver des partenariats avec des opérateurs pour commercialiser ces produits, avec une offre diverse et répartie sur le territoire.
Mais le développement du tourisme vert comme celui du tourisme en général, dépend aussi étroitement de la conjonction d'investissements publics et privés pour l'aménagement de lieux culturels, de zones d'attraction ou de sites naturels susceptibles de constituer des points d'ancrage dont le tourisme rural diffus a besoin pour se structurer, la préservation des paysages, la réhabilitation de l'habitat ancien et de villages, la remise en navigation des rivières anciennement équipées d'écluses et autrefois empruntées ainsi que l'amélioration des équipements de transports.
Cette évocation montre à quel point ce secteur ne dépend pas de votre seul budget, madame le secrétaire d'Etat. Vous avez d'ailleurs annoncé votre volonté de renforcer la coopération entre les ministères, et je vous en félicite.
Toutes ces précoccupations doivent faire l'objet d'une attention particulière dans le cadre des schémas d'aménagement du territoire, et j'espère que vous y veillerez.
Je dirai, enfin, un dernier mot sur la directive Natura 2000. Mme Voynet a relancé la procédure de classement des sites protégés. Celle-ci provoque les vives polémiques que vous savez entre certains acteurs qui plaident en faveur du développement économique et, si j'ose dire, les « intégristes » de l'environnement qui voudraient en faire des déserts verts. Il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre la protection de l'environnement et le développement économique.
Des activités adaptées aux caractéristiques, aux contraintes et aux atouts de l'environnement pourraient s'y développer harmonieusement, et je reviens là au tourisme rural. Je sais que l'activité touristique est, dans l'esprit de certains, synonyme de pollution et de destruction des paysages, mais il ne s'agirait pas de laisser se développer un tourisme à grande échelle ou sauvage. Je soumets cette observation à votre réflexion, madame le secrétaire d'Etat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR. - M. Bony applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le budget du tourisme pour 1998.
Ce budget marque un arrêt de la baisse constatée depuis 1993 et qui s'élevait à plus de 100 millions de francs. Même si les crédits passent encore de 355 millions de francs en 1997 à 338 millions de francs cette année, ils sont en simple stagnation par rapport à 1997. Il est donc possible de parler, comme l'a fait l'un des orateurs qui m'a précédé, d'un budget de transition. Je note que l'augmentation des autorisations de programme laisse présager une politique en faveur des investissements pour les années à venir.
Madame la secrétaire d'Etat, nous nous félicitons de la volonté qui vous anime et, d'abord, celle d'affirmer l'importance du rôle de l'Etat dans le secteur touristique, alors que la France demeure la première destination touristique au monde et que le chiffre d'affaires produit par ce secteur atteint 700 milliards de francs. Cette activité est donc essentielle pour notre économie ; elle nécessite des moyens et une organisation à la hauteur de son enjeu.
Parallèlement, de nombreux objectifs présentés nous semblent particulièrement pertinents. Je pense à l'augmentation de la fréquentation touristique, au développement de l'emploi, notamment la participation active à la création d'emplois-jeunes, à la recherche de l'efficacité optimale dans les interventions de l'Etat avec la volonté de travailler efficacement avec les organes responsables décentralisés, tels que les délégués régionaux au tourisme.
La politique volontariste que vous entendez mener, madame la secrétaire d'Etat, en faveur de la création d'emplois, mais ausi de la formation et de la diminution de la précarisation dans cette branche trop souvent à l'écart des progrès sociaux - je pense, par exemple, aux trente-cinq heures - nous semble particulièrement nécessaire et adaptée au contexte social actuel.
La formule des conventions-cadres mises en place avec les partenaires concernés et l'engagement de créations rapides d'emplois et pour le long terme constituent des premiers pas intéressants. Il reste évidemment à les inscrire dans la réalité, mais je suis sûr que vous vous y êtes déjà attelée, madame la secrétaire d'Etat.
Dans le même ordre d'idées, nous nous félicitons de la volonté affirmée d'étendre le droit fondamental aux vacances à tous les Français par une plus large diffusion des chèques-vacances. Cela semble d'autant plus une priorité que près de 40 % des Français ne partent pas en vacances, ce pourcentage ne reculant pas depuis plusieurs années.
Nous espérons que des mesures seront prochainement prises par votre secrétariat d'Etat afin d'étendre le dispositif des chèques-vacances jusqu'à présent très peu utilisés par les employeurs des PMI et des PME en raison des charges sociales qu'ils doivent payer sur leur participation.
Par ailleurs, nous sommes en complet accord avec l'objectif affiché comme la priorité « numéro un » : je veux parler de la relance du plan patrimoine. Les crédits de paiement vont en effet doubler dans ce domaine, ce qui est important notamment en termes d'emploi dans le bâtiment et les travaux publics et de développement territorial de zones rurales marginales et de montagne.
Dans ce cadre, la réhabilitation du parc immobilier des associations du tourisme social nous semble essentielle d'autant plus que ce secteur, capital en termes de progrès social, avait beaucoup souffert durant ces dernières années par manque de considération, et donc de moyens.
Au contraire, on peut regretter qu'une place très limitée soit accordée à l'intégration de la notion de protection de l'environnement dans les projets et les politiques. Or - et cette tendance est déjà nette dans de nombreux autres pays européens - le tourisme « durable » est de plus en plus porteur aujourd'hui.
En outre, je regrette que trop peu de crédits soient disponibles pour aider les associations, qui ont particulièrement besoin de l'Etat pour survivre. Or, le secteur associatif constitue un pilier du tourisme social que nous considérons - et vous aussi, j'en suis sûr, madame la secrétaire d'Etat - comme une priorité à développer dans une société dans laquelle la marginalisation sociale s'accentue chaque jour.
D'une façon générale, il semble évident que le présent projet de budget du tourisme n'est pas à la hauteur de l'importance de ce secteur pour notre économie nationale, même si, reconnaissons-le, d'autres fascicules budgétaires comportent des crédits qui contribuent à son développement.
Les crédits du secrétariat au tourisme sont trop faibles, alors que les enjeux en termes d'emplois, mais aussi de promotion de notre pays à travers le monde sont plus urgents que jamais.
J'espère cependant que vous saurez oeuvrer au mieux, malgré les contraintes budgétaires, afin d'atteindre des objectifs que les membres du groupe communiste républicain et citoyen jugent, avec vous, comme essentiels. C'est ce qu'ils souhaitent et si telle est également votre ambition, ce que je crois, ils vous souhaitent bonne réussite. Ils voteront le projet de budget du tourisme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Emmanuel Hamel. Le contraire eût été étonnant !
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en baisse de 5 % avec 338 millions de francs, le projet de budget du tourisme, aujourd'hui soumis à notre examen, est non seulement le plus faible, mais aussi celui qui subit la plus forte baisse, ce qui est paradoxal quand on connaît la place de l'industrie touristique dans notre économie.
Ainsi, la consommation touristique représente 7,5 % de notre PIB. Cette année, les 180 000 entreprises du secteur ont dégagé un chiffre d'affaires de 340 milliards de francs et c'est le premier poste excédentaire des transactions courantes de notre balance commerciale.
En outre, une étude récente de l'organisation mondiale du tourisme montre que le potentiel de développement du secteur à l'échelle mondiale est certain : les recettes touristiques mondiales passeraient ainsi de 260 milliards de dollars en 1990 à 700 milliards de dollars en l'an 2000 et à près de 1 000 milliards de dollars en 2010.
Toutefois, selon ces mêmes prévisions, l'Europe - et donc la France - verrait, hélas ! dans le même temps ses parts de marché réduites.
Il convient donc de rester particulièrement vigilant et de conduire une politique dynamique et énergique dans ce domaine, d'autant que notre pays est déjà soumis à une forte concurrence. En témoigne le fait que, si la France demeure la première destination touristique, l'Espagne vient de lui enlever sa première place européenne pour les recettes.
Il est donc, dès aujourd'hui, nécessaire d'améliorer la compétitivité de notre offre touristique et de mener des actions de promotion de la France à l'étranger.
L'amélioration de la compétitivité passe par un meilleur soutien aux professionnels du tourisme.
Il s'agit, d'abord, d'encourager les investissements structurels, afin d'améliorer et la qualité des établissements et les conditions de travail. Les collectivités locales sont déjà très nombreuses à s'engager dans l'aide aux améliorations qu'apportent les professionnels à leurs outils de travail, qu'ils soient hôteliers ou qu'ils pratiquent le tourisme vert. Evitons d'imposer, ici comme ailleurs, des réglementations nouvelles, qu'elles portent sur la gestion des salariés ou sur l'outil de travail. Les entreprises, tout en respectant la réglementation, ont besoin d'un espace de liberté pour travailler.
Il faut, ensuite, un meilleur soutien aux professionnels de l'hôtellerie et de la restauration, grâce à la réduction des charges qui pèsent sur les salaires et spécialement sur les plus bas d'entre eux. Il s'agit de permettre ainsi l'embauche de salariés supplémentaires, ce qui encouragerait fortement l'aménagement des horaires et l'amélioration des conditions de travail.
Le précédent gouvernement souhaitait étendre le plan textile aux professions de l'hôtellerie et de la restauration ; nous connaissons l'attitude des eurocrates qui estiment sans doute que les métiers sans forte qualification doivent disparaître. Je considère, madame la secrétaire d'Etat, qu'une intervention forte du gouvernement français s'impose en la matière.
Avec la complexité des procédures administratives, leur multiplication, leur alourdissement ininterrompu, ce sont les charges diverses sur les salaires qui non seulement freinent l'embauche, mais détruisent l'emploi. L'activité irrégulière des professions du tourisme nécessite un maximum de flexibilité.
La compétitivité passe par la recherche constante de nouveaux clients. Par conséquent, il faut favoriser la promotion à l'étranger.
Or, malheureusement, force est de constater, madame la secrétaire d'Etat, que vous faites exactement le contraire.
D'abord, les crédits consacrés aux interventions stratégiques et aux actions de valorisation du produit touristique baissent de 9,04 %.
Plus inquiétant, parmi ces crédits, la subvention versée à l'AFIT, l'Agence française de l'ingénierie touristique, diminue de 24,7 % alors que cette agence mène actuellement, entre autres actes, une action très attendue par l'ensemble des acteurs du secteur, de redéfinition des circuits de commercialisation avec la réalisation d'un serveur national de réservation.
Plus dramatique encore, les crédits du GIE -Maison de la France, déjà amputés depuis quelques années, subissent une baisse supplémentaire de 9,4 %. Parmi eux, et pour la première fois, la contribution aux actions de promotion diminue de 3,46 %, alors que vous-même, madame la secrétaire d'Etat, en juillet dernier, devant l'ensemble de la presse professionnelle, vous admettiez qu'« il n'est pas possible de réduire encore les moyens de Maison de la France sans mettre en danger les agences à l'étranger ». Quel exemple saisissant de décalage entre les déclarations et les actes !
Vous aviez raison de croire cela, madame la secrétaire d'Etat, car, grâce à votre politique budgétaire, Maison de la France va sans doute devoir fermer son bureau de Berlin, ce qui est d'autant plus dramatique que les Allemands occupent la première place en termes de fréquentation de la France, avec plus de 13 millions de touristes.
En outre, face à l'arrivée croissante de touristes en provenance d'Asie du Sud-Est, Maison de la France avait prévu d'ouvrir un bureau à Pékin d'ici à la fin de l'année ; cette ouverture est sans doute compromise.
Enfin, ces réductions des crédits de l'AFIT et de Maison de la France sont d'autant plus surprenantes qu'elles vont servir à alimenter l'augmentation exclusive et très importante des crédits affectés au programme de rénovation des hébergements à caractère associatif et social à hauteur de 49,08 % en autorisations de programme et de 113,92 % en crédits de paiement.
Certes, les besoins sont certainement importants dans ce secteur, mais pourquoi faire porter exclusivement l'effort sur le tourisme social au détriment du secteur privé, alors qu'il ne représente que 12 % de l'ensemble des effectifs du secteur touristique et seulement 8,7 % des lits ? Les deux types de tourisme doivent cheminer de pair afin de permettre aux touristes d'adapter leur séjour dans notre pays.
C'est incompréhensible, d'autant plus que les acteurs privés, eux aussi, ont besoin de s'organiser, de se restructurer, de développer une politique qualitative, de faire de nouveaux efforts en matière de commercialisation, et que nombre d'associations du tourisme social, telles que VVF - village vacance famille - récemment, optent pour un statut privé.
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, le groupe du RPR soumettra au Sénat deux amendements visant à maintenir les crédits de l'AFIT et de Maison de la France au niveau de 1997.
Je souhaite que le Gouvernement émette un avis favorable sur ces amendements afin de rassurer Maison de la France et l'AFIT, ou qu'il apporte toutes garanties de bon fonctionnement aux organismes cités afin qu'ils puissent poursuivre leur action. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Egu.
M. André Egu. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits inscrits au projet de budget du tourisme pour 1998 présentent, une fois de plus, un contour assez flou car, éparpillés entre trop d'intervenants, ils ne me paraissent pas être à la hauteur de l'importance économique et sociale du secteur. Je le regrette, car j'y vois le signe que l'Etat ne prend toujours pas la mesure de cette activité dont le développement spectaculaire en fait, aux côtés des industries pétrolière et aéronautique, un des postes les plus importants en termes d'exportation.
Cette réduction des actions et des moyens des pouvoirs publics oblige à transférer ainsi progressivement les charges aux collectivités locales et aux professionnels privés. Si l'on n'y prend garde, les activités d'impulsion et de régulation, qui sont du ressort de l'Etat, ne seront que marginalement assurées.
Ce désengagement de l'Etat à la veille de l'ouverture complète du marché unique européen démontre, si besoin était, que le Gouvernement ne tient pas suffisamment compte du défi auquel est exposé un secteur dynamique mais fragile.
Examinons ensemble le rôle que devrait remplir votre secteur ministériel. Il s'articule autour de quatre fonctions.
La première, c'est la fonction d'organisation et de coordination des politiques nationales, locales et sectorielles, qui permet de fédérer l'action des divers acteurs du tourisme.
De quels moyens l'Etat se dote-t-il pour mener à bien ces actions ? Eh bien ! mes chers collègues, il dispose de moyens réduits de 5 % cette année et, ce qui m'inquiète le plus, c'est de voir sa participation dans le domaine de la formation professionnelle diminuer de 7,5 %.
La deuxième fonction, c'est la fonction de promotion de la France à l'étranger, mais aussi sur le territoire national.
La France dispose, en matière d'accueil de visiteurs, d'atouts exceptionnels ; elle demeure la première destination touristique mondiale.
L'excédent de sa balance touristique dépasse 54 milliards de francs et est encore en augmentation cette année. Dans cet environnement prometteur, on note toutefois que, en ce qui concerne les recettes, la France n'est que troisième et que, avec 10,5 % du marché touristique mondial, nous ne récoltons que 7,5 % des recettes en devises.
Aussi peut-on dire que la position de la France s'affaiblit depuis le début des années quatre-vingt-dix.
Comment ne pas le regretter, alors que la corrélation entre l'effort consenti et le niveau de fréquentation atteint encore un niveau exceptionnel en France ? Ne devrait-on pas plutôt améliorer cet effort ? Je suis au regret de constater, encore une fois, que les crédits de Maison de la France, qui, ainsi qu'il a déjà été dit, sont passés de 132 millions de francs en 1987 à 184 millions de francs en 1997, soit un peu plus de 1 % de progression annuelle, ne sont pas en rapport avec les besoins et ne favorisent pas le retour sur investissement.
Si l'on prend en compte une inflation qui, même maîtrisée, représente deux ou trois fois cette progression sur la même période, on constate que l'Etat s'est retiré progressivement, laissant la place aux autres acteurs, collectivités locales ou investisseurs privés.
L'avenir de l'agence française de l'ingénierie touristique est également menacé par la diminution de 8,6 % de sa subvention.
Globalement, on est en droit de souhaiter que Maison de la France et l'AFIT puissent bénéficier de la stabilité des engagements budgétaires de l'Etat.
La troisième fonction, c'est la fonction de réglementation. Elle a pour objet d'assurer la sécurité et la protection des consommateurs, et de garantir le respect des règles de concurrence.
Elle s'exerce à l'intérieur du territoire national, mais aussi au sein des instances européennes ou internationales. Comment cette fonction peut-elle être assurée alors que le personnel pour y faire face est insuffisant et que les moyens des services sont en retrait de 12 % ?
La quatrième et dernière fonction, c'est la fonction de la statistique, qui est indispensable pour élaborer des plans d'actions et pour donner une image moins floue d'un secteur encore mal appréhendé.
Là encore, les moyens sont réduits de 9 %. Et pourtant, même si la France n'est pas particulièrement en retard dans la recherche et l'exploitation des données statistiques, il n'existe encore aucune observation régulière de la fréquentation des hébergements touristiques, en dehors des hôtels homologués et des hébergements de plein air.
Ce constat, madame le secrétaire d'Etat, est, selon moi, alarmant. Il faut que l'Etat revienne progressivement à un juste niveau de crédits pour assumer tout son rôle d'impulsion et de régulation.
Pourtant, ce secteur dont semble se désintéresser une partie du Gouvernement auquel vous appartenez, madame le secrétaire d'Etat, est susceptible de participer d'une manière efficace et définitive à la création de nouveaux emplois productifs.
Je regrette, en particulier, que l'on ne cherche pas davantage à favoriser l'activité plurisaisonnière pour assurer une véritable rentabilité à un secteur qui investit dans des équipements coûteux alors qu'ils ne sont utilisés que quelques mois par an.
Je voudrais attirer votre attention, comme les autres orateurs, sur la Coupe du monde de football, qui sera une occasion exceptionnelle de mettre en valeur nos richesses touristiques. Il convient de donner le maximum de popularité à cet événement, sans pour autant méconnaître ses effets pénalisants pour la clientèle traditionnelle, qui est forte à cette époque.
Un frein au développement de l'accueil des touristes étrangers en France provient du taux élevé de la TVA. La disparité des taux au sein de l'Union européenne favorise nos concurrents et constituera un handicap de plus en plus lourd avec l'arrivée des tour-opérateurs allemands, belges ou hollandais, qui bénéficient de taux de TVA inférieurs.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. André Egu. Le seul élément positif de ce projet de budget tient à l'augmentation des crédits affectés au programme de rénovation des hébergements touristiques à caractère associatif. Voilà qui permettra de poursuivre la réhabilitation du parc immobilier lancée en 1990.
Le secteur du tourisme associatif est aujourd'hui confronté à un grave problème de redressements fiscaux qui menacent même l'existence de certaines associations. Il est indispensable de clarifier le régime fiscal de ces associations et de trouver un terrain d'entente avec l'administration fiscale pour ne pas assister à des traitements différents suivant l'appréciation personnelle de ces lois et de ces circulaires. Une solution équitable, claire et définitive devrait être trouvée pour ne pas mettre ces associations en danger.
Avant de conclure,...
M. le président. Monsieur Egu, vous avez largement dépassé votre temps de parole !
M. Emmanuel Hamel. C'est si intéressant !
M. André Egu. ... je voudrais aussi m'adresser aux professionnels et à Maison de la France. Je leur demande instamment de tout mettre en oeuvre pour que le produit France soit aussi accessible aux Français. Est-il normal de devoir parfois passer par Londres, Bruxelles ou Luxembourg pour obtenir un forfait transport-hôtel-excursions à Paris, Lyon ou Marseille ?
Madame le secrétaire d'Etat, votre projet de budget, consacré à l'une des activités dont le développement économique est fondamental pour favoriser la reprise de la croissance de notre pays, n'est pas, et de loin, à la hauteur de l'ambition affichée par les pouvoirs publics. C'est à la fois le budget le plus faible et celui dont les moyens baissent le plus.
Vous comprendrez donc que nous ne pouvons voter des crédits ne correspondant pas à l'attente des acteurs qui, chaque jour, se battent pour conquérir des parts de marché. Vous n'aurez pas, madame le secrétaire d'Etat, les moyens de la politique active que vous désirez mener et je le regrette. (Applaudissements sur les travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « le tourisme, c'est l'art de conduire les visiteurs de nos mayonnaises à nos cathédrales ». C'est par ces mots que Giraudoux illustrait la vocation de la France en matière touristique.
M. Emmanuel Hamel. Quelle culture ! Vous avez déjà cité Péguy, et maintenant, c'est Giraudoux !
M. Bernard Plasait. Oui, la France est douée pour le tourisme !
Le tourisme est une activité culturelle et ludique correspondant à nos traditions et à nos ressources. Mais force est de constater que le potentiel touristique de notre pays est encore sous-exploité. Pourtant, il est suffisamment varié pour nous permettre de répondre à tous les types de demandes. S'il est vrai que la France a le don du tourisme, il est également vrai que le tourisme est un don pour la France.
Permettez-moi de vous dire quel formidable défi notre pays doit relever pour que ce tourisme dont on parle tant soit une bonne affaire pour la France.
Le défi du tourisme consiste à l'emporter sur la concurrence et à faire de cette activité un élément majeur de la prospérité, du bien-être et de la fierté des Français. L'enjeu touristique s'analyse en termes d'emplois, de devises, de patrimoine et de rayonnement culturel.
L'utilité du tourisme est économique et fait référence au poids économique de ce secteur ainsi qu'au nombre d'emplois qu'il représente. Les chiffres énoncés sont éloquents : 62,4 millions de touristes étrangers arrivés en France l'an dernier, 700 milliards de francs consommés auprès des entreprises du secteur, 54 milliards de francs d'excédent commercial et près d'un million d'emplois.
L'utilité du tourisme est aussi écologique par sa contribution à la protection de l'environnement et du patrimoine, même s'il peut aussi - il faut le souligner - être menaçant. N'a-t-on pas coutume de dire que « le tourisme est comme le feu. Il peut faire bouillir votre marmite ou mettre le feu à votre maison » ?
M. Emmanuel Hamel. Ou éclairer vos nuits ! (Sourires.)
M. Bernard Plasait. Il convient donc d'en faire un instrument de l'aménagement du territoire.
Enfin, l'utilité du tourisme est culturelle puisqu'il contribue au rayonnement de la France.
Aujourd'hui, madame le secrétaire d'Etat, le tourisme est menacé, car il doit affronter une concurrence de plus en plus vive. La fréquentation étrangère stagne et la durée des séjours se raccourcit.
Capitale mondiale des congrès internationaux pour la dix-huitième année consécutive, Paris perd néanmoins des parts de marchés au profit de Sydney, Copenhague, Budapest, sans parler de Vienne ou de Londres.
Dans ces conditions, la question essentielle, madame le secrétaire d'Etat, est de savoir si votre budget de 338 millions de francs pour 1998 va permettre à la France de conforter ses positions et de faire en sorte que les lauriers qu'on lui décerne chaque année ne soient pas des lauriers soporifiques, qui honorent mais qui endorment, pendant que les concurrents de la France se mettent en ordre de bataille.
La comparaison des budgets de promotion est éloquente : 429 millions de francs pour la Grande-Bretagne, 627 millions de francs pour l'Espagne et seulement 320 millions de francs pour la France, en 1997.
L'aveuglement du Gouvernement est grave, madame le secrétaire d'Etat. Il n'y aura plus de développement naturel et spontané du tourisme. Il n'y aura pas d'effet France, effet magique, en lui-même suffisant. Aussi n'a-t-on pas le droit de faire de petites économies sur un investissement aussi rentable, dont les retours sont aussi rapides, aussi certains et aussi importants.
On n'a pas le droit de faire du budget du tourisme, même si c'est à la marge, une variable d'ajustement du budget de l'Etat.
La promotion d'aujourd'hui, ce sont les devises de demain.
Depuis des années, la France fait la course en tête. Mais son avance est chaque année plus réduite. Lorsqu'elle sera dépassée, il ne faudra pas nous dire : « Je n'ai pas voulu cela ! »
La promotion est non pas un luxe, mais une nécessité, surtout en période de crise. Or vous infligez une baisse de 9 % aux outils de promotion de la France à l'étranger. Ainsi, le GIE Maison de la France, dont l'efficacité n'est pourtant plus à démontrer, verra ses moyens d'action considérablement amputés, ce qui mettra gravement en péril notamment la politique de prospection des marchés étrangers, en particulier nord-américains, conduite avec intelligence depuis une dizaine d'années.
Si mon éminent collègue Ambroise Dupont avait pu intervenir dans ce débat comme il le souhaitait, il aurait souligné avec plus de talent que moi tant l'importance primordiale de l'esprit de prospection, de promotion et de créativité que la nécessité d'augmenter le budget de promotion du tourisme.
Il n'aurait aussi réclamé votre vigilance sur la réforme des fonds structurels européens pour que la réduction des enveloppes ne nuise pas au développement touristique des territoires les plus fragiles de notre pays.
M. Emmanuel Hamel. Il n'aurait pu s'exprimer mieux que vous !
M. Bernard Plasait. Il aurait surtout évoqué le problème récurrent du taux de la TVA appliqué à la restauration. Il faut une volonté politique pour trouver le moyen de ne pas pénaliser la restauration traditionnelle, si importante pour notre économie et pour la qualité de l'image de la France dans le monde. Vous savez, madame le secrétaire d'Etat, combien la qualité de l'image est la première des conditions du développement du tourisme. L'image d'un pays conditionne de nombreux comportements : ceux des dirigeants politiques, des décideurs, des consommateurs.
Il est d'ailleurs très intéressant de tenter de comprendre pourquoi, par exemple, l'image de l'Allemagne et du Japon aux Etats-Unis est meilleure que celle de la France. Par une véritable stratégie de communication, l'Allemagne et le Japon ont su surmonter très rapidement le handicap de la défaite de 1945, et créer, dès les années cinquante, un environnement favorable à des offensives commerciales, industrielles, scientifiques ou culturelles.
La grande leçon est celle du couple savoir-faire et faire-savoir. Si elle veut être durable, l'image ne peut s'appuyer que sur une réalité. Mais elle doit aussi être l'objet d'une politique forte. Certes, l'image est un actif incorporel d'une entreprise ou d'un pays ; mais cet actif est loin d'être le moins important. Or la France n'a pas de politique globale et collective pour son image.
En avril 1991, Michel Rocard notait ceci : « Un grand nombre d'administrations mènent des actions de promotion de la France à l'étranger. Mais cet ensemble ne constitue pas une politique cohérente et globale de l'image de la France, et cela, malgré des moyens importants. Il faut coordonner les initiatives et assurer la continuité des actions. »
M. Emmanuel Hamel. Que n'est-il encore ici pour le dire lui-même !
M. Bernard Plasait. Le rôle de l'Etat est évidemment important pour faciliter la cohérence des messages et la coordination des actions des acteurs publics, parapublics et privés. Les efforts dispersés, même de grande qualité, ne constituent pas une politique d'image.
La première chose est donc d'être convaincu de la nécessité d'une politique d'image digne de ce nom. La deuxième est d'être lucide sur la perception actuelle de notre pays dans le monde. La troisième est de définir l'image que nous voulons donner de la France.
Le projet de budget que vous nous présentez, madame le secrétaire d'Etat, ne traduit malheureusement aucun de ces trois impératifs.
L'image de la France est certes meilleure qu'on pourrait le craindre, mais tellement moins bonne qu'on pourrait l'espérer, compte tenu de ses nombreux atouts.
M. Emmanuel Hamel. C'est vrai !
M. Bernard Plasait. Les principaux attraits de la France, les images qui viennent spontanément à l'esprit des étrangers, à travers le monde, sont le romantisme, la douceur de vivre, les vignes, la gastronomie, l'art de la table, l'artisanat, les antiquaires,...
M. Emmanuel Hamel. Et la beauté des femmes ! ( Rires. )
M. Bernard Plasait. ... la mode, les parfumeurs, les ponts, les églises, les cathédrales,...
M. Emmanuel Hamel. Péguy !
M. Bernard Plasait. ... les rues étroites, les marchés de plein air, les fleurs, les bouquinistes, c'est-à-dire toutes les composantes d'une image d'art de vivre.
Les faiblesses de l'image de la France sont liées à l'accueil, à nos déficiences pour la maîtrise des langues étrangères et aux prix. Il s'agit, en fait, des composantes de l'image de « l'arrogance » française, hélas ! souvent évoquée à l'étranger.
Enfin, il faut noter une caractéristique importante de notre image : la France est connue surtout par et à travers Paris.
Bien entendu, la France ne se réduit pas à Paris. Avec ses extraordinaires richesses régionales, la France a toutes les qualités pour gagner la bataille mondiale du tourisme, sauf peut-être la volonté de faire jouer pleinement l'effet Paris. Paris est magique. C'est le mariage réussi entre le patrimoine et la modernité, l'histoire et la vie bouillonnante. Ainsi Paris est-il décrit par nos visiteurs comme le cadre admirable de l'art de vivre qui n'appartient qu'à la France. C'est l'atout maître. Il faut, madame le secrétaire d'Etat, que cela serve à tous les Français.
Les Français devraient préparer tous ensemble les fêtes de l'an 2000. Ils devraient exploiter Paris pour attirer 100 millions de visiteurs,...
M. Emmanuel Hamel. Ce n'est pas assez !
M. Bernard Plasait. ... qui viendraient finir le siècle dans la douceur de vivre à la française et commencer le troisième millénaire une coupe de champagne à la main.
Hélas ! avec votre budget, madame le secrétaire d'Etat, il y a loin de la coupe aux lèvres !
M. le président. La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Madame la secrétaire d'Etat, l'évolution à la baisse de votre budget ne le rend pas enthousiasmant à première vue, à la différence de celui de l'aménagement du territoire, qui progresse.
Ces deux cadres financiers sont en effet déterminants pour les zones de montagne.
Je dois cependant dire que vous m'avez rassuré à deux égards : tout d'abord, par votre volonté de stopper la tendance à la baisse des crédits affectés au tourisme ces dernières années, ce qui demande d'être vigilant sur les régulations ultérieures ; ensuite, parce que l'effort de votre secrétariat d'Etat en faveur de l'aménagement du territoire est manifeste.
Je prends bonne note des avancées en matière de tourisme social, à propos du plan patrimoine, des chèques vacances et du calendrier scolaire. Je me réjouis de la mise en oeuvre des emplois-jeunes et de la bonification à taux bas des prêts consentis à l'hôtellerie de tourisme, soumise à des sujétions pesantes et à une forte pression financière.
Cependant, un certain nombre de points me préoccupent. J'en évoquerai deux concernant la montagne. Mais avant tout, madame la secrétaire d'Etat, je voudrais vous demander d'être vigilante sur certains investissements concernant le tourisme social. L'exemple d'une association nationale qui a bradé plusieurs de ses villages de vacances à un promoteur, voilà quelques années, résonne encore douloureusement dans mon esprit !
Cette parenthèse étant refermée, je dirai que toutes les communes touristiques - elles sont très nombreuses, y compris dans les zones rurales - oeuvrent à la fois pour leurs habitants et pour leur clientèle saisonnière. Mais elles sont limitées par la fiscalité locale et par des dotations hors de proportion avec leurs charges, qui s'alourdissent rapidement.
Dès lors, elles cherchent à augmenter leur produit en réagissant à la manière d'entreprises et deviennent de ce fait sensibles aux mêmes contraintes.
Du point de vue de l'aléa climatique, par exemple, les stations de moyenne montagne sont dans une situation peu confortable en raison du manque d'enneigement au cours des années quatre-vingt-dix. A cet égard, 1997 fut un cru médiocre. C'est pourquoi il serait temps de mettre en place un dispositif d'assurance ou de mutualisation de ce risque.
Dans le même ordre d'idée, le thermalisme souffre au plan national depuis 1992, et de nombreuses stations thermales sont au bord de l'asphyxie. Bien qu'elles aient nécessairement conscience qu'un curiste est un touriste à mi-temps, souvent accompagné, elles sont rarement en mesure aujourd'hui d'attirer une clientèle jeune. Les contrats de plan n'ayant pas réellement porté leurs fruits jusqu'à présent, j'estime, madame la secrétaire d'Etat, qu'il serait nécessaire de mettre à plat ce dossier, afin de parvenir à une meilleure coordination des ministères concernés, et vous savez qu'ils sont nombreux.
Plus généralement, je citerai pêle-mêle, entre autres objets d'inquiétude, le fonctionnement du SEATM, le service d'études et d'aménagement touristique de la montagne, le problème de la dotation touristique au sein de la dotation globale de fonctionnement, la réhabilitation de l'immobilier touristique et la régression de l'hôtellerie rurale. La traduction budgétaire d'une ambition ministérielle en ces domaines n'est pas évidente. Mais il est vrai que le contexte est difficile. Je ferai une dernière remarque, sur la restauration.
La TVA donne lieu, comme vous le savez, à des distorsions de concurrence importantes. Les obstacles juridiques et budgétaires ne peuvent-ils être surmontés ? En tout état de cause, il convient de ne pas laisser ce dossier en l'état, la restauration traditionnelle étant trop lourdement pénalisée.
Madame la secrétaire d'Etat, de même que le territoire ne s'auto-aménage pas, le tourisme ne peut se développer seul, j'en suis tout à fait d'accord avec vous. Même si notre pays demeure la première destination touristique mondiale, beaucoup reste à faire en ce domaine et l'Etat a un grand rôle à jouer. Considérant que l'action de votre département ministériel est loin d'avoir atteint sa pleine maturité, je prends votre budget comme un budget de transition, qui a le vrai mérite de dégager de grandes orientations. Mais, comme nombre d'entre nous, si je suis sûr de votre capacité à initier, impulser, coordonner, je fonde surtout espoir sur votre action dans la durée. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier MM. Loridant et Ginésy de la qualité de leurs rapports, ainsi que Mmes et MM. les sénateurs de leurs interventions.
Permettez-moi, en préalable à mon propos, de vous rappeler les grandes lignes de ma politique, qui constituent, en quelque sorte, la philosophie de mon secrétariat d'Etat.
J'entends considérer le tourisme comme une activité citoyenne. Il concourt à l'épanouissement de la personne humaine ; il engage à la découverte d'autres peuples et d'autres cultures ; il contribue à nous rendre davantage conscients de nos responsabilités ; il nous apprend la tolérance et le respect des autres. Le tourisme est, de surcroît, un facteur d'émancipation.
Je vois aussi dans le tourisme une source importante de développement économique et social. La consommation touristique correspond à 7,5 % du produit intérieur brut et ce pourcentage va augmenter encore dans les années à venir. L'apport du tourisme en devises et en rentrées fiscales est décisif pour notre économie. Le tourisme est - j'y reviendrai - créateur d'emplois, et je ne peux les envisager que durables et qualifiés. Il faut assurer une croissance de l'économie touristique au service de tout le pays.
Telles sont les deux grands idées qui conduisent mon action. Mes contacts avec les usagers comme avec les professionnels me laissent penser qu'elles sont largement partagées. Le Gouvernement propose de fixer les crédits du tourisme à 338 millions de francs. Certes, ils baissent de 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997, mais ils restent stables, si on les compare aux crédits effectivement disponibles après régulation budgétaire. Je remercie M. Ginésy d'avoir signalé, dans son rapport, que cette reconduction était déjà un progrès sur les années précédentes. Je n'entends pas, bien entendu, en rester là.
Le budget du tourisme a perdu en quatre ans le quart de son montant. Il faut en chercher la raison dans cette idée reçue que le tourisme pourrait se développer tout seul. Or, sans une intervention publique forte, il n'y a pas de promotion de l'image de la France, de toute la France, dans le monde, il n'y a pas de développement harmonieux du territoire, il n'y a pas de vision à long terme.
D'où la nécessité de renforcer l'intervention de l'Etat dans le domaine du tourisme, pour définir une politique, donner les impulsions nécessaires, fédérer les actions. Tel est mon engagement sur la durée de la législature.
Au vu de l'évolution de la demande, j'ai fixé à mes services l'objectif de soutenir la diversification de l'offre touristique, tout en assurant un aménagement et un développement sauvegardant la nature et les paysages. Bien entendu, monsieur Besse, il faut concilier la protection des paysages et la nécessité d'une desserte correcte des stations touristiques, ce qui n'est pas incompatible, surtout si cela se réalise dans la concertation.
Pour assurer le développement local, je m'appuie sur le réseau des délégués régionaux au tourisme. Ils sont, sur le terrain, les interlocuteurs naturels des administrations de l'Etat, des collectivités locales et de leurs comités régionaux et départementaux de tourisme. Les moyens de ces délégations régionales, dans le contexte budgétaire actuel, ont été préservés.
L'Etat apporte sa capacité d'expertise à travers l'agence française d'ingénierie touristique, l'AFIT, et le service d'études et d'aménagement touristique de la montagne. Cette intervention est essentielle, car le tourisme, par son caractère pluridisciplinaire, suscite une nouvelle approche de l'aménagement.
L'AFIT n'a rien perdu de sa capacité d'action. Elle a, durant ses premières années d'existence, accumulé un stock de savoir-faire qu'elle va pouvoir maintenant exploiter. Elle va pouvoir aussi utiliser une partie de ses réserves financières.
S'agissant des zones rurales, mon département ministériel soutiendra les projets de développement local respectueux de la nature et de l'environnement, qui permettront, d'une part, le maillage de notre territoire national et, d'autre part, la création de richesses et d'emplois. Oui, monsieur Besson, le tourisme est partie prenante de l'aménagement du territoire.
Il nous faut cependant rester conscients que les atouts naturels ne suffisent plus. La concurrence est de plus en plus vive. M. Loridant l'a rappelé, à juste titre, tout à l'heure. La France ne sera choisie que si elle offre de parfaites conditions d'accueil et une diversité maximale d'activités : le littoral, la montagne, la campagne, mais aussi la ville, les cours d'eau, les lieux de production industrielle... beaucoup de sites peuvent être valorisés sur le plan touristique.
Cela implique une organisation efficace de l'offre touristique qui, dans l'espace rural plus qu'ailleurs, passe par un regroupement des acteurs et une mise en cohérence des moyens.
Notre soutien se traduit au travers des crédits inscrits en investisssement dans le cadre des contrats de plan Etat-région et, en fonctionnement, au travers de la ligne budgétaire « Développement territorial du tourisme ». Ces crédits jouent bien souvent le rôle d'effet de levier pour l'obtention des fonds européens et plus particulièrement du Fonds européen de développement régional, le FEDER.
La contribution de l'Etat aux contrats de plan Etat-région est importante. Les moyens mis en oeuvre seront au même niveau que ceux du budget initial pour 1997, soit 16,66 millions de francs en fonctionnement et 15,1 millions de francs en investissements.
Certains d'entre vous ont exprimé leur inquiétude sur le nouveau régime-cadre d'aide publique aux entreprises du tourisme, qui a été adopté par la Commission européenne, le 5 mars dernier. En effet, s'il garantit une certaine sécurité juridique, ce régime n'est pas pleinement satisfaisant, notamment parce qu'il ne fait bénéficier d'un taux d'aide très favorable que les seules zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire dite PAT « industrie », et parce qu'il n'accorde pas de statut particulier aux très petites entreprises.
J'ai demandé que ce système soit amélioré. Une concertation a été engagée par les préfets avec les élus locaux sur ce dossier. Leurs observations nous permettront de soumettre un nouveau dispositif à la Commission.
Pour accroître la fréquentation touristique, mon objectif prioritaire, monsieur Pagès, est d'assurer le droit aux vacances à ceux qui en sont actuellement privés. Je vous rappelle que 40 % des Français ne sont pas partis en vacances cette année. Nous ne pouvons l'accepter. C'est un droit, je veux le redire solennellement devant le Sénat, aussi important que le droit au travail, le droit à l'éducation et le droit à la santé.
Comment peut-on mieux garantir ce droit ? Notamment, et c'est ma première action, par l'élargissement de l'attribution des chèques-vacances. En 1996, ont bénéficié de ce dispositif un million de familles, soit quatre millions de personnes.
Mais les personnels des entreprises dépourvues de comité d'entreprise, c'est-à-dire ceux des petites et moyennes entreprises de moins de cinquante salariés - ils sont plus de sept millions et demi -, doivent pouvoir, eux aussi, accéder à cet avantage. Nous travaillons à une forme d'association à caractère mutuel ; les partenaires sociaux décideront librement d'y adhérer ou non. Nous ne voulons pas contraindre, nous souhaitons, au contraire, une démarche volontaire, citoyenne, négociée.
Dans le même esprit, j'ai souhaité que mon département ministériel participe à l'élaboration du projet de loi pour la prévention et la lutte contre l'exclusion, afin que celui-ci comporte un volet « droit aux vacances », ce qui n'avait pas été le cas précédemment. Je prépare également une action pour le droit aux vacances des personnes handicapées.
Par ailleurs, nous allons aider les associations du tourisme social à surmonter leurs difficultés.
C'est pourquoi j'ai fait de la réhabilitation du parc immobilier des organismes du tourisme social la priorité numéro un de mon budget. Les crédits affectés au plan patrimoine vont plus que doubler. Ce plan va nous permettre de rénover les hébergements gérés par les associations. Ces équipements seront ainsi à même de répondre aux nouvelles aspirations de leurs usagers.
De même, avec l'agence pour le chèque-vacances, nous soutiendrons les investissements du tourisme associatif et du tourisme social privé, notamment la petite hôtellerie rurale, le camping, les gîtes ruraux.
Enfin, j'ai souhaité maintenir l'aide de l'Etat au fonctionnement des associations du tourisme social à hauteur de 7 millions de francs. La dotation qui se situe au même niveau que dans le budget initial pour 1997, est, en réalité, supérieure de 2,6 millions de francs, compte tenu des gels de crédits intervenus en cours d'année.
La France, vous l'avez rappelé, reste le pays le plus fréquenté du monde, avec 62,4 millions de visiteurs cette année, nombre en augmentation de 5 % à 15 %, selon les régions. Le solde du poste « voyages » de la balance des paiements est en augmentation de 24,4 % par rapport à la même période de 1996.
Le tourisme français conforte sa place de première destination dans le monde, mais nous ne pouvons effectivement pas, monsieur le rapporteur, nous « endormir sur nos lauriers ». Les voyageurs partent moins longtemps, fractionnent leurs séjours. Ils aspirent à des formes différentes de tourisme. Il sont de plus en plus vigilants quant aux conditions d'accueil, de sécurité et au rapport qualité-prix sur les lieux de vacances.
Nous devons être capables d'adapter et de faire connaître notre offre touristique, qu'elle soit métropolitaine ou d'outre-mer, en fonction de ces évolutions nouvelles.
C'est là qu'intervient Maison de la France. J'ai bien entendu vos réserves sur la dotation de l'Etat à Maison de la France. J'aurais préféré me présenter devant vous avec d'autres chiffres. Mais il faut dire aussi que la performance de Maison de la France ne se mesure pas seulement à l'aune des subventions. J'ai souhaité qu'une réflexion stratégique s'engage, visant à la rationalisation de cet instrument et à la mobilisation d'un nouveau partenariat.
Oui, monsieur Joly, nous devons maintenir la promotion de la France, de toute la France, sur nos marchés traditionnels. Compte tenu des contraintes budgétaires, il devrait y avoir cette année un allégement de nos campagnes de promotion. J'ai cependant demandé au groupement d'intérêt économique de limiter les effets négatifs de cette baisse par la recherche d'une meilleure pertinence. Maison de la France élabore un plan marketing très ciblé, par pays et par produit, afin d'avoir la meilleure efficacité. En outre, nous avons décidé un programme ambitieux sur les marchés émergents. Je rassure d'ailleurs M. Ostermann, le bureau de Pékin doit ouvrir dans quelques jours.
M. Emmanuel Hamel. Il faudra l'inviter à l'inauguration !
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat. Il importe, sur la durée de cette législature, de muscler Maison de la France pour en faire un véritable outil de promotion et d'ingénierie, nous permettant de conquérir une part plus importante du marché mondial touristique et de conserver notre rang de pays le plus visité.
Concernant la Coupe du monde de football, je m'apprête à piloter la plus grande campagne jamais organisée de promotion de la France à l'étranger et dans notre propre pays. Autour du concept « Bonjour 98, la France accueille le monde », nous lançons une stratégie très offensive pour mettre la France en fête cet été.
J'ai commencé à mobiliser l'ensemble des acteurs et je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui jouez un rôle dans les comités régionaux et départementaux du tourisme et dans les offices du tourisme, de participer à cette mobilisation générale autour de l'accueil et de l'image de la France.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat. Adapter notre offre touristique pour les Français comme pour les étrangers, c'est aussi porter attention aux technologies nouvelles. Une réflexion est en cours en vue de la mise en place d'un serveur national de réservation et d'un site d'information. Ces deux outils rendront ainsi l'offre française plus accessible aux tours-opérateurs et agents de voyages.
Le suivi statistique des flux et des besoins des touristes actuels et futurs - M. Egu l'a souligné - est fondamental pour anticiper sur les évolutions de la demande. Nous y consacrons plus de 11 millions de francs, en dépenses directes et en interventions.
Je souhaite que notre appareil statistique soit enrichi, en particulier dans la connaissance de l'emploi dans le tourisme, afin que les décideurs tiennent compte de cet élément dans leurs investissements et leurs offres de nouveaux produits.
Ces décideurs sont publics et privés. C'est une des caractéristiques du tourisme français - et sa grande originalité - que de mettre en mouvement l'Etat, les collectivités locales, le monde associatif et des entreprises de toutes tailles. Chacun a son rôle à jouer.
Pour cela, il faut élever le niveau de performance des entreprises touristiques. Notre secteur économique étant constitué à la fois de grandes entreprises et d'un tissu de 200 000 petites et moyennes entreprises, les mesures fiscales prévues dans le projet de loi de finances pour 1998 vont faciliter la création d'entreprises et l'embauche, notamment dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration.
Au-delà des mesures fiscales, le processus de restructuration de la dette hôtelière, garantie par la société française pour l'assurance du capital-risque, la SOFARIS, donnera aux entreprises de ce secteur la bouffée d'oxygène indispensable à leur survie, en allongeant la durée de remboursement des emprunts.
Pour l'endettement nouveau, le Gouvernement a mis en place un dispositif de prêts bonifiés à destination des entreprises de la restauration. Elles pourront ainsi financer leurs travaux de mise en conformité avec les règles d'hygiène et de sécurité. Cela représente une capacité de prêts de l'ordre de 3 milliards de francs.
Enfin, je dirai d'un mot à M. Bony que je ne baisse pas les bras sur la question des distorsions de concurrence, qu'elles soient d'ordre fiscal ou réglementaire.
Il faut aussi engager une réflexion sur les charges sociales et fiscales, afin qu'elles ne pénalisent pas les entreprises de main-d'oeuvre par rapport aux entreprises à forte composante en capital fixe. Une mise à plat de ces éléments est indispensable. Des premières propositions seront faites lors du dépôt de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, à l'automne 1998.
J'en viens naturellement à la question de l'emploi. Le développement dont je viens de vous entretenir ne prend en effet pleinement son sens que s'il profite à l'emploi, aux salariés, aux entreprises.
Au total, 12 000 emplois salariés sont créés annuellement dans le tourisme. Il est possible de faire plus, et mieux. Le secrétariat d'Etat au tourisme s'inscrit pleinement dans le plan emplois-jeunes. Des activités ont été identifiées pour répondre aux besoins peu satisfaits. La réalisation effective du plan résultera de la concertation en cours avec les élus locaux, les associations, les organismes consulaires.
La concertation a abouti, déjà, à la signature d'accords-cadres avec la fédération des offices de tourisme et des syndicats d'initiative, avec la fédération nationale des pays d'accueil, avec l'association des villes d'eau et, dernièrement, avec la fédération nationale des sociétés d'économie mixte, ce qui représente 2 500 emplois.
Je peux vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces emplois ne concurrenceront pas des activités déjà offertes par le secteur privé.
Parce que ces emplois répondent à un besoin, parce qu'ils auront des effets positifs sur l'activité touristique et parce que leurs retombées économiques seront tangibles, il ne peut s'agir de « petits boulots ». Il s'agira de contrats débouchant sur la création d'emplois permanents, durables et qualifiés.
Nous avons l'espoir de pérenniser ces emplois au-delà du délai de cinq ans. C'est possible si l'effort consenti par l'Etat durant cette période permet aux régions, aux départements et aux communes d'augmenter leur fréquentation touristique.
A ce propos, je voudrais souligner combien la perspective de réduction du temps de travail a de quoi intéresser les professionnels du tourisme. Ce temps gagné, pour beaucoup, sera du temps pour les loisirs, pour la découverte, pour les vacances.
La question des trente-cinq heures dans l'industrie même du tourisme est certes difficile, en particulier dans les très petites entreprises. Mais j'invite les partenaires sociaux à faire preuve d'imagination et d'audace, dans une branche où la précarité n'est pas fatale et où la formation professionnelle peut être capitale pour l'avenir, car les besoins des consommateurs exigent un service de qualité.
Je tiens d'ailleurs à vous indiquer qu'avec Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, nous avons débloqué la situation du fonds d'assurance-formation pour l'industrie hôtelière, le FAFIH, qui va pouvoir reprendre ses programmes de formation des jeunes et de réinsertion des chômeurs de longue durée.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les informations et précisions que je voulais vous apporter.
Pour conclure, je voudrais rappeler que les vacances ne sont pas un quelconque supplément de plaisir, mais qu'elles peuvent et doivent devenir un élément déterminant de l'épanouissement des hommes. C'est seulement en prenant en compte la situation et les besoins de nos contemporains, de tous nos contemporains, que nous y parviendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'équipement, les transports et le logement.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné, jeudi 4 décembre, les crédits affectés à l'urbanisme, aux transports et à la mer, et, aujourd'hui, les crédits affectés au logement.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 218 120 651 francs. »