M. le président. « Art. 5 A. - Il est inséré, dans le code de procédure pénale, un article 78-6 ainsi rédigé :
« Art. 78-6. - Il est créé un fichier national destiné à centraliser les prélèvements de traces génétiques ainsi que les traces et empreintes génétiques des personnes condamnées pour crime ou délit sexuel, en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs d'infractions sexuelles.
« Les conditions d'application de cet article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
Par amendement n° 11, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit le texte présenté par cet article pour l'article 78-6 du code de procédure pénale :
« Art. 78-6. - Il est créé un fichier national automatisé destiné à centraliser les traces génétiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes condamnées pour une infraction susceptible de donner lieu à un suivi socio-judiciaire, en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs d'infractions sexuelles.
« Ce fichier est placé sous le contrôle d'un magistrat.
« Sans préjudice du droit d'accès prévu par l'article 34 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, seules des personnes dûment habilitées peuvent accéder aux informations contenues dans ce fichier et procéder aux opérations d'identification.
« Les modalités d'application du présent article, y compris la durée de la conservation des informations enregistrées, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 90 est présenté par Mme Dusseau.
Il vise, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article 78-6 du code de procédure pénale, à remplacer les mots : « pour une infraction susceptible de donner lieu à un suivi socio-judiciaire » par les mots : « pour crime ou délit sexuel ».
Le sous-amendement n° 76 est présenté par le Gouvernement.
Il tend à compléter le texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article 78-6 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Les empreintes génétiques des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves et concordants de nature à motiver leur mise en examen pour une infraction susceptible de donner lieu à un suivi socio-judiciaire peuvent faire l'objet, à la demande de l'autorité judiciaire, d'un rapprochement avec les données incluses au fichier. Elles ne peuvent toutefois y être conservées. »
La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 11.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'une innovation très intéressante, insérée dans le code de procédure pénale par l'Assemblée nationale, qui a souhaité que soit créé un fichier national destiné à centraliser les prélèvements de traces génétiques ainsi que les traces et empreintes génétiques des personnes condamnées pour crime ou délit sexuel, en vue de faciliter l'identification et la recherche.
L'Assemblée nationale a prévu que les conditions d'application de cet article seraient déterminées par décret en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
La commission, d'accord sur le principe, considérant que l'innovation est heureuse, a toutefois essayé de rédiger un texte qui donne un peu plus de garanties. En effet, dès qu'il est question de fichiers, nous devons être particulièrement vigilants, de façon que leurs bienfaits ne nous fassent pas oublier les dangers qu'ils peuvent représenter pour les libertés.
Ainsi, après avoir complété le premier paragraphe, nous prévoyons que le fichier est placé sous le contrôle d'un magistrat. Le fichier des peines est également sous le contrôle d'un magistrat.
Dans l'amendement proposé par la commission, nous couvrons l'ensemble de nos préoccupations : le contrôle par un magistrat ; la limitation des personnes pouvant avoir accès au fichier ; enfin, le principe d'une durée limitée de conservation des informations enregistrées.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour défendre le sous-amendement n° 90.
Mme Joëlle Dusseau. Je rectifie ce sous-amendement en remplaçant les mots : « pour une infraction susceptible de donner lieu à un suivi socio-judiciaire » par les mots : « pour infraction sexuelle ».
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 90 rectifié, présenté par Mme Dusseau, et tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 11 pour l'article 78-6 du code de procédure pénale, à remplacer les mots : « pour une infraction susceptible de donner lieu à un suivi socio-judiciaire » par les mots : « pour infraction sexuelle ».
La parole est à Mme le garde des sceaux pour défendre le sous-amendement n° 76 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 11 et sur le sous-amendement n° 90 rectifié.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Avec votre permission, monsieur le président, j'adopterai un ordre inverse.
L'amendement n° 11 tend à rédiger de façon plus complète l'article 78-6 du code de procédure pénale consacré au fichier des empreintes génétiques. Avant toute chose, je veux donc remercier la commission de cet apport.
J'approuve pleinement la rédaction du premier alinéa, qui définit de façon plus rigoureuse que ne l'a fait l'Assemblée nationale l'objet du fichier.
En revanche, je suis plus réservée sur les trois alinéas suivants, car il me paraissent relever du décret plutôt que de la loi, même si je ne suis pas en désaccord sur le fond.
Je m'en remettrai donc à la sagesse du Sénat sur l'amendement tel que modifié par le sous-amendement de Mme Dusseau.
J'en viens au sous-amendement n° 76.
L'article 78-6 du code de procédure pénale créant le fichier des empreintes génétiques prévoit que ce fichier ne conservera en mémoire, outre les traces génétiques trouvées sur les victimes, que les empreintes des personnes définitivement condamnées pour des crimes ou des délits sexuels. Ne seront donc pas conservées les empreintes des personnes simplement suspectées d'avoir commis ces infractions, ce qui constitue une garantie essentielle pour la sauvegarde des libertés individuelles.
Toutefois, si la rédaction de l'article 78-6 dudit code n'était pas modifiée, il en résulterait une difficulté pratique qui viderait le fichier d'une grande partie de son intérêt. En effet, les empreintes génétiques des personnes suspectées d'avoir commis ces infractions, notamment celles des personnes mises en examen, ne pourraient pas être comparées avec les informations figurant dans le fichier. Il ne serait pas possible, par exemple, de vérifier, à l'occasion d'une information ouverte pour viol, si la personne poursuivie pour ces faits n'a pas auparavant commis des crimes similaires, en recherchant dans le fichier si les empreintes de cette personne ne correspondent pas à celles de traces trouvées sur des victimes dans de précédentes affaires non élucidées.
Une telle comparaison suppose en effet un traitement automatisé de données et entre donc dans le champ d'application de la loi de 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Elle doit, dès lors, être prévue par le texte qui institue le fichier et en précise la finalité.
C'est pourquoi le présent amendement complète le texte de l'article 78-6 du code de procédure pénale, afin d'indiquer que, à la demande de l'autorité judiciaire, de telles comparaisons, dont la nécessité est évidente, seront possibles, tout en précisant que les empreintes des suspects, bien que susceptibles d'être comparées, ne devront en aucun cas être conservées dans le fichier.
Je pense avoir ainsi expliqué pourquoi le Gouvernement souhaite sous-amender le texte et pourquoi il accepte les propositions de la commission et de Mme Dusseau, sous réserve des dispositions des trois alinéas qui lui semblent relever du pouvoir réglementaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 90 rectifié et 76 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Le sous-amendement n° 76 permet, à l'évidence, de comparer les empreintes génétiques des personnes poursuivies pour infraction sexuelle avec les données incluses dans le fichier national. Par ailleurs, la rédaction est telle que l'on a la quasi-certitude que des abus ne seront pas commis. Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 11, nous nous proposons, pour tenir compte de l'observation justifiée de Mme le garde des sceaux, d'en exclure ce qui nous paraît être clairement du ressort du décret.
Dans la nouvelle rédaction, nous maintenons le premier alinéa du texte proposé pour l'article 78-6 du code de procédure pénale et le deuxième alinéa, en application duquel le fichier est placé sous le contrôle d'un magistrat. Puisqu'il sera possible de consulter ce fichier, il est préférable que celui-ci soit sous le contrôle d'un magistrat et que ce soit précisé dans la loi, comme d'ailleurs pour le casier judiciaire, ainsi que je le disais tout à l'heure.
En revanche, nous supprimons le troisième paragraphe, mais nous conservons le quatrième, qui devient ainsi le troisième.
Quant au sous-amendement n° 90 rectifié, la commission s'y oppose pour la raison très simple que son amendement répond exactement à la préoccupation de Mme Dusseau puisque les peines de suivi socio-judiciaire, par définition, ne s'appliquent qu'aux crimes ou délits sexuels.
Son sous-amendement rectifié est satisfait par l'amendement rectifié de la commission puisque les mots : « infraction sexuelle », sont repris dans l'expression : « en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs d'infractions sexuelles ».
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Jolibois au nom de la commission des lois et tendant à rédiger comme suit le texte présenté par l'article 5 A pour l'article 78-6 du code de procédure pénale :
« Art. 78-6 - Il est créé un fichier national automatisé destiné à centraliser les traces génétiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes condamnées pour une infraction susceptible de donner lieu à un suivi socio-judiciaire, en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs d'infractions sexuelles.
« Ce fichier est placé sous le contrôle d'un magistrat.
« Les modalités d'application du présent article, y compris la durée de la conservation des informations enregistrées, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.»
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Avis favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 90 rectifié.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Il s'agit ici du fichier génétique, un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre. L'expression « empreintes génétiques des personnes condamnées pour une infraction sexuelle » me paraît plus claire et plus précise que les termes : « pour une infraction susceptible de donner lieu à un suivi socio-judiciaire », proposés par la commission.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 90 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 76, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 11 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5 A, ainsi modifié.

(L'article 5 A est adopté.)

Articles additionnels après l'article 5 A