M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Ma question s'adresse à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame le ministre, cette question est d'actualité dans la mesure où chacun se rend bien compte, à travers l'examen des différents textes, que les besoins dans le domaine social sont considérables et que les crédits sont difficiles à mobiliser. Il est donc particulièrement important que chacun des acteurs veille à ce que ces crédits soient parfaitement utilisés.
J'attire donc votre attention, madame le ministre, sur les difficultés d'interprétation des textes relatifs au versement de l'allocation de rentrée scolaire et de l'aide à la scolarité.
Ces difficultés d'interprétation conduisent à ce que, en l'état actuel, les parents dont l'enfant est confié à l'aide sociale à l'enfance perçoivent l'allocation de rentrée scolaire et l'aide à la scolarité alors qu'ils ne participent à aucun frais de ce type, dans la mesure où ces derniers sont pris en charge par le service départemental d'aide à l'enfance.
En effet, les textes qui régissent les conditions dans lesquelles sont transférées au service de l'aide sociale à l'enfance les différentes allocations - décret de 1986 et circulaire de 1978 - sont antérieurs aux dispositions de la loi du 6 juillet 1990 qui a instauré l'allocation de rentrée scolaire et de la loi du 25 juillet 1994 instituant l'aide à la scolarité.
Je rappelle que cette aide, mise en place depuis la rentrée scolaire 1994-1995, s'est substituée, à compter de cette période, aux bourses nationales versées par l'éducation nationale pour les enfants qui fréquentent un collège.
Or, s'il est parfaitement normal que la famille d'un enfant confié à l'aide sociale à l'enfance mais qui conserve avec lui des liens affectifs puisse conserver des droits aux prestations familiales, par exemple à l'allocation logement, en vue de faciliter son retour au foyer, il est en revanche difficilement compréhensible que les parents perçoivent l'allocation de rentrée scolaire et l'aide à la scolarité dans la mesure où ils ne participent ni aux frais de rentrée scolaire ni aux frais de cantine.
Je souligne, en outre, que le placement de l'enfant n'est pas toujours déterminé par des difficultés financières et qu'il est, hélas ! trop souvent motivé par des raisons relevant de maltraitance ou de sévices.
L'acuité des problèmes sociaux justifie que les crédits qui leur sont consacrés servent effectivement à la couverture de besoins réels.
Je vous demande donc, madame le ministre, quelles mesures vous entendez mettre en oeuvre pour remédier à cette situation, qui me paraît anormale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous posez là une vraie question : les dépenses en matière d'aide sociale sont en effet suffisamment importantes dans notre pays pour que les crédits qui y sont affectés par l'Etat ou par les conseils généraux soient utilisés avec parcimonie, et en tout cas à bon escient.
Comme vous l'avez rappelé, la règle est que, lorsque l'enfant est placé, les allocations familiales sont versées à l'organisme auprès duquel il est placé. Seule une demande du président du conseil général ou de la juridiction peut permettre de verser ces allocations aux familles, lorsqu'il s'agit, par exemple, de préserver un lien moral, de permettre à la famille d'apporter une aide à l'enfant ou encore de prévoir le retour effectif de l'enfant au foyer.
S'agissant de l'allocation de rentrée scolaire, créée en 1990, ou de l'aide à la scolarité, créée en 1994, ces règles n'ont pas été étendues.
Je considère comme vous qu'il n'est pas toujours justifié que deux règles différentes s'appliquent, l'une pour les allocations familiales, l'autre pour les autres prestations. Nous devrons étudier ce sujet à l'occasion de la refonte de la politique familiale à laquelle le Gouvernement s'est engagé et que nous allons initier dans quelques jours.
Cette refonte dépassera largement les seules allocations familiales et concernera l'ensemble des problèmes de la famille. En effet, nous en avons parlé plusieurs fois devant le Sénat, il existe des familles de toutes natures : certaines sont recomposées, d'autres ont laissé se distendre les liens avec leurs enfants.
Il s'agit donc effectivement de l'un des problèmes que nous devrons examiner, ainsi que vous l'avez souligné. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Jean Faure.)