M. le président. « Art. 2. _ Il est inséré, dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, un article 36 ainsi rédigé :
« Art. 36 . _ Pour développer des activités répondant à des besoins non satisfaits, l'Etat peut faire appel à des agents âgés de dix-huit à moins de vingt-six ans, recrutés en qualité de contractuels de droit public pour une période maximale de cinq ans non renouvelable afin d'exercer des missions d'adjoints de sécurité auprès des fonctionnaires des services actifs de la police nationale.
« Ces personnels, leurs conjoints et leurs enfants bénéficient des dispositions de l'article 20 de la présente loi.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. Il définit notamment les missions des adjoints de sécurité ainsi que les conditions d'évaluation des activités concernées. »
Sur l'article, la parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Madame le ministre, mes chers collègues, nous entamons l'examen de la deuxième partie du projet de loi. A ce point du débat, je voudrais bien préciser la position qui a été adoptée par la commission sur l'article 2 et l'amendement qu'elle propose d'insérer avant l'article 2 bis .
La commission a pris acte de la création, prévue dans le projet de loi, d'emplois d'adjoints de sécurité dans la police nationale.
Elle constate que, dans le projet de loi lui-même, ce dispositif est totalement en marge du système des emplois-jeunes - je comprends que le Gouvernement songe à remplacer les jeunes du contingent par des auxiliaires de police.
Elle constate aussi que le Gouvernement entend procéder à des recrutements importants dans l'éducation nationale et, dans une proportion beaucoup plus faible, au ministère de la justice.
Ces emplois se situent également en marge du dispositif que nous examinons depuis hier matin. Il suffit d'ailleurs de consulter les formulaires d'inscription distribués par les rectorats - un exemplaire est reproduit dans l'annexe de notre rapport écrit - qui portent le titre paradoxal de Plan emploi-jeunes à l'éducation nationale pour constater que ces emplois n'ont pas grand-chose à voir avec les emplois destinés à faire face à des besoins nouveaux ou émergents.
Ces emplois ainsi décidés par l'Etat doivent être financés à 100 % par le budget général. Il ne s'agit pas d'emplois d'initiative locale susceptibles d'entraîner une participation des collectivités locales.
A partir de ce constat, la commission a souhaité non pas rejeter l'ensemble de ces créations d'emplois, contrairement à ce que proposent certains de nos collègues, mais bien encadrer le dispositif, qui constitue, dans le texte, une anomalie.
Elle affirme donc que ces contrats sont des contrats de droit public, financés à 100 % par l'Etat puisque c'est lui seul qui décidera de leur nombre et de leur qualification. Elle affirme également que ces recrutements ont un caractère exceptionnel, qu'il s'agit de contrats non renouvelables, qu'il faut mettre un butoir dans le temps pour ce recrutement et prévoir un décret en Conseil d'Etat pour organiser l'ensemble du dispositif.
Enfin, il faut également distinguer clairement ces emplois, comme le proposeront nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, des emplois permanents qui doivent être occupés par des fonctionnaires en vertu du statut de la fonction publique.
Madame le ministre, nous tenons à préciser l'ensemble de ces constatations parce qu'elles sont la clé de lecture de notre distinction entre les emplois-jeunes qui, pour nous, sont ceux que nous examinons depuis deux jours et ces emplois de supplétifs administratifs qui n'ont rien à voir avec les collectivités territoriales et qui doivent être pris en charge par l'Etat dans des conditions particulières.
Il faudra que le Gouvernement demande au Parlement, dans le cadre du projet de loi de finances, les moyens nécessaires à ces recrutements. En effet, il nous paraîtrait tout à fait mauvais de mélanger ces crédits nécessaires pour recruter ces personnels avec ceux du plan emploi-jeunes en faveur des emplois émergents.
Mes chers collègues, les amendements qui vous seront proposés dans la suite du débat, sauf si vous décidez de supprimer l'ensemble de cette partie du texte, tiendront compte de toutes ces considérations que j'ai tenu à rappeler d'emblée pour bien éclairer le débat qui va suivre.
M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 116, M. Gournac et les membres du groupe du RPR proposent de supprimer l'article 2.
Par amendement n° 19, M. Souvet, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 36 à insérer dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, de remplacer les mots : « à moins de vingt-six ans » par les mots : « à trente ans ».
Par amendement n° 88, M. Vasselle propose, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 36 à insérer dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, d'insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« Ne peuvent prétendre à la qualité d'adjoints de sécurité que les agents satisfaisant aux conditions d'âge mentionnées à l'alinéa précédent qui possèdent la nationalité française, jouissent de leurs droits civiques et remplissent les conditions d'aptitude physique requises pour les fonctionnaires des services actifs de la police nationale. »
Par amendement n° 74, Mme Dusseau propose d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour insérer un article 36 dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, un alinéa ainsi rédigé :
« Ces personnels ne sont pas armés. »
Par amendement n° 143, M. Fischer, Mmes Borvo, Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Derian, Duffour, Lefebvre, Loridant, Mme Luc, MM. Minetti, Pagès, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 36 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« Les personnels assumant des missions de sécurité bénéficient de six mois de formation avant d'assurer les missions qui leur sont confiées. »
Par amendement n° 94, M. Eckenspieller et les membres du groupe RPR proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 36 à insérer dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat affilie à l'assurance-chômage dans les conditions du régime commun les salariés engagés au titre de la présente loi. »
Par amendement n° 87, M. Vasselle propose d'insérer, avant le dernier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 36 à insérer dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'article 11 bis A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires sont applicables aux adjoints de sécurité mentionnés au premier alinéa. »
La parole est à M. Gournac, pour présenter l'amendement n° 116.
M. Alain Gournac. Il s'agit, aux termes de cet article, de créer 20 000 postes d'adjoints de sécurité. Ces jeunes seront liés à l'Etat par un contrat de droit public. Leur emploi sera exclusivement financé par l'Etat. Ils effectueront des missions d'agent de police sur le terrain.
Cela ressemble fort à des fonctionnaires, madame le ministre. Ou bien le Gouvernement estime que nous avons besoin de nouveaux fonctionnaires de police et, à ce moment-là, il le dit, les embauche par concours, les forme, les arme, les paie selon leur qualification et ne les renvoie pas au bout de cinq ans. Ou bien il estime que nous n'en avons pas besoin, et il faut alors aider ces jeunes à trouver un emploi dans le secteur marchand.
Pour ma part, je refuse de cautionner la création de sous-fonctionnaires. Que dira-t-on à ces jeunes dans cinq ans ? Vous avez bien travaillé, maintenant allez chercher du travail ailleurs ! Or, je ne pense pas qu'il y ait de nombreux débouchés pour des policiers dans le privé, mis à part, peut-être, des postes d'agents de sécurité dans les lieux publics et dans les grands magasins. Quel avenir pour ces milliers de jeunes ?
Dans cinq ans, le Gouvernement devra-il faire face, à cause de vous, à un nombre très important de demandes de titularisation émanant de ces jeunes, au détriment de ceux qui ont fait l'effort de passer les concours de la fonction publique. En attendant, vous aurez eu des policiers à bon marché. Les entreprises que vous diabolisez à plaisir sont-elles vraiment les exploiteurs ?
En outre, l'accueil de ces jeunes n'est absolument pas organisé. On entend dire qu'ils vont être armés de 7.65 lorsqu'ils effectueront des missions de surveillance. C'est extrêmement grave ! Aucune arme n'est anodine.
Enfin, qui va les recruter, les former, les encadrer ? Mystère.
Madame le ministre, il s'agit d'emplois relevant des missions régaliennes de l'Etat, qui ne peuvent être bradées. Pour toutes ces raisons, je propose de supprimer l'article 2.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 19.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à porter de vingt-six à trente ans l'âge limite des candidats. Cela devrait permettre le recrutement d'informaticiens, de scientifiques, qui ne se substitueront pas aux fonctionnaires. Il va de soi que ces nouveaux métiers, encore en développement dans la police, devraient, à terme, être intégrés aux concours de la fonction publique. Il s'agit, à l'évidence, d'une solution transitoire. M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 88.
M. Alain Vasselle. Il s'agit, par cet amendement et par les deux autres que je présenterai tout à l'heure, de faire en sorte que les jeunes qui exerceront ces emplois d'adjoints de sécurité répondent bien aux caractéristiques de l'emploi qu'ils vont exercer.
Le présent amendement vise à apporter des précisions qui semblent nécessaires dans la mesure où les jeunes concernés vont participer à ce qui est, par nature, une des fonctions régaliennes de l'Etat, comme l'a rappelé tout à l'heure M. Gournac, à savoir les tâches de police.
Par exemple, il semble à la fois indispensable et de bon sens que ces jeunes gens, qui pourront parfois se retrouver dans des situations dangereuses, remplissent les conditions d'aptitude physique requises pour ceux qu'ils auront pour fonction d'aider dans leur tâche de maintien de la sécurité, à savoir les fonctionnaires des services actifs de la police nationale.
Il semble tout aussi indispensable qu'ils n'aient pas été privés de la jouissance de leurs droits civiques pour pouvoir prétendre accomplir des missions dans le cadre de la police nationale.
Enfin, il paraît nécessaire de réserver l'exercice des missions d'adjoints de sécurité aux jeunes nationaux. Cela est d'ailleurs parfaitement cohérent avec la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, qui, dans un arrêt en date du 26 mai 1982, a jugé que par « emplois dans l'administration publique », qui donc par nature devaient être occupés par des nationaux, on devait entendre « les emplois caractéristiques des activités spécifiques de l'administration publique en tant qu'elle est investie de l'exercice de la puissance publique et de la responsabilité pour la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat ». Il semble, de toute évidence, que les emplois d'adjoints de sécurité font partie de ces emplois caractéristiques tels qu'ils sont définis par la Cour de justice des Communautés européennes et donc qu'ils requièrent de la part de ceux qui les exercent la possession de la nationalité française.
Cet amendement permettra d'éviter les écueils que nous risquerions de rencontrer si le texte était adopté en l'état.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 74.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement vise à préciser que les personnels ainsi recrutés ne sont pas armés. Il s'agit de personnes jeunes. Aux termes d'une formation limitée à deux mois, ils seront auxiliaires et assumeront des tâches de médiation, de sécurité.
Le fait qu'ils soient armés me paraît dangereux à la fois pour eux-mêmes et pour les autres. En effet, comme chacun le sait, l'agressivité s'accroît dès lors que l'une des personnes en présence est armée.
De plus, c'est une mauvaise manière d'appréhender la sécurité des jeunes eux-mêmes et des quartiers où ils seront amenés à travailler.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 143.
M. Guy Fischer. Le dispositif « emploi des jeunes » prévoit que des missions de sécurité pourront être confiées à des jeunes.
Ces missions ne vont pas sans soulever un certain nombre d'interrogations chez de nombreux policiers et au sein de leurs organisations syndicales.
Les moyens de la police doivent être renforcés afin de garantir la sécurité des biens et des personnes à laquelle chacun de nos concitoyens a droit. Le Gouvernement semble partager ce point de vue puisqu'un effort sera fait pour renforcer les moyens du ministère de l'intérieur.
Les missions de sécurité imposent une formation très poussée pour se prémunir contre de nombreux risques. A cette fin, on ne peut que s'émouvoir de la brièveté de la formation qu'il est prévu d'accorder aux jeunes qui se consacreront à des missions de sécurité. S'agissant de l'autorisation d'un port d'arme, le délai de deux mois nous semble notoirement insuffisant.
C'est pourquoi nous proposons cet amendement, qui vise à porter à six mois la formation dont bénéficieront les jeunes affectés à la sécurité avant d'assurer les missions qui leur seront confiées.
Tel est le sens de notre amendement, qui trouvera un ample soutien dans la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller, pour défendre l'amendement n° 94.
M. Daniel Eckenspieller. L'amendement n° 148, présenté par le Gouvernement et adopté tout à l'heure par le Sénat, répond, me semble-t-il, à la préoccupation qui sous-tend mon amendement. Je suis donc prêt à retirer ce dernier.
Néanmoins, je souhaiterais que Mme le ministre précise la notion d'« établissement public administratif de l'Etat » dont fait mention l'amendement n° 148. Les emplois-jeunes ouverts au profit de l'éducation nationale et de la police nationale entrent-ils dans ce cadre ? Les enjeux pour les finances publiques me paraissent, sur ce point, tout à fait considérables dans l'hypothèse où l'Etat aurait à indemniser, en lieu et place de l'assurance-chômage, les salariés qui ont perdu leur emploi au cours de leur contrat ou à l'issue de celui-ci et qui n'ont pas retrouvé un emploi dans le secteur marchand.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 87.
M. Alain Vasselle. L'objectif est toujours le même : il est lié au statut de ces jeunes et à l'exercice de la fonction future.
Il s'agit, une fois de plus, d'un amendement de précision, qui tend à lever toute ambiguïté quant à la responsabilité des adjoints de sécurité pour les faits non intentionnels qu'ils pourraient commettre dans l'exercice de leurs missions.
Cet amendement vise à préciser que ces adjoints de sécurité ne pourront être condamnés pour ce type de faits, considérés comme des délits conformément au troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, que s'il est établi qu'ils n'ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient, ainsi que des difficultés propres à leurs missions.
Cela paraît donc un amendement de bon sens, tendant à protéger des jeunes qui peuvent être amenés à se retrouver dans des situations dangereuses et n'auront peut-être pas les moyens, compte tenu de leur peu d'expérience, d'y faire face.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 116, 88, 74, 143, 94 et 87 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je comprends tout à fait l'état d'esprit et la démarche de notre collègue Alain Gournac, auteur de l'amendement n° 116. Simplement, l'article 2, tel que nous l'avons conçu, sépare les emplois dans la police - ce sont des contrats de droit public - du dispositif de l'article 1er - il s'agit de contrats de droit privé - pour donner des garanties à ces jeunes agents de sécurité.
En cela, il fait oeuvre de clarification.
La commission a considéré que cette mesure pouvait être utile pour remplacer les auxiliaires du service national voués prochainement à disparaître, compte tenu de la modernisation de l'armée.
Mais la commission a souligné que ces jeunes ne devaient en aucun cas se substituer au recrutement prévu dans le cadre de la loi de programmation de 1995. C'est en effet très important. Nous avons voté les dispositions de ce texte, et nous avons attiré l'attention du Gouvernement sur ce sujet.
Ces adjoints constituent en fait un dispositif d'appoint - c'est ainsi que nous le comprenons - dont la commission et le syndicat des gradés de la police attendent de jeunes informaticiens et de jeunes scientifiques qui seront bien évidemment plus âgés que les appelés du contingent.
C'est pourquoi, mon cher collègue, la commission souhaiterait le retrait de cet amendement ; s'il n'en allait pas ainsi, elle serait alors obligée d'émettre un avis défavorable.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 88. Elle est néanmoins réservée sur ce point et souhaite entendre Mme le ministre.
Elle fait simplement remarquer que, à trop calquer le statut des fonctionnaires, nous risquerions une requalification par le juge administratif, qui titulariserait des contractuels sans concours, ce qui n'est bien entendu pas du tout notre objectif. Je souhaiterais donc que nous mesurions bien les risques que nous prendrions en votant un amendement comme celui-ci.
La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 74, et ce en raison tant de la forme que du fond.
Sur la forme, vous souhaitez, chère collègue, que ces personnels ne soient pas armés, comme vous venez de le préciser de nouveau. On peut cependant penser que le ministre est compétent pour apprécier l'opportunité du port d'armes et qu'il est difficile aux parlementaires de le faire depuis leur assemblée.
Sur le fond, ces jeunes doivent pouvoir se défendre et, en tout état de cause, force doit rester à la loi. Je ferai remarquer que les appelés sont armés et que les incidents sont rarissimes, voire inexistants.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 143. Les adjoints devront bien sûr être formés, comme le demande nos collègues et comme le souhaite également la commission. Cependant, là encore, ne vaut-il pas mieux laisser le ministre, voire les chefs de service, déterminer la nature et la durée de la formation plutôt que d'y procéder depuis cet hémicycle ou depuis nos bureaux ? Il me paraît en effet difficile de le faire à la place des responsables.
S'agissant de l'amendement n° 94, nous souhaiterions entendre Mme le ministre. Nous nous sommes simplement posé une question : pourquoi l'Etat devrait-il affilier à l'assurance-chômage des adjoints de sécurité contractuels de droit public ?
Enfin, pour ce qui est de l'amendement n° 87, on ne voit pas comment des dispositions d'un statut pourraient s'appliquer à des personnels non statutaires. Vous savez bien, monsieur Vasselle, que, de proche en proche, on finira là aussi par les requalifier. Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ce texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 116, 19, 88, 74, 143, 94 et 87 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous retrouvons sur cet article 2 toutes les contradictions qui illustrent ce débat depuis hier : certains sénateurs, notamment la majorité de la commission, essaient de comprendre l'objectif du texte et veulent le modifier pour l'améliorer - en l'occurrence, ils souhaiteraient, ayant bien compris l'intérêt de ce dispositif en matière de sécurité, l'étendre à d'autres catégories - alors que d'autres sénateurs en contestent abruptement l'intérêt et souhaitent le voir complètement annihilé.
Il faudra bien finir par choisir entre ces deux camps ! En effet, je crains que les dispositions votées depuis hier n'introduisent dans le projet de loi quelques contradictions liées au fait que la majorité du Sénat n'a pas encore choisi entre ces deux solutions.
Je veux revenir sur l'objectif de cet article 2 que M. Fourcade a d'ailleurs bien rappelé tout à l'heure.
Le projet de loi évoque des besoins émergents ou non satisfaits aujourd'hui. Or, il existe effectivement des besoins liés à la sécurité dans nos villes, dans nos quartiers et même dans les zones rurales.
Certains de ces besoins, qui ne relèvent pas obligatoirement des tâches régaliennes de l'Etat, pourront être satisfaits par des emplois de proximité, c'est-à-dire tout simplement par la présence humaine dans les quartiers, dans les transports, dans les logements. En effet, chacun sait qu'une caméra électronique, un digicode n'ont jamais empêché un enfant de faire une bêtise, n'ont jamais accompagné une personne âgée en difficulté alors que la présence humaine peut le faire.
Nous faisons référence ici aux adjoints de sécurité, agents de proximité qui entrent tout à fait dans le champ d'application de l'article 1er du projet de loi.
En revanche, l'article 2 vise les tâches régaliennes de l'Etat en matière de sécurité, puisque l'Etat a, il est vrai, un rôle spécifique dans ce domaine. Cela se traduit d'ailleurs par un statut spécial pour les fonctionnaires de police.
M. le rapporteur vient de rappeler que l'article 19 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 a clairement reconnu le rôle de ces adjoints de sécurité.
C'est pourquoi sont prévus dans ce projet de loi, qui vise à répondre à des besoins mais avec deux statuts relevant d'une logique différente - M. le président de la commission l'a d'ailleurs dit tout à l'heure - des agents de proximité pouvant relever du premier dispositif et d'autres agents qui, parce que leur action relèvera de tâches régaliennes de l'Etat, doivent être des agents de contrat public. Dans ce domaine de la sécurité, le ministre de l'intérieur pourra donc être employeur au même titre que les établissements publics, les collectivités locales et les associations. Dans ce cas, il s'agira bien de contrats de droit public. Il faut le reconnaître pour assurer une cohérence aux réflexions avancées depuis le début de l'examen de ce texte.
Ces adjoints de sécurité assureront au sein du service public de sécurité des activités d'intérêt général, selon des approches et des méthodes nouvelles. Ils auront notamment pour tâche de permettre d'améliorer les réseaux d'information et d'action avec les partenaires institutionnels, les travailleurs sociaux, le secteur médical, les autres services publics de la police, par exemple en participant à l'accueil, à l'information, à l'orientation du public dans les services locaux de police, de soutenir les victimes de la délinquance et des incivilités, notamment en leur facilitant les démarches administratives, d'apporter une aide au public sur les axes de circulation, à la sortie des écoles, dans les îlots d'habitation, dans les transports en commun.
Mais il est bien clair que ces adjoints de sécurité ne pourront pas participer à des missions de police judiciaire ou de maintien de l'ordre.
Nous pensons qu'un grand nombre de ces adjoints de sécurité pourront passer des concours administratifs et entrer effectivement dans la police. C'est pourquoi, aujourd'hui, ce sont des contrats de droit publics. Ces jeunes devront, pour ce faire, bénéficier d'une formation de deux mois - je rappellerai que, aujourd'hui, la durée de la formation pour les appelés du contingent n'est que de un mois - qui leur permettra non seulement, bien sûr, de remplir leurs fonctions actuelles mais aussi de se préparer, à la fois par une expérience professionnelle et par une formation permanente qui leur sera proposée par ailleurs, à entrer dans la police dans les règles du statut de la fonction publique appliquées, en l'occurrence, à la police.
Aussi, je voudrais plaider pour le maintien de cet article, qui correspond véritablement au complément de ce que l'on attend, en matière d'agents de proximité, de jeunes qui seront embauchés dans le cadre de l'article 1er, lorsqu'il s'agit de tâches régaliennes de l'Etat et donc - nous restons cohérents - de contrats de droit publics.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 116, présenté par M. Gournac.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 19, et ce pour à peu près les mêmes raisons : une grande majorité des jeunes dont nous parlons ont vocation à passer des concours administratifs et à entrer dans la police. Or chacun sait qu'il vaut mieux entrer tôt dans la police, d'abord, pour pouvoir bénéficier de l'ensemble des possibilités, et, ensuite, pour acquérir l'expérience nécessaire à l'accomplissement de ces tâches.
Nous sommes donc bien là dans un contrat de droit public et nous essayons de respecter les règles habituelles en termes d'âge d'entrée dans la fonction publique qui me paraissent indispensables s'agissant de la fonction de policier.
Le Gouvernement émet aussi un avis défavorable sur l'amendement n° 88.
Cet avis négatif résulte non pas de raisons de fond mais du fait que la plupart des propositions présentées par M. Vasselle dans son amendement figureront dans un projet de décret qui sera soumis au Conseil d'Etat et qui fixera pour ces adjoints de sécurité, comme M. le ministre de l'intérieur l'a indiqué devant l'Assemblée nationale, un certain nombre de dispositions : ainsi, nul ne pourra être recruté comme adjoint de sécurité s'il n'est de nationalité française, s'il ne jouit de ses droits civiques et, bien sûr, s'il ne possède les conditions d'aptitude physique etc., conformément au statut de la police. Cet amendement est donc inutile, les propositions qu'il contient relevant du décret et M. le ministre de l'intérieur s'étant bien évidemment engagé à y faire figurer ces dispositions, conformément au statut de la police.
S'agissant de l'amendement n° 74, présenté par Mme Dusseau, je reprendrai volontiers ce qu'a dit M. le rapporteur tout à l'heure : il y aura deux mois de formation pour des fonctions qui, en règle générale, ne nécessiteront pas d'être armé. Mais il faudra laisser apprécier, là encore, au cas par cas, en fonction des jeunes qui ont été embauchés, ceux qui seraient susceptibles de l'être dans des cas particuliers comme le sont, je le répète, un grand nombre d'appelés du contingent qui, aujourd'hui, n'ont bénéficié que d'un mois de formation et ont été recrutés selon des modalités à peu près semblables à celles que nous évoquons aujourd'hui.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement n° 74, de même que sur l'amendement n° 143, et ce pour les raisons que j'ai indiquées : il nous semble que deux mois de formation générale, auxquels s'ajoute un mois de formation permanente en tant que de besoin, conformément à ce qui existe aujourd'hui dans la police - je tiens à dire qu'il n'y a jamais eu de difficulté avec les appelés - sont suffisants.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas ce que disent les syndicats de policiers !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les syndicats des policiers ont été consultés par le ministère de l'intérieur. Je pense qu'ils craignaient surtout, au départ, que les adjoints de police ne soient affectés à des tâches régaliennes, des tâches de maintien de l'ordre, ce qui ne se produira pas. Si, toutefois, des policiers de métier considèrent que certains jeunes sont aptes à remplir ces fonctions - je répète encore une fois que ce sera marginal - il n'y aura aucune raison de s'y opposer. Chacun doit faire confiance aux fonctionnaires qui mènent la police dans notre pays. Tel est en tout cas mon état d'esprit.
En ce qui concerne l'amendement n° 94, je redis à M. Eckenspieller que l'article 2 vise non pas des collectivités locales ou des établissements publics administratifs - cela a été traité à l'article 1er - mais bien l'Etat. Or, l'Etat, pour des contractuels de droit public, doit être son propre assureur. Il le sera pour ces contrats comme il l'est pour les autres contrats de droit public. Nous ne sommes donc pas dans le cas d'engagements vis-à-vis de l'UNEDIC. C'est d'ailleurs une question que m'avait posée M. le président de la commission tout à l'heure et à laquelle j'ai apporté une réponse.
J'en viens à l'amendement n° 87. Je redirai, comme M. le rapporteur, que s'appliquent à ces adjoints de sécurité les textes qui les régissent comme agents non titulaires de droits public : ils entrent sans ambiguïté dans cette catégorie. Cet amendement est donc inutile, et le Gouvernement émet, là aussi, un avis défavorable.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je vous remercie, madame la ministre, des explications que vous nous avez données. Je vois que nos positions convergent... autant qu'il est possible.
Il nous manque cependant une réponse à une question : est-il bien clair, pour vous et pour le Gouvernement, que les emplois d'agents de sécurité, qui relèvent de la décision de l'Etat, seront pris en charge à 100 % par l'Etat et qu'un financement partiel ne sera pas réclamé aux collectivités locales ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Absolument ! J'aurais d'ailleurs dû dire, pour répondre totalement à la question posée, que le CTP de la police a donné un avis favorable au sujet de la création de ces emplois.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je vous remercie, madame la ministre.
M. le président. Monsieur Gournac, l'amendement n° 116 est-il maintenu ?
M. Alain Gournac. Je ne veux pas mettre en difficulté la commission : nous devons travailler en bonne intelligence avec elle.
Madame la ministre, vous venez de dire que vous faisiez confiance aux fonctionnaires. Moi aussi, je leur fais confiance ! Je les ai d'ailleurs auditionnés.
La commission paritaire, dites-vous, a voté pour une telle disposition. Mais tous les syndicats m'ont fait part de leur inquiétude - des revolvers seront distribués aux intéressés ! - et ils m'ont chargé de vous la transmettre. Ce n'est pas moi qui le dis, je ne l'ai pas inventé !
Je fais donc confiance à ces fonctionnaires tout comme vous, madame la ministre. Ils m'ont dit qu'il ne fallait pas adopter ce dispositif car ils l'ont jugé dangereux et inacceptable...
M. le président. Monsieur Gournac, je ne vous ai pas demandé d'expliquer votre vote, mais simplement de me dire si vous mainteniez ou non votre amendement.
M. Alain Gournac. Je vous prie de m'excuser, monsieur le président, mais je ne pouvais pas ne pas réagir après les propos que je viens d'entendre.
Quoi qu'il en soit, je retire l'amendement. Mais il était important que j'intervienne sur ce problème de la police, car il s'agit d'un point crucial et sérieux.
M. le président. L'amendement n° 116 est retiré.
Monsieur Eckenspieller, qu'en est-il de l'amendement n° 94 ?
M. Daniel Eckenspieller. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 94 est retiré.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souhaiterais répondre à M. Gournac.
Les inquiétudes des syndicats de police dont il a fait état étaient peut-être dues au fait qu'ils n'avaient pas entendu le ministre de l'intérieur leur indiquer que ces adjoints de sécurité ne participeraient pas à des missions de police judiciaire ou de maintien de l'ordre !
Je vous confirme en tout cas que le CTP qui s'est tenu lundi après-midi a vu une majorité des syndicats voter pour, certains s'abstenir, mais aucun ne s'est opposé à ce projet.
C'est peut-être par absence ou insuffisance d'informations qu'ils ont pu vous tenir ces propos !
M. Alain Gournac. Je vous remercie, madame la ministre.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 19.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Après avoir entendu les explications de Mme le ministre, notamment sur le fait qu'il fallait rentrer tôt dans la police et que l'âge de trente ans était peut-être un peu tardif, et après en avoir discuté avec le président de la commission, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 19 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 88.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, je n'ai pas très bien compris les observations formulées par Mme le ministre, ni les conclusions qu'elle en a tirées.
J'avais cru comprendre qu'elle considérait que le dispositif que je propose serait mis en place par voie réglementaire, auquel cas l'amendement serait satisfait. Je m'attendais donc à ce que Mme le ministre me demande de le retirer. Au lieu de cela, elle a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 88 ainsi que sur l'amendement n° 87.
De deux choses l'une : ou bien, effectivement, l'ensemble de ces dispositions seront prises par voie réglementaire, et mes amendements seront satisfaits - je n'aurai alors aucune raison de les maintenir et je les retirerai - ou bien on ne les retrouvera pas dans les textes réglementaires, et je maintiens mes amendements.
J'aimerais donc que les choses soient dites clairement afin d'éviter toute ambiguïté.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, c'est sans doute un excès de retenue qui ne m'a pas conduit à vous demander de retirer ces amendements ! Mais je voudrais vous confirmer que, d'une part, l'amendement n° 87 est bien inutile puisque le statut s'applique et que, d'autre part, s'agissant de l'amendement n° 88, le décret reprendra les dispositions que vous prévoyez.
M. Alain Vasselle. Dans ces conditions, je retire les amendements n°s 88 et 87, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s 88 et 87 sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 74, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 143, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 2