M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'évolution de la délinquance juvénile ne cesse d'inquiéter nos concitoyens. Sa constante augmentation, ses manifestations toujours plus violentes, l'âge de plus en plus jeune des mineurs délinquants posent à notre société un véritable défi.
Quand une société se révèle incapable de transmettre ses valeurs et de faire respecter ses règles les plus élémentaires, c'est le signe d'un échec. Toute crise morale trouve souvent sa source dans une crise sociale.
C'est parce que la sûreté est, en général, plus menacée dans les quartiers les plus déshérités de nos villes et de nos banlieues que la délinquance juvénile est devenue une forme d'adaptation à l'exclusion.
Le comportement de ces adolescents rebelles est préoccupant et intolérable. Ils évoluent avec des règles et des codes différents, sans adulte en référence, face à des parents qui, en proie à leur propre souffrance, se sentent souvent impuissants à faire preuve d'autorité, au point de s'en remettre à la société.
Le Gouvernement a placé la sécurité au deuxième rang des priorités gouvernementales, parce qu'elle conditionne tout le reste.
Avec l'implication des grands ministères, notamment sociaux, dans la lutte contre les inégalités, la prévention de la violence à l'école, les incitations citoyennes, l'enseignement de la morale civique, une police de proximité, l'amélioration de l'insertion pour faciliter l'intégration...
Plusieurs sénateurs du groupe RPR. La question !
M. Guy Allouche. ... tous ces actes s'avéreront positifs à terme !
M. Charles de Cuttoli. Ah !
M. Guy Allouche. La primauté de l'éducatif demeure, sans pour autant exclure une plus grande fermeté lorsque cela est nécessaire : les événements de cette dernière quinzaine nous incitent à le penser fortement.
Bien que vous ne soyez pas le seul ministre concerné, je m'adresse à vous, monsieur le ministre de l'intérieur. Récemment, vous avez déclaré ceci, et vous avez eu raison de le faire : la République est un régime de liberté ; ce n'est en aucun cas un régime de faiblesse.
M. Dominique Braye. Il fallait s'en apercevoir avant !
Un sénateur socialiste. Cela vous va bien !
M. Guy Allouche. Eclairez-nous, monsieur le ministre, sur l'action engagée par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison : la République implique des règles en tous domaines. En effet, si elle est un régime de liberté, elle n'est pas un régime de faiblesse, encore moins d'anarchie. Il faut donc définir des règles.
M. Jean Chérioux. Et les appliquer !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Par exemple, qu'est-ce qui est régulier et qu'est-ce qui ne l'est pas ? S'agissant des violences urbaines que nous voyons se développer, malheureusement... depuis des années et des années...
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... il convient de s'interroger sur le fait de savoir si ces règles ont été rappelées quand il en était temps.
Je vous préciserai simplement une chose : c'est moi-même qui ai dû, en 1986, réintroduire l'éducation civique à l'école, d'où elle avait été chassée des programmes depuis 1968. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Les résultats ne sont pas bons !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Ce n'est pas ma faute si M. Bayrou a réduit les horaires de moitié ! Ce n'est pas ma faute non plus s'il a dissous cette discipline dans une espèce de « petit catéchisme ».
L'éducation civique n'est pas véritablement la morale civique dont a parlé M. le ministre de l'éducation nationale.
Hier, Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire, a, dans une communication au conseil des ministres, annoncé les mesures cohérentes qui allaient être prises pour rétablir l'éducation et la morale civiques dans les écoles et les lycées, ainsi que dans le cursus de formation des maîtres, ce qui est nouveau.
Cela ne suffit pas. Se posent aussi les problèmes de l'autorité parentale, de l'action des collectivités locales et des associations et, naturellement, d'une police qui doit être orientée vers des tâches de proximité.
Telle est la mission que je me suis assignée et tel est le sens de l'effort qui est entrepris, notamment dans votre département, monsieur Allouche, qui sera prioritaire. Au total, 26 départements parmi les plus urbanisés accueilleront 80 % des adjoints de sécurité. Dans le même temps, des postes d'agents locaux de médiation seront créés dans le cadre du plan emploi-jeunes initié par Mme Aubry.
Naturellement, se pose aussi le problème du traitement de la délinquance des mineurs qui connaît actuellement une explosion. J'estime que nous ne pouvons pas nous borner à des formules éducatives ou à l'incarcération des jeunes délinquants qui sont souvent d'ailleurs des multirécidivistes ; il doit y avoir des formules intermédiaires.
A cet égard, une mission parlementaire, dont font partie Mme Lazerges et M. Balduyck, a été désignée. Les conclusions de cette mission doivent nous être remises d'ici à deux mois et demi. C'est sur celles-ci que le Gouvernement, soyez-en sûrs, s'appuiera pour prendre les mesures adéquates.
Nous nous sommes déjà dotés, à l'échelon national, d'un conseil de sécurité intérieure qui réunit tous les ministres concernés et je ne saurais trop vous encourager, mesdames, messieurs les sénateurs, à mettre en place, à l'échelon local, des contrats locaux de sécurité qui s'appuieront sur des diagnostics sûrs et des propositions vérifiées ; bien évidemment, nous vous y aiderons. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean Chérioux. Vous rejetez l'héritage sur certains.

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