M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Vinçon pour explication de vote.
M. Serge Vinçon. Monsieur le rapporteur, vous nous avez justement rappelé, au début de nos travaux, que tout débat sur l'immigration portait en lui des passions extrêmes. Vous avez su ne pas vous laisser emporter par ces passions, et toutes vos interventions, tant en première qu'en seconde lecture, ont été particulièrement dignes et argumentées, manifestant votre souci de lutter pour le respect de la loi et de préserver l'image d'une France terre d'accueil pour les étrangers en situation régulière, qui souhaite préserver son identité et la crédibilité de ses institutions.
Nous vous en savons gré, mon cher collègue, et, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, je vous remercie de nouveau pour le rôle majeur que vous avez joué dans l'élaboration de ce texte.
Nos remerciements s'adressent également à vous, monsieur le ministre, qui avez su avec force, courage et détermination faire face aux outrances de certains, aux faux-semblants, voire à l'hypocrisie d'autres, et démontrer, une fois encore, votre sens de l'Etat.
Le texte tel qu'il ressort des travaux du Sénat a subi trois modifications importantes qui vont dans le sens, d'une part, d'un meilleur respect des libertés individuelles et, d'autre part, d'une plus grande efficacité dans la lutte contre l'immigration clandestine, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Par ailleurs, les précisions que vous nous avez apportées, monsieur le ministre, sur la place du maire agissant en qualité d'agent de l'Etat dans la nouvelle procédure relative aux certificats d'hébergement nous satisfont. En effet, le maire sera informé des certificats d'hébergement intéressant sa commune et pourra être sollicité pour avis par le préfet.
Vous me permettrez, mes chers collègues, de revenir quelques instants sur nos débats.
Comme l'a fait remarquer M. le président de la commission des lois, la désinformation à laquelle certains se sont abondamment livrés procède de l'abus de termes. Qualifier de délation une déclaration, ce n'est pas seulement abuser, c'est tenter de mobiliser l'opinion...
Mme Hélène Luc. Elle a été bien mobilisée, l'opinion !
M. Serge Vinçon. ... et de jouer sur l'émotion et la réprobation suscitées par cette triste pratique.
M. Badinter a fait justice, en des termes qui l'honorent, de l'odieuse assimilation de ce projet de loi avec la législation de Vichy.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Très bien !
M. Serge Vinçon. En effet, sur ce thème, nous, gaullistes, n'avons aucune leçon à recevoir.
M. Jean Peyrafitte. Nous non plus !
M. Serge Vinçon. Certains d'entre nous sont même mieux qualifiés que quiconque pour en donner.
Mais nous ne voudrions pas qu'il puisse insinuer que la majorité actuelle reprendrait à son compte des thèses et des propositions avec lesquelles elle n'a rien de commun.
Ne parlons pas des contradictions dans les propos de nombre d'orateurs de l'opposition !
La législation que nous votons serait inutile parce que inefficace et, dans le même temps, elle serait liberticide. Or les lois des Etats dictatoriaux, si elles ne respectent pas les libertés, peuvent rarement être taxées d'inefficacité. Je serais tenté de dire qu'il faut choisir !
Parmi les excès de langage auxquels nous avons assisté, nous avons même relevé la négation de la polygamie, alors que c'est le régime matrimonial d'un certain nombre d'étrangers - respectables au demeurant - qui souhaitent émigrer en France, nous le savons bien.
Nous avons également entendu d'aucuns appeler à la désobéissance civique. Mais comment ne pas entendre l'appel du peuple français à une maîtrise de l'immigration et à une lutte plus efficace contre l'immigration clandestine ? Appeler à la désobéissance civique, c'est appeler à la désobéissance au peuple, qui inspire la loi. C'est, finalement, porter atteinte à la démocratie !
M. Claude Estier. Avez-vous entendu un tel appel ici ?
M. Serge Vinçon. Le débat n'est pas entre la générosité dont certains auraient le monopole et l'égoïsme qu'incarnerait la majorité.
Il n'est pas non plus entre la xénophobie et une large ouverture de notre territoire aux étrangers.
Il ne s'agit pas davantage de redéfinir une nouvelle politique de l'immigration.
Le problème est simplement de donner à l'Etat les moyens qui lui manquent pour lutter contre ceux qui enfreignent nos lois. C'est sa responsabilité ; je dirai même que c'est son devoir.
En donnant le sentiment aux habitants de notre pays que ceux qui sont déterminés à ne tenir aucun compte des lois et des règlements du pays où ils s'établissent trouveront compréhension, appui, complaisance ou démission des pouvoirs publics, on les pousse dans les bras de ces extrémistes que l'on prétend par ailleurs combattre.
Parce que nous avons le souci de concilier le respect des droits de l'homme et la dignité des personnes avec le respect de la loi, nous faisons nôtre ce que Jean Daniel écrivait : s'il est nécessaire d'accueillir les étrangers, nous n'avons aucune obligation d'héberger ceux qui sont venus clandestinement sur notre sol.
Les mesures que nous avons votées sont inspirées par le bon sens et le réalisme et s'efforcent de concilier l'efficacité indispensable pour assurer la sécurité de nos concitoyens et des étrangers légalement installés en France avec le respect des valeurs républicaines et de la dignité de la personne humaine. Là encore, nous n'avons à recevoir de leçons de personne et nous n'entendons nous inspirer de personne.
C'est pour ces raisons qu'en votant ce texte le groupe du Rassemblement pour la République a le sentiment de voter un texte nécessaire à l'équilibre et à la cohésion de notre société et de notre modèle républicain. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le ministre, au terme de ce long débat commencé en décembre dernier et qui aura donné lieu à quatre lectures dans les deux assemblées, je ne vous surprendrai évidemment pas en vous disant que le groupe socialiste votera contre votre projet de loi.
Comme nous l'avions fait en première lecture, au début du mois de février, nous vous avons rappelé, depuis mardi, les raisons de notre hostilité à un texte qui est inutile, qui sera inefficace, voire inapplicable au regard du but qu'il prétend atteindre, à savoir la lutte contre l'immigration irrégulière, mais qui aura pour effet de précariser les étrangers en situation régulière, et donc de rendre plus difficile leur intégration, à laquelle vous vous prétendez attaché.
Certes, le texte que la majorité sénatoriale s'apprête à voter n'est plus tout à fait le même que celui que vous aviez présenté à l'origine, monsieur le ministre, devant l'Assemblée nationale.
J'observe, à ce propos, que votre comportement tout au long de ce débat a été pour le moins étrange : vous dites n'avoir pas changé de cap ; vous avez, en tout cas, plusieurs fois changé d'avis.
Dans un premier temps, en décembre, vous avez accepté que votre texte soit durci sous la pression des députés les plus à droite de votre majorité.
Six semaines plus tard, au Sénat, vous vous êtes battu pour qu'on revienne au texte primitif, mais en y maintenant, en dépit de toutes nos tentatives pour vous en dissuader, le fameux article 1er obligeant les hébergeants à déclarer le départ des étrangers qu'ils auraient hébergés chez eux.
Nouvelle volte-face à l'Assemblée nationale, où vous avez renoncé avec une étonnante facilité à cette disposition controversée, que vous aviez défendue avec tant de force quinze jours plus tôt. Il est vrai qu'entre-temps un immense mouvement de protestation, qui n'était pas seulement le fait de ces intellectuels que vos amis n'aiment pas, s'était déclenché dans le pays et que M. Mazeaud avait réussi à convaincre le Premier ministre, et donc vous-même, que cet article serait censuré par le Conseil constitutionnel, ce que nous vous avions annoncé sans que vous vouliez en tenir compte.
Vous avez donc fait voter en première lecture - les parlementaires de votre majorité l'ont voté dans les deux assemblées - un texte dont chacun savait qu'il n'était pas conforme à la Constitution.
Je dis à M. le président de la commission des lois, pour qui j'ai le plus grand respect et qui, dans son intervention de mardi, nous a dit avoir peu prisé ce qu'il a appelé l' « agitation médiatique », que celle-ci n'a fait que mettre davantage en lumière ce qui était déjà une évidence, à savoir que la majorité, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, avait voté un texte qui aurait été inévitablement censuré par le Conseil constitutionnel. J'observe d'ailleurs que sa nouvelle version n'est toujours pas à l'abri, non plus que plusieurs autres articles du texte, comme l'a démontré mon collègue et ami Michel Dreyfus-Schmidt en défendant l'exception d'irrecevabilité.
Si je rappelle le cheminement tortueux qui a été le vôtre, c'est, en particulier, pour répondre à vous-même et à vos amis, qui nous accusent d'ambiguïté dans cette affaire.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Claude Estier. S'il y a ambiguïté, c'est bien chez vous qu'elle se trouve, du fait de vos retournements successifs et aussi, comme l'a fait remarquer notre collègue M. Hyest, du fait de votre obstination à légiférer périodiquement sur l'immigration, ce qui crée chaque fois de nouvelles incohérences et déchaîne de nouvelles passions.
Quant à nous, notre position a toujours été claire. (M. le ministre s'exclame.) Dès le premier jour, et sans varier, nous avons combattu votre projet de loi.
Vous, vous n'avez pas cessé de changer d'avis, ce qui est bien la preuve que nous ne saviez pas où vous alliez en déposant ce texte, en dehors d'une motivation purement politique, pour ne pas dire politicienne, voire électoraliste.
Votre collègue M. Toubon vient d'ailleurs d'en apporter la confirmation en affirmant cette semaine, dans un entretien au Figaro , que « le bilan est politiquement nettement positif pour le Gouvernement », qui aurait fait « la démonstration qu'il est soutenu grosso modo par les deux tiers de la population ». Admirons, au passage, ce « grosso modo » ! Mais ce sur quoi ne répond pas M. Toubon, c'est sur le bilan au regard du problème posé - posé par vous - à savoir l'immigration irrégulière.
Dans la nouvelle version de l'article 1er, vous avez fabriqué un système apparemment moins scandaleux, mais tout aussi dangereux et, de plus, inapplicable.
Dangereux parce que, après l'avoir nié, vous avez dû reconnaître à l'Assemblée nationale que ce système donnera lieu à la constitution de fichiers dans chaque préfecture - fichiers dont nous continuons à penser, en dépit de toutes vos dénégations, qu'ils seront nécessairement connectés entre eux - et donc d'un fichier national où ne sera pas seulement inscrit le nom de l'étranger hébergé mais tout aussi nécessairement le nom de celle ou de celui qui l'aura hébergé.
Vous avez soutenu, hier encore, qu'il n'y aurait pas de fichiers des hébergeants, monsieur le ministre. Mais, dans le même temps, vous avez refusé notre amendement qui visait à ce qu'on le précise dans la loi. Nous sommes donc enclins à penser qu'il y aura bien un fichier des hébergeants. Sans quoi, d'ailleurs, on ne voit pas comment vous pourrez atteindre le but que vous prétendez poursuivre, à savoir le démantèlement des filières illégales.
J'ajoute, à ce propos, que si, au lieu de demander aux personnes interrogées dans les sondages si elles sont d'accord pour lutter contre l'immigration irrégulière, on les avait interrogées sur le point de savoir si elles sont favorables à la constitution de tels fichiers, je doute que la réponse eût été la même.
Mais votre système est aussi inapplicable, donc inefficace. Vous n'avez, en particulier, apporté aucune réponse précise à la question : quid de l'espace Schengen ? Un étranger entré en France pouvant circuler sans contrôle à l'intérieur de cet espace, à qui et à quel moment remettra-t-il son titre de sortie ? Et s'il l'envoie par la poste, sera-t-il considéré comme ayant quitté le territoire, même s'il y est encore ? Et s'il ne le remet pas, sera-t-il réputé clandestin, ce qui lui interdira d'obtenir ultérieurement un nouveau visa pour la France ?
M. le rapporteur a bien voulu reconnaître, hier, que la formule était vague. C'est en tout cas un obstacle de taille qui ne pourrait être surmonté que par l'adoption d'une législation identique dans tous les pays de l'espaceSchengen, et vous êtes bien placé, monsieur Masson, pour savoir que cela n'est pas simple.
Vous nous accusez constamment de faire un amalgame entre l'immigration régulière et l'immigration irrégulière. Mais c'est bien votre texte qui fait cet amalgame. Il va déstabiliser beaucoup d'étrangers installés depuis longtemps en France. Et l'on ne voit toujours pas en quoi il permettra le moindre progrès dans la lutte, nécessaire, contre l'immigration illégale, qui n'a que faire des certificats d'hébergement, à l'entrée ou à la sortie.
Monsieur le ministre, vous nous avez cité, mardi dernier, des rapports relatifs à l'interpellation de plusieurs dizaines de personnes entrées illégalement en France. Fort bien ! Mais n'est-ce pas la meilleure preuve que vous n'aviez pas besoin de cette nouvelle loi ?
Quant aux quelques cas de régularisations, bien limitées, que prévoit l'article 4, elles auraient pu être effectuées par voie réglementaire ou sur décision des préfets, comme M. le rapporteur l'a d'ailleurs souligné hier.
Je le répète, en légiférant sans cesse sur l'immigration, vous vous placez sur le terrain dont le Front national fait son principal fonds de commerce. (Exclamations sur les travées du RPR.) Vous croyez lui reprendre des électeurs. Mais c'est le contraire qui se produit. Votre loi n'est pas seulement condamnable au regard des traditions de liberté et d'hospitalité de notre pays, elle constitue une faute politique grave. Ce sera notre honneur de l'avoir jusqu'au bout combattue ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Nous arrivons au terme d'un débat qui, je vous le dis tout net, monsieur le ministre, n'aurait pas dû avoir lieu. Au sein même de votre majorité, des voix autorisées se sont exprimées en ce sens, pas très fort, il est vrai. Mais c'est dire si vous êtes en difficulté !
Cette opinion n'est pas provocatrice, elle correspond à la réalité et aux valeurs essentielles de la République.
Cette discussion n'aurait pas dû avoir lieu, disais-je, et le projet de loi qui porte votre nom, monsieur le ministre de l'intérieur, aurait dû être retiré.
En effet, il s'inscrit dans un processus démagogique de mise en cause de l'étranger.
A l'instar des lois dites « lois Pasqua », la « loi Debré » conforte maintenant un matraquage législatif qui aura pour effet de généraliser la suspicion à l'égard de la population immigrée, qu'elle soit régulière ou non, et c'est mauvais pour la France, monsieur le ministre, à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières.
M. Emmanuel Hamel. Ce qui est mauvais, c'est de tromper les Français par vos analyses !
Mme Hélène Luc. Ceux qui ont lutté contre votre projet de loi avec ces énormes manifestations et ceux qui les ont soutenus ont montré l'état d'esprit de nombreux habitants de la France, sans parler de la solidarité dont ils ont bénéficié.
Mardi soir, les jeunes étaient très nombreux devant le Sénat aux côtés des manifestants. M'adressant à eux, je leur ai rappelé les paroles tenues par le Président Jacques Chirac, la veille, à la télévision. C'est vrai que la jeunesse est formidable, c'est vrai que, dans les écoles, les collèges et les lycées, les jeunes ne font pas entre eux de distinction de nationalité. Ils le disent dans la Charte du citoyen de l'an 2000 qu'ont rédigée des élèves de troisième devenus les sénateurs-juniors d'un jour. Présidant le matin la commission « Solidarité et fraternité », j'ai pu le vérifier, et c'est très réconfortant, monsieur le ministre.
Les « lois Pasqua » ont aggravé l'insécurité de l'ensemble de la population immigrée. La législation relative aux contrôles d'identité, qui a suscité ce que l'on appelle la « chasse au faciès », l'atteste pleinement.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, s'inscrit dans une logique répressive orientée contre l'étranger, logique que nous n'acceptons pas.
Systématisation et fichage des certificats d'hébergement, relevé des empreintes digitales, fouille des véhicules, intervention des forces de police à l'intérieur même des entreprises, la liste est trop longue, elle n'est pas acceptable pour tous ceux qui considèrent que les hommes sont égaux, quelle que soit leur origine, quelle que soit la couleur de leur peau.
Ce texte a une logique, et nous la combattons sans réserve. Il tend à transférer sur l'immigré la responsabilité de tous les maux de la société française.
Nous n'acceptons pas cette logique, qui fait de l'étranger le responsable du chômage, le responsable de l'insécurité, le responsable du déficit de la sécurité sociale.
Soyez sûrs, monsieur le ministre, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, que ce débat progresse en ce moment dans le bon sens.
Nous n'accceptons pas cette logique, qui vise essentiellement à détourner les Français des causes réelles des difficultés actuelles de notre pays. Il faut bannir, radier cette idéologie, qui dissimule les choix du capitalisme, les choix faits de l'argent contre l'homme, qui sont à la source du mal-vivre d'un nombre croissant de nos compatriotes. Malheureusement, je peux en prendre pour preuve la fermeture de l'usine Renault à Vilvorde et les angoisses qu'elle suscite chez les employés comme chez les ouvriers de chez Renault en France. Je sais de quoi je parle, parce qu'il y a à Choisy-le-Roi une entreprise dont les neuf cents salariés craignent pour leur emploi.
Nous n'acceptons pas ce texte qui, finalement, quelles que soient vos protestations, monsieur le ministre, fait la part belle aux thèses xénophobes et racistes du Front national. Ce n'est pas en chassant sur les terres de l'extrême droite que vous la réduirez, même si vous prétendez le contraire.
C'est bien en montrant les causes profondes de la crise de notre société que nous réduirons à néant les thèses de ceux qui font de la haine de l'autre, qui font de l'intolérance leur cheval de bataille odieux.
Nous rejetons ce texte et la pratique qui l'accompagne, empreinte de violence, comme nous l'avons vu hier encore s'exercer à l'encontre des sans-papiers et des grévistes de la faim de Lille.
Manifestement, ce texte est contraire à la Constitution et nous nous associerons à tous recours devant le Conseil constitutionnel. La simple constitution de fichiers nationaux des hébergés et des hébergeants, dont vous avez confirmé l'existence de fait, hier soir, rendue possible grâce aux progrès de la technologie informatique est contraire fondamentalement au respect de la vie privée et de la liberté individuelle.
L'orateur du groupe du RPR nous dit qu'il n'a pas de leçons à recevoir.
M. Philippe François. Il a raison !
M. Serge Vinçon. C'est vrai !
Mme Hélène Luc. Il n'empêche que vous avez dû reculer devant l'ampleur de la protestation.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront donc résolument contre ce projet de loi liberticide et demanderont au Sénat de se prononcer par un scrutin public.
Ils seront aux côtés de ceux qui lutteront, demain encore, pour son retrait. Car nous continuerons dans nos communes, dans nos départements, à nous opposer à des départs de jeunes scolarisés en France - j'en connais - et contre la dispersion des familles.
En se mêlant à ce combat, les intellectuels, les artistes ont rendu service à la France, patrie des droits de l'homme et du citoyen. Tous ensemble, nous continuerons ce combat pour que triomphent la France de la fraternité et la France de la solidarité.
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. Nous arrivons au terme du débat sur le projet de loi modifié portant diverses dispositions relatives à l'immigration. Encore une fois, les vives discussions ont montré combien ce sujet est sensible et déchaîne les passions. Excès verbaux, turbulences médiatiques et valse entre les amalgames et la désinformation n'ont cependant pas trompé la population, majoritairement favorable aux dispositions du présent projet de loi.
M. Claude Estier. Qu'en savez-vous ?
M. Bernard Seillier. Au bout du compte, le texte que nous nous apprêtons à voter, répond aux objectifs fixés dès le départ, c'est-à-dire aborder et apporter des solutions au problème de l'immigration irrégulière de manière ferme et humaine.
Le contrat me semble rempli de façon satisfaisante et je m'en réjouis. Je me félicite dans le même temps de l'accord que suscite la nouvelle rédaction de l'article 1er et, surtout, de l'engagement de M. le ministre d'associer les maires à la procédure de délivrance des certificats d'hébergement, qui relèvera désormais des préfets. Cette liaison entre l'autorité préfectorale, qui appliquera objectivement les règles juridiques, et l'autorité municipale, qui connaît concrètement le terrain au plus près de sa dimension humaine, rendra la procédure plus performante et harmonieuse.
Je tiens à saluer à cette occasion les interventions et les efforts du président Jacques Larché et de notre rapporteur, M. Paul Masson, qui n'a pas ménagé son énergie pour expliquer le pourquoi et le comment des dispositions.
Ce qui compte maintenant est que ce texte puisse aller au terme de son élaboration et entrer en vigueur rapidement, avec l'humanité qui convient. Car nous vivons tout de même à une époque qui, après des siècles de civilisation et hélas ! l'expérience des pires barbaries, doit pouvoir se défendre et défendre son humanisme, sans agressivité ni xénophobie, avertie et protégée au contraire par le devoir de mémoire. C'est cet état d'esprit qui me semble caractériser, au bout du compte, le travail accompli par le Sénat et la méthode suivie par M. le ministre de l'intérieur.
Pour toutes ces raisons, le groupe des Républicains et Indépendants adoptera à l'unanimité ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Chaque fois que l'on traite du thème de l'immigration, nous rajeunissons. (Sourires.) Au gré de débats récurrents, en effet, un texte en discussion en rappelle d'autres, plus anciens, votés et depuis longtemps appliqués. Et, bien entendu, les passions se déchaînent.
J'ai été surpris, je dois l'avouer, par certains propos.
Je relève d'abord des inexactitudes. On nous dit que l'article 10 ne s'applique qu'aux étrangers. Mes chers collègues, cet article s'applique à toutes les entreprises, il ne vise pas uniquement les étrangers.
On nous dit encore que l'article 4 bis - il n'était peut-être pas indispensable, il est vrai - reprend le programme d'un parti d'extrême droite. Je n'avais pas lu ledit programme, mais un de nos collègues socialistes en a donné lecture et je n'y ai pas trouvé l'article 4 bis. Il y a tout de même des limites à la mauvaise foi.
Que l'on conteste le bien-fondé des textes, que l'on dise qu'ils sont juridiquement mauvais ou constitutionnellement dangereux, ce sont des débats bien naturels, et nous les adorons ! (Sourires.) Pour le reste, c'est le Conseil constitutionnel qui tranchera, mais je ferai alors le compte de tous les reproches qui ont été faits et de tout ceux que le Conseil retiendra. J'estime en effet que, compte tenu des précautions que nous avons prises sur deux articles, le texte est parfaitement conforme à la Constitution et aux grands principes qu'a dégagés le Conseil constitutionnel.
Moi, on m'a appris un vieux principe, qui était d'ailleurs l'honneur de la civilisation, et bien avant la République, celui de l'accueil de l'étranger. On le retrouve dans la Bible, dans les Evangiles.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Dans le Lévitique !
M. Jean-Jacques Hyest. Effectivement.
Il est vrai que l'on est toujours écartelé. On aimerait accueillir beaucoup plus d'étrangers, mais, compte tenu des circonstances, il faut, comme on l'a toujours fait du reste, veiller à ce que l'immigration soit contrôlée.
A ceux qui nous disent que l'on précarise l'ensemble des étrangers en luttant contre l'immigration irrégulière, je réponds, moi, que c'est en ne luttant pas efficacement contre l'immigration irrégulière que l'on précarise l'ensemble des étrangers !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Très juste !
M. Serge Vinçon. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Je me réjouis que le projet de loi prévoie - c'était nécessaire - la régularisation dans un certain nombre de cas.
M. Claude Estier. Pas beaucoup !
M. Jean-Jacques Hyest. Si, presque tous les cas ! Je ne sais d'ailleurs pas ce qu'il reste d'étrangers exlpulsables, personne n'a été capable de me le dire. Toujours est-il que, si l'on additionne toutes les personnes ainsi non expulsables, cela revient presque au même.
Mais il faut bien aussi tenir compte du fait que les services chargés de la lutte contre l'immigration irrégulière sont souvent découragés : ils font respecter la loi, ils entendent bien qu'elle s'applique à ceux qu'ils interpellent, mais rien ne suit, et ceux qui devraient être reconduits à la frontière ou expulsés ne le sont pas.
On a trouvé, c'est vrai, face à cela, toute une série de procédures. J'entendais certains de mes collègues parler de la rétention administrative : leurs propos me paraissaient extraordinaires.
La rétention administrative a été instaurée parce que, précisément, l'on ne peut pas exécuter certaines mesures qui ont été décidées soit par un tribunal, soit par l'autorité administrative. On est alors obligé de garder les personnes jusqu'à ce que la décision puisse être exécutée. On nous dit qu'il faut alors les remettre en liberté or il faut surtout les expulser car autrement il n'y a plus aucune efficacité, aucune fiabilité du dispositif. Je crois que l'on se trompe complètement et que l'on oublie totalement pourquoi on a créé la rétention administrative.
Comme je l'ai déjà dit, monsieur le ministre, vous avez constaté l'existence d'un certain nombre de dysfonctionnements dans les procédures et vous apportez, là où il le faut, les aménagements nécessaires, lesquels ne me paraissent absolument pas en contradiction avec ce que peut et doit faire un Etat démocratique. C'est pourquoi mon groupe votera bien entendu ce projet de loi, en souhaitant que nous n'ayons pas à légiférer de nouveau sur ce sujet. Il s'agit maintenant que vous puissiez avoir les moyens de faire exécuter la loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Au terme de ce long débat, je tiens à saluer le courage et la détermination dont M. le ministre de l'intérieur, M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois ont su faire preuve dans la présentation de ce texte et tout au long de sa discussion.
Cette loi permettra enfin de donner aux autorités les moyens efficaces pour lutter contre l'immigration clandestine.
Contrairement à ce que certains ont tenté de faire croire, sans succès, à l'opinion publique, les mesures contenues dans ce texte ne constituent pas une atteinte aux droits des étrangers.
Je comprends parfaitement que la situation économique de certains pays défavorisés conduise leurs ressortissants à vouloir quitter la misère à laquelle ils sont confrontés.
En revanche, je dénonce l'attitude des détracteurs de ce texte, car leur attitude peut contribuer à bercer d'illusions les candidats au séjour en France, les encourageant à penser qu'ils pourraient trouver sans difficulté meilleure fortune dans notre pays, les incitant à y entrer illégalement par tout moyen. Dans la plupart des cas, le destin de ces malheureux serait de se retrouver dans la misère d'ateliers clandestins, dans une nouvelle forme d'esclavage, ce qu'il faut leur éviter.
Je note que ce texte fait ressortir les efforts entrepris par les pouvoirs publics pour parvenir à une meilleure intégration des étrangers en situation régulière.
Monsieur le ministre, nous sommes convaincus que les mesures que vous nous proposez d'adopter sont nécessaires. C'est la raison pour laquelle, avec la majorité des membres de mon groupe, je voterai ce projet de loi. Et je ne crois pas que j'y perdrai mon honneur ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les non-inscrits, dans leur majorité, approuvent les remarques qui viennent d'être faites par les porte-parole des trois grands groupes de la majorité, tout particulièrement par M. Jean-Jacques Hyest.
Pour ma part, je voudrais ajouter que la seconde lecture de ce projet de loi nous a, une nouvelle fois, permis de constater, à nous autres sénateurs des Français de l'étranger, à quel point les étrangers de France étaient mieux traités que tous les Français ou que les étrangers dans la plupart des autres pays du monde.
Il faut souligner qu'aucun autre pays n'accorde des avantages aussi considérables aux personnes qui arrivent de loin, en particulier dans le domaine social. Je puis témoigner qu'aucun pays du monde n'offre aux étrangers toutes les possibilités que nous leur offrons dans le domaine social : aide, entraide, hospitalisation, traitement, toutes les ressources de notre magnifique sécurité sociale, qui reste un exemple.
Il fallait le rappeler car, franchement, il me semble pour le moins anormal, paradoxal, invraisemblable, que plusieurs de nos collègues aient tenté de nous culpabiliser à cet égard - et de toutes les façons - et de donner l'impression que nous nous conduisions très sauvagement, très brutalement envers tous ceux qui viennent chez nous.
Bien au contraire, et les étrangers le savent. A l'occasion de nos fréquentes rencontres, ils me posent d'ailleurs toujours les mêmes questions : que peut-on faire pour vivre en France ? Pouvez-vous nous aider à venir en France ?
Tous souhaitent venir dans notre pays, mais nous ne pouvons pas, bien sûr, répondre à toutes les demandes.
Certaines propositions n'ont pas obtenu l'acquiescement de la majorité des membres de la réunion administrative des sénateurs n'appartenant à aucun groupe, et je précise tout de suite que deux de nos collègues s'abstiendront lors du vote final, pour des raisons qui leur sont propres. Mais, bien entendu, la majorité des sénateurs non inscrits votera, sans aucune hésitation, comme je le ferai moi-même, ce projet de loi, avec l'espoir que l'immigration clandestine, qui est fort nombreuse en France, ce qui est bien compréhensible, pourra être éradiquée et que, grâce à cela, la majorité des étrangers présents chez nous, ceux qui s'y trouvent légalement, pourront y vivre et y travailler en paix, dans un climat de tolérance et de solidarité ; celui qui a toujours fait l'honneur de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat, avant que le Sénat ne se prononce, je souhaite vous adresser mes remerciements.
Je voudrais d'abord remercier tout particulièrement M. Paul Masson, rapporteur de la commission des lois. Je voudrais lui dire ma gratitude et ma reconnaissance admirative.
Merci également au président de la commission des lois, M. Larché, pour sa vigilance et sa compétence mises au service de la loi.
Merci à vous, mesdames et messieurs les sénateurs : vous avez montré que c'était ici et non ailleurs que s'élaboraient les lois de la République.
Merci, d'abord, aux sénateurs de la majorité : ils ont compris l'ambition, l'objectif du Gouvernement.
Ce projet était nécessaire, car si nous voulons que la France garde sa tradition d'accueil des étrangers, les lois de la République doivent être respectées. Oui ! nous sommes prêts à recevoir en France - car telle est notre tradition - des femmes et des hommes d'origines, de cultures, de couleurs de peau différentes, à une condition : qu'ils respectent les lois de la République.
Merci aussi aux sénateurs de l'opposition : leur présence, leurs interventions, leurs amendements, défendus parfois avec passion...
Mme Hélène Luc. Seulement parfois ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... souvent avec talent, honorent le Parlement.
Aux uns et aux autres, j'exprime ma gratitude, la gratitude d'un ministre républicain qui oeuvre pour que la loi, « expression de la volonté générale », pour reprendre l'image de Carré de Malberg, soit la clé de voûte de notre société.
Toute législation doit respecter un équilibre entre la protection des libertés individuelles et la capacité de l'Etat à se prémunir contre ceux qui contestent son bien-fondé.
Monsieur Estier, contrairement à ce que vous affirmiez dans un discours quelque peu fielleux et politicien, le Gouvernement n'a eu de cesse de rechercher et de trouver cet équilibre entre les libertés individuelles et l'autorité de l'Etat. La recherche de cet équilibre, qui est difficile à trouver, j'en conviens, m'a conduit à modifier certaines dispositions de ce projet de loi. Vous avez qualifié mon attitude de volte-face parce que vous faites de la politique et que vous ne parvenez pas à sortir de ces réflexes politiciens ; je dirai, pour ma part, que c'est cela le travail parlementaire.
Votre affirmation n'est pas l'expression de la réalité. J'ai voulu, avec l'ensemble des sénateurs, trouver les meilleurs outils pour lutter contre l'immigration irrégulière, les filières d'immigration illégale et le travail clandestin. Voilà pourquoi j'ai accepté certains amendements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, certains, ici ou ailleurs, ont commencé ce débat en évoquant Vichy. Permettez-moi de le conclure en citant le général de Gaulle. « Je demande à vos pensées, déclarait-il, de se porter vers l'Etat lui-même et le service qu'il doit. Il n'y a eu de France que grâce à l'Etat et la France ne peut se maintenir que par l'Etat, que par un Etat respecté par tous. » (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant l'une, du groupe communiste républicain et citoyen, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 118:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 219
Contre 96

M. Emmanuel Hamel. Un bon vote sur un bon texte !

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