M. le président. « Art. 12. - Les dispositions de la présente loi organique sont applicables dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte. »
Par amendement n° 22, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer dans cet article les mots : « les territoires d'outre-mer et ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous revenons ici aux territoires d'outre-mer, question que nous avons traitée tout à l'heure d'une manière incidente, je n'ai donc pas à y revenir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et au terme d'un raisonnement assez simple.
Le Conseil d'Etat, saisi de ce texte, a fait connaître sans ambiguïté que la présente loi organique rentrait dans la catégorie des lois de souveraineté, lesquelles doivent s'appliquer sur tout le territoire de la République.
Au demeurant, l'article 88-3 de la Constitution indique formellement que les dispositions de la loi organique prises pour l'application du traité de Maastricht ont pour objet l'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales des citoyens de l'Union « résidant en France ».
Si la Constitution n'exclut pas a priori des mesures propres - à conditions qu'elles ne soient pas discriminatoires - aux territoires d'outre-mer, il découle de l'article 88-3 que les étrangers communautaires doivent pouvoir participer aux élections municipales et être éventuellement élus partout « en France » - je souligne ces deux termes - où des élections municipales peuvent être organisées. Donc, y compris dans les départements et territoires d'outre-mer à Nouméa, à Cayenne et même, à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est une collectivité territoriale à statut particulier, sous réserve qu'il y existe des communes, ce qui est le cas.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je suis un peu surpris de la résistance du Gouvernement, mais je me souviens en effet qu'il avait recouru à une argumentation différente de la mienne, que je rappelle maintenant à nos collègues.
Le traité de Rome n'est pas applicable ipso jure aux territoires d'outre-mer. Il l'est en vertu d'une IVe partie qui énumère certains points d'applicabilité. Or cette IVe partie ne comporte pas le sujet dont nous traitons aujourd'hui. Le traité de Rome n'a pas été modifié par le traité sur l'Union européenne ni d'ailleurs par le traité d'Amsterdam, non encore ratifié mais qui a expressément renvoyé à plus tard ce genre de débat.
Comme nous l'a fait observer notre collègue M. Millaud s'agissant de l'assemblée polynésienne, il n'y a pas lieu d'étendre aveuglément une telle disposition, qui susciterait probablement bien plus de perturbations dans ces terres lointaines et par ailleurs enchanteresses que le texte que nous proposons.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous demande de confirmer le vote que vous avez émis tout à l'heure et de ne pas rendre ce texte applicable aux territoires d'outre-mer.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le rapporteur, le traité de Rome a pour objet de créer un marché commun ; il traite de questions économiques et commerciales mais pas de la souveraineté politique ou du droit de vote.
Le traité de Maastricht a trait, précisément, au droit de vote et les textes sont tout à fait formels, je vous les ai rappelés tout à l'heure, ils font référence au droit de vote en France. Or, la France comprend aussi les territoires d'outre-mer !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je souhaite simplement rappeler que l'article 8 B, qui ouvre ce droit d'éligibilité, a été intégré dans le traité de Rome. Par conséquent, les dispositions du traité de Rome, dans son ensemble, doivent être respectées, du moins nous semble-t-il.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je suis en total désaccord avec ce point de vue. Le traité de Rome a instauré une dérogation pour des raisons évidentes qui tiennent, notamment, aux différences de niveaux de développement économique entre les territoires d'outre-mer et la France métropolitaine.
Toutefois, s'agissant des droits de vote et d'éligibilité, il est évident que les dispositions qui seront adoptées par le Parlement doivent s'appliquer sur l'ensemble du territoire de la République. Sinon, ce serait très grave.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Lors de nos travaux en commission, j'ai indiqué les raisons pour lesquelles je n'étais pas favorable à cet amendement. Je considère, en effet, que les territoires d'outre-mer sont partie intégrante de la République française.
J'ai eu l'honneur de participer, au nom de la commission des lois, à une mission en Polynésie française en compagnie de notre collègue M. Lanier. Pendant près de deux semaines, nous avons entendu les principaux responsables politiques et économiques de ce territoire. Or, ils n'ont eu de cesse de nous dire avec beaucoup d'insistance qu'ils étaient fiers d'être Français, qu'ils voulaient le rester et qu'ils étaient très attachés à la République française.
Des dispositions économiques particulières évoquées par M. le ministre sont prévues effectivement par les traités européens. Mais, en la circonstance, il s'agit d'un exercice de souveraineté. La Polynésie française et les territoires d'outre-mer font partie de la République française, et j'ai la faiblesse de penser que ce texte s'applique à ces territoires.
M. Michel Duffour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, mon argumentation ne sera pas juridique et je ne vais pas entrer dans le débat ouvert par M. le ministre. Pour avoir entendu, en commission, l'un de nos collègues parler des territoires d'outre-mer, je pense que l'on ne peut tout de même pas nier les appréhensions qui se font jour dans ces territoires. Un des collègues de mon groupe, élu de la Réunion, qui est non pas un territoire mais un département d'outre-mer, m'a demandé de ne pas prendre part au vote et je n'ai pas pu le convaincre. Cela étant, je suis enclin à suivre la commission sur ce point.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Article 13