M. le président. La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le Premier ministre, voyez dans ma question et dans ma position non pas une opposition mais une demande.
L'annonce « couperet » de la suppression de la liaison fluviale Rhin-Rhône - et donc celle de la mer du Nord et de la Méditerranée - a suscité bien des émotions sur le territoire national et au-delà.
Marseille, le département des Bouches-du-Rhône et notre région se sentent très concernés par cette décision, au-delà des sensibilités politiques et des responsabilités publiques ou civiles. Nous savons tous les difficultés de notre Sud méditerranéen où le pourcentage du chômage dépasse ou avoisine les 20 %.
Le développement, sinon déjà le rattrapage de nos ressources et des emplois induits, demeure la préoccupation essentielle de ceux dont la volonté commune, au-delà des clivages, est le souci majeur d'une évolution socio-économique favorable.
Il nous faut, pour cela, tenir compte de notre position géostratégique interface entre l'Europe et la Méditerranée.
De ce fait, beaucoup croient qu'un essor serait apporté par la finition d'un ouvrage où ne manque plus qu'un maillon, alors que la liaison Rhin-Danube est terminée et dépasse en rentabilité les prévisions.
S'agit-il réellement d'un problème écologique ? Je suis personnellement très sensibilisé à l'avenir de notre planète, mais un canal ne détruit pas forcément un environnement et peut même le valoriser. Que de peintres, écrivains, musiciens ont célébré leurs charmes !
L'obstacle dépend-il des incidences financières que l'on croyait résolues depuis les engagements pris entre la Compagnie nationale du Rhône et EDF, ratifiés par la loi du 4 février 1995 ?
L'enjeu est-il un choix économique entre les transports fluviaux et les transports routiers ou ferrés, avec étude de pollution, de coût à la tonne et de faisabilité dans ce couloir du Rhône déjà tellement encombré dans ses rétrécissements ?
Repousse-t-on seulement les échéances pour des raisons diverses, des prises de positions personnelles, une impossibilité d'accord entre les sensibilités, les appartenances, les intérêts locaux ?
Trop de questions pensez-vous, monsieur le Premier ministre, pour une brève intervention et une brève réponse, alors que d'autres encore pourraient être soulevées.
Aussi, finalement, je n'en pose plus qu'une : ne pensez-vous pas qu'une décision aussi importante, d'intérêt national, nécessite réflexions, estimations, discussions, suivies d'un débat parlementaire ?
Je sais, monsieur le Premier ministre, que votre réponse démocratique sera positive.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement auprès du ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous me permettrez tout d'abord d'excuser M. Gayssot, ministre de l'équipement, du transport et du logement, qui est retenu par une réunion du conseil européen des transports à Luxembourg, alors que, dans le même temps, Mme Voynet participe à Rome à une réunion sur le thème de la désertification. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je suis néanmoins concerné par cette question au titre des prérogatives qui sont les miennes dans le domaine de l'urbanisme, et vous accepterez sans doute, monsieur le sénateur, que je réponde en lieu et place de mes deux collègues et au nom du Gouvernement.
M. Henri Revol. C'est aussi bien !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Comme vous le savez, le dossier relatif au canal à grand gabarit Rhin-Rhône a été largement évoqué au cours de la dernière campagne législative, après l'avoir été d'ailleurs précédemment à l'occasion de la campagne présidentielle.
Au terme d'une réflexion collective, M. le Premier ministre, qui animait à l'époque cette campagne, avait fait état de la conclusion qui s'était dégagée à l'issue de cette réflexion collective : l'abandon de ce projet. Il n'y a donc pas eu de décision qui n'ait été préalablement annoncée.
Cela dit, monsieur le sénateur, c'est en 1978, vous vous en souvenez, que ce projet avait été déclaré d'utilité publique. Par une loi de 1980, la Compagnie nationale du Rhône avait été chargée de sa réalisation. Si, en fait, rien ne s'est passé pendant une aussi longue durée, c'est que, pendant tout l'intervalle, de nombreuses questions se sont posées, des incertitudes sont nées. Je peux même témoigner, étant originaire d'une région concernée par ce projet, qu'on a constaté une sorte d'effritement progressif du nombre des partisans de cette réalisation.
Du point de vue des transports, la sous-utilisation des capacités actuelles du Rhône et de la Saône ne donnait pas à penser qu'il existait une pression telle que l'addition d'un nouveau maillon allait accroître le trafic dans des proportions qui soient à la hauteur de l'investissement à réaliser.
Du point de vue écologique, le bilan qui a été établi a fait apparaître que le projet était plus destructeur que créateur.
Enfin, vous connaissez ses coûts. Il est apparu plus approprié de consacrer ces dépenses à d'autres réalisations.
Cela ne signifie pas que le Gouvernement méconnaît l'intérêt des liaisons fluviales. Le ministre de l'équipement, des transports et du logement a, vous le savez, engagé une concertation pour définir le fuseau du futur tracé de la liaison Seine-Nord.
M. Charles Revet. Et Seine-Est ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Parallèlement, je souhaite appeler votre attention sur un point. M. le Premier ministre a, dès sa déclaration de politique générale, annoncé une révision de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je termine, monsieur le président. Cette révision donnera lieu à de nombreux débats, ne serait-ce que sur la modification de la loi ou pour l'élaboration des schémas qui en découleront.
Bien évidemment, la politique des transports, avec une recherche de solutions respectueuses de l'environnement et bien adaptées à un meilleur équilibre du territoire, sera au coeur de ces débats. Je suis convaincu, monsieur le sénateur, que vous aurez largement l'occasion d'y contribuer, et ce d'une manière positive, compte tenu de l'attention que vous portez à ce dossier. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que sur les travées socialistes.)

MASSACRES EN ALGÉRIE