ALLOCUTION DE M. FRANÇOIS BAYROU, MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mesdemoiselles, messieurs les sénateurs-juniors, je veux d'abord relever le fait qu'il y a dans votre assemblée 52 % de jeunes filles. En cette journée de la femme, c'est une bonne chose. (Applaudissements.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous sommes nombreux à souhaiter que les grandes assemblées de la République soient désormais plus équilibrées qu'elles ne le sont aujourd'hui dans leur composition. C'est peut-être aussi un des messages que nous adresse votre nombreuse présence, mesdemoiselles.
Je suis très heureux de prendre la parole à l'invitation de M. le président du Sénat, comme les membres du Gouvernement le font de manière régulière à cette tribune, devant l'exceptionnelle assemblée que vous formez aujourd'hui. C'est la première fois dans l'histoire que des jeunes siègent ainsi sur ces travées.
Je tiens avant tout à vous féliciter pour la qualité du travail que vous avez accompli durant plusieurs mois, d'abord au sein de votre collège, ensuite en commission, et qui connaît son couronnement aujourd'hui, dans le prestigieux hémicycle du Sénat.
Je sais la passion et le sérieux que vous avez mis à remplir la mission qui vous avait été confiée ; c'est cela qui vous vaut aujourd'hui d'occuper la place de celles et de ceux que l'on appelle les « sages de la nation ».
« On ne demande pas souvent aux jeunes ce qu'ils pensent », avez-vous fait remarquer. Je crois que vous avez raison et que, si vous avez souvent l'occasion de vous exprimer, vous n'avez pas souvent celle de vous faire entendre.
Il était donc particulièrement opportun que l'une des plus hautes institutions de la République vous accorde son parrainage et son concours afin que les idées très précises - dont la justesse m'a frappé à la lecture des documents que vous avez préparés, que vous allez débattre avant de voter - que les idées très précises, disais-je, que vous avez sur le monde d'aujourd'hui et sur l'organisation de la société dans laquelle vous vivrez demain votre vie d'homme et de femme soient connues de tous.
La Charte du jeune citoyen de l'an 2000 que vous allez adopter vous donne cette occasion, cette audience que vous souhaitez. Elle sera adressée à tous les collèges de France et elle sera accessible sur le minitel et sur Internet. Elle sera la Charte de l'ensemble des élèves de troisième, dont vous êtes ici les représentants.
Vous venez de tous les départements de la métropole, de tous les départements et territoires d'outre-mer, et vous avez mis à remplir votre mission tant d'enthousiasme que vous retrouver ici est une chose extrêmement heureuse. C'est la preuve que vous avez d'ores et déjà une conscience juste de ce qu'est une vie de citoyen.
Etre citoyen, ce n'est pas seulement connaître la nature et la fonction de nos institutions républicaines ; c'est bien, mais ce n'est pas assez. Vous l'avez compris grâce au programme de votre classe d'éducation civique cette année : être citoyen, c'est plus que cela.
Etre citoyen, ce n'est pas non plus seulement être électeur ; ce n'est pas se contenter, tous les cinq ans ou tous les sept ans, de déposer un bulletin de vote pour exprimer son accord ou son désaccord avec la politique menée par le Gouvernement ou par le maire.
Vous avez compris que, bien au contraire, être citoyen, c'est participer directement et réellement à la vie de la nation ; c'est vouloir influer sur les évolutions de la société afin de rendre celle-ci meilleure, plus harmonieuse, mieux adaptée aux besoins de tous ceux et de toutes celles qui la composent et davantage au service des plus faibles.
Aujourd'hui, vous avez exprimé la conscience que vous aviez de votre responsabilité - c'est le mot le plus important de la démocratie ! - c'est-à-dire la conscience de ce que, aussi faible et aussi jeune que l'on soit, c'est de notre attitude personnelle que dépend notre avenir, l'avenir de ceux qui nous entourent, l'avenir de notre peuple, l'avenir de la société que nous formons ensemble.
C'est ainsi qu'en définissant vos aspirations pour le XXIe siècle vous avez montré que vous vous préparez dès maintenant à prendre un jour en charge le monde qui vous sera transmis et à devenir les acteurs de votre propre destin.
Vous avez accompli la mission qui vous était confiée en en percevant toute l'importance et toute la gravité, en y mettant toute la sensibilité et toute la générosité qui sont celles de votre âge.
C'est à juste titre qu'au travers de tous les articles dont on vous demandait de débattre vous avez mis au premier rang votre souci absolu de justice, de fraternité, de solidarité, et votre hostilité farouche à toutes les formes d'intolérance, de haine et d'exclusion.
C'est pour ce très remarquable travail de réflexion et de discussion, pour cette oeuvre de jeunes citoyens déterminés, responsables et généreux, qui augure bien du millénaire à venir, du siècle dans lequel nous allons entrer, de l'avenir de notre vie démocratique, qu'il était légitime que l'on fasse de vous aujourd'hui des sénateurs d'honneur.
Je tiens à remercier tous ceux qui vous ont aidés dans cette tâche : en premier lieu, M. René Monory, président du Sénat, qui a pris l'excellente initiative de ce concours républicain, Mmes et MM. les sénateurs, qui ont été aujourd'hui vos parrains, les enseignants, qui vous ont accompagnés, encouragés, soutenus et que je suis heureux de saluer tout particulièrement, enfin, le personnel du Sénat, qui vous accueille pour cette séance qui, plus qu'aucune autre, mérite le qualificatif d'exceptionnelle.
Merci à tous d'être venus, parfois de très loin, nous dire quelle devait être, selon vous, la société de demain, celle dans laquelle vous voulez vivre, travailler et être ensemble.

Sachez que nous tous qui détenons pendant un moment une part de l'autorité et de la responsabilité, nous nous attacherons à faire vivre dans les faits cette charte que vous allez solennellement adopter aujourd'hui, 8 mars 1997, et qui donne déjà une idée heureuse de ce que sera le siècle dans lequel nous allons entrer. (Applaudissements.) 3