M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'inscription à l'ordre du jour du conseil des ministres du projet de loi sur les trente-cinq heures souligne la volonté du Gouvernement de relever le défi de l'emploi, ce dont nous nous félicitons. Nous appelons de nos voeux un projet ambitieux, tant dans ses objectifs que dans son champ d'application et je voudrais d'ores et déjà attirer votre attention sur les conditions dans lesquelles les négociations vont s'engager dans les entreprises.
Ces négociations risquent, en effet, d'être affectées par la loi du 12 novembre 1996, qui autorise la signature d'accords collectifs dans les nombreuses sociétés encore dépourvues de délégué syndical. Ici même, des sénateurs communistes et socialistes s'étaient élevés alors contre un texte qui institue un mode de négociation favorable aux seuls chefs d'entreprise.
Or, pour que ces accords améliorent l'organisation et les conditions de travail, il est nécessaire que les salariés soient associés à leur élaboration et à leur ratification. Les organisations syndicales devraient donc pouvoir participer à des réunions d'information même là où elles ne sont pas réprésentées. Dans l'état actuel de la législation, il n'existe aucune garantie que les accords signés le soient sur une base démocratique qui réponde aux attentes des salariés.
Pourtant, leur contenu est important, puisque des employeurs entendent s'y référer pour influer sur les dispositions de la loi qui sera adoptée en l'an 2000. Il est donc nécessaire que la première loi prévoit des garanties pour encadrer les négociations dans chaque entreprise et fixe des objectifs par branche.
C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir m'indiquer les dispositions que vous comptez prendre pour garantir le succès des négociations sur le passage aux trente-cinq heures, lesquelles débuteront en 1998 dans les entreprises où il n'y a pas de délégué syndical et si, plus généralement, vous entendez réformer la loi de 1996 sur les négociations collectives, qui arrive à échéance en 1998. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que avec ce projet de loi sur les trente-cinq heures, qui sera examiné en conseil des ministres le 10 décembre prochain, le Gouvernement souhaite montrer sa détermination de faire de l'emploi sa priorité numéro un.
Toutefois, nous savons aussi que la réduction de la durée du travail ne sera favorable à l'emploi que si, par la négociation au sein de chaque entreprise, et parfois dans la branche, nous trouvons, avec les chefs d'entreprise et les organisations syndicales, les meilleurs moyens de relancer la compétitivité de l'entreprise, en modifiant l'organisation du travail, de créer des emplois et d'améliorer les conditions de vie des salariés.
C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place un dispositif qui laisse toute sa place à la négociation. Plus de deux ans sont prévus pour celle-ci. Ce système sera souple, puisque la première loi ne s'appliquera qu'aux entreprises de plus de vingt salariés et il aura un caractère incitatif, puisqu'il ne jouera que lorsqu'une négociation sera conclue avec les entreprises.
Enfin, avant l'entrée en vigueur de la loi du 1er janvier 2000, c'est-à-dire à la fin de l'année 1999, sera dressé un bilan de l'ensemble des négociations qui auront eu lieu. L'application de la loi se fera en fonction, notamment, de ces résultats et de la situation économique.
Par conséquent, nous nous donnons toutes les chances pour que cette négociation ait lieu.
Toutefois, il est vrai - vous avez raison d'insister sur ce point, monsieur le sénateur - que seulement que 8 % des entreprises de plus de vingt salariés ont un délégué syndical. Aussi proposons-nous dans le projet de loi, comme cela était prévu dans un accord de 1995, repris dans la loi de 1996, qu'un représentant du personnel ou qu'un salarié soit mandaté par une organisation syndicale représentative à l'échelon national.
Nous avons souhaité, comme vous le préconisez, garantir la qualité de l'accord signé. Nous prévoyons donc également - cette mesure ne figurait pas dans la loi de 1996 - la façon dont l'organisation syndicale pourra appréhender l'accord, le suivre et l'évaluer au fil du temps.
Un autre changement intervient par rapport à la loi de Robien : si des créations d'emplois étaient enregistrées mais ne perduraient pas au-delà de la période de deux ans pendant laquelle est prévu un engagement, l'aide de l'Etat ne serait pas poursuivie comme cela était le cas précédemment.
En outre, cette réduction du temps de travail fera l'objet d'une évaluation permanente, avec les représentants du personnel, quant à ses conséquences en matière d'emploi.
Le projet de loi répond donc au souci des chefs d'entreprise de pouvoir, par la négociation, discuter librement discuter des modalités propres à chaque société. Il donne également des garanties pour que les salariés puissent trouver leur compte dans cette négociation. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
(M. Jean Delaneau remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

RÉGULARISATION DES SANS-PAPIERS