SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un ancien sénateur (p. 1 ).

3. Modification de l'ordre du jour (p. 2 ).

4. Demande d'examen en séance publique d'une résolution (p. 3 ).

5. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 4 ).

6. Questions orales (p. 5 ).

DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT
DES CENTRES D'INTERRUPTION VOLONTAIRE
DE GROSSESSE (p. 6 )

Question de Mme Marie-Madeleine Dieulangard. - Mmes Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; Marie-Madeleine Dieulangard.

AVENIR DE L'INSTITUT GUSTAVE-ROUSSY (p. 7 )

Question de M. Claude Billard. - Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; M. Claude Billard.

CONSÉQUENCES DES RÉDUCTIONS BUDGÉTAIRES IMPOSÉES
AU CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE
DE MONTPELLIER (p. 8 )

Question de M. Gérard Delfau. - Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; M. Gérard Delfau.

SITUATION DES ASSOCIATIONS
ACCUEILLANT DES OBJECTEURS DE CONSCIENCE (p. 9 )

Question de M. Daniel Hoeffel. - Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; M. Daniel Hoeffel.

REMBOURSEMENT DU DÉPISTAGE
DU CANCER DU COL DE L'UTÉRUS (p. 10 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; Marie-Claude Beaudeau.

RETRAITE À CINQUANTE-CINQ ANS (p. 11 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; Marie-Claude Beaudeau.

MISE AUX NORMES EUROPÉENNES
DES ÉQUIPEMENTS DE TRAVAIL (p. 12 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; M. Jean-Claude Carle.

PROTECTION DE LA JEUNESSE CONTRE
LES COMPORTEMENTS DÉVIANTS OU DANGEREUX (p. 13 )

Question de M. Jean-Paul Hugot. - Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; M. Jean-Paul Hugot.

POLITIQUE EN MATIÈRE DE DÉCHETS MÉNAGERS (p. 14 )

Question de M. Josselin de Rohan. - Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement ; M. Josselin de Rohan.

DÉRAILLEMENT D'UN TRAIN
CONTENANT DES MATIÈRES NUCLÉAIRES (p. 15 )

Question de Mme Gisèle Printz. - Mmes Corinne Lepage, ministre de l'environnement ; Gisèle Printz.

TRACÉ DE RACCORDEMENT DE L'AUTOROUTE A 16
À LA FRANCILIENNE (p. 16 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement ; Mme Marie-Claude Beaudeau.

SITUATION DES MARINS RUSSES IMMOBILISÉS
SUR LES NAVIRES RELÂCHANT DANS DES PORTS FRANÇAIS (p. 17 )

Question de Mme Marie-Madeleine Dieulangard. - M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement ; Mme Marie-Madeleine Dieulangard.

ABUS RELATIFS À LA PUBLICITÉ
DE CERTAINES ÉCOLES DE CONDUITE (p. 18 )

Question de M. Jean-Claude Carle. - MM. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement ; Jean-Claude Carle.

SITUATION DES MAL-LOGÉS (p. 19 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement ; Mme Marie-Claude Beaudeau.

CALCUL DES SUBVENTIONS ALLOUÉES
POUR L'ACQUISITION DE BÂTIMENTS INDUSTRIELS
PAR LES COMMUNES RURALES (p. 20 )

Question de M. Jean Bizet. - MM. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration ; Jean Bizet.

DISPARITÉ DES TAUX DE TVA
SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES (p. 21 )

Question de M. Jean Bernard. - MM. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat ; Jean Bernard.

DÉRÉGLEMENTATION DU SECTEUR ÉLECTRIQUE (p. 22 )

Question de M. Claude Billard. - MM. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat ; Claude Billard.

CONSÉQUENCES DE LA CRÉATION
DE LA CONFÉRENCE EUROPÉENNE PERMANENTE (p. 23 )

Question de M. Daniel Hoeffel. - MM. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat ; Daniel Hoeffel.

Suspension et reprise de la séance (p. 24 )

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT

7. Conférence des présidents (p. 25 ).

8. Scrutins pour l'élection d'un juge de la Haute Cour de justice et de juges de la Cour de justice de la République (p. 26 ).

9. Collectivités locales. - Débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 27 ).
MM. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; Christian Poncelet, président de la commission des finances ; Paul Girod, Jean Puech, Daniel Hoeffel.

10. Election et prestation de serment d'un juge titulaire de la Haute Cour de justice (p. 28 ).

11. Election et prestation de serment d'un juge titulaire et d'un juge suppléant de la Cour de justice de la République (p. 29 ).

12. Collectivités locales. - Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 30 ).
MM. Joseph Ostermann, René Régnault, Ivan Renar, Jean-Pierre Fourcade, Jean Huchon, Alain Vasselle, Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Guy Fischer.

Suspension et reprise de la séance (p. 31 )

MM. André Dulait, François Gerbaud, Jean-Marc Pastor, Daniel Eckenspieller, Michel Sergent, Jean-ClaudePeyronnet.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Clôture du débat.

13. Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire (p. 32 ).

14. Dépôt d'une proposition de loi (p. 33 ).

15. Dépôt de rapports (p. 34 ).

16. Dépôt d'un rapport d'information (p. 35 ).

17. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 27 mars 1997 (p. 36 ).

18. Ordre du jour (p. 37 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL


Séance du 15 avril 1997
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 27 mars 1997 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Edouard Grangier, qui fut sénateur de Vaucluse de 1972 à 1977.

3

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président du Sénat a reçu une lettre de M. le ministre des relations avec le Parlement aux termes de laquelle le Gouvernement demande l'inscription en tête de l'ordre du jour prioritaire de la séance du mercredi 16 avril de la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation.
Acte est donné de cette communication.
En conséquence, l'ordre du jour de cette séance s'établit désormais comme suit :
Mercredi 16 avril à quinze heures :
1° Discussion en deuxième lecture de la proposition de loi relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation.
2° Suite du projet de loi portant réforme de la procédure criminelle.

4

DEMANDE D'EXAMEN EN SÉANCE PUBLIQUE
D'UNE RÉSOLUTION

M. le président. J'informe le Sénat qu'en application de l'article 73 bis , alinéa 8, du règlement, Mme la présidente du groupe communiste républicain et citoyen a présenté, le 1er avril 1997, une demande d'examen en séance publique de la résolution de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de directive du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (N° E-211).

5

DÉPO^T D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport retraçant le bilan de la réglementation applicable à l'indemnisation des dégâts de gibier, établi en application de l'article 16-III de la loi n° 92-613 du 6 juillet 1992.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

6

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

Difficultés de fonctionnement des centres
d'interruption volontaire de grossesse

M. le président. Mme Marie-Madeleine Dieulangard constate que deux tendances très graves se font jour, qui restreignent la liberté des femmes à disposer d'elles-mêmes et limitent le champ d'application de la loi Veil concernant l'interruption volontaire de grossesse IVG.
D'une part, des parlementaires connus pour leurs idées ultraconservatrices n'hésitent plus à tenir des propos virulents contre l'application de ce texte, à déposer de multiples amendements ou des propositions de loi remettant en cause celle-ci.
D'autre part, des mesures insidieuses mais bien réelles, au travers, notamment, de la réforme hospitalière, viennent fragiliser le fonctionnement même des centres IVG. L'absence de statut de ces centres et des médecins vacataires intervenant uniquement sur la base du volontariat, la non-application de la circulaire de 1982 introduisant l'obligation de coupler un centre de planification avec le centre d'interruption volontaire de grossesse, ajoutées aux restructurations occasionnées par la réforme hospitalière, constituent bien de nouvelles menaces sur l'existence même de ces centres.
Elle demande à M. le ministre du travail et des affaires sociales quels moyens significatifs et de contrôle il compte mettre en oeuvre pour que les réductions des budgets hospitaliers ne soient pas le prétexte à la limitation des moyens d'accès à l'information et à l'avortement pour les femmes et ne soient pas l'occasion, pour certaines directions hospitalières, d'orchestrer la fermeture de certains centres. (N° 604.)
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Madame le ministre, deux tendances très graves se font jour qui restreignent la liberté des femmes à disposer d'elles-mêmes et limitent le champ d'application de la loi Veil concernant l'interruption volontaire de grossesse.
D'une part, des parlementaires connus pour leurs idées ultra-conservatrices n'hésitent plus à tenir des propos virulents contre l'application de ce texte, à déposer de multiples amendements ou des propositions de loi remettant en cause celle-ci.
D'autre part, des mesures insidieuses mais bien réelles, au travers notamment de la réforme hospitalière, viennent fragiliser le fonctionnement même des centres IVG. L'absence de statut de ces centres et des médecins vacataires intervenant uniquement sur la base du volontariat, la non-application de la circulaire de 1982 introduisant l'obligation de coupler un centre de planification avec un centre d'interruption volontaire de grossesse constituent bien, ajoutées aux restructurations occasionnées par la réforme hospitalière, de nouvelles menaces pour l'existence même de ces centres.
Quels moyens significatifs et quelles procédures de contrôle comptez-vous mettre en oeuvre, madame le ministre, pour que la réduction des budgets hospitaliers ne soit pas le prétexte à la limitation des moyens d'accès à l'information, d'une part, et à l'avortement, d'autre part, et ne soit pas l'occasion, pour certaines directions hospitalières, d'orchestrer la fermeture de certains centres.
Quels moyens prévoyez-vous pour créer un véritable statut en faveur de ces centres et de leurs personnels, pour faire respecter la loi Veil, notamment en ce qui concerne les mineurs, et pour organiser de véritables campagnes d'information, régulières et ciblées, concernant la contraception, notamment auprès des jeunes ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Madame le sénateur, permettez-moi, au nom de M. Jacques Barrot, qui ne peut être présent ce matin et qui vous prie de bien vouloir l'en excuser, de vous dire de manière très claire que le Gouvernement n'a absolument pas l'intention de modifier en quoi que ce soit les lois relatives à l'interruption volontaire de grossesse.
Vous avez fait état d'un certain nombre de propositions, d'un certain nombre de commentaires ; je tiens à vous réaffirmer ici, madame Dieulangard, d'une manière tout à fait solennelle, la volonté du Gouvernement non seulement de maintenir les lois relatives à l'interruption volontaire de grossesse, mais aussi de veiller à l'application de toutes les dispositions existantes en la matière, qu'elles soient de nature législative ou réglementaire.
Au-delà de ce rappel de la position du Gouvernement, je tiens également à indiquer - vous le savez bien, madame Dieulangard - que le décret du 18 janvier 1988 prévoit que les établissements publics d'hospitalisation, que ce soit les centres hospitaliers régionaux ou les centres hospitaliers généraux, et les autres établissements publics comportant une unité de chirurgie ou d'obstétrique sont tenus de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse.
Ce texte précise également que les établissements concernés disposent d'un centre de planification ou passent convention avec un centre de planification en vue d'assurer l'information des femmes. Ce texte est toujours en vigueur et doit être, lui aussi, appliqué.
Les contraintes budgétaires que vous évoquez, madame, et qui s'imposent aux établissements hospitaliers publics ne sauraient évidemment se traduire par une remise en cause, par les établissements concernés, de leurs obligations, qui sont des obligations de service public.
J'ajouterai, en réponse à votre préoccupation de voir mieux connues les méthodes de contraception, que nous avons réinstallé un comité d'information sexuelle qui a notamment pour vocation de réunir l'ensemble des professionnels et des partenaires concernés pour dégager les moyens d'assurer une meilleure diffusion de l'information sur la contraception. En effet, nous pouvons constater que, dans notre société, l'information sur la contraception est tout à fait insuffisante.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. J'ai noté avec satisfaction la détermination du Gouvernement, et je pense qu'il n'était pas inutile d'entendre réaffirmer cette volonté du Gouvernement de voir la loi Veil appliquée dans sa totalité ni de l'entendre réitérer l'engagement d'assurer les moyens de cette application d'autant moins inutile qu'un événement nouveau est venu confirmer, s'il en était besoin, à la fois l'action et les avancées réelles des opposants à l'IVG.
Une véritable offensive a en effet été menée par les groupes de pression pro-life contre le groupe Roussel-Uclaf concernant la production de la pillule abortive RU 486.
Dès l'automne 1988, déjà en France, une vélléité d'abandon de la pillule RU 486 n'avait échoué que grâce à l'intervention de Claude Evin, alors ministre de la santé.
Aujourd'hui, ces groupes anti-avortement ont obtenu l'abandon de la production par la firme allemande, menacée de boycott de ses autres produits. M. le ministre de la santé est resté bien silencieux à cette annonce il y a quelques jours, et je le regrette. Nous aimerions avoir l'assurance du Gouvernement qu'en France cette pillule restera bien à la disposition des femmes.

Avenir de l'Institut Gustave-Roussy

M. le président. M. Claude Billard attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation faite à l'institut Gustave-Roussy à la suite du non-respect par l'Etat des engagements pris dans le cadre de la signature du contrat d'objectifs. Il lui demande en particulier dans quel délai seront alloués les 12 millions de francs manquants pour que l'engagement financier de l'Etat soit honoré. (N° 609.)
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Depuis de nombreuses semaines, le personnel de l'institut Gustave-Roussy de Villejuif proteste et agit pour préserver les atouts de cet établissement hospitalier de renommée internationale, ainsi qu'un certain nombre d'emplois.
En effet, le bon fonctionnement de l'institut Gustave-Roussy est tout simplement remis en cause par la décision du ministre du travail et des affaires sociales d'amputer de 12 millions de francs son budget pour 1997.
Comment une telle décision, si lourde de conséquences, a-t-elle pu être prise ? Elle est d'autant plus scandaleuse qu'elle intervient après la signature, en juillet dernier, d'un contrat d'objectifs avec l'Etat qui prévoyait le maintien à niveau constant des moyens accordés à l'institut Gustave-Roussy.
Ce contrat, aboutissement de plusieurs mois de discussions, faisait lui-même suite à toute une série de mesures drastiques qui, les précédentes années, avaient conduit au gel d'une centaine d'emplois et à un exercice budgétaire déjà marqué par un taux directeur nul.
Il faut également ajouter que ce contrat était loin de garantir une situation florissante puisqu'il était fondé sur le principe d'un maintien sur cinq ans des moyens de l'institut à un niveau constant. Il ne lui permettait d'ailleurs d'envisager la possibilité de dégager les investissements nécessaires pour opérer la modernisation de ses bâtiments et les évolutions structurelles indispensables qu'au prix de l'abandon d'un site extérieur et de nouvelles suppressions de postes.
Ce contrat était déjà loin de répondre aux besoins de l'hôpital mais, dès la première année de sa mise en application, l'Etat ne respectait déjà plus sa signature.
La situation ainsi créée a, bien évidemment, de graves conséquences.
D'abord, le non-respect de l'engagement initial fragilise la crédibilité même du contrat d'objectifs et la capacité de l'IGR à maîtriser les évolutions dans lesquelles il doit s'engager.
Ensuite, cette situation compromet sérieusement les possibilités d'une reconversion négociée avec les personnels du site de La Grange.
Enfin, elle implique la suppression supplémentaire de quelque 50 emplois, voire plus, concernant essentiellement des contrats à durée déterminée et des personnels en début de carrière.
Comment accepter, je le répète, que l'Etat ne respecte pas sa signature et qu'il réduise ainsi les dépenses nécessaires à la santé alors que, précisément, en matière de lutte contre le cancer, les besoins sont si grands, car il y a encore tant à faire ?
Je vous demande donc, madame le ministre, de m'assurer que les engagements pris seront tenus et que des instructions seront données pour que soit amorcée, avec les personnels de l'IGR, une concertation sérieuse et approfondie sur l'avenir et le développement de cet établissement.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, le contrat d'objectifs signé le 11 juillet 1996 par le directeur de l'institut Gustave-Roussy à Villejuif et les représentants de l'Etat et de l'assurance maladie dans la région d'Ile-de-France décline les principaux objectifs de la restructuration de l'institut eu égard aux orientations du schéma régional de l'organisation sanitaire de 1994 et aux recommandations de différents rapports sur le centre, dont ceux de l'inspection générale des affaires sociales.
Dans un contexte régional excédentaire en équipements d'offre de soins, les objectifs à atteindre pour l'institut, à moyens constants, conformément aux engagements contractés, sont les suivants : un positionnement confirmé du centre à partir de missions redéfinies dans le réseau des soins en cancérologie ; le regroupement des activités de l'institut sur le seul site des Hauts-de-Bruyères, à Villejuif, accompagné de son désengagement sur La Grange, à Savigny-le-Temple, en Seine-et-Marne ; la mise en oeuvre d'une politique de gestion adaptée, centrée sur les ressources humaines ; la réalisation d'un programme pluriannuel d'investissements sur le site des Hauts-de-Bruyères.
Si, lors de la signature du contrat d'objectifs, les dispositions de l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée étaient connues des signataires, les conséquences sur les conditions de sa réalisation ne pouvaient être évaluées, car le montant des ressources dont disposerait la région n'était pas alors arrêté.
A partir de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie voté par le Parlement pour 1997, la région d'Ile-de-France a été dotée d'une enveloppe limitative des dépenses hospitalières de 31 milliards de francs, hors Assistance publique - hôpitaux de Paris. Elle contribue, pour un montant de 260 millions de francs, à l'effort de réduction des inégalités entre les régions et entre les établissements.
La contribution de l'institut Gustave-Roussy à cet effort s'élève à 12 millions de francs, soit 1,2 % d'un budget annuel légèrement supérieur au milliard de francs, à la suite de la prise en compte de plusieurs critères, dont la valeur de l'indice synthétique d'activité, le point ISA, lequel est très élevé à l'institut Gustave-Roussy.
Sans méconnaître l'ampleur des efforts demandés, et en tout premier lieu aux personnels, légitimement préoccupés et impliqués dans l'évolution de leur établissement, je puis vous indiquer qu'aucune remise en cause des objectifs du contrat n'a été, à ce jour, concrètement envisagée par ses signataires.
En tout état de cause, l'éventuelle adaptation des objectifs initialement définis pour la restructuration de l'institut Gustave-Roussy relève de la stricte initiative des parties signataires, dont le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation en Ile-de-France.
M. Claude Billard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Vous comprendrez bien, madame le ministre, que les éléments de réponse que vous avez bien voulu m'apporter ne me satisfont pas. Du reste, ils ne satisferont pas non plus les personnels de l'institut Gustave-Roussy.
Force est de constater que nous sommes confrontés ici à la logique de la réforme hospitalière qui consiste à réduire les dépenses de santé. Or on ne peut pas soigner avec un tiroir-caisse !
Je rappelle que l'IGR n'est pas n'importe quel hôpital. C'est un établissement de renommée internationale en matière de cancérologie, où l'on soigne, bien sûr, mais où l'on fait aussi de la recherche et où est dispensé un enseignement, en laison avec le Centre national de la recherche scientifique et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.
Les dispositions qui ont été prises dans le cadre de la maîtrise des dépenses de santé ne contribueront pas, selon moi, à assurer le plein développement de l'IGR et ne lui permettront même pas de faire face à l'ensemble de ses missions.

CONSÉQUENCES DES RÉDUCTIONS BUDGÉTAIRES IMPOSÉES AU CENTRE HOSPITALIER
UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER

M. le président. M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur les conséquences néfastes des réductions budgétaires imposées au CHU - centre hospitalier universitaire - de Montpellier.
Au lieu d'effectuer un plan de rattrapage en faveur des hôpitaux publics les moins dotés, ces dernières années, il a été choisi de pénaliser les plus performants, comme celui de Montpellier, sans tenir compte des efforts qu'il a déjà consentis : 300 lits ont été fermés en trois ans. Chiffre considérable !
De plus, la CME - commission médicale d'établissement - a mis sur pied un courageux projet d'établissement.
Or le CHU n'est pas un établissement comme les autres : à sa fonction de soins, il ajoute celle d'enseignement et de recherche, tout en maintenant l'accueil des exclus.
C'est au service public qu'une fois de plus le Gouvernement s'attaque, malgré le discours du Président de la République sur la « fracture sociale ».
Il souhaite connaître comment le Gouvernement compte assumer cette contradiction et, plus particulièrement, quelles mesures de soutien seront prises en faveur des établissements hospitaliers en danger, comme celui de Montpellier. (N° 611.)
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame le ministre, j'ai souhaité attirer l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur les conséquences néfastes des réductions budgétaires imposées au centre hospitalier universitaire de Montpellier.
En raison d'un taux directeur très faible, au lieu d'effectuer un plan de rattrapage en faveur des hôpitaux publics les moins dotés, ces dernières années, le Gouvernement a choisi de pénaliser les plus performants, comme celui de Montpellier. Au mépris des efforts que celui-ci a déjà consentis, et ils ne sont pas minces, trois cents lits ont été fermés en trois ans : chiffre considérable !
Je précise en outre que la commission médicale d'établissement a mis sur pied un courageux projet d'établissement.
Or le CHU n'est pas un établissement comme les autres : à sa fonction de soins, il ajoute celles d'enseignement et de recherche, tout en maintenant l'accueil des exclus.
C'est au service public qu'une fois de plus le Gouvernement s'attaque, malgré le discours du Président de la République sur la « fracture sociale ».
Je souhaite savoir comment le Gouvernement compte assumer cette contradiction et, plus particulièrement, quelles mesures de soutien seront prises en faveur des établissements hospitaliers en danger, comme celui de Montpellier.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, conformément aux termes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 et à ceux de l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée, le Gouvernement organise l'allocation des ressources aux établissements de santé avec un double objectif : respecter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour cette année, fixé dans la loi de financement à 600,2 milliards de francs, et réduire progressivement les inégalités de ressources entre les régions et entre les établissements.
Pour ce faire, la dotation régionale initiale qui a été notifiée au Languedoc-Roussillon s'élève à 8,5 milliards de francs, après abondement pour hausse des traitements dans la fonction publique. Dans sa répartition de la dotation, le préfet de région, qui était compétent jusqu'au 7 avril dernier, a tenu compte des engagements antérieurs de l'Etat, des priorités régionales de santé publique, des orientations du schéma régional d'organisation sanitaire et des résultats du programme de médicalisation des systèmes d'information.
Ces principes ont conduit à autoriser, au bénéfice du centre hospitalier universitaire de Montpellier, un montant de 2,7 milliards de francs de dépenses. Après l'abondement destiné à financer la hausse des traitements, ce budget devrait être maintenu par rapport à sa base de référence, ce qui va contribuer à réduire les inégalités de moyens entre les hôpitaux de la région.
A cet égard, il y a lieu de rappeler que les instruments utilisés pour apprécier l'activité et les coûts des établissements tiennent bien compte des spécificités des CHU : en particulier, les coûts des activités d'enseignement et de recherche, les soins aux détenus, les centres de dépistage anonyme et gratuit du sida, la prise en charge du diabète, les centres de pharmacovigilance ou les activités d'hospitalisation à domicile.
Il y a également lieu de préciser que les engagements de l'Etat envers les CHU ont bien été honorés à hauteur d'environ six milliards de francs en 1997. Ces mesures nouvelles permettent notamment le financement de postes d'infirmier pour l'application des trente-cinq heures, de postes de permanence pour le standard du SAMU et, enfin, la dotation du centre de soins dentaires.
Il appartient désormais à l'agence régionale de l'hospitalisation de mener, en concertation étroite avec les établissements et leurs représentants, l'adaptation du tissu hospitalier languedocien.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je pouvais vous apporter aujourd'hui.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame le ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention. Hélas, votre réponse ne fait que renforcer les craintes que j'exprime au nom de l'ensemble des personnels et des élus : le maintien de la dotation signifie nécessairement une baisse en francs constants.
Par ailleurs, vous évoquez la fonction de soins de l'hôpital public mais sans jamais parler des autres missions. Or, j'avais aussi insisté sur l'accueil des exclus et les recherches qu'assure le CHU. Sur ce point, je n'ai pas, non plus, obtenu de réponse.
Je connaissais parfaitement la réputation de qualité du CHU de Montpellier, dont la notoriété est bien établie, notamment dans des secteurs de pointe, mais j'ai voulu, la semaine dernière, y passer toute une après-midi pour observer ce que l'on ne voit pas d'habitude.
Je me suis ainsi intéressé, par exemple, à l'accueil. J'ai pu constater que l'accueil était humain, chaleureux : ce n'est pas un hall de gare. Or ce n'est pas le fruit du hasard : c'est le résultat d'un travail très poussé et de l'implication des personnels.
Je me suis ensuite rendu dans le secteur consacré aux enfants. J'ai vu une ludothèque ; j'ai vu aussi une cour que l'on est en train d'aménager pour les enfants. Les personnels soignants m'ont expliqué comment ils accompagnent l'enfant depuis le moment où il est pris en charge jusqu'à celui où les soins sont terminés. Oserai-je dire dans cet hémicycle que j'en avais les larmes aux yeux ?
Voilà, madame le ministre, ce qu'est capable de faire le service public. Voilà pourquoi il a besoin de davantage de moyens. Je ne peux donc qu'exprimer une nouvelle fois la demande que j'ai formulée en posant ma question.

Situation des associations
accueillant des objecteurs de conscience

M. le président. M. Daniel Hoeffel appelle l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur les inquiétudes soulevées dans le milieu associatif par les nouvelles dispositions concernant les objecteurs de conscience.
Il apparaît en effet que les associations accueillant des objecteurs durant la période de leur service national doivent, à compter de janvier 1997, assurer leur hébergement et leur restauration. N'étant pas en mesure d'assurer de telles prestations, la majorité des organismes concernés se voient contraints de verser une indemnité mensuelle à l'employeur, qui ne donne pas lieu à remboursement de la part de l'Etat et se révèle donc une charge très lourde.
Les associations estiment pourtant que le service national doit rester à la charge de l'Etat, quelle que soit la forme sous laquelle il est effectué.
Il souhaiterait donc connaître les mesures compensatoires que compte prendre le ministre afin de limiter les conséquences de ce désengagement de l'Etat, qui apparaît en contradiction avec l'objectif avancé par le Président de la République, tendant à s'appuyer sur le secteur associatif, auquel les Français sont très attachés, pour réduire la fracture sociale. (N° 617.)
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ma question concerne les nouvelles dispositions relatives aux objecteurs de conscience.
Il apparaît que les associations qui accueillent des objecteurs durant leur période de service national doivent, à compter de janvier 1997, assurer leur hébergement et leur restauration. N'étant pas en mesure d'assurer de telles prestations, la majorité des associations concernées se voient contraintes de verser une indemnité mensuelle qui ne donne pas lieu à remboursement de la part de l'Etat et se révèle donc constituer une charge très lourde. Or le service national doit rester à la charge de l'Etat, quelle que soit la forme sous laquelle il est effectué.
Mme Gisèle Printz. Absolument !
M. Daniel Hoeffel. Par ailleurs, le délai d'application de cette décision est fort court et plusieurs associations qui s'étaient engagées à accueillir des objecteurs avant de connaître ces nouvelles dispositions se trouvent aujourd'hui devant le fait accompli.
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. Madame le ministre, des mesures compensatoires sont-elles prévues pour limiter les conséquences de ce désengagement de l'Etat, alors que le rôle du secteur associatif reste plus que jamais essentiel dans le domaine social ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. La réforme des conditions de prise en charge des objecteurs de conscience qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1997 répond à une double préoccupation, à savoir le souci d'harmoniser les modalités de financement des différentes formes de service à finalité civile et la nécessité de veiller plus strictement à ce que les fonctions confiées aux objecteurs de conscience répondent à un véritable besoin social.
S'agissant du problème particulier de l'hébergement et de la restauration des objecteurs de conscience que vous avez évoqué, monsieur Hoeffel, les représentants des associations ont été appelés à faire connaître leur point de vue sur les nouvelles dispositions préalablement à leur mise en application et les organismes d'accueil en ont été informés individuellement en temps utile.
Ces dispositions ne concernent que les jeunes gens affectés après le 1er janvier 1997. Les dépenses d'entretien des personnes affectées avant cette date seront prises en charge par l'Etat dans les conditions antérieures.
Le Gouvernement est soucieux d'éviter qu'un certain nombre d'organismes et notamment d'associations ne soient conduits à interrompre des actions revêtant un intérêt social manifeste, en raison du nouveau régime de prise en charge des objecteurs de conscience. A cet égard, des instructions ont été données aux différents services de l'Etat.
Le Gouvernement a, par ailleurs, manifesté sa volonté de voir réduits de manière significative les délais de règlement par l'Etat des sommes dont il est redevable à l'égard des organismes d'accueil. Ce point important a été soulevé à plusieurs reprises.
A cet effet, un crédit de 174 millions de francs a été voté par le Parlement dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1996 et 26 millions de francs ont été dégagés par redéploiement, tandis qu'un crédit de 201 millions de francs a été inscrit en loi de finances initiale pour 1997.
La réforme mise en oeuvre, si elle vise à clarifier les responsabilités des différents acteurs, ne porte en rien atteinte au droit que possède tout individu appelé à effectuer son service national de se déclarer objecteur de conscience ni au statut des intéressés.
Au-delà des modalités de prise en charge des objecteurs de conscience ce sont sur les conditions de financement des associations qu'il convient donc de s'interroger.
Dès son entrée en fonctions, M. le Premier ministre a souhaité faciliter le développement de la vie associative dans notre pays. A partir des conclusions du Conseil national de la vie associative, un certain nombre de mesures ont été prises au début de l'année 1996.
C'est ainsi notamment qu'ont été renforcées les dispositions fiscales visant à inciter les particuliers et les entreprises à effectuer des dons aux associations. Par ailleurs, les crédits du Fonds national de développement pour la vie associative ont été doublés. Il a également été institué la possibilité pour les associations de bénéficier de conventions pluriannuelles. Enfin, des exonérations de taxe sur les salaires ont été prévues en faveur des petites associations.
En dépit d'un contexte budgétaire difficile, l'effort en faveur des associations a donc été maintenu, voire accentué dans un certain nombre de domaines jugés prioritaires. Je tiens à vous réaffirmer que le Gouvernement entend permettre aux associations de jouer pleinement le rôle qui doit être le leur dans notre société. On sait à quel point ce rôle est important pour favoriser la participation, le dialogue et la poursuite d'objectifs à finalité humanitaire et sociale.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Je vous remercie, madame le ministre, des éléments de réponse que vous avez bien voulu me donner.
Je ne nie bien évidemment pas les contraintes qui ont amené le Gouvernement à prendre un certain nombre de dispositions d'ordre financier concernant en particulier les objecteurs de conscience qui travaillent dans des associations.
Je vous remercie également de veiller à ce qu'en aucune manière la continuité du travail - ô combien utile ! - accompli par les associations ne soit entravée. Je souhaite qu'à l'avenir les moyens nécessaires à la préservation de cette indispensable continuité puissent être assurés au monde associatif envers lequel nous devons éprouver une profonde reconnaissance.

REMBOURSEMENT DU DÉPISTAGE DU CANCER
DU COL DE L'UTÉRUS

M. le président. Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la décision de limiter le remboursement de la cytologie du dépistage du cancer du col de l'utérus à un examen triennal.
Elle lui rappelle que deux mille femmes meurent chaque année de ce cancer qui présente au moins six mille nouveaux cas par an. Elle lui rappelle également que ce cancer diagnostiqué et traité très tôt est un cancer guérissable.
Elle lui demande donc quelles mesures il envisage pour autoriser une prescription médicale annuelle d'examen avec remboursement par la sécurité sociale et abrogation de la référence médicale opposable - RMO - correspondante.
Elle lui demande, enfin, s'il n'estime pas nécessaire et possible d'organiser une grande campagne d'information et de dépistage gratuit du cancer ou tumeur du col de l'utérus. (N° 600.)
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame le ministre, la question que j'ai déposée le 4 mars dernier est claire. Je vous demandais si vous envisagiez d'autoriser une prescription médicale annuelle, et non plus triennale, avec remboursement par la sécurité sociale de la cytologie du dépistage du cancer du col de l'utérus, autrement dit, si la référence médicale opposable correspondante serait abrogée, ce qui semblait être envisagé dernièrement par le ministère.
Depuis, a été publié au Journal officiel des lois et décrets du 29 mars 1997 le texte de la nouvelle convention médicale, dans lequel cette référence médicale opposable est maintenue, avec une remarque qui semble d'ailleurs viser le dépistage du cancer du col de l'utérus par frottis cervical.
Il est tout à fait exact qu'un effort d'information doit être fait en direction de toutes les femmes ; personne ne le conteste. Les médecins et les femmes le réclament, puisque 45 % des Françaises ne font l'objet d'aucun dépistage. Pour réduire le nombre de cancers invasifs, il convient bien entendu de généraliser et non de réduire le nombre de frottis réalisés, comme c'est la tendance actuelle.
Le numéro 212 de la Lettre du gynécologue précise que, selon les laboratoires, une baisse de 10 % à 50 % du nombre de frottis est à noter pour l'année 1995. Or la conséquence est la suivante : moins de lésions cancéreuses, précancéreuses et d'infections ont été dépistées, mais leur nombre croît dans les faits, ce qui démontre à l'évidence que le dépistage, pour être amélioré, doit concerner toutes les femmes - c'est une question de santé publique -, mais sans que soit fixé un délai arbitraire. Cette double condition peut être satisfaite par l'ouverture de la possibilité de procéder à un examen annuel remboursable.
En effet, madame le ministre, le délai triennal imposé ne correspond en rien aux réalités médicales : les statistiques démontrent que le dépistage a permis, pour l'année 1994, de mettre en évidence une pathologie à potentiel cancéreux dans 0,56 % des cas, soit 0,29 % de lésions graves d'emblée et 0,27 % de lésions persistantes au deuxième contrôle. Ajoutons à cela qu'une pathologie infectieuse a pu être mise en évidence avec identification immédiate du germe dans 4,60 % des cas.
Bien entendu, madame le ministre, derrière ces pourcentages, il y a des femmes. J'ai ici des lettres de médecins qui témoignent de leur situation. Ces chiffres démontrent à l'évidence l'inadaptation et les dangers des instructions accompagnant la nouvelle convention et la RMO confirmée, que je cite : « Il n'y a pas lieu de répéter un frottis réalisé dans les conditions techniques suffisantes plus d'une fois tous les ans. »
En conséquence, madame le ministre, je vous renouvelle ma question : envisagez-vous, enfin, d'annuler cette référence médicale opposable ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Madame le sénateur, il est vrai qu'il existe encore un taux élevé de mortalité féminine par cancer du col utérin, même s'il a été possible d'enregistrer une baisse significative de ce taux au cours des quinze dernières années, avec une chute de 33,5 % du nombre des cancers du col entre 1982 et 1992.
Cette réduction est sans conteste largement imputable à la pratique des frottis de dépistage. Il faut souligner à ce sujet qu'environ 6 millions de frottis sont pratiqués annuellement, ce qui devrait permettre un dépistage correct de ce type de cancer parmi l'ensemble de la population féminine pour peu que ces examens soient harmonieusement répartis. Or les frottis sont, pour l'essentiel, effectués sur des femmes jeunes, en période d'activité génitale et sous contraception, alors que, incontestablement, les femmes de plus de cinquante ans ne bénéficient qu'insuffisamment de ce dépistage.
C'est pourquoi, afin d'améliorer encore l'efficacité du dépistage du cancer du col de l'utérus, le Gouvernement a demandé un rapport sur ce sujet au Conseil national du cancer. Ce rapport, remis au mois de juin 1996, a notamment conclu à la justification de la référence médicale opposable, élaborée par les parties conventionnelles en mars 1995, dont vous demandez, madame Beaudeau, l'abrogation.
Le Gouvernement a récemment approuvé par arrêté la nouvelle convention médicale, qui comporte en annexe l'ensemble des références rendues opposables, depuis la convention de 1993, par les partenaires conventionnels.
Parallèlement à la prise de cet arrêté d'approbation, mes collègues Jacques Barrot et Hervé Gaymard ont demandé - et je crois que c'est très important - à l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale d'examiner l'ensemble de ces références médicales opposables, sans distinction aucune parmi ces références, à fin de validation scientifique. Le Gouvernement transmettra évidemment sans délai l'avis, une fois obtenu, aux parties conventionnelles.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je suis obligée de vous dire, madame le ministre, que votre réponse ne se justifie ni du point de vue scientifique ni du point de vue humain.
Du point de vue scientifique, une patiente sur neuf présentant une cytologie atypique développe, selon les médecins, une lésion dans un délai d'un an.
Du point de vue humain, le rapport de un à neuf appliqué au nombre de dépistages national - vous avez cité le chiffre de six millions - fait que 1 860 femmes supplémentaires développent une lésion à haut risque d'évolution vers un cancer invasif en cas de frottis tous les ans. Si l'on applique ces statistiques à l'ensemble des Françaises, c'est la vie de plusieurs milliers d'entre elles qui est en jeu.
Je sais bien qu'il y a débat, madame le ministre. Vous dites d'ailleurs vous-même qu'une validation scientifique et des recherches sont encore en cours.
En ce qui concerne les éventuels facteurs de risque, le débat existe donc. Cela dit, ne faudrait-il pas, comme le pensent les médecins, conclure un protocole d'accord afin d'améliorer la qualité des frottis et de réduire les risques ?
Je sais bien qu'il y a débat, puisque, le 19 février, le conseiller technique de M. Gaymard a déclaré à une délégation à laquelle j'appartenais - je puis donc en témoigner puisque j'étais présente - que cette RMO ne sera pas reconduite et qu'on en reviendrait à la situation antérieure hors RMO.
Par ailleurs, le 24 février, l'AFP publiait une dépêche du ministère de la santé selon laquelle « l'annulation de la RMO n'est pas exclue, mais elle n'est pas non plus décidée ».
Vous n'avez donc pas véritablement répondu ce matin à ma question, madame le ministre.
Fait plus grave, la convention médicale est désormais publiée au Journal officiel et 4 000 femmes, selon les chiffres actuels, risquent d'être sacrifiées. Un gynécologue m'a écrit qu'il serait criminel de ne pas abroger cette RMO. Aussi, je vous demande, madame le ministre, d'être l'interprète de mon groupe auprès du Gouvernement pour que cette RMO soit abrogée.
M. Claude Billard. Très bien !

RETRAITE À CINQUANTE-CINQ ANS

M. le président. Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur l'existence d'un certain nombre de régimes spéciaux de sécurité sociale versant une pension de retraite dès l'âge de cinquante-cinq ans : SNCF, RATP, EDF, marins, mineurs, Opéra de Paris. Elle lui fait remarquer que, depuis 1996, les routiers ont à leur tour obtenu la retraite à cinquante-cinq ans. Elle lui fait aussi observer que ces régimes spéciaux ont fondé leur décision sur la pénibilité du travail.
Dans le cadre d'une telle analyse, elle lui demande quelles mesures il envisage pour accorder la retraite à cinquante-cinq ans aux travailleurs handicapés, aux accidentés, aux salariés du secteur de l'amiante, qui rencontrent les mêmes caractères de pénibilité dans l'exercice de leur fonction. (N° 622.)
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame le ministre, la retraite à cinquante-cinq ans a fait l'objet de très nombreux débats depuis une dizaine d'années. L'aggravation du chômage a mis ce point au coeur d'une réflexion sur la nécessité de créer des emplois nouveaux. Le prétexte de l'âge trop élevé d'une personne pour refuser son embauche plaide en faveur de l'abaissement de l'âge de la retraite comme une solution souhaitable et possible. La pratique des départs en préretraite institutionnalise cette solution que tous les plans sociaux, avec l'accord du Gouvernement, retiennent.
Cette question est donc bien réelle. Le Gouvernement ne vient-il d'ailleurs pas de le reconnaître lors des négociations engagées avec les chauffeurs routiers, du fait de la pénibilité de leur travail ?
Dans le passé, des gouvernements se réclamant de la gauche ou de la droite ont effectivement considéré la retraite à cinquante-cinq ans, voire à cinquante ans, comme une solution juste et possible.
A la SNCF, à la RATP, à EDF, des astreintes, un travail pénible, des horaires et des temps de travail attachés aux exigences du service public ont justifié des départs à la retraite à cinquante et à cinquante-cinq ans.
Pour les marins et les mineurs, la notion de pénibilité entraînant une « usure » prématurée de l'homme a été retenue comme élément de réparation.
A l'Opéra de Paris, des horaires et des temps de travail ne souffrant ni réserve ni atténuation ont été déterminants.
C'est la préservation de la vie de l'homme qui a été retenue. En conséquence, madame le ministre, ne pensez-vous pas que cette préservation de la vie est applicable à d'autres catégories de citoyens dans notre pays ? Les handicapés sont plus de cinq millions en France. Ils ont conquis, notamment avec la loi de 1977, de nouveaux droits : droit au travail, droit à une allocation décente de handicapé, droit aux transports.
Combien sont-ils actuellement, parmi ceux qui occupent un emploi, à pouvoir bénéficier de cette disposition ? Des associations de personnes handicapées ne parviennent pas à obtenir ce chiffre, qui ne doit d'ailleurs pas être très élevé.
Nous vous proposons de définir un droit nouveau pour ces salariés handicapés : celui de la retraite à cinquante-cinq ans. Ce droit rejoindrait celui qui est reconnu aux travailleurs subissant des conditions de travail particulièrement dures ou éprouvantes. Quand on est travailleur handicapé, on fait plus d'efforts, on s'« use » plus vite. Leur accorder un repos anticipé constituerait une simple reconnaissance de bon sens et serait aussi une décision humaine vis-à-vis de citoyens faisant beaucoup plus d'efforts que les autres. Considérez un travailleur qui a été atteint, dans son jeune âge, de poliomyélite et qui a travaillé toute sa vie : ne peut-on lui donner quelques années de repos de plus en termes de compensation d'efforts supplémentaires que personne ne conteste ?
Les travailleurs accidentés ayant pu se réintégrer dans la vie professionnelle ne pourraient-ils pas également être reconnus comme supportant une « usure » plus grande et prématurée ?
Je vous propose également de retenir le cas des travailleurs du secteur de l'amiante comme pouvant bénéficier d'une telle mesure d'avancement de l'âge de la retraite.
Dans une réponse que m'a adressée M. le ministre du travail et des affaires sociales, il m'a été répondu que, « pour les conditions du droit à la retraite des travailleurs handicapés, le Gouvernement est conscient de la situation des travailleurs entrés précocement dans la vie active, y compris dans ce qu'elle comporte d'exposition aux contraintes de la production ». « Le droit à la retraite à taux plein à soixante ans dans le régime général reconnu depuis le 1er avril 1983 tient compte en priorité de ces catégories de droits des travailleurs. »
Je sais, madame le ministre, que vous ne contestez pas la nécessité, pour les travailleurs handicapés, accidentés ou exposés à l'amiante, de voir reconnu leur handicap et de disposer d'aides supplémentaires afin de pouvoir vivre normalement ou tout simplement, parfois, survivre.
Il convient donc de décider de porter à cinquante-cinq ans la retraite pour les travailleurs handicapés, comme le demandent, vous le savez, toutes les associations de personnes handicapées.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Madame le sénateur, l'âge de la retraite constitue un problème important. La France est d'ailleurs l'un des pays de l'Union européenne où l'âge de la retraite est déjà le plus bas. Aller au-delà en abaissant encore celui-ci, même pour une catégorie déterminée, aussi méritante soit-elle, est incompatible avec la situation financière actuelle de la branche vieillesse du régime général comme avec celle des régimes complémentaires.
Il convient cependant de souligner qu'il existe des conventions de préretraite progressive qui permettent à un salarié âgé d'au moins cinquante-cinq ans de voir transformer son emploi à temps plein en emploi à temps partiel. En contrepartie de cette réduction d'activité, ce salarié bénéficie d'une allocation de préretraite progressive versée par l'ASSEDIC.
Par ailleurs, le dispositif de la cessation anticipée d'activité, mis en place par les partenaires sociaux lors de l'accord du 6 septembre 1995 et renouvelé le 19 décembre 1996, permet le départ des salariés totalisant cent soixante trimestres et plus de cotisations aux régimes de base d'assurance vieillesse en contrepartie d'embauches équivalentes. Les bénéficiaires de cette mesure ne perçoivent pas de manière anticipée leur pension de retraite, mais ils reçoivent jusqu'à l'âge de soixante ans une allocation de remplacement égale à 65 % du salaire mensuel moyen brut des douze derniers mois.
En ce qui concerne les transporteurs routiers de marchandises justifiant de certaines conditions, c'est un dispositif spécifique de congé de fin d'activité, et non de retraite anticipée, qui sera mis en place en 1997.
J'en viens aux autres aspects que vous avez évoqués, madame le sénateur.
M. Jacques Barrot vous a répondu sur la question des travailleurs handicapés. Nous sommes très attentifs à la situation particulière de ces personnes. La préoccupation humaine est bien évidemment essentielle, et nous avons lancé une concertation approfondie sur l'ensemble de la situation des handicapés, notamment celle des handicapés au travail. Ces travaux sont actuellement menés en lien avec toutes les personnes concernées, plus particulièrement le milieu associatif.
Par ailleurs - vous le savez certainement puisque vous suivez très attentivement ces questions, madame le sénateur - diverses dispositions en matière de sécurité sociale tiennent compte de la situation des personnes handicapées.
Ainsi, les personnes handicapées exerçant une activité professionnelle et dont l'état de santé conduit à une réduction ou à la cessation de cette activité peuvent demander la révision du montant de la prestation dont elles bénéficient - l'allocation aux adultes handicapés - voire un changement de catégorie de la pension d'invalidité.
De surcroît, elles bénéficient à soixante ans d'une pension de vieillesse liquidée au taux plein quelle que soit leur durée d'assurance.
Enfin, les personnes reconnues inaptes au travail peuvent bénéficier dès soixante ans du minimum vieillesse par dérogation au dispositif de droit commun, qui prévoit son attribution à compter de l'âge de soixante-cinq ans.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'abaissement de l'âge de la retraite pour les assurés relevant du régime général et ayant exercé des métiers pénibles paraît difficilement envisageable.
Je vous rappelle néanmoins que la concertation actuellement en cours sur la situation des travailleurs handicapés, qui nous préoccupe tous, permet l'échange de réflexions.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame le ministre, votre réponse me semble bien imprécise, dilatoire et même - permettez-moi de le dire - quelque peu irresponsable.
Elle est tout d'abord imprécise : en effet, vous persistez à prétendre que des avantages seraient consentis pour une diminution, voire une cessation d'activité professionnelle, mais vous n'allez pas jusqu'à conclure à la possibilité d'une retraite à cinquante-cinq ans pour les travailleurs handicapés.
Votre réponse est également dilatoire : vous prenez prétexte de la situation financière des régimes de retraite pour refuser de prendre une décision de caractère humain et social.
Votre réponse est enfin irresponsable : vous persistez à permettre la cessation d'activité pour des salariés inscrits dans des plans sociaux par des entreprises procédant à des restructurations et à des licenciements, et qui, eux, réclament la poursuite de leur activité - c'est peut-être pour cela, d'ailleurs, que la France est le pays d'Europe affichant l'âge le plus bas pour les mises à la retraite - et à refuser de porter l'âge de la retraite à cinquante-cinq ans pour les travailleurs handicapés, lesquels exercent leur activité dans des conditions pénibles.
Les demandes des syndicats et des associations relatives aux travailleurs handicapés pourraient faire l'objet d'une discussion, et un plan d'application progressif pourrait être envisagé.
Pourquoi ne demandez-vous pas sans attendre que toute personne handicapée titulaire de la carte d'invalidité au taux minimal de 80 % et exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle soit autorisée à partir à la retraite à cinquante-cinq ans ? Les intéressés sont peu nombreux, madame le ministre. Nous proposons qu'il soit appliqué au trimestre validé un coefficient de 1,334 tant pour les retraites vieillesse que pour les retraites complémentaires ; ce calcul vaut ce qu'il vaut, mais il n'en mérite pas moins d'être étudié.
D'ailleurs, madame le ministre, vous savez bien que je ne suis pas la seule à formuler cette demande. En effet, plusieurs députés de la majorité ont déposé une proposition de loi visant à faire bénéficier de la retraite à cinquante-cinq ans les travailleurs handicapés ayant une carte d'invalidité d'au moins 80 % pour cause de pénibilité de leur emploi.
Je pense, madame le ministre, que tant la politique du Gouvernement en faveur de l'emploi que les personnes handicapées y trouveraient leur compte.

MISE AUX NORMES EUROPÉENNES
DES ÉQUIPEMENTS DE TRAVAIL

M. le président. M. Jean-Claude Carle interroge M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la directive européenne du 30 novembre 1989 ainsi que sur l'article 6 du décret du 11 janvier 1993 qui font obligation aux chefs d'entreprise de mettre aux normes leurs équipements de travail. La date d'échéance pour cette mise en conformité a été fixée au 1er janvier 1997. Ce délai, pour nombre d'entreprises, n'était ni réalisable techniquement ni supportable financièrement et, en conséquence, des conventions partenariales ont été négociées par le ministre avec différentes branches professionnelles. Les entrepreneurs de notre pays lui en sont reconnaissants et tiennent à lui exprimer leurs remerciements pour son attitude réaliste et responsable.
Cependant, leurs inquiétudes demeurent, car les réponses apportées en la matière par certaines administrations locales compétentes, et notamment les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, à la suite du dépôt d'un plan collectif, restent particulièrement floues. Voici une citation : « Je vous précise à toutes fins utiles que la présente ne vaut ni approbation ni désapprobation de votre plan ou déclaration et que ce dépôt ne peut vous exonérer de vos éventuelles responsabilités, notamment en cas d'accident. » En cas d'accident, la responsabilité du chef d'entreprise serait-elle alors engagée ?
Cette inquiétude est d'autant plus grande à l'égard de l'embauche éventuelle d'un apprenti, et ce compte tenu des approches différentes du ministère de l'éducation nationale.
A un moment où, sous votre autorité, un effort sans précédent et tout à fait justifié est engagé pour développer l'apprentissage, l'alternance et une meilleure connaissance de l'entreprise pour nos jeunes, il semble nécessaire de lever toutes formes d'ambiguïtés. Il le remercie donc des précisions qu'il voudra bien lui apporter afin de rassurer celles et ceux qui contribuent au développement économique de notre pays et permettent aux jeunes, en particulier, d'avoir accès à ce droit fondamental qu'est l'emploi. (N° 623.)
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la directive européenne du 30 novembre 1989 ainsi que l'article 6 du décret du 11 janvier 1993 font obligation aux chefs d'entreprise de mettre aux normes leurs équipements de travail. La date d'échéance pour cette mise en conformité a été fixée au 1er janvier 1997. Ce délai, pour nombre d'entreprises, n'était ni réalisable techniquement ni supportable financièrement.
C'est la raison pour laquelle, madame le ministre, vous avez négocié des conventions partenariales avec les différentes branches professionnelles. Les entrepreneurs de notre pays en sont reconnaissants et tiennent à vous exprimer leurs remerciements pour votre attitude réaliste et responsable.
Cependant, leurs inquiétudes demeurent, car les réponses apportées en la matière par certaines administrations locales compétentes, notamment les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, à la suite du dépôt d'un plan collectif, restent particulièrement floues.
Je vous citerai l'une de ces réponses : « Je vous précise à toutes fins utiles que la présente ne vaut ni approbation ni désapprobation de votre plan ou déclaration et que ce dépôt ne peut vous exonérer de vos éventuelles responsabilités, notamment en cas d'accident. » Est-ce à dire que, dans ce cas, la responsabilité du chef d'entreprise serait engagée, madame le ministre ?
Cette inquiétude est d'autant plus grande à l'égard de l'embauche éventuelle d'un apprenti et ce, compte tenu des approches différentes du ministère de l'éducation nationale.
A un moment où, sous votre autorité, un effort sans précédent et tout à fait justifié est engagé pour développer l'apprentissage, l'alternance et une meilleure connaissance de l'entreprise pour nos jeunes, il semble nécessaire de lever toutes formes d'ambiguïtés.
Je vous remercie donc, madame le ministre, des précisions que vous voudrez bien m'apporter afin de rassurer celles et ceux qui contribuent au développement économique de notre pays et permettent aux jeunes, en particulier, d'avoir accès à ce droit fondamental qu'est l'emploi.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, vous m'avez fait part des inquiétudes d'un certain nombre d'entrepreneurs concernant la mise en conformité des équipements de travail.
En premier lieu, vous me demandez dans quelle mesure un chef d'entreprise voit sa responsabilité engagée, en cas d'accident du travail survenant sur un équipement dont, conformément à l'échelonnement retenu par le plan collectif de sa branche professionnelle, la mise en conformité était programmée pour plus tard.
Les conventions partenariales conclues avec les différentes branches ont déterminé des priorités et un échelonnement des réalisations pour la mise en conformité des équipements, de nature à réduire au plus vite les risques les plus importants.
Si cela n'écarte pas évidemment l'éventualité d'un contentieux civil ou pénal, le juge sera toutefois appelé à prendre en considération toutes les circonstances de la cause.
Il devra notamment examiner les mesures prises en termes d'organisation du travail et de la production pour pallier les risques engendrés par un équipement dont la conformité, par hypothèse, n'aurait pas encore été réalisée. Le juge devra également tenir compte de l'implication réelle et de bonne foi du chef d'entreprise dans la mise en oeuvre du plan collectif auquel il a souscrit.
La portée de cet élément d'appréciation est d'autant plus grande que la mise en oeuvre de ce plan s'inscrit dans une démarche partenariale, consacrée par la loi. C'est un point tout à fait important, et je pense que vous pouvez le rappeler aux entrepreneurs qui vous ont fait part de cette inquiétude.
En second lieu, vous faite état de la situation particulière des apprentis et de manière plus générale des jeunes en alternance qui ont à travailler sur des machines.
Les plans collectifs réalisés par les branches artisanales couvrent l'ensemble des entreprises des secteurs d'activité considérés, toutes catégories de personnel confondues. Les entreprises qui emploient des jeunes ne sont donc pas liées par les conditions de mise en oeuvre spécifiques suivie par l'éducation nationale dans les établissements d'enseignement.
Le fait pour une entreprise de développer l'apprentissage ou l'alternance n'a pas d'incidence sur l'économie générale des réalisations de mise en conformité des équipements à laquelle l'entrepreneur s'est engagé.
En matière de sécurité, néanmoins, les entrepreneurs doivent prendre en considération la formation et la qualification de leurs personnels.
S'agissant de jeunes travailleurs qui ne disposent pas encore d'un métier, une vigilance toute particulière s'impose. L'état des équipements doit, bien sûr, être pris en compte, allié à des mesures d'encadrement et d'organisation du travail appropriées.
M. Jacques Barrot et moi-même sommes très attachés à ce que les entreprises développent l'apprentissage et l'alternance en conciliant leurs nécessités de fonctionnement avec les impératifs pédagogiques et la protection de la sécurité des jeunes, qui est un impératif absolu.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je souhaite simplement remercier Mme le ministre des précisions qu'elle vient d'apporter et qui visent à rendre un peu plus claire la situation. Peut-être inciteront-elles les entreprises à embaucher, en supprimant des freins et en levant un certain nombre de contraintes ou d'appréhensions.

PROTECTION DE LA JEUNESSECONTRE
LES COMPORTEMENTS DÉVIANTS OU DANGEREUX

M. le président. M. Jean-Paul Hugot rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, que la signalétique pour la protection de l'enfance et de l'adolescence à la télévision est un premier pas attendu depuis longtemps en direction d'un meilleur contrôle des émissions de télévision de nature à porter atteinte gravement à la sensibilité des plus jeunes et des adolescents.
Cette politique de prévention engagée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, et appliquée par TF 1, France 2, France 3 et M 6 a le grand mérite de mettre en garde le spectateur contre les émissions de type violent ou pornographique par un effort de responsabilisation à la réception.
Ces mesures vont dans le bon sens, mais elles ne sont pas suffisantes.
Dans le cadre du prochain projet de loi relatif à la prévention et à la sanction contre les abus sexuels à l'égard des jeunes enfants et des adolescents, il souhaite savoir quelle politique le Gouvernement entend mener pour remédier à ces travers, desquels résultent un encouragement ou une incitation aux comportements déviants et dangereux dont la presse se fait de plus en plus l'écho. (N° 613.)
La parole est à M. Jean-Paul Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Madame le ministre, ma question concerne la prévention à l'égard des atteintes à l'intégrité de la jeunesse.
En France, 65 000 nouveaux cas d'enfants en danger ont été recensés en 1995, contre 58 000 l'année précédente ; 20 000 enfants ont été maltraités en 1995, contre 17 000 en 1994.
Nous constatons donc une détestable évolution, d'autant que sur ces 20 000 cas on dénombre 5 500 cas de violence avec sévices sexuels, en augmentation de plus de 20 % par rapport à l'année précédente. En ce qui concerne les violences psychologiques et physiques, la progression est du même ordre. Je rappelle que, le mois dernier, un vaste réseau de pédophilie a été découvert. Celui-ci concerne les trois quarts de nos départements, et plusieurs milliers de cassettes vidéo de films classés X ont été saisies. Il existe donc - nous en sommes désormais convaincus - un lien très étroit entre prostitution adulte ou enfantine, pédophilie, proxénétisme et pornographie.
Ces pratiques détestables utilisent des supports qui sont à la portée de tous, notamment des plus jeunes. En France, par l'intermédiaire des « messageries roses », des enfants sont violés, moyennant rémunération. C'est pourquoi de nombreuses associations se sont constituées partie civile dans le cadre de poursuites engagées contre certaines annonces Minitel comme celles-ci : « Jeune fille de treize ans à offrir pour initiation » ou « Mes enfants de treize et onze ans intéressés pour prochaine réunion », annonces que je me fais obligation d'évoquer.
S'agissant du réseau Internet, la fréquentation moyenne d'un site est de 1 500 personnes par jour. Or, pour un site classé X, elle est de l'ordre de 1,5 à 1,7 million de personnes. On voit l'ampleur du risque.
Il s'agit donc de savoir vers quelles mesures de prévention nous nous acheminons, et, je l'espère, rapidement. En effet, nous semblons assister à une sorte de normalisation de la dépravation. La seule disposition notable prise en matière de prévention est la signalétique imposée par le CSA, le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Il s'agit certes d'un premier pas, mais cela est loin d'être suffisant.
Nous comprenons bien que le Gouvernement ait jugé bon de s'engager avec fermeté contre toute forme de violence et de mauvais traitement infligés aux enfants, en faisant de l'enfance maltraitée la grande cause nationale de 1997.
Madame le ministre, toute la responsabilité ne saurait être rejetée sur les nouveaux moyens de communication. Cependant, ils servent de support, encouragent ou facilitent ces violences. Parmi ces nouveaux moyens de communication figurent le réseau Internet et le Minitel.
En réalité, presque tous les agresseurs sont atteints de troubles graves de la personnalité. Ces publicités ou ces messageries ne sont donc pas à l'origine de leurs troubles. Cependant, comme on peut le lire dans les rapports, cette débauche d'articles et d'images constitue une source d'aggravation des dérèglements de la personnalité et de déclenchement de pulsions perverses. Voilà pourquoi je poserai deux questions.
La première concerne le contrôle des services audiovisuels en ligne multimédia qui utilisent les réseaux filaires et qui touchent notamment Internet et le Minitel. La loi Fillon avait abordé cette question et, au lieu d'emprunter la voie d'un contrôle institutionnel et réglementaire, elle a préconisé une démarche volontaire devant aboutir à une charte de déontologie et invitant, au fond, à l'autorégulation.
La question est de savoir si cela suffit. Ne pourrions-nous pas imaginer une sorte de contrôle qui concernerait non seulement le transporteur des données ou le fournisseur d'accès, mais aussi l'éditeur de services ou même le serveur ? Ne faut-il pas imaginer un véritable contrôle des contenus, avec une dimension institutionnelle et réglementaire ?
La seconde question concerne l'existence d'une commission dont la mission pourrait aujourd'hui présenter un caractère d'actualité particulier et qui a été mise en place par la loi de 1949 relative aux publications destinées à la jeunesse. Cette loi préconise que cette commission signale aux autorités toute infraction et tout agissement de nature à nuire, par voie de presse, à l'enfance ou à l'adolescence. Il me semble que la notion de publication recouvre aujourd'hui non plus uniquement la presse, et encore moins la seule presse destinée à l'enfance, mais tout message, toute information accessible à l'enfance et lui faisant courir des risques particuliers.
Quel est donc le fonctionnement actuel de cette commission ? S'est-elle récemment réunie ? Quels sont les membres qui la composent ? Peut-on compter sur elle, ou doit-elle être renouvelée, pour apporter des réponses à l'inquiétude qui étreint la population française ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, vous abordez un sujet tout à fait important, sur lequel, comme vous le savez, le Gouvernement s'est mobilisé. M. le Premier ministre lui-même, vous le rappeliez tout à l'heure, a souhaité que l'année 1997 soit consacrée aux problèmes auxquels les enfants sont aujourd'hui confrontés. Il faut donc que 1997 soit l'année de l'enfant.
Mon collègue M. Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice, souhaite réaffirmer par ma voix que la protection de nos enfants dans les moyens modernes d'information et de communication fait bien partie de nos préoccupations constantes.
Il n'est peut-être pas inutile, dans ce domaine-là, de rappeler rapidement dans quel contexte nous nous situons.
Dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en effet, la loi du 16 juillet 1949 a institué une surveillance de la presse destinée à la jeunesse. Cette surveillance a été confiée à une commission paritaire qui donne un avis au ministère de l'intérieur sur les mesures d'interdiction susceptibles d'être prises.
Selon le cas, vous le savez, il peut s'agir non seulement d'un arrêté d'interdiction de proposer, donner ou vendre à des mineurs de moins de dix-huit ans des publications considérées comme dangereuses pour la jeunesse, mais également d'une interdiction d'exposition à la vue du public ainsi que de toute publicité en leur faveur.
Quant aux films cinématographiques, ils sont soumis aux dispositions de l'ordonnance du 3 juillet 1945, qui subordonne la représentation et l'exportation des films à un visa d'exploitation délivré par la Commission nationale du cinéma.
Plus récemment, le constat que la violence à la télévision était unanimement décriée a conduit à la mise en place d'un dispositif dit de classification et de programmation des émissions depuis le 18 novembre 1996 sur les chaînes nationales hertziennes. Vous y faisiez référence tout à l'heure.
C'est ainsi que TF 1, France 2, France 3 et M 6 se sont dotées de comités de visionnage dont la mission est de classer les films, téléfilms, séries, bandes dessinées et documentaires en fonction du degré de violence constaté puis d'attribuer le pictogramme approprié ainsi que le créneau de diffusion adéquat.
Dans ce dispositif, les films pornographiques ou comportant des scènes d'extrême violence, susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, sont exclus de toute diffusion.
A terme, il est envisagé de faire adopter ce régime de classification et de programmation par l'ensemble des chaînes de télévision, y compris celles qui disposent actuellement de pictogrammes propres comme Canal Plus.
Monsieur le sénateur, nous vous l'accordons volontiers, la protection de la jeunesse demeure - des faits encore récents le démontrent - lacunaire, certains produits n'étant pas concernés. Ainsi, les produits vidéo, tels les vidéocassettes, les jeux électroniques ou encore les vidéodisques, continuent à ce jour, malheureusement, à échapper à toute réglementation, situation qui doit, évidemment, être remise en cause.
C'est pourquoi, pour répondre aux légitimes inquiétudes des parents, des familles, mais aussi, bien sûr, de toutes les personnes qui oeuvrent en direction de la protection des mineurs, l'avant-projet de loi renforçant la prévention et la répression des atteintes sexuelles commises sur les mineurs et des infractions portant atteinte à la dignité de la personne prévoit une surveillance de ces produits vidéo, qui sera organisée à l'image de la surveillance de la presse pour enfants dont j'ai parlé tout à l'heure.
L'examen de ces produits sera en effet soumis à une commission administrative chargée de donner des avis au ministre de l'intérieur sur les mesures d'interdiction à prendre.
Enfin, je réponds à la seconde partie de votre question, monsieur le sénateur : par arrêté motivé, le ministre pourra interdire de proposer, donner, louer ou vendre à des mineurs tout produit vidéo présentant un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination et à la haine raciales, à l'incitation, à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants, tous éléments qui concourent, bien évidemment, au même type de situation.
La mesure prise pourra également emporter interdiction de toute publicité en direction du produit concerné.
Ainsi que vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, la protection de la jeunesse dans les moyens modernes d'information et de communication n'est nullement assimilable au non-droit, bien au contraire ! Et encore n'ai-je pas le temps d'évoquer ici, en cet instant, l'ensemble des sanctions pénales qui accompagnent ces dispositifs de protection.
Il est bien clair que notre vigilance doit également s'exercer sur les services en ligne que vous avez évoqués tout à l'heure. Telle est bien la préoccupation du Gouvernement. Vous avez rappelé la démarche de M. Fillon, mais sachez que, bien entendu, c'est une préoccupation qui est importante compte tenu du développement normal que devraient avoir ces services en ligne.
Je conclurai en disant que le Gouvernement s'est montré diligent dans ce domaine qui, bien évidemment, nous sensibilise tous, à savoir la protection judiciaire de nos enfants, y compris sur des canaux qui, aujourd'hui, sont peut-être mal contrôlés. Le véritable enjeu est bien la protection judiciaire de nos enfants sur les routes et les autoroutes de l'information. A nous de nous montrer vigilants et imaginatifs, à nous de poursuivre le travail législatif qui s'impose dans ce domaine. C'est ainsi que nous assurerons la sécurité de nos enfants !
M. le président. Nous vous remercions, madame le ministre, de cette réponse très documentée...
M. Jean-Paul Hugot. Je demande la parole.
M. le président. Avant de vous donner la parole, monsieur Hugot, qu'il me doit simplement permis de rappeler que dix-huit questions orales sans débat sont inscrites à l'ordre du jour de ce matin et que le règlement du Sénat prévoit que chaque intervenant dispose de trois minutes pour poser sa question et de deux minutes pour répondre au Gouvernement.
La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Madame le ministre, je vous remercie d'avoir répondu de façon aussi précise à ma question.
Je partage votre sentiment sur ce que vous appelez une « approche réglementaire et institutionnelle » par rapport aux risques. Les chartes ou l'autoréglementation ne suffisent pas, la protection qu'elles permettent étant trop hypothétique. Ainsi, malgré le contrôle du CSA par les sigles, les responsables des chaînes diffusent des bandes annonces qui, bien qu'elles puissent être vues par tous les publics et sans limitation, contiennent des scènes scabreuses pour attirer les spectateurs.
L'esprit de la protection est détourné, et il faut donc aller jusqu'à la réglementation, et pourquoi pas jusqu'à la sanction. J'attends donc un renforcement de notre arsenal réglementaire à ce sujet.

POLITIQUE EN MATIÈRE DE DÉCHETS MÉNAGERS

M. le président. M. Josselin de Rohan demande à Mme le ministre de l'environnement de bien vouloir faire le point sur l'évolution de la politique de son ministère en matière de déchets ménagers. (N° 583.)
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Madame le ministre, tant le rapport sur les déchets ménagers présenté à l'Assemblée nationale par M. Ambroise Guellec que votre circulaire du 24 février 1997 relative aux plans d'élimination des déchets suscitent de sérieuses interrogations chez les élus locaux.
Le rapport de M. Guellec - aux conclusions duquel vous avez déclaré souscrire - comporte un certain nombre de critiques dont certaines, fort vives, à l'encontre des quelque quarante plans départementaux publiés à ce jour.
M. Ambroise Guellec dénonce un certain nombre de points : le contenu peu imaginatif de ces plans, qui accorderaient à la technique de l'incinération une place prépondérante, avec des objectifs de valorisation minimalistes ; l'évaluation approximative des coûts d'élimination des ordures ménagères et la sous-estimation des coûts de l'incinération ; l'ossature des plans, qui, dans la définition actuelle du déchet ultime, constitue une incitation à l'incinération dans la mesure où les refus de tri-compostage ne sont pas considérés comme déchets ultimes et ne pourraient, de ce fait, être acceptés en décharge.
Il conclut très logiquement que, si l'on partage cette analyse, il convient de revoir la définition du déchet ultime et d'autoriser la mise en décharge de tous les déchets non traités qui ne présentent pas de caractère polluant dangereux ou qui ont fait l'objet d'une récupération sélective.
Au passage, M. Guellec estime totalement irréaliste l'obligation de fermer en 2002 toutes les décharges non contrôlées faute de solutions de remplacement crédibles.
M. Christian Bonnet. Bien sûr !
M. Josselin de Rohan. Pour tout ce qui se rapporte aux déchets ultimes, madame le ministre, votre circulaire paraît quelque peu elliptique. Si vous y admettez que, « de façon trop systématique, le déchet ultime a été assimilé aux seuls résidus d'incinération de déchets, incinération qui deviendrait alors un traitement obligé avant mise en décharge », vous y indiquez que « la définition du déchet ultime repose sur des critères multiples, complexes et imbriqués... et il conviendra de mieux les préciser ».
Après avoir constaté qu'il y avait décharge et décharge, vous dites que des décharges resteront indispensables dans l'avenir. Mais qui le conteste ?
Aussi, après avoir lu le rapport de M. Guellec et votre circulaire, nous demeurons perplexes.
Permettez-moi une observation : M. Guellec s'est élevé avec sévérité contre la démarche « théorique et déresponsabilisante qui avait présidé à l'élaboration des plans ». Mais la plupart de ces plans ont été conçus, préparés et rédigés avec le concours de l'administration, et, bien souvent, des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement - les DRIRE - ou de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - l'ADEME. Partagez-vous, sur ce point, le sentiment de M. Guellec ?
Comment les collectivités locales peuvent-elles agir, comme vous le souhaitez, pour diminuer la production d'ordures ménagères en réduisant, par exemple, la diffusion de prospectus publicitaires et en réemployant les emballages de transport ? Les maires n'ont aucun moyen de pression sur les publicitaires ou les industriels et fabricants d'emballages ! C'est à l'Etat qu'incombe essentiellement la tâche de les inciter ou de les contraindre à changer de pratique.
A ce jour, nous ignorons ce que nous pourrons accepter à l'avenir comme déchets dans les décharges contrôlées. La définition du déchet ultime sera-t-elle celle qui est donnée dans son rapport par M. Guellec ? En avez-vous une autre à nous proposer et, si tel est le cas, laquelle ? En toute hypothèse, nous ne pouvons pas attendre trop longtemps d'être éclairés.
D'une manière plus générale, pouvez-vous nous préciser quelles sont les orientations de votre politique ou ses inflexions ?
L'élaboration des plans départementaux d'élimination des ordures ménagères a souvent été longue et délicate à mettre au point. Aucune collectivité locale ne choisit délibérément de retenir la filière la plus onéreuse pour le seul plaisir de la dépense. Si l'incinération a été retenue, c'est, la plupart du temps, faute d'autres solutions vraiment fiables.
Mais, si l'administration avait d'autres alternatives, pourquoi ne pas les avoir fait connaître plus vite ? La crédibilité des plans approuvés risque d'être affectée par des remises en cause successives de l'administration.
Je crains bien, pour ma part, qu'une bonne partie de l'opinion et un grand nombre d'élus n'en concluent que, puisque l'objectif de fermeture des décharges non contrôlées en 2002 est irréaliste, ces décharges connaîtront encore une longue vie et que, puisque l'incinération est aussi coûteuse, il est préférable pour les agglomérations d'« exporter » leurs déchets en milieu rural plutôt que de financer des usines de traitement.
Soyez assurée, madame le ministre, que nous serons très attentifs aux réponses que vous voudrez bien apporter à ces questions, car l'enjeu est tel et le coût des actions à mener si élevé qu'ils n'autorisent ni l'ambiguïté ni les changements brusques des règles du jeu. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Monsieur le sénateur, les questions que vous venez de poser sont effectivement tout à fait importantes.
Avec la loi du 13 juillet 1992, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, modifiant la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, la France a effectivement souhaité moderniser la gestion de ses déchets dans une approche que le législateur a voulue pragmatique.
La réduction de la production des déchets - car tout commence par cet aspect, monsieur le sénateur - ainsi que le développement de la valorisation par recyclage, par compostage ou sous forme d'énergie et la suppression à terme des décharges brutes sont les grandes lignes de cette stratégie.
Les plans départementaux, prévus à l'article 10-2 de la loi modifiée du 15 juillet 1975, constituent l'outil privilégié pour faire évoluer la gestion de ces déchets.
A ce jour, il est vrai que la majorité des plans ont été adoptés ou sont en voie de l'être.
L'analyse des premiers plans adoptés permet de faire un certain nombre de constats.
Premièrement, il n'est envisagé que très peu d'actions de réduction de la production des déchets. Sur ce point, monsieur le sénateur, je vous ai bien entendu : vous avez rappelé, avec raison, qu'un maire ne peut pas agir directement sur le nombre de dépliants publicitaires qui sont déposés dans les boîtes aux lettres de ses administrés.
Nous sommes tout à fait conscients de ce problème, et nous avons publié, au mois de novembre de l'année dernière, avec un certain nombre d'entreprises et Eco-emballages, un catalogue de prévention des déchets d'emballage de manière à mener une politique au plan national. Une centaine d'entreprises ont participé à cette action, qui constitue un instrument quasi publicitaire : de 20 % à 40 % d'économies peuvent être réalisées en la matière.
Il n'en demeure pas moins que les orientations prises par les entreprises et par l'économie conduiront à une perpétuelle croissance des déchets. Peut-être pourrions-nous donc envisager, au sein des plans départementaux, des solutions différentes.
Deuxièmement, les plans étudiés affichent, en moyenne, un objectif proche du quadruplement des proportions de déchets valorisés par recyclage et compostage sur la période 1995-2002. C'est encore modeste, car un quadruplement par rapport à peu de chose ne peut que conduire à un résultat minime !
Vous avez raison - et je partage totalement les indications du rapport Guellec sur ce point - c'est donc incontestablement sur le tri et le recyclage qu'il faut aujourd'hui faire porter l'essentiel de l'effort. Il s'agit en effet de filières économiques et créatrices d'emplois, notamment dans le domaine de l'insertion. Cette formule, moins coûteuse que les filières d'incinération, mérite amplement d'être développée.
J'ajoute, monsieur le sénateur, que la politique mise en place et reconduite l'année dernière par Eco-emballages vise précisément à favoriser, sur le plan financier, les collectivités locales qui se lancent dans les opérations de tri et de recyclage.
Sachez enfin que tous les sondages réalisés auprès de nos concitoyens font apparaître que ceux-ci sont aujourd'hui parfaitement prêts à trier leurs déchets. Il convient donc de mettre en place les filières correspondantes.
Enfin, le déchet ultime a effectivement été assimilé aux seuls résidus de l'incinération des déchets, incinération qui deviendrait un traitement obligé avant la mise en décharge.
Comme vous, monsieur le sénateur, je ne souhaite pas faire de virage à 180 degrés. C'est la raison pour laquelle j'ai pris deux initiatives : tout d'abord, j'ai publié la circulaire du 24 février 1997, à laquelle vous avez bien voulu vous référer et qui traduit déjà un certain nombre d'inflexions, afin de ne pas tomber dans ce que d'aucuns appellent le « tout incinération », en privilégiant le tri et le recyclage avant d'envisager l'incinération ; ensuite, comme je m'y étais engagée vis-à-vis de M. Bonnet lors du débat qui s'est déroulé dans votre hémicycle et qui est encore tout à fait présent à mon esprit, j'ai demandé à M. Jacques Pélissard, député, de constituer un groupe de travail pour que nous puissions déterminer, de manière très pragmatique et sans toucher à la loi ou au règlement, ce qui est déchet ultime et ce qui ne l'est pas.
C'est en étudiant les problèmes sur le terrain, avec les élus et de manière concrète, que nous pourrons agir au mieux. Il ne s'agit pas d'un virage à 180 degrés, mais d'une évolution tendant à prendre en compte les critiques - et certaines sont tout à fait justifiées - qu'a émises M. Guellec.
J'ai également demandé que des efforts soient faits pour réduire les conséquences, en termes de pollution atmosphérique, des incinérateurs. Je pense notamment à la question des dioxines, qui préoccupe de plus en plus nos concitoyens.
Enfin, la valorisation des emballages est une question très importante. Il faut en effet savoir que, les emballages représentant 50 % des déchets ménagers, si nous les réduisons de 30 %, nous réduirons de 15 % le volume total des déchets ménagers. Toute une politique est donc mise en place avec Eco-emballages pour réduire à la source les emballages ménagers.
Telles sont, monsieur le sénateur, les mesures que j'ai déjà prises et qui en annoncent d'autres. Je souhaite, en tout cas, agir en pleine concertation avec les élus, car ce sont eux, effectivement, qui sont directement confrontés à la difficulté.
Si nous devons avoir présentes à l'esprit les considérations économiques, il n'est cependant pas souhaitable, je le rappelle, de s'engager dans une politique de développement d'installations d'incinération démesurées qui réduiraient à néant tout effort en termes de réduction des déchets, de tri ou de recyclage, car il faudrait alimenter la machine, et il ne serait plus possible, alors, de mettre en place des systèmes alternatifs.
Voilà, monsieur le sénateur, les indications que je suis à même de vous donner.
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Madame le ministre, je vous remercie de la réponse que vous avez bien voulu m'apporter et des indications que vous nous avez fournies. Elles intéresseront certainement les élus locaux lorsqu'ils en liront le compte rendu.
Il reste que, sur un certain nombre de points, j'aurais souhaité quelques précisions supplémentaires, notamment en ce qui concerne la date limite de 2002. En effet, je comprends bien que l'on puisse s'interroger sur la pertinence de la fermeture à cette date de toutes les décharges, mais j'aimerais quand même savoir comment, avec votre administration, vous considérez ce problème. En effet, si nous demeurons dans l'ambiguïté, les décharges auront la vie longue.
Par ailleurs, vous dites que vous réfléchissez à la définition des déchets ultimes. Fort bien ! Je souhaiterais cependant que cette réflexion aboutisse rapidement, pour éviter que nous ne nous engagions dans des politiques, notamment en matière de construction d'usines d'incinération, qui risqueraient d'être ensuite désavouées.
MM. Christian Bonnet et Jean-Claude Carle. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan. Je le répète, si, dans certains cas, nous avons choisi cette voie, c'est faute d'une alternative crédible. Dans le département que j'ai l'honneur de représenter, le Morbihan, une commune s'est engagée dans la voie de la méthanisation. Elle y a consacré des sommes extrêmement importantes, totalement perdues pour le contribuable - mais non pour certains bureaux d'études, assez colorés, qui y ont trouvé leur avantage.
Il ne faut pas de politique ambiguë ; les objectifs doivent être extrêmement clairs.
Votre administration participe à l'élaboration des plans. Si ceux-ci ne vont pas dans la direction que vous souhaitez, il faut que vos représentants dans les commissions ou les groupes de pilotage qui les élaborent le fassent savoir de la manière la plus nette. La critique par l'administration de plans à la création desquels elle a participé n'est pas une bonne méthode de travail.
M. Christian Bonnet. Très bien !

DÉRAILLEMENT D'UN TRAIN
CONTENANT DES MATIÈRES NUCLÉAIRES

M. le président. Mme Gisèle Printz rappelle à Mme le ministre de l'environnement que, le 4 février dernier, un train de combustible nucléaire en provenance d'Allemagne a déraillé à Apach, à la frontière française.
Cet incident n'a eu heureusement aucune conséquence fâcheuse pour la sécurité des riverains. Il a causé cependant, à juste titre, une vive émotion et a suscité plusieurs questions de la part de la population, questions qui attendent une réponse du Gouvernement.
Premièrement, pourquoi ce convoi, en partance de Lingen, à la frontière entre l'Allemagne et les Pays-Bas, et à destination de l'Angleterre, effectue-t-il un parcours aussi long par voie terrestre en passant par la Lorraine, la Champagne-Ardenne et le Nord - Pas-de-Calais ?
Deuxièmement, est-il vrai que plusieurs convois identiques empruntent cet itinéraire plusieurs fois par semaine ?
Troisièmement, peut-on affirmer que la sécurité des populations est bien assurée ?
Quatrièmement, les causes de l'accident d'Apach ont-elles pu être définies de manière formelle ?
Enfin, cinquièmement, la possibilité d'un attentat commis par des militants antinucléaires allemands est-elle concevable ?
Les populations de ces régions étant très inquiètes, elle demande à Mme le ministre de l'environnement de les rassurer en prenant toutes les mesures pour que de tels incidents ne se reproduisent plus. (N° 607.)
La parole est à Mme Printz. Mme Gisèle Printz. Madame le ministre, le mardi 4 février 1997, un train de combustible nucléaire en provenance d'Allemagne a déraillé à Apach, petit village situé à la frontière franco-allemande.
La locomotive et les trois premiers wagons qu'elle tractait ont, pour une raison toujours indéterminée, quitté les rails alors que l'ensemble roulait à 28 kilomètres à l'heure.
Le train de marchandises, qui arrivait de Lingen, en Basse-Saxe, dans le nord de l'Allemagne, transportait, dans quatre wagons spécialement étudiés à cet effet, de l'uranium provenant de la centrale de Emsland, selon le ministre de l'environnement allemand, présent sur les lieux. Ces combustibles radioactifs étaient destinés à la centrale de retraitement de Sellafield, en Angleterre.
Cet incident n'a eu, heureusement, aucune conséquence fâcheuse pour la sécurité des riverains. Il a cependant causé, à juste titre, une vive émotion et a suscité de la part de la population plusieurs questions qui attendent une réponse du Gouvernement.
Premièrement, pourquoi ce convoi, en partance de Lingen, à la frontière entre l'Allemagne et les Pays-Bas, et à destination de l'Angleterre effectue-t-il un parcours aussi long par voie terrestre, en passant par la Lorraine, la Champagne-Ardenne et le Nord - Pas-de-Calais ?
Deuxièmement, est-il vrai que plusieurs convois identiques empruntent cet itinéraire plusieurs fois par semaine ?
Troisièmement, peut-on affirmer que la sécurité des populations est bien assurée ?
Quatrièmement, les causes de l'accident d'Apach ont-elles pu être définies de manière formelle ?
Cinquièmement, enfin, la possibilité d'un attentat commis par des militants antinucléaires allemands est-elle concevable ?
Les populations de ces régions sont très inquiètes. Elles vous demandent, madame le ministre, de les rassurer en prenant toutes les mesures pour que de tels incidents ne se reproduisent plus.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Madame le sénateur, voici les réponses que je souhaite apporter à vos questions, et d'abord à la première d'entre elles.
Les conteneurs qui rejoignent le port de Dunkerque sont ceux qui sont destinés à être retraités dans l'usine de retraitement de Sellafield, en Grande-Bretagne.
En son état actuel, la réglementation internationale du transport des matières radioactives par voie ferrée - convention dite « RID » - n'impose pas d'itinéraire dans la mesure où la sûreté doit être assurée par le conteneur.
L'industriel britannique BNFL, en charge des transports vers la Grande-Bretagne, a choisi Dunkerque, cette solution étant pour lui plus avantageuse pour les raisons suivantes.
Jusqu'à récemment, les combustibles irradiés étaient chargés avec leur wagon de transport dans le navire Nord - Pas-de-Calais. Dunkerque était le seul port du continent permettant ce type de liaison ferrée avec la Grande-Bretagne. Le Nord - Pas-de-Calais a toutefois été remplacé par un navire dédié au transport de combustibles irradiés depuis 1995, l' European Sheerwater, qui n'est plus soumis à la même contrainte.
Enfin, les transports à destination de la Grande-Bretagne proviennent aussi de Suisse et de Belgique. Dunkerque est alors apparu comme un bon compromis économique entre toutes les centrales d'où proviennent les combustibles irradiés pour lesquels cet industriel a des contrats.
J'en viens à votre deuxième question, concernant la fréquentation de l'itinéraire.
Oui, cet itinéraire est fréquenté : il circule à peu près 350 conteneurs de combustibles irradiés issus de centrales nucléaires, en France, tous les ans. Parmi ceux-ci, une centaine viennent d'Allemagne et passent par Forbach ou par Apach ; un tiers rejoint l'usine de retraitement de Sellafield via Dunkerque, les deux autres tiers rejoignant l'usine de retraitement de La Hague.
Troisième question : peut-on affirmer que la sécurité des populations est bien assurée ?
En l'état actuel de la réglementation - cette réglementation relève du ministère des transports - la sûreté du transport des combustibles irradiés repose fondamentalement sur le choix de conteneurs devant conserver leur intégrité en situations anormales et accidentelles. Ces conteneurs sont soumis à des épreuves réglementaires représentatives des situations accidentelles et faisant l'objet de recommandations internationales, dans le détail desquelles je n'entre pas. Ces colis doivent donc faire l'objet d'autorisations du ministère des transports, fondées notamment sur l'expertise des résultats des épreuves réglementaires par l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, l'IPSN. Pour un contenu radioactif de 3 à 4 tonnes, ces conteneurs pèsent près de 100 tonnes. Cela vous donne la mesure.
L'IPSN est par ailleurs informé des incidents les plus mineurs survenant au cours du transport de ces conteneurs de combustibles irradiés. Il y en a eu vingt-cinq entre 1978 et 1995. Deux d'entre eux ont eu un impact direct sur le conteneur, sans conséquences graves, la plupart des autres ayant plutôt affecté le véhicule de transport lui même, sans aucune répercussion sur le conteneur.
Cependant, le nombre croissant de transports de combustibles irradiés du nucléaire ou de transports liés au nucléaire doit nous amener à nous interroger. Les mesures prises doivent-elles être renforcées ? L'organisation choisie est-elle la bonne ? La transparence et l'information du public sont-elles suffisantes ?
L'évolution, souhaitée par le Gouvernement, vers plus d'indépendance de l'expertise et plus de transparence de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire va certainement dans le bon sens. Il faut un retour d'expertise de tous les incidents qui se seront produits, afin d'améliorer la sûreté.
Quatrième question : quelles sont les causes de l'accident d'Apach ?
L'accident a eu lieu sur une voie de service à l'occasion d'une manoeuvre, donc à faible vitesse. Ces voies font seulement l'objet d'une inspection visuelle périodique de la SNCF, à la différence des grandes lignes, qui font l'objet d'une inspection périodique par ultrasons. Le déraillement d'Apach est consécutif à la propagation d'une fissure longitudinale qui a progressé le long du rail jusqu'à une soudure, le passage du train ayant provoqué la rupture.
Enfin, en ce qui concerne les risques d'attentat, je dirai que la prévention contre ce type d'actes relève d'abord de mesures de police ; toutefois, les trains de transport de combustibles irradiés font l'objet d'un suivi particulier par la SNCF. Il s'agit, de surcroît, d'emballages robustes, comme le montre la réponse à la troisième question. Cela étant, si la préoccupation de l'attentat doit être très présente dans l'organisation de ces transports, la sûreté au quotidien - c'est-à-dire le risque d'accident de la circulation ou d'accident de manutention et ses conséquences - doit aussi être prise en compte à haut niveau, puisqu'il y a de plus en plus de transports de matières radioactives.
Telles sont, madame le sénateur, les réponses, circonstanciées, me semble-t-il, que je suis amenée à apporter à vos questions.
Mme Gisèle Printz. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Madame le ministre, je vous remercie de vos réponses. J'espère qu'elles seront de nature à rassurer les populations concernées, à qui je les transmettrai.

TRACÉ DE RACCORDEMENT DE L'AUTOROUTE A 16
À LA FRANCILIENNE

M. le président. Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur l'opposition croissante des populations et des conseils municipaux au tracé prévu de l'A 16 de L'Isle-Adam, dans le Val-d'Oise, à l'autoroute A 1 et traversant les communes de Villiers-le-Bel, Sarcelles, Garges-lès-Gonesse, Dugny, ainsi que le parc départemental de La Courneuve.
Si un tel projet voyait le jour, il ruinerait les efforts faits pour réhabiliter le cadre de vie d'une région particulièrement défavorisée. Il pénaliserait les habitants de cette région par la pratique du péage, aggravant ainsi leurs conditions de vie.
Elle lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour renoncer définitivement à un tel tracé et raccorder l'A 16 à la Francilienne, évitant la paralysie prévisible du trafic sur l'A 1.
Elle lui demande également quelles mesures il envisage de prendre pour améliorer la circulation dans cette région, en particulier par le prolongement de la ligne de métro n° 13 jusqu'à la gare de Villiers-le-Bel ainsi que par la réalisation de la déviation de la RN 370, attendue depuis soixante ans par les populations val-d'oisiennes. (N° 601.)
Je rappelle, une fois encore, que les orateurs disposent de trois minutes pour poser leur question et de deux minutes pour répondre au Gouvernement.
Vous avez la parole, madame Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, le problème de l'éventuelle pénétration de la région francilienne, fortement urbanisée, par une autoroute à six voies, l'autoroute A 16, desservant la liaison Paris-Londres, se pose maintenant depuis une bonne dizaine d'années.
Un premier tronçon de cette autoroute A 16 est déjà en service entre Amiens et L'Isle-Adam, sans grand succès d'ailleurs. En effet, cette autoroute n'est pas utilisée. Elle se révèle même parfaitement inutile, au point que beaucoup d'utilisateurs la brocardent en la désignant comme « l'autoroute fantôme ». La cherté du péage autoroutier en est, me semble-t-il, en partie la cause.
Une arrivée sur l'autoroute A 1, en zone urbaine de L'Isle-Adam, après le sectionnement et la mutilation des communes de Villiers-le-Bel, Sarcelles, Garges-lès-Gonesse, Dugny, La Courneuve, Aubervilliers, ainsi que du parc départemental de La Courneuve, espace vert de 400 hectares, suscite un émoi tenace et une colère croissante. Les raisons en sont très simples ; je les rappelle sans les développer.
Ces villes font beaucoup d'efforts pour retrouver un cadre de vie plus humain, plus accueillant. Elles sont confrontées à une circulation de plus en plus envahissante sur les axes les plus importants, entraînant souvent une paralysie des voies locales. Elles souffrent de nuisances et d'une pollution croissantes dues à cette circulation mais aussi au trafic de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, cette situation ne pouvant que s'aggraver si le projet de construction de deux pistes supplémentaires va à son terme.
Les conseils municipaux et les populations des villes concernées s'opposent à ce projet d'autoroute en zone urbanisée, qui se révèle coûteux, inutile et polluant.
Pourquoi vous obstinez-vous, monsieur le ministre, à maintenir le projet du dernier tronçon L'Isle-Adam - La Courneuve ? Ne pourriez-vous, enfin, envisager de l'abandonner, d'autant que d'autres solutions se font jour, soutenues par de nombreux élus, par des conseils municipaux unanimes, par des habitants, voire par des techniciens qui travaillent pour l'Etat ?
Ces solutions, quelles sont-elles ?
Premièrement, le raccordement, possible, de l'autoroute A 16 sur la Francilienne nord à hauteur du carrefour de la Croix-Verte, avant les zones urbanisées, permettrait de répartir le flux des véhicules arrivant sur l'autoroute A 16 déjà construite. Ce raccordement est logique, économique et il permettrait d'éviter des pollutions urbaines et des embouteillages.
Deuxièmement, le développement des transports en commun, par la création de lignes nouvelles de la RATP et de la SNCF, réduirait l'entrée à Paris d'un grand nombre de véhicules. C'est d'ailleurs ce que semble souhaiter Mme le ministre de l'environnement, qui demande au maire de Paris d'empêcher les voitures d'entrer dans la capitale certains jours.
Enfin, la prolongation du métro jusqu'à Sarcelles, Garges-lès-Gonesse, Villiers-le-Bel et Arnouville-lès-Gonesse se traduirait par des milliers de voitures en moins chaque jour pour Paris. Ce serait, en outre, plus juste - reconnaissez-le - que le péage qui est envisagé et qui sélectionnerait les utilisateurs en fonction de leurs revenus.
Ces propositions sont-elles sérieusement étudiées ? Jusqu'à aujourd'hui elles n'ont donné lieu à aucune réponse de fond.
Pourquoi vouloir engager des dépenses publiques supplémentaires alors qu'il n'en résulterait que des inconvénients pour les Franciliens ?
Voilà pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, si vous confirmez ce projet ou si vous l'abandonnez, comme on le souhaite unanimement à l'est du Val-d'Oise et au nord de la Seine-Saint-Denis ?
M. le président. Permettez-moi de vous faire observer que vous avez quelque peu dépassé votre temps de parole, madame Beaudeau.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement. Madame le sénateur, je vous prie, tout d'abord, de bien vouloir excuser M. Pons, qui m'a demandé de vous répondre à sa place.
Le projet d'autoroute A 16 en Ile-de-France, inscrit au schéma directeur, répond à trois objectifs que vous connaissez bien : premièrement, améliorer les conditions de déplacement dans le nord de la France en soulageant les voies locales situées entre le boulevard intercommunal du Parisis et l'A 86, ce qui contribuera à améliorer le cadre de vie des riverains de ces voies ; deuxièmement, compléter le maillage autoroutier de la couronne parisienne en assurant une jonction entre les différentes rocades et mieux distribuer le trafic de banlieue à banlieue en forte croissance ; enfin, troisièmement, faciliter les échanges entre l'Ile-de-France et le nord de la France en accueillant le trafic de l'autoroute en provenance d'Amiens et de Boulogne et en le répartissant sur les rocades franciliennes.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, a demandé à ses services qu'un effort particulier soit entrepris pour améliorer l'insertion de cette infrastructure dans son environnement, notamment par des couvertures, des dispositifs antibruit et des aménagements paysagers.
Par ailleurs, les voies existantes qui seront délestées par cette infrastructure seront ainsi rendues à la circulation locale avec des aménagements pour les piétons, les cyclistes et les transports en commun, ce qui permettra d'améliorer les conditions de vie de milliers d'habitants.
M. Pons m'a demandé de vous assureer qu'aucune décision ne sera prise sans une concertation préalable avec les élus et les responsables socio-économiques.
En ce qui concerne la déviation de la RN 370 à Villiers-le-Bel, il convient d'attendre les résultats des études sur l'A 16, qui doit assurer cette fonctionnalité.
Quant au prolongement de la ligne de métro n° 13 en direction de Villiers-le-Bel, il est inscrit au schéma directeur d'Ile-de-France et devra être examiné dans le cadre de la préparation des prochains contrats de plan.
Telle est, madame le sénateur, la réponse que souhaitait vous apporter M. Pons.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, votre réponse confirme le projet actuel. Je vous le dis, cela est absolument irresponsable ! Vous cherchez en fait à opposer les uns et les autres pour affaiblir le mouvement de résistance ; vous allez ainsi susciter la création d'autres mouvements qui rejoindront ceux qui sont nés de la décision du Gouvernement de construire deux nouvelles pistes à Roissy.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que ce sont les mêmes Val-d'oisiens qui subiront les nuisances supplémentaires résultant de l'extension de l'aéroport Charles-de-Gaulle et la création de l'autoroute A 16 ! Ce sont les mêmes habitants qui vivent dans ces régions !
Monsieur le ministre, vous ne servez pas l'intérêt public. Les investissements nécessaires à la construction de l'autoroute A 16 pourraient être utilisés pour les transports en commun, et ainsi la prolongation de la ligne de métro ne serait pas renvoyée à des plans dont on ne sait d'ailleurs pas comment ils seront financés.
La direction départementale de l'équipement de la Seine-Saint-Denis affirme, chiffres à l'appui, qu'on peut faire tomber le trafic sur la RN 1 de 55 000 véhicules quotidiens à 35 000 ou 40 000 véhicules. Pourquoi le refusez-vous ?
La déviation de la RN 370 au nord de Villiers-le-Bel, Ecouen, Gonesse pourrait jouer un rôle dissuasif et parallèle à celui de la Francilienne.
Avec ces deux voies, on doit pouvoir détourner quotidiennement du tracé actuel prévu pour l'autoroute A 16 des dizaines de milliers de véhicules et surtout, monsieur le ministre, trouver une solution aux problèmes de circulation intercommunale et interrégionale.
L'autoroute A 16 ne réglera pas les problèmes d'embouteillage entre les communes de la région Est du Val-d'Oise et du nord de la Seine-Saint-Denis.
Pourquoi cette boulimie d'autoroutes et d'embouteillages ?
Personnellement, je ne comprends pas très bien. Le Gouvernement, tandis qu'il affiche sa volonté de réduire les dépenses d'équipement, d'agir contre les pollutions du « tout automobile », ne change pas de politique. Franchement, c'est incompréhensible et les habitants ne le comprennent pas !

SITUATION DES MARINS RUSSES
IMMOBILISÉS SUR DES NAVIRES RELÂCHANT
DANS DES PORTS FRANÇAIS

M. le président. Mme Marie-Madeleine Dieulangard souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur la situation préoccupante et dramatique que connaissent depuis plusieurs mois des marins de nationalité russe, immobilisés dans les ports de Nantes et de Saint-Nazaire, mais aussi de Dunkerque et de Bordeaux, suite à la faillite des armateurs des navires sur lesquels ils ont été embarqués.
Ne pouvant quitter les navires sous peine d'être licenciés pour faute et en attendant la mise aux enchères des navires, ces marins bénéficient de la solidarité de collectifs d'associations et des municipalités de Nantes et de Saint-Nazaire, qui assurent notamment le ravitaillement en nourriture et en chauffage. Ils ont également pu accéder à des soins médicaux grâce aux interventions bénévoles de médecins et de pharmaciens de la ville ou du centre hospitalier.
Elle souhaite connaître les propositions qu'entend faire le Gouvernement pour trouver une solution permettant le rapatriement de ces marins, pour contribuer à prendre en charge la subsistance de ces équipages, assurée jusqu'à ce jour par la solidarité locale, et quelle démarche il envisage d'entreprendre auprès des autorités russes afin que de telles situations ne se reproduisent plus. (N° 605.)
La parole est à Mme Dieulangard..
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le ministre, la liste des navires étrangers retenus dans des ports français devient impressionnante, que ce soit pour des raisons de sécurité - la France, signataire du memorendum de Paris, se devant d'être d'une extrême rigueur avec le respect de ces règles - ou pour des raisons de défaillance des armateurs. Nous en trouvons ainsi dans les ports de Dunkerque, Le Havre, Rouen, Brest, Nantes, Bordeaux, Bayonne, Port-de-Bouc et, tout récemment jusqu'à ces derniers jours, à Saint-Nazaire.
Chaque fois, l'équipage subit des conséquences humaines dramatiques en raison de l'absence de salaires, de l'éloignement ; parfois, lorsque les navires sont vendus, les marins sont confrontés à des situations de séjour irrégulières du fait de leur débarquement.
Je reste, monsieur le ministre, volontairement pudique dans la description de ces faits, en comparaison de tout ce qui a pu se dire hier soir sur les chaînes de télévision relatant et décrivant des situations indignes de notre société.
Des associations et organismes leur viennent souvent en aide et le font avec un esprit de solidarité exemplaire. Mais, monsieur le ministre, le réseau associatif et les centres communaux d'action sociale, pour l'essentiel, ne se mobilisent pas toujours avec autant de constance, et les marins connaissent alors des cas de détresse intolérables.
Monsieur le ministre, qui va aider ceux-ci à survivre à bord, en termes de vivres et de carburant ?
Comment vont-ils percevoir leur salaire ?
Qui peut leur délivrer un titre de séjour et leur donner un statut lorsqu'ils ne sont plus à bord ?
Dans quelles conditions peuvent-ils espérer être rapatriés ?
Enfin, qui est habilité à saisir la justice et, lorsque le navire est vendu, qui peut leur garantir qu'ils seront les destinataires prioritaires du fruit de la vente ?
Monsieur le ministre, il me semble que l'Etat devrait prendre la mesure de ses responsabilités dans ces circonstances, tant en matière de prévention que pour ce qui concerne les conditions de séjour et de rapatriement des marins. Par ailleurs, il devrait s'assurer du transfert de fonds rapide, après la vente, au besoin par les moyens diplomatiques, afin de garantir que ces fonds seront bien attribués prioritairement aux marins.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement. Madame le sénateur, deux navires se trouvent effectivement immobilisés dans des ports français pour des raisons financières et cette situation nous est bien connue.
Elle trouve son origine dans l'application d'une convention internationale, la convention de Bruxelles du 10 mai 1952, ratifiée par la France en 1958.
Cette convention internationale institue deux règles originales, qui expliquent la situation dont nous nous sommes tous émus. D'abord, cette convention vise même les navires des Etats non contractants - cela concerne donc les pavillons de complaisance - et, ensuite, elle doit être appliquée par tout juge du port d'escale du navire d'un Etat contractant, lequel est compétent sur le fond du procès.
Voilà, brièvement exposées, les raisons juridiques complexes qui expliquent pourquoi des navires étrangers sont régulièrement saisis dans des ports français par les tribunaux de commerce.
Au-delà de la légitime émotion partagée que soulève le sort des marins des navires de complaisance, ce sont l'honneur et le devoir de la République française de leur permettre, comme créanciers privilégiés, de recouvrer leurs salaires dus par des armateurs indignes de l'industrie maritime.
Pour en venir aux deux affaires qui ont soulevé votre question, la saisie des navires United Victory et Koporye dans les ports respectivement de Nantes et de Saint-Nazaire, M. Bernard Pons me charge de vous apporter les renseignements suivants.
Le navire United Victory, qui bat pavillon du Honduras, a fait l'objet de plusieurs saisies de créanciers depuis octobre 1996.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Comme le Phocéa ! (Sourires.)
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué. Toute assimilation avec un acteur connu est...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ridicule !
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué. ... une simple coïncidence, comme on dit dans les films.
L'équipage de ce navire est de nationalité russe. L'armateur s'avérant insolvable, une procédure de vente judiciaire est en cours, qui permettra aux marins de récupérer, avant tous les autres créanciers, leurs salaires. Ainsi, dix-sept marins sur vingt-trois ont pu débarquer et rentrer en Russie. Les autres membres, volontaires, sont restés pour assurer le gardiennage du navire jusqu'à la vente qui, nous le pensons, est imminente.
Le navire Koporye, qui bat pavillon de la Russie, fait l'objet de saisies déclenchées depuis juillet 1996. La vente du navire a eu lieu le 28 mars 1997 et permettra, très vite, aux vingt-sept membres de l'équipage le règlement de leurs salaires, madame le sénateur. Là aussi, les services de la préfecture de la région Pays de la Loire ont permis à seize d'entre eux d'ores et déjà de rentrer en Russie.
De multiples élans de solidarité et de coopération ont permis de trouver des solutions pour les marins, soit leur rapatriement, soit leur assistance.
Les services extérieurs du ministère ont rempli leur mission de contrôle de la sécurité à l'égard des navires étrangers avec célérité, interdisant notamment au United Victory de reprendre la mer dans l'état qui était le sien, cela, vous en conviendrez, dans l'intérêt d'abord des gens de mer.
Dans ces affaires, nous avons veillé à l'application stricte de nos engagements communautaires pris par l'adoption de la directive du 19 juin 1995 sur le contrôle du port par l'Etat.
Je vous ai entendue, madame le sénateur, demander au Gouvernement de prendre ses responsabilités. Je pense vraiment qu'il les a prises et je suis persuadé qu'au fond de vous-même vous en conviendrez.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. J'ai bien noté toutes les explications de M. le ministre et je l'en remercie. Je ne suis pas convaincue qu'elles seront de nature à améliorer la situation des marins qui sont retenus dans les ports sur leurs navires. Ces cas sont appelés à se multiplier.
Il me semble que, si la France respecte rigoureusement les règles de sécurité, notamment celles qui sont édictées par l'Office des migrations internationales - l'OMI -, elle ne peut que retenir des bateaux dans un certain nombre de ports. La situation n'est donc pas liée simplement à la défaillance des armateurs.
Il me semble aussi que les explications que vous m'avez données, monsieur le ministre, sont parcellaires, car des navires appartenant à la même compagnie que la Koporye se trouvent à Bordeaux dans la même situation qu'à Saint-Nazaire, et la situation se prolonge.
Ma question avait simplement pour objectif de suggérer au Gouvernement de prendre un certain nombre d'initiatives, par les moyens diplomatiques dont il dispose, pour accélérer le transfert des fonds actuellement disponibles et qui ne le seront probablement pas très longtemps. En effet, la justice et les ports vont commencer par retenir leurs propres frais sur ces fonds, fruits de la vente du navire.

ABUS RELATIFS À LA PUBLICITÉ
DE CERTAINES ÉCOLES DE CONDUITE

M. le président. M. Jean-Claude Carle attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur les abus constatés en matière de publicité des prix des prestations d'enseignement de la conduite des véhicules.
De plus en plus, des usagers, jeunes pour la plupart, et des professionnels des écoles de conduite, notamment des centres de formation de conducteurs routiers - poids lourds ou transports en commun - sont victimes de dérives inquiétantes en la matière. Certains établissements proposent, en effet, par voie de presse ou d'affichage, des forfaits pour l'obtention du permis de conduire dont le coût annoncé, défiant toute concurrence, est extrêmement séduisant. Il est ainsi fréquent de voir ou d'entendre des propositions publicitaires pour « un permis à 2 000 francs ». Or il s'avère très souvent que les sommes effectivement et finalement dépensées par les candidats après l'acquisition de leur permis de conduire dépassent largement ces prévisions.
La dénomination précise et la durée de chacune des prestations composant le forfait ne sont pas toujours clairement indiquées. La durée de la validité de l'offre est souvent très limitée. Enfin, les conditions pratiques de la formation routière ne réunissent pas toutes les garanties de sécurité, d'encadrement et de compétences professionnelles et pédagogiques requises. Ce type d'enseignement réclame pourtant la plus grande vigilance et le plus grand sérieux, notamment lorsqu'il concerne le transport en commun et routier. Ces circonstances défavorables entraînent naturellement une mauvaise qualité de l'apprentissage et un échec à l'examen final. Le candidat est donc contraint de souscrire des prestations complémentaires auprès de l'établissement de formation, qui multiplient considérablement son budget prévisionnel.
C'est pourquoi il lui demande quelles pourraient être les mesures à prendre pour moraliser cette situation et mettre fin à ces dérives. (N° 620.)
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, permettez-moi d'attirer votre attention sur les abus constatés en matière de publicité des prix des prestations d'enseignement de la conduite des véhicules.
De plus en plus, des usagers, jeunes pour la plupart, et des professionnels des écoles de conduite, notamment des centres de formation de conducteurs routiers - poids lourds ou transports en commun - sont victimes de dérives inquiétantes en la matière. Certains établissements proposent, en effet, par voie de presse ou d'affichage, des forfaits pour l'obtention du permis de conduire dont le coût annoncé, défiant toute concurrence, est extrêmement séduisant. Il est ainsi fréquent de voir ou d'entendre des propositions publicitaires pour « un permis à 2 000 francs ». Or il s'avère très souvent que les sommes effectivement et finalement dépensées par les candidats après l'acquisition de leur permis de conduire dépassent largement ces prévisions.
La dénomination précise et la durée de chacune des prestations composant le forfait ne sont pas toujours clairement indiquées. La durée de la validité de l'offre est souvent très limitée. Enfin, les conditions pratiques de la formation routière ne réunissent pas toutes les garanties de sécurité, d'encadrement et de compétences professionnelles et pédagogiques requises. Ce type d'enseignement réclame pourtant la plus grande vigilance et le plus grand sérieux, notamment lorsqu'il concerne le transport en commun et ou le transport routier. Ces circonstances défavorables entraînent naturellement une mauvaise qualité de l'apprentissage et un échec à l'examen final. Le candidat est donc contraint de souscrire des prestations complémentaires auprès de l'établissement de formation, qui multiplient considérablement son budget prévisionnel.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, quelles pourraient être les mesures à prendre pour moraliser cette situation et mettre fin à ces dérives, dont les conséquences peuvent être également importantes pour notre sécurité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement. Monsieur le sénateur, M. Bernard Pons partage votre constat quant aux abus pratiqués en matière de publicité des prix des prestations d'enseignement de la conduite automobile.
En effet, ce secteur professionnel est caractérisé par des pratiques de concurrence sauvage axées sur la baisse des prix d'appel au détriment de la qualité des formations dispensées et, par voie de conséquence, au détriment, en aval, de la sécurité routière.
C'est pourquoi le conseil des ministres a adopté le 11 mars dernier un projet de loi, élaboré en concertation étroite avec les organisations représentatives de la profession, visant à renforcer les conditions d'accès aux professions d'enseignant et d'exploitant d'établissement d'enseignement de la conduite. Il a également pour objectif d'assurer de meilleures garanties aux élèves.
Il s'agit d'abord de mieux protéger le consommateur. Le projet de loi prévoit donc que l'enseignement de la conduite devra obligatoirement faire l'objet d'un contrat écrit entre l'enseignant et l'élève. Il porte sur les conditions et les modalités de l'enseignement : tarif, mode de paiement, conditions de résiliation, déroulement de la formation.
Il est également inclus dans ce projet une modification du code des assurances - article L. 211-1 - pour rendre obligatoire l'assurance de l'élève conducteur en cours de formation ou d'examen.
Pour compléter ce dispositif, il est prévu qu'en cas d'urgence l'autorité administrative puisse suspendre les agréments accordés à l'école de conduite concernée.
Il est proposé que les sanctions, en cas de non-respect des conditions d'exercice des activités d'enseignant et d'exploitant, soient renforcées : elles passent d'une amende maximum de 25 000 francs à une amende maximum de 100 000 francs - soit un quadruplement - et un an d'emprisonnement.
Enfin, il convient de rappeler les conditions d'information du consommateur. La lisibilité des prestations forfaitaires proposées par les écoles de conduite ont été améliorées par un arrêté du ministre délégué chargé des finances et du commerce extérieur.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je voudrais simplement remercier M. le ministre des précisions qu'il vient de donner et féliciter le Gouvernement des engagements qu'il a pris et qui, je l'espère, permettront de réduire, sinon d'éliminer, les dérives que nous connaissons actuellement.

SITUATION DES MAL-LOGÉS

M. le président. Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre délégué au logement sur le rapport de la fondation Abbé-Pierre sur la situation du « mal-logement en France ».
Elle lui rappelle l'existence de 200 000 sans-abri, dont 45 000 pour la région parisienne, et de 1 500 000 personnes très mal logées. L'exclusion progresse et provoque un accroissement du nombre de personnes vivant en marge des modes classiques de logement dans notre pays.
Elle lui fait remarquer que, avec la fin de la trêve hivernale pour les procédures d'expulsion, le nombre d'exclus va se trouver en augmentation si des décisions ne sont pas prises.
Elle lui demande quelles mesures urgentes il envisage pour interdire toute expulsion fondée sur l'existence de ressources insuffisantes, le retard de paiement de loyers, le retard de versement d'allocation telle que l'allocation personnalisée de logement, l'APL, démontrant l'impossibilité des personnes concernées de pouvoir acquitter le paiement des sommes dues et motivant l'expulsion. (N° 621.)
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, après la période hivernale, les expulsions reprennent. Vont-elles s'accroître ? Je le crains, et cela pour deuxraisons.
Première raison, l'engagement public national en faveur du logement social marque une véritable rupture avec le budget de 1997. Cette rupture fait suite à un long processus de vingt ans qui, avec les lois Barre et Méhaignerie, a réduit, jusqu'à la faire disparaître, l'aide à la pierre. Le parc locatif existant s'amoindrit aussi.
Deuxième raison, une tendance nouvelle se manifeste, qui consiste à créer un nouveau logement social « au rabais » réservé aux plus démunis. En revanche, le logement social de qualité diminue en nombre et croît en prix du loyer. Les nouvelles constructions sociales sont chères et de plus en plus inaccessibles. Un nouveau type d'expulsé apparaît, s'ajoutant à celui de l'expulsé démuni.
Le projet de loi de cohésion sociale, dont nous allons débattre, codifie cette situation et l'aggrave.
En effet, 200 000 sans-abri sont recensés, dont 45 000 en Ile-de-France. Ce sont pour la plupart, vous le savez bien, monsieur le ministre, des expulsés non relogés. Un million et demi de personnes très mal logées peuvent basculer à tout instant dans la situation de sans-abri. A cela, il faut ajouter les familles perdant leur emploi ou ne pouvant pas supporter les nouveaux loyers, dont les prix continuent à progresser.
Objectivement, le nombre d'expulsions est malheureusement appelé à se développer, d'autant plus que le projet de loi d'orientation pour le renforcement de la cohésion sociale ne prévoit pas d'interdire les expulsions sans garantie d'un relogement décent.
L'augmentation du nombre d'expulsions a son origine parmi l'une des catégories évoquées - bien souvent les familles qui connaissent le chômage et les plus démunis - mais elle a une cause fondamentale : un pouvoir d'achat insuffisant, comme en témoigne d'ailleurs l'actualité quotidienne. Le loyer n'est plus payé par manque de ressources et le non-paiement du loyer entraîne le non-versement de l'aide personnalisée au logement ou de toute autre allocation.
Par conséquent, traiter l'expulsion c'est traiter tout à la fois la relance d'un programme de constructions sociales de qualité aux loyers abordables, mais également le retour du financement de l'aide à la pierre. C'est également sortir les organismes d'HLM de leurs difficultés financières. C'est, enfin, créer des mesures nouvelles de revalorisation des aides à la personne, avec notamment des priorités pour les jeunes, les familles monoparentales et les chômeurs pour éviter que des familles ne soient contraintes de choisir entre le loyer et la nourriture. Je pense à cette mère de famille qui a été condamnée pour avoir volé de la viande pour ses enfants et qui a déclaré à plusieurs reprises avoir choisi prioritairement le paiement du loyer pour ne pas être expulsée.
Monsieur le ministre, je vous demande donc, par ma question, de me préciser les mesures que compte prendre le Gouvernement en la matière pour éviter les expulsions.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement. Madame le sénateur, j'ai écouté votre question avec beaucoup d'attention. Vous comprendrez que je ne peux absolument pas laisser passer votre première assertion selon laquelle l'Etat se désengagerait du logement social et que le budget de 1997 marquerait une rupture dans ce domaine.
Vous savez bien que, grâce au budget de 1997, nous pourrons, cette année créer plus de logements PLA que lors des années précédentes. C'est peut-être une chose qui est désagréable à entendre mais, en tout cas, je suis très heureux de vous la dire. Certes, la réforme que nous avons engagée ne se traduit pas, sur le plan budgétaire, par une augmentation des crédits consacrés aux PLA. Cependant, grâce à la baisse de la TVA, l'engagement de l'Etat est maintenu, et la réforme en question aura deux conséquences.
D'abord, pour la première fois, les constructions neuves réalisées grâce à un PLA bénéficieront d'un taux réduit de TVA, c'est-à-dire qu'elles sont dorénavant considérées par ce Gouvernement comme un bien de première nécessité.
Ensuite, les PLA seront plus nombreux demain qu'ils ne l'étaient hier.
Voilà ce qu'il faut dire si vous voulez dire la vérité !
Depuis son installation, le Gouvernement s'est attaché à développer une politique en faveur des plus démunis, en particulier pour favoriser l'accès et le maintien dans le logement des personnes ou des ménages en difficulté.
L'expulsion d'un local d'habitation, à laquelle vous faites référence, est, quelle qu'en soit la cause, un échec et un facteur d'exclusion sociale. C'est la raison pour laquelle il est indispensable de tout mettre en oeuvre pour éviter que les procédures engagées par les bailleurs, en cas d'impayés de loyer, n'aboutissent à l'expulsion des locataires en difficulté. Plutôt que d'interdire les expulsions, il faut agir en amont pour les prévenir en recherchant à assurer, dans la mesure du possible, un relogement des personnes concernées et en encadrant au maximum cette procédure pour éviter les abus.
L'expulsion est prononcée par un juge après signification d'un commandement de quitter les lieux à l'occupant du local. Elle n'est possible qu'au terme d'un délai de deux mois courant à compter de la signification du commandement de payer, délai destiné à permettre à l'occupant de déménager dans de bonnes conditions. Dès la signification du commandement de quitter les lieux, l'huissier de justice chargé de la mesure d'expulsion doit en envoyer copie au représentant de l'Etat dans le département en vue de la prise en compte prioritaire de la demande de relogement dans le cadre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées. Cette obligation est renforcée dans le projet de loi d'orientation pour le renforcement de la cohésion sociale, dont la discussion débute cet après-midi à l'Assemblée nationale. Ce texte prévoit également de réglementer de façon plus stricte l'ouverture des portes faite par les huissiers afin de limiter les éventuels abus.
Ce projet de loi prévoit enfin, dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi, l'élaboration de chartes départementales pour la prévention des expulsions avec l'ensemble des partenaires concernés, qu'il s'agisse des bailleurs, des huissiers, des notaires, des agents immobiliers, des travailleurs sociaux, des collectivités locales, des associations ou des administrations.
Par ailleurs, la loi du 31 mai 1990 a institué un fonds de solidarité logement, le FSL, pour aider les personnes ayant des difficultés à payer leur loyer. Ce fonds peut être sollicité dès la délivrance d'un commandement de payer et à tous les stades ultérieurs de la procédure d'expulsion, afin de favoriser une régularisation financière susceptible d'éviter l'expulsion.
Pour mieux informer les locataires en difficulté, il est précisé qu'une charte a été signée le 13 mars dernier entre le président de la Chambre nationale des huissiers de justice et moi-même pour le développement de l'information et du conseil aux locataires susceptibles d'être expulsés. L'information se fera par la remise, à l'occasion de la délivrance des commandements de payer ou de quitter les lieux par les huissiers de justice, de notices explicatives simples indiquant les démarches à mettre en oeuvre pour éviter l'expulsion et chercher à se reloger.
Enfin, il est indiqué que la réforme de la procédure de réquisition proposée à l'occasion du projet de loi d'orientation pour le renforcement de la cohésion sociale pour permettre de réquisitionner des locaux dans des conditions économiques plus satisfaisantes et plus durables que celles qui prévalent aujourd'hui s'inscrit tout à fait dans l'optique des mesures prises en faveur des personnes en difficulté. Sans attendre l'application de cette nouvelle procédure, un nouveau plan de réquisition, qui doit porter notamment sur des bureaux vacants, est actuellement en cours d'élaboration.
En conclusion, madame le sénateur, je dirai qu'un effort très soutenu est consenti en faveur du logement social, qu'il existe une véritable politique du logement des personnes défavorisées - les logements d'insertion et d'urgence en sont une preuve tangible - que notre objectif est d'accentuer tout ce qui peut permettre la prévention des expulsions, et, enfin, que dans le projet de loi d'orientation pour le renforcement de la cohésion sociale nous irons encore plus loin dans ce sens.
Tels sont, madame le sénateur, les éléments d'information que je tenais à porter à votre connaissance.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, vous me répondez de façon traditionnelle, « à l'ancienne », sans percevoir ce qui émerge dans notre vie sociale.
Le logement aujourd'hui, ce n'est plus la maison ou l'appartement ; c'est de plus en plus le « centre d'hébergement », la « résidence sociale », l'« hôtel social », le « centre d'accueil municipal », le « foyer d'urgence », le « logement provisoire d'insertion ». Une nouvelle filière d'habitat provisoire est en train de naître et de se développer, qui est alimentée par l'expulsion.
C'est ce cycle infernal, monsieur le ministre, qu'il faut casser. Pour ce faire, il faut avant tout commencer par interdire l'expulsion. La personne logée se maintiendra dans le logement et n'ira pas de la rue à un hébergement temporaire, parcourant par là un cycle infernal, celui de la misère.
Monsieur le ministre, quand on est locataire d'un logement dans un quartier, on trouve toujours un interlocuteur : on a une assistante sociale, on a les services de la mairie. Mais, une fois expulsé, à qui s'adresse-t-on pour trouver un autre logement ? La seule évocation de l'expulsion précédente ferme toutes les portes.
L'augmentation du nombre des expulsions entraîne la croissance du nombre des sans-abri. Il s'agit là d'un effet presque mathématique, monsieur le ministre.
Vous ne voulez pas nous entendre ni entendre les associations sur cette question ; mais, en 1996, ce sont près de 150 000 commandements à quitter les lieux qui ont été établis ! Or, le commandement, monsieur le ministre, c'est aussi l'acte de naissance d'une nouvelle qualité de citoyen : le sans-abri.
Le traitement du problème du logement pour tous devrait commencer par celui de l'expulsion, qui touche des personnes manquant, bien entendu, de ressources. Il faudra bien, monsieur le ministre, que vous l'entendiez ainsi si vous voulez véritablement défendre la dignité de l'homme comme vous prétendez le faire.

calcul des subventions allouées pour l'acquisition de bâtiments industriels pour les communes rurales

M. le président. M. Jean Bizet attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration sur une disposition contenue dans le décret du 6 mai 1982 relatif à la prime d'aménagement du territoire et fragilisant le développement des communes situées en zone rurale dans le cadre de l'acquisition de bâtiments industriels.
Il s'avère en effet que le montant des subventions allouées à l'acquisition et la rénovation de ces bâtiments industriels fait obligation de se référer à la valeur vénale du bâtiment, valeur sur laquelle s'applique un plafond de 25 %.
Or, dans le cadre de la mission confiée à l'administration des domaines, en charge d'évaluer la valeur de l'immobilier, il y a inévitablement fixation de cette valeur en fonction du marché local particulièrement pénalisant pour les communes rurales. En d'autres termes, un même dossier sur deux communes différentes, l'une rurale et l'autre urbaine, se voit ainsi subventionné à des niveaux différents. Si l'on intègre, de plus, que les risques inhérents à la pérennité de toute implantation industrielle sont beaucoup plus grands en zone rurale qu'en zone urbaine, il lui semblerait pertinent de corriger cette distorsion de concurrence et de rester ainsi dans l'esprit de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Il serait envisageable soit de majorer le taux de subvention pour toute acquisition-réhabilitation réalisée en zone rurale, soit de prendre en compte non plus la valeur vénale du bâtiment, mais le coût réel de la construction. (N° 614.)
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'attire votre attention sur une disposition contenue dans le décret du 6 mai 1982 relatif à la prime d'aménagement du territoire et fragilisant le développement des communes situées en zone rurale dans le cadre très précis de l'acquisition de bâtiments industriels.
Il s'avère en effet que le montant des subventions allouées à l'acquisition et la rénovation de ces bâtiments industriels fait obligation de se référer à la valeur vénale du bâtiment, valeur sur laquelle s'applique un plafond de 25 %.
Or, dans le cadre de la mission confiée à l'administration des domaines, en charge d'évaluer la valeur de l'immobilier, il y a inévitablement fixation de cette valeur en fonction du marché local, marché particulièrement pénalisant pour les communes rurales. En d'autres termes, un même dossier sur deux communes différentes, l'une rurale et l'autre urbaine, se voit ainsi subventionné à des niveaux différents. Si l'on intègre, de plus, que les risques inhérents à la pérennité de toute implantation industrielle sont beaucoup plus grands en zone rurale qu'en zone urbaine, il me semblerait pertinent de corriger cette distorsion de concurrence et de rester ainsi dans l'esprit de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Ne pourrait-on envisager soit de majorer le taux de subvention pour toute acquisition-réhabilitation réalisée en zone rurale soit de prendre en compte non plus la valeur vénale du bâtiment, mais le coût réel de la construction ?
M. Jean-François Le Grand. Excellente question !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je répondrai volontiers à M. Bizet que l'article 4 de la loi du 7 janvier 1982 prévoit que la vente ou la location d'un bâtiment par une collectivité locale doit se faire aux conditions du marché. Toutefois, cette loi prévoit aussi des possibilités de rabais.
En premier lieu, sur l'ensemble du territoire, les collectivités locales peuvent, lorsqu'elles ont réalisé des travaux de rénovation d'un bâtiment, consentir un rabais égal à la différence entre le prix de revient de ce bâtiment après rénovation et son prix de marché.
Cette première possibilité est favorable aux zones rurales où, comme vous l'avez souligné, monsieur Bizet, la valeur vénale des biens immobiliers de l'entreprise est souvent inférieure à leur prix de revient.
Dans les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire pour les projets industriels, les collectivités peuvent consentir un rabais supplémentaire égal à 25 % du prix du bâtiment évalué aux conditions du marché.
Restait en suspens - vous l'avez souligné - la situation des zones rurales qui ne sont pas éligibles à la prime d'aménagement du territoire pour les projets industriels et où le rabais de 25 % de la valeur vénale n'est pas applicable alors même que certaines d'entre elles bénéficient des fonds structurels européens qui peuvent être utilisés pour aider l'immobilier d'entreprise.
Pour corriger cette anomalie, que vous venez, une fois encore et à très juste titre, de souligner, et pour aller dans le sens de la simplification que demande le Premier ministre, le CIAT qui s'est tenu à Auch, la semaine dernière, a étendu, sur ma proposition, cette possibilité de rabais pour les collectivités territoriales en faveur des PME à l'ensemble du territoire, à l'exception de l'Ile-de-France et de son pourtour.
Je rappelle enfin que la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a introduit dans les zones de revitalisation rurale un régime d'amortissement accéléré des bâtiments des entreprises qui se traduit par un abaissement de leur coût.
Avec la décision prise à Auch, le Gouvernement a donc mis en place un dispositif d'aide à l'immobilier d'entreprise par les collectivités locales simple et cohérent et particulièrement favorable aux zones rurales.
Pour ce qui est des fonds structurels que vous avez évoqués, nous en parlerons ce soir dans un comité interministériel qui se tiendra sous l'autorité du Premier ministre. Ils nous posent un sérieux problème car, comme le sait M. Jacques Vallade, qui préside la région Aquitaine, nous en bénéficions largement.
En la matière, on ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Quand on prétend qu'il y a trop de zonages, que l'on n'y comprend plus rien, que nous en faisons trop, on oublie simplement d'ajouter qu'ils sont sources de revenus, grâce à l'Europe, par l'intermédiaire de ce que nous appelons « les fonds structurels ».
Certes, le Gouvernement accepte les élargissements, il les encourage même - si l'on s'en tient aux dernières déclarations faites par le Président de la République en Tchécoslovaquie mais, pour autant, il va se battre avec acharnement pour que nos départements et nos villes conservent leurs fonds structurels - comme vous l'avez si justement souligné tout à l'heure, monsieur Bizet.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Jean Bizet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, de toutes les précisions que vous venez de formuler. J'ai pris bonne note des avancées enregistrées au cours du comité interministériel de l'aménagement du territoire qui s'est tenu à Auch, lesquelles sont effectivement de nature à favoriser le redéploiement et le développement des zones rurales.

disparité des taux de tva
sur les produits alimentaires

M. le président. M. Jean Bernard attire l'attention de M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat sur les inquiétudes des professionnels de l'hôtellerie et de la restauration, notamment face à la disparité des taux de TVA qui subsiste entre les produits alimentaires transformés et à la mise en oeuvre du plan de lutte contre le paracommercialisme - rapport Radelet.
Il lui demande de bien vouloir lui apporter des précisions sur l'état d'avancement de ces réformes. (N° 608.)
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Monsieur le ministre, ma question porte sur la disparité des taux de TVA sur les produits alimentaires.
En effet, chacun sait que la consommation sur place de produits alimentaires transformés est soumise au taux normal de TVA, actuellement de 20,6 %, alors que ces mêmes produits, lorsqu'ils sont emportés pour être consommés, se voient appliquer le taux réduit de 5,5 %.
L'application de ce taux normal de TVA a pour conséquence de placer les professionnels de l'hôtellerie et de la restauration dans une situation de concurrence défavorable par rapport aux nombreux autres acteurs qui exercent cette activité, notamment face à la restauration à emporter, qui bénéficie du taux réduit, comme je le rappelais et qui ne supporte pas les charges afférentes au personnel nécessaire à l'accueil et au service de la clientèle.
De même, le développement du paracommercialisme, exercé sous diverses formes, constitue une véritable activité concurrentielle, grâce aux exonérations dont il bénéficie.
Enfin, au regard des taux appliqués en la matière dans plusieurs pays de l'Union européenne, ce taux normal pénalise la compétitivité de la restauration française, qui reste un secteur indispensable à l'économie française pour que celle-ci conserve et renforce sa place de premier pays touristique du monde.
Depuis de nombreuses années, ces différents éléments ont très sensiblement fragilisé cette activité à forte capacité d'embauche rendant d'autant plus difficile le maintien et le développement de l'emploi dans le secteur.
L'application du taux normal de TVA à ce secteur résulte à la fois du code général des impôts mais également, et surtout, de la directive communautaire du 19 octobre 1992, qui prévoyait pourtant la possibilité de taxer ces produits au taux réduit de TVA. Le Gouvernement français de l'époque n'a pas jugé opportun, à l'origine, d'accorder cette dérogation, qui aurait permis l'application du taux de TVA à 5,5 %.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir m'indiquer si le Gouvernement entend prendre, tant sur le plan communautaire que sur le plan national, les mesures de nature à permettre l'application du taux réduit à ce secteur d'activité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison de souligner l'importance, dans notre économie, du secteur de la restauration. C'est, en effet, pour un grand pays touristique comme le nôtre, un secteur clé. Or il connaît un certain nombre de difficultés dans bien des régions.
Au moment où notre pays s'apprête à profiter de la plus grande campagne de promotion mondiale ayant jamais existé, je veux parler de la Coupe du monde de football de 1998, un certain nombre d'efforts doivent être consentis en faveur du secteur de la restauration.
C'est pour cette raison que le Gouvernement, notamment mon collègue Bernard Pons, en charge du tourisme, a engagé des réflexions sur les sujets que vous avez évoqués.
Comme vous le dites justement, monsieur le sénateur, le Gouvernement français n'a pas saisi l'opportunité, au moment où la discussion était ouverte au sein de la Communauté européenne, d'obtenir un taux de TVA réduit pour la restauration. Les directives communautaires nous interdisent désormais de fixer un taux réduit pour ces activités.
Toutefois, nous avons engagé une réflexion sur le sujet en confiant à M. Salustro, membre du Conseil économique et social, une mission d'étude sur le régime de la TVA dans le secteur de la restauration. Dans son rapport, M. Salustro a présenté à la fois les nécessités mais aussi les difficultés de la mise en oeuvre d'une réforme. Bernard Pons s'est engagé à réunir prochainement une table ronde avec les professionnels afin d'examiner les dispositions qu'il conviendrait de prendre pour venir en aide à la restauration dans l'ensemble des régions de France.
Je tiens à vous dire que, dès maintenant, nous avons pris des décisions de première urgence de manière à soutenir ce secteur. Ainsi, grâce à M. le Premier ministre, nous avons obtenu le triplement de l'enveloppe des prêts bonifiés, qui passe de 1 milliard de francs à 3 milliards de francs. Le tiers de cette somme, soit 1 milliard de francs, sera réservé à ce secteur. Ainsi, des taux « super bonifiés » de 3,5 % seront accessibles aux entreprises de la restauration.
Mon collègue M. Pons vous tiendra personnellement informé, monsieur le sénateur, des suites de la table ronde qu'il entend organiser.
M. Jean Bernard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos explications. Elles signifient que les problèmes sont maintenant largement identifiés et permettent d'espérer que la tenue de cette table ronde, dont nous suivrons bien sûr les travaux avec beaucoup d'intérêt, apportera des solutions qui seront favorables aux demandes formulées par les professionnels.

déréglementation du secteur électrique

M. le président. M. Claude Billard attire l'attention de M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications sur les dangers que fait peser sur le service public de production et de distribution de l'électricité la directive européenne du 20 décembre 1996 relative à la déréglementation du secteur électrique.
En outre, avant même qu'il ne soit débattu de la transcription de cette directive dans la loi française, on assiste depuis plusieurs semaines à une inquiétante accélération du processus de déréglementation dans le domaine de l'énergie : ainsi se sont enchaînés un accord sur la flexibilité et l'annualisation du temps de travail à EDF-GDF, la mise en chantier d'une directive sur le gaz en février, les contrats d'entreprise entre EDF-GDF et l'Etat en mars.
Plusieurs éléments de ces contrats d'entreprise sont révélateurs de cette marche forcée, en particulier celui qui a trait à la restructuration du bilan d'EDF.
A la lumière de tous ces faits, il lui demande s'il n'estime pas que la loi de nationalisation de l'électricité et du gaz de 1946 est progressivement vidée de son contenu et s'il ne pense pas qu'il conviendrait d'enrayer ce processus. (N° 625.)
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les dangers que fait peser sur le service public de production et de distribution de l'électricité la directive européenne du 20 décembre 1996 relative à la déréglementation du secteur électrique.
En outre, avant même qu'il ne soit débattu de la transcription de cette directive dans la loi française, nous assistons depuis quelque temps à une inquiétante accélération du processus de déréglementation : ainsi se sont succédé un accord sur la flexibilité et l'annualisation du temps de travail à EDF-GDF, la mise en chantier d'une directive sur le gaz en février et les contrats d'entreprise entre EDF-GDF et l'Etat en mars.
Plusieurs éléments de ces contrats d'entreprise sont révélateurs de cette marche forcée, en particulier celui qui a trait à la restructuration du bilan d'EDF.
Ces faits illustrent la course de vitesse engagée par le Gouvernement et les directions d'EDF-GDF afin d'imposer la construction maastrichtienne de l'Europe de l'énergie, qui exige de vider peu à peu la loi de nationalisation de son contenu.
Le contrat d'entreprise d'EDF prévoit en effet, en son titre III, une restructuration du capital sous prétexte de rendre le bilan comptable d'EDF semblable à celui d'une entreprise privée.
Vous voulez atteindre ainsi un triple objectif : premièrement, doter EDF-GDF d'un capital, étape préalable à toute ouverture au privé, deuxièmement, légaliser à un niveau jamais atteint les prélèvements de l'Etat sur le service public de l'électricité, enfin, troisièmement, préparer la mise en oeuvre de la directive européenne.
Or cette restructuration met directement en cause la loi de nationalisation.
Aujourd'hui, en effet, cette loi fait d'EDF le concessionnaire du réseau de transport qui, en plus des amortissements légaux, doit provisionner pour la remise en état de ses installations en fin de concession.
Or il est prévu, pour transformer ces provisions en capital et en réserves, de transférer la propriété de ce réseau à EDF. Mais celui-ci appartient à la nation et à elle seule. Aujourd'hui, EDF a des comptes à rendre ; demain, EDF, propriétaire, obéira à la logique d'entreprise.
Ce transfert de propriété est donc inacceptable. Non seulement cette spoliation d'un bien collectif remet en cause la loi de nationalisation, mais, en outre, elle constitue un élément avancé de la déréglementation puisque EDF a déjà décidé de filialiser ce réseau pour permettre à des producteurs privés de l'utiliser.
A la lumière de ces faits, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que la loi de nationalisation de l'électricité et du gaz de 1946 est proprement vidée de son contenu et qu'il conviendrait d'enrayer ce processus ? Ne pensez-vous pas que notre service public de production et de distribution d'électricité est ainsi gravement menacé et qu'il faudrait, sur une question aussi importante pour l'avenir du pays, engager un vaste débat national ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Franck Borotra, qui était dans l'impossibilité de venir devant la Haute Assemblée ce matin.
Le Gouvernement, monsieur Billard, ne peut partager votre point de vue.
Les services publics de réseaux du secteur énergétique contribuent sans conteste à l'efficacité de l'économie nationale et, plus encore, ils assurent les solidarités indispensables à la cohésion sociale en satisfaisant les besoins des membres de la collectivité selon le principe fondamental d'égalité.
Il n'est évidemment pas dans les intentions du Gouvernement de remettre en cause la pérennité des principes fondamentaux du service public, qui ont fait la preuve de leur efficacité en termes de satisfaction des besoins des usagers et de l'économie dans son ensemble.
S'agissant de la récente directive sur l'électricité adoptée par le conseil des ministres européens, ses principes vont permettre de conserver une programmation à long terme des investissements, placée sous le contrôle de la puissance publique, qui offre la garantie du maintien à la fois de la maîtrise de l'indépendance énergétique de la France et du traitement de l'ensemble des questions économiques et techniques concernant le secteur de l'électricité.
Cette directive permet également de préserver en l'état l'organisation de la distribution puisque EDF et les régies conserveront la responsabilité du service des 29 millions de consommateurs domestiques dans les mêmes conditions d'égalité de traitement tarifaire.
L'adoption de cette directive va donc entraîner une ouverture limitée et maîtrisée du marché, qui ne remet nullement en cause le système électrique français. Bien au contraire, le Gouvernement a fait très largement prévaloir ses vues à l'occasion des différentes négociations.
L'ensemble des initiatives prises dans le prolongement de ce texte, que ce soit le contrat d'entreprise d'EDF ou la restructuration de son bilan, n'ont pour objet que de permettre à EDF de continuer à assurer sa mission de service public en France et à jouer un rôle de premier plan en Europe dans le nouveau cadre institutionnel ainsi créé.
Les négociations sur la directive relative au marché gazier sont engagées dans le même esprit.
A l'occasion du conseil des ministres européens du 3 décembre 1996, un consensus s'est dégagé pour reconnaître aux Etats membres qui le souhaitent la possibilité d'imposer des obligations de service public dans l'intérêt économique général. Il a, en outre, été précisé que les travaux seront poursuivis avec l'objectif de prendre en considération le principe de subsidiarité et l'importance stratégique de la sécurité d'approvisionnement. Par conséquent, nous sommes à l'opposé d'une dérégulation.
C'est sur ces bases, conformes à sa vision du marché gazier, que la France entend défendre son point de vue et ses intérêts dans la suite des négociations.
L'accord social signé le 31 janvier 1997 entre les directions d'EDF et de GDF et trois organisations syndicales a, quant à lui, un double objectif.
C'est, d'abord, le développement et la compétitivité des entreprises au service des clients, ainsi que l'amélioration des conditions d'exercice des activités de service public.
C'est, ensuite, la création d'emplois, principalement au profit des jeunes. Il s'agit de parvenir à l'embauche de 11 000 à 15 000 jeunes pendant la période de trois ans couverte par l'accord. Ce résultat doit être atteint au travers d'accords locaux, signés au sein des unités d'EDF et de GDF. Cet effort d'embauche est dans la logique de la mobilisation gouvernementale pour l'emploi des jeunes.
Comme vous le constatez, monsieur le sénateur, l'ensemble de ces éléments contribuent à la modernisation du service public, donc à son renforcement, et non pas à son affaiblissement.
En tout état de cause, lorsque le Gouvernement transposera en droit français la directive européenne relative au marché intérieur de l'électricité, il veillera à garantir les principes que je viens d'évoquer.
M. Claude Billard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, mais je dois dire que vous n'avez pas levé mes craintes.
Vous avez rappelé l'un des objectifs de la directive du 20 décembre 1996 : l'ouverture du marché français de l'électricité à concurrence de 30 %. Mais il y a d'autres aspects.
En réalité, en séparant la gestion du réseau et l'exploitation, vous remettez en cause une situation tout à fait satisfaisante, car l'entreprise EDF répond aujourd'hui effectivement aux besoins des usagers en général. Vous voulez, de fait, insérer EDF dans une logique de concurrence. Faire d'EDF non plus le concessionnaire mais le propriétaire du réseau, c'est ouvrir la porte au privé.
C'est essentiellement sur ce point que je souhaitais attirer l'attention du ministre concerné. Si de tels projets devaient voir le jour, c'est la notion même de service public en matière d'électricité qui serait remise en cause.

conséquences de la création
de la conférence européenne permanente

M. le président. M. Daniel Hoeffel demande à M. le ministre des affaires étrangères comment il compte coordonner l'action de la « conférence européenne permanente », dont il a annoncé récemment le projet de création, avec l'action conduite par le Conseil de l'Europe, qui regroupe d'ores et déjà quarante pays européens et dont les chefs d'Etat et de gouvernement doivent se réunir en octobre 1997.
L'efficacité de la construction européenne ne dépend-elle pas d'abord de la coordination des structures de coopération déjà existantes ?
Ne vaut-il pas mieux éviter la multiplication d'instances nouvelles qui comportent des risques de doubles emplois et qui concourront, en définitive, au brouillage de l'image de la construction européenne, déjà trop souvent perçue comme peu lisible ? (N° 619.)
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. J'ai souhaité demander à M. le ministre des affaires étrangères comment il compte coordonner l'action de la « conférence européenne permanente », dont il a annoncé récemment aux Pays-Bas le projet de création, avec l'action conduite par d'autres instances européennes, particulièrement le Conseil de l'Europe, qui regroupe d'ores et déjà quarante pays européens et dont les chefs d'Etat et de gouvernement doivent d'ailleurs se réunir en octobre 1997.
L'efficacité de la construction européenne ne dépend-elle pas d'abord de la coordination des nombreuses structures de coopération existantes ? A cet égard, il convient de saluer notamment l'action que le Conseil de l'Europe mène pour intégrer les pays de l'Europe centrale et orientale dans le processus de coopération et de solidarité entre tous les pays européens.
Ne vaut-il pas mieux éviter la multiplication d'instances nouvelles, qui comporte des risques de doubles emplois et qui concourt en définitive au brouillage de l'image d'une construction européenne déjà trop souvent perçue comme n'étant pas suffisamment lisible ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir accepter les excuses de M. Hervé de Charette, qui aurait souhaité vous répondre personnellement, eu égard à votre grande compétence sur ces sujets, mais qui en a été empêché.
Il ne doit pas y avoir ni de malentendu ni d'ambiguïté sur la finalité du projet de « conférence européenne » qui a récemment été proposé par la France.
La « conférence européenne » a vocation à rassembler l'ensemble des pays candidats et des Etats membres de l'Union. Elle se présente, dans l'esprit d'Hervé de Charette, comme une amélioration substantielle de l'actuel « dialogue structuré », institué lors du Conseil européen d'Essen.
Réunie régulièrement à l'échelon des chefs d'Etat ou de gouvernement et des ministres des affaires étrangères, elle permettrait d'évoquer, de façon libre et informelle, les grands sujets d'intérêt commun liés au processus d'élargissement de l'Union.
L'ensemble des pays candidats seraient ainsi placés sous un même « chapeau », même si certains progressent plus vite que d'autres dans leur démarche d'adhésion, compte tenu de leurs performances objectives.
Nous avons pris la précaution, lorsque ce projet a été présenté à nos partenaires, de bien souligner trois éléments qui semblent de nature à vous rassurer et à éviter ce que vous appelez un « brouillage de l'image de la construction européenne ».
Tout d'abord, la « conférence européenne » n'a pas vocation à devenir une institution. Comme l'actuel dialogue structuré entre l'Union et les pays candidats, elle sera avant tout une enceinte d'échanges et de concertation.
Ensuite, elle ne doit interférer en aucune manière avec les négociations d'adhésion qui seront menées sur une base individuelle pour chacun des pays candidats.
Enfin, elle ne doit nullement intervenir dans les domaines qui sont de la compétence d'institutions existantes, comme l'OSCE (l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) ou le Conseil de l'Europe.
Vous savez à quel point le gouvernement français est attaché au fonctionnement du Conseil de l'Europe et partage, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, votre conviction, monsieur le sénateur. Notre pays prépare d'ailleurs activement le sommet prévu avec le Conseil de l'Europe en octobre 1997.
Les positions de M. le ministre des affaires étrangères, croyez-le bien, rejoignent tout à fait les vôtres.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse, qui apporte incontestablement les clarifications que l'on était en droit d'attendre.
Il est désormais bien établi qu'il ne s'agit en aucun cas de créer une nouvelle structure, une institution supplémentaire dans un paysage européen qui en compte déjà suffisamment. Vous avez dissipé tout éventuel malentendu à ce sujet.
Ainsi donc, cette « conférence européenne » a sa vocation propre ; elle ne remplace pas mais au contraire complète l'action qui est menée dans le processus de construction européenne par toutes les institutions existantes, en particulier par le Conseil de l'Europe. (M. Chérioux applaudit.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.


(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Michel Dreyfus-Schmidt.)

PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. J'informe le Sénat que la conférence des président a décidé que la séance d'aujourd'hui serait éventuellement reprise après le dîner.
Par ailleurs, elle a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat. A. - Mercredi 16 avril 1997, à quinze heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

1° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation (n° 227, 1996-1997) ;
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la procédure criminelle (n° 192, 1996-1997).
B. - Jeudi 17 avril 1997, à neuf heures trente et à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, suite du projet de loi portant réforme de la procédure criminelle ;
2° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines (n° 244, 1996-1997) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 16 avril, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
C. - Mardi 22 avril 1997 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A neuf heures trente et à seize heures :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la promotion de l'apprentissage dans le secteur public non industriel et commercial (n° 225, 1996-1997) ;
2° Proposition de loi de M. Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats (n° 284, 1996-1997) ;
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de l'établissement public d'aménagement de l'étang de Berre (EPABerre) (n° 249, 1996-1997) ;
4° Proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'activité de mandataire en recherche ou achat de véhicules automobiles neufs (n° 250, 1996-1997) ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 21 avril, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces quatre propositions de loi.
D. - Mercredi 23 avril 1997, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'aménagement du territoire ;
La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes le temps réservé au président de la commission des affaires économiques ;
- à cinq heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 22 avril.
E. - Jeudi 24 avril 1997 :
A neuf heures quarante-cinq :

Ordre du jour prioritaire

1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la qualité sanitaire des denrées destinées à l'alimentation humaine ou animale (n° 224, 1996-1997) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 23 avril, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 23 avril ;
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
F. - Mardi 29 avril 1997 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 584 de M. Marcel Charmant à Mme le ministre de l'environnement (régulation de la population de cormorans en Val de Loire) ;
N° 587 de M. Pierre Martin à M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications (réorganisation de la poste dans le département de la Somme) ;
N° 589 de M. Pierre Martin à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (politique de l'école) ;
N° 602 de M. Pierre Hérisson à M. le ministre des affaires étrangères (prise en compte des citoyens helvétiques résidant en France pour le calcul de la DGF attribuée aux communes frontalières) ;
N° 603 de M. Ambroise Dupont à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (conditions de versement de l'aide à la scolarité) ;
N° 606 de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra transmise à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration (avenir des services publics en zone rurale) ;
N° 610 de M. Gérard Fayolle à M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation (conséquences en Dordogne de la limitation des effectifs de l'enseignement agricole) ;
N° 612 de M. Emmanuel Hamel à Mme le secrétaire d'Etat aux transports (excès de vitesse des chauffeurs routiers dans la région lyonnaise) ;
N° 615 de M. Germain Authié à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (traitement des ordures ménagères par les collectivités territoriales) ;
N° 616 de M. Marcel Vidal à Mme le ministre de l'environnement (gestion des déchets ménagers) ;
N° 618 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (résultats scolaires en Seine-Saint-Denis) ;
N° 628 de M. Marcel Bony à M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation (organisation commune des marchés du lait) ;
N° 629 de M. Marcel Deneux à M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme (réalisation du canal Seine-Nord) ;
N° 630 de M. Marcel Deneux à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (cumul d'emplois et recrutement de contractuels dans la fonction publique territoriale) ;
N° 631 rectifié de M. Lucien Lanier à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale (situation des infirmiers et infirmières des hôpitaux psychiatriques) ;
N° 633 de M. Daniel Goulet à Mme le ministre délégué pour l'emploi (mesures en faveur de l'emploi des jeunes) ;
N° 634 de M. René Rouquet à M. le Premier ministre (reconnaissance du génocide arménien de 1915) ;
N° 636 de M. Daniel Hoeffel à M. le ministre de la culture (mesures de protection en faveur des facteurs d'orgue) ;
A seize heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, suite du projet de loi relatif à la qualité sanitaire des denrées destinées à l'alimentation humaine ou animale ;
3° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public (n° 297, 1996-1997) ;
4° Projet de loi portant transposition de la directive 94/47 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers (n° 208, 1996-1997) ;
La conférence des présidents a fixé au lundi 28 avril, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi.
G. - Mercredi 30 avril 1997, à neuf heures quarante-cinq et à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant réforme du service national (n° 292, 1996-1997) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 29 avril, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le code civil pour l'adapter aux stipulations de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et organiser la publicité du changement de régime matrimonial obtenu par application d'une loi étrangère (n° 281, 1996-1997) ;
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière (n° 259, 1996-1997) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 29 avril, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article 48, troisième alinéa, de la Constitution ?...
Ces propositions sont adoptées.

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SCRUTIN POUR L'ÉLECTION D'UN JUGE DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE ET DE JUGES DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
M. le président. L'ordre du jour appelle les scrutins pour l'élection d'un juge titulaire de la Haute Cour de justice et pour l'élection d'un juge titulaire de la Cour de justice de la République et de son suppléant.
Je rappelle que la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour ces élections.
Conformément à l'article 61 du règlement, ces scrutins auront lieu dans la salle des conférences, où des bulletins de vote sont à la disposition de nos collègues.
Je rappelle aussi que les juges nouvellement élus seront immédiatement appelés à prêter serment devant le Sénat.
Je prie M. Michel Doublet, secrétaire du Sénat, de bien vouloir présider les bureaux de vote.
Il va être procédé au tirage au sort de deux scrutateurs titulaires et d'un scrutateur suppléant qui opéreront le dépouillement du scrutin pour l'élection d'un juge titulaire à la Haute Cour de justice.

(Le tirage au sort a lieu.)
M. le président. Le tirage au sort a désigné :
Scrutateurs titulaires : MM. James Bordas et Daniel Eckenspieller.
Scrutateur suppléant : M. Michel Sergent.
Le scrutin pour l'élection d'un juge titulaire à la Haute Cour de justice est ouvert.
Il sera clos dans une heure.
Il va être procédé au tirage au sort de deux scrutateurs titulaires et d'un scrutateur suppléant qui opéreront le dépouillement du scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et de son suppléant à la Cour de justice de la République.

(Le tirage au sort a lieu.)
M. le président. Le tirage au sort a désigné :
Scrutateurs titulaires : MM. Jacques Bimbenet et José Balarello.
Scrutateur suppléant : M. Alain Gournac.
Le scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et de son suppléant à la Cour de justice de la République est ouvert.
Il sera clos dans une heure.

9

COLLECTIVITÉS LOCALES

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les collectivités locales.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de l'opportunité qui m'est donnée de vous présenter aujourd'hui l'état de la politique du Gouvernement en faveur des collectivités locales et de débattre avec vous de ses enjeux.
Quinze ans après les lois de décentralisation, malgré les difficultés inhérentes à toute entreprise de réorganisation de cette envergure, nos concitoyens sont globalement satisfaits de leurs collectivités locales...
M. Henri de Raincourt. Sauf M. Mazeaud !
M. Charles Revet. Et du travail qu'elles accomplissent !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... qui facilitent l'accès aux services publics et donnent à la démocratie un véritable enracinement.
La décentralisation et l'affirmation du rôle des collectivités locales sont incontestablement un acquis pour la France.
Le développement de la décentralisation a, certes, été nettement accentué depuis une quinzaine d'années, mais il traduit un mouvement de fond plus ancien voulu par l'Etat, qui doit être poursuivi et accompagné.
Le bilan est positif, comme nous l'avions souligné lors du débat qui s'est tenu le 13 mars dernier. Je crois utile d'insister à nouveau sur ce constat.
Le rôle accru des collectivités territoriales est un facteur de renforcement de la démocratie. Il est aussi le vecteur d'une amélioration qualitative considérable des services rendus au public. Il n'est que de constater les changements opérés dans la physionomie de nos communes, en milieu urbain comme en milieu rural, ou bien l'ampleur de la modernisation de nos établissements scolaires, lycées ou collèges.
Nos élus locaux ont su se saisir de leurs nouvelles responsabilités, et leur apport est devenu décisif dans l'équipement du pays ou la conduite de politiques aussi essentielles que les transports, l'éducation ou l'action sociale.
Tout ne doit pas se décider à l'échelon central : au contraire, il est indispensable que, pour la plupart des services publics, les citoyens trouvent une réponse complète au niveau des administrations locales.
Depuis une vingtaine d'années, les responsabilités liées à la gestion de proximité ont été largement redistribuées de l'Etat vers les collectivités territoriales. Un équilibre qui me paraît satisfaisant dans l'ensemble a pu être trouvé, même s'il est évolutif et perfectible.
Au vu de ce bilan, on peut considérer que la décentralisation entre maintenant dans une période de maturité, où chaque collectivité a, pour l'essentiel, trouvé sa place.
Comme le suggérait, à juste titre, le rapporteur du groupe de travail de votre commission des lois, M. Daniel Hoeffel, nous devons éviter les « faux débats » opposant l'Etat et les collectivités locales, ou les collectivités locales entre elles. Cette démarche, j'en suis convaincu, serait totalement stérile. Elle oublierait que, pour le citoyen, l'Etat et les collectivités territoriales sont les facettes d'une même entité à son service, la puissance publique.
Cessons d'appeler à des relances ou à des redéfinitions générales de la décentralisation, méconnaissant la réalité et non étayées, en fait, par des propositions concrètes. Le Gouvernement préfère une approche positive et constructive.
Prenons l'exemple des débats sur la coexistence de plusieurs niveaux de collectivités territoriales ou sur la clarification des compétences.
Il faut être clair sur ce sujet. Chacun souhaite la clarification mais rechigne à céder sa part de prérogative. Dans la pratique, les partenariats sont souvent peu contournables, sur le plan financier comme sur le plan politique. En outre, il est plus facile de refaire des partages lorsque les moyens sont confortables que lorsqu'ils sont plus tendus.
C'est ce qui explique aussi pourquoi l'éventualité de nouveaux transferts de compétences, pour être tout à fait souhaitable, ne peut faire abstraction des marges de manoeuvre existantes. Or, toute la fiscalité à assiette localisée a déjà été transférée. Il n'est donc plus possible de confier à la décision des collectivités locales de nouveaux impôts, garantissant leur capacité à faire face à de nouvelles responsabilités.
Aussi le Gouvernement a-t-il souhaité entreprendre, avec les représentants des élus locaux, un travail réaliste et pragmatique, pour identifier les points sur lesquels une amélioration peut être apportée dans un strict cadre de neutralité financière.
C'est ainsi que nous pouvons conclure à la fois à la nécessité et à la faisabilité d'une meilleure distinction des interventions de l'Etat et des collectivités en matière sanitaire et sociale.
Le texte récent sur la prestation spécifique dépendance, issu de l'initiative de votre assemblée comme le projet de loi en cours de discussion sur la cohésion sociale fournissent la possibilité d'une première série de clarifications en la matière.
Les discussions liées à la préparation du projet de loi sur l'assurance maladie universelle permettront, j'en suis convaincu, d'aller plus loin.
Il n'y aura donc, en tout état de cause, pas de « grand soir » institutionnel ni de bouleversement redécoupant les structures territoriales : ce n'est ni l'attente de nos concitoyens, j'en suis persuadé, ni la réponse adaptée aux besoins réels et immédiats des collectivités territoriales.
En revanche, il faut continuer d'assurer aux collectivités locales les moyens de leur action et de leur développement.
C'est l'orientation qui a guidé et qui doit continuer de guider l'ensemble des actions en faveur de la décentralisation. Dans un contexte de participation à l'effort national de maîtrise de la dépense et des charges publiques, nous y parviendrons en cherchant à atteindre simultanément deux grands objectifs. Il s'agit, d'une part, de permettre aux collectivités locales de disposer de plus de souplesse et de capacités d'initiative. Il s'agit, d'autre part, de leur garantir, en même temps, une meilleure sécurité et une plus grande lisibilité de leur cadre d'intervention, aussi bien sur le plan administratif que sur le plan financier.
Ce sont les fils conducteurs de l'action du Gouvernement pour les collectivités locales, à travers les politiques lancées en 1993 et en 1995, et qui seront poursuivies.
Découlent de ces objectifs l'amélioration des mécanismes de l'intercommunalité, la politique financière et fiscale, l'amélioration de la sécurité budgétaire et des instruments d'intervention économique, ainsi que l'accompagnement de la décentralisation par son « deuxième pilier » : la déconcentration.
Je dirai quelques mots sur l'intercommunalité. J'ai pu m'exprimer devant vous sur ce sujet le 13 mars dernier. Je vous avais alors présenté les grandes lignes du projet de loi sur l'intercommunalité que j'entendais proposer à M. le Premier ministre.
Leur validation par le dernier Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, me permet aujourd'hui de vous confirmer pleinement les orientations de ce texte, que j'aurai l'honneur de vous soumettre dans quelques semaines.
Je m'en tiendrai donc à un rappel très rapide de l'objet et des principales innovations de ce projet de loi.
Il s'agit de favoriser les initiatives communales, de renforcer l'efficacité de leur coopération, dans un cadre à la fois plus simple et plus souple. Ce texte offrira de plus larges possibilités de choix et d'évolution en fonction des besoins et des projets locaux.
C'est la réponse prioritaire que le Gouvernement a choisi de retenir pour tenir compte de l'identité territoriale de notre pays : identité forte, assise sur une carte communale dense, à laquelle nos concitoyens sont attachés, et sur des échelons territoriaux de solidarité et d'animation.
Je vous l'ai dit, notre préoccupation n'est pas d'imaginer un bouleversement institutionnel, qui pourrait casser la dynamique de l'engagement des élus locaux.
Il faut plutôt se préoccuper d'apporter aux collectivités locales des instruments de coopération et de complémentarité plus simples et plus adaptés. C'est le constat qui vient à l'esprit à l'observation du développement très rapide de l'intercommunalité.
La coopération intercommunale occupe une place importante - je le constate à chacun de mes déplacements - dans les préoccupations des élus locaux en termes d'organisation de l'exercice des compétences, de répartition des charges, mais aussi d'allocation des ressources, qu'il s'agisse de ressources fiscales ou de la dotation globale de fonctionnement, la DGF.
C'est la raison pour laquelle le premier objectif du projet de loi consistera à unifier en une seule catégorie les districts, communautés de communes et communautés de villes.
Le deuxième objectif sera d'encourager, je l'ai déjà dit, le développement de la taxe professionnelle d'agglomération, en levant les obstacles à son adoption.
Enfin, le projet de loi aura également pour objet de favoriser une meilleure allocation des ressources. Il s'agira notamment de mieux répartir la DGF au service de l'intercommunalité de projets, en tenant mieux compte de l'activité des groupements.
L'unification des groupements en une seule catégorie juridique aura également pour effet de permettre aux districts de bénéficier du FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA, l'année même de la réalisation de la dépense.
C'est ce même souci d'une règle du jeu plus adaptée qui détermine, plus généralement, l'évolution des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.
J'évoquerai en quelques mots la politique financière et fiscale en faveur des collectivités territoriales.
Aujourd'hui, l'Etat comme les collectivités locales, nous le savons bien, agissent dans un environnement financier contraint. Il importe de faire mieux avec des moyens en progression plus faible qu'au cours des années passées, car nos concitoyens sont légitimement attentifs à l'évolution de la fiscalité.
Cette situation exige, j'en suis convaincu, que les collectivités locales aient la pleine maîtrise de leur budget et qu'elles puissent conduire une réflexion sélective sur les politiques menées.
M. Paul Girod. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Le produit fiscal doit demeurer essentiel dans les ressources des collectivités locales, afin que les élus conservent la responsabilité des politiques conduites. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable aux propositions récentes du Conseil des impôts, visant à transformer la taxe professionnelle en dotation.
Mais l'Etat doit également leur assurer une plus grande prévisibilité budgétaire et veiller à compenser par des dispositifs de solidarité les inégalités de ressources et de charges constatées.
C'est tout le sens des réformes récemment voulues par le Gouvernement et le Parlement, et de celles que nous poursuivons.
J'évoquerai tout d'abord la stabilité des budgets locaux.
La mise en place du pacte financier triennal assure depuis 1996 une indexation des principales dotations de l'Etat au rythme de l'inflation. Elle préserve ainsi la stabilité des budgets locaux.
En 1997, sa mise en oeuvre a ainsi autorisé une progression de l'ensemble des concours aux collectivités locales supérieure à l'inflation, alors que le budget de l'Etat était tout juste maintenu en francs courants. C'est donc un bon dispositif.
Mais assurer l'évolution des recettes des collectivités locales ne suffit pas et le Gouvernement est pleinement conscient des préoccupations des élus en matière de charges.
Pour donner toute sa portée à l'effort de stabilisation des charges, nous avons pris plusieurs initiatives d'évaluation de ces charges.
Cela s'est traduit notamment par la réactivation et l'extension de la compétence de la commission consultative d'évaluation des charges, la CCEC. Celle-ci s'est réunie six fois depuis que M. Hoeffel, alors ministre, l'a réactivée en 1994. Elle a établi à l'intention du Parlement le bilan entre 1984 et 1993 de l'évolution des charges liées aux transferts de compétences effectués au bénéfice des collectivités locales.
Je rappellerai aussi la création de l'observatoire des finances locales, présidé par M. Fourcade. Il s'est réuni à deux reprises en 1996. M. le sénateur Bourdin a présenté un rapport sur la situation financière des collectivités locales, qui fera l'objet d'une actualisation annuelle, et je sais qu'il travaille déjà au prochain rapport.
Enfin, M. Girod a soumis à l'observatoire des finances locales un rapport sur la compensation financière des transferts de compétences pour les départements et pour les régions. Il souligne notamment que la couverture des dépenses liées aux transferts de compétences a été correctement assurée, même s'il a regretté que la couverture par les recettes transférées se soit dégradée, tout en restant supérieure au droit à compensation.
Par ailleurs, le Gouvernement veille à éviter de nouveaux transferts de charges. (« Ah ! » sur plusieurs travées du RPR.) Plusieurs mesures de première importance en témoignent, comme le principe posé d'une étude d'impact préalable à tout projet de loi ou de décret.
A cet égard, il nous appartient à tous de veiller à ne pas multiplier l'édiction de normes...
M. René Régnault. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... dans des proportions et selon un calendrier incompatible avec les capacités budgétaires locales. (Applaudissements sur plusieurs travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. René Régnault. Ne vous réjouissez pas trop vite !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. L'Etat a apporté, enfin, une aide spécifique quand des charges nouvelles sont apparues qui relevaient d'enjeux nationaux exceptionnels.
Les efforts engagés pour prévenir un relèvement des taux de cotisations employeurs à la CNRACL, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, participent du même souci de ne pas déstabiliser les budgets locaux. L'engagement pris a été tenu : il n'y a pas eu de charges nouvelles en 1996 et en 1997. Je puis vous indiquer, à cet égard, que, selon les chiffres les plus récents, l'abondement opéré sur les réserves du fonds ATI en 1997 permettra à la caisse d'atteindre la fin de l'exercice 1997 avec des réserves positives et d'aborder 1998 sous de meilleurs auspices.
J'évoquerai maintenant la péréquation.
L'Etat s'est également efforcé de renforcer les dispositifs de péréquation au cours des dernières années : les réformes de la dotation globale de fonctionnement, du FNPTP, le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, ont ainsi permis de réduire les écarts dans la répartition des dotations de l'Etat par habitant et par commune, qui se situaient de 1 à 2,2 en 1986 et sont passées de 1 à 1,81 en 1996. Le processus retenu est progressif mais il est continu, afin de ne pas bouleverser les budgets locaux.
Ainsi, le FNPTP a été, dans les dernières années, recentré vers la péréquation. Les corrections des insuffisances de potentiel fiscal de taxe professionnelle mises en place depuis 1995 en constituent une bonne illustration.
La réforme de la dotation globale de fonctionnement présentée par M. Hoeffel, en 1993, a permis de dégager des marges de péréquation et des moyens propres à financer l'intercommunalité.
La réforme de la dotation de solidarité urbaine effectuée en mars 1996 va également dans le sens du renforcement de la péréquation.
Le Gouvernement déposera avant l'été prochain le rapport prescrit par la loi d'orientation de février 1995 sur l'ensemble du dispositif organisant la péréquation financière. D'ores et déjà, les résultats disponibles font apparaître des écarts de ressources limités entre les espaces régionaux ; toutefois, l'hétérogénéité des budgets locaux laisse à penser qu'il sera difficile d'établir un instrument de mesure unique des écarts de ressources.
Etant donné la faiblesse des marges de croissance, il serait pour autant peu réaliste de proposer une modification substantielle des mécanismes de solidarité ou de péréquation mis en oeuvre actuellement, sauf à risquer de déstabiliser les budgets locaux.
Mais cette démarche en profondeur pour une plus grande sécurité des budgets locaux doit être complétée en accentuant la transparence des choix locaux et en renforçant les moyens d'intervention des collectivités.
Je voudrais maintenant aborder cette question de l'amélioration de la sécurité budgétaire et des instruments d'intervention économique.
J'envisage en effet d'engager avec vous une concertation, afin d'aboutir prochainement au dépôt d'un projet de loi ayant un triple objet.
Il s'agit, d'abord, d'améliorer le dispositif de suivi budgétaire des collectivités locales. En nous appuyant sur la mise en oeuvre de la comptabilité M 14 au 1er janvier 1997, il nous faut assurer une meilleure prise en compte des risques et une meilleure lisibilité des comptes des collectivités.
Il s'agit, ensuite, de clarifier les relations financières et contractuelles entre les sociétés d'économie mixte et les collectivités locales.
Il s'agit, enfin, d'élargir les conditions de participation des collectivités locales aux sociétés de capital-risque et aux sociétés de garantie.
En matière de sécurité budgétaire, plusieurs dispositions pourraient être envisagées pour prévenir le plus en amont possible d'éventuelles difficultés financières des collectivités locales et pour définir une procédure de redressement durable. Elles auraient notamment pour objet de repréciser les notions d'équilibre budgétaire ainsi que les modalités tant de la reprise du résultat du compte administratif que de l'organisation d'une procédure de redressement pluriannuel.
Ce projet de loi pourrait redéfinir également les relations financières et contractuelles qui prévalent entre les sociétés d'économie mixte et les collectivités locales, au terme d'une concertation qui associe déjà la fédération nationale des sociétés d'économie mixte et qui doit être prolongée avec les associations représentatives des collectivités locales actionnaires.
Sous réserve du respect des principes du régime des interventions économiques et du code des marchés publics, pourraient ainsi être autorisées des avances en compte courant d'associés, dans le cadre de conventions précises.
Il conviendrait aussi de repréciser les conditions d'intervention des collectivités locales dans les situations suivantes : opérations de construction réalisées sous mandat, concessions d'aménagement, sociétés d'économie mixte en charge de la réalisation de logements sociaux.
Enfin - je sais que c'est un enjeu qui tient à coeur au président de la Haute Assemblée, M. Monory - nous n'échapperons pas, à terme, à une réforme d'ensemble du régime des interventions économiques. Il s'agira de substituer à l'actuel dispositif, qui distingue aides directes encadrées et aides indirectes, un dispositif plus adapté aux besoins des entreprises, en conservant deux préoccupations : autoriser les interventions jusqu'au niveau permis par la réglementation européenne et confiner le risque pris par les collectivités locales.
Mais sans attendre cette réforme qui nécessite encore une mise au point technique et une concertation, il me semble d'ores et déjà possible d'encourager le développement des interventions des collectivités locales par le biais de structures intermédiaires associant des professionnels de la banque et des entreprises.
Ainsi, nous pourrions envisager d'élargir les conditions de participation des collectivités locales aux sociétés de garantie et aux sociétés de capital-risque. Leur développement permettrait de mieux répondre aux besoins en fonds propres des entreprises, tout en limitant le risque encouru par les collectivités locales.
Nous débattrons prochainement de toutes ces orientations sur lesquelles j'entends mener une large concertation avec les élus et leurs associations représentatives.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais souligner le fait que la décentralisation ne progressera pas sans la réforme de l'Etat, notamment sans la déconcentration.
Je n'hésiterai pas à dire que la déconcentration constitue sans doute le deuxième pilier de la décentralisation.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. L'un des enjeux majeurs de la décentralisation réside désormais dans le nouveau contrat de confiance entre l'Etat et les collectivités locales résultant de la clarification de leurs relations et d'une meilleure coordination de leurs actions.
L'Etat n'a probablement pas tiré toutes les conséquences de la décentralisation quant à son mode d'organisation et de fonctionnement.
Ses procédures sont devenues de plus en plus complexes. Les élus ont trop d'interlocuteurs et ne savent plus bien à qui s'adresser ou à qui adresser leurs concitoyens,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ça c'est vrai !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... d'où la nécessité de réaliser une véritable déconcentration. Elle entraînera un changement profond de la relation du service public avec le citoyen.
Le décret du 15 janvier dernier a fait du préfet l'autorité de droit commun pour les décisions individuelles et décidé de l'expérimentation du regroupement de services déconcentrés. Le préfet sera désormais l'interlocuteur unique voulu par les élus locaux.
La réorganisation des services déconcentrés a pour objet de simplifier, de responsabiliser, d'unifier, d'adapter les services aux caractéristiques locales. Elle participe ainsi du même esprit que la décentralisation : rapprocher le service public du citoyen.
La déconcentration doit également être financière : les préfets disposent déjà d'une enveloppe fongible de crédits pour l'emploi ; en 1998, pour les trois politiques publiques que sont l'emploi, la lutte contre l'exclusion et la ville, les crédits seront largement regroupés pour que la décision préfectorale soit mieux adaptée.
Les crédits déconcentrés seront identifiables sur des chapitres spécifiques dès la loi de finances de 1998. Les contrats de service seront développés.
Un effort considérable de simplification du droit et de transparence est parallèlement en cours. La partie législative du code général des collectivités territoriales est ainsi le premier texte que j'ai eu l'honneur de défendre au Parlement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le voyez, l'Etat maintient résolument son choix pour la décentralisation, qui permet de mobiliser les énergies, de libérer les initiatives en faveur de l'emploi et d'être à l'écoute directe de nos concitoyens.
Non seulement le Gouvernement entend conforter la décentralisation dans ses fondements mais, en plus, il met en oeuvre une dynamique profonde pour l'améliorer tant sur le plan institutionnel que sur le plan économique et financier.
Je suis convaincu que le présent débat permettra de mieux fixer encore les priorités que je viens d'évoquer et de les enrichir de vos idées et de vos expériences. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'emblée, je voudrais remercier le Gouvernement d'avoir accepté la tenue de ce débat, qui s'inscrit parfaitement dans la vocation constitutionnelle de la Haute Assemblée, dont l'une des missions est d'assurer la représentation des collectivités territoriales de la République.
Force est de reconnaître que la date retenue pour l'organisation de ce débat présente, tout au moins à nos yeux, l'avantage de conférer à ce dernier toute l'importance d'un débat d'orientation budgétaire.
Ce débat ne doit à mon avis pas être détourné en servant de prétexte à l'établissement d'un énième cahier de doléances.
Il s'agit, bien au contraire, d'adopter une démarche constructive et de mettre à profit cet espace d'expression pour faire le point sur la situation des collectivités locales, pour tirer ensemble, sereinement, les leçons du passé et pour éclairer l'avenir, qui doit être placé sous le signe d'une coexistence pacifique et d'une coopération confiante entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, trop de faux et de mauvais procès sont encore instruits, dans certaines sphères de l'Etat, à l'encontre des collectivités locales,...
M. René Régnault. Ah oui !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... qui sont accusées, à tort, d'être des îlots de prospérité et de laxisme dans un océan de pénurie et de rigueur. (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. Charles Revet. Mais qui a créé la pénurie ?
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, il faut tordre le cou à ces légendes...
M. Henri de Raincourt. Sale oiseau ! (Sourires)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... dont la seule fonction était de tenter de justifier les ponctions opérées sur les ressources des collectivités locales, transformées en la circonstance en variables d'ajustement du budget de l'Etat.
M. René Régnault. Sortez Bercy !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, il faut sortir de cette ère du soupçon et recréer un climat de confiance entre l'Etat et les collectivités locales.
Cette oeuvre de pacification se révèle indispensable, car l'Etat a besoin des collectivités locales qui sont devenues « incontournables », selon une expression à la mode, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, il convient de ne pas oublier que les collectivités locales sont des acteurs économiques majeurs dont la masse financière représente près de 10 % du produit intérieur brut.
En outre, les collectivités locales préparent l'avenir en assumant plus de 70 % de l'investissement public : elles sont donneurs d'ordre pour plus de 170 milliards de francs de travaux, ce que l'on oublie trop souvent !
M. René Régnault. Eh oui !
M. Michel Sergent. Très juste !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Autrement dit, la croissance molle que nous connaissons depuis le début des années quatre-vingt-dix aurait été encore plus faible, plus anémique sans l'intervention des collectivités locales.
M. Charles Revet. Exactement !
M. Michel Sergent. Très vrai !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Leur mission ne se cantonne pas à ce rôle de bâtisseurs : elles remplissent également une fonction sociale irremplaçable en ces temps de mutation et de transition économiques propices aux phénomènes d'exclusion.
Véritables espaces de solidarité, les communes et surtout les départements, qui consacrent désormais 60 % de leur budget de fonctionnement aux dépenses d'aide sociale, ont pris la relève de l'Etat-providence pour tenter de réduire la fracture sociale.
La deuxième raison qui milite en faveur d'un partenariat entre l'Etat et les collectivités locales réside dans les bienfaits de ce que l'on appelle maintenant la gestion de proximité.
La décentralisation, qui constitue, à l'évidence, une réforme bénéfique, a permis de libérer les initiatives et les capacités locales.
M. René Régnault. Tiens donc !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Cela ne saurait vous surprendre puisque je l'avais déclaré à l'époque de la réforme !
L'action des départements et des régions en faveur des collèges et des lycées constitue sans doute l'illustration la plus marquante du caractère positif de la décentralisation.
Enfin, la troisième et dernière raison qui rend indispensable, dans l'intérêt même de l'Etat, l'édiction d'un code de bonne conduite réside dans l'inévitable réforme de l'Etat engagée par le Gouvernement. Vous y avez déjà fait allusion, monsieur le ministre, et peut-être pourrez-vous nous donner plus de précisions sur ce sujet.
En effet, la discussion du projet de loi de finances pour 1997 a montré que l'effort d'économies sans précédent réalisé par le Gouvernement rencontrerait bien vite ses limites s'il n'était relayé par la recherche d'économies structurelles.
Au-delà de la nécessaire amélioration des relations entre les citoyens et leur administration, la réforme de l'Etat doit se traduire par une nouvelle délimitation de son périmètre d'intervention et par une nouvelle définition de ses modalités d'action.
Il s'agit de recentrer l'Etat sur ses missions régaliennes, ses fonctions de prescripteur et son rôle de garant de l'unité, de la cohésion et de la solidarité nationales.
M. Charles Revet. Très bien ! M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Pour aboutir à ce résultat, il pourrait être envisagé de relancer la décentralisation, qui est aujourd'hui au milieu du gué, en ouvrant aux collectivités locales de nouveaux territoires d'intervention. On peut penser à l'emploi des jeunes, domaine dans lequel les collectivités territoriales, même si la loi ne leur reconnaît pas officiellement ce rôle, pourraient jouer utilement un rôle d'interface ou de passerelle entre le système éducatif et l'entreprise, comme en témoignent déjà certaines expériences locales particulièrement intéressantes.
M. Robert Pagès. Et même de boucs émissaires !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. On pourrait également songer à un transfert aux régions de la responsabilité de la maintenance et de la construction des locaux universitaires comme prélude à une véritable décentralisation de l'enseignement supérieur, assortie bien évidemment d'une péréquation entre les régions en fonction de leurs capacités contributives et d'un renforcement de l'autonomie des universités.
M. René-Pierre Signé. On attend la péréquation !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Toutes ces avancées ne pourront toutefois se réaliser que si l'Etat s'engage à respecter le principe de la compensation concomitante et intégrale des charges transférées et conclut avec les collectivités locales un véritable pacte de confiance. (Murmures sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Pardonnez-moi, monsieur le ministre, d'insister sur cette condition préalable et indispensable qu'est le pacte de confiance entre l'Etat et les collectivités locales ; mais les collectivités locales, échaudées par le passé - comprenez-le - craignent l'avenir.
Le passé a en effet porté la marque d'une suite ininterrompue de ruptures de contrat, d'entorses aux principes et de remises en cause des règles du jeu dont ont été victimes les collectivités locales, quels que soient les gouvernements au pouvoir.
M. René Régnault. Oui, surtout récemment !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Elles ont ainsi connu des transferts de compétences fortement évolutives, mais partiellement compensées, des dévolutions de compétences légalement non compensées et des transferts insidieux de charges.
En définitive, les collectivités locales sont confrontées, depuis le début des années quatre-vingt-dix, à un effet de ciseau caractérisé par une vive progression de leurs dépenses, notamment de leurs dépenses locales, et à une réduction non négligeable de leurs ressources en raison des ponctions opérées sur certaines dotations.
Dans ces conditions, on peut même s'étonner que le recours à la pression fiscale n'ait pas été plus fort, ce qui constitue une preuve supplémentaire de la bonne gestion des collectivités locales.
Ces mésaventures, ces péripéties et ces tribulations n'incitent pas les collectivités locales à envisager l'avenir avec confiance.
M. René-Pierre Signé. C'est certain !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Qui plus est, cet avenir leur paraît lourd de menaces compte tenu des incertitudes qui pèsent sur l'équilibre de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, de la prolifération des normes de sécurité, de la multiplication des contraintes liées à la protection de l'environnement, qu'il s'agisse de l'eau, de l'air ou des déchets, et de l'implication financière des politiques conduites par l'Etat dans des domaines aussi divers que la lutte contre l'exclusion ou la généralisation des nouveaux rythmes scolaires.
M. Emmanuel Hamel. Les résultats des élections le montreront dans un an !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, un long chemin reste à parcourir pour restaurer un climat de confiance, même si des progrès réels sur la voie d'une pacification des relations entre l'Etat et les collectivités locales ont été récemment accomplis, il convient de le souligner et de le reconnaître.
M. René-Pierre Signé. Minces progrès !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. J'en veux pour preuve l'avènement du pacte de stabilité (Exclamations sur les travées socialistes), lequel répond en grande partie au souhait exprimé par le Sénat, qui l'avait sollicité depuis de longues années.
M. René Régnault. Quel cadeau !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Certes, ce pacte n'est pas un pactole,...
M. Guy Fischer. Loin de là !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... mais il représente, pour les collectivités locales, un filet de sécurité et un instrument de prévisibilité de leurs ressources.
J'en veux également pour preuve l'absence, dans la dernière loi de finances, de turpitudes pour les ressources des collectivités locales, ainsi que cela a été souligné sur toutes les travées de la Haute Assemblée ! (« Très bien ! » sur les travées des Républicains et Indépendants.)
Ces progrès sont indéniables, mais l'Etat doit effectuer de nouveaux gestes significatifs pour retrouver toute sa crédibilité aux yeux des élus locaux.
M. René Régnault. Nous nous en expliquerons tout à l'heure !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Parmi ces gestes, il me semble indispensable de donner une valeur législative, monsieur le ministre, à l'obligation posée par la circulaire du 21 novembre 1995 d'effectuer une étude d'impact sur les finances locales préalablement au vote ou à l'adoption de toute disposition législative ou réglementaire.
M. René Régnault. Cela, c'est bien !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Merci, mon cher collègue !
Il s'agirait également d'étaler dans le temps les incidences financières des véritables bombes à retardement que constituent les législations sur l'eau ou les déchets, sans cesse remises en cause tant au niveau national qu'au niveau européen.
M. René-Pierre Signé. Ah oui !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Il conviendrait aussi de mieux associer les collectivités locales à l'élaboration des mesures relatives à la fonction publique territoriale, qui ne peuvent manquer d'avoir des incidences sur leurs budgets. Les collectivités locales doivent devenir un partenaire à part entière du dialogue conduit par le Gouvernement en ce domaine.
Il est, en outre, nécessaire, pour faciliter le dialogue entre l'Etat et les collectivités locales, que le Gouvernement rende effective la déconcentration, qui constitue le corollaire naturel et indispensable de la décentralisation.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Comme vous l'avez indiqué il y a un instant, monsieur le ministre, il s'agit de promouvoir un interlocuteur unique, le préfet, capable d'engager l'Etat, et tout l'Etat, et disposant de crédits déconcentrés. Une opération a déjà été engagée en ce qui concerne l'action en faveur de l'emploi à l'échelon départemental.
De plus, il me semble nécessaire de donner un second souffle à la coopération intercommunale.
Votre avant-projet de loi comporte, à cet égard, monsieur le ministre, des éléments de réponse qui me paraissent respectueux de l'autonomie locale.
Enfin, la pacification des relations entre l'Etat et les collectivités locales passe, me semble-t-il, par une modernisation de la fiscalité directe locale. A cet égard, force est de constater que la taxe professionnelle occupe une place particulière dans notre imaginaire fiscal.
Dans la mesure où le Gouvernement vient de me faire l'honneur de me confier la présidence d'un groupe de travail sur la taxe professionnelle, qui tiendra sa première réunion la semaine prochaine, il m'est difficile de m'exprimer plus longuement sur cet impôt triangulaire, perçu par les collectivités locales, acquitté par les entreprises et compensé par l'Etat.
Qu'il me soit simplement permis de dire que la résolution des problèmes posés par cet impôt triangulaire relève en quelque sorte de la quadrature du cercle puisqu'il s'agit tout à la fois, nous dit-on, d'alléger son poids pour les entreprises et de réduire la facture de l'Etat, tout en maintenant le produit perçu par les collectivités locales.
M. Robert Pagès. Il y aura un perdant : les ménages !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Qu'il me soit également permis de dire toute mon opposition à l'idée d'une nationalisation du taux de la taxe professionnelle, qui irait à l'encontre de la décentralisation, qui romprait, ce qui est beaucoup plus grave, tout lien entre les collectivités locales et les entreprises et, enfin, qui démotiverait les élus locaux.
M. René Régnault. Nous sommes d'accord !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Enfin, il me semble que l'idée consistant à substituer la valeur ajoutée par l'entreprise à l'assiette actuelle de la taxe professionnelle a fait long feu, et à juste titre : l'expérience a déjà été tentée par l'Assemblée nationale, et nous en connaissons le résultat.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques réflexions - non exhaustives, bien évidemment - que je tenais à exprimer à l'orée de ce débat.
En définitive, monsieur le ministre, gardons-nous de revenir à de stériles querelles et méfions-nous des exégèses médiatiques qui viennent parfois déformer le contenu de nos déclarations à la presse.
S'agit-il, pour les élus locaux, de se remettre en cause, ou ne s'agit-il pas, plus simplement, de clarifier les règles d'un jeu devenu, pour les uns et pour les autres, par trop complexe ?
J'ai la conviction que nous saurons bâtir, avec vous, monsieur le ministre, un partenariat responsable et adulte, et ce pour le bien de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
- Groupe du Rassemblement pour la République, 57 minutes ;
- Groupe socialiste, 49 minutes ;
- Groupe de l'Union centriste, 42 minutes ;
- Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
- Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
- Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, mes premières paroles seront pour vous remercier, d'abord, de la clarté de votre exposé et pour m'associer, ensuite, aux propos de M. Poncelet s'agissant des thèses qu'il défend depuis longtemps en ce qui concerne l'indépendance des collectivités territoriales et leur nécessaire maturité, que nous recherchons en permanence, ainsi que les relations de celles-ci avec l'Etat, particulièrement en matière financière.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Merci, mon cher collègue !
M. Paul Girod. Certains de vos propos, mon cher collègue, ont provoqué ici ou là quelques remous. S'agissant de l'adhésion du Sénat à l'idée de décentralisation, je voudrais tout de même rappeler que, si décentralisation il y a eu en 1981, c'est en partie en raison de l'adoption par le Sénat, les années précédentes, de textes instituant l'autonomie des collectivités locales en matière fiscale et mettant en place une dotation globale de fonctionnement qui, à l'époque, transférait aux collectivités locales une part d'un grand impôt évolutif de l'Etat, la TVA - revendication permanente des représentants des collectivités locales depuis plus de trente ans - et instituant la globalisation des emprunts, mesures sans lesquelles rien n'aurait pu être fait passé un certain mois de mai ou de juin 1981.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Le ministre de l'intérieur de l'époque était M. Christian Bonnet !
M. Paul Girod. Je voudrais aussi rappeler que, si la première lecture de la loi de 1982 a été difficile au Sénat, la seconde lecture, en revanche, y a été beaucoup plus consensuelle, la Haute Assemblée ne s'opposant à ce texte que sur deux points seulement : l'intervention des communes dans les entreprises et l'érection des régions en collectivités territoriales de plein exercice, problème auquel nous sommes confrontés en ce moment, avec l'enchevêtrement des compétences entre collectivités locales de plein exercice. Peut-être le Sénat avait-il été plus lucide que beaucoup d'autres sur ce point, il convenait de le rappeler au début de cette discussion.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Paul Girod. Cela dit, monsieur le ministre, permettez-moi d'exprimer le sentiment de mon groupe - et le mien - sur certains des aspects que vous avez évoqués, et d'abord sur les problèmes structurels et juridiques.
Vous nous avez dit que le débat sur la clarification des compétences n'était pas, pour l'instant, très facile à ouvrir à cause des habitudes et du manque relatif de moyens, et vous visiez, si j'ai bien compris, la clarification des compétences entre collectivités territoriales.
Permettez-moi d'ouvrir un autre débat, celui de la clarification des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Je ne suis pas sûr que nous soyons, en cette matière, devant une situation tout à fait satisfaisante. Ce n'est pas le gouvernement actuel, ce ne sont pas les deux gouvernements qui l'ont précédé, mais ce sont, me semble-t-il, des gouvernements un peu antérieurs à 1993 qui ont commencé à obscurcir sérieusement la clarté des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales. L'exemple le plus caricatural a été la fameuse affaire du plan Université 2000,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Paul Girod. ... une compétence d'Etat ayant été ouvertement assumée, au moins au niveau des deux tiers de son montant, par les collectivités territoriales, avec - reconnaissons-le - des imputations budgétaires que les travaux de la commission Delafosse ont qualifiées d'obscures pour le moins, pour ne pas dire caricaturales.
M. René-Pierre Signé. Cela s'est amplifié par la suite !
M. Paul Girod. Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez fort opportunément rappelé que, normalement, une étude d'impact devrait intervenir avant tout texte législatif ou réglementaire ayant une incidence sur les finances des collectivités territoriales.
Le principe est bon. La réalité y répond-elle ? J'en suis un peu moins sûr. Et je ne parle même pas des grandes lois sur l'eau, les déchets et l'air qu'a évoquées M. Poncelet, mais de la vie de tous les jours. Pour vous donner un exemple, la modification imposée des poteaux de basket dans les cours d'école va aboutir à Dieu sait quelles dépenses supplémentaires et totalement inattendues. Il en est de même du sens de l'ouverture d'une porte, de la hauteur d'un seuil, de la distance entre un robinet et un interrupteur, tous éléments susceptibles d'être modifiés tous les jours et qui aboutissent à des travaux nouveaux qui, s'ils alimentent certes l'artisanat, ne constituent pas nécessairement les soucis premiers des collectivités territoriales. En outre, que je sache, les auteurs de normes ne nous ont pas vraiment soumis, en tout cas à l'échelon parlementaire, une étude d'impact satisfaisante.
Mais permettez-moi de prendre un exemple plus précis : les archéologues, monsieur le ministre, ont un statut tout à fait étonnant. Ils autorisent le démarrage des travaux d'un lotissement, qu'il s'agisse de bâtiments d'habitation ou de bâtiments industriels ; ils sont seuls juges de l'opportunité de procéder à une fouille exploratoire ; ils sont seuls juges de l'importance de leurs éventuelles découvertes ; ils sont seuls juges de la nécessité de demander une fouille complémentaire, voire de décider un blocage total des opérations ; ils sont seuls juges du choix des entreprises auxquelles ils s'adressent, sans être soumis au code des marchés publics. Il en résulte, dans certains cas, des coûts d'investissement industriels prohibitifs et impossibles à supporter. La lutte contre le chômage s'en trouve alors fortement perturbée, ce qui pose certains problèmes aux responsables des collectivités locales.
Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que, sur le plan de la clarification des compétences entre l'Etat et nous, il y a encore pas mal de choses à faire...
Par ailleurs, certaines obscurités subsistent.
Je prendrai deux ou trois exemples qui montrent que les collectivités locales se trouvent parfois financièrement embarquées au-delà de ce qu'elles voudraient.
La loi sur la prestation spécifique de dépendance a supprimé la toute-puissance des COTOREP en matière d'allocations compensatrices, au moins pour les personnes âgées. Ce sera, je l'espère, un progrès, et le Sénat peut s'honorer - M. Fourcade le sait bien - d'avoir été l'initiateur de cette modification.
En matière de protection juridique de la jeunesse, en revanche, nous ne prenons pas les décisions mais nous devons payer. Et, pour ce qui concerne les établissements qui reçoivent des handicapés ou des personnes âgées, qui nomme le directeur ? Pas nous ! Or quels sont les pouvoirs du directeur face au conseil d'administration ? Ils sont considérables ! Mais qui paie la note ? Les collectivités locales.
Dès lors, un certain nombre de points, qui rejoignent d'ailleurs les considérations sur le personnel qu'a évoquées M. Poncelet à l'instant, doivent être examinés de plus près.
On a toujours affirmé qu'il fallait des passerelles entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale. Or il se trouve que les règles régissant certains corps s'opposent à ce que nous puissions solliciter la collaboration de telle personnalité ou de tel agent de l'Etat, compétent et connaissant la situation locale, parce que, comme par hasard, ce n'est pas possible, et l'on nous en propose d'autres qui ne sont pas ceux que nous voudrions. Ainsi, pour l'instant, le blocage est complet.
Monsieur le ministre, je voudrais terminer sur ce sujet en vous disant que, si je sais votre souci de faire avancer les choses, je demeure perplexe, anticipant un peu sur la partie financière de mon intervention, à propos de ce que vous avez dit sur la CNRACL.
Vous avez dit que 1997 se passerait bien, que 1998 se présentait sous de meilleurs auspices.
M. Guy Fischer. Je ne le crois pas !
M. Michel Sergent. Au premier trimestre !
M. Paul Girod. C'est sympathique, c'est un peu antique dans la formulation, et nous aimerions avoir quelques précisions sur ce point.
Vous avez parlé de l'intercommunalité, monsieur le ministre. Il s'agit d'une oeuvre très importante, mal engagée en 1992. Peut-être n'avons-nous pas vu, y compris moi-même qui étais rapporteur de la loi à l'époque, que le ver était dans le fruit dès le départ.
M. François Gerbaud. Vous avez raison !
M. Paul Girod. En effet, afin de favoriser l'intercommunalité, pour des raisons que je n'ai pas à éclaircir aujourd'hui, vous avez mis en place ce que l'on appelle une incitation financière. Or celle-ci consistait en un prélèvement sur une dotation globale de fonctionnement qui n'était pas faite pour cela,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Elle était déjà insuffisante !
M. Paul Girod. ... et un certain nombre d'effets d'aubaine ont été engendrés par la loi elle-même : tout syndicat de communes qui avait le même contour que la communauté de communes était instantanément transféré à la communauté, ce qui aboutissait à créer de la fiscalité communautaire et à opérer, sans qu'une oeuvre supplémentaire ne soit engagée, un prélèvement de dotation globale de fonctionnement au profit du groupement, au seul motif qu'il s'agissait d'un groupement.
Vous avez ainsi mis en place, mes chers collègues, une bombe qui est en train de nous éclater au nez, et nous ne savons plus où nous allons en ce qui concerne la place de la dotation globale de fonctionnement des groupements par rapport à la dotation globale de fonctionnement en général.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très juste !
M. Paul Girod. Ou alors, il faut dire que vous aviez voulu, à cette époque, tuer à terme la dotation globale de fonctionnement des communes pour satisfaire une volonté de coopération intercommunale, ce qui aurait été justifiable, explicable, discutable, mais qui n'a jamais été dit.
M. René Régnault. La coopération est une nécessité !
M. Paul Girod. Le résultat de tout cela, monsieur le ministre, c'est qu'il existe un certain nombre d'effets d'aubaine.
Vous avez annoncé que vous nous proposerez un texte qui ira un peu au rebours de cette tendance générale. Nous attendons d'en connaître le dispositif, mais je crois que nous pouvons vous dire à l'avance que tous ceux qui étudient ce problème essaieront de trouver avec vous une solution qui soit constructive.
Mais d'autres problèmes se posent à nous, qui sont liés non pas à l'intercommunalité, mais à l'exercice technique et financier de nos compétences.
Nous assistons, monsieur le ministre, et cela m'inquiète un peu, au télescopage de trois textes : celui sur les sociétés d'économie mixte, celui sur la réforme du code des marchés publics et une proposition de loi, à laquelle j'ai cru comprendre que le Gouvernement était attaché, relative à la mise en place d'établissements publics locaux.
Nous allons donc légiférer, sans probablement en être bien conscients, sur des sujets qui se « tangentent » en permanence. Ainsi, entre les SEM et les établissements publics locaux, de nombreuses interconnexions existent. De même, entre les établissements publics locaux, les SEM et la réforme du code des marchés publics, d'autres connexions se « tangentent » en permancence. Je crains donc que nous n'ayons besoin, avant d'aborder au fond la discussion de ces trois textes, d'une clarification sur l'ensemble des influences de ces textes les uns sur les autres. A défaut, nous allons, une fois de plus, élaborer un dispositif qui sera d'application très difficile.
Le temps m'étant compté, monsieur le ministre, et pour ne pas lasser l'attention du Sénat, je ne reviendrai qu'un instant sur les problèmes financiers et, au-delà, sur les problèmes de l'économie.
Les relations avec l'Etat, que d'aucuns critiquent encore, trouvent une certaine stabilité, ce qui est, je crois, à porter à votre crédit, monsieur le ministre. Le véritable problème financier auquel nous sommes confrontés est celui de la part municipale de la taxe professionnelle, de son imputation exagérément localisée.
Le seul mérite de la loi de 1992 avait été d'amorcer une certaine mutualisation intercommunale de cette taxe. Est-ce au niveau de l'intercommunalité - je ne parle pas des grandes agglomérations - que la solidarité en matière de taxe professionnelle doit s'exercer ? Je n'en suis pas certain. C'est à un échelon plus large, du type du département ou de la petite région - les grandes régions me semblent trop grandes pour cela - qu'il faudrait probablement réfléchir sur les solutions à trouver.
J'ai noté au passage que, en ce qui concerne les comparaisons de recettes fiscales, les comparaisons de ressources et les notions de péréquation telles qu'elles figurent dans la loi de 1995, vous aviez quelques doutes quant à l'émergence de disparités monumentales. Pour ma part, j'en suis persuadé, parce que la véritable anomalie se trouve à l'intérieur des régions bien plus encore qu'entre les régions, et spécialement entre les communes sur ce point particulier de la taxe professionnelle.
En conclusion, je souhaite aborder un sujet qui nous touche tous parce qu'il constitue l'essentiel de la vie publique et de nos préoccupations actuelles.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de l'économie. Derrière l'économie, il y a nécessairement l'emploi ! Vous avez dit que vous souhaitiez clarifier les modalités d'intervention des collectivités territoriales. Beaucoup d'événements qui ont émaillé les relations entre les chambres régionales des comptes et les collectivités territoriales montrent, me semble-t-il, l'urgence de procéder à cette clarification, et je vous sais gré de nous l'annoncer.
Cependant, un point m'inquiète, et on retrouve là le problème de la clarification des compétences. On observe que, en réalité, tout le monde est sur le pont dans cette affaire, aussi bien les régions que les départements ou les communes. Il ne faudrait pas que, sous couvert de clarification, on remette en place un système de tutelle, avoué ou inavoué, de certains sur d'autres. Il faut faire très attention à la rédaction des textes.
Mais il est un point, monsieur le ministre, sur lequel nous pourrions intervenir mieux que nous ne le faisons, sans dépenses et sans risques excessifs. Des tours de France et des consultations que j'ai pu faire, il semble ressortir que, partout, la création de nouvelles entreprises se déroule sans difficulté majeure. Partout, l'appui en capital, surtout aux sociétés importantes, est accordé relativement facilement.
Ce qui se passe très mal et, partout, c'est le développement de l'entreprise qui a été créée deux, trois ou quatre ans plus tôt, et qui réussit sur son créneau : le Bill Gates, le Louis Renault au fond de son petit garage qui a besoin d'un apport en fonds propres limité en montant, mais indispensable pour pouvoir franchir la première marche de son développement. A ce besoin, aucune banque ne répond autrement que par des prêts ; aucune société de capital-risque n'y répond, parce qu'il s'agit d'une structure trop petite. Nous sommes désarmés devant ce phénomène ! Par conséquent, nos entrepreneurs, même s'ils sont de qualité - Dieu sait qu'ils le sont dans beaucoup de cas ! - se voient ou spoliés ou acculés à l'abandon au moment où, justement, ils sont en train de réussir.
Sur ce point, une réflexion doit être menée. Je souhaiterais que, dans vos préoccupations sur l'intervention économique des collectivités territoriales, monsieur le ministre, cet aspect soit abordé.
A un moment où l'on parle des collectivités locales, nous ne redirons jamais assez le rôle éminent que celles-ci jouent dans la réalité de notre démocratie et de notre République. Il est souhaitable que l'on aborde sans complexe l'ensemble des problèmes auxquels elles sont confrontées, problèmes dont, dans beaucoup de cas, elles pourraient être des gestionnaires plus efficaces qu'elles ne le sont, quel que soit le dévouement de leurs élus. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Puech.
M. Jean Puech. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir proposé au Sénat d'organiser, à huit jours de distance, deux débats importants : le premier, aujourd'hui, pour traiter des collectivités locales et le second, la semaine prochaine, devant porter sur la politique d'aménagement du territoire.
Dans la période actuelle, où la gestion du quotidien, de l'immédiat le dispute sans cesse à la prospective et à la réflexion sur l'avenir, ces deux débats doivent à la fois éclairer notre conduite des affaires au quotidien et donner un nouvel élan à la politique de notre pays.
Collectivités locales, puis aménagement du territoire : il aurait peut-être fallu inverser l'ordre des débats, car de la vision que nous pouvons avoir de la politique d'aménagement du territoire dans les vingt ans à venir dépendent sans doute le rôle et la place que nous voulons faire jouer à nos collectivités. Mais qu'importe !
Nous avons aussi, à l'inverse, à jeter les fondements d'une nouvelle avancée de la décentralisation pour mieux répondre, en termes de proximité et d'efficacité, aux défis majeurs de l'Europe, de la mondialisation et de l'équilibre du territoire.
A ce sujet, le rapport de la mission d'information de la commission des lois, conduite par nos collègues MM. Delevoye et Hoeffel, constitue un apport dont nous ne réfutons aucun des éléments essentiels, bien au contraire ! Il faut rapidement avancer selon les orientations qu'il contient.
L'expérience de quinze ans de décentralisation, vécue sur le terrain, doit nous rendre à la fois réalistes et ambitieux.
D'ailleurs, les élus, à tous les niveaux, ont d'ores et déjà pris leurs responsabilités et il nous appartient de mettre tout en oeuvre pour leur faciliter la tâche.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer mon intervention par ce qui est une évidence dans cette assemblée, mais qu'il m'appartient, me semble-t-il, de rappeler : un mandat territorial est un mandat politique à part entière. Il nous a été confié par le suffrage universel et nos concitoyens ont, à juste raison, le droit et le devoir de nous en demander compte. Aussi n'avons-nous, ni à le laisser s'obscurcir ni à le déléguer sans discernement.
Si j'aborde aussi directement ce sujet, c'est bien parce qu'il se trouve au coeur du débat sur l'intercommunalité.
Je me félicite de voir très prochainement venir en discussion devant notre assemblée le projet de loi que vous avez préparé, monsieur le ministre, en étroite liaison, je le sais, avec les élus. Mais nous ne pouvons pas éluder, à ce propos, le débat démocratique et institutionnel qu'il sous-tend. En effet, ce texte, comme le rapport de la mission d'information du Sénat, maintient le mode de désignation actuelle, au second degré, des institutions intercommunales. Cela mérite que l'on s'y attarde.
Dans ce débat, tout le monde sait que deux conceptions de l'évolution institutionnelle se sont fait jour lors de l'élaboration de l'avant-projet du schéma national d'aménagement du territoire : soit la modification progressive de la carte territoriale de la France autour des pays et des agglomérations ; soit l'incitation volontariste à l'extension de l'intercommunalité sans bouleversement apparent immédiat.
C'est cette seconde option qui a été retenue par le Gouvernement et que nos collègues de la mission d'information ont également retenue explicitement dans leur rapport.
Mais le problème est bien de savoir jusqu'à quel stade de développement de l'intercommunalité on pourra laisser subsister une gestion par des élus au second degré et des appareils administratifs hypertrophiés, soit incontrôlables, soit ingérables.
Conseillers municipaux et conseillers généraux doivent donc réfléchir ensemble à la meilleure façon de recréer les liens de proximité, qui constituent le fondement de leur mandat politique commun attaché à une population et à un territoire. Les représentants au second degré, dans le cadre de l'intercommunalité, répondent de moins en moins à ces critères.
Je propose que nous approfondissions notre réflexion sur ce thème précis. Dans le cas contraire, le débat sur l'intercommunalité risque de se réduire à un débat technique, même au sens noble du terme. N'oublions pas, en effet, que les élus territoriaux sont également des élus politiques.
A ce sujet aussi, mon opinion personnelle est que, si nous voulons de la décentralisation et encore plus de décentralisation nous ne pouvons nous dispenser de prendre une position claire sur le cumul des mandats, peut-être en le limitant - et je répète bien que c'est mon opinion personnelle - à un mandat délibératif ou législatif, associé au maximum à une fonction exécutive, y compris, bien évidemment, celle de ministre.
J'aborderai à présent une question qui me paraît également de toute première importance : l'exigence de transparence de la gestion publique.
Je comprends les raisons qui ont incité certains de nos collègues à déposer une proposition de loi visant à mieux définir le rôle et les pouvoirs des chambres régionales des comptes. Je souhaite, pour ma part, mes chers collègues, que notre assemblée élargisse le débat ainsi lancé pour poser le problème dans ses différentes dimensions : celle de l'exercice du contrôle de légalité par le représentant de l'Etat ; celle du contrôle financier et budgétaire par les chambres régionales des comptes et, éventuellement, celle des sanctions qui y sont attachées et de leurs modalités d'application par les instances juridictionnelles ou pénales.
Personne, en effet, ne peut se satisfaire de la situation actuelle, ni le citoyen, ni l'élu, ni les représentants de l'Etat.
Lorsqu'on en vient même pour certains à dire et à écrire que décentralisation est synonyme de corruption, cela signifie d'abord un refus total de la décentralisation. Mais, surtout, plus grave, on pousse un très grand nombre d'élus à douter d'eux-mêmes et les citoyens à refuser le débat démocratique local. Avons-nous pourtant la mémoire si courte pour ne pas nous rappeler la gestion publique des années 1982 alors même que les finances de l'Etat étaient prospères ? Alors, le retour à l'Etat providence est-il une solution ?
Non, la solution n'est pas là ! Si la transparence et la rigueur de la gestion sont des exigences absolues, si nous voulons rendre vraiment service à nos concitoyens, la solution ou les solutions passent par une redéfinition de nos propres responsabilités et des pouvoirs qui nous contrôlent.
Je me permets de livrer à votre réflexion trois suggestions ou propositions.
En premier lieu, afin de permettre à nos collectivités de bénéficier d'une assistance et d'un conseil efficaces et permanents, ne serait-il pas possible d'envisager la création d'un corps d'inspection générale des collectivités territoriales issu de nos propres fonctionnaires territoriaux...
M. René Régnault. Eh oui !
M. Jean Puech. ... ou des élus ayant abandonné toute responsabilité élective ? Il pourrait y en avoir, par exemple, un par département autour duquel pourraient se coordonner et surtout s'étoffer des services juridiques. Nos collectivités restent, en effet, particulièrement démunies sur ce plan. (M. le président de la commission des finances et M. Hubert Haenel font un signe d'approbation.)
En deuxième lieu, la suggestion que fait aujourd'hui le corps préfectoral de constituer autour des préfets une véritable « mission interministérielle » permettant l'exercice objectif et équilibré du contrôle de légalité me paraît devoir être examinée. Elle n'est pas en contradiction avec ma première suggestion. Au contraire, elle la complète.
Mais, surtout et en troisième lieu, il faut assurer la cohérence du contrôle de légalité et du contrôle financier qui s'exerce parfois à plusieurs années de distance.
Tout d'abord, il faut bien préciser que si le contrôle de légalité par le préfet peut être un feu rouge, il n'est en aucun cas un feu vert. Si un tel état de choses est maintenu, il faut que les observations provisoires des chambres régionales des comptes s'adressent autant aux préfets qu'aux élus et soient perçues comme telles.
Il conviendrait aussi que s'ouvre une réflexion avec les chambres régionales des comptes et le comité de liaison de la Cour des comptes sur le problème de la diffusion dans la presse d'observations ou de lettres provisoires qui n'ont pas donné lieu à débat contradictoire. Tout manquement devrait entraîner, me semble-t-il, l'obligation pour les chambres régionales des comptes de faire connaître alors un bilan global de l'examen de la gestion de la collectivité comprenant également les aspects positifs relevés. Il y en a tout de même !
En tout état de cause, bien sûr, le législateur devrait s'efforcer de mieux définir l'exacte portée du contrôle exercé. C'est ce qu'il sera amené à faire, comme vous nous l'avez indiqué.
Enfin, je pense, ainsi que je l'ai indiqué à plusieurs reprises, qu'il convient de procéder sans tarder à la réforme du code des marchés publics et à la clarification impérative des règles d'intervention économique des collectivités territoriales.
Je me félicite que le Gouvernement ait la volonté de mener à bien rapidement ces deux chantiers qui sont, j'en suis convaincu, des préalables à toute amélioration de la transparence dans la gestion publique.
Dans le dernier volet de mon intervention, j'aborderai le plein exercice des compétences.
Le sujet est parfaitement connu et le rapport du groupe de travail sur la décentralisation en décrit une fois de plus parfaitement les termes : il concerne le chamgement perpétuel des règles du jeu financières entre l'Etat et les collectivités. Il constate, ou il déplore, que le caractère spécifique de plus en plus affirmé de la fonction publique territoriale permet difficilement d'appliquer strictement le principe de parité avec l'Etat, que la clarification des compétences se fait attendre, que l'irruption dans le paysage du droit communautaire va enfin nous obliger à un exercice conjoint de mise en conformité de nos propres règles de gestion et d'intervention dans de nombreux domaines : celui des marchés, de l'environnement, de l'aménagement du territoire, par exemple.
Concernant les règles du jeu financières, je pense d'abord que nous ne sommes pas allés, monsieur le ministre, jusqu'au bout de l'exercice engagé dans le cadre de l'élaboration du pacte de stabilité financière.
Les travaux de l'observatoire des finances locales et d'autres travaux d'évaluation ou de prospective doivent nous permettre de poursuivre ce dialogue constructif avec l'Etat.
Dans ces conditions, serait-il possible, monsieur le ministre, d'engager à nouveau le débat préalablement à la prochaine discussion budgétaire ? En effet, je pense que plusieurs raisons justifieraient une telle démarche positive.
Dans tous les ministères ou à peu près sont en cours d'élaboration ou sont déjà en discussion avec le Parlement des textes dont les incidences sur les finances locales seront multiples : de la cohésion sociale au projet de loi sur les sports en passant par la sécurité sanitaire et la généralisation de l'assurance maladie, par exemple. Les conséquences financières du projet de loi sur l'intercommunalité sont et seront multiples. Ces incidences se prolongeront surtout à court terme et à moyen terme sur l'évolution de la DGF et de la DGD. Ainsi, je pense que la commission mixte collectivités territoriales-Gouvernement mise en place voilà maintenant dix-huit mois devrait pouvoir reprendre ses travaux.
S'agissant de la fonction publique territoriale, la prochaine discussion de la proposition de loi relative aux régimes indemnitaires de nos collaborateurs, dont l'initiative revient à notre collègue, M. Charles Pasqua, ne peut manquer de relancer le débat de la spécificité de la fonction publique territoriale et de la parité avec l'Etat.
J'en suis heureux, et je souhaite simplement qu'il puisse faire, par la même occasion, la transparence sur les régimes spécifiques de toutes les catégories de fonctionnaires d'Etat quel que soit leur corps d'origine.
Mais surtout, quand nous rendrons-nous à l'évidence ? La parité n'a jamais été un facteur de mobilité. Ce mythe est une source sans fin de tracasseries et de complexité pour les petites comme pour les grandes collectivités. Elle est un facteur discriminatoire entre les différentes filières administratives, techniques, sociales et ne tient pas compte de l'évolution des métiers. Je vous donne un exemple concret : comment pourra-t-on promouvoir une amélioration de la qualification des personnels sociaux sans en tirer les conséquences statutaires et indemnitaires ? Enfin et surtout, sans une certaine maîtrise du « management » de ces personnels, jamais nous n'aurons des élus responsables à part entière.
Il ne s'agit pas, monsieur le ministre, de faire une révolution, il s'agit de faire évoluer les systèmes pas à pas. Il ne s'agit pas d'abandonner le statut, bien au contraire, ni d'augmenter les dépenses, car pour l'instant, vous le savez bien, nous subissons les décisions de l'Etat, qui réagit lui-même aux pressions syndicales avec des préoccupations totalement différentes des nôtres.
C'est, en fait, un système inflationniste pour les collectivités, qui pourraient, à masse constante, faire évoluer de façon plus juste et plus efficace les grilles de salaires et les régimes indemnitaires sans reproduire à l'identique le système figé et suranné des corps et des dizaines de cadres d'emplois. Je suis certain que vous en êtes convaincu, monsieur le ministre, mais je sais que ce domaine est sensible.
Mes chers collègues, il s'agit d'une volonté politique qu'il nous appartient de mettre en oeuvre. Là encore, saurons-nous aller jusqu'au bout de la logique de responsabilité qui est celle de la décentralisation ?
A quand un Conseil supérieur de la fonction publique territoriale indépendant de la direction générale des collectivités locales doté d'un outil technique, constitué en commun par les associations d'élus ? Ce serait la logique même de la décentralisation.
M. Alain Vasselle. C'est un rêve !
M. René Régnault.. La ruine de l'Etat unitaire français.
M. Jean Puech. En ce qui concerne la clarification des compétences, je rappellerai simplement et brièvement, car je ne veux pas m'étendre sur un dossier connu de tous, que la clarification des compétences est une nécessité pour deux raisons : d'une part, pour assainir le climat des relations des collectivités locales avec l'Etat, ne serait-ce que sur le plan budgétaire et financier ; d'autre part, pour gérer avec l'Etat trois missions de service public avec le maximum d'efficacité, à savoir la lutte pour la cohésion sociale, le combat pour l'emploi et l'aménagement du territoire. Elle doit, bien sûr, s'accompagner de la nécessaire réforme de l'Etat, que vous avez engagée, ce dont je me réjouis, avec une volonté de déconcentration de son action et de réorganisation des services.
En conclusion, si je puis exprimer un regret, monsieur le ministre, c'est que l'on ne saisisse pas l'occasion de ces multiples textes en préparation ou en cours d'examen pour procéder tout simplement, en vraie grandeur, à un exercice de clarification. Cela devrait être fait de façon systématique. Nous l'avions demandé pour le texte relatif à la cohésion sociale. Nous le souhaitons vivement pour tous les textes qui nous sont présentés.
N'est-ce pas en définitive la règle du jeu systématique que le Parlement et le Gouvernement, d'un commun accord, devraient exiger de tout rédacteur d'un projet législatif ou réglementaire ? Or on a bien souvent l'impression que l'on s'efforce de faire compliqué quand il serait possible de faire simple.
Mes chers collègues, dès demain, en reprenant le cours habituel de nos débats, les travaux pratiques nous attendent. Nous devrons nous efforcer de persévérer dans ce sens avec, j'en suis persuadé, monsieur le ministre, votre soutien et votre concours. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le débat relatif à la décentralisation qui a été organisé au Sénat le 13 mars, ni sur les conclusions des travaux de la commission des lois du Sénat. Ces travaux se sont conclus par un acte de foi en l'avenir de la décentralisation, un acte de foi assorti de propositions de relance de la décentralisation articulées autour de quatre thèmes : la clarification des relations entre l'Etat et les collectivités locales, l'adaptation des moyens financiers, la modification du statut de la fonction publique territoriale et, enfin, la simplification des niveaux de collectivités territoriales en mettant l'accent sur le problème urgent et impérieux de l'intercommunalité.
A propos de l'intercommunalité, je voudrais simplement rappeler que la commission des lois a adopté des propositions très claires : réduction du nombre des structures intercommunales, préservation du principe du volontariat, maintien du mode de désignation actuel des délégués dans les structures intercommunales, stimulation financière.
Pour revenir à ce qu'affirmait tout à l'heure notre collègue Jean Puech, je rappelle que le jour où nous changerons le mode de désignation des délégués aux structures intercommunales, ce jour-là le débat changera de nature. Le problème devait être posé. Peut-être un jour sera-t-il inévitable ? Pour l'instant, la commission des lois du Sénat s'en tient à la situation actuelle.
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. René Régnault. Il faut la faire évoluer !
M. Daniel Hoeffel. Je me bornerai dans mon propos à évoquer deux thèmes : le caractère irréversible de la décentralisation et la lisibilité de celle-ci.
La décentralisation est irréversible. Il faut l'affirmer au moment où nous célébrons le quinzième anniversaire de l'entrée en vigueur des lois de 1982, et alors que les critiques fusent à l'encontre de la décentralisation.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Pas toujours fondées !
M. Daniel Hoeffel. J'en ai relevé au moins quatre au cours des dernières semaines : l'Etat serait laminé par le haut avec l'Europe et par le bas avec la décentralisation ; la décentralisation porterait atteinte à l'unité de la République ; la décentralisation, liée au cumul des mandats, ce serait la corruption ; enfin, beaucoup ont tendance à imputer à la décentralisation et aux collectivités locales la responsabilité d'une fiscalité jugée trop forte.
Face à ces critiques, infondées les unes et les autres, nous devons affirmer très clairement, quoi qu'on dise et en dépit d'une situation économique, financière et budgétaire difficile pour tout le monde, que le bilan de la décentralisation est incontestablement positif. Tous les orateurs précédents l'ont rappelé avec vigueur et avec raison.
Prenons l'exemple des lycées et des collèges : régions et départements ont fait quantitativement et qualitativement mieux que l'Etat auparavant.
M. Alain Vasselle. A quel prix !
M. Daniel Hoeffel. Prenons l'effort d'investissement.
L'effort global réalisé par tous les niveaux de collectivités locales, qui représente aujourd'hui les trois quarts de l'investissement public, a souvent contribué, sur le plan de l'emploi, à préserver l'essentiel.
De surcroît, c'est grâce à la décentralisation que les collectivités locales ont non seulement exercé dans de bonnes conditions leurs propres compétences, mais encore aidé l'Etat à assumer des compétences qui restent formellement les siennes. Prenons l'exemple de l'université et de la recherche : c'est flagrant.
Enfin - cela aussi a été rappelé - la décentralisation c'est l'examen d'un problème et la solution apportée à ce problème d'une manière proche du terrain, et donc plus réaliste.
Evoquant son bilan positif, je me dois d'ajouter que la décentralisation ne va absolument pas à l'encontre de l'intérêt bien compris de l'Etat, bien au contraire !
L'Etat, nous le savons, assume une triple mission : il exerce des fonctions régaliennes ; il est garant de la légalité ; il est aussi garant de la solidarité nationale, un thème que souvent, tout au long du débat sur la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, nous avons été amené à rappeler.
Ainsi, décentralisation et autorité de l'Etat ne sont pas antinomiques ; elles vont de pair. Elles sont mêmes indissociables. Encore faut-il que cela s'exerce dans de bonnes conditions, ce qui suppose que l'Etat se concentre sur ses vraies fonctions régaliennes...
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. ... et ne se disperse pas entre une multitude de fonctions qui ne relèvent pas de son niveau, mais qui relèvent des collectivités territoriales.
M. Christian Bonnet. Exactement !
M. Daniel Hoeffel. Il faut que joue le principe de subsidiarité. Mais il ne suffit pas que nous l'évoquions au niveau de l'Europe : encore faut-il que nous l'évoquions aussi au niveau de l'Etat !
Enfin, cela entraîne - et c'est lié - une accélération du mouvement de déconcentration, étroitement lié au mouvement de décentralisation.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Evidemment !
M. René Régnault. Très juste !
M. Daniel Hoeffel. Voilà pour ma première observation : la décentralisation est et doit être un phénomène irréversible, et elle le sera.
Ma seconde observation concerne la lisibilité de la décentralisation. Clarification des compétences, clarification des structures, clarification des finances en sont les trois aspects.
La clarification des compétences tout d'abord : pour l'opinion publique, pour le contribuable de base, il y a trop d'enchevêtrements de compétences et de financements croisés. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut revenir à une clarification et, si possible, aux blocs de compétences. Mais nous sommes aussi, au Sénat et dans nos collectivités, suffisamment réalistes pour nous rendre compte que ce n'est pas du jour au lendemain que nous pourrons revenir à ces blocs de compétences.
Il existe des solutions transitoires. Elles ont été évoquées : trouver la collectivité chef de file, appel de compétences, expérimentation, contractualisation. A mon avis, c'est l'expérimentation qui pourrait souvent nous éviter de faux pas, même si notre pays, par principe, est trop souvent hostile à cette formule.
C'est ainsi, je crois, que nous pourrons cheminer, à travers ces formules transitoires, vers davantage de clarification, en sachant que ce n'est pas dans une période de contraintes budgétaires difficiles qu'on y arrivera. L'amélioration de la situation globale peut y contribuer.
La clarification des structures ensuite : dans ce domaine, la confusion est particulièrement forte dans l'esprit de nos compatriotes. Communes, structures intercommunales, départements, régions, Etat, Europe ! Il arrive à ces six niveaux d'intervenir conjointement dans un domaine, celui de la mise en oeuvre des fonds structurels par exemple. Dès lors, il ne faut pas s'étonner qu'entre l'attribution des fonds structurels à une région et la mise en oeuvre de ces fonds sur le terrain il s'écoule souvent beaucoup de temps, trop de temps.
Une autre confusion se produit dans les agglomérations urbaines, où le citoyen éprouve de plus en plus de difficulté à détecter quel est le rôle du conseil général, bien que ce dernier intervienne largement, notamment sur le plan social. C'est là un problème qui exigera d'être clarifié, un jour que j'espère proche, si nous voulons que la lisibilité de l'intervention du conseil général apparaisse clairement.
Je ne reviendrai pas sur l'intercommunalité ; tout a déjà été dit. Elle va dans la bonne direction, elle doit être stimulée, elle doit être accélérée !
J'en arrive à la problématique région-département. En est-ce une ? Je me tourne vers le président de l'Assemblée des présidents de conseils généraux.
Pour les uns, c'est un problème ; pour les autres, il n'y a pas trop d'échelons. Pour les uns, il y a complémentarité ; pour les autres, il y a concurrence. Je constate que l'opinion publique elle-même est perplexe. De récents sondages font en effet apparaître que, pour la majorité de nos compatriotes il y a trop d'échelons territoriaux. Mais lorsqu'on les questionne pour savoir lequel de ces échelons, la région ou le département, est de trop, ils les renvoient dos à dos. Cela montre combien nous éprouverions de difficultés à trancher dans le vif si nous, élus locaux, nous attaquions à ces problèmes.
Enfin, dernier problème relatif à la clarification des structures : la notion de pays.
M. René Régnault. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Faut-il rappeler l'esprit de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire sur le pays ?
M. René Régnault. Oui, surtout sur leur avenir !
M. Daniel Hoeffel. Nous étions unanimes, je pense, pour affirmer à l'époque que le pays ne devait en aucun cas être un échelon territorial supplémentaire.
De grâce, nous en avons déjà trop ou tout au moins bien assez !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Trop !
M. Daniel Hoeffel. Que le pays ne vienne donc pas compliquer cette structure. Qu'il reste - et, à cet égard, il est utile - ce lieu d'initiatives, de coordination des initiatives socio-économiques, et que l'on évite d'en faire un élément institutionnel nouveau.
La clarification des finances enfin : sur ce point, je serai bref, car tout a été dit, et plus compétent que moi s'exprimera tout à l'heure sur ce sujet.
Oui, les relations Etat-collectivités locales doivent être placées sous le signe d'un pacte de stabilité des ressources comme des dépenses. Gardons-nous d'opposer l'Etat vertueux aux collectivités locales dispendieuses.
Les collectivités locales dépensent sensiblement plus que les dotations qui leur sont attribuées pour exercer leurs compétences. Les collectivités locales dépensent beaucoup pour aider l'Etat à exercer certaines de ses compétences ; nous en avons parlé tout à l'heure.
Quant à la réforme fiscale, gardons-nous, même s'ils sont peut-être séduisants pour l'esprit, de quelques schémas simplistes comme ceux d'une taxe par niveau de collectivité ou d'une taxe professionnelle nationale, qui serait l'exemple même de la péréquation idéale. Les uns et les autres sont des idées fausse !
M. René Régnault. Mais le problème est vrai !
M. Daniel Hoeffel. Une bonne réforme fiscale, monsieur Poncelet, doit en faire abstraction.
En conclusion, je dirai ma foi totale en l'avenir de la décentralisation à laquelle il faudra, et le plus tôt possible, donner un nouvel élan, parce qu'elle est bonne, je le rappelle, non seulement pour les collectivités, mais aussi pour l'Etat et le pays.
Cela suppose des adaptations des textes, lesquelles ne suffisent cependant pas à la rendre plus efficace.
Cela dépend aussi des acteurs de la décentralisation. A cet égard, monsieur le ministre, je voudrais, en passant, insister sur la très grande convergence qui existe entre les propositions de notre groupe de travail de la commission des lois et votre propre vision de la décentralisation.
Vous avez appelé les élus locaux à se remettre en cause. C'est une formule à laquelle nous pouvons, me semble-t-il, adhérer. Nous avons probablement à agir dans ce sens-là. Beaucoup dépendra aussi du courage que nous mettrons à aborder un certain nombre de problèmes délicats comme celui - pourquoi ne pas le dire ? - du cumul des mandats. Mais nous devons avant tout rendre hommage à l'action désintéressée, honnête - oui, je dis bien honnête - menée avec un sens élevé de l'intérêt général, de la très grande majorité des élus locaux de ce pays.
Je suis sûr que la transparence, l'honnêteté et le sens de l'intérêt général resteront leur ligne de conduite dans la période à venir. C'est aussi de cela que dépendra le succès et le développement de la décentralisation et son acceptation par l'opinion publique française. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, du RDSE, ainsi que sur certaines travées socialistes.)

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ÉLECTION ET PRESTATION DE SERMENT D'UN JUGE TITULAIRE DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
M. le président. Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un juge titulaire de la Haute Cour de justice : :

Nombre de votants 139
Nombre de suffrages exprimés 131
Majorité absolue des suffrages 66

A obtenu : M. Pierre Jeambrun, 131 voix.
M. Pierre Jeambrun ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je le proclame juge titulaire de la Haute Cour de justice.
M. Pierre Jeambrun, qui vient d'être élu juge titulaire de la Haute Cour de justice, va être appelé à prêter devant le Sénat le serment prévu par l'article 3 de l'ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice.
Je vais donner lecture de la formule du serment, telle qu'elle figure dans la loi organique.
Je prie M. Pierre Jeambrun de bien vouloir se lever et de dire, en levant le main droite : « Je le jure ».
Voici la formule du serment :
« Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

(M. Pierre Jeambrun, juge titulaire, se lève et dit, en levant la main droite : « Je le jure ».)
M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.

11

ÉLECTION ET PRESTATION DE SERMENT D'UN JUGE TITULAIRE ET D'UN JUGE SUPPLÉANT DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
M. le président. Voici les résultats du scrutin pour l'élection d'un juge titulaire et de son suppléant à la Cour de justice de la République : :

Nombre de votants 139
Nombre de suffrages exprimés 134
Majorité absolue des suffrages 68

Ont obtenu : M. Bernard Joly, titulaire, 134 voix.
M. Paul Girod, suppléant, 134 voix.
M. Bernard Joly et M. Paul Girod ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je les proclame respectivement juge titulaire et juge suppléant de la Cour de justice de la République.
M. Bernard Joly, juge titulaire de la Cour de justice de la République, et M. Paul Girod, juge suppléant, vont être appelés à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l'article 2 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
Je vais donner lecture de la formule du serment, telle qu'elle figure dans la loi organique.
Je prie M. Bernard Joly, juge titulaire, et M. Paul Girod, juge suppléant, de bien vouloir se lever à l'appel de leur nom et de dire en levant la main droite : « Je le jure ».
Voici la formule du serment :
« Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

(Successivement, M. Bernard Joly, juge titulaire, et M. Paul Girod, juge suppléant, se lèvent à l'appel de leur nom et disent, en levant la main droite : « Je le jure ».)
M. le président. Acte est donné par le Sénat des serments qui viennent d'être prêtés devant lui.
J'adresse mes compliments personnels aux trois élus.

12

COLLECTIVITÉS LOCALES

Suite du débat
sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. Nous reprenons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur les collectivités locales.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec satisfaction que le Grand Conseil des communes de France débat aujourd'hui d'un sujet aussi passionnant que les collectivités locales.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, de vous remercier d'avoir bien voulu situer les enjeux de la politique gouvernementale à l'égard des collectivités locales.
Ces échanges sont pour nous l'occasion de faire un bilan de la décentralisation quinze ans après le vote des premières lois.
Globalement, tant pour les citoyens que pour les élus locaux, la décentralisation se révèle être un objet de consensus et de satisfaction.
Comme le souligne brillamment le rapport rédigé par la commission des lois, dont je tiens à saluer l'excellent travail, comme je salue l'engagement continu de notre collègue Daniel Hoeffel, la décentralisation a permis de libérer les énergies territoriales, d'impulser une formidable dynamique collective et de rapprocher le processus de décision publique du citoyen.
Toutefois, il serait vain de croire que la décentralisation est achevée. C'est un processus en construction permanente que nous nous devons ensemble, représentants des collectivités locales et Etat, de consolider et de poursuivre, et ce d'autant plus qu'aujourd'hui un sentiment de découragement se propage parmi les élus locaux.
Ainsi, selon un récent sondage de l'institut IPSOS, 79 % d'entre eux estiment qu'il est de plus en plus difficile d'exercer son mandat et 85 % déclarent que la complexité des dossiers et des contraintes juridiques pesant sur eux risquent d'entraîner, à terme, leur désengagement de la vie publique.
MM. Christian Poncelet et Paul Girod ont dressé une liste non exhaustive des difficultés que nous rencontrons.
Il convient donc, monsieur le ministre, de conduire les réformes qui s'imposent, et ce afin de ne pas décevoir les élus locaux.
Parmi les principales difficultés rencontrées par les collectivités territoriales, j'attirerai plus particulièrement votre attention sur trois d'entre elles : tout d'abord, l'implication croissante et mal maîtrisée des collectivités locales, notamment des communes, dans la lutte contre le chômage, mais aussi en faveur de l'industrialisation ; puis le sous-encadrement du personnel ; enfin, les difficultés propres aux finances communales.
Depuis quelques années, les collectivités locales ne peuvent plus se contenter de mener une simple politique de développement économique visant à attirer les entreprises. Elles sont impliquées de fait dans l'effort national de lutte contre le chômage.
En effet, comme le souligne le Manifeste des maires de France pour l'emploi, quand, dans une commune, des usines ferment et que les entreprises licencient, ce n'est pas vers l'Etat que les habitants se tournent : c'est vers le maire. C'est auprès de lui qu'ils cherchent de l'aide.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Joseph Ostermann. J'en fais l'expérience chaque jour dans ma commune, et je refuse, comme la plupart de mes collègues maires, de regarder la situation économique et sociale se dégrader.
Il me paraît d'ailleurs évident que, de par la bonne connaissance qu'ils ont de leur territoire et de ses ressources, les élus locaux peuvent apprécier les possibilités réelles de développement économique et d'emploi.
Les collectivités territoriales ont donc une certaine légitimité à intervenir et mènent ainsi des actions très diversifiées.
Elles rencontrent toutefois, comme dans d'autres domaines, de nombreux obstacles, tant sur le plan politique et juridique que sur le plan financier.
Ainsi, elles n'ont pas reçu de compétences claires pour mener des actions en faveur de l'emploi. En effet, la politique de l'emploi, selon la loi, est du ressort de l'Etat et de lui seul.
Or, des forums locaux pour l'emploi au contrat d'initiative locale, en passant par la loi quinquennale pour l'emploi et les contrats de plan, un mouvement plus ou moins orchestré pousse aujourd'hui les collectivités locales à s'investir encore davantage dans l'économie, dans les politiques d'aménagement, du logement et d'insertion, en donnant bien entendu la priorité à l'emploi.
L'emploi est donc devenu une compétence « de fait » progressivement transférée aux collectivités locales par l'Etat.
Cette absence de cadre juridique peut se révéler extrêmement ennuyeuse, car elle conduit les collectivités locales à multiplier les initiatives en faveur de l'emploi de façon plus ou moins dérogatoire, sans véritable ligne directrice, avec parfois pour conséquence une certaine inefficacité.
En outre, je trouve personnellement très injuste que, du fait de certaines décisions - pourtant visées par l'autorité préfectorale - les élus locaux puissent être mis en cause plusieurs années plus tard, notamment en matière d'intervention industrielle.
Une véritable réforme du statut et de la responsabilité des élus locaux doit être mise en oeuvre afin de ne pas décourager les bonnes volontés.
Enfin, faute de politique globale concertée entre l'Etat et les collectivités territoriales, certaines mesures législatives définies au niveau national se révèlent inadaptées au contexte local. Il apparaît donc nécessaire, monsieur le ministre, de définir une politique globale de l'emploi, l'Etat en définissant les principales orientations, en concertation avec les collectivités.
Dans cette optique, ce dernier ne devrait-il pas reconnaître aux collectivités territoriales une autorité en matière de lutte contre le chômage ?
Toutefois, soyons clairs, cette reconnaissance ne peut constituer une fin en soi. Elle doit s'accompagner des transferts financiers correspondants, ce qui, comme le souligne notre collègue Paul Girod dans son rapport, n'est pas le cas.
Le deuxième obstacle majeur auquel se heurtent les collectivités réside dans l'enchevêtrement des dispositifs mis en place, du fait tant d'une répartition des compétences insuffisamment tranchée que d'une déconcentration inachevée. Cette « cacophonie institutionnelle » est source d'inertie et de gaspillage des énergies.
C'est le cas, entre autres, dans le domaine des aides au développement économique, domaine dans lequel une clarification s'impose. Mais prenons garde : une certaine coordination avec les pratiques adoptées par nos voisins européens est indispensable.
Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas profiter du formidable élan donné par la réforme en cours de l'Etat pour procéder à un décloisonnement des services étatiques et à une meilleure déconcentration des compétences et des crédits ?
Des avancées sont cependant notables dans ce domaine comme en témoigne la récente déconcentration de l'enveloppe des crédits à l'emploi non affectés aux mains des préfets.
Pourquoi ne pas aller plus loin en envisageant, par exemple, comme le proposait l'année dernière un groupe de travail du groupe du RPR du Sénat, la création d'agences territoriales pour l'emploi ? Ces agences seraient placées sous l'autorité conjointe des collectivités locales et du préfet et, bien entendu, disposeraient de crédits décentralisés.
Un véritable partenariat entre l'Etat et les collectivités locales, mais aussi avec les entreprises et la société civile, reste à construire afin d'engager la dynamique d'une économie plus volontaire et plus solidaire de création d'emplois.
Permettez-moi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'aborder maintenant l'autre grande question qui me tient à coeur, à savoir le sous-encadrement, dans bien des cas, du personnel communal, voire du personnel intercommunal.
Les fonctionnaires du cadre A ne représentent aujourd'hui qu'à peine 5 % de l'ensemble des fonctionnaires territoriaux. Or, pour assumer correctement leurs nouvelles missions, telles que la politique de l'emploi précédemment évoquée ou le développement local, les collectivités locales ont plus que jamais besoin de cadres de haut niveau.
Plusieurs facteurs sont responsables de ce sous-encadrement.
Le problème des seuils constitue le premier d'entre eux. Il empêche les communes de taille modeste de retenir leurs éléments les plus qualifiés et les plus dynamiques.
En outre, la fonction publique territoriale souffre d'un sérieux manque d'attractivité pour les cadres du fait d'un niveau de rémunération trop faible et de perspectives de carrière trop lentes.
Ce manque d'attractivité peut d'ailleurs être considéré comme partiellement responsable du recrutement croissant de contractuels par des communes en quête de flexibilité.
A mon sens, d'ailleurs, le recrutement de contractuels devrait être considéré, au même titre que celui des fonctionnaires, comme l'un des instruments normaux d'une politique de l'emploi public, répondant à des besoins et des objectifs spécifiques.
Comme le rappelle Jacques Rigaudiat dans son rapport intitulé Gérer l'emploi public, « c'est le choix du mode de recrutement le mieux adapté qui doit déterminer celui du statut ».
Pour cela, ne conviendrait-il pas, monsieur le ministre, de mener une réflexion sur le statut même des contractuels ? En effet, les contours en demeurent flous et génèrent parfois certains abus, tels que le recours à du travail sous contrat à durée déterminée pour des fonctions permanentes.
Pour conclure sur ce point, il me semble évident que l'évolution des modes de gestion des personnels territoriaux dépendra de la conciliation qui sera recherchée entre l'exercice de la libre administration des collectivités territoriales, d'une part, et le maintien de garanties statutaires des agents, d'autre part, garanties statutaires qui seront d'autant mieux préservées que la fonction publique territoriale s'adaptera aux besoins des collectivités locales.
Enfin, j'achèverai mon intervention en vous livrant brièvement quelques réflexions sur les finances locales.
Tout d'abord, à l'image de notre fonction publique territoriale, le système fiscal local souffre de rigidités persistantes.
Ainsi, par exemple, dans le cadre de la coopération intercommunale, l'harmonisation progressive de la fiscalité se heurte au blocage des taux des quatre principales taxes locales. Nous devons permettre une réelle harmonisation et, en conséquence, au moins pour une durée limitée, décloisonner les taux.
En outre, la mise en place du nouveau système comptable, dit M 14, rend la procédure budgétaire plus longue et plus complexe nécessitant des moyens en personnel beaucoup plus importants, c'est-à-dire des agents territoriaux plus nombreux et mieux formés aux nouvelles techniques.
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principaux points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention.
Nous aurons l'occasion de revenir sur les structures intercommunales.
Par ailleurs, la réforme de la taxe professionnelle et sa répartition restent à mettre en oeuvre. Oublions cependant dès à présent la « nationalisation » de cette taxe.
Nous devons nous efforcer d'accompagner le dynamisme de nos collectivités et de soutenir le constant dévouement de nos élus en assouplissant et en simplifiant certaines procédures.
Je suis certain que le Gouvernement a pleinement conscience de cette nécessité, le projet de réforme du code des marchés publics - une réforme très attendue - l'atteste. Il prévoit en effet une simplification des procédures par la réduction de moitié du volume du code, ainsi que l'adoption d'une démarche pédagogique.
Je vous encourage, monsieur le ministre, à poursuivre dans la voie de la simplification, de la décentralisation et, par conséquent, de la gestion le plus près possible de nos concitoyens.
Nous savons que votre souci est d'aller dans ce sens et nous vous apporterons notre soutien, car, comme vous, nous sommes journellement confrontés à la gestion de nos collectivités locales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1996, le budget des collectivités locales a atteint 730 milliards de francs, soit plus de la moitié du budget de l'Etat et environ 10 % du produit intérieur brut.
Les collectivités locales représentent par ailleurs 1 350 000 emplois, dont 220 000 intéressant des personnes recrutées entre 1983 et 1993. Elles recrutent encore actuellement près de 20 000 agents par an et accueillent en outre plus de 2 000 contrats emploi-solidarité.
Au coeur de la lutte pour l'emploi, elles assurent aujourd'hui des missions essentielles au regard de l'équilibre social, tout en constituant les leviers incontournables de l'évolution de l'aménagement du territoire.
Elles sont et doivent demeurer les actrices de la cohérence territoriale.
Elles sont très impliquées dans des domaines aussi divers que la protection de l'environnement ou le logement social.
Elles sont indispensables à la mise en oeuvre de toute politique publique d'envergure, qui ne pourrait se passer de leur participation.
Championnes de l'investissement public toutes catégories, elles réalisent 81 % de l'investissement public, soit 12,5 % des investissements de la nation.
Je ne peux manquer de souligner que cet essor, pour une large part permis par la décentralisation, s'est réalisé dans le cadre d'une gestion saine. Depuis vingt ans, l'endettement est resté stable, à moins de 9 % du produit intérieur brut. Le besoin de financement des collectivités locales est aujourd'hui nul.
Cela, monsieur le ministre, ne peut et ne doit autoriser l'Etat et le Gouvernement à déstabiliser nos collectivités locales en s'attaquant insidieusement à ce qui, pour l'essentiel, les caractérise et honore leurs élus, lesquels sont au demeurant les mieux perçus par nos concitoyens.
Les collectivités locales sont déjà et seront encore confrontées à de lourds investissements : entretien d'un patrimoine de plus de 2 300 milliards de francs ; traitement des eaux et élimination des déchets, dans le respect des directives européennes ; sécurité des établissements scolaires et des équipements sportifs, notamment ; investissements dans les transports collectifs ; aménagement équilibré, socialement et géographiquement, du territoire.
Par ailleurs, de nouvelles missions se font jour et sont appelées à se développer. En effet, la demande sociale s'accroît et des emplois de proximité dans les secteurs de l'environnement, de la vie et de l'animation sociales peuvent encore être créés et répondre ainsi à la demande d'activité de celles et ceux que frappe le chômage.
La France de l'an 2000 a besoin que l'encadrement du développement se fasse au plus près des citoyens et dans la multiplication des partenariats.
D'ailleurs, comme le remarque une étude récente de M. Jacques Méraud, plus la dépense des administrations locales augmente, plus le produit intérieur brut augmente, lui aussi ; à l'inverse, quand la progression de leurs dépenses ralentit, la croissance du PIB en est freinée. La corrélation est également observée pour ce qui concerne les investissements.
Les socialistes, conscients de cela, ont accompagné la mise en place de ce nouveau rôle des collectivités locales quand ils étaient au gouvernement.
Ils l'ont fait en premier lieu, bien sûr, par l'instauration de la décentralisation, dont, après les débats bien difficiles que nous avons connus voilà quelque quinze ans, on dit maintenant beaucoup de bien dans tous les groupes. La décentralisation a permis de libérer les énergies, d'encourager les initiatives locales et de rapprocher les décisions des citoyens ; elle a ouvert un véritable droit à l'initiative, à l'imagination et au développement.
Ils l'ont fait, en deuxième lieu, en s'attelant au problème de la péréquation, avec l'instauration de mécanismes de redistribution horizontaux ; c'est ainsi que fut créée la dotation de solidarité urbaine en 1991, très décriée par l'opposition de l'époque.
Le mouvement vers l'égalité des ressources et l'équité, qui rejoint celui de l'aménagement du territoire, est indispensable et ne pourra se faire sans une certaine redistribution. Ainsi le veut d'ailleurs la référence à la fourchette 80/120 de la loi du 4 février 1995.
En troisième lieu, les socialistes ont accompagné l'épanouissement des collectivités locales par le formidable essor qu'a donné à l'intercommunalité la loi ATR de 1992. Le développement des partenariats, le regroupement des efforts et des ressources sont en effet indispensables, voire incontournables, comme le disait tout à l'heure le président de la commission des finances.
Mais, c'est aussi par une évolution positive des concours de l'Etat que les socialistes ont agi.
De 1983 à 1993, les recettes des collectivités locales ont augmenté en moyenne annuelle de plus de 5 %, soit beaucoup plus rapidement que celles de l'Etat. La DGF, la dotation globale de fonctionnement, a ainsi augmenté de plus de 30 % de 1988 à 1993, soit 5,6 % en moyenne annuelle et 3,1 % par an pour les communes non éligibles aux dotations de solidarité. On constate une semblable évolution en ce qui concerne la DGE, la dotation globale d'équipement et le fonds de compensation pour la TVA.
Hélas, depuis 1993, cet effort important consenti en faveur des collectivités locales a été stoppé et la politique du gouvernement que vous représentez ici, monsieur le ministre, manque singulièrement de cohérence. Pis, elle institutionnalise le « pillage » des ressources des collectivités locales.
Je sais que cette affirmation peut sembler abrupte, voire politicienne ; c'est pourtant bien ainsi que la réalité est perçue sur le terrain, alors que la continuité des efforts est indispensable.
Certes, nous avons entendu beaucoup de promesses et de déclarations d'intention. La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire devait être l'occasion d'une nouvelle révolution ; la taxe professionnelle devait être revue et la réforme de la fiscalité locale enfin réalisée.
Hélas, cent fois hélas ! concrètement, rien n'a été fait. Seul le « pillage » des finances des collectivités locales a été organisé.
De 1993 à 1997, les concours de l'Etat aux collectivités locales auront augmenté de 8,7 %, soit une croissance annuelle d'à peine plus de 2 %, un chiffre à comparer à ceux que je citais il y a quelques instants.
On constate d'abord que les dotations de fonctionnement ont stagné. Elles auront connu une évolution à peine supérieure à celle des prix - 8,5 % en quatre ans - ce qui est bien sûr insuffisant pour suivre l'évolution des dépenses de fonctionnement.
Qui plus est, une partie de l'augmentation est factice : récupération de la cotisation minimale de taxe professionnelle ou encore de l'excédent de fiscalité locale de La Poste et de France Télécom.
La DGF, qui, sous le gouvernement de Michel Rocard, avait été indexée sur l'évolution des prix et des deux tiers de la croissance, n'aura augmenté que de 9 % en quatre ans, soit 2,2 % en moyenne annuelle. Son évolution a en effet été déconnectée de la croissance en 1994 et en 1995. Depuis, seulement 50 % de la croissance du PIB sont pris en compte.
Les subventions spécifiques, elles, se seront effondrées de 18,1 %.
Quant aux dotations de péréquation, elle, ont fait l'objet de nombreuses mesures ponctuelles d'économies.
La dotation de développement rural a ainsi diminué de 100 millions de francs en 1995 ! La dotation de l'Etat au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle a été réduite en 1996. En 1997, le Gouvernement a empoché, à nouveau, le « bénéfice » de la cotisation minimale de taxe professionnelle, qui aurait dû revenir aux collectivités locales et servir au renforcement de la péréquation, complétée par une majeure partie de l'excédent de fiscalité, provenant de La Poste et de France Télécom.
Quant aux dotations d'équipement, elles ont baissé fortement, leur diminution atteignant près de 11 % en quatre ans.
La DGE a diminué de 17 % sur la période. Elle a été gelée en 1994. En 1996, la première part a été supprimée pour les communes de plus de 20 000 habitants et pour les communes de plus de 2 000 habitants dont le potentiel fiscal est supérieur à 1,3 fois le potentiel fiscal moyen de leur catégorie.
Le fonds de compensation de la TVA n'aura augmenté que de 2,8 % sur la même période. Son taux de remboursement a été réduit de près d'un point à partir de 1994.
Enfin, les subventions spécifiques se sont effondrées : elles ont baissé de près de 50 %.
Les dotations « passives » auront été largement ponctionnées.
Les compensations d'exonération et de dégrèvement ne couvrent pas les pertes de recettes liées aux mesures d'allégement que l'Etat a lui même décidées. Toutefois, les allégements qu'il a décidés restent en place. La dotation de compensation de la taxe professionnelle a été ponctionnée de 2,6 milliards de francs en 1994, ponction maintenue et accentuée en 1995 avec le changement du mode d'indexation. Et 1996 a vu une nouvelle diminution de 5,4 %.
Au total, depuis 1993, ce sont 14 milliards de francs qui auront été ponctionnés sur cette dotation.
Le mécanisme a été habilement intégré et consolidé dans le pacte de stabilité. Bravo ! Ce pacte de stabilité, qui est venu pérenniser et accentuer ces réductions de dotations, est inacceptable ; nous l'avons dit et nous l'avons rejeté. Il ne prend pas en compte les charges. Or les transferts de charges se poursuivent : CNRACL, suppression de la franchise postale, réforme du financement du logement social.
Enfin, ce pacte ne prévoit d'indexation que sur les prix.
A cette évolution négative des concours de l'Etat, s'ajoute l'augmentation de 3,8 points de la cotisation employeur à la CNRACL. Et il ne s'agit pas de payer les pensions de nos fonctionnaires ressortissants !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vous qui avez le plus ponctionné la CNRACL !
M. René Régnault. Or, s'il fut un temps où la CNRACL dégageait des excédents, aujourd'hui, tel n'est plus le cas. Pourtant, vous maintenez non seulement la compensation mais encore la surcompensation, qui a coûté 4 milliards de francs supplémentaires en 1996.
S'ajoutent encore le maintien de la ponction de 0,4 % sur l'ensemble des rôles - et ce pour réaliser la réforme des bases -, la réduction du plafonnement de la cotisation de taxe d'habitation, la réduction, pratiquement jusqu'à epsilon en 1997, des crédits pour l'aménagement du territoire ainsi que les désengagements de l'Etat sur les politiques spécifiques de l'emploi, de l'insertion, de l'environnement, du scolaire et du périscolaire, de la petite enfance, de la culture.
Vous comprendrez, à l'énoncé de ces quelques rappels, pourquoi l'on peut parler de pillage insidieusement organisé. En 1996, par rapport à 1993, cela a représenté une ponction de 14 milliards de francs, en francs constants.
Pour la période courant de 1993 à la fin du pacte, nos collectivités locales auront ainsi subi une réduction de leurs moyens de l'ordre de 40 milliards de francs, soit une demi-année de DGF des communes et de leurs établissements de coopération intercommunale.
Les collectivités locales sont ainsi, aujourd'hui, prises de plus en plus dans un effet de ciseaux entre des recettes malmenées et des dépenses qui augmentent, ce qui oblige les élus locaux ou à de fortes hausses de la fiscalité locale directe ou à une réduction des dépenses d'équipement ; ces dernières ont stagné en 1994, chuté en 1995 ainsi qu'en 1996 - d'environ 6 % - une chute que les entreprises du bâtiment et des travaux publics ont durement ressentie.
L'élan des collectivités locales est stoppé. C'est une erreur. Les collectivités locales auraient pu, si on leur en avait laissé les moyens, accentuer encore leur rôle dans la croissance et dans la solidarité. On aurait dû les y encourager.
Il est donc primordial de revenir à la politique d'accompagnement des collectivités locales suivie avant 1993. Cette politique doit s'engager, selon nous, sur plusieurs axes.
Il est d'abord nécessaire d'organiser un réel partenariat Etat-collectivités locales.
Du fait des promesses non tenues et du pillage organisé que j'ai dénoncé, la méfiance entre élus locaux et Etat est aujourd'hui très forte, et c'est un facteur négatif.
Les collectivités locales doivent être assurées de leurs ressources. Il faut restaurer la confiance en adoptant un réel « pacte de confiance » - si vous me permettez de reprendre cette expression - reposant sur la stabilité des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, au regard tant des recettes que des dépenses.
Cela implique que les concours de l'Etat ne soient plus soumis aux aléas de la politique budgétaire et que les règles d'indexation et d'attribution des dotations soient pérennisées sous une forme simple, permettant aux collectivités locales de bénéficier des fruits de la croissance à laquelle elles ont contribué. Le pacte de stabilité doit donc être réformé.
Cela suppose le respect du principe selon lequel tout transfert de compétences doit être accompagné des ressources correspondantes. Or de nouvelles difficultés se présentent. Ainsi, pour ce qui est de la CNRACL, aucune augmentation n'est prévue pour 1997. Qu'adviendra-t-il en 1998 ?
Il convient impérativement de définir les modalités d'un véritable partenariat fort et confiant sur les grandes politiques publiques indispensables au développement de notre pays et au retour de la croissance.
Il faut ensuite oeuvrer en vue d'une clarification et d'un nouvel essor de la décentralisation.
Les lois de décentralisation ont besoin aujourd'hui d'être développées. L'imbrication des structures et des compétences nuit tant à une gestion rationnelle et efficace qu'à une meilleure implication des citoyens. La question est moins celle du nombre et du niveau des collectivités que celle de leur collaboration. Il est aujourd'hui nécessaire de réaliser une clarification et une meilleure identification des compétences.
A cette fin, il convient de procéder à un réexamen des compétences de chacun, à une meilleure identification des règles régissant les relations entre les personnes publiques, à l'affirmation du principe de délégation de compétences et à l'application à l'échelon local du principe de subsidiarité.
Cela nécessite également un nouvel essor de l'intercommunalité, fondée sur la simplification, la démocratisation et la solidarité. Le texte que vous allez nous présenter semble déjà, monsieur le ministre, en deçà de la question.
Cela implique, enfin, un nouvel essor pour l'aménagement du territoire. Le nouveau schéma d'aménagement du territoire se réduit à nombre de déclarations d'intentions, mais à rien sur le fond, ce qui fait dire aux experts de Bercy que c'est un très bon exercice littéraire. Le comité interministériel d'aménagement du territoire qui s'est tenu à Auch vient malheureusement de conforter notre désespérance.
Une profonde rénovation des finances locales est nécessaire et ce pour assurer, notamment dans la clarté, une réelle redistribution et contribuer alors à un développement solidaire des territoires.
Les impôts locaux sont à la fois injustes et archaïques. Leur réforme doit être réalisée, et je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez nous éclairer sur ce point.
Mes chers collègues, les collectivités locales ont fait leurs preuves dans l'accomplissement des missions nouvelles qui leur ont été conférées par les lois de décentralisation et ont su prendre la place qu'elles devaient prendre dans un espace européen où les Etats les plus compétitifs sont ceux qui ont su favoriser ce développement et appuyer leurs politiques publiques sur des collectivités locales fortes.
Depuis 1993, vous avez cassé leur élan. Je souhaite que la nouvelle majorité qui sortira des urnes l'année prochaine reprenne ce mouvement. C'est à cela que nous, socialistes, nous nous préparons. Nous travaillons en ce sens.
Les collectivités locales, leurs élus, bâtisseurs au quotidien de notre société civile, de son évolution, sont prêts à poursuivre leur noble mission en partenariat avec l'Etat ; ce dernier doit alors réformer fondamentalement ses comportements à leur égard, y compris au niveau des moyens financiers. A ce prix, peut et doit se restaurer le capital confiance profondément entamé. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Marcel Lesbros applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir été, dans le cadre étroit du pacte de stabilité, mises en demeure de participer à la réduction des déficits publics, les collectivités locales vont-elles également se retrouver contraintes de résoudre le déficit social de cette même construction européenne ?
Cette question est aujourd'hui directement posée par l'évolution d'une construction européenne laissant une place de plus en plus réduite à l'initiative des gouvernements et des assemblées élus démocratiquement tout en accordant la primauté tant à l'aréopage des commissaires européens qu'à celui, qui est à constituer, des grands argentiers de la banque centrale européenne, dans le plus grand mépris des besoins exprimés par les peuples.
Près de quinze ans après l'adoption des lois de décentralisation qui ont permis aux collectivités locales de notre pays de s'affranchir de la tutelle préfectorale, donc du pouvoir central, et de s'affirmer comme des acteurs majeurs de la vie sociale et politique du pays, nous nous trouvons à la croisée des chemins.
Il demeure en effet dans notre pays - et ce gouvernement en est d'ailleurs la parfaite illustration - des tentatives plus ou moins claires de « mettre au pas » les collectivités locales et de poser des limites au principe essentiel de leur libre administration. L'opération présente d'ailleurs plusieurs caractéristiques.
La première, et non la moindre, est de prolonger encore le processus des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités locales, en confiant à ces dernières quelques cadeaux empoisonnés ou des bombes à retardement, c'est selon.
Ainsi en a-t-il été pour ce qui concerne la remise à niveau et le développement des infrastructures scolaires du pays, notamment du second degré, mais aussi de l'université.
Que dire des dépenses de caractère social, premier poste des budgets départementaux qui est en croissance continue, notamment à la suite de la mise en place des procédures d'insertion et de la réduction parallèle du niveau des prestations prises en charge par les régimes de protection sociale ?
Vous confirmez nettement cette orientation dans l'interview que vous venez d'accorder, monsieur le ministre, à un quotidien du soir, mettant en demeure les élus locaux de gérer le risque dépendance et d'accepter les fermetures de lits d'hôpitaux occasionnées par la réforme hospitalière et confirmées par les ordonnances du plan Juppé.
Nous sommes aujourd'hui, par ailleurs, directement confrontés à de nouveaux enjeux, résultant de dispositions législatives diverses, qui ne vont pas manquer de peser, dans un avenir plus ou moins lointain, sur la santé financière des collectivités locales et sur leur capacité à se substituer à la puissance publique.
Examinons quelque peu ces domaines sensibles.
Le premier est celui de l'environnement, dans le cadre de l'application des dispositions de la loi Barnier et, singulièrement, la nécessité de « pacter » les schémas départementaux de traitement et d'élimination des déchets.
Par ailleurs, le mouvement perpétuel de modification des normes européennes en matière d'adduction et de traitement des eaux conduit les collectivités locales à se retrouver confrontées à de très importantes dépenses de mise aux normes, occasionnant, pour les usagers, des hausses régulières de prix, sans amélioration réelle de la qualité du service.
On est d'ailleurs en droit de se demander si la constance et l'obstination des commissaires européens à modifier les critères de qualité de l'eau ne trouve pas son origine dans un lobbying actif des groupes, notamment français, qui en ont tiré, depuis une quinzaine d'années, de substantielles marges de manoeuvres financières.
Il suffirait pour s'en convaincre de rappeler les récents regroupements Suez - Lyonnaise et Générale des Eaux - Havas.
Pour notre part, nous sommes aujourd'hui convaincus que, pour résoudre le problème que nous pose, et que pose à l'ensemble des élus locaux et aux populations, cette frénésie normative en matière d'environnement, il faut réunir au plus tôt les conditions de mise en place d'un grand service public national de l'eau, procédant de la maîtrise publique de ces groupes qui cherchent à substituer un monopole privé au service public.
Il est un autre domaine où existe ce risque d'explosion d'une bombe à retardement. C'est celui de l'emploi, de la formation et de la lutte contre l'exclusion.
La mise en place des « emplois de ville », la loi portant pacte de relance pour la ville, le projet de loi destiné à la lutte contre l'exclusion, tout comme la poursuite des processus de transfert aux régions de la maîtrise des schémas de la formation et de l'apprentissage sont caractéristiques de cette situation.
On continue d'opposer à un douloureux et grave problème, celui de l'emploi, des solutions à la petite semaine, qui sont inadaptées, qui dédouanent les véritables responsables et qui contribuent à déstabiliser les statuts des agents du secteur public et l'emploi qualifié et reconnu.
On a fait des élus locaux, depuis quinze ans, les techniciens du laboratoire de la précarité et l'on cherche encore à en rajouter.
On occulte ainsi les responsabilités de tous ceux qui, sous couvert de compétition internationale et de recherche de gains de productivité, continuent à produire plan social sur plan social et à développer flexibilité et flux tendu - cela va souvent ensemble malgré une apparente contradiction - détruisant l'emploi de ceux qui travaillent encore et repoussant toute possibilité d'en retrouver un à ceux qui en sont privés.
Ces choix de gestion privée pèsent lourdement tant sur les conditions de vie de la population que sur la situation des collectivités locales, directement aux prises avec le développement de la grande pauvreté.
Pour nous, le salut des chômeurs procéderait plutôt d'une véritable croissance, d'une intervention publique recouvrant notamment une fiscalité décourageant réellement les opérations strictement financières menées contre l'emploi et d'une volonté de donner aux salariés, y compris dans le secteur privé, de nouveaux moyens d'intervention en matière de politique d'embauche et de stratégie industrielle.
On ne peut, sans risquer de se trouver confrontés à de sérieuses déconvenues, persévérer dans cette voie qui demande aux élus locaux ce qu'on n'ose même plus demander aux entreprises et à leur patron.
Le troisième domaine dans lequel les collectivités locales risquent, dans quelque temps, d'être confrontées à de nouvelles difficultés est celui de l'éducation.
Prenant en effet modèle de façon un peu arbitraire sur l'Allemagne et prétextant de la lourdeur des rythmes scolaires qui donnent pourtant, à l'examen, un niveau de formation initiale des jeunes Français tout à fait satisfaisant, le Gouvernement entend transformer profondément l'organisation du temps scolaire, notamment en vue de favoriser les pratiques associatives et culturelles des jeunes.
Notre système éducatif serait-il donc dans l'incapacité de répondre au besoin d'ouverture et à la curiosité des élèves et des étudiants ? Ce que font treize millions de jeunes Français depuis la maternelle jusqu'au baccalauréat serait-il si rébarbatif et si ennuyeux qu'il faudrait leur permettre d'effectuer autre chose ?
C'est là, à notre avis, faire un mauvais procès à un système éducatif pour qui les menaces les plus sérieuses proviennent plutôt de la restriction des emplois budgétaires et de la persistance d'un environnement social gangrené par le chômage et l'exclusion, qui touchent de plein fouet des millions de jeunes par parents interposés.
Au final, on est en droit de se demander avec quels moyens et selon quels processus les collectivités locales feront face à la demande des jeunes, demande pouvant d'ailleurs paraître tout à fait légitime.
Que pourra encore trouver une commune moyenne de notre pays, peuplée de 1 500 à 2 000 habitants et déjà confrontée à la charge de son contingent d'aide sociale, au financement des services d'incendie et de secours, à la montée en puissance des dépenses de collecte et de traitement des déchets, pour favoriser la pratique sportive et culturelle des jeunes, sevrés d'une éducation nationale de plus en plus réduite à la portion congrue ?
Evidemment, en ce domaine comme en d'autres, certains nous proposeront immédiatement la solution toute trouvée d'une intercommunalité confinant en fait au regroupement autoritaire des collectivités locales, présentée depuis quelques années, et singulièrement depuis 1992, comme la panacée, alors qu'elle ne serait, en fait, que le cache-misère d'une austérité budgétaire qui n'est pas synonyme de rigueur dans la gestion.
En effet, voilà bien là l'un des objectifs fondamentaux du débat actuel : comment rompre avec la tradition républicaine, celle des 36 000 foyers de démocratie directe que constituent nos conseils municipaux avec leurs 500 000 élus, pour aboutir à des structures de moins en moins démocratiques qui ne feront que limiter le nombre des interlocuteurs que le pouvoir préfectoral devra convaincre du bien-fondé des choix politiques par-delà l'autorité de notre propre gouvernement ?
Le processus de regroupement intercommunal serait inéluctable - et l'on se réfère ici, encore une fois, au modèle allemand - alors même que tout laisse penser qu'un élargissement des compétences transférées finirait par rendre ingérable le domaine d'intervention du service public local. Celui-ci pourra-t-il faire face demain à des besoins collectifs grandissants et évolutifs ?
Ne cherche-t-on pas, dans les faits, à faire en sorte que la réponse à ces besoins provienne d'une plus grande délégation de service au marché ? Comme si le marché avait permis, à en juger par l'examen de la situation économique et sociale, de faire face aux besoins des hommes et des femmes de ce pays ! N'est-ce pourtant pas le marché qui a fait plus de trois millions de chômeurs et huit millions d'exclus ?
La priorité, aujourd'hui, est de cesser de dévoyer la décentralisation au travers de cette politique de dissolution de l'Etat vers les collectivités locales et l'Europe, pour les domaines stratégiques essentiels.
Non, dans notre pays, les citoyens ne choisissent pas des élus locaux uniquement pour qu'ils se substituent à l'Etat dans tous les cas de figure ou pour être sans cesse mis en demeure d'accompagner sa politique et de guérir, à eux seuls, la fracture sociale. Les choix gouvernementaux actuels pèsent sur les collectivités locales comme sur les populations.
Monsieur le ministre, il faut cesser de jouer aux dés avec les collectivités locales, avec les élus locaux.
Au-delà de la structure locale d'un pays administré, il y a des entités humaines, construites par une histoire, placées à l'articulation de l'économie et de son utilisation par les collectivités.
Ce sont des lieux d'exigence sociale d'autant plus efficaces que les décisions y sont prises au plus près des citoyens, des lieux d'efficacité démocratique et d'exercice de la citoyenneté.
C'est là que s'exercent et que s'accordent en permanence la démocratie directe et la démocratie représentative et, dans les faits, les valeurs de la République au quotidien.
C'est pourquoi il faut rendre aux élus locaux, parce qu'ils sont le plus directement au contact de leurs concitoyens, des moyens d'action et d'intervention. C'est là une des conditions de la renaissance du pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation de nos collectivités locales est aujourd'hui préoccupante car elles sont « coincées » dans tous les secteurs de l'horizon.
Au Nord, il y a un pouvoir réglementaire qui leur notifie tous les jours des normes et leur demande d'exercer de nouvelles responsabilités.
Au Sud, il y a la très grande difficulté d'augmenter la pression fiscale car l'outil fiscal des collectivités locales est sommaire, mal accepté et peu adapté à l'économie d'un pays moderne ouvert à la concurrence internationale.
A l'Est, il y a la difficulté permanente de distinguer clairement qui est responsable de quoi, qui décide, qui commande, qui paie et comment sont organisés les rapports entre les différents niveaux de collectivités et l'Etat.
Enfin, à l'Ouest, il y a un contrôle financier exercé par les chambres régionales des comptes qui appliquent avec une grande minutie l'ensemble de la réglementation, souvent quelque peu obsolète, considèrent le respect infini de la procédure comme un facteur d'efficacité et remettent en cause, quelques années après, un certain nombre de décisions qui ont dû être prises dans l'urgence pour répondre à un certain nombre de problèmes qui se posaient.
Aussi coincées, les collectivités territoriales ont actuellement beaucoup de mal à envisager le caractère irréversible, comme l'a dit M. Hoeffel, de la décentralisation.
C'est pourquoi votre discours introductif, monsieur le ministre, apporte quelques satisfactions aux praticiens que nous sommes. Je tiens à vous en donner acte. Je reconnais bien là votre souci constant de coopération entre l'Etat et l'ensemble des collectivités territoriales, votre faculté d'écoute et la lucidité dont vous faites preuve. Vous ne vous satisfaisez pas d'idées toutes faites, vous connaissez la valeur du temps et vous êtes un adepte convaincu du partenariat.
Toutes les grandes voix de cet hémicycle se sont exprimées sur la décentralisation, ses avantages et ses risques, M. Régnault ayant, pour sa part, parlé de « pillage ».
M. René Régnault. C'est exact !
M. Jean-Pierre Fourcade. Aussi, je bornerai mon intervention à cinq points, afin que ce débat, qui a été souhaité par mon ami M. Christian Poncelet, puisse déboucher sur un certain nombre de modifications.
Tout d'abord, réformer la fiscalité locale est un voeu ambitieux.
M. René Régnault. Oh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. Cela suppose d'abord que les bases de départ, c'est-à-dire les valeurs locatives cadastrales, soient conformes à la vérité économique. Se lancer dans une réforme de notre fiscalité avec des bases aussi obsolètes que la valeur locative calculée par le service du cadastre sur des bases de comparabilité qui ne sont en fait comparables à rien d'autre et qui sont des valeurs en soi nous interdira d'aller très loin. Le grand problème de la taxe professionnelle est qu'elle dispose de bases réelles fondées sur des valeurs comptables, reconnues et certifiées, alors que les impôts touchant les ménages sont assis sur des bases irréelles, évaluées.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je rappelle que la taxe professionnelle a succédé à la patente. Jamais nous n'aurions réussi la décentralisation si nous avions conservé la patente comme élément de financement des collectivités locales. Personne ne l'a jamais dit parce que ce n'est pas politiquement correct. En effet, ce n'est pas en écrasant les petits commerçants et les artisans avec l'ancien système de la patente que l'on aurait pu réaliser la modernisation des collèges et des lycées, la prise en charge des routes nationales, des universités, des dispositifs de santé, d'aide sociale, etc.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le fond de la réforme fiscale est le suivant : nous avons, d'un côté, un impôt qui croît sur des bases réelles liées à l'activité économique et, de l'autre, des impôts sur les ménages qui sont basés sur des évaluations administratives. Ou bien, nous devons prendre l'engagement, dans une réforme fiscale, de réactualiser ces bases tous les sept ou huit ans de manière à ne pas être trop éloignés de la réalité, mais pas pour des raisons politiques, parce que cela risquerait de bouleverser un certain nombre d'idées reçues ou de croyances sur les écarts de potentiel fiscal. Ou bien nous devons avoir le courage de faire comme nos partenaires anglo-saxons, qui basent les impôts sur les ménages sur la valeur vénale réelle de l'ensemble des propriétés et des mètres carrés construits. Nous aurons ainsi, en matière de fiscalité locale, un système raisonnable, puisqu'il suivra l'activité et tiendra compte des différences de valeurs entre la petite commune rurale et la grande agglomération urbaine, entre celle qui se développe et celle qui stagne. Cela permettra d'offrir aux contribuables une protection contre les évaluations fausses et les caractéristiques trop anciennes en matière de fiscalité.
La décentralisation doit se poursuivre, comme l'ont souhaité MM. Paul Girod, Hoeffel, Ostermann, Puech et Poncelet. Cependant, on n'abordera pas la réforme de la fiscalité locale sans essayer d'harmoniser les bases d'imposition des quatre impôts locaux et sans avoir mis en oeuvre des mécanismes permettant de s'assurer que le contribuable n'est pas victime à la fois de la différence des taux, qui résulte de l'autonomie des collectivités, et de la différence des évaluations, due au hasard administratif. Tant que nous ne pourrons pas apporter cette garantie au contribuable, il sera très difficile de faire évoluer la fiscalité locale.
Ma deuxième observation concerne l'intercommunalité. Vous avez bien voulu, monsieur le ministre, présenter au Comité des finances locales votre avant-projet et vous présenterez dans deux jours votre projet de loi proprement dit. La crainte que nous avons tous, c'est que la simplification que prévoit ce texte, et qui va dans le bon sens, ne se traduise à terme par un éclatement de la dotation globale de fonctionnement. En effet, depuis la réforme de la DGF, engagée par M. Hoeffel alors qu'il était au gouvernement, la DGF des communes comporte deux parties. Celle des départements a été mise de côté, à l'abri. Par conséquent, chers collègues présidents de conseil général, pour vous la DGF fonctionne bien. En revanche, pour les maires, c'est un dispositif moins satisfaisant puisque, à l'intérieur de la DGF, le fait d'avoir distingué la dotation forfaitaire et la dotation d'aménagement implique que, au sein de cette dernière, la progression des crédits destinés à l'intercommunalité risque d'assécher à terme les crédits qui alimentent la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale.
M. Christian Bonnet. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. Les difficultés qu'éprouve chaque année le Comité des finances locales pour répartir la DGF ne feront que croître. C'est pourquoi il faut aller plus loin dans votre projet, monsieur le ministre. De même que l'on a séparé, voilà quelques années, la DGF des départements et celle des communes et des groupements, il faut distinguer, aujourd'hui, la DGF des groupements et celle des communes, de manière que la DGF soit répartie en trois masses. Elle représente au total 104,8 milliards de francs, on peut donc très bien faire trois masses. Ainsi, chacun aura, pour le financement de ses dépenses de fonctionnement, une ressource qui progressera comme l'activité économique, grâce à l'indexation qui a enfin été rétablie et les gestionnaires des collectivités territoriales auront une garantie de développement prospectif, alors que, chaque année, nous avons une très grande crainte de voir éclater ce mécanisme.
Ma troisième observation - elle sera brève car ce point a été évoqué par MM. Jean Puech et Paul Girod - concerne la fonction publique territoriale.
Monsieur le ministre, tous ceux qui critiquent l'augmentation des dépenses des collectivités locales, et un certain nombre de parlementaires éminents ne s'en font pas faute, oublient que nous ne sommes pas maîtres de la progression de notre fonction publique territoriale.
J'administre en même temps une grande collectivité territoriale et un grand hôpital, dont la masse salariale est à peu près comparable. Pour cette collectivité territoriale, la croissance de la masse salariale de 1997 par rapport à 1996 est de l'ordre de 4 %, en ajoutant le GVT, le glissement vieillesse-technicité, et les conséquences de tous les protocoles d'accord, sans oublier le problème d'aménagement du temps de travail sur lequel vous-même, monsieur le ministre, vous négociez avec les syndicats. Or, pour l'hôpital, compte tenu des règles d'encadrement, l'augmentation de la masse salariale a été arbitrée à 0,8 %. Il est clair que, pour une masse salariale de 500 millions de francs de part et d'autre, une croissance de 4 % d'un côté n'aboutit pas au même résultat qu'une croissance de 0,8 % de l'autre.
Sans aller jusqu'à déconcentrer ou à décentraliser de manière absolue les questions de fonction publique territoriale, nous demandons un partenariat Etat-collectivités locales.
Il s'agit, d'abord, de déterminer les problèmes de croissance des masses salariales.
Il s'agit, ensuite - et cela a été dit tout à l'heure - de déterminer les problèmes d'indemnités et des rémunérations accessoires.
Il s'agit, enfin - et c'est notre revendication la plus importante - de définir l'organisation de nos régimes de retraite. En effet, comme vous le savez, la CNRACL ne fonctionne pas très bien. L'Etat lui-même, permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, n'a pas créé de caisse de retraite pour ses fonctionnaires et ne gère pas correctement l'ensemble des retraites de ses agents. Nous devrons donc nous mettre autour d'une table, afin d'organiser une retraite normale pour les agents de l'Etat, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière. C'est un des points auxquels nous nous attacherons dans une des prochaines lois de financement de la sécurité sociale. On ne pouvait pas tout faire la première année ; on essaiera de le faire plus tard.
Nous devons être partenaires pour gérer la croissance de nos masses salariales, le problème des indemnités et des rémunérations accessoires, ainsi que le problème de nos retraites, car celui-ci pèsera de plus en plus sur l'ensemble de notre gestion.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. René Régnault. Beau projet !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ma quatrième observation concerne les investissements.
Tous les orateurs l'ont dit, nous sommes très inquiets devant la montée envisagée de nos investissements en matière de politique sociale pour les départements, de politique de formation pour les régions et de politique d'environnement pour les communes.
A l'heure actuelle, nous dépensons, pour les quatre échelons d'administration, 170 milliards de francs par an au titre des investissements. Tous les calculs faits par l'observatoire des collectivités locales montrent que nous allons passer rapidement à un volume d'investissements supérieur à 200 milliards de francs dès 1998 ou 1999, si nous sommes obligés d'appliquer de manière claire et correcte tous les textes en vigueur.
Comment pourrons-nous passer en quelques années d'un volume d'investissements de 170 milliards de francs à 200 milliards, voire 210 milliards ?
M. Christian Bonnet. A fiscalité constante !
M. Jean-Pierre Fourcade. Et comment pourrons-nous le faire à fiscalité constante ?
M. René Régnault. C'est impossible !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, nous devons réfléchir ensemble à ce problème d'évolution de nos investissements et nous poser trois questions.
Pouvons-nous réduire nos dépenses de fonctionnement pour investir plus ? C'est possible. Nous sommes capables de réduire un certain nombre de frais de gestion, mais pas à la hauteur du défi qui nous est posé. Peut-on étaler un certain nombre de réformes, de manière à nous permettre de monter progressivement en cadence ? Peut-on, par l'intercommunalité, rationaliser les dépenses et éviter de dépenser tous, par le cloisonnement administratif qui est notre vertu cardinale en France, pour des choses analogues ? Ces trois questions devraient, selon moi, être au coeur de votre projet, monsieur le ministre.
L'intercommunalité doit permettre de faire des économies par rapport aux dépenses que nous engagerions chacun si nous étions seuls et donc totalement isolés. L'ordre de grandeur du problème - une trentaine de milliards de francs d'investissements en plus - a de quoi nous faire réfléchir.
Enfin, ma dernière observation concerne le problème des procédures de contrôle.
On a évoqué le contrôle de légalité. Il est organisé et il vous appartient de l'uniformiser. On a parlé du contrôle financier a posteriori des chambres régionales des comptes. La majorité d'entre nous ne souhaite pas s'affranchir de ces contrôles. En effet, la contrepartie de la décentralisation c'est la transparence et un contrôle financier convenable.
M. René Régnault. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Aussi, il serait dangereux de mettre à profit quelques incidents ou difficultés pour nous affranchir du contrôle. Encore faut-il, bien entendu, que celui-ci soit bien organisé et qu'en plus de la régularité qui s'attache à ces procédures soit de temps en temps instillé - certes, à faible dose - un contrôle de l'efficacité de l'argent dépensé. Or, je n'ai pas vu, à l'heure actuelle, dans les quelques rapports dont j'ai été destinataire, que l'on parlât d'efficacité. On évoque le respect des procédures, le risque d'entente ou d'illégalité. J'aimerais, pour ma part, que de temps en temps les corps de contrôle s'inquiètent des résultats, de l'efficacité, et que l'on fasse la différence entre ceux qui n'ont rien fait en respectant les règles et ceux qui ont fait quelque chose en prenant peut-être quelques libertés. Pour l'ensemble de nos concitoyens, cela représenterait une balance objective permettant de mieux mesurer ce qui a été fait.
Tels sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques éléments de réflexion que je voulais ajouter à l'excellent plaidoyer de mon collègue et ami M. Jean Puech, qui s'est exprimé au nom de notre groupe.
Le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays est excessif. Nous ne parviendrons pas à résoudre nos problèmes sociaux et le chômage si nous continuons à nous délecter d'être les champions en matière de prélèvements collectifs.
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade Nous sommes obligés de faire des économies et de réduire les prélèvements. Aussi, l'évolution de nos collectivités suppose un grand partenariat et une grande confiance entre l'Etat et les collectivités locales. Je vous remercie de l'avoir bien compris, monsieur le ministre, de l'avoir manifesté dans votre gestion, et donc d'oeuvrer en ce sens. Je vous demande de convaincre de cette nécessité de partenariat et de confiance tous vos collègues du Gouvernement - je ne suis en effet pas sûr que tous en soient persuadés - et, au-delà d'eux, l'opinion publique tout entière. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le ministre, je tiens à remercier le Gouvernement et en particulier vous-même d'avoir organisé ce débat sur un sujet qui tient tant à coeur aux membres de cette assemblée.
Toutefois, je voudrais être sûr que ces quelques heures au cours desquelles chacun va exprimer les plus nobles intentions ou formuler les demandes les plus justifiées et les plus impérieuses marqueront une avancée significative vers un progrès bien nécessaire.
Il est inutile de rappeler le dilemme devant lequel nous sommes : 80 % de la population s'agglutinent sur 20 % du territoire, et cette tendance s'accélère. Nous sommes dans un pays où l'urbanisation désordonnée pose des problèmes quasi insurmontables et où une large fraction de notre territoire voit ses communes dites rurales se désertifier, et ce quelquefois très rapidement !
C'est le problème de l'aménagement du territoire. Ce sujet a fait l'objet de l'action des gouvernements successifs, notamment du gouvernement précédent. Le Parlement a adopté à cet égard une loi dans l'élaboration de laquelle le Sénat a, je crois, joué un rôle décisif puisque les ministres qui l'ont fait voter étaient issus de nos travées ! A ce titre, je tiens à remercier MM. Pasqua et Hoeffel, pour ce qu'ils ont réalisé comme ministres, MM. François-Poncet, Gérard Larcher et les membres de la commission des affaires économiques pour l'énorme travail qu'ils ont accompli !
C'est aujourd'hui au gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, d'appliquer la loi. Il est vrai que les représentants du terrain dit « rural », « profond », que nous sommes s'impatientent quelquefois quand les décrets tardent à sortir. Nous en parlerons d'ailleurs de nouveau dans quelques jours lors du prochain débat qui sera organisé dans cette enceinte.
Comme vous, monsieur le ministre, nous sommes tous convaincus que les collectivités locales sont les acteurs privilégiés et déterminants d'une politique dynamique de l'aménagement du territoire.
M. Daniel Hoeffel, orfèvre en la matière, s'est exprimé tout à l'heure avec la compétence et la clarté dont il est coutumier. Je ne reprendrai pas ses propos, mais je souscris totalement aux constats auxquels il a procédé, aux suggestions et aux propositions qu'il a formulées.
Dans le temps très court dont je dispose, j'insisterai sur quelques points précis qui m'inquiètent et qui agacent les élus ruraux des petites communes, que je représente.
Les lois de décentralisation ont constitué une étape importante et ont été appréciées. Comme tout le monde l'a dit, elles sont irréversibles.
Leur cheminement a été cependant un peu incomplet, notamment parce que les moyens n'ont pas suivi. La décentralisation a renforcé les régions riches dans leurs richesses et quelquefois leur opulence, et laissé les régions pauvres à leur pauvreté, voire parfois à leur indigence.
La loi de février 1995 a prévu la mise en place progressive d'une péréquation. Cette dernière est constitutionnellement instaurée dans des pays autrement plus décentralisés que ne l'est la France. C'est notamment le cas de l'Allemagne.
Il est bien entendu qu'un pays aussi déséquilibré que le nôtre doit faire l'objet d'une politique volontariste, qui doit solidariser les régions pour lesquelles la potentialité fiscale explose avec les autres régions qui sont dans la situation inverse. Or nous sentons des résistances dans la mise en oeuvre de la loi du 4 février 1995, qui devrait pourtant s'appliquer et dont les dispositions sont d'ailleurs moins sévères que celles qui sont en vigueur en Allemagne, puisqu'un délai permet une progressivité supportable.
Monsieur le ministre, nous serons attentifs à ce que cet article de la loi soit effectivement appliqué ; sinon, cela nous amènerait à douter de toute politique d'aménagement du territoire.
Pour subvenir aux besoins des budgets des collectivités locales, il y a deux sortes de recettes : les dotations de l'Etat et l'impôt appliqué aux contribuables. Il est évident qu'après le discours de maître que vient de faire M. Fourcade, je serai très humble et bref.
Permettez-moi d'évoquer, après bien d'autres, les méthodes de l'Etat s'agissant du montant des dotations diverses et nombreuses qui sont réparties suivant des schémas horriblement compliqués mais toujours en défaveur des petites communes.
Pour ne parler que de la dotation globale de fonctionnement, je dirai que le partage des communes de France en catégories dites « strates » font que, au final, une commune de 500 habitants perçoit une base de DGF deux fois moins élevée qu'une commune de 200 000 habitants ! Et je profite de cette intervention pour rectifier le chiffre que vous avez donné tout à l'heure, monsieur le ministre : c'est maintenant 1,8.
C'est un abus qui a été maintes fois dénoncé. Mais il faut croire que les lobbies qui ont mis au point et appliqué le système se satisfont pleinement de ce résultat, qui conduit à différencier les Français selon la taille de la commune qu'ils habitent.
On nous propose le remède de l'intercommunalité, mais j'ai peur d'une nouvelle désillusion !
Je vous ferai part de mon expérience. Depuis vingt ans, je suis responsable d'un syndicat de soixante-cinq communes rurales. La commune la plus importante compte 6 000 habitants et l'ensemble représente 104 000 habitants. En toute bonne foi, je n'aurais jamais pensé qu'un « pays » - ce découpage administratif spontané est en effet précurseur du « pays » dont on parle tant - voie ses habitants moins bien dotés qu'une ville peuplée du même nombre d'habitants. Or ce pays, qui pratique l'intercommunalité au maximum, qui met en place depuis des dizaines d'années, et de façon commune, une politique économique, culturelle, touristique, environnementale, mais aussi une politique d'aide au logement, qui contractualise avec la région, l'Etat, le département et l'Europe dans tous les domaines, n'arrive, en additionnant ses dotations diverses, qu'à la moitié du budget de fonctionnement moyen d'une ville de 100 000 habitants !
Il y a là, monsieur le ministre, une distorsion insoutenable qui est de plus en plus mal admise par les élus ruraux. Ces derniers pensent que leurs administrés, qui sont des agents privilégiés de l'aménagement du territoire, qui ont le devoir d'animer le terrain et de l'occuper rationnellement, sont largement défavorisés !
La survie de ces collectivités locales de dimension modeste, autrement dit l'aménagement du territoire, passe par le redressement de cette situation.
L'aménagement du territoire, c'est d'abord la volonté des hommes qui veulent continuer à y vivre. Mais il faut aussi ne pas les décourager en les privant des moyens minimums qui sont indispensables pour qu'ils puissent disposer d'équipements nécessaires à la vie d'une société normalement développée.
La vie, l'avenir des collectivités locales sera fonction de deux critères : la volonté politique et les moyens pour concrétiser cette politique.
Je ne peux m'empêcher d'aborder un dernier point, qui a été évoqué presque par tous, notamment par M. Fourcade : la taxe professionnelle.
Depuis vingt ans, nous la connaissons ! C'est un élément très important des recettes des collectivités locales, ou plutôt de certaines collectivités locales qui en sont les bienheureuses bénéficiaires. Hélas ! le produit de la taxe professionnelle par habitant varie suivant les communes de 1 à plus de 100. Est-ce normal ?
Je suis au Sénat depuis plusieurs années, et on nous a toujours promis une réforme qui serait l'objet d'une prochaine loi. En tout cas, la situation actuelle est invivable et parfaitement immorale ! Sur ce sujet, monsieur le ministre, vous nous avez donné, dans votre propos liminaire, des raisons d'espérer. Nous vous remercions à l'avance de tout ce que vous pourrez faire.
On parle beaucoup d'intercommunalité pour ramener un peu de raison et d'équité. Il faut aller plus loin et mettre en place un système législatif correcteur digne de ce nom !
Je pourrais vous citer des dizaines de cas où des communes bénéficient d'un véritable pactole. Tant mieux pour elles ! Mais notre rôle de législateur est de promouvoir l'intérêt général, c'est-à-dire de corriger les injustes inégalités.
Il n'est bien sûr pas question de nier les difficultés de l'exercice. Mais nous serons heureux, monsieur le ministre, d'entendre vos intentions sur ce sujet.
La loi du 4 février 1995 avait fait obligation au Gouvernement de rédiger un rapport concernant ce problème dans un délai de dix-huit mois. Ce délai est largement dépassé. Nous espérons que des mesures ne tarderont pas pour remédier à ce retard.
Monsieur le ministre, je me suis limité à quelques points très précis que je crois importants. Les collectivités locales, spécialement les petites communes, ont un rôle important à assumer, d'autant plus que leurs obligations et charges croissent régulièrement : action sociale, sécurité en tout genre, environnement, application des lois sur l'eau et sur l'air, etc.
Ces obligations leur imposent des interventions toujours plus précises, plus impérieuses et plus coûteuses. Je crois que l'Etat a le devoir de participer et d'aider le plus possible ces petites cellules, ces petites communes, qui sont le socle de notre démocratie.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, et nous vous remercions à l'avance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous remercier, comme l'ont fait plusieurs de nos collègues, d'avoir accepté l'organisation d'un débat à la Haute Assemblée sur les collectivités locales ; je sais que cela répondait à une demande du président de la commission des finances, M. Poncelet.
Tout à l'heure, M. Fourcade a commencé son propos en soulignant les difficultés grandissantes rencontrées par les collectivités locales en matière de gestion. J'adhère à la totalité de son intervention, comme à celle de M. Hoeffel, quant aux inquiétudes des collectivités locales.
Permettez au maire d'une petite commune de 185 habitants que je suis d'appeler votre attention sur quelques points qui préoccupent ces petites communes aux moyens financiers très limités.
Certes, nous bénéficions des concours conjugués de l'Etat à travers la DGF, la DGE, voire la DDR lorsque nous sommes organisés en intercommunalité. S'y ajoute l'intervention des départements et des régions qui viennent nous aider dans notre politique d'investissement, tandis que la DGF nous soutient dans notre politique de fonctionnement.
Toutefois, le bilan de la totalité de nos recettes, de nos moyens et de notre fiscalité comparé aux compétences et aux charges qui sont les nôtres fait apparaître une grande difficulté pour équilibrer notre budget.
Songez que, pour une commune comme la mienne, un point de fiscalité représente 2 000 francs ! Monsieur le ministre, que puis-je faire avec cette somme ? C'est dire que les moyens tirés de mon potentiel fiscal sont très limités. Par ailleurs, les concours que j'obtiens de mes partenaires financiers ne me permettent pas de compenser cette insuffisance à une hauteur convenable pour répondre à la demande de mes concitoyens.
Quels éléments relèvent de la gestion de nos collectivités ? Nous devons gérer notre patrimoine, gérer nos équipements, gérer des services. Parmi ces derniers figure, comme premier service de proximité, l'école. Mais nous avons, aujourd'hui plus qu'hier, la charge de services de proximité liés à notre environnement, notamment ceux des ordures ménagères et de l'eau.
L'évolution des normes actuelles est préoccupante. Elle résulte de dispositions européennes que nous avons dû introduire dans la loi et dans la réglementation françaises. Un certain nombre de dispositions s'imposent donc à notre pays.
Or, monsieur le ministre, le maire que vous êtes connaît les difficultés résultant de l'évolution de ces normes. Alors que, dans le syndicat que je préside, le coût du service des ordures ménagères était, voilà un an, de l'ordre de 125 francs par habitant et par an pour une collecte hebdomadaire, il s'élève aujourd'hui, après la mise en place de la collecte sélective, qui devrait avoir pourtant pour effet de diminuer le prix du service - on distrait en effet de la poubelle un certain nombre de déchets qui, demain, iront à l'incinération alors que, actuellement, ils vont en décharge contrôlée - à 300 francs par habitant et par an, ce qui amène un certain nombre de familles à la limite de leur capacité contributive. Je suis donc confronté à un nombre considérable d'impayés.
Qu'en sera-t-il demain, lorsque l'on appliquera les dispositions de la loi concernant le traitement des déchets, qui impose la disparition des décharges contrôlées avant l'an 2002 ? Le « tout-incinération » qui est prévu est-il vraiment la solution ?
Certes, je sais que ces questions ne relèvent pas directement de votre compétence, monsieur le ministre ; mais elles ont de telles conséquences sur le plan financier pour nos collectivités et nos concitoyens que l'on ne peut pas, dans le cadre d'un débat sur les collectivités locales, ne pas appeler votre attention sur ce point.
J'avais demandé à M. Barnier, quand il était ministre de l'environnement - j'ai d'ailleurs réitéré cette requête devant Mme Lepage lors de l'examen du projet de loi de finances - la possibilité minimale pour les petites communes d'accéder à des moyens financiers leur permettant d'assumer ces investissements et de les étaler dans le temps.
En effet, une usine d'incinération coûte entre 400 et 500 millions de francs. Dans mon département, deux usines d'incinération sont prévues au schéma départemental pour un investissement de plus de 1 milliard de francs. Cela aura pour résultat d'amener le coût du service à 500 francs par habitant et par an. Je vous laisse imaginer les difficultés auxquelles se trouveront confrontés nos concitoyens, d'autant que s'ajoutera à cela le coût du traitement des eaux usées et des eaux pluviales. Le prix de l'eau se situe en moyenne sur le territoire national autour de 10 ou 12 francs le mètre cube. Certes, nous avons des exemples de prix plus élevés - 30 ou 40 francs - et mon collègue M. Oudin m'a indiqué que, dans son secteur, le prix du mètre cube d'eau est déjà à 30 francs.
C'est la raison pour laquelle j'aurais souhaité que, au moins pour ces investissements lourds que nous devrons réaliser en matière d'assainissement ou de traitement des déchets, nous puissions avoir accès à des prêts bonifiés sur des longues durées. Je sais que le Crédit local de France ou la Caisse des dépôts et consignations consentent des prêts remboursables en trente ou quarante ans, mais ils le font au taux du marché qui, s'il est bien inférieur à ce qu'il était voilà quelques années, est encore trop important au regard de la capacité contributive à la fois des collectivités locales et de nos concitoyens.
Un autre point sur lequel je voulais appeler votre attention concerne les difficultés que rencontrent certaines communes avec l'application de l'article 23 de la loi de juillet 1983 sur les écoles, relatif à la contribution demandée aux communes de résidence pour les frais de fonctionnement des écoles dans les communes d'accueil.
La loi prévoit un certain nombre de cas dérogatoires, mais il existe aujourd'hui un vide juridique et on ne peut prendre en considération la nature d'un service tel que celui qui est assuré aujourd'hui par les haltes-garderies ou par les cantines publiques, alors qu'il pourrait être assuré par des assistantes maternelles agréées. Ce que je souhaite, monsieur le ministre, c'est qu'il soit possible de faire évoluer la loi de telle manière que, si une assistante maternelle agréée peut à la fois accueillir des enfants le matin avant l'ouverture de l'école et le soir après la fermeture de l'école, c'est-à-dire remplir les fonctions d'une halte-garderie à domicile, et accueillir des enfants le midi pour le déjeuner, le service qu'elle rend puisse être reconnu comme ceux qui sont assurés dans des communes un peu plus aisées par des cantines ou des haltes-garderies.
L'article 23 de la loi de juillet 1983 ne devrait pas être appliqué dans les petites collectivités qui sont aujourd'hui dans l'impossibilité de faire face aux charges importantes que leur demandent les communes d'accueil - 3 000 francs ou 4 000 francs par enfant, parfois - alors qu'elles-mêmes assurent un service pour un coût inférieur, dans des conditions tout à fait satisfaisantes.
Permettez-moi aussi de relever les conséquences qui résultent de la réforme de la DGF et des dotations d'Etat.
S'agissant de la dotation globale d'équipement, je citerai deux chiffres. Dans mon département, la DGE représentait 35 millions de francs en 1995, dont 12 millions de francs pour la première part et 23 millions de francs pour la deuxième part. La réforme qui a été engagée ayant eu pour résultat de supprimer la DGE première part, en 1996, la dotation a été de 28 millions de francs. Il a donc fallu la partager non seulement avec les communes de moins de 2 000 habitants, mais également avec les communes de plus de 2 000 habitants. Ainsi, les petites communes rurales ont été pénalisées par cette réforme. Pouvons-nous espérer, à l'occasion d'une réforme ou d'un aménagement futurs, une amélioration de la situation des communes ?
Enfin, pour ne pas abuser de mon temps de parole, j'évoquerai en deux mots la fonction publique.
Plusieurs orateurs sont intervenus sur ce sujet. Je pense notamment à MM. Puech et Fourcade ainsi qu'à l'orateur qui m'a précédé à cette tribune, M. Huchon.
La fonction publique territoriale a évolué favorablement, grâce aux aménagements auxquels vous avez procédé. Subsiste néanmoins le problème majeur du régime indemnitaire. Au sein de l'Association des maires de France, je préside un groupe de travail sur ce sujet et, je le constate, la référence permanente à l'Etat prouve que ce dispositif n'est pas complètement adapté à la spécificité de la fonction publique territoriale.
Vous savez bien, monsieur le minsitre, que, dans nos collectivités, il existe des nouveaux métiers que l'on ne retrouve pas dans la fonction publique d'Etat. De la sorte, lorsqu'ils doivent faire appel à des professionnels, les maires éprouvent des difficultés de recrutement parce qu'ils ne peuvent pas offrir des conditions de rémunération correspondant à la qualification des intéressés.
Enfin, je pense qu'il faudra revenir sur une disposition qui a été adoptée sur initiative parlementaire au sujet des avantages sociaux : avant 1984, à partir du moment où une délibération avait été prise par une collectivité, on pouvait appliquer l'ensemble des avantages concernés aux agents, mais, après 1984, cela n'a plus été possible pour les agents recrutés postérieurement en l'absence de délibération antérieure. Nous en parlions tout à l'heure en commission des lois avec le président Delevoye, je pense qu'il faudra un jour aboutir à une réforme sur ce sujet car nous plaçons actuellement les collectivités territoriales dans une situation délicate.
Voilà - d'une manière un peu décousue, je m'en excuse auprès de vous - les quelques points sur lesquels je souhaitais appeler votre attention, et je ne doute pas, monsieur le ministre, que, dans l'intérêt des collectivités, vous saurez en tenir le plus grand compte à l'occasion de l'élaboration des futurs textes. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le point que je vais évoquer a déjà été abordé à cette tribune, mais je crois nécessaire et utile d'insister : un récent sondage l'a montré, 89 % des maires pensent qu'il est de plus en plus difficile d'exercer un mandat local, et ils sont 90 % à affirmer que la complexité des dossiers et les contraintes juridiques risquent d'entraîner, à terme, leur désengagement de la vie publique locale.
En effet, les transferts de compétences, ainsi que l'abondance des textes de toute nature, ont accru la responsabilité des gestionnaires des collectivités locales et les risques qu'ils courent de se perdre dans le foisonnement de la législation en vigueur. Cela fait d'eux à tout moment, même si le mot est peut-être fort, des délinquants potentiels.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. En effet, quel est l'élu local qui peut aujourd'hui s'y retrouver dans le maquis des textes normatifs ? Ainsi, 7 500 lois sont actuellement applicables, de même que près de 100 000 décrets et 10 000 à 15 000 circulaires.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est fou !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. En février de cette année, par exemple, deux lois, vingt et un décrets, seize arrêtés, vingt-six circulaires, instructions et avis ont été publiés, dont maires et élus locaux sont censés avoir connaissance.
Ces textes sont, de plus, soit trop généraux et imprécis, soit d'une trop grande technicité et d'une complexité qui ne facilite pas leur mise en oeuvre.
Les législateurs que nous sommes, mes chers collègues, sont souvent rendus responsables de cette inflation législative. Certes, la clarté des textes de loi dépend de nous, mais, pour ce qui est du nombre, notre responsabilité est limitée, puisque le Gouvernement fixe l'ordre du jour du Parlement. Quant aux décrets et aux circulaires, nous n'en sommes pas maîtres.
Les deux offices d'évaluation des politiques publiques dont s'est doté le Parlement doivent être ces outils si nécessaires d'inventaire, de clarification, d'étude de l'opportunité des textes de loi. Il est temps de les activer, de les faire fonctionner, afin que les citoyens de ce pays soient clairement informés des responsabilités de chacun.
Si les maires des grandes villes peuvent s'entourer de quelques collaborateurs, la situation est autrement difficile pour les élus des petites communes, qui peuvent à peine salarier un secrétaire à temps partiel ! Alors, les élus imaginent, cherchent des solutions, s'organisent, inventent et innovent.
Dans mon département, la Haute-Garonne, les maires sont heureusement aidés par l'agence technique départementale, créée par le conseil général, qui fait un travail de tri de textes, d'alerte, d'aide juridique, qui apporte une aide précieuse lorsque l'élu, ayant l'intention de lancer un projet dans sa commune, se trouve confronté non seulement à l'examen minutieux de la législation en cours, mais aussi à la recherche du type de subventions auquel il peut prétendre. Là encore, l'opacité est générale.
Parce qu'ils tirent leur légitimité du suffrage universel, les élus locaux demandent avec force plus de respect dans l'exercice de leurs responsabilités, ce qui suppose que la législation, comme le comportement des représentants de l'Etat, à tous les niveaux, vise à faciliter leur tâche et non à la compliquer à l'envi.
La suppression, en 1982, du contrôle a priori des actes par le préfet a été vécue par l'ensemble des élus locaux comme une formidable libération des initiatives : des plus grandes villes aux toutes petites communes, les efforts en matière d'embellissement aussi bien que d'équipement témoignent de la passion - le mot n'est pas trop fort - qu'ils mettent au service de leur collectivité et de l'amélioration de la qualité de vie de leurs administrés.
Or, cela a été dit plusieurs fois à cette tribune, les transferts de compétences se multiplient, mais les finances ne suivent pas !
L'inflation des normes et contrôles divers, coûteux et tatillons, submerge les maires. Avec des budgets de plus en plus réduits, soumis à une réglementation de plus en plus excessive, inquiets de la dérive judiciaire qui, après les Etats-Unis, semble gagner la France, les élus locaux sont démoralisés, se sentent ligotés, surveillés, suspects même !
Privés des moyens financiers qui leur permettraient de répondre à toutes les exigences des contrôles de sécurité, paralysés par le jeu des normes et réglementations diverses, les maires peuvent être tentés - et ils sont de plus en plus nombreux à le dire - de s'autocensurer, de ne plus prendre d'initiatives.
Ce phénomène, s'il se généralisait, constituerait une manière rampante de grignoter chaque jour un peu plus les fondements mêmes de la décentralisation.
Les élus locaux, qui sacrifient souvent leur vie professionnelle, voire leur vie familiale, animent jusqu'au plus petit village de notre territoire, mais, monsieur le ministre, ces élus, dont la République est si fière, sont gagnés par le découragement. La désaffection pour les mandats locaux constatée en 1995 risque de s'amplifier en 2001, ce qui, à l'aube du 3e millénaire, ne serait pas de bon augure pour l'exercice de la démocratie. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe des sénateurs communistes républicains et citoyens a déposé, il y a quelque temps déjà, une proposition de loi relative à la situation des finances locales et à la nécessité, sur cette question cruciale, de mettre en oeuvre des mesures nouvelles permettant de donner aux collectivités locales les moyens nécessaires à leur action au service de nos concitoyens et des habitants de ce pays.
Les dernières lois de finances et les divers collectifs budgétaires dont nous avons pu discuter ont, à chaque fois, comporté des dispositions discutables concernant les relations entre l'Etat et les collectivités locales.
La moindre de ces mesures n'est pas l'adoption, par un vote forcé à la majorité des membres de notre assemblée, de l'article 32 de la loi de finances pour 1996 portant sur la mise en place du pacte de stabilité entre l'Etat et les collectivités locales, pacte de stabilité devenu, en fait, un marché de dupes destiné à faire participer, à leur corps défendant, les budgets communaux à l'atteinte des critères de convergence imposés par le traité de Rome révisé à Maastricht.
Il ne s'est agi alors, ni plus ni moins, que de cadrer la progression des concours budgétaires de l'Etat dans les strictes limites de la progression de leur pouvoir d'achat, et de faire de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, notamment, le facteur de cadrage de cette variation, ce qui, dans les faits, s'est traduit, en 1996 comme cette année, par une dégradation du niveau de ladite compensation, d'autant que s'est poursuivi le transfert de l'Etat aux collectivités de nouvelles dépenses.
Dans ce contexte, les collectivités locales se sont retrouvées contraintes de procéder à de nouveaux ajustements de la fiscalité directe locale, ajustements frappant particulièrement les ménages au travers de la taxe d'habitation, de la taxe sur le foncier bâti et, accessoirement, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
Le mouvement de transfert de la fiscalité des entreprises vers celle des ménages est donc poursuivi. A cet égard, les propos tenus par M. Fourcade méritent toute notre attention.
On ne peut donc s'étonner que, au cours des dernières années, le « dynamisme » de la fiscalité directe locale ait été autrement plus important que celui des dotations budgétaires versées ou attribuées par l'Etat, d'autant que les ressources de fiscalité indirecte des collectivités locales - je pense aux droits de mutation - ont été entamées par le collectif budgétaire de l'été 1995, sans d'ailleurs que l'objet affiché de la mesure, à savoir la relance de l'activité immobilière, ait été véritablement atteint.
Nous sommes donc aujourd'hui, en matière de finances locales, à la croisée des chemins.
Les objectifs plus ou moins avoués du Gouvernement sont plus ou moins définis.
Il s'agit de s'attaquer à une réforme de la fiscalité locale sous deux angles essentiels.
Le premier - M. Fourcade y a fait allusion - est celui de la mise en oeuvre de la réactualisation des bases cadastrales mise à l'étude en 1990. Cette réforme est reportée d'année en année tant on en craint les conséquences.
Le débat est, on le sait, particulièrement tendu sur cette révision, dont on craint qu'elle ne crée d'importants transferts de matière fiscale entre contribuables et, singulièrement, du point de vue des redevables de la taxe d'habitation et de la taxe sur le foncier bâti.
Le Gouvernement a clairement choisi, à propos de cette révision cadastrale, de mettre en oeuvre toute hypothèse qui ne se traduira pas - ce fut un objectif affirmé - par une augmentation de la charge fiscale des entreprises assujetties à la taxe professionnelle.
Une fois de plus, pour tenir une orientation politique bien connue - il s'agit, notamment, de ne pas augmenter les prélèvements sur les entreprises - et dont les effets sur l'emploi, l'investissement productif et l'effort de recherche restent à mesurer avec plus d'exactitude, on est donc prêt à arbitrer les mutations de matière fiscale seulement entre les ménages, pour épargner les entreprises, alors même que les profits des grands groupes explosent et sont utilisés dans le cadre d'alliances à caractère monopolistique. En tant que maires ou conseillers généraux, ce point fera l'objet de toute notre attention tant les enjeux sont grands.
Comme si l'alourdissement constant de la fiscalité des ménages n'était pas, aussi sûrement que la taxe professionnelle, un facteur de ralentissement de la consommation populaire et un frein à la croissance, donc à l'emploi !
Cela nous conduit à constater, une fois de plus, que les orientations de la réforme de la fiscalité directe locale sont singulièrement restreintes. Une fois de plus, seule la taxe professionnelle serait l'objet de toutes les attentions.
Est-il utile de souligner à nouveau l'essentiel, à savoir que la taxe professionnelle, qui représente sensiblement la moitié des ressources fiscales des collectivités, bénéficie de trois quarts des allégements pris en charge par l'Etat, compte non tenu du fait qu'elle est le seul des impôts directs locaux à être déductible du résultat fiscal de l'entreprise ou de l'exploitant individuel ?
Il nous semble également indispensable de souligner ici que la base d'imposition de la taxe professionnelle est trop étroite, négligeant notamment d'imposer les actifs nets financiers des entreprises assujetties, forme d'utilisation de la valeur ajoutée créée par le travail des salariés, hélas ! de plus en plus répandue.
Il est également notoire que la taxe professionnelle s'impute de manière fort inégale selon les secteurs d'activité, tandis que ses principaux contribuables se trouvent être des entreprises publiques en charge de missions de service public et acteurs fondamentaux de la politique d'aménagement du territoire et de développement de la recherche.
Il faudra bien, dans des délais relativement proches, que cette question soit résolue afin que cessent d'être pénalisées, en matière de taxe professionnelle, des entreprises d'intérêt national qui font du service public, de la recherche et de l'égalité d'accès des citoyens les éléments de leur intervention.
Là n'est pas la seule question.
Il importe réellement de se demander si l'allégement transitoire des bases de 1987 a encore un sens.
Le montant de la dotation versée en compensation de cet allégement s'élève aujourd'hui à environ 11,5 milliards de francs, alors même que le montant de bases allégé est de 120 milliards de francs, représentatif d'un produit fiscal potentiel de près de 30 milliards de francs.
La perte sèche est donc particulièrement importante et atteint, en l'occurrence, 18,5 milliards de francs, c'est-à-dire, par exemple, le tiers de la taxe d'habitation ou le cinquième de la taxe foncière.
Cet allégement a-t-il permis d'atteindre les objectifs qui lui étaient assignés, alors même que notre pays a connu, depuis dix ans, une formidable progression du chômage ?
Il est grand temps de mettre un terme à cette situation que rien ne justifie plus aujourd'hui.
Dans le même temps, il est impératif de répartir de manière plus équilibrée les éventuels correctifs que l'Etat apporte aux règles de la fiscalité directe locale.
Comment admettre, par exemple, tandis que des milliards de francs sont dépensés au titre du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, qu'il n'y ait pratiquement plus de correction de la taxe sur le foncier bâti qui touche plus de contribuables dans notre pays que l'impôt sur le revenu ?
L'on doit revenir à une exonération d'imposition plus longue des habitations assujetties à la taxe foncière, notamment dans le locatif social où la croissance de la charge fiscale crée des difficultés aux organismes bailleurs et motive des hausses de loyer devenant insupportables aux familles.
Pour autant, cette question de la fiscalité directe locale ne doit et ne peut nous faire oublier le problème des dotations.
Il importe, en effet, de redonner un sens aux dotations budgétaires de l'Etat, notamment à la dotation globale de fonctionnement dont la progression, en 1997, traduit une nouvelle perte de pouvoir d'achat de cette dotation, déjà fortement malmenée depuis 1994.
Il convient également de rétablir la dotation globale d'équipement des communes de plus de 20 000 habitants, eu égard à l'impact économique déterminant des investissements des collectivités locales - plus de 75 % - impact bien plus productif pour les finances de l'Etat que celui qui résulte de la réduction drastique de la DGE.
La détérioration des relations entre l'Etat et les collectivités locales en matière de finances ne peut et ne doit être poursuivie.
La décentralisation doit aller de pair avec une délimitation précise du rôle joué dans la vie de la nation par les collectivités locales.
Nous l'avons souligné, les élus locaux n'ont pas vocation à créer les emplois que le secteur productif se doit, compte tenu de sa situation, notamment de sa capacité financière, de créer pour répondre aux besoins de la population.
Les collectivités locales n'ont pas non plus vocation à s'endetter lourdement pour pallier l'absence d'une véritable politique d'investissement éducatif ou d'une véritable politique de l'eau, de l'assainissement et de la prévention de la pollution et des risques naturels, qui doivent être assumés par l'Etat ou par des entreprises publiques vouées à ces fonctions.
Ce n'est pas autrement que nous pourrons parvenir, entre autres, à un ralentissement de la progression de la fiscalité directe locale.
Enfin, il est une charge transférée qui n'a que trop duré, celle qui résulte de la surcompensation de la CNRACL.
La situation de la caisse de retraite des agents des collectivité locales est particulièrement critique. Lors de la discussion de la loi de finances pour 1997, ce problème a été étouffé.
Le ralentissement du niveau des embauches dans le secteur public local crée d'ailleurs un nouveau facteur de déséquilibre du régime.
Aujourd'hui, l'insuffisance de trésorerie de la caisse conduira inéluctablement à une nouvelle hausse de la cotisation des employeurs, c'est-à-dire des collectivités locales.
La loi de finances pour 1997 a, comme par habitude, repoussé le débat sur les solutions de fond.
On est en droit de s'attendre aujourd'hui au pire.
Il est anormal que l'Etat se défausse ainsi de ses obligations en matière de protection sociale, comme il n'est pas interdit de penser que l'on peut solliciter d'autres ressources que celles des collectivités locales pour équilibrer des régimes dont le déficit a été, en quelque sorte, « organisé ».
Revenir sur le dossier de la surcompensation est aujourd'hui indispensable.
On le voit, le champ de la réforme des finances locales est large !
Le Gouvernement ne semble pas vouloir s'engager dans une autre voie que celle d'aggraver à court, moyen et long terme, les difficultés des budgets locaux.
Nous ne le suivrons pas dans cette voie et nous oeuvrerons, avec les habitants, à imposer d'autres solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur les collectivités locales.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Dulait.
M. André Dulait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux dernières décennies ont été marquées par la décentralisation. Celle-ci a connu un indéniable succès, entraînant une réelle rupture avec toute l'histoire de France, trop longtemps confondue avec une idée jacobine du gouvernement.
Dans les faits, il convient de reconnaître que les choses sont loin d'être aussi évidentes, et les élus locaux se heurtent toujours à de nombreuses difficultés, comme le titrent avec humour nos collègues, Jean-Paul Delevoye et Daniel Hoeffel : Messieurs de l'Etat, encore un effort !.
Je ne reviendrai pas sur les points essentiels qui posent problème : clarification des compétences, transfert des moyens et renforcement de la démocratie locale, autant de questions fondamentales examinées de manière approfondie et pertinente par nos collègues dans leur excellent rapport consacré à la décentralisation.
Ces réflexions rejoignent les préoccupations exprimées lors du colloque national sur la décentralisation, organisé par le département des Bouches-du-Rhône à l'occasion du quinzième anniversaire des lois de 1982. Elles témoignent, toutes tendances confondues, de l'existence d'un mouvement réel des collectivités locales vers plus d'autonomie et de responsabilité et, corrélativement, des difficultés toujours plus grandes pour les élus d'exercer leur mandat, en particulier au sein des petites communes.
Les élus s'inquiètent notamment des contraintes juridiques croissantes qui pèsent sur eux et qui conduisent un certain nombre de leurs collègues à se désengager de la vie publique locale.
Ils souhaitent que le rôle des collectivités locales soit renforcé dans de nombreux domaines, et sont favorables au développement de l'intercommunalité.
Enfin, les réformes prioritaires consistent dans la poursuite de la politique de l'aménagement du territoire et la refonte de la fiscalité locale.
Le Gouvernement dispose donc encore de vastes chantiers de réformes à conduire dans un environnement budgétaire malheureusement toujours plus difficile.
Aujourd'hui, si nos collectivités territoriales répondent au mieux à l'attente de leurs administrés, c'est au prix de contraintes sans cesse nouvelles et qui s'accumulent.
Une insuffisante péréquation financière entre les territoires, l'exigence pesante de normes nationales et européennes sur les équipements publics, l'environnement, le fonctionnement des services public, ajoutées au nécessaire effort de solidarité, amènent une forte tension sur les budget locaux.
Mais cette tension peut se transformer en une véritable dérive lorsque la responsabilité de la collectivité et de ses élus est par ailleurs mise en jeu.
Emerge alors une notion nouvelle : celle de la vulnérabilité des collectivités territoriales. Elle se révèle ponctuellement, épisodiquement, au gré des actions contentieuses. Nous découvrons ainsi le nombre et l'importance des risques de toute nature qui pèsent sur nos collectivités, sans qu'elles y soient suffisamment sensibilisées, sans qu'elles aient pu en évaluer la teneur et s'en garantir, malgré les offres d'assurances les plus diverses qui leur sont proposées, certains risques d'ailleurs étant difficilement assurables.
Cette vulnérabilité, cette fragilité sortent du seul cadre financier pour concerner celui, plus global, de la responsabilité administrative et pénale, voire personnelle des élus ; les sources de risques sont de plus en plus nombreuses, et ne peuvent être réduites au seul problème comptable.
Un article d'un quotidien auquel vous répondiez, monsieur le ministre, le mentionnait ce matin. Cette notion du risque pris par les collectivités est un élément qu'il va falloir de plus en plus prendre en compte. Vous l'évoquiez à propos des sociétés d'économie mixte ; c'est l'un des éléments sur lesquels il nous faudra être vigilants.
La loi a par ailleurs prévu un double contrôle de la gestion des collectivités locales avec le contrôle de légalité par les services de l'Etat et le contrôle juridictionnel des chambres régionales des comptes qui examinent la régularité des comptabilités publiques.
Nous constatons donc que, si la pérennité d'une collectivité locale ne peut par essence être remise en cause, la notion de vulnérabilité multiforme prend régulièrement de l'importance et constitue une réelle menace, comme au sein d'une entreprise.
Nous avons tous à l'esprit des exemples concrets dans nos départements dans les domaines les plus divers, à propos de l'environnement, avec la pollution, les catastrophes naturelles, ou dans le domaine social avec la paupérisation, la marginalité - vandalisme, dégradations, diverses - et bien sûr, dans le domaine financier - rupture de recettes, dérive de gestion.
Je prendrai un autre exemple, celui du patrimoine qui est également un secteur où, à côté des risques « classiques », du type des incendies ou des accidents, apparaissent tant pour la collectivité que pour ses élus de nouveaux dangers, de nouvelles difficultés liés au renforcement des normes et aux exigences compréhensibles de nos concitoyens.
Comme l'a rappelé notre président René Monory dans un récent article de presse : « Les collectivités locales sont aussi en mesure de créer la richesse. Pourquoi ne pas considérer les communes comme des entreprises dont les élus assumeraient la responsabilité avec, au centre de leurs préoccupations, la poursuite de l'intérêt général en ce qui concerne aussi bien le cadre de vie que les conditions d'accueil des activités économiques, en particulier dans les domaines porteurs d'avenir de la formation et des nouvelles technologies, qui offrent les plus grandes perspectives de croissance dans les prochaines décennies ?
« Il faut que les collectivités décentralisées puissent aussi, sur le terrain et sans intervention de l'administration centrale, gérer les fonds importants affectés à l'emploi, en les réservant par priorité à ceux qui créent de l'activité supplémentaire. C'est d'une véritable révolution culturelle qu'il s'agit. La décentralisation est en marche, elle doit poursuivre son mouvement. »
Mais cette implication souhaitée et nécessaire des collectivités locales s'accompagne inévitablement d'un accroissement des risques. En vertu des lois de décentralisation, les collectivités s'administrent, se gèrent librement et, l'erreur étant humaine, certains choix peuvent se révéler dramatiques.
C'est la raison pour laquelle, afin de poursuivre l'engagement indispensable des collectivités, qui répond à l'attente de nos concitoyens et aux besoins d'une gestion de proximité capable de créer de la richesse - et nous avons dit, au long de cette journée, combien l'investissement à l'échelon des collectivités locales était important pour l'ensemble de nos concitoyens ainsi que pour l'Etat - il me paraît urgent de prémunir tant les élus que nos citoyens contre la démultiplication des risques car, si la gestion « en bon père de famille » a vécu, la décentralisation moderne peut présenter des risques non négligeables de gestion à comparer « au risque management » des entreprises.
Une réflexion sur ce sujet relativement neuf ne pourrait-elle pas être conduite, à l'image de ce que le soutien des grandes mutuelles d'assurance et des entreprises PME-PMI a initié dans mon département. Je le cite, pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais c'est celui que je connais le mieux !
Je souhaite qu'avec la création, sur l'initiative de notre conseil général, d'un centre de prévention des risques nous offrions une démarche stratégique de développement fondée sur l'analyse de l'information, les mesures des risques encourus et des propositions d'action sur les questions les plus diverses, qu'il s'agisse de la sécurité routière, des jeunes, des associations ou encore des PMI et des SEM, notamment.
Cette réflexion pourrait aboutir à la création d'un « observatoire des risques publics » qui serait chargé de répertorier les sources de risques au travers d'un audit global de vulnérabilité, de les analyser et de proposer à la fois des mesures d'information, de sensibilisation et, bien évidemment, de rechercher les meilleures actions possibles de prévention.
Tous les contrôles qui sont effectués jusqu'à présent le sont a posteriori et n'aident véritablement pas les communes ni même les départements dans la mesure où on leur demande d'agir en amont. Un observatoire de ce type aurait tout à fait sa place dans une réflexion globale sur le rôle des collectivités locales en matière d'investissement et de création d'emplois.
Ce serait parallèlement, et avec la création des deux offices parlementaires chargés de l'évaluation des politiques publiques et de l'évaluation de la législation et la mise en place du haut conseil des normes demandée par l'Association des maires de France, faire oeuvre utile dans notre volonté de donner à nos institutions locales et à leurs représentants les moyens de se consacrer plus sereinement à leurs missions essentielles d'intérêt général et de service public.
Pour ma part, je suis convaincu, monsieur le ministre, qu'en garantissant les collectivités locales et leurs habitants contre les risques encourus en matière de gestion, en insistant sur le respect des règles prudentielles, nous ouvrons la voie à de nouvelles perspectives de développement.
Enfin, pour reprendre une métaphore employée par M. Fourcade, si les communes sont assiégées depuis les quatre points cardinaux, c'est à la recherche d'une boussole que je vous demande d'aller, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il me soit permis de dire, étant donné l'intimité de notre débat, qu'au moment où le rideau tombe sur la dernière séance de l'Olympia, le nôtre se lève sur la seconde partie d'un débat qui, effectivement, est très important.
L'avenir, ou mieux encore, le devenir des collectivités locales, au milieu desquelles les communes, est, au coeur de notre débat, l'occasion opportune de faire un bilan de l'application des lois, des textes qui les gouvernent.
Il s'agit, en quelque sorte, d'un droit de suite au débat qui, voilà quelques semaines, ici même, traitait de l'intercommunalité, premier maillon du contrat de confiance entre les collectivités locales et l'Etat. C'est pourquoi j'y reviendrai longuement, même si ce n'est peut-être pas l'essentiel du sujet de ce soir.
Il convient aujourd'hui, dans une autre dimension du problème, de les analyser au regard de certaines difficultés pratiques - vous en avez, monsieur le ministre, souligné un certain nombre - mais en se plaçant, cette fois, du côté des collectivités locales.
Elles vous savent profondément gré de l'attention que vous leur portez à l'occasion de la concertation que vous avez lancée. Elle est dans le droit-fil et la logique des règles fixées par le Président de la République et répond à votre souhait personnel d'associer au plus près les collectivités locales à votre réflexion, sur le chemin des réformes annoncées, des réformes attendues et, dans certains cas, des réformes guettées.
Puisant enseignement dans mon département, l'Indre, je peux témoigner du fait que les élus locaux, et plus précisément les maires ruraux, seront attentifs aux trois objectifs suivants.
Premier objectif : l'affirmation ou la réaffirmation qu'une communauté de communes, structure que vous souhaitez privilégier, ne portera pas atteinte à la libre administration des communes qui la composent.
Deuxième objectif : l'assurance qu'une communauté de communes ne sera pas réduite aux acquis d'une DGF aubaine ou d'une promesse à la hussarde d'une subvention. J'en ai le triste exemple chez moi. La communauté ne doit pas davantage se confondre avec une « communauté réduite aux aguets » de la localisation de l'éventuel équipement communautaire, dirigée par des élus communautaires qui ne sont pas proches du terrain.
Troisième objectif : l'urgente nécessité de réviser le mécanisme qui permet au préfet de définir le périmètre de la communauté, en dressant la liste des communes intéressées, alors que certaines d'entre elles ne le sont pas forcément pour ce qui les concerne.
Pour illustrer mon propos, je souhaite revenir sur quatre arrêts qui ont été rendus récemment le 2 octobre 1996 par le Conseil d'Etat et qui, dans mon département, ont littéralement mis le feu aux poudres !
Acceptez de penser que, si je prends ces arrêts à témoin dans ce débat, ce n'est pas par souci de je ne sais quel pédantisme juridique ; c'est par la volonté de souligner ce qu'ils ont de révélateur et de nouveau.
Nouveau ; car c'est en effet la première fois que le Conseil d'Etat était amené à se prononcer sur l'application des dispositions de la loi relative à l'administration territoriale de la République du 6 février 1992.
Notamment, le Conseil d'Etat était saisi par des communes de Charente de demandes d'annulation de l'arrêté fixant la liste des communes intéressées par le projet de communauté de communes de Jarnac et de l'arrêté portant création de cette communauté de communes.
Le Conseil d'Etat a rejeté leurs demandes et, à cette occasion, rappelé les termes de la loi, mettant ainsi en évidence sa portée fort contraignante.
Quelle était l'argumentation de ces communes, dont on va voir qu'elles ont été enrôlées de force ? Pour l'essentiel, leur refus de faire partie de cette communauté de communes sous la contrainte. En effet, elles ne faisaient pas partie des communes à l'origine du projet et, surtout, elles envisageaient de se regrouper dans un autre établissement public de coopération intercommunale.
Que leur a répondu le Conseil d'Etat ? Tout simplement qu'il existait, aux termes de la loi ATR, deux procédures de création de communauté de communes : une procédure dite « permanente » et une procédure mise en oeuvre dans le cadre du schéma départemental de coopération intercommunale.
A la suite de quoi le Conseil d'Etat a rappelé qu'il n'y a qu'un seul cas et une seule procédure qui permette à des communes de participer à une autre communauté que celle dans laquelle elles ont été enrôlées : c'est dans le seul cadre du schéma départemental de coopération intercommunale. Le projet de Jarnac n'ayant pas été élaboré dans ce cadre, le premier moyen employé était inopérant : comprenez que leur argument était dénué de toute efficacité !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, voici ce que dit le commissaire du Gouvernement dans cette affaire : « On peut certes s'interroger sur les raisons qui ont conduit le législateur à instaurer une clause de sauvegarde pour la seule procédure temporaire alors que l'autonomie communale est autant menacée lorsqu'est mise en oeuvre la procédure permanente de création d'une communauté de communes ».
A la lumière de ces dernières explications, qui coûteront finalement à ces trois communes de Charente le prix de la libre administration, nous voyons manifestement quelle tournure devra d'ores et déjà prendre la réforme de l'intercommunalité dont vous parlerez jeudi prochain au Gouvernement. Au demeurant, le commissaire du Gouvernement a entendu montrer la carence du législateur lorsqu'il a précisé au Conseil d'Etat que, sur ce point, il n'avait pas « à éprouver ce genre d'état d'âme », ce qui naturellement nous conduit à certaines réactions, à certaines modifications et à certains espoirs de changement, comme l'ont rappelé avant moi Paul Girod et Jean Puech.
J'en viens au deuxième moyen utilisé par ces communes : elles soutenaient que les décisions du préfet étaient contraires à la Constitution, et précisément à son article 72, en ce qu'elles portaient atteinte au principe inscrit dans la Constitution de la libre administration des collectivités territoriales.
Bien entendu, le Conseil d'Etat, qui n'a pas, dit-on, à apprécier la conformité de la loi à la Constitution, a fait fi de ce dernier argument.
En revanche, beaucoup plus sérieusement, nos trois communes ont invoqué l'article 66 de la loi ATR, selon lequel « le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d'élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité ».
Le Conseil d'Etat a, là aussi, écarté cet argument en se référant aux dispositions de la loi relative à la majorité qualifiée. Dois-je vous faire grâce, sur ce point, des conclusions du commissaire du Gouvernement devant lesquelles je reste, comme vous je pense, pantois ? « L'énoncé du principe de libre administration signifie que la décision du représentant de l'Etat est précédée par l'intervention d'assemblées élues et ne peut aller contre l'expression majoritaire ».
Manifestement, je ne peux - pas plus que mes collègues, je crois - souscrire à l'interprétation que nous livre ici le Conseil d'Etat. Elle me paraît en tout point contraire non seulement au principe constitutionnel ci-dessus rappelé et le fait que le Conseil d'Etat refuse, sur ce point, d'intervenir est un autre débat - mais aussi à l'intention véritable du législateur. C'est dire que les législateurs que nous sommes ne doivent pas tolérer cette ambiguïté qui conditionne la libre administration communale au respect de l'expression majoritaire.
Vous aurez ainsi mieux compris mon inquiétude et ma désapprobation face à ces décisions très importantes.
Monsieur le ministre, je pense que cette série d'arrêts est la parfaite illustration de la mise en place de solutions juridiques trop contraignantes, dont les effets dévastateurs n'ont pas pu être souhaités par le législateur. J'ajoute qu'ils ont parfois pour conséquence, comme ici, de passer outre la légitimité démocratique des représentants de la commune - légitimité qu'il n'y a pas lieu de dévaloriser, dans ce cadre, face à un acte du préfet - et de remettre en cause le principe de la libre administration des collectivités locales exprimé notamment dans les articles 66 et 68 de la loi du 6 février 1992.
A cet égard, je crois que vous avez parfaitement perçu les craintes et les difficultés - toutes d'ailleurs ne sont par parvenues au juge administratif ! - de certaines collectivités à l'aube de leur intégration dans les futures communautés de communes lorsque vous avez suggéré de retenir une structure qui « pourrait se construire sur la base des règles les moins contraignantes ». Il est en effet à craindre que toute disposition pouvant apparaître comme réductrice de l'exercice de la liberté des collectivités territoriales ne soit, dans un réveil des suspicions, fussent-elles illégitimes, un frein supplémentaire à la réforme qu'avec vous nous appelons de tous nos voeux.
La réforme qui se met en place prévoit la clarification des compétences nouvellement transférées de l'Etat aux collectivités locales. Elle ne doit pas réveiller une autodéfense agressive de telle ou telle collectivité locale qui se sentirait menacée dans l'exercice de ses prérogatives.
Aussi est-il nécessaire de rechercher, comme vous l'indiquez, les règles les moins contraignantes, condition indispensable à la confiance sollicitée.
Nous avons vu la différence de régime, au demeurant peu justifiable, entre la procédure permanente de création de communautés de communes et la procédure de création intégrée au schéma départemental de coopération intercommunale.
Autre bizarrerie de la loi sur laquelle j'attire votre attention : si l'avis de l'assemblée départementale est systématiquement requis dans le droit commun de la création, que je crois moins contraignante, du syndicat ou du district, pour la définition du périmètre, cet avis n'est pas prévu dans le droit commun de la création de la communauté de communes pour la fixation de ce périmètre, ce qui me paraît manquer de ce que j'appellerai « une certaine cohérence démocratique ».
Monsieur le ministre, vous le rappeliez dans votre réponse du 13 mars dernier : il y a deux approches à ne pas confondre, disiez-vous : une approche centrée sur l'aménagement du territoire, la mise en commun de moyens et de réflexions, et une approche institutionnelle, destinée à améliorer ou à construire les solidarités. Dès lors, je ne suis pas certain que, devant le Sénat, devant les élus locaux que nous sommes pour la plupart, comme vous, vous tiriez toutes les conséquences de ce constat. Or ce constat, monsieur le ministre, se dessine au fur et à mesure de nos réflexions, des échos quotidiens qui remontent de nos communes : ne sommes-nous pas en train de mettre le doigt sur l'incompatibilité croissante qui risque d'opposer sur le terrain et dans les faits les objectifs prioritaires d'aménagement du territoire et les objectifs de réforme, de simplification, de modernisation et de solidarité des collectivités territoriales ?
C'est la survie des petites communes qui est en cause. Au fil des ans, et du fait même de la désertification rurale, par absence de réelle politique d'aménagement du territoire, elles ont successivement perdu leur population, leurs écoles, leurs bureaux de poste. Elles n'accepteront pas de perdre demain leur mairie. Elles souhaitent garder leur carte d'identité et ne pas figurer, presque anonymes, sur le passeport d'une autre collectivité.
Laissez-les vivre, se défendre, s'associer, coopérer librement comme elles le font, comme elles l'ont déjà fait.
Gérées par une armée de bénévoles, elles sont, en dépit de tous les transferts de charges, les plus économes des collectivités locales. Ne les laissez pas ouvertes, blessées, inquiètes et désespérées devant les propos de ces imprécateurs qui, au nom de je ne sais quelle logique de simplification, tonitruent contre l'Europe, l'Etat, la région, le département, les communes : « Il y a un échelon de trop », en pensant, bien sûr et sûrement, à ces 36 000 communes de France, qui sont en Europe notre histoire, notre originalité et, finalement, notre identité nationale dans notre démocratie, dans une décentralisation sur laquelle il n'est naturellement pas question de revenir.
Il est de fait qu'au-delà de mon propos sur une intercommunalité très mal vécue et à revoir se pose, dans un objectif de clarification et de simplification des compétences, le problème des relations entre les différents acteurs de notre vie territoriale : communes, départements, régions, Etat.
Aucun élu ne peut se soustraire à cette réflexion : elle témoigne de la nécessité de donner à la France une nouvelle silhouette juridique. Si un instant - audacieux ou imprudent face à cette silhouette, cela revient au même - j'oppose l'immense capharnaüm des aides européennes, nationales, départementales, régionales, des mécanismes compliqués de subvention, de tous les horizons à l'imbroglio des zonages nationaux et européens, si rien n'est fait, au nom de la clarification des compétences, et en ce domaine pour que chacune des collectivités locales n'empiète pas sur la liberté de l'autre, alors, c'est sûr, monsieur le ministre, nous vivrons une mauvaise décentralisation, une mauvaise déconcentration. Nous risquerions de quitter le bureau de Descartes. Bonjour Kafka ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants).
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décentralisation a aujourd'hui quinze ans d'âge, l'âge de l'adolescence, à la fois bien proche et encore éloigné de l'âge de la maturité. Nous devons, mes chers collègues, saisir toutes les occasions qui s'offrent à nous de réfléchir sur les promesses de sa croissance : c'est, me semble-t-il, le rôle du Sénat. Nous vous remercions, monsieur le ministre, d'accepter cette occasion-là.
La grande loi fondatrice du 2 mars 1982 a établi les droits et les libertés des communes, des départements et des régions. Tous les analystes de bonne foi verront là une seconde naissance de la démocratie locale en France.
Le législateur de 1982 a dit aux citoyennes et aux citoyens élus du suffrage universel qu'ils tiraient de leur qualité de représentants directs du peuple la plus forte légitimité qui soit, et les a placés, de ce fait, aux côtés des représentants de la nation, qu'il faut se garder de confondre avec l'Etat.
Les élus locaux se sont vu alors reconnaître le pouvoir de décider : on a bien voulu considérer qu'ils étaient probablement mieux à même d'identifier l'intérêt local, et de le défendre.
Au fond, et pour faire bref, les élus locaux ne sont vraiment devenus majeurs que parce qu'ils ont été majoritaires à estimer que l'Etat employait plus d'énergie à maintenir ses tutelles paralysantes qu'à aider réellement à l'avancement des affaires publiques communales, départementales et régionales. Par voie de conséquence, ils sont devenus les interlocuteurs quotidiens de leurs administrés.
C'est en ce sens, me semble-t-il, que la décentralisation a marqué le renouveau de la démocratie locale.
Ce fut pour nous une manière de retrouver nos grands aînés, Lamartine et Tocqueville, pour qui chaque portion du territoire devait vivre une vie politique multipliant à l'infini, pour les citoyens, les occasions d'agir ensemble, de s'intéresser ensemble au bien public, de sentir tous les jours qu'ils dépendent les uns des autres, qu'ils vivent en société.
Mais les choses ne sont pas si simples et, après quinze années de persévérance et d'efforts pour améliorer le dispositif initial, nous voyons aujourd'hui revenir le temps des mauvais procès et de la tentation centralisatrice.
Celle-ci est un vieux réflexe plongeant ses racines dans notre tradition institutionnelle centralisatrice. Mais je la juge d'autant plus dangereuse qu'elle se pare aujourd'hui des atours de la modernité. Elle vise à séduire pour mieux réduire.
Il s'agit d'abord de séduire le citoyen pour le persuader de l'incurie des pouvoirs locaux, de leur manque de scrupules ou d'honnêteté et, au total, de leur incapacité fondamentale à oeuvrer pour l'intérêt général. Trop souvent, de mauvais procès sont intentés par des administrations à l'encontre des collectivités locales.
Les moyens mobilisés au service de cette cause sont impressionnants. Les professeurs de vertu, les redresseurs de torts affluent. C'est que la dénonciation de la pression fiscale, qui ne pourrait s'expliquer selon eux que par les turpitudes des élus locaux, constitue un thème très vendeur de papier ou de temps d'antenne.
Je suis aussi scandalisé par les élucubrations caricaturales de tel mauvais pamphlétaire qui crie : « Au secours, nos élus nous ruinent ! » que par les propos inconvenants du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui n'a pas hésité à affirmer, sur une chaîne de télévision et à une heure de grande audience, que la décentralisation avait multiplié la corruption et transformé les élus locaux en corrompus.
M. André Dulait. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Dans l'un et l'autre cas, le niveau de l'attaque est consternant, mais il s'agit, je le répète, de séduire les citoyens pour les détourner des affaires publiques locales.
Cependant, dans le même temps, il s'agit aussi de réduire les élus locaux et leur volonté d'autonomie.
On se garde bien d'expliquer au citoyen que la hausse de la pression fiscale locale répond, pour une part de plus en plus importante, à la nécessité de financer les charges transférées par l'Etat.
On n'explique surtout pas que le prétendu « pacte de stabilité financière » que l'Etat a imposé aux collectivités lui permet essentiellement de se poser à bon compte en modèle, puisqu'il ne fait que tenter de stabiliser ses propres dépenses en augmentant indirectement les charges des collectivités locales, portant par là une grave atteinte au principe fondamental de la décentralisation selon lequel tout transfert de charge devrait s'accompagner du transfert des ressources correspondantes.
On devrait pourtant dire à l'opinion que l'augmentation des dépenses locales n'est pas due à l'incurie des élus, mais qu'elle est liée, au moins pour partie, à la stratégie de l'Etat, qui reporte sur elles le poids des efforts qu'il ne fait plus.
Que dire, par ailleurs, des contrôles exercés sur les collectivités ?
S'agissant du contrôle de légalité des actes, de deux choses l'une : soit l'Etat, faute des moyens adéquats, n'accomplit qu'incomplètement son travail, et il est inquiétant de songer à s'en remettre à lui plus encore ; soit les élus locaux connaissent bien leur affaire puisque, dans la plupart des cas, le contrôle de légalité n'aboutit qu'à relever des broutilles.
Je ne ferai qu'évoquer le glissement des chambres régionales des comptes vers le contrôle d'opportunité, ou encore le rôle extraordinairement paralysant de ces commissions de sécurité - car il faut bien en dire tout de même quelques mots - qui, en réalité, n'ont aujourd'hui qu'une obsession : éviter de prendre la moindre responsabilité pour préserver leur propre sécurité.
En revanche, dès qu'il s'agit de rechercher la responsabilité d'un maire pour quelques poissons morts dans un ruisseau longeant une station d'épuration, quel zèle ! On n'a pas hésité à aller jusqu'à la condamnation pénale infamante, à grands renforts de mises en examen médiatisées !
Je n'étonnerai personne en disant que, si l'on voulait décourager les vocations et éloigner les élus locaux - après les citoyens - des affaires publiques, on ne s'y prendrait pas autrement !
M. André Dulait. Eh oui !
M. Jean-Marc Pastor. Quinze ans après l'avènement de la décentralisation - même si j'ai pris bonne note, monsieur le ministre, de vos propos introductifs rassurants -, on semble avoir pris en France le parti de l'abattre, pour revenir à la négation du fait local et replacer les affaires publiques dans le giron exclusif de l'Etat, en imposant aux collectivités locales de nouvelles responsabilités et de nouvelles normes de gestion qui piègent trop souvent les élus locaux.
Un Etat n'est rien d'autre que l'instrument d'action d'une communauté de citoyens. Il doit naturellement assumer un certain nombre de missions fondamentales, mais il a également le devoir de s'adapter aux exigences de cette communauté. Or, nous le savons bien, l'Etat est en crise depuis plus de vingt ans, en crise organisationnelle, politique et culturelle.
Le lien entre l'Etat et le citoyen est aujourd'hui rompu. Le citoyen n'a plus une idée claire de la répartition des compétences. Que l'Etat se consacre enfin à ses véritables missions, qu'il en déconcentre l'exécution, mais qu'il admette que les collectivités locales sont majeures et qu'il les laisse fonctionner en conséquence, selon les règles fondamentales de la décentralisation.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Plutôt que de s'arc-bouter sur un passé révolu et de se perdre en incantations sur le retour de la centralisation, il me paraît préférable, monsieur le ministre, de réformer enfin l'Etat jusque dans la conception qu'il a de l'intérêt général. Il pourrait alors jouer un rôle d'orientation et de régulation, sans que celui-ci soit nécessairement conçu comme radicalement antagoniste des droits et libertés des communes, départements et régions.
En d'autres termes, l'Etat que j'appelle de mes voeux serait celui qui reconnaîtrait que le niveau local représente un formidable gisement d'initiatives, rendu encore plus efficace par un surcroît de péréquation et de transparence ainsi que par une réforme de la fiscalité, dont le caractère indispensable a déjà été souligné à cette tribune. A cet égard, une réforme des bases locatives cadastrales nous semble devoir constituer la première étape.
Il faut en finir avec le faux débat sur le nombre prétendument excessif de nos communes. Dans un raisonnement arithmétique trop simpliste, on peut éventuellement voir un peu de vérité, mais le monde ne se réduit pas en équations !
L'attachement des Français à leur identité communale est une réalité sociologique, culturelle et politique. C'est le socle de notre démocratie locale qui, me semble-t-il, mérite le respect. Pourquoi vouloir le nier, alors que l'essentiel est ailleurs ? Pourquoi persister à développer des analyses organiques quand l'étude des fonctions se révèle beaucoup plus pertinente ?
La commune représente désormais un lieu de projets, une formidable rampe de lancement : qui mieux qu'elle peut fédérer, orienter, valoriser les énergies des citoyens, des associations, des entrepreneurs ? De quel meilleur levier - et c'est un levier qui a fait ses preuves - dispose-t-on pour impulser le développement économique et garantir la cohésion sociale, sans négliger le rôle de la coopération intercommunale ?
La décentralisation, ce n'est ni l'incompétence ni la gabegie. La décentralisation, c'est l'initiative et la démocratie. Et l'Etat ne peut aller contre la démocratie : son rôle est plus de soutenir, d'appuyer les énergies et les élus locaux que de déployer son appareil administratif pour paralyser, instruire de mauvais procès et accuser.
Revenons à la démocratie et à ses exigences pour reconnaître, avec Tocqueville, qu'en ôtant la force et l'indépendance de la commune « on n'y trouve que des administrés, mais point de citoyens ». La pertinence de la formule vaut évidemment aussi pour les départements et les régions. Toujours en paraphrasant le maître, on peut affirmer que « les institutions locales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science : elles la mettent à la portée du peuple, elles lui en font goûter l'usage paisible, et l'habituent à s'en servir ».
Puissions-nous, monsieur le ministre, contribuer ensemble à la préservation de cette bonne habitude par l'instauration d'une nouvelle confiance entre l'Etat et les collectivités locales et, ensemble, savoir la transmettre à nos concitoyens ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées de l'Union centriste. MM. Gerbaud et Puech applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. La déclaration que vous avez faite, monsieur le ministre, démontrerait, s'il le fallait, votre volonté et celle du Gouvernement, de vous rapprocher des multiples préoccupations qui sont aujourd'hui celles des élus locaux et de leur proposer, à travers des dispositions concrètes, de s'inscrire toujours davantage dans un esprit de partenariat loyal et constructif.
A cet égard, le débat qu'a voulu le Gouvernement nous paraît d'une évidente utilité et complète fort opportunément celui qui a suivi l'excellent exposé fait ici même, le mois dernier, par notre éminent collègue M. Daniel Hoeffel autour du thème de l'intercommunalité. Tout ce qui a été dit à cette tribune depuis quelques heures en porte témoignage.
Il est vrai que ceux qui ont la charge de gérer et d'animer nos collectivités locales ont besoin de signaux forts.
Fantassins de la République, ils se trouvent au coeur de la tourmente quand, dans une opinion publique de plus en plus sensible, s'ouvre le débat sur le tracé d'une route, d'une ligne de TGV, d'un canal, sur la création ou le prolongement d'une piste d'atterrissage, sur le choix du site d'implantation d'une usine d'incinération des ordures ménagères, d'une station d'épuration, d'un centre de tri ou d'un centre d'enfouissement technique, sur la prévision de fermeture d'une classe ou de réduction d'un service public.
Ces mêmes élus locaux sont placés aux avant-postes quand une entreprise connaît des difficultés, et ils sont confrontés quotidiennement à la rencontre de leurs concitoyens en difficulté, ceux qui sont à la recherche d'un emploi, d'un logement, de manifestations de solidarité.
C'est encore auprès d'eux qu'on vient se plaindre des problèmes d'insécurité, de toxicomanie, de violence urbaine.
Il leur appartient, dans ce contexte, de mettre en place les premiers secours, les secours d'urgence, de s'impliquer, d'inventer, d'expérimenter, dans un domaine où l'opinion publique n'est pas toujours acquise d'emblée et où l'évaluation des résultats est difficile à réaliser d'une manière objective.
Il leur faut également assumer d'une façon de plus en plus prégnante des responsabilités en matière de sécurité, d'hygiène, de protection de l'environnement, sans disposer toujours des moyens techniques et financiers nécessaires, alors que chaque incident qui se produit ici ou là se traduit, dans notre société ultramédiatisée, par une vague d'exigences nouvelles.
On ne peut passer sous silence les contrôles de plus en plus rigoureux, parfois de plus en plus tatillons, qui sont exercés par les services préfectoraux et par les chambres régionales des comptes. Certes, il s'agit là de la contrepartie à payer pour les compétences acquises du fait des lois de décentralisation. Cependant, il faut redire ici avec force que l'idée selon laquelle les irrégularités seraient aujourd'hui plus nombreuses que par le passé n'est pas corroborée par les faits. C'est le contrôle qui est plus vigilant. Et encore les irrégularités se situent-elles dans la forme plus souvent que sur le fond.
Aussi faut-il comprendre la frustration des élus qui, à l'issue d'un contrôle portant sur trois ou quatre années de gestion, soit des milliers d'actes, de très nombreuses réussites, des paris gagnés, n'ont à rendre publics que les rares points qui ont échappé à leur vigilance ou qui se sont soldés par un échec, donnant ainsi un vision négative et terriblement réductrice de leur action.
A ces difficultés viennent s'ajouter les problèmes financiers consécutifs à la baisse de l'activité économique, au poids des contraintes réglementaires, à l'accroissement des contingents d'aide sociale et à cette situation paradoxale : si les exigences à l'égard du service public n'ont jamais été aussi importantes, jamais la protestation contre les prélèvements obligatoires n'a été aussi vive.
Alors que je travaillais à l'élaboration du budget de ma ville, les entreprises du bâtiment et des travaux publics m'exhortaient à ne pas alourdir leurs charges fiscales, tout en me demandant de ne pas ralentir l'effort d'investissement de la ville. C'est tout le paradoxe !
Mais, par-delà le poids de ces difficultés, je devrais, en vérité, parler aussi de la passion avec laquelle les élus locaux s'efforcent de remplir leur mission, de leur ingéniosité, de leur pugnacité.
Je devrais parler, enfin, de leur bonheur quand, ici et là, la réussite vient récompenser leurs efforts.
C'est pourquoi ils seront sensibles au message que vous avez voulu leur délivrer, monsieur le ministre, et aux dispositions concrètes qui visent à accroître l'efficacité de la relation unissant l'Etat et les collectivités territoriales.
Je voudrais évoquer encore, d'une manière très précise, un point qui me paraît important, et qui concerne nos collaborateurs de la fonction publique territoriale, des collaborateurs qui accompagnent nos efforts, qui ne cessent de défricher avec nous de nouveaux territoires, et dont la motivation et la compétence nous aident à faire face aux défis auxquels nous nous trouvons confrontés.
Leur statut, en vigueur depuis 1984, amendé depuis lors sur un certain nombre de points, a ordonné et clarifié leur situation pour l'essentiel. Il reste, cependant, imparfait et, par voie de conséquence, perfectible.
Je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes conscient et que vous êtes animé du souci constant de répondre avec réalisme aux dysfonctionnements les plus criants. Je souhaite ici m'attarder exclusivement sur celui de la prime de fin d'année ou treizième mois.
Au fil des années, une très grande majorité des collectivités territoriales a institué une prime de fin d'année, représentant tout ou partie d'un treizième mois.
Une telle prime n'étant pas prévue par le statut de la fonction publique, son versement s'est fait à travers des amicales du personnel ou des groupements d'action sociale. Dans mon département, le groupement d'action sociale a été créé en 1965, voilà donc plus de trente ans, et compte 260 collectivités adhérentes pour 2 300 agents, sans parler des amicales des villes plus importantes, regroupant quelque 3 000 agents supplémentaires.
Les chambres régionales des comptes ont relevé le caractère non statutaire de cette prime et considèrent que la procédure employée peut relever de la gestion de fait.
L'article 70 de la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire permet désormais de verser cette prime à condition que cet avantage soit pris en compte dans le budget de la collectivité ou de l'établissement.
La rédaction du texte laisse cependant subsister une ambiguïté quant à l'accès à cet avantage, au sein d'une même collectivité, aux agents engagés postérieurement au 26 janvier 1984. Il va de soi qu'une interprétation restrictive introduirait au sein d'une même collectivité deux régimes de rémunérations différents, ce qui aurait, à l'évidence, des conséquences absolument ingérables.
L'inégalité introduite par le texte entre les collectivités ayant ou non institué une prime de fin d'année avant le 26 janvier 1984 porte en elle d'autres inconvénients majeurs.
Les agents qui ont déjà été défavorisés pendant des années par rapport à une majorité de leurs collègues le seront dorénavant d'une manière pérenne, ce qui ne paraît pas acceptable.
Ce sont également les collectivités ayant appliqué jusqu'à présent les textes en vigueur de la manière la plus scrupuleuse qui se trouvent pénalisées dans la conduite présente et future de leur politique salariale.
La coexistence de deux systèmes de rémunération inégaux constituera inévitablement un frein considérable à la mobilité des agents et toutes les collectivités de création récente, notamment les districts et les communautés de communes, auront, pour l'essentiel, à leur service du personnel qui aura préféré le détachement de sa collectivité d'origine pour conserver ses avantages acquis plutôt que la mutation, alors que la logique voudrait qu'un transfert de compétences soit accompagné d'un transfert de personnel.
Pour toutes ces raisons, il semble évident que les problèmes évoqués plus haut se trouveront posés d'une manière récurrente, seront à l'origine de très nombreux différends et conduiront inévitablement, à plus ou moins long terme, à mettre en place un dispositif clair, cohérent et uniforme. Je vous sais conscient de cette situation, monsieur le ministre.
Je suis persuadé que vous aurez à coeur d'y apporter les solutions attendues tout à la fois par les élus locaux et par les agents de la fonction publique territoriale, solutions qui conditionnent aussi - faut-il le rappeler ? - la bonne gestion de nos collectivités territoriales.
Nous savons, en effet, que ce souci est le vôtre. La déclaration que vous venez de faire devant la Haute Assemblée nous en apporte le témoignage, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Jean-Claude Peyronnet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera d'une part, sur le maintien du service public en milieu rural et, d'autre part, sur la multiplication des normes qui sont de plus en plus contraignantes pour les maires.
Le maintien du service public est indispensable pour nos populations qui, sans être isolées, n'ont pas toujours les moyens de transport nécessaires. Monsieur le ministre, soyons clairs, nous tenons à nos gendarmeries, à nos bureaux de poste, à nos perceptions et à nos antennes de l'équipement.
S'agissant des bureaux de poste, leur maintien semble de plus en plus contesté. Bien souvent, les directions départementales des postes proposent aux mairies des agences mixtes où un local est mis à disposition par la commune.
Ce qui est plus contestable, c'est que pour tenir cette agence la poste demande aussi du personnel communal, qu'elle rétribue certes, pour partie, mais sans prendre d'engagement sur la pérennité de l'emploi et, lorsque l'agence postale ferme, la collectivité doit assumer totalement la charge du personnel devenant inutile. Ce procédé me semble donc inacceptable.
Nous aurons l'occasion de revenir la semaine prochaine sur le maintien du service public en milieu rural, lors du débat, consécutif à la déclaration du Gouvernement, sur l'aménagement du territoire mais, monsieur le ministre, puisque vous êtes en charge de le décentralisation, je tenais à évoquer brièvement cette question devant vous.
Pour les trésoreries publiques, d'autres problèmes se posent. La mise en place de la M 14, qui génère des coûts supplémentaires, procure jusqu'à présent plus d'inconvénients que d'avantages, notamment de nombreux retards dans le règlement des factures, le paiement des salaires ou des emprunts.
J'insiste aussi sur le fait que les personnels des trésoreries publiques n'ont toujours pas reçu la formation suffisante. Mais, sur ce point, j'aurai aussi l'occasion d'interroger M. le ministre du budget lors d'une prochaine séance de questions orales.
Le maintien du service public, ce sont aussi les permanences qui se déroulent dans les chefs-lieux de canton. Là encore, nous avons des inquiétudes. Les recettes buralistes, dont l'activité dépend maintenant des douanes, ont souvent été fermées, les inspecteurs des impôts sont moins présents et l'on pressent que la nouvelle organisation de l'ANPE et des ASSEDIC pourrait entraîner la suppression des permanences décentralisées. Ce serait d'autant plus regrettable qu'elles s'adressent à un public défavorisé peu mobile, qui a, plus que d'autres, besoin de l'assistance des services de l'Etat. La baisse des effectifs des administrations de l'Etat amène des restructurations qui se font le plus souvent au détriment de leur présence sur tout le territoire.
Monsieur le ministre, je vous demande donc avec insistance de veiller à ce maillage indispensable à la vie de nos populations.
J'en arrive - et c'est le plus important pour moi - au second volet de mon intervention, qui a trait à l'excès de réglementation, à la profusion des normes - et je ne suis pas le premier à en parler - qui engendrent des coûts supplémentaires de plus en plus insupportables pour les élus en cette période où les dotations stagnent.
J'aborderai, tout d'abord, la question de la sécurité. Certes, elle n'a pas de prix, nous dit-on, mais elle a un coût, et celui-ci ne fait que croître. Je ne compte plus les protestations des maires de mon département face à une réglementation sans cesse plus contraignante.
En ce qui concerne les déchets ménagers, les collectivités locales vont devoir supporter l'essentiel des investissements sans d'ailleurs savoir dans quelle direction elles doivent vraiment s'orienter ; faut-il privilégier le tri sélectif - certains collègues ont évoqué les problèmes auxquels ils étaient confrontés - et sous quelle forme ?
L'incinération, qui paraissait une piste acceptable voilà quelque temps, semble aujourd'hui être remise en question ; il est vrai que les coûts sont énormes, que les plans départementaux sont déjà dépassés et que les estimations sont contradictoires.
Comment les maires ne seraient-ils pas désorientés ? Va-t-on rouvrir les décharges ? Je suis de ceux qui partagent l'avis de M. Guellec qui, dans son rapport remis à l'Assemblée nationale, estime que « pour les déchets ménagers, l'échéance 2002 n'est pas réaliste ».
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Michel Sergent. Pourrait-on connaître la position du Gouvernement à ce sujet, monsieur le ministre ?
S'agissant de l'assainissement et de la qualité de l'eau, personne ne peut mettre en cause la nécessaire qualité de l'environnement, notamment de l'eau de consommation. Mais, là encore, les coûts sont très importants.
Concernant l'assainissement individuel, d'énormes progrès doivent être réalisés. Les communes rurales n'en auront pas la capacité financière, que ce soit à travers le prix de l'eau ou le budget communal. Même augmentées, les aides des agences de l'eau sont bien insuffisantes.
S'agissant de la qualité de l'eau, comment les maires pourront-ils réaliser les équipements nécessaires pour se situer en-dessous des seuils autorisés ? Je pense aux nitrates, par exemple. Enfin, monsieur le ministre, je sais que les directives européennes sont contraignantes.
M. François Gerbaud. Oh ! que oui.
M. Michel Sergent. Ne nous précipitons donc pas pour les transposer.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Michel Sergent. D'autres pays sont moins rapides que nous. Après tout, certaines régions ont d'énormes difficultés à se situer sous le seuil des cinquante milligrammes par litre en ce qui concerne les nitrates.
Qu'en sera-t-il, mes chers collègues, s'il nous faut descendre rapidement en deçà des dix milligrammes, comme semblent le vouloir les institutions communautaires ?
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est impossible pour l'instant !
M. Michel Sergent. Je partage totalement votre avis, monsieur Poncelet.
L'amiante est aussi un problème grave ; qui pourrait le nier ? Mais, là encore, se pose le problème de la prise en charge par les collectivités, même les plus petites, qui auront à faire face à ce problème.
Tout d'abord, pour financer la détection, les prestations des entreprises agréées sont trop élevées pour les budgets de nos petites communes.
Une injustice est également créée à travers la DGE, puisque les communes non éligibles reçoivent une subvention de 50 % pour les travaux de neutralisation ou d'enlèvement d'amiante, alors que les communes éligibles, elles, ne recevront que 30 %, même si elles n'ont pas eu droit à une allocation au titre de la DGE pour ces travaux. J'ajouterai d'ailleurs que les travaux de détection et d'expertise ne sont pas pris en compte.
J'en viens aux services d'incendie et de secours. Monsieur le ministre, force nous est de reconnaître que la mise en oeuvre de la loi du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours va nous coûter cher, très cher. J'ignore si la comparaison vaut pour d'autres départements, mais je peux vous affirmer que, dans le Pas-de-Calais, pour répondre aux obligations faites par la loi, il nous faudra prévoir une augmentation annuelle de plus de 10 % des budgets communaux ou intercommunaux, et ce pendant plusieurs années.
Là encore, comment tenir un tel rythme ? Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre point de vue à ce sujet.
Le contrôle des équipements sportifs mobiles constitue une nouvelle responsabilité pour les élus locaux. Outre les coûts à assumer, puisque de nouvelles normes ont été décidées en ce début d'année pour ces équipements sportifs ou les aires de jeux, les élus se trouvent trop souvent démunis face, par exemple, aux prescriptions des commissions de sécurité. On a le sentiment qu'aujourd'hui tout le monde « ouvre le parapluie » pour se protéger et que les maires se retrouvent en première ligne face à toutes ces normes.
S'il fallait respecter les prescriptions de sécurité, on pourrait fermer, dans chaque commune, la moitié des établissements recevant du public. Je vous laisse, monsieur le ministre, mes chers collègues, en imaginer les conséquences.
Président de l'association des maires de mon département, je suis souvent interrogé par des maires désemparés face aux autorisations qu'ils doivent donner pour l'ouverture d'établissements de cinquième catégorie au titre de la prévention contre l'incendie.
Depuis le décret de 1995, les commissions d'arrondissement n'ont plus à visiter ces établissements. Or il peut s'agir, malgré tout, de cafés-restaurants situés au rez-de-chaussée d'immeubles d'habitation, de salles de réunions, voire de bals, de dancings, d'établissements d'enseignement ou de culte ou bien d'administrations.
Le maire, rarement spécialiste, doit s'assurer de la qualité des matériaux, de la durée de résistance d'une porte coupe-feu, de l'isolation sonore, et j'en passe. C'est pour lui mission impossible. On peut me rétorquer que l'autorisation préalable n'est plus nécessaire et que la déclaration du propriétaire suffit. Mais, en cas d'accident, les tribunaux seront-ils du même avis ?
Par ailleurs, pourquoi, dans ce cas, d'autres services de l'Etat demandent-ils encore au maire une autorisation d'ouverture au titre de la « sécurité incendie » ? Par exemple, les DDASS nous la demandaient pour les restaurants scolaires et les préfectures pour les auto-écoles. Il semble y avoir là, pour le moins, une incohérence.
Je pourrais ajouter toutes les normes qui nous viennent, par exemple, des fédérations sportives et qui nous mettent en difficulté face à nos associations locales. Je pourrais vous parler aussi de ce nouveau coordonnateur de chantier dont on ne perçoit pas très bien l'utilité...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Michel Sergent. ... mais dont on connaît le coût sur tous nos investissements. Je pourrais également vous entretenir des cantines, de la restauration scolaire, des centres de loisirs, de la prévention du bruit et des risques naturels ; la liste pourrait être plus longue.
Monsieur le ministre, les maires en ont assez, car les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs et, aujourd'hui, dans cette société où il faut partout trouver des boucs émissaires, les élus courent des risques de plus en plus importants. Mais à nous aussi, mes chers collègues, de ne pas ajouter des législations de plus en plus contraignantes et parfois inacceptables.
M. René Régnault. Eh oui !
M. Michel Sergent. Nous avons, nous aussi, notre part de responsabilité.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Michel Sergent. Monsieur le ministre, vous nous avez parlé de neutralité financière et de stabilisation des charges, mais pensez-vous que tous ces domaines que je viens d'évoquer puissent permettre cette stabilisation ? Véritablement, je ne le crois pas.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos a pu vous paraître terre à terre dans ce débat concernant les collectivités locales.
M. Emmanuel Hamel. Mais non !
M. Michel Sergent. Mais outre le problème financier, ce sont surtout les préoccupations quotidiennes qui rendent difficiles l'exercice du mandat local.
Soyons des législateurs vigilants et demandons au Gouvernement de ne pas abuser de son pouvoir réglementaire, car si nous n'y prenons garde, ce sont des élus de grande qualité, mais bénévoles et sans beaucoup de moyens, qui se lasseront et qui renonceront à exercer cette formidable mission au service de notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, j'ai envie de vous dire : comme vous avez raison ! J'ai lu dans Le Monde, daté du 15 avril 1997, l'interview au cours de laquelle vous déclarez : « Je suis conscient que le pacte de stabilité sur les recettes... implique, à l'évidence, que l'Etat fasse aussi un effort de stabilité quant aux dépenses qu'il peut imposer aux collectivités ; faute de quoi on les met de fait dans un étau ! »
M. René Régnault. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet. « A l'évidence », dites-vous, et comme vous avez raison ! Pour être évidente, cette évidence-là n'en mérite pas moins d'être analysée si ce n'est pour l'approuver puisqu'une évidence ne se démontre pas, du moins pour en souligner l'ampleur dans la durée, par le rappel de mesures successives dont les effets se sont cumulés et qu'il convient, selon moi, d'inventorier.
Rien n'est plus démonstratif que le concret. Je me suis donc autorisé à faire une étude de cas, que je crois effectivement démonstrative, comme elle aurait pu l'être sur un autre cas. Elle porte sur le conseil général de la Haute-Vienne, que je connais bien pour le présider depuis un nombre « raisonnable » d'années. Vous ne m'en voudrez pas si mon propos est un peu austère, mais la démonstration doit être assez précise pour être convaincante.
Il est de notoriété publique - cela a été clairement démontré, notamment en son temps par le rapport de notre collègue M. Paul Girod - que les départements ont eu une vie financière assez douce, je dirai presque « douillette », dans les premières années de la décentralisation jusqu'à 1987-1988 ou 1989-1990 selon le cas, car cela varie en fonction des départements. La situation s'est surtout dégradée au début des années quatre-vingt-dix. J'ai pris l'année budgétaire 1992 comme point de départ et l'année 1997 comme point d'arrivée.
J'évoquerai successivement l'évolution des dotations de l'Etat, de la fiscalité directe locale et des autres ressources.
Comment ont évolué les dotations de l'Etat ? Pour la DGF et la DGD, on connaît le mécanisme, la loi de finances de 1994 a limité à l'inflation la progression pour 1994 et 1995, avec la prise en compte de 50 %, et non plus des deux tiers, de la croissance à partir de 1996. Au total, cela représente, pour le budget de mon département, une moins-value de 11,3 millions de francs.
Le FCTVA a vu son évolution réglée par la loi de finances rectificative de 1993 et par les textes réglementaires d'application, notamment par le décret du 27 juillet 1994. Il en est résulté une limitation très douloureuse des récupérations pour le compte de tiers non éligibles au FCTVA.
A cela s'ajoute, dans la loi de finances de 1994, l'abaissement du taux de concours de 15,68 % à 14,77 % sur les dépenses réalisées à partir de 1995, avec effet en 1997.
Le résultat est clair : une moins-value de 3,7 millions de francs en 1997 pour la première mesure et de 1,4 million de francs pour la réduction des taux de concours pour 1997, soit au total 5,1 millions de francs.
En ce qui concerne la fiscalité directe, on connaît bien aussi les mécanismes.
Pour la taxe d'habitation, la loi de finances de 1992 a transformé des dégrèvements en faveur des personnes âgées et des bénéficiaires du RMI en exonérations compensées par l'Etat. Cela est très bien, mais le blocage des compensations aux taux de 1992 entraîne une perte de recettes de 2,4 millions de francs.
Pour le foncier bâti, la loi de finances de 1993 a prévu de même des transformations de dégrèvements, notamment en faveur des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans, en exonérations, avec un blocage des taux au niveau de 1991. La moins-value qui en résulte pour le budget de mon département s'élève à 1,1 million de francs.
Il en va de même pour le foncier non bâti et l'exonération de la part départementale sur les terres agricoles avec la franchise de 1 % du produit de la fiscalité directe de l'année n - 1 et le gel des taux au niveau de l'année 1994, ce qui entraîne une moins-value de 4,3 millions de francs.
M. René Régnault. C'est cela le pillage !
M. Jean-Claude Peyronnet. La taxe professionnelle achève le tableau des « quatre vieilles ». Pour ma part, j'ai échappé - tout le monde n'a pas eu cette chance - à la réduction de 2 % du produit de la fiscalité directe s'agissant de la compensation liée à la réduction pour embauche et investissement. Cependant, mon budget a subi le gel de l'actualisation prévue par la loi relative à l'administration territoriale de la République. Cette perte n'est pas élevée, puisqu'elle atteint 400 000 francs. En revanche, la moins-value liée à la réfaction de 15 % - certains ont eu une réfaction de 50 % - de l'évolution des ressources constatées de la taxe professionnelle depuis 1987 représente une perte beaucoup plus importante, à savoir 3 millions de francs.
M. René Régnault. Eh oui !
M. Jean-Claude Peyronnet. Mon budget a également subi, par la loi de finances de 1996, l'ajustement du niveau global des concours financiers de l'Etat dans le cadre du pacte de stabilité financière qui, on l'a dit, avait quelques effets contestables, au moins au point de départ, soit une perte de 1,9 million de francs.
M. René Régnault. Cela finit par peser !
M. Jean-Claude Peyronnet. Au total, s'agissant de la taxe professionnelle, la moins-value représente 5,3 millions de francs.
Je serai plus bref en ce qui concerne les autres ressources.
Les droits de mutation sur les immeubles d'habitation et les garages ont été réduits de 35 % par la loi de finances de 1995, avec compensation, mais aussi un gel au niveau des montants perçus en 1994. J'estime la perte potentielle pour mon département à 8,3 millions de francs.
Je vous fais grâce, enfin, de la surtaxe des cotisations patronales à la CNRACL - il en a été question - qui me coûte 2,7 millions de francs par an.
Au total, vous n'avez pas manqué, monsieur le ministre, de le calculer avec moi, en valeur 1997, le département de la Haute-Vienne, par rapport aux règles applicables en 1991, si l'on en était resté à ces règles, perd annuellement 40,5 millions de francs, ce qui est considérable.
M. René Régnault. Effectivement !
M. Jean-Claude Peyronnet. Et je n'ajoute pas les 3,8 millions de francs de TVA non récupérable dus à l'augmentation de deux points du taux de TVA sur les dépenses de fonctionnement assujetties. Reste que 40 millions de francs, c'est tout de même 9,5 points de fiscalité directe locale.
Or mon département n'est pas exemplaire, il est dans la moyenne nationale.
M. René Régnault. Malheureusement !
M. Jean-Claude Peyronnet. Vous remarquerez que je n'ai pas porté au débat les charges nouvelles et que je me suis contenté de retracer l'évolution défavorable des recettes.
On a parlé d'effets de ciseaux : augmentation des charges et baisse des recettes. Vous faites état, dans votre interview, monsieur le ministre, du risque de voir les collectivités prises dans un étau. Plus simplement ou plus trivialement, je dirai qu'elles sont de plus en plus « coincées » et qu'elles supportent de moins en moins les leçons que les représentants de l'Etat dans les départements veulent leur asséner en leur montrant, d'un côté, un Etat prétendument vertueux qui diminue les impôts directs - il est facile de baisser de 30 % quand on a augmenté de 120 % ! - et, de l'autre, les collectivités irresponsables, qui continuent d'augmenter la pression fiscale, et qui, du coup, sont montrées du doigt par les représentants de l'Etat, relayés largement en cela par la presse.
M. Alain Vasselle. M. Charasse a montré l'exemple !
M. Jean-Claude Peyronnet. Voilà quelques semaines, j'ai eu l'occasion, au cours d'un autre débat, de vous dire que ce n'est pas par plaisir ni par inconséquence que les élus sont amenés à majorer les taux d'imposition.
J'ajoute que, en raison des réductions de recettes, des augmentations de charges comme les remarques désobligeantes que je viens d'évoquer, le découragement ou la colère, selon les cas, sont grands dans la province parmi les élus locaux. Le Gouvernement me semblerait bien avisé à prendre en compte ce nouvel état d'esprit. Il y va de la crédibilité de l'Etat, qui est nécessaire à la sérénité des relations avec les collectivités locales.
Monsieur le ministre, vous avez la grande ambition de réformer l'Etat. C'est une noble ambition, elle est nécessaire. Vous ne la réaliserez pas contre les élus ni même sans leur adhésion. Pour cela, il convient qu'ils retrouvent la confiance en l'Etat, confiance qui passe elle-même par la confiance dans la parole de l'Etat qui a trop souvent été mise à mal par des initiatives unilatérales, au cours de ces cinq dernières années au moins.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Par tous les gouvernements !
M. René Régnault. Mais cela s'est beaucoup aggravé !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Mesdames, messieurs les sénateurs, ces quelques heures que nous avons passées ensemble à réfléchir sur la situation des collectivités locales et les problèmes que nous devons traiter m'ont paru fort intéressantes. Je vais essayer de répondre ou de me faire l'écho de telle ou telle réflexion par rapport à l'ensemble des suggestions qui ont été formulées par les orateurs.
Je voudrais remercier M. Poncelet et l'ensemble de ceux qui ont souhaité ce débat, fort utile en un moment où, les uns et les autres, nous avons à proposer un certain nombre de solutions pour améliorer le fonctionnement de nos institutions, en particulier nos institutions locales.
Je reprendrai une formule qui a été utilisée par de nombreux orateurs et qui me semble résumer assez bien le sens profond de ce débat : il nous faut recréer une meilleure confiance entre l'Etat et les collectivités locales.
C'est là, selon moi, une bonne manière de résumer nos échanges. Je vais essayer, pour ce qui me concerne, d'apporter ma contribution à cette recherche d'une plus grande confiance entre l'Etat et les collectivités locales...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est indispensable !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... étant entendu que, pour moi, cela forme un tout. Je dirai simplement, en écho à certaines phrases qui allaient peut-être au-delà de la pensée de certains orateurs, que, selon moi, il ne peut y avoir d'antagonisme entre les collectivités locales et l'Etat tant il est vrai que nous sommes dans une république qui est une et qui assume l'ensemble du destin national. Il n'est sans doute pas inutile de le dire, surtout lorsque s'exprime du haut de la tribune de l'une des chambres du Parlement.
J'évoquerai, en premier lieu, la question de l'évolution des dotations, autrement dit la question financière. Elle a été évoquée par de nombreux orateurs, en particulier par MM. Poncelet, Fourcade, Régnault, Fischer et Peyronnet.
Je voudrais d'abord redire ma conviction - c'est le ministre qui a préparé le budget de 1997 qui l'affirme pour l'avoir constaté à ce moment-là, et M. Poncelet a bien voulu le souligner - que le pacte de stabilité a été et est protecteur des finances des collectivités locales. En effet, à un moment où l'Etat s'impose la contrainte de budgets fixes en francs courants, le pacte de stabilité, qui assure une progression suivant le rythme de l'inflation, est protecteur ; c'est une évidence. Sans cette protection, sans ce pacte, les dotations risquaient inévitablement de ne pas évoluer d'une année sur l'autre. Il n'est pas inutile de le dire.
Je préciserai d'ailleurs à M. Régnault que la comparaison de pourcentages d'augmentation des dotations sur une période de quinze ans pendant laquelle le rythme de l'inflation a évolué considérablement ne me paraît pas satisfaisante. En effet, comparer l'évolution des dotations au milieu des années quatre-vingt avec celle des dotations au milieu des années quatre-vingt-dix ne me semble pas légitime. Il faut, bien entendu, rapporter les chiffres d'évolution à l'inflation pour présenter des données comparables.
En deuxième lieu, je voudrais évoquer la question des charges. Je soulignerai le fait que, un peu dans le même esprit que mon prédécesseur M. Hoeffel, nous avons réactivé d'un commun accord, en particulier avec le Comité des finances locales, tous les dispositifs de suivi des charges. Cela me paraît extrêmement important. En effet, nous avons maintenant mis en place, les uns et les autres - élus locaux, représentants des élus locaux et Gouvernement - les dispositifs permettant d'avoir un suivi de l'évolution des charges qui est considéré par tous comme incontestable et qui, j'en suis sûr, sera un élément durable dans les discussions que pourront mener les collectivités locales avec les gouvernements dans l'avenir.
En troisième lieu, s'agissant toujours des budgets locaux, j'évoquerai la question des masses salariales et les discussions sur l'aspect financier de la fonction publique territoriale.
Conformément à l'engagement que j'avais pris à cette tribune voilà quelques mois, j'ai, pour les salaires de 1997, et pour la première fois, en tant que ministre de la fonction publique, associé véritablement, dans la préparation de la négociation avec les organisations syndicales, les représentants des associations d'élus. Nous avons échangé nos analyses sur la situation, sur la manière dont il fallait concevoir les choses, ce qui m'a conforté dans mon idée d'une nécessaire maîtrise de la masse salariale de la fonction publique et ce qui a abouti, vous le savez, aux décisions prises de manière unilatérale par le Gouvernement d'une augmentation de 0,5 % respectivement aux mois de mars et d'octobre sur l'indice de calcul de la fonction publique.
S'agissant maintenant de la CNRACL, que j'évoquerai peut-être de nouveau d'un mot tout à l'heure, l'utilisation des réserves, des excédents de l'ATI, mesure qui a parfois été un peu décriée, nous permettra de disposer, à la fin de l'année 1997, d'une certaine marge, et le maintien de réserves sera assuré à concurrence d'environ 3,5 milliards de francs. Par ailleurs, l'année 1998, en termes d'équilibre sur l'ensemble de l'année, devrait se présenter dans de bonnes conditions, même si nous risquons - il faut que les chiffres s'affinent au fur et à mesure du déroulement de l'année 1997 - de rencontrer des difficultés au titre de la trésorerie.
Voilà qui démontre que la mesure que j'avais proposée et qui m'avait été présentée ici même par certains sénateurs comme tout à fait insuffisante - on m'avait prédit que nous ne passerions pas l'année 1997 ! - n'était pas si mauvaise que cela : l'année 1997 se terminera avec un excédent, et l'année 1998 me paraît se présenter beaucoup mieux que certains ne le pensaient avec beaucoup de force il y a six mois.
En conséquence, les budgets locaux de 1997 devraient évoluer, en termes de contrainte sur la fiscalité, de manière plus favorable qu'en 1996. L'ensemble des chiffres commence à être connu, et cela permet de ramener à leurs justes proportions un certain nombre de critiques qui se sont élevées, en particulier voilà un instant : monsieur Peyronnet, un certain nombre de mesures que vous avez regrettées datent, me semble-t-il, sous réserve de l'analyse du texte écrit que je ne manquerai pas de faire, de l'année 1992. Mes amis politiques et moi-même ne sommes donc pour rien dans les décisions prises à cette époque,...
M. Jean-Claude Peyronnet. J'ai seulement mis l'Etat en cause !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... telles, par exemple, les mesures concernant la DCTP.
Je voudrais revenir un instant sur les propos tenus en particulier par MM. Fourcade et Paul Girod concernant la DGF des groupements.
Il y a, c'est vrai, une difficulté à terme. M. Paul Girod a indiqué que l'on n'avait peut-être pas perçu en 1992 - tel a été le cas du parlementaire que j'étais à l'époque - le risque que pouvait comporter le système d'incitation.
Aujourd'hui, nous voyons bien apparaître le danger sur l'ensemble du dispositif de la DGF. Je vous proposerai donc, dans le cadre du texte sur l'intercommunalité, un dispositif permettant de moraliser l'incitation financière à travers la DGF pour les groupements, dispositif que je crois raisonnable et applicable dans une période de budget stable et de ressources relativement contraintes.
Je ne suis pas sûr que nous ayons la capacité d'aller beaucoup plus vite. Le dispositif que je proposerai permettrait, à mon sens, de passer la période d'augmentation quantitative des structures intercommunales, et il me semble qu'une réforme éventuelle de l'ensemble du dispositif ne devrait être envisagée qu'au moment où l'on aura le sentiment que l'intercommunalité aura atteint l'essentiel de ses objectifs en termes de couverture territoriale.
Il me paraît plus raisonnable - nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler - d'étudier les choses calmement au moment où l'ensemble du processus de construction de l'intercommunalité sera pour l'essentiel achevé.
Cette progression de la DGF des groupements n'a pas pénalisé, pour l'instant, et ne devrait pas pénaliser les dotations de solidarité, dont M. Huchon a parlé tout spécialement. Cette année, la DSU est en augmentation de 2 % et la DSR de 5 %. On en reste donc à des chiffres qui paraissent satisfaisants.
La question de la compensation des transferts de compétences, le problème des charges nouvelles constituent sans doute le sujet le plus difficile que nous ayons à traiter et que nous aurons à traiter dans les années qui viennent.
Il s'agit non pas tant de la compensation des transferts de compétences, point sur lequel le rapport de M. Paul Girod est parfaitement clair. Les obligations légales ont, pour l'essentiel, été respectées par l'Etat. Les collectivités territoriales, s'agissant des prestations, sont allées au-delà de leurs propres obligations légales et ont dépassé largement ce qui était accompli antérieurement par l'Etat, d'où l'effet de ciseaux que nous connaissons.
Mais je ne pense pas que ce point suscite de difficultés pour l'avenir. M. le Premier ministre a clairement dit que, lorsque nous serons amenés à opérer des corrections de frontières de compétences, il faudra le faire très clairement, en prévoyant des compensations intégrales des transferts de compétences, quel que soit le sens dans lequel se feront ces transferts. Je ne crois donc pas que, à cet égard, nous ayons à craindre des difficultés pour l'avenir.
La question qui se pose davantage, à mon sens, a trait aux normes, notamment dans les domaines techniques, de sécurité et d'environnement.
Je confirme tout à fait les chiffres. Nombre d'intervenants, notamment MM. Fourcade, Vasselle, Hoeffel, et Puech les ont évoqués. L'ensemble des normes concernant l'assainissement et les déchets représente un coût d'environ 200 milliards de francs...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Minimum !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... à dépenser dans les quatre ans.
Cela revient à ajouter un budget des collectivités territoriales - le budget d'investissement s'élève en effet, grosso modo, à 70 milliards de francs - sur quatre années. Je dirai, après nombre d'orateurs, que cela ne me paraît pas réaliste.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Nous sommes donc là véritablement interpellés. Il faut que nous réfléchissions à la manière de surmonter cette difficulté, et c'est ce que fera le membre du Gouvernement que je suis : faut-il revoir le calendrier ? Faut-il s'interroger sur la rédaction même de ces normes ? Est-il vraiment sûr qu'une usine d'incinération soit systématiquement préférable à une décharge contrôlée ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Tout à fait !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je ne suis ni ingénieur ni technicien. Je n'en suis pas moins un homme de bon sens qui a observé quantité de choses au cours de sa vie et qui, en l'espèce, s'interroge. Je le dis en toute modestie car, encore une fois, je ne suis pas un spécialiste : faut-il toujours considérer comme un acquis définitif des choses sous prétexte qu'elles ont été affirmées par d'autres ? En tout cas, je ne partage pas cette optique. Je suis très conscient que nous sommes là en présence d'un vrai sujet. Je suis bien incapable de vous apporter une réponse aujourd'hui. Il n'en demeure pas moins que ces quelques chiffres démontrent bien la nécessité de traiter ce problème.
Pour les autres normes, M. le Premier ministre a pris une décision qui s'impose aux administrations. Certains, au cours de l'après-midi, ont évoqué l'idée de légaliser l'obligation de l'étude d'impact. C'est une idée qui ne me scandalise pas.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Peut-être pourrons-nous en reparler à l'occasion de la discussion de tel ou tel texte législatif. En effet, il me paraît indispensable que celles et ceux qui assument des responsabilités tout à fait légitimes et honorables en matière de normes et de définitions réglementaires aient l'obligation d'évaluer le coût pour les contribuables. Dans mon esprit, cela dépasse le problème des collectivités locales, car la question se pose aussi pour les dépenses de l'Etat, des entreprises et des particuliers. Mais notre société a un tel besoin de sécurité que l'on en arrive à accumuler des normes les unes sur les autres : ce qui, jusqu'à il y a très peu d'années, était considéré comme la bonne manière de mener des travaux et des chantiers est maintenant décrit très précisément dans des textes, des décrets, des arrêtés, etc., ce qui constitue des surcoûts considérables. Le législateur et le Gouvernement ont à mon avis le devoir d'alerter nos concitoyens sur les conséquences de tout cela.
S'agissant de la CNRACL, dont j'ai déjà dit un mot tout à l'heure, je voudrais confirmer le chiffre que j'évoquais, suite aux interrogations de MM. Régnault, Fischer et Paul Girod. Les résultats, à la fin de l'année 1997, devraient être de 3,5 milliards de francs, ce qui, je pense, nous laisse quelques mois pour réfléchir à la manière de traiter de façon efficace l'année 1998.
J'en viens à la réforme de la fiscalité locale. Depuis que j'ai en charge ce département ministériel, vous ne m'avez jamais entendu évoquer de grandes réformes de la fiscalité locale, car je connais les difficultés de la tâche. En revanche, je me suis engagé, avec tous les élus qui m'ont aidé dans la définition du projet, dans une réflexion concrète pour réaliser une meilleure répartition géographique de la taxe professionnelle. Je souhaite pouvoir apporter ainsi ma contribution à la correction d'un des défauts de la fiscalité locale en incitant à la généralisation de la taxe professionnelle d'agglomération qui, j'en suis convaincu, apportera un élément de réponse aux questions que nous nous posons sur la fiscalité locale. Je sais que M. Poncelet va présider le groupe de travail mis en place par M. le ministre de l'économie et des finances à partir d'une ambition plus large, celle de réfléchir à l'impôt lui-même, à ses bases, à ses modes d'évolution. Je pense que ce sera également quelque chose d'important.
J'ai entendu avec plaisir que nous partagions la même analyse sur le refus du taux unique au plan national. En effet, celui-ci aurait pour conséquence dramatique de faire baisser à 25 % les ressources propres des collectivités locales, qui ne sont déjà qu'à 50 %. Autant dire que la décentralisation perdrait tout contenu politique véritable, car il ne peut y avoir d'exercice des responsabilités locales que si la liberté de dépenser est équilibrée par la liberté, si je puis dire, de lever l'impôt. Sinon, le système serait extraordinairement dangereux, car l'élu local deviendrait un « dépensier », qui irait chercher son argent ailleurs...
En revanche, je suis convaincu que nous devons procéder à la révision des bases cadastrales, dont M. Fourcade a reparlé tout à l'heure. A la suite des observations du Comité des finances locales, le ministre de l'économie et des finances a réexaminé le dossier. Je pense que M. Arthuis pourra vous proposer très prochainement un projet de loi qui sera pour l'essentiel conforme aux orientations souhaitées par le comité des finances locales,...
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... à l'exception d'un élément qui est technique mais qui, pour le ministère chargé de la direction générale des collectivités locales, sera important, à savoir l'intégration en une fois des nouvelles bases. Il en résulterait bien entendu le lissage de la contribution des contribuables.
Cela nécessitera, comme vous l'avez immédiatement compris, que nous mettions au point un système de lissage de l'évolution des dotations aux collectivités locales. Les conséquences de ce dispositif pour les collectivités locales devront être aménagées, comme elles doivent aussi l'être pour les contribuables.
MM. Puech, Eckenspieller et Pastor ont évoqué le problème de l'efficacité du contrôle de légalité.
Dans l'optique de la réforme de l'Etat et des efforts de réorganisation des services déconcentrés, j'ai bien l'intention, avec l'appui de M. le Premier ministre, de faire en sorte que se constituent autour des préfets des cellules de contrôle de légalité dont la compétence et la capacité de traiter les dossiers seront mieux adaptées à la situation réelle dans les départements.
Il est donc nécessaire, en particulier sur le plan juridique, de renforcer les équipes qui, dans les préfectures, sont susceptibles d'aider les préfets à exercer cette fonction tout à fait importante.
Dans la pratique, ce contrôle s'accompagne souvent de ce que nous connaissons depuis bien longtemps - et qui préexistait à la décentralisation - à savoir le conseil préalable des préfets, des sous-préfets et de leurs collaborateurs auprès des élus qui le souhaitent.
Permettez-moi, à cet égard, de citer un chiffre : sur 5 millions d'actes, seuls 2 000 sont déférés devant les tribunaux. Voilà qui remet les choses à leur place quant à la qualité des décisions prises par les collectivités locales, et c'est peut-être une bonne manière de répondre à certaines critiques que l'on peut lire ici ou là et que beaucoup ont stigmatisées au cours du débat.
Il nous faut toutefois améliorer l'ensemble du dispositif, ce qui est possible d'abord en clarifiant le cadre juridique : il est bien évident que plus nous aurons des codes précis, plus la présentation de la législation sera compréhensible, plus les circulaires seront claires, moins les élus seront à la merci d'une irrégularité ou d'une illégalité.
Je souhaite également que nous puissions renforcer la coordination des services déconcentrés et des moyens qui sont mis à leur disposition. Ce sera une façon pour l'Etat d'aider les collectivités territoriales à assumer leurs responsabilités, à mieux assurer l'information préalable, notamment en matière de marchés publics ou d'interventions économiques, et, enfin, comme le souhaitait M. Puech, de faire en sorte que les élus aient effectivement à leur disposition des dispositifs d'information et de conseil.
Nous pourrions y réfléchir, en particulier avec l'association que vous présidez, monsieur le sénateur, pour étudier comment un nouveau mode de relation entre les préfectures et les élus locaux pourrait s'instaurer. Il s'agit non pas de reprendre les vieilles pratiques du contrôle a priori , qui était d'ailleurs plus un conseil a priori et qui offrait une grande sécurité, mais, dans le climat nouveau de liberté des collectivités territoriales, de faire en sorte que l'on n'attende pas le contrôle de légalité ou les observations de la chambre régionale des comptes pour aider les élus à assumer leurs responsabilités.
C'est, au fond, le système d'alerte que M. Dulait appelait tout à l'heure de ses voeux.
En ce qui concerne les chambres régionales des comptes, je crois que tout a été dit. Mme Bergé-Lavigne, MM. Puech, Fourcade, Pastor et Eckenspieller ont évoqué ce sujet, et j'avais d'ailleurs eu l'occasion de présenter quelques commentaires à ce sujet lorsqu'une proposition sénatoriale a été évoquée dans la presse. Je crois que ce que nous avons, en réalité, un peu de mal à supporter en tant qu'élus locaux, c'est que se manifeste une confusion apparente entre la correction des irrégularités et des illégalités et le conseil à la gestion.
Je pense que le groupe de travail que certains de vos collègues ont mis en place avec les magistrats des chambres régionales des comptes devrait permettre, à cet égard, d'apporter des améliorations. Je crois qu'il n'est pas illégitime que les chambres régionales des comptes aillent au-delà du contrôle de légalité, du contrôle de la régularité et de l'aspect financier des problèmes. Les conseils, les critiques sur l'efficacité peuvent être utiles pour les élus et les collectivités locales, mais encore faut-il qu'ils soient présentés comme tels. Je pense qu'il s'agit surtout, dans cette affaire, d'une question de forme : le travail des chambres régionales des comptes ne doit pas être perçu par les responsables des collectivités locales comme un acte systématiquement politique, et l'éventail politique actuel permet, si je puis dire, d'« égaliser les chances ». Il est nécessaire, je crois, de faire le départ entre ce qui relève du contrôle de légalité, de régularité et l'aspect proprement « conseil ».
J'en viens maintenant naturellement, après avoir évoqué les chambres régionales des comptes, à ce que certains d'entre vous ont appelé la « vulnérabilité des élus locaux », c'est-à-dire à l'aspect « responsabilité », une responsabilité de plus en plus souvent pénale.
La remarque que je vais faire sera sans doute peu opératoire, mais elle n'est peut-être pas inutile : nous sommes devant un phénomène qui dépasse de beaucoup les collectivités territoriales. J'observe, comme vous tous sans doute, que nous vivons dans une société qui pénalise à outrance. Alors que, dans le passé - et même dans un passé récent - on en restait à des questions de responsabilité civile, on en vient désormais souvent, et très vite, voire par priorité, à la responsabilité pénale.
Ce phénomène, encore une fois, n'est pas propre aux seules collectivités territoriales, mais il est très préoccupant pour la raison, toute simple mais redoutable, que c'est le meilleur moyen de décourager ceux que j'appellerai « les acteurs », élus locaux, chefs d'entreprise, hauts fonctionnaires de l'Etat, que sais-je encore.
Nous le savons bien, toute action comporte des risques, et c'est bien pour cela que certains sont des acteurs tandis que d'autres le sont moins par tempérament.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Mais les acteurs sont pénalisés !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Si notre société pénalise systématiquement, c'est l'action même qui sera intimidée, et je pense que ce ne sera pas sans dommages pour l'évolution de notre pays, pour sa capacité d'initiative, pour sa dynamique économique et sociale.
Que pouvons-nous faire dans le secteur des collectivités locales ? Sur votre initiative a été pris un texte - la loi du 13 mai 1996 - qui permet d'imposer une appréciation in concreto, comme disent les juristes, des moyens dont dispose l'élu et des difficultés propres aux missions que la loi lui confie.
Nous allons suivre l'évolution de la jurisprudence à cet égard car il est bien clair que nous devons veiller à freiner cette évolution, que je regrette, pour ma part, tout à fait clairement. Chaque fois que cela sera possible, nous aurons toujours intérêt - cela peut paraître paradoxal et peut-être un peu à contre-courant de ce qui s'est passé depuis une quinzaine d'années - à prévoir un garde-fou sous forme de texte administratif plutôt que de laisser à une jurisprudence civile ou pénale le soin d'apprécier les actions des élus locaux.
C'est ce qui m'amène à être personnellement d'une très grande réticence envers une idée qui a été émise par certains selon laquelle il conviendrait de confier le contrôle de légalité aux tribunaux administratifs. Ce serait aller dans le sens de l'évolution que je stigmatisai il y a un instant.
Sur la clarification des compétences, je voudrais simplement dire, en particulier à M. Puech, mais aussi à MM. Ostermann, Hoeffel et Paul Girod que, comme je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises, ma démarche est tout à fait pragmatique. Nous avons eu l'occasion d'étudier ces sujets avec un certain nombre de groupes de travail composés de représentants de l'association des maires de France, de l'association des présidents de conseils généraux, de l'association des présidents de conseils régionaux et de différents départements ministériels et il nous est apparu très clairement qu'il n'était pas envisageable de mettre au point un éventuel texte législatif balayant, en quelque sorte, l'ensemble des compétences des uns et des autres.
La démarche dans laquelle nous devrions, je crois, nous engager - avec, cette fois, une volonté commune d'aboutir - concernerait le secteur sanitaire et social où, à l'évidence, une certaine confusion, voire une juxtaposition des responsabilités entre l'Etat et les conseils généraux est génératrice de dépenses qui pourraient être évitées.
Il faut, selon moi, chaque fois que cela est possible, supprimer la coresponsabilité. C'est un mauvais dispositif, qui a souvent été retenu par souci de ne pas faire de choix politique, mais, finalement, je crois que cela coûte fort cher au fil des années.
Je suis, pour ma part, convaincu que l'Etat, qui se doit de construire avec plus de clarté et de volonté une politique de santé, comme le disent souvent MM. Barrot et Gaymard, aura intérêt à reprendre un certain nombre de compétences en matière sanitaire, compétences qu'il a été probablement un peu présomptueux de déléguer au département.
En revanche, il nous faudra réfléchir à ce qui pourrait être entrepris pour que, dans le domaine social, le département ait une maîtrise plus complète des différents enjeux qui peuvent être traités avec beaucoup d'efficacité sur le terrain grâce à la connaissance précise des réalités locales qu'ont les élus et leurs collaborateurs.
Il est un second domaine dans lequel je crois nécessaire d'avancer, la révision du mode d'intervention des collectivités locales dans le domaine économique pour disposer d'outils à la fois plus modernes et efficaces pour les entreprises et moins dangereux pour les collectivités territoriales. Peut-être pourrons-nous, dans ce domaine aussi, clarifier les compétences et reprendre éventuellement l'idée lancée il y a quelque temps par Daniel Hoeffel, d'une collectivité chef de file qui, pour l'essentiel, instruirait les dossiers de ce secteur.
La déconcentration et la réforme de l'Etat, dont j'ai parlé tout à l'heure, ont été évoquées par différents orateurs. A ce moment de mon propos, je puis simplement vous dire notre détermination d'avancer dans ce domaine. A cette fin, nous allons, par exemple, expérimenter à partir du mois de juin dans un certain nombre de régions et de départements une réorganisation des services déconcentrés pour faciliter la vie des partenaires de l'administration, qu'il s'agisse des entreprises, des particuliers ou des collectivités territoriales.
Dans le même esprit, l'effort qui sera consenti dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 1998 pour globaliser un certain nombre de crédits et les déconcentrer au niveau des préfets ira dans le sens d'un meilleur partenariat entre les collectivités locales et l'Etat, ce dont, je pense, les élus locaux ne pourront que se réjouir !
Quant à l'intercommunalité, nombre d'entre vous, dont MM. Gerbaud, Hoeffel, Renar, Fourcade et Pastor, en ont parlé, et nous aurons l'occasion d'ici peu d'en débattre ensemble.
Sans aucune ambiguïté, monsieur Gerbaud, le Gouvernement privilégie la liberté dans l'intercommunalité. Il faut que les choses soient bien claires à cet égard. Tous les articles du projet de loi qui sera soumis à votre examen dans quelques semaines mettent en exergue la notion de libre choix dans l'association, dans la fiscalité, dans les compétences. Il convient précisément que l'organisation institutionnelle du territoire soit véritablement capable de relayer la volonté d'initiative, de mouvement, de changement qui, dans notre pays, se manifeste sur le terrain.
Le pouvoir d'appréciation du préfet est, pour moi, un simple garde-fou. L'objet de cette disposition, que je crois nécessaire de conserver, est d'éviter que se constituent des communautés de communes absurdes qui ne se construiraient que pour s'opposer ou pour empêcher. Il faut donc qu'il soit possible de reconnaître que tel ou tel périmètre n'est vraiment pas un projet raisonnable.
Vous avez évoqué des cas concrets, dont un que j'ai pu observer sur le terrain puisque j'étais en Charente lundi dernier. Nous aurons peut-être l'occasion, lors du débat sur l'intercommunalité, de trouver des solutions pour régler de tels problèmes et permettre effectivement à telle ou telle commune d'entrer dans telle communauté de communes ou dans telle autre. Il nous faudra trouver le dispositif adapté.
S'agissant de l'avis des conseils généraux, il faut le maintenir et le généraliser, car il n'était pas prévu dans tous les cas. Dans le cadre de la fusion des structures institutionnelles, il me paraît utile, en effet, que le conseil général se prononce sur la création des structures intercommunales.
M. Puech a évoqué le problème de la représentativité des élus, sujet complexe et qui mérite un débat. Le texte que je vous présenterai dans quelques jours en reste très clairement à la désignation des conseillers communautaires par les conseils municipaux.
Un seul élément me paraît aller dans le sens de vos interrogations, monsieur le sénateur : il me paraît nécessaire - en tout cas, je vous proposerai un texte qui va dans ce sens - de prévoir que les délégués des communes soient des conseillers municipaux. En revanche, j'ai écarté, dans mon projet, l'élection au suffrage universel...
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... qui me paraît prématurée. Nous sommes, en effet, dans une logique de coopération intercommunale et l'élection au suffrage universel relève d'une autre démarche qui, très honnêtement, ne pourrait se concevoir que si le budget de la structure intercommunale dépassait largement le contenu de l'action de chacune des communes additionnée à toutes celles qui font partie de la même structure. Or nous en sommes très loin ! Il faut donc laisser les choses se faire.
Pour ma part, je suis convaincu que nos concitoyens sont très attachés à la structure communale actuelle et que l'introduction de l'élection au suffrage universel à ce moment de la vie institutionnelle de nos collectivités bloquerait le processus de restructuration de l'organisation territoriale.
M. Alain Vasselle. Ne commettons pas la même erreur qu'avec les régions !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Nombre d'entre vous ont évoqué la fonction publique territoriale, en particulier MM. Puech, Ostermann, Eckenspieller et Fourcade. J'indiquerai simplement quelle est la ligne de conduite que j'essaie de suivre.
Dans le système actuel coexistent, vous le savez, trois fonctions publiques : la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, qui obéissent à des règles qui sont comparables les unes aux autres.
Depuis que le statut de la fonction publique territoriale a été mis en place, en particulier au cours de ces quinze ou vingt dernières années, le principe de base a été celui de la parité, c'est-à-dire de la correspondance entre les différentes fonctions publiques. Chaque fois, un certain équilibre a été recherché entre le respect des règles statutaires, bien sûr, et une certaine souplesse d'adaptation aux besoins locaux et au fait que la fonction publique territoriale représente une multitude d'employeurs et non pas un employeur unique.
C'est à la recherche de cet équilibre que s'est attachée la loi de décembre 1994, qui porte le nom de votre collègue M. Hoeffel, et qui a ensuite été mise en application au travers d'un certain nombre de décrets.
Très sincèrement, cet équilibre me paraît bon dans la mesure où il faut bien que nous réfléchissions aux conséquences de ce qui pourrait constituer une rupture de ce principe de parité.
Ce n'est pas pour l'Etat que les problèmes se poseraient. La fonction publique de l'Etat représente une masse de plus de deux millions de fonctionnaires, qui peut continuer à évoluer en fonction des décisions qui seront prises par les gouvernements et les majorités qui se succéderont.
La question de la sortie du système de parité est de savoir si l'on maintient ou non l'homogénéité de la fonction publique territoriale. En effet, ma conviction profonde est que le problème se posera entre les collectivités locales.
Tout à l'heure, l'un des intervenants - M. Huchon, me semble-t-il - a dit que la décentralisation a enrichi les collectivités riches et appauvri les collectivités plus pauvres.
Je mets en garde ceux qui sont favorables au décrochage de la fonction publique territoriale. Dans une telle hypothèse, la fonction publique territoriale n'évoluerait pas, globalement, comme une deuxième fonction publique. Je n'en crois rien ! Il ne faut pas s'imaginer que ce rêve puisse se maintenir. Compte tenu de la multiplicité des employeurs, cela aboutirait, au contraire, à l'éclatement de la fonction publique territoriale, ce qui signifie que les collaborateurs des collectivités territoriales deviendraient concurrents sur le marché du travail. Par conséquent, il faut y réfléchir et aller jusqu'au bout du raisonnement.
Bien entendu, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas introduire des éléments de souplesse dans le système actuel ; j'y reviendrai. Mais je vous mets en garde contre le décrochage, car tel est bien le risque que nous courons.
Que se passera-t-il lorsqu'une petite commune relativement éloignée voudra procéder à un recrutement ? Aujourd'hui, chacun offre à peu près le même salaire et a donc accès approximativement à la même qualité de collaborateurs. Si le système implose ou explose - j'ignore quel est le terme le plus adapté - eh bien ! ce ne sera plus le cas. Certaines collectivités pourront se payer des collaborateurs relativement chers, alors que d'autres ne le pourront pas. Il me paraît nécessaire de le dire.
S'agissant de la fonction publique, je vous rappelle très clairement l'engagement du Gouvernement - un certain nombre de mesures sont d'ores et déjà mises en oeuvre - d'associer beaucoup plus étroitement que par le passé les associations d'élus au pilotage de la politique de fonction publique. Nous avons commencé à en prendre quelque peu l'habitude.
Les différentes associations d'élus avec lesquelles nous travaillons comprennent un certain nombre de spécialistes. C'est indispensable pour une meilleure compréhension des choses. Par ailleurs, nous devons continuer à apporter un certain nombre d'assouplissements à des dispositifs sont difficilement applicables aujourd'hui.
Au mois de décembre dernier, j'ai donné un certain nombre d'instructions aux préfets afin que soit améliorée l'harmonisation du champ d'interprétation des conditions de recours aux contractuels. En effet, dans certains départements, le système était totalement bloqué.
J'ai donc rédigé une lettre d'interprétation à l'intention desdits préfets afin de leur permettre d'appréhender les choses de manière intelligente.
Par ailleurs, le toilettage des statuts particuliers sera poursuivi, pour mieux ajuster les conditions de recrutement.
Enfin, un certain nombre d'assouplissements des règles des quotas et des seuils démographiques doivent être recherchés, car ces deux systèmes n'ont plus la même raison d'être qu'auparavant.
S'agissant des régimes indemnitaires, la loi du 16 décembre 1996 a maintenu, c'est vrai, une ambiguïté ; M. Eckenspieller, me semble-t-il, l'a dit de manière très précise. Il faudra que nous levions cette ambiguïté à l'occasion d'un débat législatif, cette année, afin que l'affaire de 1984 ne soit pas une barrière, les uns pouvant être pris en compte, les autres pas. Cela ne me paraît pas raisonnable.
Par ailleurs, un certain nombre de réflexions sont en cours pour essayer d'aller un peu plus loin en matière de participation et d'intéressement, ce qui pourrait constituer un élément de modernisation de la fonction publique.
Je souhaite revenir maintenant sur un ou deux points qui ont été évoqués par certains.
M. Vasselle a fait allusion à l'article 23 de la loi sur la prise en charge des frais de scolarité. Je vais l'examiner de façon plus précise, mais j'ai le sentiment que ce qu'il souhaite doit être possible.
M. Alain Vasselle. Non, ce n'est pas possible !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Il vous a été dit que cela n'était pas possible ?
M. Alain Vasselle. Oui !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Il faudra donc modifier le dispositif en vigueur, car les modalités de mise en oeuvre du service d'accompagnement relèvent, me semble-t-il, de la seule responsabilité de la mairie. A partir du moment où le service est assuré, il n'est pas normal d'exiger la mise en place d'un système collectif.
Votre suggestion est extrêmement importante, car elle peut permettre de régler le problème de nombreuses petites communes qui n'ont pas la possibilité de créer des structures, telles les cantines collectives ou autres, mais qui peuvent nourrir et garder les enfants.
M. Paul Girod a également évoqué le problème de la compatibilité de trois textes qui devraient venir en discussion devant le Parlement : le texte sur les sociétés d'économie mixte, le texte sur les établissements publics locaux, qui est d'origine parlementaire, et le texte sur le code des marchés publics. Bien sûr, les sujets traités sont proches les uns des autres, mais il ne s'agit pas, me semble-t-il, des mêmes choses.
Le texte sur les sociétés d'économie mixte, que j'ai évoqué au cours de mon propos introductif, vise, pour l'essentiel, à clarifier les relations entre les collectivités locales et les sociétés d'économie mixte, afin d'éviter que les collectivités locales ne soient embarquées dans des situations financières difficiles du fait de la défaillance de telle ou telle SEM. Son objectif est donc de bien définir les responsabilités.
S'agissant de la loi sur les marchés publics, c'est un texte qui a été souhaité à la fois par les élus et par les professionnels des entreprises ; il devrait apporter plus de transparence et de simplification au système actuel.
La proposition de loi relative aux établissements publics locaux, qui a été déposée par l'Assemblée nationale, a pour objet de créer un nouvel outil de gestion au service des collectivités locales qui permet d'individualiser une activité sans risque juridique. En d'autres termes, c'est une manière juridiquement sûre de reprendre des activités qui, au cours de ces vingt ou trente dernières années, étaient souvent exercées par des associations paramunicipales, pour éviter d'utiliser la langue de bois, pratiques qui sont aujourd'hui pourchassées, à juste titre, par les chambres régionales des comptes. Ce texte permet d'apporter une réponse concrète aux élus locaux.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses qu'il me paraissait possible d'apporter aux différentes interventions qui furent extrêmement fournies et riches.
En conclusion, je répéterai simplement ce que je vous indiquais au début de mon propos.
Le Gouvernement est déterminé à poursuivre dans la voie de la décentralisation. Pour cela, il convient d'adapter les structures de l'Etat au phénomène de la décentralisation et d'aider les collectivités locales à parvenir à une meilleure prévisibilité de leur gestion financière malgré les difficultés qu'elles rencontrent.
Je vous réaffirme également mon souci de faire en sorte que le pacte de stabilité concerne non seulement les recettes, mais également les charges. A cette fin, nous devrons travailler ensemble sur les normes.
Enfin, s'agissant de la fonction publique territoriale, autre grand sujet, il ne faut pas trop brusquer les choses. Je vous exprime sinon ma certitude, du moins ma conviction que tout sera fait pour que, dans le cadre de la loi de 1994, nous ayons à la fois assez de souplesse et de rigueur pour assurer la compatibilité de l'unité du dispositif de la fonction publique et son adaptation aux besoins de chaque collectivité territoriale. (Applaudissements.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 307 et distribuée.

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COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre des communications l'informant de l'adoption définitive de propositions d'actes communautaires :

Communication du 1er avril 1997

N° E 762. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant ouverture d'un contingent tarifaire communautaire pour l'orge de brasserie relevant du code NC 100300 (décision du Conseil du 19 mars 1997).
N° E 766. - Proposition de règlement (CE) du Conseil retirant temporairement le bénéfice des préférences tarifaires généralisées dans le secteur industriel à l'Union de Myanmar (décision du Conseil du 24 mars 1997).
N° E 791. - Proposition de règlement du Conseilretirant temporairement le bénéfice des préférences tarifaires généralisées dans le secteur agricole à l'Union de Myanmar (décision du Conseil du 24 mars 1997).
N° E 794. - Proposition de décision du Conseil concernant l'élimination des droits de douane sur les produits des technologies de l'information. Proposition de décision du Conseil concernant l'élimination des droits de douane sur certaines boissons spiritueuses (décision du Conseil du 24 mars 1997).

Communication du 2 avril 1997

N° E 799. - Recommandation du Conseil sur la décharge à donner à la Commission sur l'exécution du budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1995 (décision du Conseil du 17 mars 1997).

Communication du 11 avril 1997

N° E 600. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3448/93 du Conseil déterminant le régime d'échange applicable à certaines marchandises résultant de la transformation de produits agricoles (décision du Conseil du 19 mars 1997).
N° E 773. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 1981/94 du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires pour certains produits originaires d'Algérie, de Chypre, d'Egypte, d'Israël, de Jordanie, de Malte, du Maroc, de Cisjordanie et de la bande de Gaza, de Tunisie et de Turquie, ainsi que les modalités de prorogation ou d'adaptation desdits contingents et modifiant le règlement (CEE) n° 934/95 du Conseil portant établissement de plafonds tarifaires et d'une surveillance statistique communautaire dans le cadre de quantités de référence pour un certain nombre de produits originaires des pays précités (décision du Conseil du 24 mars 1997).

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Jacques Oudin, Jean-Paul Amoudry, Jean Bernard, Auguste Cazalet, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Georges Dessaigne, Michel Doublet, Hubert Durand-Chastel, Pierre Hérisson, André Jourdain, Jean-François Le Grand, Roland du Luart, Paul Masson, Alain Pluchet et François Trucy une proposition de loi visant à rendre légaux les mécanismes de péréquation du prix de l'eau.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 310, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Pierre Fauchon un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de M. Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats (n° 284, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 306 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Robert un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'activité de mandataire en recherche ou achat de véhicules automobiles neufs (n° 250, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 308 et distribué.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-François Le Grand un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan par le groupe de travail sur la mise en oeuvre de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 309 et distribué.

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DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 27 MARS 1997

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 28 mars 1997 de M. le Premier ministre un projet de loi modifié par l'Assemblée nationale, portant extension partielle et adaptation du code minier aux départements d'outre-mer.
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 296, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 28 mars 1997 de M. le Premier ministre un projet de loi adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public.
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 297, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 2 avril 1997 de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise relative à la circulation et au séjour des personnes (ensemble deux échanges de lettres).
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 299, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 9 avril 1997 de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne relatif à la construction d'un pont routier sur le Rhin entre Eschau et Altenheim (ensemble une annexe).
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 304, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président du Sénat a reçu le 1er avril 1997 de MM. Claude Huriet, Jacques Baudot, Jean Bernadaux et Philippe Nachbar une proposition de loi complétant le code minier.
Cette proposition de loi a été imprimée sous le numéro 298, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 3 avril 1997 de MM. Alain Lambert, Philippe Marini et Paul Loridant une proposition de loi relative à la détermination des taux d'intérêt de l'épargne administrée.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 301, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 4 avril 1997 de MM. Louis Minetti, Félix Leyzour, Claude Billard, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, Michelle Demessine, M. Guy Fischer, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, M. Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Robert Pagès, Jack Ralite et Ivan Renar une proposition de loi tendant à assurer l'aménagement, l'équipement et la protection de la nature de la région de l'Etang de Berre.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 302, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 8 avril 1997 de MM. Jacques Oudin, Charles Ceccaldi-Raynaud, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Patrice Gélard, Lucien Lanier, René-Georges Laurin, Paul Masson, Jean-Pierre Schosteck et Alex Turk une proposition de loi visant à modifier l'article L. 255 du code électoral.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 303, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 14 avril 1997 de M. Ivan Renar, Mme Hélène Luc, M. Jack Ralite, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. Claude Billard, Mmes Nicole Borvo, Michelle Demessine, M. Guy Fischer, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Félix Leyzour, Paul Loridant, Louis Minetti, Robert Pagès une proposition de loi portant création d'établissements publics à caractère culturel.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 305, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT DE PROPOSITIONS D'ACTES COMMUNAUTAIRES

Monsieur le président du Sénat a reçu le 28 mars 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil portant conclusion de l'accord de coopération douanière et d'assistance mutuelle en matière douanière entre la Communauté européenne et le Canada.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-810 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 2 avril 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-811 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 3 avril 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil relative à l'adhésion de la Communauté européenne au Conseil général des pêches pour la Méditerranée.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-812 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 3 avril 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- propositions de décisions du Conseil relatives à la conclusion de certains accords entre la Communauté européenne et certains pays tiers concernant le commerce de produits textiles (Biélorussie, Chine, Fédération Russe, Ukraine, Ouzbékistan) (renouvellement).
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-813 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 3 avril 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- propositions de décisions du Conseil relatives à la conclusion de certains accords entre la Communauté européenne et certains pays tiers concernant le commerce de produits textiles (Albanie, Biélorussie, Chine, Mongolie, Fédération Russe, Ukraine, Ouzbékistan, Vietnam) (élargissement).
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-814 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 4 avril 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
L'article 8.4 de la directive 92/81/CEE du Conseil concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales prévoit que le Conseil peut autoriser une exonération ou une réduction du taux normal d'accises à la demande d'un Etat membre pour des raisons politiques spécifiques. (Belgique) (fuel lourd). Lettre de la Représentation permanente de la Belgique auprès de l'Union européenne P11-91-5411 60.009 du 19 février 1997. Lettre ministère des finances (belge) Administration des douanes et accises DA 100.430 du 18 février 1997.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-815 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 4 avril 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Conseil concernant la mise en décharge des déchets.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-816 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 4 avril 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement n° 79/65/CEE portant création d'un réseau d'information comptable agricole sur les revenus et l'économie des exploitations agricoles dans la Communauté économique européenne.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-817 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 4 avril 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil établissant un système communautaire révisé d'attribution de label écologique.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-818 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 4 avril 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil instituant une procédure de consultation en ce qui concerne les relations entre Etats membres et pays tiers dans le domaine des transports maritimes ainsi que les actions relatives à ce domaine au sein des organisations internationales et une procédure d'autorisation pour des accords portant sur les transports maritimes.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-819 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 8 avril 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- projet de résolution du Conseil européen sur le Pacte de stabilité et de croissance.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-820 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 8 avril 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- programme d'action communautaire dans le domaine de l'éducation. Rapport sur les résultats obtenus en 1995 et 1996. Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant modification de la décision 819/95/CE établissant le programme d'action communautaire SOCRATES.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E-821 et distribuée.

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président du Sénat a reçu le 2 avril 1997 un rapport déposé par M. Henri Revol, vice-président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires, établi par M. Claude Birraux, député, au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Ce rapport sera imprimé sous le numéro 300 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 16 avril 1997, à quinze heures et le soir :
1. Discussion en deuxième lecture de la proposition de loi (n° 227, 1996-1997), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation.
Rapport de M. Charles Jolibois, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 192, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la procédure criminelle.
Rapport (n° 275, 1996-1997) de M. Jean-Marie Girault, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délais limites

Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines (n° 244, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 16 avril 1997, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la promotion de l'apprentissage dans le secteur public non industriel et commercial (n° 225, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 avril 1997, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats (n° 306, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 avril 1997, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de l'Etablissement public d'aménagement de l'Etang de Berre (EPABERRE) (n° 249, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 avril 1997, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'activité de mandataire en recherche ou achat de véhicules automobiles neufs (n° 250, 1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 avril 1997, à dix-sept heures.
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'aménagement du territoire.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 22 avril 1997, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la qualité sanitaire des denrées destinées à l'alimentation humaine ou animale (n° 224, 1996-1997).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 23 avril 1997, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 23 avril 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 15 avril 1997

à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 16 avril 1997 :
A 15 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

1° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation (n° 227, 1996-1997).
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la procédure criminelle (n° 192, 1996-1997).
Jeudi 17 avril 1997 :
A 9 h 30 et à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, suite du projet de loi portant réforme de la procédure criminelle.
2° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines (n° 244, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 16 avril 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
Mardi 22 avril 1997 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A 9 h 30 et à 16 heures :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la promotion de l'apprentissage dans le secteur public non industriel et commercial (n° 225, 1996-1997).
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi (n° 284, 1996-1997) de M. Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats (rapport n° 306, 1996-1997).
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de l'établissement public d'aménagement de l'étang de Berre (EPABERRE) (n° 249, 1996-1997).
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'activité de mandataire en recherche ou achat de véhicules automobiles neufs (n° 250, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 21 avril 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces quatre propositions de loi.)
Mercredi 23 avril 1997 :
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'aménagement du territoire.
(La conférence des présidents a fixé :
- à dix minutes le temps réservé au président de la commission des affaires économiques ;

- à cinq heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 22 avril 1997.)
Jeudi 24 avril 1997 :
A 9 h 45 :

Ordre du jour prioritaire

1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la qualité sanitaire des denrées destinées à l'alimentation humaine ou animale (n° 224, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 23 avril 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 23 avril 1997.)
A 15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 29 avril 1997 :
A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales sans débat :

(L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement)

- n° 584 de M. Marcel Charmant à Mme le ministre de l'environnement (Régulation de la population de cormorans en Val de Loire) ;

- n° 587 de M. Pierre Martin à M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications (Réorganisation de la poste dans le département de la Somme) ;

- n° 589 de M. Pierre Martin à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Politique de l'école) ;

- n° 602 de M. Pierre Hérisson à M. le ministre des affaires étrangères (Prise en compte des citoyens helvétiques résidant en France pour le calcul de la DGF attribuée aux communes frontalières) ;

- n° 603 de M. Ambroise Dupont à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Conditions de versement de l'aide à la scolarité) ;

- n° 606 de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra transmise à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration (Avenir des services publics en zone rurale) ;

- n° 610 de M. Gérard Fayolle à M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation (Conséquences en Dordogne de la limitation des effectifs de l'enseignement agricole) ;

- n° 612 de M. Emmanuel Hamel à Mme le secrétaire d'Etat aux transports (Excès de vitesse des chauffeurs routiers dans la région lyonnaise) ;

- n° 615 de M. Germain Authié à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Traitement des ordures ménagères par les collectivités territoriales) ;

- n° 616 de M. Marcel Vidal à Mme le ministre de l'environnement (Gestion des déchets ménagers) ;

- n° 618 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Résultats scolaires en Seine-Saint-Denis) ;

- n° 628 de M. Marcel Bony à M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation (Organisation commune des marchés du lait) ;

- n° 629 de M. Marcel Deneux à M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme (Réalisation du canal Seine-Nord) ;

- n° 630 de M. Marcel Deneux à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Cumul d'emplois et recrutement de contractuels dans la fonction publique territoriale) ;

- n° 631 rectifié de M. Lucien Lanier à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale (Situation des infirmiers et infirmières des hôpitaux psychiatriques) ;

- n° 633 de M. Daniel Goulet à Mme le ministre délégué pour l'emploi (Mesures en faveur de l'emploi des jeunes) ;

- n° 634 de M. René Rouquet à M. le Premier ministre (Reconnaissance du génocide arménien de 1915) ;

- n° 636 de M. Daniel Hoeffel à M. le ministre de la culture (Mesures de protection en faveur des facteurs d'orgue).

A 16 heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Eventuellement, suite du projet de loi relatif à la qualité sanitaire des denrées destinées à l'alimentation humaine ou animale.
3° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public (n° 297, 1996-1997).
4° Projet de loi portant transposition de la directive 94/47 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers (n° 208, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 28 avril 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi.)

Mercredi 30 avril 1997 :

A 9 h 45 et à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant réforme du service national (n° 292, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 29 avril 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
2° Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le code civil pour l'adapter aux stipulations de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et organiser la publicité du changement de régime matrimonial obtenu par application d'une loi étrangère (n° 281, 1996-1997).
4° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière (n° 259, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 29 avril 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes.)

HAUTE COUR DE JUSTICE

Au cours de sa séance du mardi 15 avril 1997, le Sénat a élu M. Pierre Jeambrun juge titulaire de la Haute Cour de justice.

COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

Au cours de sa séance du mardi 15 avril 1997, le Sénat a élu M. Bernard Joly juge titulaire de la Cour de justice de la République et M. Paul Girod juge suppléant.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Réalisation du canal Seine-Nord

629. - 28 mars 1997. - M. Marcel Deneux rappelle à M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme que la réalisation du canal Seine-Nord doit permettre le désenclavement de Paris et du bassin de la Seine et offrir un débouché vers le réseau fluvial de l'Europe. Voies navigables de France a proposé un fuseau de tracé proche du canal du Nord qui constitue la solution optimale à la fois sur le plan technique, puisqu'il permet un coût d'investissement et d'exploitation le moins élevé sur le plan environnement, car il est le plus intéressant quant aux impacts sur le milieu humain, sur le patrimoine culturel et sur la faune et la flore terrestres ; sur le plan socio-économique, car il offre le transport le plus court. Enfin, sur le plan de l'aménagement urbain son insertion à proximité des villes s'effectue sans aucune difficulté, sans pour autant traverser ces villes. Malgré ces éléments en faveur du tracé passant par Péronne, proposé par Voies navigables de France, un doute subsiste chez les élus et les décideurs du département de la Somme quant à la position du Gouvernement. Aussi, il lui demande de bien vouloir préciser ses intentions et le remercie, par avance, de l'assurer du bon déroulement de ce grand projet.

Cumul d'emplois et recrutements de contractuels
dans la fonction publique territoriale

630. - 28 mars 1997. - M. Marcel Deneux signale à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation que des acteurs de la fonction publique territoriale, et plus particulièrement des présidents de centre de gestion de la fonction publique territoriale, ont attiré son attention sur les effets du cumul d'emplois dans la fonction publique. Ainsi, bien qu'occupant un poste à temps complet dans la fonction publique, ou quelquefois retraités, nombre de fonctionnaires d'Etat, de l'administration préfectorale, des finances ou encore de l'éducation nationale, occupent sous différentes formes de contrats, un emploi à temps non complet pour une durée supérieure aux cinq heures autorisées. Il a constaté que dans le département de la Somme, cela peut varier de douze à soixante-quatre heures par semaine ! Cette situation recouvre l'équivalent de 110 postes à temps complet (trente-neuf heures) dans le département avec, à la clef, des exonérations patronales de charges sociales mises en valeur lors du recrutement. Une autre conséquence de ce phénomène est le nombre croissant de jeunes diplômés, reçus aux concours, qui sont dans l'attente de postes. Enfin, il observe la vétusté et l'incohérence de la législation en vigueur : ainsi, le décret-loi du 29 octobre 1936 est toujours en vigueur et le décret de mars 1991 autorisant un cumul dans la limite de quarante-quatre heures par semaine est trop souvent bafoué. Tout en espérant avoir attiré l'attention sur ce dossier, il lui apparaît souhaitable d'engager une réflexion sur l'abandon de l'exonération des charges sociales et retraite en cas de cumul d'activité au-delà du temps complet ainsi que la limitation stricte du cumul des fonctions à hauteur de ce qui est autorisé, soit trente-neuf heures plus 15 %. Enfin, il souhaite que soit examiné également au plus tôt le dossier du recrutement d'agents contractuels dans les collectivités territoriales. Celles-ci sont quotidiennement confrontées à ce problème, devant faire face à des tâches de plus en plus spécialisées et réclamant le recrutement de personnes, jeunes le plus souvent, diplômées de l'enseignement supérieur de type troisième cycle. Il remercie le ministre de l'examen de ces multiples dossiers qui réclament un rééquilibrage et une adaptation au développement de nos collectivités territoriales.

Situation des infirmiers et infirmières
des hôpitaux psychiatriques

631. - 4 avril 1997. - M. Lucien Lanier attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur la situation des infirmiers et infirmières psychiatriques. Le 30 décembre 1996, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du 26 octobre 1994 relatif à l'attribution du diplôme d'Etat infirmier aux personnes titulaires d'un diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique, motivant son arrêt par la non-conformité de la formation d'infirmier psychiatrique avec les exigences des directives européennes. Un rapport a été confié sur ce sujet à un maître des requêtes au Conseil d'Etat. Il lui demande s'il serait possible de savoir quelles solutions préconisent ce rapport et quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre, qui soient acceptables par l'ensemble des parties de la profession d'infirmière, pour répondre à la situation actuelle des infirmières psychiatriques eu égard aux stipulations européennes ainsi qu'aux impératifs de santé publique.

Statut fiscal des maisons des jeunes travailleurs

632. - 28 mars 1997. - M. Georges Mouly attire l'attention de M. le ministre délégué au budget sur la situation de l'Association pour le foyer du jeune travailleur, dont chacun reconnaît, pour l'avoir constaté sur le terrain, l'incontestable utilité. L'administration fiscale, cependant, impose depuis peu de temps à certains foyers de jeunes travailleurs d'importants redressements fiscaux. Si cette démarche ne saurait être regardée que comme morale, qu'en est-il par ailleurs et plus précisément des nouvelles charges qui seraient assignées aux maisons des jeunes travailleurs (TVA, impôts sur les sociétés, taxe professionnelle) ? Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser exactement à quelle fiscalité sont assujettis aujourd'hui les foyers de jeunes travailleurs.

Mesures en faveur de l'emploi des jeunes

633. - 2 avril 1997. - M. Daniel Goulet appelle l'attention de Mme le ministre délégué pour l'emploi sur les modalités de mise en oeuvre des fonds arrêtés lors de la Conférence nationale pour l'emploi des jeunes et s'étonne que ces modalités d'application soient exclusivement déléguées aux préfets de départements alors que semblent exclus les conseils régionaux - pourtant déjà fortement engagés et investis dans la formation et l'insertion des jeunes. A ce propos, il rappelle la mise en oeuvre de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle et précise l'exemple de la région Basse-Normandie qui a été une des premières à signer avec l'Etat la convention de décentralisation concertée et progressive des compétences de l'Etat. Cette loi quinquennale a donné aux régions la mission d'élaborer un plan régional de développement de formation professionnelle des jeunes ayant pour objet : « la programmation à moyen terme des réponses aux besoins de formation permettant un développement cohérent de l'ensemble des filières de formation et prenant en compte les réalités économiques régionales et les besoins des jeunes de manière à leur assurer les meilleures chances d'accès ». De plus, celle-ci a confirmé le rôle des contrats d'objectifs dont les orientations et priorités sont des composantes du plan régional pour l'emploi des jeunes. Par ailleurs, le conseil régional de Basse-Normandie, à la suite du sommet social du 21 décembre 1995, a signé un accord avec l'Etat. Les programmes fixés n'entendaient pas créer de nouvelles mesures mais plutôt renforcer l'articulation entre les dispositifs existants. A la lumière des actions régionales engagées et des prévisions financières que le fonds national de 1 milliard doit mettre à la disposition des préfets de départements, et malgré une réserve financière qui pourrait servir à accompagner des projets de rang régional, il souhaiterait connaître quelle place et surtout quel rôle seront donnés aux Conseils régionaux qui ne semblent pourtant pas avoir failli à la mission qui leur a été confiée dans le domaine de la formation et de l'insertion des jeunes.

Reconnaissance du génocide arménien de 1915

634. - 2 avril 1997. - M. René Rouquet appelle l'attention de M. le Premier ministre sur l'attente de la communauté française d'origine arménienne de voir reconnaître officiellement par le Gouvernement français le génocide perpétré en 1915 contre le peuple arménien. La non-reconnaissance de faits attestés par l'histoire est ressentie comme une blessure profonde par la communauté arménienne et conforte un négationnisme qui n'hésite plus à se montrer au grand jour. Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement français entend reconnaître le génocide arménien.

Avenir de la filière Sciences et techniques
de laboratoire option Biologie, génie biologique

635. - 2 avril 1997. - Mme Hélène Luc tient à attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur la profonde injustice qui serait faite aux lycéens bacheliers de l'enseignement technique STL-BGB (Sciences et techniques de laboratoire, option Biologie, génie biologique) STL SMS (Sciences médico-sociales) si n'était pas rapportée la décision de suppression du concours spécifique qui leur est réservé pour intégrer les grandes écoles d'ingénieurs agronomes, des travaux agricoles et les écoles vétérinaires. Une telle décision, qui entraînerait également la fermeture des trois classes préparatoires TB (Technologie et biologie) aux grandes écoles réservées à ces bacheliers et implantées à Paris, Toulouse et Strasbourg, porterait un coup d'arrêt brutal à une filière d'excellence de l'enseignement technique qui a apporté la preuve de son efficacité en offrant à des dizaines de jeunes, d'origine sociale souvent non favorisée, la possibilité d'obtenir un diplôme d'ingénieur. La disparité de cette voie de promotion sociale irait complètement à l'encontre des déclarations sur la revalorisation de l'enseignement technique, déjà exprimée à plusieurs reprises, tant par le Président de la République que par le ministre de l'éducation nationale. C'est pourquoi elle lui demande, au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen qui partagent pleinement l'émotion et l'inquiétude de la communauté éducative attachée à la pérennité de cette filière, de ne remettre en cause aucun des débouchés en école d'ingénieurs proposés aux bacheliers STL, BGB et SMS, en permettant le maintien des concours spécifiques, des classes préparatoires et d'organiser au plus vite une table ronde et une concertation avec tous les partenaires concernés.

Mesures de protection en faveur des facteurs d'orgue

636. - 4 avril 1997. - M. Daniel Hoeffel appelle l'attention de M. le ministre de la culture sur la baisse de 32 % pour 1997 des crédits accordés à la restauration des orgues historiques, et sur les vives inquiétudes qui en résultent au sein de la profession des facteurs d'orgue. Alors que l'organisation des « états généraux de la facture d'orgue » en 1995 et la création du conseil des métiers d'art en 1996 avaient suscité beaucoup d'espoir, l'annonce de cette décision - sans concertation - a déclenché une vive réaction des facteurs d'orgue, qui dénoncent des méthodes déstabilisantes pour les entreprises et pour le bon déroulement des procédures d'attribution des marchés. Cette diminution d'un tiers des crédits risque par ailleurs d'entraîner la disparition de 30 % des petites entreprises spécialisées dans cette profession, ainsi que de leur savoir-faire spécifique. L'Alsace, région particulièrement riche en orgues anciens, est aussi, avec le centre de formation des apprentis d'Eschau, un pilier de la facture d'orgue, et se trouve de ce fait particulièrement frappée. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il compte prendre pour protéger cette profession, garante de la survie des plus beaux orgues historiques de France.

Statut des psychologues scolaires

637. - 9 avril 1997. - M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la situation des psychologues scolaires dont l'identité professionnelle n'est pas clairement définie. Les psychologues scolaires ont pour mission d'apporter un appui aux élèves du premier degré. Ils font partie intégrante des équipes pédagogiques. A leur formation initiale de niveau universitaire, la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 ajoute l'exigence d'une expérience pédagogique préalable à leur recrutement. Actuellement, ils sont assimilés à des enseignants avec les mêmes salaires et des évolutions de carrière identiques. Ils sont inspectés, comme les instituteurs, par des fonctionnaires de formation pédagogique ou administrative. C'est une situation étonnante au regard de la loi de 1985 qui protège le titre de psychologue. Dans un souci d'affirmation professionnelle, ils souhaitent l'élaboration négociée d'un texte leur conférant statutairement une fonction spécifique, dans le premier degré, accessible à l'issue d'une formation sanctionnée par un diplôme de 3e cycle en psychologie. Ce statut protégerait l'usage de leur titre, garantirait aux enfants, à leurs familles ainsi qu'aux différents partenaires les services de professionnels dotés de missions, dans le respect de la déontologie et de l'éthique ; et établirait une distinction entre celui qui enseigne et celui qui analyse une situation pour tenter d'y apporter une solution. Il lui demande, en conséquence, de lui indiquer quelles mesures pourront être prises pour que ces personnels de l'éducation nationale bénéficient de la reconnaissance qu'ils méritent.

Conséquences pour les trésoreries publiques
du passage à la comptabilité M.14

638. - 9 avril 1997. - M. Michel Sergent souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué au budget sur la situation préoccupante que connaissent depuis quelques mois les trésoreries publiques. La mise en place de la M.14 a été faite sans que les personnels (souvent trop peu nombreux) aient été formés. Pour la plupart, ils n'ont bénéficié que d'une seule journée de formation. Ainsi donc les délais de paiement s'accumulent. Les salaires des personnels communaux sont parfois payés avec retard. Tout aussi grave, les factures sont réglées au bout de deux parfois trois mois, occasionnant un préjudice réel aux entreprises, au commerce ou à l'artisanat. En conséquence, il lui demande quelles mesures il envisage pour remédier à ces problèmes rencontrés par de nombreuses communes notamment dans le département du Pas-de-Calais.

Publication du statut du cadre d'emplois
des agents territoriaux d'animation

639. - 10 avril 1997. - Mme Hélène Luc tient à attirer l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la nécessité de publier rapidement le décret portant statut particulier du cadre d'emplois des agents territoriaux d'animation. Ces personnels des collectivités territoriales qui remplissent des missions reconnues auprès de publics diversifiés sont dans l'attente de la reconnaissance statutaire de leur compétence, garantissant la sécurité d'emploi et un déroulement de carrière conforme à celui en vigueur dans la fonction publique. C'est pourquoi elle lui demande de l'informer sur ses intentions quant à une publication prochaine de ces textes d'application.

Retard en matière d'équipement hospitalier
dans le département du Pas-de-Calais

640. - 10 avril 1997. - M. Léon Fatous souhaite interpeller oralement M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur le retard, en matière d'équipement hospitalier, dont souffre le département du Pas-de-Calais. En effet, il voudrait savoir où en est le réexamen du dossier de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) mobile pour les hôpitaux de Calais, Montreuil et Arras, promis par M. le ministre il y a un an.

Difficultés d'indemnisation rencontrées
par certaines victimes d'attentats

641. - 11 avril 1997. - M. Gilbert Chabroux attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés d'indemnisation rencontrées par certaines victimes d'attentats. La loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme prévoit qu'en cas d'infractions « en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur » les victimes seront indemnisées par le fonds de garantie suivant le principe de la réparation intégrale pour l'ensemble de leurs préjudices personnels, que ceux-ci soient patrimoniaux ou corporels. Cependant, la loi se tait sur un point qui peut être essentiel pour une catégorie de victimes. En effet, si une personne peut subir, lors d'un tel acte, un préjudice corporel souvent dramatique, il peut également y avoir un préjudice matériel qui, dans certains cas, est conséquent. Ce peut être le cas notamment de propriétaires d'un véhicule assuré au tiers, soufflé par l'explosion, ou le cas de personnes qui doivent abandonner leur logement et ont à assumer les frais d'hôtel. Le législateur, considérant que les contrats d'assurance civile couvrent normalement ces dommages, a évacué cette question. Or on a pu relever un certain nombre de situations où les assurances ne prenaient pas en charge la totalité du préjudice matériel subi. C'est le cas pour sept personnes, sur les 76 victimes de l'attentat de Villeurbanne perpétré le 7 septembre 1995. Le montant du préjudice non indemnisé s'élève à 214 181 francs. La multiplication des démarches auprès de l'Etat et des compagnies d'assurances n'a pas permis d'avancer sur ce point, à l'exception de la solidarité manifestée par la municipalité de Villeurbanne et certaines assurances allant au-delà des limites des contrats initiaux. Le traumatisme subi par ces victimes d'attentas terroristes est lourd et réel. Les personnes ont le sentiment d'avoir tout perdu. L'Etat peut-il les laisser se considérer comme les payeurs innocents d'une nouvelle forme de guerre, alors que c'est indéniablement au fondement de la République que les terroristes s'attaquent ? Pouvons-nous accepter que certains de nos concitoyens soient abandonnés de la solidarité nationale ? En conséquence, il souhaiterait que la loi de 1986 fût modifiée le plus rapidement possible afin de venir en aide à ceux qui se sentent les laissés pour compte du fonds de garantie et permettre de prévenir d'éventuelles situations similaires dans l'avenir. Il souhaiterait également que le Gouvernement réexaminât la situation de ces sept victimes de l'attentat du 7 septembre 1995 et que des solutions soient trouvées pour permettre une indemnisation intégrale des préjudices qu'elles ont subis.

Bonifications pour campagne double
accordées aux anciens combattants d'Afrique du Nord

642. - 14 avril 1997. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre sur l'attribution des bénéfices de campagne double aux fonctionnaires cheminots et agents de services publics, anciens combattants en Afrique du Nord. Elle lui rappelle que, le 9 décembre 1974, la loi n° 70-144 a reconnu, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services des anciens d'Afrique du Nord. Elle lui rappelle également que la loi du 14 avril 1924 reconnaît les bonifications pour campagne double comme un droit à réparation accordé aux anciens combattants fonctionnaires et assimilés, ce bénéfice ayant été étendu progressivement aux agents de certains services publics, tels les cheminots (décision du ministère des transports du 31 mars 1964). Elle lui demande quelles mesures il envisage pour accorder aux anciens combattants fonctionnaires cheminots et agents des services publics ayant combattu en Afrique du Nord le bénéfice de campagne double.

Situation des entreprises d'insertion par l'économique

643. - 14 avril 1997. - M. Marcel Charmant demande à M. le ministre du travail et des affaires sociales comment il concilie le rôle essentiel de l'insertion par l'économique dans le processus de lutte contre l'exclusion tel qu'il apparaît dans le projet de loi relatif à la cohésion sociale et les difficultés auxquelles se heurtent dans le même temps les entreprises d'insertion. Ainsi, dans le département de la Nièvre, plusieurs entreprises ont fait part des difficultés croissantes qu'elles rencontrent dans l'accomplissement de leur mission. En effet, l'aide publique moyenne par poste dans les entreprises d'insertion est passée de 71 000 F en 1991 à moins de 50 000 F en 1996. D'autre part, des difficultés issues du gel, au premier franc, de la ligne budgétaire votée par le Parlement pour l'insertion par l'économique étaient déjà apparues en 1996. Les entreprises ont été, pour la majorité d'entre elles, conventionnées dans le courant de l'été et les premiers crédits ne leur sont parvenus qu'en fin d'année. Cette situation n'a pas été sans leur poser d'importants problèmes de trésorerie. Cette situation de gel budgétaire se renouvelle pour 1997, les entreprises vont devoir à nouveau multiplier les démarches auprès de l'Etat pour obtenir les prestations auxquelles elles peuvent légitimement prétendre et elles seront pénalisées malgré les efforts conséquents qu'elles ont réalisés. Les entreprises d'insertion nivernaises ont réussi à se situer à un taux d'autofinancement supérieur à 80 %. Elles recrutent leurs salariés exclusivement auprès d'un public de chômeurs de longue durée, bénéficiaires du RMI, en situation d'exclusion. Elles comptent, à ce jour, dans leurs effectifs pratiquement le double de salariés que de postes aidés. Aujourd'hui, chaque entreprise nivernaise restitue aux collectivités publiques un montant supérieur aux subventions reçues. Elles estiment, à juste titre, remplir leur partie du contrat. C'est pourquoi il lui demande de faire en sorte que les crédits inscrits au budget à destination des entreprises d'insertion par l'économique puissent être débloqués et les prestations versées le plus rapidement possible. Il souhaite par ailleurs que la proposition faite par le Comité national des entreprises d'insertion de signer un contrat d'objectifs avec le Gouvernement pour lutter contre l'exclusion trouve un écho favorable.