M. le président. « Art. 11. _ L'article premier de la loi du 15 juillet 1845 est ainsi complété :
« Cette disposition s'applique à l'ensemble du réseau ferré national. »
Sur l'article, la parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet article 11 a toutes les apparences de l'article de coordination et il atteste en fait du caractère pour le moins discutable du texte avec affirmation à travers des articles clés - articles 1er, 6 ou 14, par exemple - de quelques principes, occultation de nombreuses questions - disparition de la procédure tout à fait obligatoire de contrat de plan, rémanences de TVA, alourdissement des charges financières réelles de la SNCF ou encore rupture du principe d'auto-assurance, rupture de l'unicité du réseau et de l'infrastructure, etc. - et assaisonnement avec des dispositions de caractère rédactionnel comme l'illustre cet article.
Pour autant, l'article 11 consacre le classement de la voirie représentative du réseau apporté à Réseau ferré de France en grande voirie.
Cela signifie, certes, qu'un certain nombre de contraintes sont appliquées à ce réseau, comme nous le verrons dans l'exposé des amendements que nous avons déposés sur cet article.
Mais cela implique aussi, selon nous, de revenir sur une question assez fondamentale, qui est celle de l'extension future de notre réseau ferré.
RFF va en effet devenir le maître d'oeuvre en matière de construction de lignes nouvelles, dont les plus importantes opérations seront la construction de la ligne Paris-Est...
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Ah oui !
M. Claude Billard. ... et celle de la ligne Paris-Méditerranée.
Il conviendrait d'ailleurs, éventuellement, en matière de réseau à grande vitesse ou de réseau de classe 1 à 4 de s'interroger sur la mise en chantier, ou au moins la mise à l'étude, d'un certain nombre de projets particuliers comme l'amélioration de la traversée ferroviaire du Massif central, le développement du ferroutage ou encore la liaison ferroviaire Rhin-Rhône qui peut et doit compléter le schéma d'irrigation du territoire par le réseau ferré.
On rappellera ici que RFF devra mener cette action dans un contexte de fort endettement vis-à-vis de la SNCF et d'absence notoire de ressources propres si ce n'est les hypothétiques dotations en capital que lui accordera l'Etat, au long de sa difficile existence.
Il conviendra donc, selon nous, d'éviter qu'un montage financier hasardeux n'ait comme conséquence de permettre la construction de lignes dont RFF ne sera pas véritablement l'aménageur, ni la SNCF l'exploitant principal.
Enfin, se posera ultimement la question de savoir ce que la filialisation éventuelle des activités de RFF et l'essaimage de son patrimoine pourront avoir comme conséquences sur la rédaction de l'article 1er de la loi du 15 juillet 1845.
En conclusion, fidèles à notre opposition de principe au projet de loi, nous ne voterons pas cet article.
M. Charles Pasqua. Grande surprise ! (Sourires.)
M. le président. Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 63 est présenté par MM. Garcia, Bony, Chervy, Courteau, Fatous, Mélenchon et Peyrafitte, et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 186 est déposé par MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 11.
Par amendement n° 187 rectifié, MM. Billard, Leyzour et Minetti, et les membres du groupe communiste républicain citoyen proposent de rédiger comme suit l'article 11 :
« Le personnel de l'établissement public national visé au premier alinéa de l'article 1er, assurant la sûreté dans les emprises ferroviaires est composé d'agents publics ou d'agents de la Société nationale des chemins de fer français mis à disposition. »
La parole est à M. Garcia, pour défendre l'amendement n° 63.
M. Aubert Garcia. Monsieur le président, monsieur le ministre, vous seriez tous les deux surpris si, par cohérence avec notre position depuis le début du débat, je ne présentais pas, sur cet article également, un amendement de suppression. Vous vous interrogeriez longuement sur la raison pour laquelle celui-là y aurait échappé ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 186.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Par cet amendement, nous proposons de supprimer l'article 11.
Il s'agit, vous l'aurez compris, d'un amendement de cohérence, qui confirme notre opposition à la création de l'établissement « Réseau ferré de France ».
En effet, que dit l'article 11 ? Je reprendrai les excellentes explications de M. le rapporteur.
Cet article étend à l'ensemble de RFF les dispositions de l'article 1er de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer.
Rappelons les termes de cet article : « Les chemins de fer construits ou concédés par l'Etat font partie de la grande voirie. »
Par « grande voirie », expression fort ancienne de notre droit, il faut entendre les fossés, talus, levées, ouvrages d'art et propriétés riveraines des routes et, depuis 1845, des chemins de fer.
Je ne reprendrai pas l'ensemble du développement, fort intéressant, fait par M. Gerbaud dans son rapport.
Pour nous, le problème se situe ailleurs, sur ce que l'application de cet article nous fait entrevoir de l'évolution de RFF.
Je m'explique. La SNCF dispose d'un service assurant la police des chemins de fer : la Surveillance générale.
Dans les débuts du chemin de fer, au siècle dernier, chaque réseau disposait déjà d'un service d'enquête et de police. En 1938, lors de la création de la SNCF, ces différents services ont été regroupés pour constituer la Surveillance générale.
Les agents, qui sont assermentés, sont habilités à constater toutes les infractions à la police des chemins de fer telles que définies dans la loi du 15 juillet 1845, complétée par le décret du 22 mars 1942, confirmé à la Libération.
Compte tenu des missions qu'ils peuvent être amenés à exercer, ces derniers sont armés, ce qui les différencie des agents de sociétés de gardiennage traditionnelles.
Pour assurer cette mission, la SNCF a mille huit cents agents, qui sont d'ailleurs trop peu nombreux. Comment RFF, tel qu'il nous est présenté, avec ses cent cinquante agents, pourra-t-il assurer cette mission ? Cela veut-il dire que RFF va évoluer dans une direction que l'on veut nous cacher, c'est-à-dire vers une société de plusieurs milliers de salariés ?
Nous ne pouvons accepter que la SNCF soit dépossédée de ces missions traditionnelles.
Compte tenu de ces mesures et de notre opposition, je vous demande, mes chers collègues, d'approuver cet amendement de suppression de l'article 11.
M. le président. La parole est à M. Renar, pour défendre l'amendement n° 187 rectifié.
M. Ivan Renar. Avec notre amendement n° 187 rectifié, nous proposons une nouvelle rédaction pour l'article 11.
Nous avons tracé, à l'occasion de la défense de l'amendement n° 186 tendant à la suppression de l'article, un bref historique de ce qui devait aboutir au service chargé de la sûreté à la SNCF.
Je voudrais apporter quelques précisions sur ce problème. Observons au demeurant que nous parlons de sûreté et non de sécurité, terme réservé à la SNCF en ce qui concerne la circulation ferroviaire proprement dite.
Il y a deux services de sûreté à la SNCF : la brigade de sécurité des chemins de fer, qui relève du service central de la police de l'air et des frontières et qui compte environ 500 policiers opérant exclusivement en banlieue, et la surveillance générale de la SNCF.
Le rôle des agents de ce service consiste essentiellement à éviter les agressions contre les voyageurs et les personnels, à prévenir les vols de marchandises et de matériels, à empêcher le dépôt ou le jet d'objets sur les voies, qui peuvent avoir des conséquences dramatiques, et enfin à lutter contre les attentats et les alertes à la bombe, comme c'est le cas en ce moment.
Les personnels de ce service sont assermentés et habilités à constater les infractions à la police des chemins de fer, telles que définies dans la loi du 15 juillet 1845, complétée par le décret du 22 mars 1942 et confirmée à la Libération.
Je l'ai dit, compte tenu des missions qu'ils peuvent être amenés à exercer, notamment dans les gares de triage pour lutter contre le pillage des wagons, ces derniers sont armés, ce qui les différencie des agents des sociétés de gardiennage traditionnelles.
C'est pour cette raison, notamment, qu'il est important de préciser dans la loi, compte tenu de l'ensemble des mission que je viens de décrire, que le personnel de l'établissement public national Réseau ferré de France - puisque c'est ainsi que le Sénat a décidé de l'appeler - qui est chargé de la sûreté dans les emprises ferroviaires reste composé d'agents publics ou d'agents de la Société nationale des chemins de fer français mis à disposition.
Je pense que notre amendement comble une lacune dans un texte qui reste trop évasif sur le personnel de RFF chargé de la sécurité dans les emprises ferroviaires. L'article 10, qui aborde ce problème, ne le résout pas, selon nous.
Y aura-t-il un personnel spécifique ? Mais alors, le chiffre de 150 salariés sera dépassé.
Fera-t-on appel à des sociétés de gardiennage ? Compte tenu du caractère extrêmement difficile de leur mission, les risques de dérapage seraient grands.
La meilleure solution, à notre avis, est de mettre à disposition de RFF une partie des agents du service de sûreté générale de la SNCF, et que seuls ces derniers soient habilités à intervenir.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous demande, mes chers collègues, d'approuver notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 63, 186 et 187 rectifié ?
M. François Gerbaud, rapporteur. Sur les amendements de suppression n°s 63 et 186, la commission suit sa logique et émet un avis défavorable.
Il en est de même, par cohérence - quelque intérêt que l'on ait eu à écouter M. Renar - pour l'amendement n° 187 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Sur les amendements n°s 63 et 186, le Gouvernement émet un avis défavorable, car l'article 11 est nécessaire à la cohérence du projet.
Il en est de même de l'amendement n° 187 rectifié : le personnel de l'établissement public sera recruté en fonction des compétences nécessaires pour exercer les missions qui lui sont attribuées. Il va de soi que ce sera notamment le cas pour des personnels appartenant aux services de l'Etat et de la SNCF, mais sans exclusive envers les uns ou les autres.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 63 et 186, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 187 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'article 11 est adopté.)

Article 12