M. le président. « Art. 20. - I. - L'article L. 842-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« l° Le I est ainsi rédigé :
« I. - Le montant de l'allocation est égal à une fraction, fixée par décret, du montant des cotisations patronales et salariales d'origine légale ou conventionnelle imposées par la loi et de la participation au développement de la formation professionnelle continue, dues pour l'emploi mentionné au premier alinéa de l'article L. 842-1, dans la limite d'un plafond fixé par décret. » ;
« 2° a) Il est inséré un II ainsi rédigé :
« II. - Le montant de la fraction et du plafond visés au I sont majorés, dans des conditions fixées par décret, pour le ménage ou la personne dont les ressources sont inférieures à un plafond fixé par décret, lorsque l'allocation de garde d'enfant à domicile est due au titre d'un enfant dont l'âge est inférieur à un âge déterminé. » ;
« b) Le II devient le III ;
« 3° Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. - Les plafonds mentionnés aux I, II et III sont revalorisés conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac, dans des conditions prévues par décret. »
« II. - Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier 1998, pour les périodes d'emploi postérieures à cette date. »
Sur l'article, la parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous abordons maintenant l'article 20 relatif à l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile.
Pour que le débat soit clair, il faut rappeler quelques chiffres.
La France compte 4,4 millions d'enfants de moins de six ans dont 2,2 millions de moins de trois ans.
La moitié sont gardés à la maison par l'un des deux parents, 480 000 fréquentent les équipements d'accueil collectifs, 400 000 sont gardés par une assistante maternelle, 250 000 âgés de deux à trois ans sont à l'école maternelle et 90 000 sont gardés à domicile grâce à l'AGED.
Cette diversité du mode de garde, qui est tout à fait exceptionnelle, mérite d'être encouragée et développée.
Cependant, il faut tout de même constater que l'AGED profite à 66 000 familles et que ce mode de garde est le plus lourd financièrement pour la collectivité, le plus aidé, alors qu'il n'est accessible qu'à un petit nombre de familles.
La Cour des comptes vient de le montrer du doigt dans son rapport. C'est un avantage considéré comme trop coûteux et réservé à certaines familles. L'aide apportée s'élève, pour un temps plein d'emploi à domicile, à 80 00 francs par an.
Si la diversité du mode de garde, je le répète, doit être confortée, ce type de garde que concerne l'AGED n'est certainement pas à supprimer, car il répond à un besoin d'une certaine couche de population. La proposition qui nous est faite consiste simplement à le ramener à une plus juste proportion du taux dans la prise en charge et à se rapprocher du niveau des aides apportées pour les autres dispositifs existants.
Il faut rappeler que le coût pour la collectivité, aujourd'hui, d'une garde à domicile est de 80 000 francs par an - j'y insiste - alors qu'il est de 54 000 francs au maximum pour une place en crèche collective, de 41 500 francs pour les crèches familiales et de 31 000 francs pour une assistante maternelle agréée.
La proposition du Gouvernement de réduire l'aide à un taux compris entre 40 % à 60 % au lieu de 100 % pour la garde à domicile ramènerait le coût à un peu moins de 50 000 francs. Voilà qui est un juste milieu par rapport aux autres prestations offertes pour la garde des enfants. Et même après cette réforme, le taux d'aide reste sans équivalent dans aucun autre pays dans le monde.
L'AGED a pour vocation essentielle de concilier la vie professionnelle et la vie familiale des femmes - il ne faudrait d'ailleurs pas oublier les hommes ! - ce qui semble vrai pour un certain nombre de femmes, c'est évident. Mais qu'en est-il pour l'employée de maison ? Comment font toutes ces femmes qui ne gagnent que le SMIC, comment font la majorité de ces mères de famille qui perçoivent un salaire modeste et dont nombre d'entre elles sont contraintes à des horaires discontinus ?
Avoir un employé à domicile est un choix individuel et rien ne justifie que notre collectivité fasse davantage pour ce type de garde par rapport à d'autres, collectifs.
Il y a peu de lien entre l'aide apportée à la famille et la décision d'avoir un enfant. Pour que les familles puissent avoir des enfants, il n'y a pas mieux que la lutte contre le chômage et pour l'emploi des jeunes.
Quand on parle de classe moyenne, comme cela a été fait encore ce soir, on ne vise pas un couple dont les deux membres perçoivent un salaire de 12 000 francs chacun ; il faut savoir à quoi cela se rapporte : le revenu moyen d'une famille en France est de 13 700 francs par mois. Le salaire moyen est de 11 000 francs.
Les familles sont aujourd'hui fragilisées par la crise économique et sociale. Elles craignent l'échec scolaire, le chômage, la pauvreté. Il faut leur offrir davantage de sécurité pour qu'elles retrouvent leur capacité à exercer leurs responsabilités dans l'éducation des adultes de demain.
Comme le disait le Premier ministre, M. Lionel Jospin, faire attention aux familles, c'est faire attention à toutes les familles et non pas seulement aux plus privilégiées. Le souhait primordial des familles dans leur ensemble, c'est de disposer de plus de pouvoir d'achat, de meilleures conditions de logement et d'assurer d'abord l'avenir de leurs enfants.
Certains, ici ou là, ont dit, ou vont dire, que les mesures liées à l'AGED ou aux allocations familiales rompent l'égalité entre enfants. L'inégalité n'est-elle pas d'abord entre les foyers riches et les foyers pauvres ?
Il faut le constater sans esprit de polémique, certains défenseurs de la famille qui se sont exprimés sur les bancs de la droite lors du débat qui a eu lieu il y a quelques jours, dans cette enceinte, se sont particulièrement préoccupés des familles appartenant à la catégorie des plus aisées, celles dont le revenu est supérieur à 300 000 francs, alors qu'ils s'étaient peu préoccupés, ces dernières années, du sort de celles qui ont un revenu deux ou trois fois plus faible.
La diminution de l'allocation de garde d'enfant à domicile est-elle une atteinte insoutenable au droit des familles ? Est-il normal que les personnes qui ont les ressources les plus élevées soient les plus aidées ? Est-il normal que les personnes qui ont les ressources les plus faibles bénéficient d'une aide publique inférieure et soient contraintes de payer un prix élevé pour la garde de leurs enfants ?
Il faut aller vers plus d'équité ; il ne faut pas avoir peur de ce mot. La proposition du Gouvernement relative à l'AGED va dans ce sens. Là encore, le groupe socialiste apprécie le courage dont fait preuve le gouvernement qu'il soutient. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Sur l'article 20, je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 43 est déposé par M. Oudin, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 56 est présenté par M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 67 est déposé par MM. Braye, Gournac, Gérard Larcher, Eckenspieller, Jourdain et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
Tous quatre tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 80, M. Fisher, Mme Borvo et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit l'article 20 :
« L'article L. 842-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 842-2. - I. - Le montant de l'allocation est égal à une fraction dégressive des cotisations patronales et salariales d'origine légale ou conventionnelle imposée par la loi, dues pour l'emploi mentionné au premier alinéa de l'article L. 842-1 et calculées sur le salaire dans la limite d'un montant maximal fixé par décret.
« II. - Le montant de l'allocation est réduit dans les conditions fixées par décret, lorsque :
« 1° L'allocation de garde d'enfant à domicile est cumulée avec l'allocation parentale d'éducation à taux partiel ;
« 2° L'allocation de garde d'enfant à domicile est due au titre d'un enfant dont l'âge est supérieur à celui qui est fixé en application du premier alinéa de l'article L. 842-1 mais inférieur à un âge déterminé. »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 18.
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Monsieur le président, comme tout à l'heure à l'article 19, compte tenu des débats qui ont eu lieu, la semaine dernière et hier, sur la politique que, dans notre très grande majorité, nous voulons pour la famille, je serai très bref, ce qui n'enlèvera rien à ma force de conviction.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de supprimer l'article 20, qui tend à réduire le taux de prise en charge des cotisations sociales par l'allocation de garde d'enfant à domicile.
L'AGED ouvre droit, dans la limite d'un montant maximal, à la prise en charge des cotisations patronales et salariales dues pour l'emploi d'une personne assurant la garde d'au moins un enfant au domicile de ses parents lorsque ceux-ci travaillent.
Cette allocation est particulièrement utile pour de nombreuses femmes qui travaillent, notamment pour les cadres, à qui elle permet de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.
Par ailleurs, cette allocation supplée au manque de places en crèches, qui est particulièrement flagrant dans certaines agglomérations.
Elle offre également une alternative appréciable aux femmes pour qui les horaires des crèches sont inadaptés, ces dernières fermant trop tôt.
En diminuant de moitié le taux de la prise en charge par l'AGED, le Gouvernement va détruire une partie des emplois créés et favoriser le développement du travail au noir. La diminution de l'AGED se traduira in fine par une baisse des rentrées des cotisations sociales, ce qui ira contre le but que le Gouvernement cherche à atteindre.
En outre, il paraît inopportun de procéder de manière si précipitée, sans aucune concertation, à une révision de ce dispositif, alors que le Gouvernement annone parallèlement un réexamen d'ensemble de la politique de la famille.
Le dispositif transitoire voté par l'Assemblée nationale et aménageant la réduction du taux introduit en outre une condition de ressources inacceptable.
Le Gouvernement dit : nous supprimons, et après nous discuterons. Nous, nous aurions aimé dire : nous discutons, et après nous verrons.
M. Jean Chérioux. C'est une prise d'otages !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 43.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Je serai très bref, car nous partageons les mêmes convictions et faisons la même analyse.
L'augmentation des dépenses liées à l'octroi de l'AGED montre que cette allocation répond à un besoin spécifique,...
M. Jean Chérioux. Exactement !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. ... et le pas en arrière que nous faisons avec cet article nuira à une catégorie de femmes, à ces femmes actives qui avaient particulièrement besoin de cette allocation.
C'est la raison pour laquelle nous soutenons totalement la démarche de la commission des affaires sociales.
M. le président. La parole est à M. Huriet, pour déffendre l'amendement n° 56.
M. Claude Huriet. Cet amendement est identique aux deux précédents. Je me bornerai donc à dire que je soutiens les arguments qui viennent d'être développés par les deux rapporteurs.
M. le président. La parole est à M. Braye, pour défendre l'amendement n° 67.
M. Dominique Braye. Cette diminution brutale de l'AGED, à laquelle va s'ajouter la réduction du crédit d'impôt pour ces emplois, aura des conséquences très négatives sur l'emploi et sur les conditions de vie des familles.
En effet, nous savons tous qu'avant l'instauration de ces deux mesures la plupart des jeunes ménages qui utilisent les services d'une garde d'enfant à domicile n'auraient jamais imaginé pouvoir un jour devenir des employeurs. C'est donc bien à la suppression de milliers d'emplois familiaux que nous allons assister, emplois qui concernent, dans l'immense majorité des cas, des jeunes femmes sans qualification et n'ayant jamais auparavant eu accès au marché du travail.
La garde d'enfant à domicile représente à mes yeux l'exemple type de l'emploi de proximité ayant une grande utilité sociale et constituant l'une des solutions d'avenir au problème du chômage des personnes non qualifiées.
Ces travailleurs, nous le savons bien, auront le choix, demain, entre chômage et travail au noir, comme viennent de le rappeler mes collègues. Cela signifie moins de recettes pour les caisses de sécurité sociale, ce qui, convenez-en, est un comble quand on sait que ce projet de loi a un objectif prétendument inverse.
Nous assisterons donc à une fragilisation des emplois que l'AGED et le crédit d'impôt avaient contribué à pérenniser, à stabiliser et, j'ose le dire, à moraliser.
Cette diminution de l'AGED est d'autant moins justifiable qu'elle ne s'accompagne d'aucune augmentation significative du nombre des places de crèche, pour laquelle l'AGED constituait une solution de rechange. Il n'existe aujourd'hui, je vous le rappelle, que 195 000 lits de crèche, alors que la CNAF estime qu'il en faudrait trois fois plus.
En rognant l'AGED et l'aide fiscale, c'est en fait aux familles et aux femmes qui travaillent que s'attaque le Gouvernement. En effet, comme l'ont rappelé tous mes collègues ici présents, ces aides sont le moyen, pour de nombreuses femmes, de concilier vie professionnelle et vie familiale sans que les enfants en pâtissent trop. Les supprimer, c'est obliger toutes les femmes, quel que soit leur niveau de qualification, soit à choisir entre travail et enfants, soit à travailler sans éduquer convenablement ceux-ci.
L'AGED est un bon système : il est bon pour les enfants, bon pour les parents et bon pour l'emploi. J'estime qu'il a fait toutes ses preuves en vue de faciliter la vie des enfants et des parents, tout en assainissant un gisement d'emplois prometteur. Il doit donc être sauvegardé et même amélioré.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de voter la suppression de l'article 20. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 80.
Mme Nicole Borvo. Bien évidemment, chaque famille ayant à charge un enfant qui n'est pas encore scolarisé doit pouvoir choisir le mode de garde qui lui convient. Il nous importe simplement de rétablir une certaine égalité entre les aides octroyées aux familles, et l'on peut dire que l'AGED est vraiment exorbitante.
Notre groupe est en même temps tout à fait conscient du fait que, pour les couples avec enfants vivant dans les grandes villes, les équipements collectifs de garde peuvent être insuffisants ou inadaptés aux besoins de chacun. Je note au passage que développer ces infrastructures permettrait de créer des emplois.
Pour palier la carence en infrastructures ou l'inadaptation des horaires des crèches aux contraintes de travail des parents, un certain nombre de familles optent pour la garde à domicile et bénéficient de l'AGED.
Réservée aux couples biactifs pour la garde de leurs enfants de moins de six ans, cette aide se traduit par la prise en charge totale par l'Etat des cotisations sociales dues par l'employeur. En outre, le ménage bénéficie d'une réduction fiscale.
Le coût de ce mode de garde est, de fait, très élevé pour la collectivité, la caisse d'allocations familiales payant, par trimestre, jusqu'à 12 836 francs pour un enfant de moins de trois ans et 6 418 francs pour un enfant de trois à six ans.
En France, le système d'aide aux familles se révèle ainsi plus favorable pour les personnes bénéficiant de revenus très élevés.
A l'instar de la Cour des comptes qui, dans son rapport, pointe du doigt l'AGED qui est qualifiée d'avantage trop coûteux et réservé à certains, en l'occurrence les ménages aisés,...
M. Jean Chérioux. Elle sort de son rôle !
Mme Nicole Borvo. ... nous pensons qu'il importe de mettre fin au paradoxe actuel.
Notre amendement prend en compte la réalité - des familles sont effectivement obligées de recourir à la garde à domicile - mais il tend à réduire les avantages disproportionnés qu'elle procure.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 80 ?
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 18, 43, 56, 67 et 80 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 18, 43, 56 et 67, repoussés par le Gouvernement.

(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 20 est supprimé, et l'amendement n° 80 n'a plus d'objet.
Nous en revenons à l'examen de l'amendement n° 15, tendant à insérer un article additionnel après l'article 14, et de l'article 15, qui ont été précédemment réservés.

Article additionnel après l'article 14
(précédemment réservé)