CONVENTION POUR LA PROTECTION DU MILIEU MARIN DE L'ATLANTIQUE DU NORD-EST

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'orde du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 386, 1996-1997) autorisant la ratification de la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est (ensemble quatre annexes et deux appendices). [Rapport n° 421 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 22 septembre 1992 était signée à Paris, au terme d'une conférence réunissant les ministres chargés de l'environnement des Etats riverains de l'Atlantique du Nord-Est - l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, le Royaume-Uni, et la Suède - de la Suisse, du Luxembourg ainsi que la Commission de l'Union européenne, la convention pour la protection des eaux de l'Atlantique du Nord-Est.
Due à une initiative conjointe des gouvernements français et norvégiens, cette convention actualise les dispositions d'instruments dépassés. Il s'agit, en l'occurrence, de la convention d'Oslo de 1972 pour la prévention de la pollution marine par les opérations d'immersion effectuées par les navires et les aéronefs et de la convention de Paris de 1974 pour la prévention de la pollution marine d'origine tellurique.
La nouvelle convention est conforme aux orientations de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement, tenue à Rio de Janeiro en 1992. De plus, elle intègre un certain nombre de principes et de concepts répondant aux développements les plus récents en matière de protection de l'environnement : principe de précaution, meilleure pratique environnementale, meilleures techniques disponibles, principe pollueur-payeur, etc.
Destinée à se substituer, dès son entrée en vigueur, aux conventions d'Oslo et de Paris que j'ai citées, cette nouvelle convention a pour objectif, par le biais d'une approche intégrée de la protection du milieu marin et de ses écosystèmes, de prévenir, de réduire et, dans la mesure du possible, de supprimer les apports de polluants dans les eaux concernées, quels que soient leur origine - urbaine, industrielle ou agricole, ponctuelle ou diffuse - ou leur mode d'introduction dans le milieu - conduites, fleuves et rivières, retombées atmopshériques, immersions. Elle dispose à cet effet d'un certain nombre d'annexes thématiques relatives, respectivement, aux rejets telluriques, aux immersions - y compris les immersions de déchets radioactifs qui échappaient à la convention d'Oslo de 1972 - à l'exploration et à l'exploitation « en zone maritime ».
Une dernière annexe prévoit, en outre, une surveillance continue du milieu marin et la publication régulière de bilans de qualité.
Cette nouvelle convention traduit également le souci des signataires de disposer d'un instrument qui, comparé aux textes précédents, présente un processus décisionnel renforcé et plus efficace. La convention prévoit en effet la possibilité d'adopter des « décisions » ayant un caractère juridiquement contraignant à l'égard des parties qui, souscrivant aux dispositions qu'elles contiennent, se sont prononcées en leur faveur.
Enfin, la convention reconnaît le droit d'accès du public aux informations relatives à la protection du milieu marin et la contribution des organisations non gouvernementales aux travaux de la commission, instance décisionnelle instituée par la convention.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à ce jour, treize Etats - les Pays-Bas, l'Espagne, la Suisse, la Suède, l'Allemagne, la Finlande, la Norvège, le Danemark, l'Islande, le Royaume-Uni, l'Irlande, le Luxembourg et la Belgique - ont déposé leur instrument de ratification auprès du Gouvernement français, qui est le dépositaire de cette convention.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Habert, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est signé à Paris le 22 septembre 1992 par quinze Etats européens : l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Irlande, l'Islande, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, pays ayant des côtes sur l'océan ou sur des mers qui s'y rattachent, auxquels se sont ajoutés deux Etats enclavés, le Luxembourg et la Suisse, intéressés par le fait que les cours d'eau qui les arrosent coulent vers le Rhin et la mer du Nord. La Communauté européenne, en tant qu'organisation régionale, a également signé la convention et participera à sa mise en oeuvre dans ses domaines de compétence.
La convention a été paraphée en 1992 par un membre du gouvernement Bérégovoy, Mme Ségolène Royal, alors ministre de l'environnement. La décision de la soumettre à l'approbation parlementaire a été prise en 1996 par le Premier ministre, M. Alain Juppé. Elle arrive enfin, sous le couvert de M. Lionel Jospin et du ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine. Voilà un parcours de cinq années qui constitue un bel exemple de la continuité de l'Etat.
La protection des mers contre les différentes formes de pollution est une préoccupation relativement récente. Elle date d'une quarantaine d'années et a été prise en compte par de nombreux instruments internationaux. Certains d'entre eux ont une portée mondiale, comme la convention de Bruxelles de 1954 sur la pollution par les hydrocarbures et les accidents pétroliers, la convention de Londres de 1972 sur l'immersion des déchets. D'autres ont une portée régionale. Tel est le cas de deux conventions internationales dont nous allons maintenant parler : la convention d'Oslo de 1972 sur la prévention de la pollution marine par immersion et la convention de Paris de 1974 sur la prévention de la pollution tellurique, provenant de la terre. Ces deux textes ont favorisé des avancées importantes, notamment l'arrêt des immersions de déchets industriels, l'arrêt de l'incinération en mer et la mise en oeuvre de mesures limitant très fortement les rejets de métaux lourds tels que le mercure.
Adoptée le 22 septembre 1992, la nouvelle convention que nous examinons permet d'aller plus loin. Instrument unique, elle remplace, conjugue et unit les deux conventions précédentes, celle d'Oslo et celle de Paris, d'où ce nom inhabituel de « convention OSPAR ». Cette convention témoigne d'une approche beaucoup plus globale de la prévention de la pollution du milieu marin.
Elle prend en compte l'ensemble des risques de pollution dans l'Atlantique du Nord-Est et définit des obligations générales inspirées des travaux menés par la conférence des Nations unies qui s'est tenue à Rio en 1992. Parmi ces obligations figurent le principe du pollueur payeur et le principe de précaution générale, principes dont l'application demeure toutefois parfois délicate à mettre en oeuvre.
La nouvelle convention constitue un cadre très large et évolutif tout en définissant, dans ses quatre annexes, des mesures concrètes de lutte contre la pollution. A ce titre, on peut noter des améliorations certaines.
Les dispositions de la Convention de Paris sur la pollution tellurique sont actualisées, le principe de l'interdiction de l'immersion de tous les déchets est posé et les exceptions sont limitativement énumérées. Ces dernières concernent notamment les matériaux de dragage, les matières inertes d'origine naturelle ou les déchets de poissons provenant des usines de transformation, dont l'immersion reste toutefois encadrée et soumise à des autorisations spéciales.
Un sort particulier a été réservé à l'immersion des déchets radioactifs. Le Royaume-Uni et la France avaient obtenu une dérogation de quinze ans pour les déchets faiblement et moyennement radioactifs. Cette clause est toutefois aujourd'hui devenue sans objet puisque, depuis, les gouvernements français et britannique ont officiellement renoncé à toute immersion de déchets radioactifs.
Notons à ce propos que les rejets depuis la terre de substances radioactives demeurent un problème, et que certaines dispositions de la présente convention en traitent avec précision. Cela est important, notamment pour l'usine de retraitement de la Hague, qui est un sujet d'actualité auquel Mme Heinis, sénateur de la Manche, porte un intérêt tout particulier.
Les parties contractantes de la présente convention s'engagent à réduire ces déchets et suivre les recommandations des autorités internationales, notamment de l'Agence internationale de l'énergie atomique.
Une troisième annexe traite d'un aspect nouveau : la pollution provenant des plates-formes pétrolières ou gazières. L'immersion de déchets à partir des plates-formes est interdite. L'immersion ou l'abandon sur place de ces plates-formes n'est autorisé que sous des conditions très strictes, afin d'éviter les effets les plus sensibles de cette pratique, qui concerne surtout la Norvège et le Royaume-Uni.
Enfin, la quatrième et dernière annexe aborde, elle aussi, un domaine nouveau. Elle préconise la surveillance continue de la qualité du milieu marin et prévoit la mise en place de programmes de recherche et le développement des échanges d'information.
En conclusion, il apparaît que, tout en s'inscrivant dans la continuité des conventions d'Oslo et de Paris, la nouvelle convention OSPAR est de nature à donner une impulsion nouvelle à la coopération européenne dans la lutte contre la pollution marine, même s'il faut bien constater que, dans ce domaine, les impératifs économiques et industriels n'autorisent pas de progrès aussi rapides qu'on le souhaiterait et ne permettent pas toujours des mesures d'interdiction totale et absolue.
Soulignons un point notable : les décisions de la commission intergouvernementale chargée de mettre en oeuvre la convention ne s'imposeront qu'aux Etats qui les auront votées. Ainsi la souveraineté des Etats limite considérablement la portée du texte.
Enfin, il est envisagé d'élaborer une cinquième annexe consacrée à la protection des espèces et des habitats, qui concernerait les activités d'extraction de sables et de granulats.
Tout cela suppose que cette convention entre en vigueur, ce qui nécessite la ratification par l'ensemble des quatre parties. La France, pourtant dépositaire du texte, ne l'avait jusqu'à ce jour, pas fait. Cette ratification est désormais urgente et, pour cette raison, mais aussi compte tenu des progrès nouveaux que ce texte laisse espérer dans la lutte contre la pollution des mers, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter ce projet de loi. ( Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. ) M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique . - Est autorisée la ratification de la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est (ensemble quatre annexes et deux appendices) signée à Paris le 22 septembre 1992, et dont le texte est annexé à la présente loi. »