M. le président. Par amendement n° 40, MM. Massion, Autain et Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 30, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du 2° de l'article 83 du code général des impôts, après les mots : "affilié à titre obligatoire", sont insérés les mots : "les cotisations de retraite versées à partir du 1er janvier 1998, qu'elles soient ou non, à compter de cette date, immédiatement constitutives d'un droit certain au profit des intéressés". »
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Il est proposé ici de soumettre à l'impôt sur le revenu, sous couvert des limites de déductibilité existantes, les cotisations de régimes de retraite dites « à prestations définies », qui profitent aux salariés titulaires des revenus les plus élevés.
Les cotisations servant à financer des couvertures sociales complémentaires sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur le revenu dans des limites élevées. Ces cotisations ne sont pas considérées comme des compléments du salaire et ne sont donc réintégrées dans l'assiette de l'impôt sur le revenu que pour les titulaires de revenus substantiels, c'est-à-dire à partir d'un salaire mensuel d'environ 70 000 francs.
Afin d'échapper à toute réintégration d'assiette, un certain nombre de régimes de retraite, les régimes « à prestations définies », ont été mis en place aux conditions suivantes : le salarié doit être présent dans l'entreprise lors de son départ à la retraite ; le droit à prestation est subordonné à une présence dans l'entreprise qui est généralement comprise entre dix ans et vingt ans.
Le service de la législation fiscale a admis, depuis 1977, que, dès lors que ces conditions étaient remplies, c'est-à-dire que le droit effectif à retraite n'était définitivement constitué qu'au moment de la liquidation de la prestation, la cotisation de l'employeur ne constituait pas un complément du salaire et échappait totalement à l'impôt sur le revenu.
Ce régime exorbitant du droit commun ne peut être maintenu, et ce pour différentes raisons.
Tout d'abord, selon la nature des régimes de retraite, à cotisations ou à prestations définies, le régime fiscal est différent ; il y a donc atteinte au principe constitutionnel de l'égalité.
En outre, les salariés titulaires des revenus les plus élevés sont les principaux bénéficiaires de ces régimes.
Enfin, la Cour de cassation vient de juger à trois reprises que les cotisations des employeurs à ces régimes constituaient bien, pour les salariés intéressés, un avantage servi à l'occasion du travail et, à ce titre, entraient dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale dès lors qu'ils dépassaient les limites d'exonération qui sont fixées à un niveau comparable aux limites fiscales. Or, en la matière, les règles fiscales et sociales ont été conçues de manière à être cohérentes entre elles.
Il faut également ajouter que la mise en place de tels régimes de retraite constitue une entrave à la mobilité des salariés et qu'elle est, à ce titre, contraire au principe constitutionnel de la libre circulation des personnes. En outre, un certain nombre de salariés qui quittent l'entreprise sans répondre aux conditions posées perdent définitivement tout droit à ce type de régime.
C'est pourquoi l'article 83 du code général des impôts doit, dans un double souci de cohérence avec les règles sociales et d'équité, être modifié.
Ce régime offre par ailleurs un avantage fiscal redondant avec celui qui est proposé à l'article 25 de la présente proposition de loi.
Nous avions présenté un amendement identique lors du débat budgétaire, mais il avait été rejeté par le Gouvernement sans que ce dernier y oppose une argumentation véritablement motivée, puisqu'il s'était contenté d'en renvoyer l'examen au débat sur la proposition de loi qui nous occupe aujourd'hui. Nous avions donc présenté cet amendement en première lecture ; il avait été « évacué » et nous le représentons en deuxième lecture.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Sur l'amendement n° 40, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement avant d'exprimer celui de la commission.
Par ailleurs, monsieur le président, m'autorisez-vous à revenir sur un sujet qui concerne l'article 23 que nous venons d'adopter, et, plus précisément, l'amendement qu'avaient déposé MM. Laffitte et Joly sur cet article, amendement qui n'a pas été soutenu ?
M. le président. Votre demande n'est pas conforme au règlement, monsieur le rapporteur, puisque cet amendement n'a pas été soutenu et que l'article a été adopté.
Cela dit, en explication de vote sur l'ensemble du texte, peut-être pourrez-vous nous dire un mot sur le sujet.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je retiens bien volontiers votre suggestion, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 40 ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Monsieur le président, nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer sur un amendement similaire lors de la première lecture.
La question posée, qui porte sur le régime fiscal des cotisations versées aux régimes de retraite dits à prestations définies, relève de l'interprétation des textes existants, et non de leur modification.
En effet, en matière sociale comme en matière fiscale, des dispositions de portée générale existent qui permettent de déduire de l'assiette des cotisations sociales et de celle de l'impôt sur le revenu les cotisations versées aux régimes de retraites complémentaires et supplémentaires. Cette déduction est plafonnée sur les plans aussi bien fiscal que social.
Ces dispositions ne posent pas de problème d'application quand il s'agit de régimes dits à cotisations définies pour lesquels on sait exactement quel montant de cotisation a été versé pour chaque salarié.
L'application de ces règles est plus délicate pour les régimes à prestations définies, qui se caractérisent par un engagement de l'employeur à verser un certain montant de retraite supplémentaire, généralement aux seuls salariés présents dans l'entreprise à la date de leur départ à la retraite, cet engagement étant financé par un versement global de l'employeur à une compagnie d'assurances.
En matière sociale, la Cour de cassation a effectivement indiqué, par des décisions récentes, que ces versements devaient être pris en compte pour l'appréciation du plafond de déduction des cotisations de retraites complémentaires et supplémentaires.
La matière fiscale paraît relever du niveau de l'instruction et non du niveau de la loi. Par conséquent, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
Je tiens à apporter une précision, pour répondre à une question posée un peu plus tôt dans le débat par M. le rapporteur, et apaiser les craintes qu'il a exprimées tout à l'heure.
Supposons qu'un salarié perçoive une rémunération de 200 000 francs avant la mise en place des plans d'épargne retraite ; qu'après la mise en place d'un plan, son employeur lui consente un abondement de 8 000 francs, alors que ce salarié effectuerait un versement de 2 000 francs. Dans une telle hypothèse, l'enveloppe serait complètement utilisée, et la rémunération prise en compte fiscalement serait alors de 198 000 francs.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je suis heureux que M. le ministre nous ait fait part de son interprétation, dont la conformité avec ce que la commission avait elle-même imaginé se trouve ainsi confirmée. Il est utile que les travaux préparatoires fassent état de cette convergence d'interprétation.
Sur l'amendement n° 40, compte tenu de sa réponse, j'exprime un avis défavorable, au nom de la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Intitulé du chapitre VI