M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du Premier ministre.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ayant présenté analyses et chiffres dans mes deux rapports écrits, je me bornerai, à cette heure, à quelques réflexions sur la presse, d'abord, sur l'audiovisuel, ensuite.
Dans un monde saturé de messages et d'images, la presse quotidienne française doit faire face à de grandes difficultés, en dépit de l'aide que lui apporte, au nom de la défense du pluralisme, l'Etat, deux entreprises publiques et les collectivités locales.
Si cette presse n'en a plus le monopole, elle continue d'être le symbole de la liberté d'expression.
Aujourd'hui comme hier, la presse doit rester fidèle à son éthique.
Aujourd'hui comme hier, il lui faut assurer l'équilibre économique de ses entreprises.
On se trouve là au confluent de deux logiques : la première, longtemps privilégiée en France, tend à soumettre la presse à un mode de régulation politique, faisant prévaloir les considérations d'égalité et de pluralité sur celles d'efficacité économique ; la seconde, dominante dans les pays anglo-saxons, est une logique de marché, où le bien public résulte non de l'intervention de l'Etat, mais du libre jeu des initiatives individuelles.
Les risques du mode de régulation à l'anglo-saxonne nous sont connus. Ils résident moins dans la subordination de la presse aux intérêts économiques que dans un réel appauvrissement culturel résultant de la loi des grands nombres. Par son accumulation quasi infinie, l'information résiste mal à la tentation de la surenchère. Dans une société en quête de spectaculaire, elle instaure un système de relativité généralisée, qui finit par estomper la frontière entre le vrai et le faux, l'important et l'accessoire. C'est ainsi que la démocratie pourrait être fragilisée par les conséquences des difficultés auxquelles la presse quotidienne doit faire face.
C'est pourquoi le projet de budget pour 1998, tel qu'il arrive de l'Assemblée nationale, n'est pas totalement rassurant. Au-delà des déclarations d'intention, il y a les faits. La presse continue de vivre sous perfusion budgétaire : plus de 8 milliards de francs d'aides publiques en tous genres lui sont consacrés, sans que l'efficacité en soit vraiment garantie.
En présentant les crédits d'aide à la presse, vous avez affirmé ceci, madame la ministre de la culture et de la communication : « Pour la presse écrite, nous faisons clairement le choix d'un plan de développement de la presse quotidienne. » Au Sénat, nous sommes bien évidemment majoritairement favorables à cette orientation. Toutes les formes de presse ont leur importance ; mais, s'il faut faire des choix, s'il faut se donner des priorités, celle de la presse d'information s'impose, eu égard à son importance pour la démocratie.
De plus, vous avez déclaré qu'il fallait rompre avec la logique de compensation des charges au profit d'une logique d'incitation à la modernisation.
Sur ce point également, nous sommes majoritairement d'accord avec vous et, lorsque je dis « majoritairement », je n'envisage évidemment pas les clivages politiques et je vise l'ensemble de notre assemblée.
Le Sénat attend maintenant de connaître les propositions des groupes de travail en cours de constitution, souhaitant que ces groupes puissent formuler des propositions claires, efficaces et que celles-ci soient suivies de décisions puis de réalisations.
Je m'exprimerai maintenant sur un sujet précis, celui de la taxe de 1 % sur le hors médias, au nom de M. le président de la commission des finances qui me l'a demandé et en mon nom personnel, pour souhaiter que le Gouvernement et le Parlement trouvent l'équilibre pour la nouvelle taxe entre, d'une part, les redevables et, d'autre part, les bénéficiaires.
Fort heureusement, madame la minsitre, mes chers collègues, le débat n'est pas clos ; il va se poursuivre tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Nous serons donc heureux, madame la ministre, de connaître les intentions du Gouvernement en l'instant et compte tenu des décisions qui ont été prises tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, souhaitant que nous puissions aboutir à un équilibre conforme à l'esprit initial d'un projet de budget auquel j'avais, dès l'abord, apporté mon soutien.
Sur les crédits d'aide à la presse, je conclus donc que votre commission des finances a décidé, à l'unanimité, de vous proposer de les voter, mes chers collègues.
J'en arrive maintenant au secteur public de l'audiovisuel.
L'espace audiovisuel est désormais sans frontières et cet espace est ouvert sur le monde.
Or, dans sa croisade en faveur de l'exception culturelle, la France est isolée. Le renouvellement de la directive « télévision sans frontière » l'a bien montré et les récentes décisions que le CSA a été obligé de prendre le prouveraient s'il en était besoin.
De plus, dans sa lutte au sein de la concurrence internationale, la France est divisée. Au moment des grandes manoeuvres sur le numérique, les Français sont partis au combat en ordre dispersé alors que trop de chaînes publiques ont des vocations mal définies, notamment sur le plan international.
Les opérateurs privés sont eux-mêmes divisés. On a vu que les premières manifestations de la compétition entre bouquets satellites ont entraîné des surenchères pour l'acquisition de catalogues de films étrangers. Nul doute que cette concurrence franco-française - et le problème des droits en est une autre manifestation presque caricaturale - sera finalement nuisible à la diffusion de la culture française.
Enfin, si la France est isolée, divisée, la France est également, hélas ! aveuglée. Elle ne voit ni la puissance des forces économiques et sociologiques, qu'elle croit pouvoir endiguer, ni même que, sur son propore sol, les règles du jeu audiovisuel ont changé !
L'année dernière, on pouvait contester l'importance des recettes publicitaires et les dérives en résultant pour le budget de 1997 et pour les chaînes du secteur public, en particulier pour France 2. Plusieurs de mes collègues et moi-même étions alors intervenus pour regretter l'importance des ressources publicitaires.
A cet égard, le budget de l'audiovisuel - c'est non pas une critique, madame la ministre, mais une constatation - n'apporte guère d'amélioration en dehors de la décision que vous soumettez au Parlement d'augmenter la redevance de 5 % sans en modifier l'assiette.
En France, le secteur public de l'audiovisuel se trouve dans l'obligation d'appliquer une politique qui ne correspond pas aux missions qu'il tient du législateur, et ce sous de nombreux gouvernements et depuis de nombreuses années. Je n'en donnerai pas le point de départ pour ne gêner personne.
En fait, la seule variable d'ajustement des recettes est devenue, surtout pour France 2, le montant des ressources publicitaires et la seule variable d'ajustement des dépenses est devenue le montant du budget de programmes.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bonne formule !
M. Jean Cluzel rapporteur spécial. Cette situation est d'autant plus grave que, dans ce secteur, la mondialisation s'est produite plus rapidement, plus brutalement, plus totalement qu'ailleurs.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean Cluzel rapporteur spécial. Je considère, personnellement - et l'on comprendra que j'insiste sur le mot « personnellement » après le vote intervenu le 6 décembre 1996 dans cette assemblée - que seule la limitation des exonérations de redevance aux cas sociaux pourrait donner au secteur public les ressources dont il a besoin pour faire régresser la part de publicité, surtout pour France 2 mais également pour France 3, et échapper ainsi à une course à l'audience qui empêche nos deux grandes chaînes publiques généralistes de jouer pleinement leur rôle.
De plus, sachons bien que la France ne gagnera pas une bataille pour sa survie audiovisuelle à coups de règlements.
Nous savons également que, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la représentation du monde ne se transmet plus seulement par les parents, par l'école, par les églises ou par les livres, mais également par des conglomérats d'intérêts originaires des pays les plus puissants de la planète, qui veulent imposer leur manière de voir, leur manière de vivre à l'humanité tout entière. On songe aux groupes Bertlesmann et Kirch en Allemagne, à Ruppert Murdoch aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Asie, à Bill Gates et à sa panoplie de satellites. On pense également à Ted Turner et CNN, chaîne mondiale d'information en continu, dont l'influence et le rôle se sont imposés dès la guerre du Golfe, en 1991.
C'est ainsi, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que la télévision fait passer, en permanence, des messages qui, en raison de la puissance envoûtante de l'image, uniformisent d'abord les comportements puis la culture. En voici quelques exemples pris dans notre quotidien.
Premier exemple : dans l'adaptation d'un « Maigret » de Simenon, avec Bruno Cremer, le commissaire interroge un tenancier de bistrot parisien qui lui rétorque : « objection, votre honneur ! », comme dans les films policiers américains.
M. Maurice Schumann. C'est exact !
M. Jean-Claude Cluzel, rapporteur spécial. Deuxième exemple : lors d'un tournage dans un petit village du Centre avec un groupe d'enfants d'une école primaire, plusieurs se prénommaient Kevin, Sue Ellen, Christopher, notamment, au gré des séries de télévisions américaines passées quelque sept ou huit ans auparavant.
Enfin, dernier exemple tout récent, l'importance accordée, à Paris tout ou moins, à la célébration d'Halloween, avec sorcières et citrouilles ? Comment nier, dans ces conditions, que la télévision fasse passer des messages ?
Ajoutons un exemple de système de valeurs véhiculé par l'image : dans le générique de France 3 - Ile-de-France, en 1995 il est vrai , le monument historique illustrant la région parisienne n'était autre que, vous l'avez deviné, le château de Disneyland !
C'est pourquoi la mondialisation de la communication impose d'énormes efforts, si nous refusons - et nous le refusons - d'être absorbés par des cultures, des systèmes éducatifs ou, tout simplement, des moyens de connaissance qui ne sont pas les nôtres. Sinon, des réactions identitaires et nationalistes risquent de se faire jour. Là encore, la voie va devenir étroite, car la France risquerait d'avoir à choisir entre se soumettre aux impératifs internationaux ou sombrer dans le repli nationaliste.
C'est toujours le même débat de fond : veut-on ou non un secteur public qui constitue la deuxième branche de l'alternative - la seule, du reste - à ce scénario catastrophe ? Un certain nombre de pays, en suivant l'exemple des Etats-Unis, ont répondu négativement à cette question. La France et la plupart des pays de l'Union européenne ont choisi une autre voie qui consiste à équilibrer secteur public et secteur privé. C'est la seule qui puisse assurer le maintien de notre humanisme.
M. Maurice Schumann. Très bien !
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Si l'on fait ce choix du secteur public - et nous l'avons fait tous ensemble - il faut donner à ce secteur les moyens nécessaires à l'exercice de ses missions.
C'est en ayant pleinement conscience de cet enjeu que la commission des finances a pris la décision, à l'unanimité, de vous proposer le vote de ce projet de budget. Elle n'en sous-estime pas pour autant les lacunes - elle a bien entendu les critiques de nos collègues de la commission des affaires culturelles, qui sont du reste longuement analysées dans le rapport écrit - mais elle constate que ces lacunes ont des origines, qu'elles ont des effets, qu'il faut en rechercher les causes, et que ces causes résident dans des erreurs accumulées depuis tant et tant d'années sous des gouvernements de droite ou de gauche. Là encore, je ne donne pas de date et je ne cite pas de nom, pour ne gêner personne.
C'est, pour nous, une question d'intérêt général. Nous n'agissons pas ainsi pour satisfaire ou critiquer les uns ou les autres. L'intérêt général, pour nous, c'est celui de la France, celui de la culture de notre pays, de notre audiovisuel public.
Puisse beaucoup de sagesse - madame la ministre, je m'adresse particulièrement à vous - s'allier à beaucoup de détermination pour le prochain projet de loi sur la communication audiovisuelle. Puisse ce projet de loi permettre aux pouvoirs publics, Gouvernement et Parlement réunis, de mettre en place les structures et les moyens nécessaires à notre secteur public de l'audiovisuel afin que ce secteur remplisse correctement ses missions, toutes ses missions, à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la communication audiovisuelle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, s'il me fallait résumer le projet de budget de l'audiovisuel public d'une formule, ce serait par l'expression probablement un peu lapidaire : « une bonne occasion manquée ».
L'occasion, madame le ministre, vous avez su la créer et je vous en donne acte, c'est l'augmentation des crédits de 3,3 % par rapport à la loi de finances de 1997. Cette augmentation semble traduire une volonté de donner de l'élan à l'audiovisuel public. L'occasion, c'est l'augmentation sensible du taux de la redevance, décision courageuse qui paraît s'inscrire dans la même perspective. Notre rapporteur spécial l'a présentée comme l'une des solutions pour élargir la couverture par des moyens publics de la télévision publique.
Je n'insisterai pas sur ces deux points - ce qui est peut-être injuste - et je m'attarderai en revanche quelque peu sur l'autre volet de ma formule introductive, l'aspect manqué de l'occasion créée, afin d'expliquer le jugement défavorable que la commission des affaires culturelles a porté sur ce projet de budget.
L'an dernier, nous avions donné un avis favorable à l'adoption d'un budget plus difficile que le vôtre, car la restauration des finances publiques primait. Mais le gouvernement d'alors, me semble-t-il, avait tiré de ses faibles marges de manoeuvre un meilleur parti.
C'est ici que se situe le coeur de notre critique d'aujourd'hui : derrière la paille des augmentations, quelle sera l'évolution de l'audiovisuel public, quels horizons lui tracez-vous, en un mot, quel est le grain des réalités ?
Ce qui apparaît dans votre projet de budget, c'est une conception que je me permets de qualifier d'erronée. Je ne crains pas d'employer un terme un peu fort, car la cause est essentielle. Vous avez une conception erronée du sens et des missions du secteur public, une conception qu'aggrave à nos yeux un singulier manque d'ambition, de vision d'avenir.
J'ajoute que cette analyse est confirmée par la constatation, que nous sommes obligés de faire, de l'étonnant immobilisme du Gouvernement face à la nécessité de plus en plus impérieuse d'adapter la loi de 1986 sur la communication audiovisuelle aux bouleversements actuels qui secouent ce secteur.
Je reviens rapidement sur ces différents points en présentant une série d'observations qui vont illustrer mon propos.
Ma première observation porte sur la part relative des recettes publicitaires - cela a été souligné - et des ressources publiques dans le financement des chaînes publiques. C'est un critère important des ambitions de la programmation. Or le rapport évolue légèrement en faveur des recettes publicitaires. Sur quoi se fonde, dans ces conditions, madame le ministre, l'idée que vous avez développée devant les commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale que le projet de budget devait inverser la « spirale infernale » des années passées ?
Ma deuxième observation est que les crédits budgétaires affectés à l'audiovisuel public sont concentrés de façon accrue dans le budget de France 2 et dans celui de France 3, ce qui ouvre vraisemblablement la voie à des régulations déstabilisatrices pour la gestion de ces chaînes.
En revanche, ce risque est épargné aux chaînes estimables et attrayantes, mais périphériques au sein du secteur public, que sont La Sept-Arte et La Cinquième.
Un clivage fâcheux en résultera, me semble-t-il, entre une télévision de niche chargée des vertus du service public, à laquelle d'ailleurs vous avez réservé la qualification de « référence » du service public, et une télévision de masse - je pense à France 2 et à France 3 - implicitement vouée à l'alignement sur les chaînes commerciales privées. N'avez-vous pas l'impression, madame le ministre, que, de la sorte, vous risquez de miner peu à peu la légitimité de l'audiovisuel public ?
Ma troisième observation porte sur la redevance. Elle va augmenter sensiblement, nous l'avons vu, et je reconnais qu'il s'agit d'une décision courageuse, d'autant qu'elle correspond à la voie indiquée par M. le rapporteur spécial et consistant à limiter strictement les exonérations aux cas relevant de l'intervention sociale.
Toutefois, cette augmentation de la redevance est à mon sens déjà marquée du sceau de l'anachronisme. En effet, la véritable « spirale infernale », s'il en est, c'est précisément la diversification radicale des services et des équipements de réception que provoquera la numérisation.
Celle-ci rendra probablement bientôt obsolète le financement de la redevance, nous le pensons, nous le savons même. Or, aucune réflexion n'est actuellement menée, que je sache, sur le financement futur de l'audiovisuel public. Alors, hésitons à parler d'avancées, lesquelles ont d'autant moins de signification pour l'avenir que les idées d'avenir que nous attendions quelque peu dans ce projet de budget pour 1998 semblent faire défaut sur de trop nombreux plans !
J'en arrive au manque d'ambition que je crois avoir pu diagnostiquer et que nous devons donc dénoncer amicalement, madame le ministre. Ce sera ma quatrième observation.
Le projet de budget, à un moment crucial de l'évolution du paysage audiovisuel, ne prévoit aucune mesure d'importance pour accélérer l'adaptation de France Télévision aux exigences nouvelles de l'économie de la communication.
Certes, quelques mesures de modernisation sont prévues en faveur de La Cinquième et de l'INA, mais le degré de préparation des réalisations envisagées semble, s'agissant au moins de La Cinquième, difficilement justifier l'attention particulière que le Gouvernement porte à cette chaîne. C'est du moins l'impression que nous a laissé l'audition par notre commission du président de La Cinquième. Mais sans doute a-t-il poussé trop loin le sens de la modestie.
J'ai indiqué, en introduisant mon propos, que la vacuité du projet de budget face aux défis de la société de l'information trouvait sa contrepartie logique dans le temps considérable que le Gouvernement met à élaborer un projet de loi modifiant la loi sur la liberté de la communication, alors que l'urgence de certaines adaptations et la nécessité de combler certains vides juridiques ne sont mis en doute par personne.
J'étudie longuement ce point dans mon rapport écrit ; aussi, je me contenterai ici de citer un seul exemple, mais qui me paraît particulièrement préoccupant et, oserai-je dire, significatif.
La Cour de justice de l'Union européenne a rendu à la fin de 1996, on s'en souvient, un jugement aux termes duquel un service de télévision localisé dans un Etat membre et répondant aux conditions posées par cet Etat membre pour autoriser la diffusion peut obtenir sa diffusion dans tout autre Etat membre sans autre formalité.
A la demande du Gouvernement, le CSA a tiré les conclusions de cette jurisprudence en renonçant à conventionner les chaînes étrangères autorisées dans leur pays d'établissement et demandant leur distribution sur les réseaux câblés français.
Or vous n'ignorez pas, madame le ministre, que l'article 34-1 de la loi de 1986 dispose que les services non conventionnés pour un autre support ne peuvent être distribués sur le câble qu'après avoir passé une convention avec le CSA. Celui-ci va donc violer la loi sur vos indications !
Je trouve absolument consternant qu'aucun autre moyen de satisfaire à la réglementation européenne - et je pense à la modification de la loi, puisqu'elle est sans doute nécessaire - que la violation de la loi n'ait été préventivement utilisé.
Et puisque le choix a été d'ignorer la lettre de la loi, il aurait au moins fallu en respecter l'inspiration. Vous savez qu'un des premiers objectifs de notre législation de l'audiovisuel est de prévenir les atteintes à l'ordre public par le biais d'un média dont l'influence sociale est très considérable. Or voici les chaînes étrangères exonérées de tout contrôle préalable à cet égard.
En vous rappelant que l'ordre public reste une compétence exclusive des Etats membres, je vous suggère respectueusement, madame le ministre, de faire en sorte que la déclaration préalable que les chaînes étrangères devront faire au CSA soit expressément l'occasion pour celui-ci de vérifier la conformité du service demandeur à nos valeurs essentielles, et je ne parle pas là de la protection des industries culturelles uniquement ; je pense à des choses plus fondamentales.
Je terminerai en disant un mot de la restructuration de l'audiovisuel extérieur.
Vous savez que la distinction entre l'extérieur et l'intérieur n'est presque plus qu'une distinction administrative. Il faut absolument en tenir compte dans la réforme étudiée en ce moment, et faire en sorte que toutes les ressources de l'audiovisuel public soient mobilisées pour enrichir de façon concertée notre offre internationale.
Je salue, de ce point de vue, l'amendement présenté par notre rapporteur spécial, favorable à la création d'un fonds à l'exportation des programmes audiovisuels, et je partage avec M. Cluzel la conviction que nous avons une vocation particulière à nous opposer à l'hégémonie de la seule source qui s'impose aujourd'hui.
C'est pour toutes ces raisons que la commission des affaires culturelles a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'audiovisuel public pour 1998.
Je souhaite que vous ne preniez pas cet avis comme une condamnation a priori d'une action qui a un peu de mal à se mettre en place, mais dont nous ne connaissons pas encore le déploiement futur. Je souhaite, madame le ministre, que vous considériez plutôt cet avis comme un rappel de l'urgence et un appel à l'action.
L'audiovisuel public aborde manifestement une nouvelle période de son existence. Il appartient à l'Etat de préciser ses horizons, ses moyens, ses stratégies. La communication audiovisuelle est en cours de bouleversement ; il faut sans plus tarder lui donner le cadre juridique précis et sûr que les opérateurs français attendent pour engager leur redéploiement.
Tels sont nos souhaits, et nous vous aiderons, madame le ministre, si vous les faites vôtres ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse écrite. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les aides directes à la presse inscrites dans le projet de budget pour 1998 diminuent de 1,03 % par rapport à la loi de finances de 1997. Les crédits passent, en effet, de 248,8 millions de francs à 246,3 millions de francs.
L'évolution légèrement négative des crédits d'aide à la presse pour 1998 s'inscrit dans une tendance au repli lancée avec le gel de 15 %, opéré en février 1996, gel dont, il convient de le rappeler, le Sénat avait partiellement rattrapé les effets lors du vote de la loi de finances pour 1997 en portant les crédits du projet de budget de 230,2 millions de francs à 248,8 millions de francs.
Vous nous direz, madame le ministre, quelle signification vous attachez à cette continuité. Si elle est due à votre souci de la bonne gestion des finances de l'Etat, je ne puis que vous approuver, si du moins votre projet de budget ne méconnaît pas l'indispensable contrepartie de la rigueur financière. Je pense naturellement au recentrage des aides de l'Etat au profit de la presse d'information générale et politique.
Ce recentrage a été inauguré les années passées, avec prudence, en particulier grâce au plan d'aide arrêté en mai 1995. Vous poursuivez le mouvement avec un certain dynamisme, il faut le reconnaître.
J'approuve cette orientation et j'insisterai sur deux conditions, fondamentales à mes yeux, de sa mise en oeuvre.
Je pense qu'il faut infléchir de façon très progressive la répartition des aides afin que la remise en cause du système ne soit pas excessivement traumatisante pour l'économie de certaines catégories de presse.
Je pense aussi, et surtout, qu'il faut une très grande cohérence dans la démarche, sauf à créer un climat de suspicion qui en rendra difficile l'aboutissement.
Je dois dire que votre projet de budget des aides à la presse me paraît trop partiellement satisfaisant à cet égard.
Je noterai tout d'abord quelques motifs de satisfaction.
Le premier concerne les aides au portage. Il en existe deux.
La première est la compensation des charges liées au portage des quotidiens nationaux. Le fonds correspondant augmente de 233 %, les crédits passant de 2,4 millions de francs en 1997 à 8 millions de francs. Ce fonds permet le remboursement de la totalité des charges sociales de portage des quotidiens nationaux. Il s'agit d'une mesure prise pour cinq ans dans le cadre du plan de réforme des aides à la presse décidé en mai 1995, que je viens de mentionner.
La seconde mesure d'aide au portage n'est pas limitée à la presse nationale. Un crédit de 45 millions de francs, en augmentation de 200 % par rapport à 1997, est accordé au fonds d'aide au développement du portage créé par la loi de finances initiale pour 1997 et dont les modalités de fonctionnement viennent d'être fixées.
J'approuve sans réserve ces fortes augmentations de crédits : le portage est une forme de distribution de la presse quotidienne dont les avantages sont bien connus. Il est justifié d'accentuer les aides dans ce domaine afin de favoriser la mise en place des moyens lourds, dont seule une partie de la presse régionale dispose à l'heure actuelle. J'ajoute que ces aides sont ciblées par nature, seule la presse d'information générale et politique étant portée.
Mon second motif de satisfaction est l'augmentation des aides à la presse à faibles ressources publicitaires. En 1998, le crédit du fonds d'aide aux quotidiens nationaux sera porté de 15,7 millions de francs à 19 millions de francs, ce qui représente une augmentation de 21 %. Le fonds d'aide aux quotidiens régionaux départementaux et locaux à faible ressources en petites annonces sera, quant à lui, maintenu à son niveau de 1997, soit 7,8 millions de francs.
Je suis en revanche plus que réservé sur l'évolution des crédits d'allégement des charges de télécommunications des entreprises de presse. Les crédits de 1998 diminuent de 47 % dans le projet de budget, s'établissant à 13 800 000 francs contre 26 400 000 francs en 1997.
Or cette aide intéresse particulièrement la presse régionale et locale en raison du nombre élevé de ses correspondants, 25 000 pour la presse régionale. J'ajoute que le champ d'application du dispositif a progressivement été étendu aux transmissions numériques de données éditoriales, ce qui a contribué à favoriser la modernisation de la presse et son adaptation aux nouvelles techniques.
Le Gouvernement a justifié le repli des crédits de 1998 en se fondant sur l'archaïsme supposé d'un système établi à une époque où le coût du téléphone était élevé. La diminution du prix des communications téléphoniques avec l'entrée de ce secteur dans la concurrence en 1998 implique donc, nous dit-on, la disparition progressive de ce système. Mais il s'agit d'une aide très concentrée sur la presse régionale et locale d'information générale et politique, ce qui correspond à la logique générale de réorientation des aides, et j'ajoute qu'elle favorise l'utilisation par la presse, en interne, des nouvelles techniques de l'information. Et ce n'est pas le fonds d'aide au multimédia, doté de 15 millions de francs, qui va sur ce plan compenser la perte de 13 milliards de francs d'allégement des charges téléphoniques.
Cette aide est donc loin d'être dépassée, et le pari de la diminution des charges téléphoniques me paraît un peu optimiste, et en tous cas prématuré, pour justifier un repli aussi important des crédits : ni la progressivité ni la cohérence ne me paraissent vraiment au rendez-vous !
Je suis moins critique à l'égard du remboursement à la SNCF des réductions de tarifs accordées à la presse.
Il s'agit de la principale aide directe en volume. Elle recule de 32,3 % par rapport aux crédits de 1997, pour s'établir à 95 millions de francs. C'est brutal, mais au moins a-t-on pris soin de ne pas dégrader les conditions tarifaires accordées pour le transport des quotidiens. En 1998, le taux de la compensation restera fixé pour eux à 70 % du tarif, le taux des autres publications étant abaissé à 22 %.
Je voudrais dire aussi un mot des aides indirectes.
Il s'agit essentiellement de la contribution du budget au transport postal de la presse, fixée à 1,850 miliard de francs, contre 1,900 milliard en 1997, chiffre prévu par le contrat de plan 1995-1997 entre l'Etat et La Poste. Une nouvelle grille tarifaire est entrée en application en mars dernier. Modulée pour avantager la presse d'information générale et politique, elle comporte cependant d'importantes augmentations de tarifs pour toutes les catégories. Peut-être pourrez-vous nous donner votre sentiment sur la cohérence de cette réforme, élaborée avant votre arrivée au ministère, avec votre propre démarche.
Je voudrais m'écarter un peu de l'examen du projet de budget pour évoquer très rapidement une initiative du Gouvernement qui me paraît intéressante.
Vous avez indiqué, madame le ministre, que le Gouvernement allait lancer un plan de développement des quotidiens, ainsi que des hebdomadaires locaux.
Je crois que l'intention est bonne, compte tenu des difficultés spécifiques et du concours de la presse quotidienne au fonctionnement de la démocratie. J'aimerais cependant en savoir plus sur vos intentions en ce qui concerne le prélèvement sur les investissements publicitaires dans le hors-média, qui doit financer ce plan, ainsi que les modalités d'affectation des recettes ainsi dégagées. J'aimerais en particulier savoir quelle est votre position sur l'insertion des agences de presse parmi les bénéficiaires potentiels des crédits. Je voudrais aussi avoir la certitude que la pérennité de la taxe n'annonce pas une débudgétisation des aides à la presse.
En fonction de ces observations, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur le vote des crédits de la presse pour 1998. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 22 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et indépendants, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyens, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Madame le ministre, nous attendons avec impatience le grand débat que vous nous avez promis, je crois, pour la rentrée prochaine, sur la réforme de l'audiovisuel. En effet, on est pris par moments de vertige devant l'ampleur et la vitesse des évolutions techniques de ces dernières années dans le domaine de la communication.
C'est presque un lieu commun de le dire, mais, si l'on pense aux bouquets numériques, aux connexions sans fil, à Internet, aux localisations par satellite, aux réseaux d'ordinateurs, à la déferlante du virtuel et même au téléphone portable, on comprend que, devant cette explosion tous azimuts, il va être de plus en plus difficile de légiférer, même à court terme.
Je me demande si, régulièrement, il ne serait pas souhaitable que vous organisiez ce que j'appellerai de grandes assises de la télécommunication, au sein desquelles le point serait fait sur les grandes étapes à franchir, les précautions à prendre, les inflexions à donner, les textes à préparer, les lois à envisager, les conventions internationales à prévoir afin que ne soit pas laissé uniquement aux mains des chercheurs, de qualité d'ailleurs, ou d'industriels le soin de travailler, et ce en ordre dispersé.
Nous sommes devant une tâche fondamentale pour l'avenir de notre société, pour l'avenir de notre pays et pour notre démocratie.
Autant dans un passé relativement récent, nous pouvions imaginer les évolutions auxquelles nous assistions, autant ajourd'hui un futur relativement proche peut nous réserver encore bien des surprises.
Je pense toujours à cette phrase de Teilhard de Chardin, qui écrivait : « A l'échelle cosmique, toute la physique moderne nous l'apprend, seul le fantastique a des chances d'être vrai. »
Dans cette attente, et dans le cadre de notre discussion budgétaire, je me contenterai, madame le ministre, compte tenu du temps qui m'est imparti, de présenter quelques très brèves observations relatives, d'abord à la qualité des programmes, car on parle toujours beaucoup, dans cet hémicycle et dans les parlements en général, de technique, mais insuffisamment de politique des programmes ; j'aborderai ensuite rapidement le problème de l'aide à la presse écrite. Je le ferai de façon très modeste après le remarquable rapport - personne ne s'en étonnera, car cela est devenu une tradition dans cette maison - de notre collègue Jean Cluzel, et ceux de MM. Hugo et Gérard.
Je ne suis personnellement ni « un père la vertu » ni « un rabat-joie ». J'avoue que je serais plutôt du genre « bon public », et il m'arrive de prendre plaisir - je vais peut-être vous décevoir cher Jean Cluzel, vous qui êtes membre de l'Institut - aux émissions de prime time, d'animation et de pure distraction, car je n'oublie pas que la mission de la télévision est, non seulement d'informer, d'éduquer, mais aussi de distraire, et le bon peuple a le droit à la distraction.
Néanmoins, j'entends de plus en plus de gens me dire qu'ils aimeraient pouvoir regarder les documentaires, les émissions littéraires, culturelles ou de vulgarisation, mais qu'elles sont programmées trop tardivement. Je n'ai pas entendu cette plainte une fois, mais au moins cent fois !
Or, quand on la transmet aux responsables de nos chaînes, ils nous répondent presque automatiquement : « Voyez l'audimat, les audiences sont trop faibles. »
Nous entrons ainsi dans un cercle vicieux : comme les émissions sont programmées à l'heure où la plupart des téléspectateurs souhaitent se coucher, ce n'est pas demain que l'audimat sera meilleur !
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. André Diligent. On en arrive ainsi, pour une raison fallacieuse à sous-estimer les capacités d'intérêt du public pour des oeuvres classiques ou de grande qualité.
Autant je tiens à rendre hommage au professionnalisme de la direction de France 3, qui obtient des résultats particulièrement probants - je le fais avec d'autant plus de conviction que je représente notre assemblée à son conseil d'administration - autant je ne peux me dissimuler que je souhaiterais de sa part une plus grande ouverture.
Je prends un exemple : cette chaîne vient de signer un contrat avec la Comédie française pour la diffusion d'un certain nombre de pièces de Molière. Cela répond à un souhait que nous nourrissions depuis longtemps. Pourquoi nos grandes scènes nationales, pour le théâtre, l'opéra, la danse, la musique, ne travailleraient-elles pas en partenariat constant avec cette télévision de service public, qui a la même finalité qu'elles ?
Malheureusement, j'ai déchanté parce que j'ai appris que ces pièces allaient être diffusées en seconde partie de soirée, c'est-à-dire à l'heure, je le répète, où la majorité des téléspectateurs éteignent leur poste. Il paraît, m'a-t-on dit, que Molière n'est pas fait pour le grand public ! (Exclamations.)
Alors là, je demande à voir... En ce moment, on joue à Roubaix Les Précieuses Ridicules de M. Jean-Baptiste Poquelin. La pièce est jouée avec un entrain endiablé par les Deschiens, qui, pendant une semaine, se sont produits devant un public, en délire, à guichets fermés.
Les grands classiques, lorsqu'ils sont de qualité - et ils sont généralement de qualité - sont tout à fait accessibles au grand public auquel il est nécessaire de montrer ces oeuvres.
Dans les premiers temps, la télévision affichait une grande ambition, nous nous en souvenons, celle de faire découvrir à nos concitoyens les richesses de notre patrimoine national. Où en sommes-nous sur ce plan ?
Si j'ai cité cet exemple, ce n'est pas seulement pour défendre les droits d'un public d'initiés, c'est aussi parce que je suis persuadé qu'une grande partie des téléspectateurs, pour peu qu'on le veuille vraiment, est tout à fait capable de se familiariser avec la fréquentation des grands classiques. Les nécessités commerciales ont fait trop souvent oublier cette mission initiale de la télévision de service public.
Je sais que ces problèmes ne vous laissent pas insensible. Aussi, je souhaite vous voir reprendre l'amendement qui a été adopté par le Sénat à la quasi-unanimité lors de la séance du 20 février dernier, amendement portant création d'un comité consultatif d'orientation des programmes. Ce souhait est depuis longtemps formulé par l'Association média-télévision-téléspectateurs, qui réunit à la fois l'Union des associations familiales, l'UNAF, et la ligue de l'enseignement,...
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Absolument !
M. André Diligent. ... ce qui est garant de sa crédibilité. J'ai remarqué, voilà quelques jours, que, à l'occasion d'une question orale, le président de l'Association des maires de France, M. Delevoye, soutenait un projet sensiblement identique.
Le comité serait composé de ce que l'on appelait dans le temps « les forces vives » - c'était un beau nom - et que l'on appelle maintenant, d'une façon plus ou moins heureuse, « la société civile ». Je ne vois pas où est la société incivile. (Sourires.) Y siégerait des représentants d'associations de téléspectateurs, du corps enseignant, de parents d'élèves, de mouvements familiaux, des professionnels de l'audiovisuel et du monde de la culture.
Un tel comité existait à l'époque de l'ORTF. Je me souviens des débats passionnés qui se livraient en son sein. On y trouvait des représentants de la culture populaire, mais aussi des membres de l'Académie française et de l'Institut.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Absolument !
M. André Diligent. Il n'avait qu'un pouvoir consultatif. La direction gardait une grande liberté. Mais on apprenait beaucoup de choses au cours de ces contacts trimestriels.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que, à l'occasion du projet de loi qui doit prochainement nous être soumis, vous réfléchissiez à ce problème. Je serais étonné, compte tenu de votre ligne philosophique, que vous ne repreniez pas l'amendement en question à votre compte ; je vous le cède volontiers.
Que l'on ne me dise pas, en tout cas, que le rôle que nous souhaitons attribuer à ce comité est assumé par les conseils d'administration. Ce n'est pas vrai ! j'en suis témoin. Un conseil d'administration n'a ni le temps, ni les moyens de remplir ce rôle. La question reste posée et vous pourrez compter sur le total appui du Sénat si vous reprenez cette idée.
J'en arrive au problème de la presse écrite.
Pour nous, la défense de la presse écrite, c'est à la fois la défense du pluralisme et celle de l'indépendance réelle des journaux.
Je formulerai deux observations.
C'est devenu une banalité que de constater que la plupart des télévisions privées et des journaux sont adossés à de grandes sociétés qui bénéficient amplement des marchés de l'Etat : je pense aux entreprises du bâtiment, de la distribution de l'eau, du traitement des déchets, etc. Je ne mets nullement en cause l'honnêteté des dirigeants de ces sociétés, mais il est clair que ce mélange des genres risque d'être dangereux pour la démocratie. Je vous laisse le soin de réfléchir sur ce point, non pas pour déclarer une guerre civile et montrer du doigt certaines personnes, mais simplement pour voir s'il n'y aurait pas des précautions à prendre.
Faut-il rappeler qu'aux Etats-Unis, souvent montrés du doigt comme les champions de l'ultra-libéralisme, la commission fédérale de la communication a institué des règles strictes pour éviter les monopoles. Dans ce pays, un groupe dominant dans la presse écrite n'a pas le droit de posséder une chaîne de télévision et vice-versa.
En 1979 déjà, un rapport Vedel, incontesté, mais resté lettre morte, fixait comme objectif prioritaire de préserver la presse de nouvelles concentrations et de nouvelles dépendances, afin de maintenir, voire de développer le pluralisme. Cet objectif est malheureusement encore tout à fait d'actualité.
Le rapport présentait différentes propositions, notamment la création d'une commission des opérations de presse garantissant pluralisme et transparence financière, le remplacement progressif des dispositions de l'article 39 bis par des prêts à taux réduit et l'aide à la création.
J'approuve entièrement, les propos de notre éminent rapporteur spécial, M. Cluzel, sur la dispersion de l'aide à la presse écrite, mais, si l'article 39 bis devait être maintenu, il serait, à mon avis, souhaitable que sa philosophie soit inversée. En effet, en réservant les aides qu'il prévoit aux entreprises dégageant des bénéfices, cet article enrichit les riches et creuse l'écart qui les sépare de celles qui gardent tout juste la tête hors de l'eau.
Une autre idée développée par les spécialistes de la presse française fait son chemin depuis près de quinze ans : la création de chartes rédactionnelles. Il s'agit d'une formule consistant en un contrat propre à chaque quotidien, signé entre les propriétaires, la direction, la rédaction en chef et l'équipe rédactionnelle, qui les engagerait et garantirait l'orientation philosophique ou politique du journal, ses références, le système de valeurs auquel il adhère, les règles qui s'imposent à tous, et donc le pluralisme.
Ces chartes sont d'autant plus nécessaires que le phénomène de concentration des titres et le développement des groupes de presse suscitent plus que jamais des inquiétudes.
On pourrait imaginer que l'octroi des aides publiques soit directement lié à l'existence de cette charte pour toute publication d'information politique générale : il en existe encore une quinzaine en France, qui ne demandent qu'à prospérer et à se développer.
Telles sont les observations que je souhaitais présenter, madame le ministre, à l'occasion de cette discussion. Je n'oserais affirmer que, au Sénat comme à la télévision, les prestations les plus intéressantes ont lieu à une heure tardive ! (Sourires.) On en aura sans doute la preuve tout à l'heure en écoutant nos collègues, mais j'espère que la mienne aura au moins retenu votre attention.
Je dirai en conclusion que deux sortes de dangers nous guettent dans le domaine de l'audiovisuel.
On l'a vu, l'incroyable évolution de la technologie risque d'entraînter une sorte d'anarchie planétaire. Il suffit de penser aux multiples problèmes que pose déjà l'utilisation d'Internet.
Dans la presse écrite, c'est au contraire une sorte d'uniformisation de la pensée - il y a quelques temps, on dénonçait déjà le « politiquement correct » - qui peut provoquer son hyperconcentration.
Décidément, je pense que se vérifie la pensée de Wells : « La civilisation est une course entre éducation et catastrophe. » C'est plus que jamais vrai à l'époque de la communication. (Applaudissements.)
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la communication qui nous est présenté ce soir laisse voir, non pas une catastrophe, mais une progression de 18 milliards de francs, soit 3,3 % d'augmentation, par rapport à l'an passé.
On nous annonce également une augmentation de 5 % de la redevance.
On nous dit aussi que ce budget de l'audiovisuel devrait rétablir un équilibre entre publicité et redevance et mettre ainsi fin à une « spirale internale » - je vous cite, madame le ministre - qui conduisait le service public à sa perte.
Ces annonces ont, il est vrai, de quoi nous réjouir.
Toutefois, en analysant ce projet de budget, on constate qu'il est malgré tout frileux et manque un peu d'ambition, notamment pour l'audiovisuel public.
Mes éminents collègues MM. Cluzel et Hugot viennent d'en faire une critique exhaustive, que j'approuve pour l'essentiel. Je ne la reprendrai donc pas, me contentant d'insister sur quelques points qui me paraissent significatifs du manque de consistance de ce projet de budget.
Que prévoit-on pour le financement de France Télévision ?
Nonobstant vos déclarations générales, madame le ministre, les recettes dues à la publicité, loin de diminuer, devraient progresser de 4,6 %. Vous dénonciez pourtant autrefois la trop grande part de publicité dans le financement de l'audiovisuel public.
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Michel Pelchat. Où est donc la rupture annoncée ? Où est l'amélioration promise du service rendu au public ?
S'il y a une hausse de la redevance, ce n'est pas France Télévision qui en profitera puisque le montant de la redevance affecté à France 2 et France 3 diminuera de plus de 40 millions de francs !
La hausse des crédits de remboursement des exonérations de la redevance - 206 millions de francs sont promis pour 1998, contre 43,3 millions en 1997 - ne peut suffire, vous le comprendrez, à rassurer France 2 et France 3.
On sait très bien que Bercy tarde toujours à exécuter les décisions budgétaires. C'est pourquoi, madame le ministre, je doute fortement de la réalité, de ces remboursements qui, dans les faits, se révèlent souvent n'être qu'une « virtualité comptable », comme vous l'avez d'ailleurs vous-même reconnu.
De l'adoption de l'amendement de M. Le Guen à l'Assemblée nationale, qui a opéré un transfert du produit de la redevance entre France Télévision et RFI - pour 200 millions de francs - je dirai que c'est une bonne chose. Il était en effet plus logique d'alimenter par la redevance France Télévision, dont les chaînes sont regardées par ceux qui paient cette redevance, et de soutenir par des crédits budgétaires RFI, qui est l'un des domaines de l'action audiovisuelle extérieure de la France et relève donc, à ce titre, davantage du ministère des affaires étrangères. On aurait d'ailleurs intérêt, dans d'autres domaines, à clarifier ainsi les responsabilités de chacun.
Avec les crédits budgétaires, voulez-vous, madame le ministre, constituer des réserves pour France 2 et France 3 à la veille de nouvelles régulations, ou bien éviter que les chaînes du cinquième réseau - je veux parler de la Sept-Arte et de La Cinquième, qui sont, au demeurant, d'excellenes chaînes - ne soient « fragilisées » par la régulation budgétaire ?
Permettez-moi, madame le ministre, de m'interroger sur vos choix. Sont-ils les meilleurs ?
Faites-vous le bon choix lorsque vous prévoyez que le développement régional de France 3 ne sera pas repris en 1998, alors que celui-ci est primordial pour cette chaîne ?
Faites-vous le bon choix lorsque vous augmentez considérablement le budget de la Sept-Arte et de La Cinquième sans donner à ces chaînes les moyens juridiques de se développer puisque vous avez mis un frein au proccessus de fusion entre elles qui a été engagé voilà un an ?
Faites-vous le bon choix lorsque vous déclarez vouloir vous donner encore le temps de la réflexion avant de présenter devant le Parlement un nouveau projet de loi sur l'audiovisuel, alors que, pour régler bien des problèmes, un texte est absolument nécessaire notamment en ce qui concerne le point que je viens d'évoquer ?
Il y a urgence, madame le ministre ! La télévision occupe une place beaucoup trop importante dans la vie des français pour qu'on la néglige !
Vous prévoyez plus d'argent pour l'audiovisuel public, mais quelle place laissez-vous au service public de l'audiovisuel dans les nouveaux modes de diffusion ?
Certes, dans votre budget, figurent 100 millions de francs pour les nouvelles technologies à travers l'Inathèque, la banque de données BPS et la radio numérique. C'est un bon début mais ce n'est pas suffisant, car rien n'est prévu pour la télévision. Aucune stratégie n'est envisagée pour France Télévision dans ce domaine. Or les enjeux de la révolution numérique sont considérables !
Il y a deux jours, j'étais à Rennes, au Centre commun d'études de télédiffusion et télécommunication, le CCETT. J'ai pu constater, une fois encore, l'importance du numérique hertzien, qui touche maintenant l'ensemble des secteurs de transmission. Or notre pays est très en retard par rapport à ses voisins dans l'exploitation de ce mode de diffusion. Je pense en particulier au Royaume-Uni, dont le dernier Broadcasting Act date déjà de juillet 1996, et qui s'est lancé dès cette année dans la télévision numérique hertzienne avec CTI, la filiale de TDF, qui a été choisie par la BBC comme diffuseur. C'est une bonne chose pour nous mais, en France, nous ne faisons rien dans ce domaine.
La numérisation de la diffusion hertzienne terrestre présenterait pourtant de nombreux avantages, en particulier une multiplication et une diversification des services pour le consommateur et une gestion plus rationnelle des fréquences pour les pouvoirs publics. Il en va de même pour la diffusion multiplexée par micro-ondes, qui permettrait d'atteindre les régions les plus reculées, comme le Haut-Rhin, comme Strasbourg, madame le ministre ! (Sourires.)
Je ne parle pas du câble, qui est, lui, le parent pauvre de nos modes de diffusion ; nous en avons prix l'habitude ! Ne pourrait-on pas prévoir un plan de raccordement de tous les logements qui sont raccordables ?
Savez-vous qu'il y a actuellement seulement environ 3 millions de foyers raccordés au câble et que près de 4 millions de foyers seraient dès demain raccordables ? Pourtant, M. Jospin a bien dit, à Hourtin, que le câble devait être présent partout. Or, là où il est, on ne l'utilise pas.
Une utilisation à 100 % des infrastructures du câble donnerait, notamment, une bouffée d'oxygène aux chaînes thématiques, aujourd'hui asphyxiées, surtout si l'on en juge par les deux mauvais coups qui viennent successivement de leur être portés, du fait, d'une part, d'une décision du CSA et, d'autre part, du projet de réforme de la taxe CNC.
En effet, je le rappelle, le CSA vient d'annoncer que les chaînes thématiques étrangères voulant être reprises sur le câble en France seront soumises non plus au conventionnement mais au simple régime déclaratif.
Précisons que le CSA a affirmé prendre cette mesure « à titre provisoire », en attendant le projet de loi sur la communication audiovisuelle, qui ne devrait pas être présenté au Parlement avant le printemps 1998.
Cette décision empressée du CSA est d'autant plus étonnante qu'elle instaure une concurrence parfaitement déloyale entre les chaînes thématiques françaises, toujours soumises au conventionnement du CSA, et leurs homologues étrangères, bien que le Parlement ait adopté l'année dernière, à l'unanimité, une disposition tout à fait contraire.
Quant au projet de modification du régime de la taxe CNC, tel que vous l'avez présenté récemment, madame le ministre, et qui, je l'espère, sera discuté prochainement au Parlement, il prévoit la taxation des chaînes thématiques.
Or, comme je vous l'écrivais récemment, ces très jeunes chaînes - la plupart ont moins de deux ans -, au budget cent fois inférieur à celui des chaînes hertziennes, ont encore l'envergure de simples PME. Si elles réalisent, globalement, un chiffre d'affaires de 2 milliards de francs, il ne faut pas oublier qu'elles accusent 500 millions de francs de pertes.
Dans un marché en plein bouleversement du fait de l'arrivée du numérique sur les bouquets et les réseaux câblés, le secteur des chaînes thématiques demeure excessivement fragile. Aucune de ces chaînes, quasiment, n'est en mesure d'investir dans la production audiovisuelle, car leur chiffre d'affaires n'est pas suffisant.
Il paraît donc prématuré de les assujettir à une taxe dont elles n'auraient aucun retour puisqu'elles ne bénéficient pas, vu leur faible chiffre d'affaires, des aides provenant de cette même taxe.
Cette nouvelle taxe ne ferait que les fragiliser davantage, car les taxer dès leur montée en charge - à partir de 12 millions de francs de chiffre d'affaires - revient à repousser leur accession à l'équilibre et, par là même, leur capacité d'investir dans la production.
Comme vous l'avez dit vous-même, madame le ministre, les chaînes thématiques sont « l'avenir de l'industrie nationale de programmes ». Elles contribuent en effet très activement à la qualité et au pluralisme de l'offre de programmes auprès des téléspectateurs et recueillent d'ailleurs un succès grandissant auprès du public. Elles forment même actuellement le seul gisement de croissance de la production audiovisuelle française.
Aujourd'hui, il me faut malheureusement constater que leur avenir est bien assombri.
Pitié, madame le ministre, pour les chaînes thématiques ! Laissons-leur au moins une chance de se développer si on veut qu'elles aient des programmes de qualité.
Enfin, madame le ministre, faites-vous le bon choix lorsque vous augmentez la redevance sans accompagner cette mesure d'un projet ni même d'une réflexion sur la refonte du système de recouvrement, qui est totalement archaïque ?
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Michel Pelchat. Comme je le disais déjà l'an passé devant cette assemblée, le moment est venu pour nous de savoir si, dans le contexte de restructuration de l'audiovisuel public, nous décidons ou non de poursuivre le financement de l'audiovisuel public par une taxe affectée.
Le moment est même venu de savoir si nous maintenons un financement mixte de l'audiovisuel public, et dans quelles conditions.
D'aucuns disent et diront que le financement mixte ne saurait constituer un principe intangible. D'autres proposent et proposeront catégoriquement de supprimer la redevance au motif que cet impôt est archaïque.
Je ne partage pas ces points de vue, vous le savez, mes chers collègues. Si nous voulons garantir la pérennité d'un service public de l'audiovisuel, nous devons maintenir le paiement d'une redevance affectée représentant une part majoritaire du financement de l'audiovisuel public.
Cela étant, je considère que le système actuel de la redevance est totalement obsolète et qu'il faudra très prochainement le réformer.
En effet, la redevance est aujourd'hui assise sur les téléviseurs à tube cathodique, comme l'a rappelé tout à l'heure M. Hugot, associant un tuner et un moniteur. Or ces téléviseurs disparaîtront dans quelques années, pour être remplacés par des écrans plats et des tuners multi-usages dont la commercialisation a d'ailleurs déjà commencé dans notre pays ; même dans notre pays, devrais-je dire !
Dans un très proche avenir, il faudra donc modifier l'assiette actuelle de la redevance audiovisuelle ; sinon, elle disparaîtra, madame le ministre !
Je pense qu'une grande réflexion sur ce sujet devrait associer le Parlement et les professionnels du secteur, sous votre conduite.
Dans cette perspective de changement, je présenterai tout à l'heure un amendement d'uniformisation de la taxe qui va dans cette direction et qui constitue un premier pas vers l'avènement d'une taxe unique, dont l'assiette resterait à déterminer. Si ma proposition est adoptée, les recettes supplémentaires obtenues pour 1998 seront de l'ordre de 70 millions de francs.
Ces recettes supplémentaires permettraient notamment de réduire d'ores et déjà, à due concurrence, le montant de la publicité autorisée sur les chaînes publiques, dont on regrettait tout à l'heure l'importance.
A l'heure où la télévision payante connaît un véritable essor en Europe, en particulier en France, il est primordial de garantir une télévision publique de qualité et accessible à tous. C'est pourquoi il est indispensable qu'une évolution des missions du service public de l'audiovisuel soit décidée, afin de préserver l'identité de ce secteur, qui doit garder la base la plus large de téléspectateurs.
« Informer, cultiver, distraire », telle était la trilogie aux contours flous qui figurait néanmoins dans les cahiers des charges des sociétés publiques de l'audiovisuel lorsqu'elles furent créées en 1974. Depuis, l'Etat a toujours ajourné l'actualisation ou la redéfinition des missions de la télévision publique, et cela malgré plusieurs réformes successives tant des cahiers des charges que des dispositions législatives, sans compter les dizaines de décrets qui ont été pris à son sujet.
Aujourd'hui, le secteur public de l'audiovisuel est un vaste chantier car il doit s'adapter à un paysage concurrentiel en profonde mutation, tant en France qu'à l'étranger. La France a pris du retard, madame le ministre ! Nous devons le combler, et vite ! Les choses avancent sans nous !
Dans les prochains mois - je souhaite que ce soit avant le printemps -, dans le cadre de la discussion au Parlement de votre projet de loi sur la communication audiovisuelle, il nous appartiendra d'essayer de définir clairement la place de l'audiovisuel public.
C'est ce que j'attends depuis fort longtemps et c'est ce que j'espère plus que jamais.
Dans cette attente, ce soir, avec le groupe des Républicains et Indépendants, malgré de nombreuses critiques et réserves, je voterai le budget de la communication audiovisuelle, simplement pour tenir compte de l'augmentation de 3,3 % que vous nous proposez et qui est deux fois supérieure au taux de l'inflation prévu pour 1998.
Bien entendu, je sais que cette augmentation demeure très aléatoire, et c'est pourquoi, madame le ministre, l'administrateur de France 2 que je suis sera particulièrement vigilant quant à la réelle exécution de ce budget de la communication audiovisuelle, notamment des affectations budgétaires que j'évoquais tout à l'heure. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bouquets numériques, MMDS, pay per view, services en ligne, Intranet, Internet et j'en oublie, d'autres viendront. Pourtant comme le rappelait récemment Dominique Wolton ; « l'accroissement des échanges ne garantit nullement une meilleure communication ».
Nous traversons cette révolution sans bien savoir quelles en seront les conséquences, ce que les lois du marché nous préparent et dans quelles mesures l'ensemble de nos échanges et de nos activités en seront profondément modifiés. L'écrit pourra-t-il résister ? Enfin, madame la ministre, nous traversons ces bouleversements sans bien savoir comment l'Etat et le service public y tiendront leur place.
Nous examinons aujourd'hui un budget qui nous réconforte. C'est un budget de reconstruction pour le service public de l'audiovisuel. Mais l'ensemble du secteur attend des réponses aux questions que pose ce nouveau paysage en ébullition. La très prochaine loi sur laquelle nous allons dès demain réfléchir est dans toutes nos pensées, même à l'occasion de l'examen de ce budget.
Ce budget restaure donc la place du service public. Comme nous l'avions dit l'année dernière, l'asphyxie financière et le recours forcé aux recettes publicitaires atteignent profondément les missions de notre télévision publique. Le petit écran a pénétré l'ensemble des foyers français ; il est devenu le principal vecteur d'informations. Il a été et reste une source essentielle de démocratisation de l'information et de la culture, mais il est aussi l'objet de critiques nombreuses qui accusent ses effets néfastes.
Mais, comme le dit encore Dominique Wolton ; « la télévision est actuellement l'un des principaux liens sociaux de la société individuelle de masse ». Aussi ne peut-on contester le rôle que le service public doit jouer dans le paysage audiovisuel français. Il doit contribuer au pluralisme, à la qualité et à la diversité des programmes ainsi qu'à combattre le cercle vicieux de la course à l'audience, qui conduit, en réalité, à créer les besoins plutôt qu'à y répondre.
Ce budget nous est présenté comme un budget d'étape. Mais c'est une étape décisive pour le secteur public de l'audiovisuel qui a particulièrement souffert des réductions budgétaires ces dernières années.
Le budget que nous examinons s'élève à 18 millards de francs. Il progresse de 3,3 %, ce qui représente 571 millions de francs supplémentaires. Cela se traduit par une augmentation du financement public des sociétés nationales de programmes, d'une part, et par la maîtrise raisonnable de la croissance des ressources publicitaires, d'autre part.
Que signifie concrètement cette évolution ? D'une part, la télévision publique sera plus à même d'assurer ses missions de service public. D'autre part, elle confortera d'autant notre industrie de programmes.
La présence de l'Etat relève non pas ici d'une conception abstraite et générale du service public, mais de la nécessité pressante d'endiguer l'importance des recettes publicitaires dans le financement de la télévision publique. Celles-ci seront maîtrisées cette année.
En effet, si les ressources publicitaires augmentent encore l'an prochain, cette hausse sera nettement inférieure à celle des années précédentes. Ainsi, en 1996 et en 1997, les recettes publicitaires ont respectivement augmenté de 20 % et de 9,5 %. Cette année, elles ne progressent que de 4 %. C'est encore trop peu et je ne doute pas que nous irons plus loin au cours des prochaines années.
L'effort supplémentaire de l'Etat a été permis par une hausse de 5 % du taux de redevance. C'est un choix que l'on peut discuter. Le monde satellitaire, en effet, justifiera-t-il encore le paiement d'une taxe ? Pour ma part, j'estime que le principe de la redevance doit perdurer parce qu'il constitue une ressource sûre pour la télévision publique et que cette dernière en a bien besoin. Par ailleurs, le taux de redevance français est le plus faible d'Europe après l'Espagne.
Permettez-moi simplement, tout comme M. Cluzel, de regretter la baisse importante du montant des remboursements d'exonération. Celle-ci s'élève en effet à 57,5 % cette année. C'est un manque à gagner important pour l'audiovisuel public.
Par ailleurs, il faut également souhaiter que ne soient pas annulés, cette année, les crédits provenant des remboursements d'exonération dont la part croît par rapport au produit de la redevance attribué à France Télévision.
Le financement public doit permettre à France 2 et à France 3 de développer leur mission de service public. France 2 a vocation à être une chaîne généraliste destinée à un large public ; France 3, quant à elle, doit et va pouvoir reprendre le développement de sa régionalisation.
Je suis, pour ma part, très attachée à l'existence d'une chaîne publique généraliste. Si la révolution numérique nous met face à la perspective d'une télévision spécialisée et thématique, je crois, quant à moi, à l'attrait des chaînes généralistes pour nos concitoyens.
Ces efforts budgétaires en faveur de la télévision publique seront d'abord destinés à servir l'une des grandes priorités de ce budget, à savoir les programmes. Ainsi, sur les 303,3 millions de francs de mesures nouvelles, près de 142 millions de francs seront consacrés aux programmes.
Pour France Télévision, le budget pour 1998 prévoit 101 millions de francs supplémentaires destinés à améliorer la qualité des programmes. Ces deux chaînes sont les plus sujettes à la pression publicitaire et à celle de l'audimat. Aussi, l'intervention de l'Etat en faveur des programmes y est-elle particulièrement précieuse.
Mais qu'on ne s'y trompe pas : affimer que l'audimat est une contrainte ne revient pas à dire que seuls les mauvais programmes font de l'audience. France Télévision, en dehors de la concurrence qu'elle subit, a profondément vocation à toucher un large public. Et - faut-il le préciser ? - on peut faire de l'audience avec des programmes de qualité.
Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, pour atteindre cet objectif, il est impératif de ne pas être constamment soumis à l'audimat et à l'interprétation qu'en font les régies publicitaires.
Pour La Sept-Arte et La Cinquième, le rétablissement du financement public était une urgence. Le budget précédent avait exigé d'elles des économies très importantes. En effet, l'anticipation de la fusion par la loi de finances, au mépris du rôle du Parlement, avait faussement justifié 140 millions de francs d'économies. Or, 60 % des dépenses de La Sept sont des dépenses de programme.
Le budget de La Sept augmente de 7,3 %, celui de La Cinquième de 6,7 %. L'importance des mesures nouvelles en faveur de ces deux chaînes est venue heureusement compenser la baisse plus forte qu'avaient subie ces deux budgets l'année dernière. Cela va se traduire par 44,9 millions de francs supplémentaires destinés aux programmes pour la Sept et par 7 millions de francs pour La Cinquième.
Le monde audiovisuel de demain fera de la détention de programmes la principale richesse. Aussi, je vous félicite de ces différentes mesures qui représenteront un soutien important pour l'industrie française de programmes.
Cependant, pour ce qui est de l'industrie de programmes, le problème de la circulation des oeuvres devrait être traité avec une attention particulière. Pour que les productions françaises soient présentes sur les bouquets numériques, la question des délais de diffusion devra impérativement être posée dans la nouvelle loi.
Par ailleurs, nous nous félicitons du soutien qui est apporté cette année au cinéma. Le budget du compte de soutien géré par le CNC augmente de 5,8 %.
Bien que nous en ayons débattu voilà peu de temps, je voudrais dire un mot du projet européen de fonds de garantie audiovisuel, destiné à soutenir la production. Celui-ci a récemment été rejeté à Bruxelles. Nous connaissons votre désir de voir ce projet aboutir. Nous vous soutenons dans cette démarche et espérons que votre ténacité sera couronnée de succès.
L'ensemble de ces mesures permettra de consolider la créativité de nos chaînes publiques et de les renforcer afin qu'elles affrontent le monde du numérique avec quelques chances de ne pas y perdre leur âme.
Dans le même ordre d'idée, je voudrais dire un mot des réformes structurelles qui sont attendues dans l'audiovisuel public. Celles-ci ne se contenteront pas de permettre des économies : elles créeront des synergies importantes. Ainsi en est-il de la holding France Télévision. Ainsi en est-il ou en sera-t-il - je ne sais plus bien comment le dire - de la fusion entre Arte et La Cinquième.
Permettez-moi de formuler une requête : si la fusion entre Arte et La Cinquième est aujourd'hui une réalité économique, elle n'est toujours pas une réalité juridique. Or, ce hiatus entraîne un certain nombre de difficultés pour ces chaînes. Ne pourrait-on pas accélérer le processus ?
J'en viens, à présent, à ce qui est au centre de nos préoccupations, à savoir la place du service public dans le monde satellitaire ainsi que dans le monde des nouvelles technologies et des nouveaux services. Il faut que le service public puisse tenir une place de choix dans ce nouveau paysage.
Tout d'abord, quelle sera la place de la télévision publique dans la diffusion numérique ? Nous espérons que le service public sera bientôt présent sur tous les bouquets. Nous pensons, en effet, que la télévision publique n'a pas vocation à être instrumentalisée dans une concurrence entre bouquets. Et, cela va de soi, le service public n'a pas non plus vocation à participer au capital d'un opérateur. Aussi, souhaitons-nous que le principe d'exclusivité du service public sur TPS soit rapidement remis en cause. Le service public doit être de droit et, à sa demande, repris en clair par tous les bouquets français.
C'est pourquoi je salue la diffusion de La Cinquième et de La Sept sur Canal Satellite. Je relève aussi avec satisfaction la décision de son président de maintenir la diffusion d'Arte en analogique pour l'Afrique du Nord. Par souci d'économie, le gouvernement précédent avait imposé le passage au numérique sans s'inquiéter des centaines de milliers de francophones qui allaient être brutalement privés de ces programmes.
Le monde audiovisuel, nous l'avons dit, fera une place de plus en plus importante aux chaînes thématiques. L'avenir du service public dépend donc de sa capacité à développer ce type de chaîne.
Les mesures nouvelles pour France 2 lui permettront, après la chaîne Histoire, de développer le projet Orphéo, chaîne consacrée à l'opéra et à la musique classique. France 3 pourra reprendre le projet de chaîne régionale différé l'année dernière en raison des coupes budgétaires.
Ces différentes chaînes ainsi que celles qui vont venir doivent-elles bénéficier de ressources publiques ? Les trois exemples cités me semblent être parfaitement dans la vocation du service public. Mais une réflexion sur les développements thématiques du secteur public dont les moyens financiers restent limités devra certainement être menée. Je me permets, à ce titre, de regretter qu'il n'ait pas été possible d'organiser la reprise d' Euronews.
Enfin, les nouvelles technologies promettent des changements importants auxquels il doit pouvoir s'adapter ou, mieux, dont le service public doit pouvoir profiter. C'est pourquoi nous nous félicitons des mesures importantes qui sont consacrées cette année à l'innovation.
Je dirai un mot sur la BPS. Le stock de programmes de la BPS, constitué de 3 000 contenus socioéducatifs, est consultable à la carte et représente un formidable gisement de programmes pour les enseignants, les formateurs ou les animateurs. Cette banque de programmes consultable sur le site Internet de La Cinquième deviendra un outil précieux et moderne pour la formation.
Ainsi, 22,5 millions de francs supplémentaires permettront à quatre cents sites, à deux cents centres sociaux et à deux cents établissements d'éducation de recevoir l'offre de la BPS. Les premières expérimentations qui ont lieu depuis février 1997 ont été concluantes. C'est 30 millions de francs que le président d'Arte-La Cinquième a décidé de consacrer, en 1998, au développement de cette banque.
Par ailleurs, nous nous félicitons du lancement d'un plan de numérisation des archives de l'INA ainsi que du centre de consultation du dépôt légal des programmes audiovisuels à la bibliothèque François-Mitterrand.
Enfin, grâce à l'augmentation des crédits publics, France 3 va pouvoir mener à bien la numérisation de ses rédactions et la mise en réseau de ses stations régionales.
Mais l'enjeu des années à venir sera certainement la capacité de l'Etat à réguler correctement ce secteur. Il le pourra en préservant les intérêts du secteur public et en faisant également en sorte que nos groupes privés puissent se développer en France et à l'étranger, ainsi qu'en préservant ou en réintroduisant le pluralisme.
Couper le cordon ombilical entre le pouvoir politique et l'audiovisuel public était le but de la première loi des gouvernements socialistes sur la liberté de communication ; c'est ainsi qu'est né le CSA, ou plutôt ses prédécesseurs.
Aujourd'hui, l'ouvrage doit être parachevé, en limitant les effets de la concentration verticale des groupes ou de trop hétéroclites diversifications.
Limiter l'influence dans les médias des groupes qui dépendent de la commande publique est certainement nécessaire. On voit bien à quels indéfendables marchandages cela peut donner lieu. Mais tout aussi importante pour le citoyen sera la garantie du pluralisme par une amélioration et un contrôle du fonctionnement du marché.
Ainsi, garantir l'accès aux programmes pour toutes les chaînes et, en particulier, celles du service public, est une nécessité. On pense aux droits sportifs et au cinéma, vitaux pour les chaînes. Le fait que deux groupes contrôlent en France la distribution et la production des oeuvres cinématographiques ne constitue peut-être pas la meilleure garantie de fluidité du marché.
L'article 18 de la loi de 1986, qui donne compétence exclusive au CSA en matière de concurrence, devra peut-être être revu, afin de mieux organiser la nécessaire interpénétration réciproque entre la régulation spécifique du secteur et la régulation de droit commun de la concurrence par le Conseil de la concurrence.
Je souhaite consacrer maintenant quelques instants à Radio France puis, plus généralement, à notre paysage radiophonique.
Le budget de Radio France est stable. La partie publique sera financée uniquement par la redevance à concurrence de 2,53 milliards de francs. Les recettes commerciales restent au même niveau qu'en 1997.
Radio France est le premier groupe radiophonique en France avec une audience cumulée de 27,1 % en 1996 ; cette situation est maintenue en 1997.
Vous avez, là aussi, madame la ministre, choisi de donner les moyens à cette société publique de préparer l'avenir en prévoyant 15 millions de francs de mesures nouvelles, dont 10 millions de francs pour développer la radio numérique et le DAB et 5 millions de francs pour l'amélioration de l'information. En tant qu'administrateur de Radio France, je ne peux que m'en réjouir.
Je m'interroge cependant sur la présentation du budget interne de cette noble maison qui attribue 8 millions de francs de mesures nouvelles à la nouvelle antenne « Le Mouv », dont le budget est porté à 27 millions de francs hors diffusion.
Plusieurs incertitudes planent encore sur ce programme destiné aux jeunes : d'une part, vous avez, madame la ministre, lancé une mission d'audit et, d'autre part, la même interrogation demeure quant aux fréquences disponibles pour l'éventuel développement de ce programme. Peut-être pourrez-vous nous donner votre sentiment ?
J'évoquerai maintenant brièvement le paysage radiophonique et son évolution. Je souhaite vous féliciter, madame la ministre, d'avoir permis, en contribuant à son financement, que l'audit du plan de fréquence ait lieu. Nous pourrons certainement y voir ainsi plus clair.
Cependant, au regard des premières attributions proposées par le CSA pour l'appel d'offres en cours, je m'interroge sur l'évolution de ce secteur.
On conforte la position en oligopoles de quatre opérateurs multiprogrammes. On a, en quelque sorte, remplacé les trois grands privés des ondes longues par quatre grands de la FM. Le rêve d'un paysage radiophonique où les opérateurs locaux autonomes et les opérateurs nationaux contribueraient à offrir un véritable choix à tout auditeur paraît s'éloigner.
Il me semble que l'on devrait réfléchir à une évolution de notre paysage radiophonique avec deux objectifs.
Le premier serait de garantir la présence sur le marché des opérateurs indépendants ; j'y reviendrai dans un instant à propos du fonds dit « Le Guen ».
Le second consiste à veiller à ce que les opérateurs ne proposent pas un produit monocolore et qu'ils soient en situation de concurrence loyale. Or, force est de constater que l'un de ces opérateurs ne contribue en aucune façon à cette mission essentielle des médias qu'est l'information. Des obligations en ce domaine devraient être, à mon avis, imposées à tout opérateur qui vise à l'obtention d'un réseau national.
Je dirai maintenant quelques mots du fonds de modernisation pour la presse, que vous créez, madame la ministre. Il me semblerait juste que ce fonds soit ouvert à tous les médias locaux d'information.
Le développement des médias locaux dans notre pays est en effet une nécessité, et ce ne serait que justice puisque ce sont eux qui pâtissent le plus du développement du hors média.
L'information locale intéresse de plus en plus nos concitoyens, comme en témoigne le succès des informations régionales de France 3 et celui de la presse quotidienne régionale, la PQR, qui continue à représenter 50 % du tirage total de la presse d'information politique et générale.
Télévisions locales du câble, télévisions locales hertziennes, radios indépendantes et presse quotidienne régionale sont toutes nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de notre démocratie. J'ai toujours considéré, pour ma part, qu'en fournissant des informations locales elles accomplissent en quelque sorte une mission de service public qui justifie l'intérêt et l'aide de la collectivité nationale.
Je soutiens totalement la démarche entreprise par M. Jean-Marie Le Guen et selon laquelle les imprimés qui ne sont que des supports de publicité doivent contribuer au financement des médias d'information. En effet, depuis de nombreuses années, le hors-média s'est développé plus rapidement que l'ensemble du marché.
Mais je souhaite attirer plus particulièrement votre attention, madame la ministre, mes chers collègues, sur ce qui se passe au niveau du marché publicitaire local. Ce sont 85 % des investissements publicitaires qui vont sur le hors-média, contre moins de 7 % à la presse quotidienne régionale, environ 3 % à la radio et 1 % à la télévision.
Par ailleurs, un tiers des investissements publicitaires français sont destinés à toucher des cibles locales, soit environ 50 milliards de francs, répartis eux-mêmes en deux moitiés inégales, la plus grosse venant d'annonceurs nationaux et la plus petite d'annonceurs locaux.
Il faut encore savoir que 91 % des annonceurs locaux investissent moins de 20 000 francs par an.
Tous ces chiffres me semblent avoir deux indications. D'une part, le hors média local, qui représente plus de 18 milliards de francs, ne sera pas touché par la taxe dite « Le Guen ». Or, 1 % de ce montant représenterait 180 millions de francs. D'autre part, les médias locaux, qui ont la plus petite part du marché publicitaire local et dont on connaît les difficultés, qu'il s'agisse des radios commerciales indépendantes ou des télévisions locales, ne toucheront rien. Ces derniers jours, nombre de ces radios et télévisions s'en sont émues auprès des parlementaires.
C'est pourquoi, je proposerai, la semaine prochaine, d'étendre le bénéfice du fonds à tous ces médias locaux.
Par ailleurs, il me semble qu'une réflexion sur l'enjeu que représentent les médias locaux pour parachever la décentralisation méritera d'être menée à l'occasion de la future loi sur la communication.
J'en viens, tout naturellement, aux aides à la presse.
La presse joue un rôle essentiel dans les démocraties pluralistes. Pas plus Internet aujourd'hui que la télévision hier ne peuvent remplacer la presse écrite. S'ils la menacent, c'est financièrement en captant ses ressources, et non pas parce qu'elle serait devenue inutile, superflue.
Au contraire, face à l'accélération et au foisonnement des informations venues des quatre coins de la planète, l'écrit laisse le temps et l'espace du recul de la critique et de la réflexion. Et notre société en a plus que jamais besoin, me semble-t-il.
Si l'aide de l'Etat à la presse reste une nécessité, il est aussi de sa responsabilité d'aider ce secteur à évoluer pour reconquérir ses lecteurs, comme vous l'avez très justement affirmé, madame la ministre.
Votre budget prévoit une stabilité et un léger redéploiement des aides au profit de la presse d'information politique et générale.
Alors que le précédent gouvernement avait, dans son budget initial, imposé des coupes claires, votre budget prévoit la stabilité des aides à la presse par rapport au budget rectifié de 1997. Le détail des chiffres ayant déjà été donné par MM. les rapporteurs, je n'y reviens pas.
Si personne ne conteste le bien-fondé de l'aide de l'Etat à la presse, on peut légitimement, devant l'importance des montants, s'interroger sur la transparence du système et sur son adéquation aux objectifs que l'on cherche à atteindre.
Je vous épargnerai une litanie de chiffres, et je n'en retiendrai que deux ou trois.
Si le chiffre d'affaires total de la presse a progressé de 1 % en 1996, celui de la presse nationale d'information générale et politique recule de près de 3 %, avec une baisse sensible de sa diffusion, la presse locale progressant, elle, légèrement, de 1,9 %.
Si la part de la presse sur le marché publicitaire national continue inexorablement à baisser - 47,3 % en 1996 contre 56,2 % en 1990 - les magazines représentent un tiers des investissements, la presse quotidienne régionale 20 % et la presse quotidienne nationale seulement 9,7 %.
Tous ces chiffres montrent clairement où doit porter l'effort : je veux, bien entendu, dire sur la presse d'information, plus particulièrement la presse quotidienne. C'est ce que votre budget commence à traduire. Je citerai deux exemples et ferai quelques suggestions.
Le fonds d'aide au portage est enfin mis en place, après bien des annonces restées sans suite du gouvernement précédent. Son montant, 45 millions de francs, est triplé par rapport à 1997.
Le nouveau « fonds de modernisation de la presse d'information politique et générale », créé par cette loi de finances, sera abondé par la nouvelle taxe de 1 % sur le hors média et sera maintenu tant que les objectifs n'en seront pas atteints. Je me permets de souhaiter qu'il ne conduise pas à un désengagement inverse de l'Etat. Je rejoins là le souhait du rapporteur pour avis, M. Alain Gérard.
Il me semble également que l'on peut se féliciter, compte tenu de la fragilité des entreprises de presse, de la décision du Sénat, rejoignant l'arbitrage initial du Premier ministre, de revenir sur la suppression des abattements fiscaux pour les journalistes.
Enfin, une réflexion sur le prix de la presse quotidienne devrait à nouveau être menée ; il me semble que les prix supérieurs à ceux des publications équivalentes à l'étranger sont l'une des raisons de l'évaporation du lectorat.
Il est également nécessaire d'aider ce secteur à évoluer. Là encore, deux exemples peuvent être relevés dans votre projet de budget.
Le premier, c'est le fonds d'édition multimédia géré par le CNC, qui est doté de 15 millions de francs pour 1998, alors que seulement 20 millions de francs sur cinq ans avaient été prévus par le précédent gouvernement.
La presse doit, comme elle avait su le faire pour le minitel et peut être plus encore, considérer qu'il ne s'agit pas d'un univers concurrent et qu'elle doit s'en saisir.
Le second exemple de cette nécessaire évolution que l'Etat doit aider concerne le plan social de la presse parisienne initié par un accord entre le syndicat de la presse parisienne et le syndicat du livre en 1992. Il est financé chaque année par l'Etat ; 13,2 millions de francs lui seront consacrés en 1998.
J'ajouterai un regret : aucune aide n'est prévue pour le lancement d'un nouveau journal. Un trop petit nombre de nouveaux journaux naissent et peu perdurent. Je salue d'autant plus les entrepreneurs qui, courageux, se lancent dans le secteur difficile de l'information. Mais à côté des PME innovantes que le Gouvernement envisage de soutenir, ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu'un fonds pourrait aider les nouveaux journaux à atteindre le seuil critique ?
Je voudrais, enfin, saluer le maintien des aides à l'expansion de la presse française à l'étranger au niveau de 21,5 millions de francs, tout en regrettant qu'il n'ait pas été possible de rétablir une partie de l'amputation subie l'année dernière.
Enfin, je souhaiterais attirer votre attention sur une aide qui ne grèverait sans doute pas de manière dramatique le budget de l'Etat mais qui serait, elle aussi, porteuse d'avenir.
La presse d'information manque avant tout de lecteurs, nous l'avons dit. Pardonnez-moi cette remarque digne de M. de La Palice, mais les lecteurs de demain sont les collégiens et les lycéens d'aujourd'hui.
Aider les jeunes à se familiariser avec la presse écrite d'information générale et politique est, à mon avis, aussi indispensable que de leur donner accès à Internet pour les préparer à leur vie de citoyen.
Là encore, le prix est, d'après les enseignants, un handicap. Peut-être pourrait-il y avoir une aide pour les achats par les établissements scolaires ?
Pour conclure ce long exposé, je voudrais évoquer encore le défi que représente ce qu'il est convenu d'appeler « la société de l'information » aussi bien pour la collectivité que pour tout un chacun et rappeler, avec François Mitterrand, que : « Le progrès n'a que l'âme de celui qui s'en sert ».
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les mutations technologiques imposent, dans le domaine de l'audiovisuel, des transformations tous azimuts qui nous contraignent à légiférer parfois dans l'urgence. Il est aujourd'hui difficile d'aborder les questions de la télévision hors d'un contexte qui mêle des enjeux de déréglementation, de libéralisation des marchés au sein d'un secteur où prévaut, pour l'essentiel, une visée très étroitement économiste et gestionnaire.
L'examen du projet de loi de finances pour 1998 laisse apparaître une augmentation des ressources du secteur public de l'audiovisuel de 3,28 %, qui est à mettre en regard de l'augmentation de 1,2 % de ce même budget l'an dernier.
Cette augmentation repose pour une très large part sur un accroissement du montant de la redevance de 5 %, ce qui ramène les dotations budgétaires proprement dites à une réduction de l'ordre de 34,1 %.
C'est la quatrième fois consécutive que ces dotations budgétaires sont en baisse, avec, d'ailleurs, le remboursement aux chaînes publiques de l'exonération de la redevance.
Il y a un risque, il ne faut pas se le cacher, à accentuer le désengagement de l'Etat dans un secteur pourtant en pleine mutation.
Lors de sa déclaration de politique générale, M. le Premier ministre soulignait la nécessité « de rééquilibrer le partage actuel entre les ressources publiques et les recettes publicitaires », et ce afin « d'encourager et de soutenir un service public fort et de qualité ».
Vous savez notre attachement et celui de nos compatriotes au service public de l'audiovisuel ; nous partageons donc les préoccupation du Premier ministre.
Cependant, je me permets d'insister sur la nécessité qu'il y aurait, selon nous, à aller encore plus loin dans le rééquilibrage entre ressources publiques et publicité. Ainsi, l'objectif fixé en termes de progression des recettes publicitaires pour 1998, qui est de 4 % pour France 3 et France 2, reste, en dépit d'une pause, encore trop élevé.
La recherche des recettes publicitaires contraint les responsables de nos chaînes à une course à l'audience dont nous connaissons tous les méfaits.
Outre le fractionnement des programmes, près de dix-huit minutes s'écoulent entre la fin du journal télévisé de vingt heures et le début des programmes en soirée. Cette quête de ressources « contamine » le contenu même de ce qui est diffusé ou oeuvre en faveur de la non-diffusion de telle ou telle programmation.
Il en est ainsi pour les oeuvres de fiction mais également pour des pans entiers de l'activité culturelle de notre pays - théâtre, concert, poésie - qui sont absents du petit écran ou programmés à des heures impossibles, maintenant, par exemple, comme l'a souligné avec esprit notre collègue M. André Diligent -...
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Très bien !
M. Ivan Renar. ... parce qu'ils ne sont pas porteurs de recettes publicitaires suffisantes.
Je souhaiterais abandonner le seul terrain des chiffres pour tenter d'aller plus au fond de la réalité de notre audiovisuel public.
Nous avons, en effet, une responsabilité politique particulière en matière d'audiovisuel public et peut-être serait-il souhaitable que la représentation nationale participe plus que par le passé à l'élaboration même de cette politique ; je pense bien sûr au Parlement, mais aussi aux élus locaux, aux associations de spectateurs, de téléspectateurs, aux artistes, etc., bref à tous ceux qui oeuvrent à l'enrichissement du lien social dans notre pays.
Certes, le CSA existe, mais il s'agit d'une instance de régulation. Prenons garde de ne pas nous dessaisir de ce que nous voudrions que soit notre audiovisuel, et le législatif n'en est qu'un aspect.
Une réflexion doit être engagée sur l'audiovisuel public. Un projet de loi est annoncé. Nous souhaitons que l'indispensable concertation soit mise en oeuvre rapidement.
Dans le paysage audiovisuel, souvent terne et quelquefois accablant, il y a heureusement quelques scintillements et on les trouve dans l'audiovisuel public. Ainsi, la progression de l'audience de France 3 est réconfortante, car le souci de la qualité semble être partagé par une majorité de nos conditoyens, et pas seulement en province.
Un certain nombre des projets novateurs de cette chaîne justifient d'ailleurs pleinement que nous y prêtions attention. Développement régional, ouvertures de nouvelles éditions locales appellent, selon nous, un effort budgétaire dans la durée.
Mme Danièle Pourtaud. Effectivement !
M. Ivan Renar. Cela étant, l'arrivée de nouvelles technologies appelle des moyens budgétaires supplémentaires mais aussi une autre approche du secteur audiovisuel. Je pense notamment au développement du numérique qui mêle technologies informatiques et images audiovisuelles. Faisons en sorte que, dans nos choix budgétaires, l'audiovisuel public ne soit pas le laissé-pour-compte d'une évolution devenue aujourd'hui incontournable.
Là aussi, on risque le pire et le meilleur. Le pire n'est pas certain même si, souvent, trop souvent, la technique pense qu'elle peut se passer de la pensée et qu'un jour les machines feront des films et que les ordinateurs, sans aucun doute, iront les voir. (Sourires.) Nous connaissons les avancées de La Cinquième, avec le développement de sa banque de programmes. Il va sans dire que France Télévision doit aussi y prendre toute sa place.
Notre pays ne manque pas de compétences audiovisuelles, notamment dans l'audiovisuel public. Des désengagements financiers successifs, mais aussi une absence de lisibilité politique de ce que nous souhaitons pour notre télévision ont pu conduire, ces dernières années, à un certain flottement.
Chacune des chaînes publiques se doit, sauf à disparaître, de garder et de promouvoir une ligne éditoriale originale ; la course, non pas à la qualité, mais à l'audimat entre telle ou telle chaîne ne peut qu'aboutir à de formidables gâchis et au nivellement par le bas.
Les restructurations doivent, pour réussir, être au service de cette différence et non pas être motivées par la recherche absolue de la seule économie comptable.
Le pluralisme, l'innovation, l'originalité, la promotion de notre culture nationale, mais au-delà de l'ensemble des cultures européennes, tout cela doit trouver un plein essor au sein de nos chaînes publiques.
Le petit écran est un instrument privilégié de cette « exception culturelle ». Les tentations sont grandes, ici ou là, de revenir sur certaines avancées en ce domaine.
Le récent sommet de la francophonie a permis le constat d'un certain nombre de nos manques. Radio France internationale et Radio France outre-mer, qui ont la charge du rayonnement de notre culture, appelle une attention budgétaire particulière.
J'en viens à l'aide à la presse écrite, que nous soutenons comme un instrument irremplaçable de l'Etat pour concourir au développement - parfois, hélas ! à son seul maintien - d'une presse écrite menacée de toute part, alors même que l'on sait son existence vitale pour notre démocratie. S'il est le plus pratique, le terme d'« aide » n'est d'ailleurs pas le meilleur, puisqu'il s'agit, en fait, d'un concours à l'exercice de la démocratie et de la citoyenneté dans notre pays.
La loi de finances pour 1997 avait réduit de 14 % les aides directes à la presse, de 24,9 % l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires et de 50 % l'aide à l'expansion économique de la presse française à l'étranger. Autant dire que l'on revient de loin !
Dans le projet de budget qui nous est soumis, l'Etat maintient son aide à hauteur de 246 millions de francs. Certains redéploiements sont prévus et l'on voit un renforcement notable de l'aide au portage.
Il convient de bien distinguer, au sein de l'ensemble de la presse écrite de notre pays, une presse économiquement stable, soutenue par des groupes capitalistes aux profits élevés et au fort rendement publicitaire, et une presse d'information générale et politique qui connaît de graves difficultés économiques, avec notamment la presse quotidienne, mais aussi les hebdomadaires locaux, auxquels je pense particulièrement.
L'amendement « 1 % » sur le hors média constitue, pour cette dernière, certes, une avancée, mais peut-être pourrions-nous aller plus loin,
L'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires est assise sur le produit de la taxe sur la publicité à la télévision. Sur le produit de cette taxe qui atteint, je crois, 60 millions de francs, seuls 30 millions vont aux quotidiens. Est-il inconcevable et serait-ce trop demander que la totalité de ce produit soit affectée à ces journaux ?
Le secteur de la communication tient une place prépondérante aujourd'hui dans l'économie des pays industrialisés, la part de ce secteur au sein de l'économie américaine est là pour nous le rappeler.
Générateur d'emplois, vecteur culturel, son immersion au plus près du quotidien de chacun en fait un formidable instrument de partage, partage de rêve, s'agissant de production audiovisuelle, partage de différences et de ressemblances aussi, que l'on ne doit pas laisser au seul secteur marchand.
A ce titre, madame la ministre, le projet de budget marque une étape.
Il y a place dans notre pays - l'histoire et le maintien d'un cinéma de qualité et riche de diversité en constituent un bon exemple - pour une production audiovisuelle de qualité, pour une presse davantage au service de la citoyenneté. Mais cela ne saurait se faire sans une intervention forte du pouvoir politique. Rappelons-nous l'intervention de Bill Clinton en faveur des autoroutes de l'information. Un tel dessein se profile dans le projet de budget qui nous est proposé. Mais nous devrons aller plus loin. Puisse le débat autour de l'audiovisuel, annoncé pour le début de l'an prochain, y contribuer.
Les synergies doivent être renforcées afin d'oeuvrer à la mise en place d'un grand service public, tout entier orienté vers le différence, vers la créativité, mêlant savoir-faire anciens - je pense à la SFP, par exemple - et connaissances nouvelles.
Nombres d'acteurs de l'audiovisuel public y participent. La convention collective de ce secteur est-elle réellement un frein au développement de l'audiovisuel public ? Nous ne le pensons pas. Sa disparition ne serait-elle pas la porte ouverte à la croissance de l'intermittence du spectacle ?
Les questions sont nombreuses. Nous devrons les apprécier dans leur globalité, en ayant à coeur de définir les objectifs et les missions de service public pour notre audiovisuel.
Nous resterons, pour notre part, au service de signes forts d'une politique dynamique et novatrice pour notre télévision, mais aussi pour la presse écrite, en ayant toujours en tête ce que disait le poète : « La parole n'a pas été donnée à l'homme, il l'a prise. »
M. le rapporteur faisait tout à l'heure appel à la sagesse du Sénat. Eh bien ! madame la ministre, nous ne serons pas sages et nous voterons votre projet de budget ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Madame le ministre, bien que vous sembliez en douter, notre groupe est attaché à un service public audiovisuel fort, pluraliste et conforté par une gestion saine et équilibrée.
C'est pourquoi nous avons approuvé la présidence commune à France 2 et France 3 et soutenu celle de La Cinquième et de Arte afin de favoriser les synergies et de donner un maximum de cohérence aux stratégies mises en oeuvre par les chaînes publiques.
Or, les déclarations que vous avez faites, madame le ministre, devant notre commission des affaires culturelles, m'ont profondément surpris. Vous avez affirmé que le précédent gouvernement avait malmené l'audiovisuel public et qu'il fallait redresser et rééquilibrer les ressources des chaînes publiques.
Vos amis ont, en effet, longuement critiqué par le passé la trop grande part de recettes publicitaires dans le budget de France 2 et France 3 qui risquait de placer les deux chaînes publiques dans une logique commerciale éloignée des préoccupations du service public.
Dans cette perspective, on pouvait penser que vous alliez réduire les objectifs publicitaires de ces chaînes et augmenter la part de financement public de l'Etat.
Quelle n'a pas été ma surprise de constater que vous stabilisiez la part des recettes publicitaires dans le financement du secteur public, et ce sans même essayer d'inverser la tendance à leur accroissement actuellement constatée !
Bien trop souvent, en politique, les mots sont éloignés des actes. Permettez-moi de considérer qu'en l'occurrence les records sont pulvérisés !
En outre, vous avez prétendu, devant notre commission des affaires culturelles, vouloir assurer la sécurité financière des organismes audiovisuels publics et, dans le même temps, vous abaissez la part de la redevance affectée à France 2 et à France 3 dans le montant des crédits publics qui leur sont consacrés. Vous exposez ainsi France 2 et France 3 au risque de régulation budgétaire ! En toute logique, vous auriez dû leur réserver la part de la redevance qui leur est actuellement affectée, car c'est une recette sûre.
Votre choix est d'autant plus incompréhensible que vous avez décidé d'augmenter le taux de la redevance de 5 %.
Vous me permettrez, une fois encore, de constater que, dès que le Gouvernement rencontre un problème, son premier réflexe est d'augmenter les prélèvements. C'est pourtant, non aux conséquences, mais aux causes qu'il faut s'attaquer !
Cette augmentation de la redevance, vous la justifiez en avançant qu'elle doit permettre au secteur public de ne plus recourir aux recettes publicitaires. Or, je le répète, la part de la publicité dans les ressources des chaînes publiques n'est aucunement réduite. Je conviens que cette diminution est un objectif difficile à atteindre. Mais il ne faut pas annoncer quelque chose, faire son contraire et, en outre, augmenter les prélèvements.
Soyez certaine, madame le ministre, que nous serons vigilants, notamment au cours de l'année prochaine, et que nous veillerons à ce que des coupes budgétaires ne viennent pas compromettre la qualité des programmes des deux chaînes généralistes qui, jusqu'à présent, l'audimat le prouve, se portent plutôt bien face à leurs concurrentes du secteur privé.
J'évoquerai maintenant les modes de fonctionnement des chaînes publiques et de la présidence commune.
S'agissant de La Cinquième et de Arte, il y a bien eu, de la part du président commun de ces deux chaînes, un effort de recomposition des structures. Cependant, ainsi que l'a fort bien exposé notre rapporteur pour avis, M. Jean-Paul Hugot, cet effort ne permettra pas de réaliser les économies budgétaires qui étaient attendues en 1997. D'où la situation financière difficile de ces chaînes.
En ce qui concerne la présidence commune à France 2 et France 3, je souhaiterais rappeler que son organisation est un véritable paradoxe et exige une réflexion approfondie, qui d'ailleurs a déjà été engagée par le précédent gouvernement.
En effet, l'Etat, unique actionnaire, ne nomme pas le président et ne peut pas plus le révoquer. En revanche, il est censé contrôler la gestion des deux entreprises publiques. Dans les faits, nous constatons qu'il n'exerce pas ses responsabilités d'autorité de tutelle.
L'expérience a également montré que le conseil d'administration n'exerce pas non plus de contrôle sur la présidence commune. Les récents scandales qui ont éclaté a propos des animateurs-producteurs ont particulièrement illustré ce fait.
De son côté, le CSA nomme le président commun aux deux chaînes, mais n'a pas légalement de pouvoir de contrôle sur leur gestion.
Le constat est clair : aucun contrôle ne s'exerce véritablement sur la présidence commune. Je pense qu'il n'est pas possible de continuer ainsi, et je souhaiterais connaître votre opinion sur ce dossier particulièrement important, madame le ministre.
Enfin, il me semble indispensable que vous nous confirmiez le dépôt rapide d'un projet de loi sur la communication audiovisuelle. Cette question déborde sans doute le cadre de l'examen de votre projet de budget, mais il est frappant de constater à chaque instant, que, sur de multiples dossiers, l'adaptation de notre législation est nécessaire. Cela signifie non pas plus de lois, mais des lois adaptées aux besoins.
Ainsi, nous souhaitons connaître vos orientations s'agissant, notamment, du développement du câble, qui a tant de mal à émerger, du développement du numérique et des bouquets, de la nécessité absolue de faire cesser la cohabitation de plusieurs standards de décodeurs numériques, qui aboutit à une situation absurde.
De même, il faut revoir les compétences du CSA. Ainsi, la montée de la violence et de la pornographie sur nos écrans nécessite un peu plus qu'une simple signalétique, dont les effets sont bien aléatoires.
Enfin, concernant l'attribution des fréquences radios, un audit a eu lieu l'année dernière. Cela fait longtemps que ce secteur appelle une remise à plat et l'apparition de nouvelles règles. Quels choix allez-vous faire dans ce secteur, madame le ministre ?
Nous avions commencé l'année dernière l'examen d'un projet de loi qui visait à apporter un certain nombre de solutions. Madame le ministre, il est urgent d'en discuter pour ne pas « rater » notre entrée dans la société de l'information du XXIe siècle.
En conclusion, sur les budgets de la communication audiovisuelle, je tiens à saluer l'excellent travail effectué par M. Jean-Paul Hugot, dont le rapport nous a permis de mieux appréhender un budget toujours très complexe et, en même temps, essentiel pour notre société. S'agissant de la presse, j'approuve également totalement le rapport établi par M. Alain Gérard, qui a retracé et commenté de façon exhaustive les différents problèmes de ce secteur. Je m'en tiendrai à une seule question, celle de la déontologie des journalistes.
Vous avez annoncé, lors d'un récent colloque, que vous aviez demandé aux différents responsables de radios et de télévisions publiques de mettre en place, auprès de leurs principales rédactions, des médiateurs. Cela me paraît être une bonne idée, susceptible de répondre aux attentes et au mécontentement tant des auditeurs que des téléspectateurs.
Je souhaiterais donc connaître les modalités de mise en place d'une telle mesure, son coût et sa date d'application.
Vous avez également annoncé l'organisation d'une réflexion sur la formation des journalistes, remarquant que trop peu d'entre eux avaient suivi une formation initiale ou avaient participé à une formation continue, ce qui, sans doute, expliquait en partie les dérives constatées par rapport à l'éthique que leur métier exige.
Permettez-moi de penser qu'au nom de la liberté de la presse, que vous brandissez toujours si volontiers, mais que vous semblez avoir oubliée, en l'occurrence, le problème du respect de l'éthique doit trouver des solutions au sein de la profession, par exemple, par l'autodiscipline ou encore grâce à l'établissement d'une charte interne des usages.
Il ne me semble pas que ce soit à l'Etat d'encadrer le métier des journalistes !
Ce que j'appelle de mes souhaits, c'est que nos concitoyens disposent d'une information de qualité : c'est cela la responsabilité des journalistes !
Mes interrogations ainsi que celles de mes autres collègues montrent bien le manque de visibilité de votre budget, l'absence d'une stratégie cohérente et dynamique pour les deux secteurs de la communication, tout particulièrement pour l'audiovisuel public.
Madame le ministre, parce que votre projet de budget, tel que vous nous le présentez, affiche un taux de progression qui pourrait, en apparence, sembler satisfaisant mais qui est uniquement financé par un démantèlement de notre politique de la défense, parce que votre projet de budget ne présente aucune ambition pour notre pays sur le sujet si sensible de la communication, le groupe du Rassemblement pour la République ne peut que refuser de le voter en l'état. (Applaudissements sur les travées du RPR.) M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ayant commenté ce projet de budget devant vos commissions, je consacrerai essentiellement mon intervention aux réponses aux différents intervenants.
Je voudrais, tout d'abord, remercier M. le rapporteur spécial et MM. les rapporteurs pour avis d'avoir examiné dans le détail et commenté le projet de budget que je présente à la fois pour la presse et pour l'audiovisuel.
J'ai la faiblesse de penser - je l'ai dit devant la commission des finances et la commission des affaires culturelles du Sénat, ainsi que devant les députés - que ce projet de budget est bon, non seulement parce qu'il est en augmentation, mais aussi parce qu'il marque un véritable tournant dans la perception, dans l'appréhension et dans la prise de position de l'Etat face à un secteur en pleine mutation.
En effet, ce projet de budget marque une priorité à l'égard de la presse écrite - je remercie M. Cluzel, rapporteur spécial, et M. Gérard, rapporteur pour avis, de l'avoir souligné - grâce à deux mesures : d'une part, le maintien du système d'aide à la presse que nous connaissons maintenant depuis quelques années, avec, cependant, un accent mis sur certaines priorités, tels l'aide au portage et le développement du multimédia ; d'autre part, la mise en oeuvre du fonds proposé par M. Le Guen, qui permettra - je l'espère - d'abonder le fonds de modernisation de la presse écrite, notamment de la presse d'information politique et générale et des titres quotidiens régionaux ; cette presse fournit en effet quotidiennement à ceux qui la lisent actuellement, et qui devront être plus nombreux encore, demain, un mode d'information particulièrement précieux pour la démocratie.
Mais ces aides à la presse ne peuvent être conçues comme des compensations permanentes à des déficits d'activités économiques privées.
Je tiens à insister sur ce point : pour aider les entreprises de presse, il nous faut les encourager à prendre le tournant stratégique de la modernisation de leurs structures. Je constate en effet que, chez certains de nos voisins européens, les journaux sont moins chers, ont un meilleur équilibre budgétaire et connaissent une fidélisation de leurs lecteurs dans de meilleures conditions.
M. Michel Pelchat. La distribution !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Nous devons donc nous interroger sur le rôle des pouvoirs publics, sur la manière dont est organisée la chaîne de la presse, depuis la rédaction, la production, jusqu'à la distribution, sur la conquête de nouveaux lecteurs et sur les tarifs, qui doivent permettre à tous nos concitoyens, y compris à ceux qui ne disposent pas d'un revenu élevé, d'avoir accès à l'information. L'enjeu est important.
Pour moi, le secteur de la communication est un tout. Même si l'on a beaucoup parlé de la mutation de l'audiovisuel, avec la télévision numérique, les chaînes thématiques et les nouveaux services, c'est en fait l'ensemble du secteur de la communication, y compris celui de la presse écrite, qui est confronté à cette mutation.
Dans le cadre de ce projet de budget, j'ai souhaité bien marquer la mission du secteur de l'audiovisuel public.
Je considère en effet que, dans un paysage de plus en plus concurrentiel, le secteur public audiovisuel permet d'assurer une véritable régulation. Je ne crois pas en la morale du marché, lequel est principalement déterminé par la possibilité pour les entreprises de réaliser des profits. A partir de là, nous savons bien que, s'agissant d'informations, de programmes, d'influence culturelle, linguistique, mais en même temps de modes de vie - comme cela a été dit tout à fait justement, cela commence en effet par les comportements et cela continue par une influence culturelle déterminante - nous devons assurer l'indépendance, le pluralisme et la régulation de l'ensemble de ce secteur, tout en lui permettant de s'adapter aux nouveaux défis technologiques.
C'est la raison pour laquelle ce projet de budget marque un tournant. Il le marque non seulement par la proportion entre les recettes budgétaires, les recettes de redevance et les recettes publicitaires, mais aussi par l'importance du soutien accordé aux programmes et à l'innovation, avec comme vous avez bien voulu le rappeler, les projets, tels les programmes pédagogiques, à travers la BPS, la banque de programmes et de services et avec, le projet de l'INA, visant à valoriser le patrimoine audiovisuel de notre pays.
J'aurais souhaité présenter un document budgétaire beaucoup plus facile à lire. Dès ma nomination au ministère de la culture et de la communication, j'ai constaté que les crédits liés à la communication étaient traditionnellement éparpillés et qu'il était donc nécessaire d'opérer une synthèse pour parvenir véritablement à apprécier ce budget. Je remercie donc tous ceux qui, patiemment, se préoccupent de le comprendre, de le connaître, et j'espère qu'il nous sera donné de disposer, pour le prochain projet de budget, d'un document synthétique permettant de comprendre l'évolution des données chiffrées concernant l'ensemble du secteur de la communication. Ce serait à mon avis une façon de respecter le contrôle que doit exercer le Parlement sur les crédits publics.
J'entendais tout à l'heure l'un des intervenants évoquer le fait que l'Etat, qui est actionnaire, n'exerce pas son contrôle dans le secteur public audiovisuel. Je dirai que cela commence déjà par le contrôle des parlementaires sur le budget.
Nous devons apprécier ce budget dans toutes ses composantes que sont les crédits budgétaires, les comptes d'affectation spéciale et les aides indirectes. Or, la diversité des éléments contribue à une certaine opacité, notamment pour le public.
Nous sommes confrontés à une autre difficulté, avec l'éparpillement de la tutelle.
Il fut un temps où le ministère de l'information dépendait directement du Premier ministre et où l'information dans le secteur public était conçue comme la parole politique, issue du pouvoir politique. Cette époque est révolue.
Nous devons passer à l'étape suivante, qui consiste à garantir l'autonomie du point de vue du pouvoir économique et à éviter les effets négatifs de trop fortes concentrations, qu'elles soient verticales ou horizontales.
En effet, si nous souhaitons être capables d'un bon suivi, d'une bonne évaluation, d'un bon contrôle et d'une bonne capacité d'anticipation pour l'ensemble d'un secteur, il nous faut donner à l'administration de l'Etat les moyens de pouvoir conduire correctement son travail.
Ce point m'amène également à évoquer la nécessité de simplifier et de mieux organiser l'audiovisuel intérieur et l'audiovisuel extérieur. Nous menons actuellement une réflexion avec le ministère des affaires étrangères sur ce point, car nous mesurons bien, de part et d'autre, les difficultés. Nous voyons bien, avec l'apparition des chaînes thématiques, des bouquets satellites, des différents services passant sur de nouveaux supports de communication et de l'explosion numérique, à quel point cette limite est tout à fait précaire et en même temps de moins en moins pertinente, et qu'il faut considérer - je le dis d'emblée - le secteur audiovisuel ainsi que le secteur de la presse écrite, bref, tout le secteur de la communication, comme un secteur économique déterminant à part entière pour notre pays.
D'autres pays, comme les Etats-Unis, l'ont compris depuis longtemps. Il n'est pas forcément nécessaire d'imiter le modèle américain, car nous avons nos traditions et notre manière de voir. De plus, nous avons la faiblesse de penser que nous pouvons avoir des entreprises tout à fait performantes tant sur le plan technologique que sur le plan de la matière rédactionnelle et des programmes. C'est vrai, y compris pour le divertissement. En effet, il n'est pas du tout évident, mesdames, messieurs les sénateurs, de pouvoir proposer des divertissements de qualité en dehors des responsabilités et des charges du service public.
Il convient donc que nous puissions reconnaître cette part économique, source à la fois d'emplois et de recettes.
Je voudrais revenir sur quelques-unes des questions qui ont été abordées, et tout d'abord sur celles qui concernaient la presse écrite.
Je remercie très vivement M. Cluzel de son rapport écrit. L'ensemble des rapports qu'il a produits depuis plusieurs années constitue bien évidemment une source inépuisable d'inspiration.
Je répondrai tout d'abord sur le plan du soutien à la modernisation de la presse quotidienne et des aides à la presse.
Le plan de soutien à la modernisation des quotidiens et des hebdomadaires locaux trouve sa légitimité dans ce rôle particulier que joue cette forme de presse dans le débat d'idées, dans l'ouverture sur le monde, sur la société et sur le lien social. Il intervient alors que les entreprises doivent moderniser d'urgence leurs structures pour mieux répondre aux attentes et au pouvoir d'achat des lecteurs. La question est d'autant plus cruciale pour cette forme de presse qu'elle doit supporter des frais structurels - industriels, rédactionnels et de distribution - ainsi que des coûts sociaux particulièrement lourds.
Le plan de soutien sur lequel nous travaillons avec les représentants des quotidiens et assimilés prendra en compte l'ensemble de l'activité des entreprises, des études à la commercialisation, la publicité et la distribution en passant par la rédaction.
Des groupes de travail ont été mis en place pour avancer dans l'élaboration de ce plan de soutien.
Nous comptons, bien entendu, participer au financement de ce plan de soutien, et ce à travers le compte d'affectation spéciale lié à la taxe sur les investissements publicitaires hors média.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai éprouvé quelques inquiétudes à propos des amendements qui ont été votés par votre honorable assemblée, parce qu'ils ont considérablement réduit l'assiette de cette taxe et son produit global équivaut aujourd'hui au montant des aides traditionnelles accordées au portage. Pour un plan de soutien à la modernisation de la presse écrite, cela devient très peu. Il nous faudra, dans la suite de la discussion du projet de budget de la communication pour 1998, dégager une solution équilibrée susceptible, sans léser les intérêts de quiconque, d'apporter à la presse écrite les moyens d'assurer sa mutation.
Les problèmes qui se posent à la presse écrite sont aujourd'hui différents de ceux qui se posent aux radios ou aux télévisions locales. Les problèmes de structures ne sont pas comparables, ni même le cadre réglementaire et législatif.
Il convient vraiment d'accorder, pour une période donnée, en l'occurrence pour la durée du plan, c'est-à-dire quatre à cinq ans, une priorité à la presse écrite.
Si nous étendons le dispositif à un trop grand nombre de bénéficiaires, nous serons confrontés à une difficulté ; une distribution sporadique de moyens ne nous permettra pas de jouer notre rôle de soutien et de stimulation.
Les groupes de travail en cours de constitution travailleront à l'amélioration de la connaissance du lectorat, à la modernisation de la fabrication et de la diffusion, au financement du développement.
Le développement de la lecture, en particulier chez les jeunes, ne dépendra pas du plan de soutien et donc du financement par la taxe du 1 % sur le hors média. Cette opération, nous la financerons grâce au plan sur la lecture publique, qui concerne à la fois le livre et la presse écrite. Pour nous, la lecture est un tout, nous associerons donc la presse écrite à toutes les entreprises de soutien à la lecture publique.
En matière d'aides, nous avons l'intention, dès le printemps, d'étudier avec l'ensemble des formes de presse les évolutions souhaitables.
Le constat est simple : le volume global des aides est très important ; il n'a pourtant pas permis d'empêcher les rachats de titres par des industriels ou des groupes étrangers ; il n'a pas non plus permis d'assainir la situation financière des entreprises. Il faut donc rendre les aides plus efficaces et conforter ce secteur économique en ne se contentant plus de compenser ses déficits chroniques.
Voilà donc quelques-unes des réflexions que m'inspiraient les questions posées par les rapporteurs et par les différents orateurs qui ont évoqué cette question.
Concernant la taxe sur le hors média, l'assiette de cette taxe doit comprendre les imprimés adressés parmi lesquels figurent les mailing , les éditions publicitaires, les imprimés non adressés, les annuaires et les guides ainsi que la presse gratuite.
Sur tous ces points, il y a eu débat. Nous avons néanmoins souhaité réunir tous ceux qui participent aux travaux de l'observatoire de la publicité. J'ai participé à une rencontre qui rassemblait tous les professionnels et je leur ai expliqué ce qui allait se passer. Je préfère que les dispositifs soient connus avant d'être lancés, qu'ils soient mis en place de façon transparente et après concertation.
Il faut tenir compte du fait que les annonceurs, ce sont aussi des entreprises appartenant à tous les secteurs. Il ne faut pas leur donner le sentiment qu'il s'agit d'une pénalisation.
Néanmoins, un constat s'impose : la publicité dans la presse écrite est en diminution rapide, ce qui pose le problème de la survie de tous les titres de la presse quotidienne d'information politique et générale dans notre pays.
Concernant l'extension du bénéfice du fonds de modernisation aux autres médias que la presse quotidienne, la question a été posée, notamment pour les agences de presse.
Les agences de presse ne sont pas écartées, mais ce fonds ne servira pas à financer l'évolution de l'AFP. Si l'on considérait que l'AFP pouvait bénéficier des crédits de ce fonds, on ne pourrait pas résoudre le problème. Le financement du secteur public de l'information doit être fait par des crédits publics.
Je suis, bien sûr, sensible à tous les arguments qui ont été évoqués, notamment par Mme Pourtaud, et qui nous amènent à penser que nous ne pourrons consacrer les crédits liés au 1 % à la presse écrite que pendant une période temporaire.
Personnellement, je souhaite qu'une fois le plan de modernisation engagé, nous puissions consacrer les fonds récoltés au développement de l'information dans l'ensemble des secteurs, en particulier dans la nécessaire adaptation aux nouvelles technologies. Nous pourrions ainsi avoir une vision à long terme qui permettrait de répondre correctement aux problèmes posés.
En ce qui concerne les charges téléphoniques, l'ouverture de la concurrence nous a conduits à constater une multiplication des tarifs de la part d'opérateurs qui sont de plus en plus nombreux.
Un tel contexte rend difficilement praticables les demandes de remboursement de factures.
Les systèmes mis en oeuvre sont extrêmement compliqués et ils nécessitent une gestion lourde et coûteuse. Nous nous demandons donc s'ils sont les meilleurs possible.
Il convient dans le même temps de constater que, depuis que cela existe, c'est-à-dire depuis une quinzaine d'années, le poids des charges téléphoniques dans les coûts des journaux a considérablement évolué. Cette charge devrait être progressivement intégrée dans l'économie propre des titres, même s'il peut encore exister des compensations.
Pour ce qui concerne la réforme de l'aide au transport postal, les accords Galmot ont conduit à réduire la part assumée par La Poste dans le soutien à la presse, le système de calcul étant modifié en prenant en compte non seulement le poids, mais aussi la manipulation des titres.
Cette évolution doit se poursuivre. Sur cinq ans, la part de l'Etat restant stable à hauteur de 1,9 milliard de francs, la formule du ciblage conduit à limiter ces augmentations pour les publications d'information politique et générale. Une évaluation des résultats de cette réforme a été confiée à un observatoire. J'attends les premières conclusions pour envisager des évolutions éventuelles qui apparaîtraient nécessaires et qui permettraient de pallier les effets négatifs constatés.
En ce qui concerne maintenant l'audiovisuel public, il a été dit que le rapport n'était pas assez bon entre les crédits publics et les ressources publicitaires.
En réponse, je me contenterai de citer quelques chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs, et de relever que ce n'est pas moi qui ai fixé comme objectif une progression spectaculaire des ressources publicitaires en 1997 de 7 % pour France 2 et de 30 % pour France 3.
Le but, à mon sens, n'était pas alors de remplir des missions de service public, mais d'atteindre des objectifs commerciaux et de justifier en la compensant la baisse assez considérable des crédits publics.
A ceux qui évoquaient La Sept et La Cinquième, je dirai que le fait d'avoir anticipé la fusion et l'effet d'économie qu'elle induisait dès le budget de 1997 en réduisant les crédits de ces deux chaînes publiques de 140 millions de francs a remis en question l'équilibre financier de la chaîne. Il s'agit pourtant d'une chaîne culturelle européenne dans laquelle la France est engagée contractuellement à parité avec l'Allemagne, qui, elle, à continué de verser à la même hauteur ses crédits publics. Mais si cela s'était poursuivi, n'aurait-ce pas remis en question, tout simplement, un accord bilatéral, qui engage d'ailleurs également d'autres pays européens ?
Je crois que cette décision a été assez préjudiciable et je réponds à ceux qui me disent qu'il y a urgence : oui, il y a urgence, mais précisément, s'il y a urgence, ne mettons pas la charrue devant les boeufs ! Or, en l'occurrence, on a diminué les crédits avant de créer la structure.
Il y a, j'en conviens, urgence sur le plan du droit afin de donner une sécurité juridique à la décision qui a été prise, et sur laquelle je ne reviendrai pas, de fusionner La Sept et La Cinquième.
Pour ma part, ce que j'ai souhaité - vous voyez bien où est le changement - c'est restaurer les crédits tout en maintenant le projet de fusion et non pas voir perdurer une situation qui a été pénalisante pour les programmes des deux chaînes. Je souhaite tout simplement redonner à La Cinquième les moyens d'assurer la réalisation de sa grille et de développer les programmes pédagogiques, ainsi que le cahier des charges le stipule.
Je ne fais donc que respecter la décision de fusion qui a été prise et affecter les crédits qui sont nécessaires à l'application du cahier des charges des deux chaînes. Je tenais à insister sur ce point.
S'agissant du rapport entre les différentes recettes, je rappellerai quelques chiffres. Les ressources publiques représentaient 47,9 % du budget total en 1997 pour France 2 ; elles en représenteront 47,8 % en 1998. Pour France 3, les ressources publiques représentaient 60,7 % en 1997 ; elles en représenteront 60 % en 1998. Les recettes publicitaires représentaient 48,2 % pour France 2, en 1997 ; elles représenteront 48,2 % en 1998 ; et pour France 3, elles représentaient 30,5 % en 1997 ; elles représenteront 31 % en 1998.
Par conséquent, s'il est vrai que les crédits publicitaires augmentent pour l'année 1998, le budget global de France 2 et de France 3 augmente lui aussi. Il faut donc s'attacher au résultat et comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire les recettes publicitaires qui ont été collectées l'année dernière et celles qui le seront cette année.
Messieurs les sénateurs, lorsqu'un train à grande vitesse est lancé sur les rails, on ne l'arrête pas sur un mètre !
Je suis obligée de faire une étape, mais il n'est pas si facile de ralentir ce processus et, dans le même temps, de préserver l'équilibre financier des chaînes. Je me suis en effet engagée à ce que les chaînes ne soient pas en déficit. Or, ce n'était pas le cas pour France 2 à qui l'on avait supprimé 200 millions de francs de crédits.
M. Michel Pelchat. Budgétaires !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Des crédits budgétaires, certes, mais ils ont été supprimés !
Par conséquent, il fallait commencer par se préoccuper de redresser la situation financière de cette chaîne dont tout le monde s'est accordé à dire ici qu'elle était fondamentale, ce que je pense également.
J'en viens à la répartition entre la redevance, les recettes de publicité et les crédits budgétaires.
La redevance permet d'attribuer en 1998 2,3 milliards de francs à France 2 et 3,3 milliards de francs à France 3.
La publicité représente 2,5 milliards de francs pour France 2 et 1,7 milliard de francs pour France 3.
Les crédits budgétaires, dont on a beaucoup parlé ici et que certains, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, ne jugent pas bon d'attribuer à ces deux chaînes publiques, représentent, pour l'une comme pour l'autre, 103 millions de francs.
Comparativement aux 2,3 milliards de francs et aux 3,3 milliards de francs provenant de la redevance, on constate que la part des crédits budgétaires est minime. Devant la volonté et l'engagement du Gouvernement - je l'ai dit et répété devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs - de ne prendre aucune décision qui mettrait l'ensemble des chaînes d'information du secteur public en déficit, je m'interroge.
Prenons l'exemple de RFI, qui diffuse l'image de notre pays et l'information que la France peut apporter non seulement aux pays francophones, mais également à un certain nombre d'autres, qui sont d'ailleurs heureux de capter cette radio. Est-il plus justifié d'accorder la redevance au secteur public, qui est déjà assuré par ailleurs de bénéficier de fortes ressources ?
Dans le cas de RFI, le budget n'a pas augmenté, puisqu'il a fallu cette année rattraper son déficit. Ne faut-il donc pas assurer une ressource et répartir ce que représente l'effort porté par nos concitoyens en matière d'augmentation de la redevance ?
Pour moi, en effet, il n'y a pas une partie du service public à l'intérieur de l'Hexagone et une autre en dehors. Le service public est un tout et je le réaffirmerai dans la prochaine loi sur l'audiovisuel.
L'intérêt de l'ensemble de nos concitoyens qui paient cette redevance est d'avoir accès à une information de qualité et d'avoir un secteur public - qu'il s'agisse de la télévision ou de la radio - à la hauteur de leur attente et de leur effort financier. C'est cela que nous devons évidemment mettre en oeuvre et réussir.
S'agissant toujours des moyens, des critiques ont notamment été émises sur le projet de taxation des chaînes thématiques par la loi de finances rectificative de 1997.
Je sais que ces chaînes sont en développement, d'où le projet d'instaurer une taxe allégée. Mais il en faut une dès maintenant car, vous le savez, pour être efficace, une taxe doit être créée suffisamment tôt. En effet, il faut un certain délai entre sa création et le moment où l'on commence à en récolter le fruit.
J'ai également veillé à ce que les productions réalisées pour ces chaînes reçoivent des subventions majorées pour aider à leur décollage. Cette nouvelle que j'ai annoncée récemment a été fort bien perçue et comprise par les professionnels qui se lancent dans ce secteur.
C'est parce que nous souhaitons que ces chaînes présentent et produisent des programmes de qualité que nous avons élaboré une réforme du mode de taxation.
L'assujettissement à la taxe est aussi la condition à l'accès au compte de soutien, accès que les chaînes thématiques n'ont pas aujourd'hui. Nous avons souhaité remédier à cette situation et, en même temps, anticiper en adaptant les modalités de taxation à la situation particulière de ces chaînes thématiques.
Parallèlement, le compte de soutien sera aménagé pour que les productions lancées sur l'initiative des chaînes thématiques bénéficient d'un soutien majoré.
Voilà qui devrait améliorer la situation et permettre aux chaînes thématiques de se développer et de se lancer rapidement dans la réalisation de programmes.
J'en viens à la télévision numérique terrestre. Je suis d'accord avec vous, cette nouvelle technique ne peut être ignorée. Je voudrais simplement indiquer que la France est actuellement le pays en Europe où les nouvelles chaînes se développent le plus vite grâce au succès des deux bouquets numériques : Télévision par Satellite, TPS, et Canal Satellite. C'est une particularité française. Plus de 500 000 foyers se sont équipés au cours des six derniers mois. Ce succès est envié à l'étranger, c'est du moins ce qui ressort des réflexions que j'ai entendues.
On ne peut pas donc dire que l'audiovisuel numérique est à la traîne. Il a mis peut-être un peu plus de temps à démarrer, mais il se développe aujourd'hui très vite. Nous pouvons, et nous devons poursuivre.
En fait, dans les années quatre-vingt, parallèlement au lancement du câble puisque la question s'était posée, on a créé Canal Plus, la Cinq, M 6...
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Bien sûr !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Les décisions prises alors visaient à développer rapidement la diffusion hertzienne, mais l'effort n'a pas pu être poursuivi jusqu'au bout.
Vous avez évoqué la nécessité qu'il y a de raccorder tous les logements là où le câble existe. Je vous rappelle que j'ai été la première élue locale de France à prendre une telle décision, dans la ville dont j'étais le maire, notamment avec l'idée que les logements sociaux devaient bénéficier des mêmes services et des mêmes développements que les autres, et dans la perspective d'une communication interactive afin de pouvoir disposer de fibre optique qui rendrait cette communication possible.
Nous sommes aujourd'hui également parmi les premiers à disposer d'un accès à Internet par le câble et à tous les développements possibles, notamment dans le cadre du plan multimédia du Gouvernement, qui permettra d'inciter les établissements de formation à s'équiper.
Si je vois bien quel est l'avantage du câble, je sais aussi qu'il serait extrêmement difficile aujourd'hui de relancer dans notre pays un plan câble aussi lourd que celui qui avait été lancé à l'époque.
Il nous faut analyser, en particulier dans le cadre de la loi, les différentes formes complémentaires de diffusion liées à l'évolution et au développement des supports.
Il a été dit que la redevance devenait une vieille dame et qu'elle n'était donc plus adaptée à un audiovisuel caractérisé par la convergence des technologies.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis clairement, je suis opposée à la suppression de la redevance. Nous devons donc ensemble réfléchir à son adaptation afin de pouvoir l'étendre aux différents supports qui transmettent des images et des services et qui représentent les services audiovisuels classiques et transformés dont nous disposons aujourd'hui et que nous aurons encore demain sur des écrans de télévision.
Même si la redevance est une source de recettes significatives, il importe de réfléchir à son évolution, à la modification de son assiette, à son adaptation aux nouvelles technologies, comme nos prédécesseurs l'avaient fait en 1949 en prenant acte du développement de la télévision.
En quelque sorte, nous sommes confrontés exactement aux mêmes questions et aux mêmes défis. Je souhaite simplement que nous mettions en oeuvre cette même capacité à anticiper sur l'avenir de l'ensemble de ce secteur.
M. Diligent a beaucoup insisté sur le comité consultatif des programmes. Je vous rappelle que deux organismes semblables ont existé, le Haut conseil de l'audiovisuel, qui a été remplacé en 1982 par le Conseil national de la communication audiovisuelle, créé en même temps que la Haute Autorité. Il était également composé de forces vives et comprenait sept collèges de sept personnes. Il a été supprimé par la loi sur l'audiovisuel de 1986.
Faut-il réintroduire le CNCA ? Pour ma part, je suis ouverte à toutes les propositions. Cela étant, la qualité des programmes nécessite un effort d'expression, des exigences qu'il appartient à l'Etat de déterminer dans le cahier des charges, sans oublier la possibilité de consulter les téléspectateurs. Ils peuvent en effet faire part de reproches ou de remarques sur des problèmes de déontologie, qui ont été récemment évoqués à l'occasion d'un colloque consacré à l'autodiscipline organisé par Reporters sans frontières.
Monsieur le sénateur, je n'ai jamais cherché à imposer une charte ou un code de déontologie aux professionnels. Les questions déontologiques appartiennent à la profession, aux personnes qui exercent le métier de l'information. Je l'ai dit très clairement dès le début, l'Etat n'a pas à se substituer ou à imposer un code. C'est normal, sinon ce serait aller à l'encontre du sens de la responsabilité que les professionnels de l'information exercent et en même temps de la reconnaissance de cette responsabilité.
Toutefois, je dois faire un constat : aujourd'hui, avec le recours accru aux pigistes et à des personnes sans formation adéquate - ce sont les journalistes eux-mêmes qui me l'ont dit - il serait sans doute utile que nous aidions au développement de formations qui relèvent alors, comme pour d'autres métiers, de la responsabilité commune des pouvoirs publics, des entreprises de presse et des professionnels. C'est en ce sens que je travaille puisque je vais très prochainement créer une table ronde sur la formation.
J'ai demandé que les entreprises publiques créent une fonction de médiateur dans leur média. C'est nécessaire si l'on veut connaître l'avis des téléspectateurs et prendre en compte les conflits et les désaccords qui peuvent exister. On constate que là où interviennent des médiateurs, il y a un véritable profit à tirer de leur présence.
Tout à l'heure, j'entendais dire que le Gouvernement ferait preuve d'immobilisme. Je le répète, il faut mesurer l'urgence, mais il ne faut pas agir dans la précipitation. Nous devons proposer une loi susceptible de rassembler - j'insiste vraiment sur ce point - le Gouvernement et le Parlement, pour établir des bases juridiques nouvelles permettant d'adapter le secteur de l'audiovisuel dans son entier aux défis qui lui sont lancés.
C'est la raison pour laquelle je ne veux pas avancer sur ce point sans prendre le temps nécessaire à l'élaboration, à l'examen et à l'expertise. Je m'en tiens, cependant, aux délais qui ont été fixés par le Premier ministre, puisque je serai en mesure, le 7 janvier 1998, de faire une première communication au Gouvernement sur les grandes lignes du texte qui sera déposé à la fin du mois de mars pour examen en conseil des ministres, et donc dans la foulée, au Parlement.
Je respecte donc les délais qui sont d'autant plus raisonnables que je ne pouvais pas reprendre la loi qui était en discussion lorsque j'ai pris mes fonctions. En effet, elle ne répondait pas aux règles que vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, vous venez de rappeler : la concurrence, la nouvelle régulation économique, la transparence, le pluralisme, l'indépendance à l'égard du pouvoir économique, l'organisation du secteur public. Tous ces sujets n'étaient pas complètement traités dans le projet de loi. Il m'a semblé nécessaire de répondre à cette attente dans l'intérêt de l'ensemble du secteur, dans un but de clarification des responsabilités publiques, en particulier vis-à-vis de l'audiovisuel du secteur public.
Telle est l'orientation que je me suis fixée : pouvoir répondre à ces défis.
Bien évidemment, je me livrerai à la concertation nécessaire, notamment avec les parlementaires qui sont très compétents en la matière. Leur avis me sera utile.
J'évoquerai un dernier point : la SFP.
Je remercie M. Renar d'en avoir parlé, car j'aurais déploré qu'il ne soit rien dit sur ce que je considère comme l'un des problèmes les plus brûlants et les plus difficiles parmi ceux auxquels je suis confrontée. Ce n'est pas récent, c'est une vieille histoire. En fait, l'exemple à ne pas suivre, c'est de prendre des demi-mesures qui ne permettent pas de trancher tout en garantissant la pérennité du secteur public.
La question à laquelle j'ai été confrontée est bien celle-ci : privatiser ou assumer les responsabilités de l'Etat ? J'ai estimé, pour ma part, que les responsabilités de l'Etat ont été assumées cahin-caha pendant quinze ans. Il fallait bien que l'Etat continue à les assumer, mais cette fois correctement en stoppant le processus de privatisation et en remettant à niveau la capacité de production de la SFP avec son chiffre d'affaires, ce qui est la condition de sa pérennité.
Ce sont des décisions difficiles à prendre, mesdames, messieurs les sénateurs, car il faut pouvoir les faire comprendre aux personnels.
C'est aussi de ma responsabilité que de pouvoir engager une action avec une entreprise qui reste le témoin d'une performance, d'un savoir-faire et d'une culture dans des métiers qui ont été exercés avec excellence, mais qui ne disposaient plus d'un marché suffisant.
Il en est découlé une sorte de dépression. Cette société a été embarquée, malgré les efforts des présidents successifs et en dépit des abondements financiers. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un choix difficile à opérer. J'ai défendu ma position à Bruxelles. Je continuerai à la défendre parce que je crois qu'il y a une place, dans un marché ouvert à la concurrence, pour une entreprise qui continue à appartenir au secteur public.
La culture de service public est un atout. Certains pays commencent à entendre notre argumentation sur l'exception culturelle. Dans le cadre des négociations de l'AMI, le Gouvernement français a demandé une exception générale sur la culture et sur l'audiovisuel en spécifiant tous les secteurs concernés afin que l'on ne puisse pas contester sa demande sur la base de sa généralité.
Je constate qu'un nombre croissant de pays nous rejoignent. Je ne peux pas, comme je l'espérais, vous annoncer que le fonds de garantie est enfin accepté par le conseil des ministres de la culture, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la Suède s'y étant opposés. Je peux toutefois vous dire que nous continuerons d'essayer de convaincre. Il n'y a aucune arrogance dans le plaidoyer de la France sur l'exception culturelle, mais nous savons qu'il ne peut pas y avoir de monde solidaire sans un humanisme compris, ce qui suppose que l'on respecte l'identité culturelle de tous les habitants d'un pays.
Si l'audiovisuel, si l'information sont confrontés au développement de proximité, c'est que l'on passe de chez soi au monde, et nous devons réussir leur adaptation.
La télévision est devenue un espace public, qui peut être un formidable forum de démocratie, mais qui peut aussi, en même temps, être un puits vide de sens dans lequel on pourrait se perdre.
Nous avons les uns et les autres, pouvoirs publics, Parlement, à savoir garder ce cap, car nos concitoyens attendent de nous que nous prenions les plus sages décisions.
J'ai la faiblesse de penser que ce budget pouvait constituer une première pierre, je le considère en tout cas comme tel ; je vous indique en conclusion que je suis prête à poursuivre les efforts en ce sens. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons maintenant examiner les lignes 46 et 47 de l'état E annexé à l'article 44, puis l'article 48.

Ligne 46 de l'état E