M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, ma question s'adresse également à M. le ministre de l'économie et des finances et porte sur le même sujet, à savoir la situation du Crédit foncier de France. (Ah ! sur les travées socialistes.)
Comment ne pas regretter avec vous, monsieur le ministre, que de 1988 à 1993 les dirigeants du Crédit foncier de France aient engagé cet établissement sur des marchés de financement immobilier spéculatifs et périlleux...
M. Gérard Delfau. C'est lamentable !
M. Serge Vinçon. ... sans que les tutelles n'aient été exercées dans des conditions satisfaisantes ?
M. Philippe François. C'est exact !
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas le problème !
M. Serge Vinçon. Ne peut-on pas regretter que le Crédit foncier de France ait acquis pour 7 milliards de francs d'immeubles à crédit qui lui ont fait perdre 4 milliards de francs en moins-values ? (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Serge Vinçon. Comment peut-on nier aujourd'hui que ce sont ces risques excessifs qui sont la cause des dettes d'un montant de plus de 10 milliards de francs, constatées à la fin de l'année 1995 ?
Le Crédit foncier de France, ne l'oublions pas, est une entreprise de droit privé, dont les dirigeants sont curieusement nommés par l'Etat, et nous partageons la position du Gouvernement, qui refuse de faire participer les contribuables français au financement de ce qui deviendrait une troisième banque publique.
Comment ne pas condamner la trop longue et inadmissible séquestration du gouverneur, explicitement soutenue par le dirigeant d'une grande centrale syndicale, ce qui amène certains journaux américains à titrer à la une : « Pour négocier en France, d'abord prendre un otage » ? Quelle image et quelle réputation pour la France !
Nous savons - vous venez de le rappeler, monsieur le ministre - que la préoccupation principale du Gouvernement dans cette affaire est la situation des personnels et le retour à une situation financière saine du Crédit foncier de France. Dans cette perspective, monsieur le ministre, pouvez-vous préciser au Sénat l'état d'avancement de ce dossier, maintenant que la décision tardive de libération du gouverneur est intervenue ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, je vous remercie de me permettre d'aller plus loin dans l'information que doit le Gouvernement au Parlement.
D'abord, je voudrais qu'il soit bien clair que si, aujourd'hui, nous avons à rechercher la meilleure solution possible pour préserver les intérêts du personnel du Crédit foncier de France, c'est parce que plus de 10 milliards de francs de pertes ont été constatés en 1995...
M. Gérard Delfau. C'est contestable et vous le savez, monsieur le ministre !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... sur des opérations immobilières aventureuses lancées entre 1988 et 1993, et M. Delfau le sait bien.
M. Alain Gournac. Ils ont perdu la mémoire !
M. Jacques Mahéas. Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. En aucune façon, contrairement à ce que l'on a pu dire, ce n'est la disparition du monopole et la conversion des prêts PAP en prêts à taux zéro qui ont conduit à cette situation. Vous ne trouverez aucun élément dans les résultats de 1995 qui fasse apparaître une dégradation du résultat du fait de ce changement de financement du logement social. Prétendre le contraire, c'est soutenir une contrevérité. C'est contre cette contrevérité qu'il faut s'élever.
Si, aujourd'hui, nous avons un problème au Crédit foncier de France, c'est parce que les aventures des années 1988 à 1993 ont provoqué près de 11 milliards de francs de pertes.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. C'est cela la vérité !
Aujourd'hui, nous ne voulons nous enfermer ni dans un calendrier, ni dans une option unique. Nous estimons que le recours au contribuable n'est pas la bonne réponse. On ne va pas, vous l'avez dit, monsieur le sénateur, constituer une nouvelle banque publique : ce n'est pas le sens de l'histoire.
Il faut donc trouver un partenaire. J'ai toujours dit que cette recherche devait se faire dans le respect de l'identité et des contraintes du Crédit foncier de France et de ce partenaire. Aujourd'hui, un seul partenaire s'est manifesté, et c'est le Crédit immobilier. C'est avec lui qu'il faut essayer de trouver une bonne réponse.
M. Gérard Delfau. Merci, monsieur Périssol !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Si d'autres partenaires se manifestent, il est clair que le Gouvernement sera à l'écoute de ces propositions. Mais, que je sache, à ce jour, aucun autre ne s'est manifesté. La porte est ouverte. Nous ne nous enfermons pas dans un calendrier étroit. Il y a, bien sûr, l'hypothèse du résultat de 1996 qui nous donne du temps, mais, dans les jours à venir, l'analyse sera faite, et M. Rouvillois va y contribuer.
On verra, dans ce résultat, ce qui relève de marges récurrentes et ce qui relève d'éléments exceptionnels.

Eléments exceptionnels, c'est par exemple la commission que verse chaque année l'Etat au Crédit foncier de France au titre de la gestion de l'encours des prêts PAP, soit 1,7 milliard de francs...
M. le président. Monsieur le ministre...
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Pardonnez-moi, monsieur le président. J'abrège ma réponse puisque je sais qu'une troisième question sur le Crédit foncier de France sera posée. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Nous savons que dans cinq ans cette marge aura chuté de moitié.
M. Gérard Delfau. Il n'est pas bon !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Il y a aussi d'autres éléments exceptionnels. Justice sera faite de cette hypothèse dans la transparence ; c'est la préoccupation du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, je demande la parole car j'ai été mis en cause par M. le ministre !
M. Charles Pasqua. Personne n'imaginerait vous mettre en cause, monsieur Delfau ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Delfau, je ne peux vous donner la parole en l'instant, car il n'y a pas de droit de réponse lorsqu'il s'agit des questions d'actualité.

POLLUTION DE L'AIR