M. le président. Par amendement n° 9, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« 2° A sa radiodiffusion par voie hertzienne terrestre à l'exclusion de sa diffusion dans le cadre de tout programme musical destiné à un public d'abonnés ou à tout autre public déterminé, non plus qu'à la distribution par câble ou à la diffusion par satellite simultanées et intégrales de cette radiodiffusion. »
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Notre amendement vise à préserver l'intégrité et l'esprit de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose du régime de la licence légale, notamment en matière de radiodiffusion de phonogrammes publiés à des fins de commerce.
Lorsque la loi de 1985 a été votée, les services de radiodiffusion existant diffusaient tous en mode analogique par voie hertzienne terrestre des programmes destinés à un public indéterminé, avec, dans de rares cas, une reprise à l'identique sur les premiers réseaux câblés. Il y avait donc unité entre le vecteur utilisé et l'activité des services concernés.
Ce sont ces services qui ont été visés sous le terme « radiodiffusion » dans l'article 22 de la loi du 3 juilllet 1985, devenu l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, mais en aucun cas la diffusion par satellite à titre primaire.
Le législateur a, par ailleurs, clairement exclu du champ de la licence légale la câblo-distribution primaire, qui était l'unique vecteur, à l'époque, des services vis-à-vis des consommateurs et constituait une activité de même nature que la vente de phonogrammes dans les magasins de détail ; il s'agissait de services interactifs, c'est-à-dire de services en ligne fournissant des phonogrammes à la demande mais également des services assimilables, de fait, à des services interactifs, tels les services à thématique musicale distribués à un public d'abonnés.
Or l'évolution technologique a abouti à ce que ces services utilisent désormais le satellite, et bientôt la voie hertzienne grâce au DAB.
Pour prendre le cas des bouquets de programmes - par exemple, « Multimusic » sur Canalsatellite - le numérique leur permet d'offrir à un public d'abonnés des dizaines et, un jour, des centaines de programmes musicaux sans publicité ni animateur et avec une qualité sonore proche de celle du disque compact.
Dans ces conditions, il convient d'éviter que la loi de transposition de la directive sur la radiodiffusion par satellite et la retransmission par câble n'étende le champ d'application de la licence légale à ces nouveaux services dès lors qu'ils emprunteraient la voie satellitaire, voire la voie hertzienne terrestre.
A ce sujet, les considérants du préambule de la directive sont clairs.
Considérant n° 15 : « Considérant que l'acquisition contractuelle des droits exclusifs de radiodiffusion doit être conforme à la législation sur les droits d'auteur et les drois voisins en vigueur dans l'Etat membre où a lieu la communication au public par satellite. »
Considérant n° 21 : « Considérant qu'il est nécessaire de veiller à ce que la protection des auteurs, des artistes-interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion soit accordée dans tous les Etats membres et qu'elle ne soit pas soumise à un régime de licences prévu par la loi, que c'est le seul moyen d'éviter que d'éventuelles disparités du niveau de protection à l'intérieur du marché commun ne donnent lieu à des disparités de concurrence. »
Notre proposition a donc pour objectif de confirmer le sens donné par le législateur, en 1985, au terme « radiodiffusion » à l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, et je vous demande de bien vouloir l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Laffitte, rapporteur. La commission comprend, bien entendu, l'inquiétude des producteurs de phonogrammes, qu'elle a elle-même reçus, devant la multiplication des nouveaux services, qui ne sont d'ailleurs pas les seuls visés par cet amendement.
Mais il ne lui semble pas possible de régler le problème dans le cadre de ce projet de loi, par le biais d'un amendement qui vise à soustraire au régime de la licence légale la diffusion hertzienne terrestre de phonogrammes du commerce par des services thématiques qui seraient assimilés ainsi à des services interactifs.
Cette solution serait, en outre, contraire à la directive n° 92-100 sur les droits voisins.
Je remercie Mme Pourtaud d'avoir soulevé un problème qu'il nous faudra en effet étudier de façon approfondie compte tenu de l'émergence des nouvelles techniques d'information et de communication, du développement du DAB et du développement des services interactifs. Les conséquences de ces différentes évolutions ont d'ailleurs été évoquées avec brio par M. Ralite.
Il y a là réelle matière à réflexion, mais la question ne me paraît pas susceptible d'être clarifiée au moyen d'un amendement qui ne peut évidemment que s'apparenter à un cavalier par rapport au texte en discussion, bien qu'il y trouve, d'une certaine façon, une relative place logique.
Pour toutes ces raisons, et en particulier parce qu'il est contraire à la directive n° 92-100 sur les droits voisins, la commission est hostile à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Madame le sénateur, la disposition que vous proposez est très importante, parce qu'elle entraîne des modifications considérables qui devraient appeler un minimum de concertation entre les artistes-interprètes et les producteurs. En effet, nous ne pouvons prendre seuls une telle décision « antiartistes interprètes ». Aujourd'hui, vous le savez, pour que de telles réformes soient acceptées, la concertation est nécessaire entre les producteurs et les artistes. On ne peut pas abandonner le « 50/50 » comme vous nous le proposez.
De plus, parce qu'il vise à transformer profondément la licence légale instituée par l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, cet amendement dépasse amplement le champ de la directive à transposer.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Je découvre cet amendement à l'instant et j'ai écouté Mme Pourtaud avec la sympathie que je lui porte.
Si la loi de 1985 a institué les droits voisins, elle a aussi institué les droits des producteurs de phonogrammes et, pour ma part, j'avais considéré à l'époque qu'il s'agissait là d'un début de copyright à la française.
J'ai donc besoin d'une étude plus approfondie sur cette question parce que cette loi, je le répète, concerne à la fois les artistes et les producteurs de phonogrammes. Nous avons donc intérêt à les faire se rencontrer pour apprécier à quel point de la lecture du texte ils sont parvenus.
Sans m'opposer a priori à cet amendement, il me semble néanmoins prématuré. Dans la conférence où j'envisage de réunir des artistes, des juristes, des chercheurs et des industriels producteurs, il y a là un thème à débattre.
Je trouve qu'il est utile d'avoir, grâce à cet amendement, évoqué une question qui se pose effectivement. Je n'en crains pas moins une décision qui serait prise dans l'immédiat, sans qu'en soient assurés tous les fondements et je vous mets en garde contre le danger qu'il y aurait à ne pas prendre en compte l'avis d'un partenaire essentiel, dont les manifestations de rues montrent la déstabilisation actuelle.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je voudrais dissiper tout malentendu.
Notre amendement n'a nullement pour objet de modifier la répartition « 50/50 » instituée par l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle ! Il vise simplement à lever une ambiguité sur les modes de support.
Je comprends les réserves de M. le rapporteur et de M. Ralite et je veux bien considérer que mon amendement est, en quelque sorte, un amendement d'appel.
Toutefois, le Gouvernement ne s'est pas engagé clairement sur le moment où nous procéderons à un réexamen de ce dossier. Si M. le ministre me rassurait à ce sujet, j'accepterais, éventuellement, de retirer mon amendement. Mais, pour l'instant, je n'ai pas entendu de réponse à cette question que j'avais déjà évoquée dans mon intervention liminaire.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Madame le sénateur, convenez qu'il est important de défendre les artistes-interprètes aussi.
Mme Danièle Pourtaud. Je suis tout à fait d'accord avec vous !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Aujourd'hui, un débat sur l'interactivité est ouvert dans le cadre de l'OMPI. Dès que ces discussions internationales s'achèveront, nous y verrons un peu plus clair et nous pourrons envisager d'aborder la concertation entre les producteurs et les artistes-interprètes.
Je m'associe complètement aux propos de M. Ralite, qui rejoignent très exactement mon propre exposé.
M. le président. Madame Pourtaud, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Danièle Pourtaud. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 9 est retiré.

Article 5