Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par M. Jolibois.
L'amendement n° 9 rectifié est présenté par M. Hyest.
Tous deux tendent à rédiger comme suit l'article 3 bis :
« L'article 62 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précitée est abrogé. »
Par amendement n° 5 rectifié, M. Hyest, propose de rédiger comme suit l'article 3 bis :
« Après les mots : "de son rédacteur", la fin de l'article 62 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précitée est rédigée comme suit : "sauf si celui-ci entre dans le champ d'application des articles 56 et 58". »
La parole est à M. Jolibois, pour défendre l'amendement n° 8.
M. Charles Jolibois. L'article 62 de la loi de 1971 a rarement été appliqué.
En effet, comme nous l'avons remarqué ce matin en commission des lois, cet article n'est assorti d'aucune santion.
De surcroît, il ne s'est jamais dégagé un accord sur la notion de rédacteur d'un acte au sens légal quand les auteurs sont nombreux, quand cet acte fait l'objet de discussions ou lorsqu'il s'agit d'un acte préimprimé qui a été modifié au moment de sa signature.
Je considère que cet article est en contradiction avec un principe de droit tellement admirable qu'il a d'ailleurs été considéré comme un principe général constituant une véritable avancée par rapport au droit extrêmement formaliste qu'était le droit romain.
Le principe visé est posé par l'article 1134 du code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »
Il suffit que des personnes privées passent une convention entre elles pour que celle-ci soit applicable ; peu importe la désignation du rédacteur de l'acte.
C'est une liberté de faire un acte sous seing privé. Mais il est toujours possible, si les parties le souhaitent, de faire un acte authentique.
La solution adoptée par l'Assemblée nationale était, à mon avis, pire que le mal puisqu'elle supprimait la phrase de l'article 62 qui met en avant la nécessité de couvrir les intéressés par l'assurance de celui qui pourrait être qualifié de rédacteur.
Il était alors apparu, les professions réglementées étant toutes soumises à l'obligation d'assurance, qu'il était préférable de retenir l'idée de la suppression. Ce fut l'objet d'une discussion que nous avons eue en 1990 avec mon collègue M. Dejoie. A l'époque, nous avions été d'accord pour que la mention du rédacteur dans les actes sous seing privé soit écartée puisque la notion de rédacteur n'était pas définie et que le non-respect de l'obligation n'était pas assorti d'une sanction.
Pour toutes ces raisons, j'espère que les amendements identiques que nous avons déposés mon collègue M. Hyest et moi-même, correspondant à la conception de la commission des lois, seront retenus par le Sénat.
M. le président. La parole est à M. Hyest, pour défendre les amendements n°s 9 rectifié et 5 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Après les excellentes explications de notre collègue M. Jolibois, je n'ai rien à ajouter, si ce n'est pour rappeler les propos de M. le rapporteur qui a fait observer que l'acte pouvait avoir plusieurs rédacteurs, voire aucun rédacteur véritablement identifiable, et que l'obligation n'était assortie d'aucune sanction. Si aucune sanction n'est prévue, mieux vaut ne pas édicter d'obligation. Tel est l'objet de l'amendement n° 9 rectifié.
Quant à l'amendement n° 5 rectifié, c'est un amendement de repli. Au cas où le Sénat refuserait d'abroger totalement l'article 62, je propose que la disposition visée ne soit pas applicable aux membres des professions réglementées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 8, 9 rectifié ?
M. Luc Dejoie, rapporteur. Favorable, avec reconnaissance !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Comme chacun le sait, le bicaméralisme est un des caractères principaux de notre régime parlementaire.
M. Pierre Fauchon. Il en fait le charme !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. C'est ce quej'allais dire, monsieur Fauchon ! En tout cas, le garde des sceaux s'en félicite chaque fois qu'il a l'occasion de présenter des textes - et vous le savez fort bien.
Mais le bicaméralisme est un peu comme l'eau qui, selon la théorie du professeur Benveniste, a une mémoire.
M. le président. Monsieur le garde des sceaux, vous évoquez une certaine théorie...
M. Guy Allouche. ... très contestée !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. J'ai bien dit : « selon la théorie du professeur Benveniste. » Je n'ai pas du tout pris à mon compte cette théorie. Vous êtes d'ailleurs mieux placé que personne, monsieur le président, pour l'apprécier ! (Sourires.)
En tout cas, même si ce n'est pas comme l'eau, le bicaméralisme a une mémoire d'éléphant. (Nouveaux sourires.) En effet, à intervalles réguliers reviennent les mêmes débats, sur des sujets de fond extrêmement importants.
En l'occurrence, les mesures qui font l'objet de notre discussion avaient donné lieu, en 1990, à des prises de position divergentes : pour l'Assemblée nationale, l'acte devait mentionner le nom ; pour le Sénat, il ne devait pas le mentionner. Finalement, la commission mixte paritaire a tranché en ne rendant pas obligatoire la mention du nom - elle a donc rejoint la position du Sénat - sous réserve - pour rééquilibrer ! - que le rédacteur justifie d'une assurance de responsabilité civile professionnelle.
Lors de la première lecture de la présente proposition de loi, l'Assemblée nationale a considéré que l'occasion lui était offerte de revenir à sa première position. Elle a donc supprimé la référence à l'assurance de responsabilité civile professionnelle en généralisant l'obligation de désigner le rédacteur.
Naturellement, le Sénat, pour sa part, va estimer qu'il n'y a aucune raison qu'il n'ait pas autant de mémoire que l'Assemblée nationale et va sans doute revenir à la position qu'il avait adoptée avant la réunion de la commission mixte paritaire.
Nous en sommes là ! Par delà cette discussion qui, je suppose, va se poursuivre en deuxième lecture à l'Assemblée nationale dans les mêmes conditions, je souhaite dire un mot sur le fond.
En fait - je rejoins là la conception du Sénat - le défaut de mention de l'identité du rédacteur n'affecte pas la validité de l'acte. C'est tout à fait évident : la mention de l'identité du rédacteur n'est pas prévue sous peine de nullité. Comme l'a indiqué M. le rapporteur, l'obligation n'est assortie d'aucune sanction. Il s'agit simplement de pouvoir identifier la personne qui a établi l'acte.
Mais vous me permettrez d'ajouter que la réglementation de l'exercice du droit a été principalement conçue dans le but d'assurer la protection de l'usager et que la mention du rédacteur constitue une information utile et protectrice pour l'usager.
Dans ces conditions, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat sur les amendements n°s 8 et 9 rectifié, en attendant que le débat reprenne peut-être à l'Assemblée nationale...
M. Luc Dejoie, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie, rapporteur. Je voudrais ajouter une précision : même si le nom ne figure pas sur l'acte, comme il s'agit d'une activité rémunérée, le client pourra toujours identifier le rédacteur au vu de la note d'honoraires.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 8 et 9 rectifié, acceptés par la commission et pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est ainsi rédigé et l'amendement n° 5 rectifié n'a plus d'objet.

Article 4

M. le président. « Art. 4. _ L'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précitée est ainsi rédigé :